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Open Science
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2,023
Education plurilingue et élèves nouvellement arrivés : pratiques enseignantes contextualisées en Europe. Linguistique. Normandie Université, 2022. Français. ⟨NNT : 2022NORMR068⟩. ⟨tel-04032612⟩
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French
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L2. Sur le terrain, on appelle ces personnes les étrangers et on n’imagine pas qu’ils voudront vivre définitivement en Pologne. Les politiques populistes et les textes officiels prônent aussi cette perspective (Łodziński, 2017)136. En conséquence, même la glottodidactique polonaise tarde à aller au-delà de la réflexion sur le PLE et commence seulement depuis peu à réfléchir aux fonctions du polonais comme langue seconde, notamment pour les ENA de plus en plus nombreux dans les classes polonaises. 4.4.4. Polonais langue seconde Le polonais langue seconde (pl. język polski jako drugi – JPJ2, désormais PL2) est une appellation qui a tout d’abord été utilisée pour désigner l’ordre chronologique de l’acquisition des langues (Arabski, 1985). La glottodidactique polonaise parle du PL2 depuis seulement quelques années. Le statut de l’enseignant du PL2 n’est pas reconnu dans les circulaires ministérielles, tout comme la dénomination « polonais langue seconde » qui est sous l’ombre de celle utilisée aussi dans le langage courant à l’école à savoir « polonais langue étrangère » (pl. polski jako jezyk obcy – JPJO), (Gębal & Majcher-Lęgawiec, 2016). 4.4.4.1. La définition de PL2 Dans les travaux didactiques, la question de la L2 apparait pour la première fois en 2003 dans le titre de l’ouvrage de Ewa Lipińska137 mais, il s’agit plutôt de l’acquisition des langues en contexte bilingue. Alors, la définition du PL2 est proposée pour la première fois par Władysław Miodunka en 2010 et elle correspond à celles que l’on retrouve chez les didacticiens français (Cuq & Gruca, 2002) et anglo-saxons (Crystal, 1989; Johnson & Johnson, 1998) : la terminologie de l’enseignement de la langue polonaise comme seconde sera utilisée en référence avec l’enseignement de la langue polonaise en Pologne aux enfants immigrés et réfugiés politiques, ainsi que les enfants appartenant aux Le sociologue polonais Sławomir Łodziński (2017) analyse l’opinion des Polonais sur les réfugiés durant la période entre mai 2015 et mai 2017 et son impact sur l’aide qui pourrait leur être offerte par les Polonais. Il remarque que l’opinion publique sur les musulmans se dégrade fortement à la suite du discours antimigrant du nouveau gouvernement populiste polonais (élu en 2015). Or il note que les représentations concernant les immigrés venant de pays slaves ne changement pas et que les Polonais se sentent toujours prêts à accueillir les Ukrainiens au cas de conflit politique. 137 Traduction des titres de Ewa Lipińska (2003) : Langue nationale, langue étrangère, langue seconde. L’introduction aux études sur le bilinguisme (pl. Język ojczysty, język obcy, język drugi. Wstęp do badań dwujęzyczności). Plus tard, chez Agnieszka Rabiej et Agata Fuks (2009) : J’aime le polonais! Le Manuel pour le polonais comme langue seconde pour les enfants (pl. Lubię polski! Podręcznik do nauki języka polskiego jako drugiego dla dzieci). 136 172 minorités nationales / ethniques, utilisant dans l’environnement familial une autre langue que le polonais (Miodunka, 2010 : 240) 138. En outre, Władysław Miodunka (2010) évoque l’enseignement du PL2 dans le cas des enfants et adolescents d’origine polonaise, apprenant cette langue dans d’autres pays que la Pologne139. Or il existe plusieurs débats sur les définitions dans les travaux des didacticiens polonais. Par exemple, Jadwiga Cieszyńska (2006) postule que la langue allemande apprise par les élèves polonais vivant en Autriche est « une langue fonctionnellement première, dans laquelle l’enfant acquiert le savoir sur le monde »140. Plus récemment, Marcin Łączek estime que « pour les élèves polonais scolarisés dans les écoles anglaises, la langue anglaise est une langue fonctionnellement première, alors que la langue polonaise est une langue nationale seconde (...) » (2018 : 78) 141. Cependant, dans les travaux de Dorota Czykwin et Elżbieta Misiejuk (2002) l’appellation « langue nationale comme seconde » a utilisée dans le contexte de l’apprentissage de la langue ukrainienne par les Ukrainiens en Pologne. Les débats sur la définition montrent que la L2 peut avoir différents rôles et un poids différent selon les situations et les individus. L’acquisition d’une L2 peut donc se placer sur une sorte de continuum selon ses fonctions dans la vie de chacun. Przemysław E. Gębal et Urszula Majcher-Lęgawiec (2016) proposent de parler de trois cas différents : - Le polonais langue étrangère (pl. jezyk polski jako obcy) : pour les apprenants à l’étranger ou ceux ne planifiant pas un long séjour en Pologne ; le but étant d’acquérir une compétence communicative et une compétence interculturelle ; Notre traduction de la citation oryginale : „nauczanie polszczyzny jako języka drugiego będzie używany [...] w odniesieniu do nauczania języka polskiego w Polsce dzieci imigrantów i uciekinierów politycznych oraz dzieci na leżących do mniejszości narodowościowych, używających w środowisku rodzinnym języka innego niż polskiego” (Miodunka, 2010 : 240). 139 Comme le remarque Anna Szybura (2016), les travaux des chercheuses Ewa Lipińska et Anna Seretny (2013) auprès des descendants de Polonais aux Etats-Unis leur permettent de voir une différence entre le polonais des personnes immigrées l’utilisant au quotidien en Pologne et, le polonais utilisé par les émigrés polonais à Chicago. Dans ce dernier cas, elles proposent de parler d’une langue héritée. La langue seconde est pour elles « une langue non-maternelle des apprenants, ayant le statut légal (officiel) dans le pays dans lequel ils l’apprennent » (Lipińska & Seretny, 2013 : 26). Ainsi, cette langue sert de langue de communication quotidienne mais aussi d’une langue de scolarisation. Selon les chercheuses, pour les enfants d’origine polonaise aux Etats-Unis, la L2 sera la langue anglaise, et la langue héritée est la langue polonaise. 140 Notre traduction de la citation originale : „Język niemiecki [L2] staje się językiem funkcjonalnie pierwszym, kodem, w którym zdobywana jest wiedza o świecie” (Cieszynska, 2006 : 149). 141 Notre traduction de la citation originale : Zgodnie z powyższą definicją dla polskich dzieci, które uczęszczają do angielskich szkół, angielski jest językiem funkcjonalnie pierwszym, podczas gdy polski jest językiem ojczystym jako drugim (dalej: JOJD), a francuski czy hiszpański – językami obcymi” (Łączek, 2018 : 78). - Le polonais langue héritée (pl. jezyk polski odziedziczony)142 ; - Le polonaise langue seconde (pl. jezyk polski jako drugi) : apprenants migrants enfants et adultes, vivant en Pologne, le but étant le travail, l’éducation, la vie quotidienne, menant jusqu’à l’acculturation et l’inclusion de ce public Anna Seretny et Ewa Lipińska remarquent aussi que « la langue d’accueil reprend les fonctions de la langue première et notamment celle de la langue de scolarisation (d’éducation) » (2013 : 3)143 des élèves immigrés. Plus récemment, Anna Szybura (2016) reprend cette idée. En effet, la chercheuse remarque que deux tiers d’élèves ne maitrisent pas le polonais à leur arrivée à l’école. Elle rappelle l’étude de Halina Grzymała-Moszczyńska et al., (2016) qui note des lacunes concernant le vocabulaire disciplinaire et celui concernant le discours scolaire. Ainsi, en s’inspirant des travaux français sur le FLS (Cuq & Gruca, 2002) et FLSco (VerdelhanBourgade, 2002), Anna Szybura (2016 : 100) propose d’introduire dans la glottodidactique polonaise, le terme « polonais, langue d’éducation scolaire » (pl. polski język edukacji szkolnej – PJES) qui correspondrait plutôt au FLSco, auquel elle attribue trois fonctions : 1.Langue d’une discipline scolaire permettant entre autres le bon fonctionnement et la communication à l’école ; 2.Langue comme médium permettant l’acquisition des savoirs disciplinaires par exemple grâce au vocabulaire spécialisé qui devrait être travaillé en concertation de tous les enseignants et spécialistes en glottodidactique ; 3.Langue comme outil de réalisation de soi donc du développement individuel et social qui ne peut se faire sans connaissance de la langue (Szybura, 2016 : 100). Pourtant le dernier point mentionné par la chercheuse n’a pas de lien direct avec la dénomination « polonais langue d’éducation scolaire » puisqu’il ne s’agit pas de fonction de la langue aidant à la réussite scolaire. Les fonctions se référant à la construction de soi évoquées dans le point 3 rejoignent plutôt celles vues en FL2 et non pas en FLSco. Paweł Gębal et Urszula Majcher-Lęgawiec concluent que ces débats dévoilent « le chaos terminologique » (2016 : 195), ce qui ne favorise pas l’institutionnalisation du polonais L2 et la nouvelle profession qui en découle, celle de ’enseignant de PL2. Certains chercheurs en didactique des langues parlent de la langue héritée « język odziedziczony » (JO) synonyme de la langue nationale comme seconde « język ojczysty jako drugi » (JOJ2), ce qui peut s’approcher des situations des enfants d’origine polonaise parlant cette langue et parfois étant scolarisés dans cette langue mais vivant en dehors de la Pologne (Lipińska & Seretny, 2013). Or, selon la signification du mot « nationale » présentée ci-dessus, il serait important de poser la question du point de vue sociolinguistique, à savoir, si les locuteurs en question considèrent la Pologne comme sa nation et si effectivement, ils hiérarchisent la langue polonaise comme la seconde langue nationale dans leur propre répertoire verbal. 4.4.4.2. Les orientations did actiques Malgré le manque de programmes officiels, plusieurs recommandations concernant l’enseignement-apprentissage auprès des ENA sont proposées par les didacticiens dans deux ouvrages, le premier intitulé Différent à l’école polonaise : le guide pour les enseignants travaillant avec les élèves étrangers (Bernacka-Langier, Janik-Płocińska et al., 2010)144, le deuxième : Vers l’école multiculturelle en Pologne est une proposition des programmes pour les cycles 1, 2 et 3145 (Bernacka-Langier, Brzezicka et al., 2010). Les deux publications ont été éditées par la ville de Varsovie qui s’intéresse aux ENA étant donné les flux importants des immigrés depuis les années 2000. Ses auteurs s’y réfèrent au CECRL (2001), aux recherches menées par les didacticiens auprès des apprenants du PL2, mais aussi aux expériences didactiques issues de l’échange Comenius entre les écoles de Cardiff (Pays de Galles) et Varsovie. Ils proposent ainsi les programmes pour l’enseignement des ENA (Bernacka-Langier et al., 2010) qui s’appuient sur les nouveaux curricula et sur les socles de compétences proposées par le ministère d’éducation polonais (2009). Ils soulignent aussi l’importance de l’éducation interculturelle qui pourrait s’enrichir de la présence des élèves pluriculturels dans les classes (Bernacka-Langier et al., 2010) mais qui, jusqu’à lors est peu mentionnée par les recommandations ministérielles. Ainsi, les auteurs postulent de compléter le socle en y inscrivant le programme de PL2 qu’ils proposent et dont les quatre principaux objectifs sont : préparer des élèves étrangers à poursuivre la scolarisation à l’école polonaise ; pré des élèves à fonctionner dans la réalité culturelle polonaise ; poursuivre le développement linguistique des élèves étrangers dans leurs langues d’origine ; atteindre la compétence communicative en polonais langue seconde au niveau proche de A2, défini par le CECRL (Bernacka-Langier et al., 2010 : 32). Aussi, on ajoute que leurs propositions sont conformes aux objectifs des programmes de l’enseignement des langues vivantes concernant la connaissance des outils linguistiques (lexicaux, grammaticaux, orthographiques et phonétiques), la compréhension orale, la production orale, l’interaction dans une conversation, la reformulation. Notons également que les compétences lexicales, grammaticales et socioculturelles définies dans les deux ouvrages se Inny w polskiej szkole : poradnik dla nauczycieli pracujących z uczniami cudzoziemskimi. 2010. BernackaLangier, Anna, Barbara Janik-Płocińska, Agnieszka Kosowicz, Ewa Pawlic-Rafałowska, Marta PiegatKaczmarzyk, Gaweł Walczak, Zuzanna Rejmer, Jolanta Wasilewska-Łaszczuk, et Małgorzata Zasuńska. 145 Ku wielokulturowej szkole w Polsce. Pakiet edukacyjny z programem nauczania języka polskiego dla I, II,III etapu kształcenia. 2010. Anna Bernacka-Langier, Elżbieta Brzezicka, Stenia Doroszuk, Przemysław Gębal, Barbara Janik-Płocińska, Agnieszka Marcinkiewicz, Ewa Pawlic-Rafałowska, Jolanta Wasilewska-Łaszczuk, Małgorzata Zasuńska/ 144 175 réfèrent aux différentes disciplines scolaires. Pour finir, les auteurs préconisent que les enseignants soient qualifiés et formés en didactique du PL2 et, lorsqu’il n’y en a pas dans l’établissement, on suggère que le cours de PL2 soit donné par un enseignant de langue vivante étrangère et non par un enseignant de PLM car la didactique de celle-ci est différente. On suggère également une approche par projets, une didactique plurilingue et interculturelle, ainsi qu’un apprentissage à l’aide des outils NTIC (ang. Computer-Assisted Language Learning : CALL). Et enfin, on recommande une aide didactique pour les ENA avec les besoins ifs particuliers. D’autres travaux en glottodidactique polonaise mettent l’accent sur la place des textes littéraires dans l’enseignement du polonais aux apprenants étrangers (Achtelik, 2004; Cyzman, 2011; Dunin-Dudkowska & Trębska-Kerntopf, 1998; Hejda, 2015; Seretny, 2006; Wojenka, 2008). Certains les considèrent comme une voie permettant l’entrée dans la culture du pays d’accueil, l’approfondissement des compétences linguistiques et le contact avec la langue authentique (Seretny, 2006 ; Wojenka, 2008) et rappellent que ces textes littéraires apparaissent aussi à l’examen de certification en polonais au niveau intermédiaire et avancé (Cyzman, 2011). Bien que d’autres restent sceptiques car trouvent que les textes littéraires sont trop poétiques, remplis de métaphores et ainsi sont difficiles à comprendre par un public étranger (Achtelik, 2004, entre autres). 4.4.4.3. PL2 et les langues des élèves Dans la proposition de programme pour le polonais L2 de Bernacka-Langier et al. (2010), l’objectif primordial dans le contexte d’enseignement-apprentissage aux ENA est la promotion du plurilinguisme et de la pluralité culturelle en lien avec les voies promues dans les recommandations européennes. Les auteurs soulignent l’importance du droit pour tous de s’exprimer dans sa L1 et du développement du bi-plurilinguisme non seulement chez les élèves favorisés concernés par le bilinguisme, mais aussi chez ceux issus de l’immigration, venant parfois des milieux défavorisés. Ainsi, les auteurs soulignent que l’intégration sociale des immigrés et la promotion de tout type de plurilinguisme devraient être la priorité de chaque système scolaire. De plus, on suggère la transmission des savoirs culturels, historiques, géographiques et disciplinaires basée sur les méthodes CLIL/EMILE, ainsi que sur l’éducation interculturelle (Bernacka-Langier et al., 2010). Enfin, les travaux en glottodidactique polonaise s’intéressent aussi au plurilinguisme des apprenants d’une troisième langue 3 ou 4, par exemple ceux qui apprennent une langue vivante 176 après la langue anglaise (qui chronologiquement est souvent la L2) (Gębal, 2008 ; Kucharczyk, 2018). 4.5. La comparaison des spécificités didactiques des trois contextes En expliquant l’évolution des didactiques du français, de l’italien et du polonais, nous avons pu observer certaines problématiques communes et des différences liées aux idéologies concernant les langues. Dans cette partie, nous tenterons de comparer les histoires linguistiques, sociolinguistiques et didactiques de trois langues concernées. Cette comparaison doit aider à comprendre les orientations didactiques qui s’opèrent dans les trois systèmes scolaires. Certaines préoccupations de ces didactiques sont communes. La première est celle de la maitrise de la langue du pays car la question de la langue est un « lieu » de l’identité nationale et de l’unification des pays. De ce fait, l’enseignement de la L2 marqué par les différentes histoires nationales doit être contextualisé. La deuxième préoccupation montre des traces de différentes dynamiques des didactiques de la LM, LE et L2 dans les logiques de formation pour les enseignants ce qui, en conséquence, peut impacter sur leurs pratiques en classe. 4.5.1. Des approches monolingues vers les approches plurilingues Concernant les différences majeures de l’évolution de l’enseignement des langues dans ces trois contextes, nous constatons tout d’abord une longue histoire monolingue de la France. Les didacticiens français sont d’accord sur le fait que la maitrise de la langue française exerce un « pouvoir symbolique » (Bourdieu, 1977) puisqu’elle devient le seul levier pour la réussite scolaire des élèves (Vigner, 2001 ; Goigoux & Bautier, 2004, entres autres). Le monolinguisme à la française est donc un phénomène culturel et intellectuel basée principalement sur la valorisation des compétences écrites. En Italie, après la 2ème Guerre Mondiale, émerge l’effort vers une forme de monolinguisme. Cependant, existe aussi une réalité dialectale forte, le plurilinguisme est donc culturel et pragmatique (GISCEL,1975 ; Chini, 2004 ; Vedovelli, 2014 ; Fusco, 2017). C’est pour cette raison que l’uniformisation de la langue est vécue comme une opposition, alors qu’en France dès le début de l’école, on a éradiqué les différentes variantes du français, ainsi que les langues régionales. En Pologne, la volonté de sauvegarder la langue polonaise pendant plus d’un siècle d’occupation du pays, puis, l’effacement des langues régionales pendant la période communiste 177 a forgé une représentation de la nation monolingue (Lisek, 2011), à tel point que les variations ne sont pas perçues dans la vie sociale, médiatique et d’autant moins dans l’enseignement de la langue polonaise à l’école. Certes, depuis les années 2000, grâce aux politiques de l’Union européenne, on assiste à une valorisation des langues régionales mais l’approche variationniste en didactique de la LM est encore inexistante. De ce fait, il s’agit des trois approches idéologiques différentes qui sur le terrain de l’école se présente de manière qui suit. En France, on donne la priorité à l’écrit, qui sert à stabiliser la norme, sans traiter de nombreuses variations de la langue. En Italie la priorité est attribuée à la grammaire unique qui stabilise la langue ainsi qu’à l’analyse transparente du système linguistique qui ne s’oppose pas aux dialectes oraux. En Pologne on parle de l’approche par la littérature patrimoniale 146 qui permet de construire l’identité nationale, sans s’arrêter sur le système linguistique et les variations orales. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas de grammaire, de l’écrit ou de la littérature dans les autres contextes, mais cela montre que la priorité, en termes de certaines thématiques traitées, est liée à chaque contexte sociolinguistique. Ceci est donc intégré comme une évidence dans les cultures éducatives que nous travaillons. Aussi, on remarque sans surprise que l’école française survalorise l’écrit qui depuis longtemps est considéré comme une forme discursive plus formelle plus gratifiante. Alors qu’en Italie et en Pologne, l’oral a sa place légitime notamment dans les évaluations de toutes les disciplines et notamment aux épreuves du baccalauréat et à l’université. Certes, ces choix didactiques des trois pays ont pour objectif de valider la réussite éducative des élèves, mais ont aussi un impact sur les pratiques enseignantes en classe et sur la prise en compte des langues-cultures des ENA. Car effectivement, à l’école française, le plurilinguisme est négligé ou perçu avec une certaine méfiance du fait que l’intérêt principal se focalise sur la maitrise de la langue française (Varro, 2012). A l’école italienne, les compétences plurilingues des élèves sont une norme, c’est pourquoi on risque de ne pas remarquer le besoin de didactiser les situations d’enseignement-apprentissage s’appuyant sur les L1 des élèves (Tomassetti, 2014). A l’école polonaise, le plurilinguisme est ignoré car il est récent. Cependant, l’ancienne génération des enseignants n’hésite pas à s’appuyer sur l’intercompréhension entre les langues slaves pour la communication, même si les pratiques de valorisation des L1 sont rares. La jeune génération tente d’utiliser d’autres compétences en langues, par exemple en anglais (Pamuła-Behrens & Hennel-Brzozowska, 2017). 146 Toutefois une place importante dans les programmes des cours de polonais au lycée est donnée à la littérature européenne (les grandes œuvres allemandes, anglaises, françaises et autres). 178 A ce propos, on remarque que le polonais est une langue parlée qu’en Pologne, c’est pourquoi l’apprentissage des langues étrangères est fortement promu à l’école. Savoir communiquer dans une autre langue est une compétence recherchée et un véritable atout dans la vie socio-professionnelle. Cette tendance semble être également visible dans les écoles française et italienne étant donné un certain engouement pour les écoles des « petits » bilingues, les classes européennes, bilingues et les filières des langues vivantes dans les universités mais aussi, pour les méthodes CLIL/ EMILE (Balboni & Coonan, 2014 ; Hélot & Erfurt, 2016). s, cette mode concerne surtout la langue anglaise et éventuellement des langues voisines : l’allemand et l’espagnol. Enfin, plusieurs recherches françaises montrent aussi que les enseignants s’intéressent au plurilinguisme de leurs élèves et cherchent des outils pour le valoriser dans l’enseignement de la L2 (Auger, 2005, 2010 ; Hélot, 2007, Clerc, 2008 ; Miguel Addisu, 2017, entre autres). En ce sens, on pourrait dire que la Pologne se situe à l’extrême d’un continuum (le refus de l’altérité langagière pour garantir l’identité polonaise), et l’Italie à une autre extrême (la valorisation de l’altérité au sein de l’italien comme garant de l’identité italienne). La France cherche une sorte d’équilibre que la question des inégalités sociales met à mal ; l’altérité langagière parait être le signe des inégalités à l’œuvre mais aussi, le signe d’une identité nationale plurielle. Ces tensions, on l’a vu, se déclinent en termes didactiques pour la question de l’enseignement de la L2, qui reste donc très contextualisé dans les trois pays. 4.5.2. Les didactiques contextualisées des L2 En étudiant les histoires des différentes didactiques des L2, nous avons pu observer quelques alliances qui se sont construites au fil du temps. Tout d’abord en France, la didactique du FLE transforme la didactique du FLM, elle l’influence par exemple sur la question de l’importance de l’oral et ceci peut être remarqué dans la conception des orientations en didactique du FLS. Ensuite, en Italie, la problématisation de la didactique de l’ILM est déjà variationniste ce qui influe sur la didactique de l’italien L2 qui considère d’emblée les ENA comme des plurilingues (en France cette question a été posée très tardivement). De plus, en Italie, c’est la didactique d’IL2 qui semble faire émerger la didactique d’ILE. Enfin, en Pologne il existe le clivage entre la didactique du polonais LM et LE qui ne communiquent pas ensemble. Cependant, certains didacticiens qui observent les perspectives de la didactique des langues en Europe, commencent à réfléchir au développement de la didactique du PL2 mais aussi à la prise en compte du CECRL en didactique du PLM. 179 Cependant, dans tous les cas, il existe quelques points communs concernant l’enseignement des LM dans les trois pays. Tout d’abord, on étudie principalement les textes littéraires en s’appuyant sur le principe que les élèves comprennent et s’expriment dans cette langue. Il s’agit de travailler sur la langue formelle et littéraire et le développement des compétences écrites et orales. En outre, on s’appuie sur une norme concernant l’orthographe, la ponctuation et la grammaire. Par conséquent, les élèves défavorisés et ceux non-natifs peuvent rencontrer des difficultés à comprendre les savoirs aires en cours de français, italien, polonais LM147. Concernant la didactique de la L2, dans les trois contextes, on mobilise des notions communes (L2, langue de scolarisation, compétences en langues, plurilinguisme), indépendamment des contextes, même si elles ne sont pas travaillées de la même manière. Elles s’inspirent principalement des études de plusieurs disciplines de lettres, sciences humaines et sociales anglo-saxonnes ou de langue anglaise (cf. Krashen, 1986 ; Skutnabb-Kangas, 1081 ; Hymes, 1972 ; Hawkins, 1984 ; Cummins, 1979, 2000, 2008 ; Vigotsky, 1934 ; Chomsky, 1965 ; Goffman, 1967 ; Gumperz, 1934 ; Bruner, 1977 ; Piaget, 1984 ; Halliday, Bauman, 1997, entre autres), et parfois francophones (cf. Lüdi & Py, 1986 ; Candelier, 2003 ; Cuq & Gruca, 2002 ; Coste, Moore & Zarate, 1997 ; Cuq, 2003 ; Dubois, Marcellesi et al., 2001, entre autres). De plus, les chercheurs en Italie et en Pologne se réfèrent aux travaux francophones, germanophones et autres. Cela dit, les recherches locales apportent un regard contextualisé sur la situation spécifique de chaque pays. Un lecteur français peut ainsi découvrir un certain nombre d’études polonaises et italiennes permettant de mieux comprendre les situations d’enseignement-apprentissage des langues dans ces contextes. Toutefois, ces traditions didactiques s’ancrent à la fois dans l’entrée idéologique de chaque pays et dans un chapeau commun qui est le Conseil de l’Europe. On s’appuie alors sur les apports des chercheurs européens non pas pour le plan de la dissociation de l’oral et de l’écrit, mais sur les questions du développement de toutes les compétences en langues à la base du CECRL mais aussi sur celle de l’enseignement de la L2 (cf. Starkey & Byram, 2003 ; Van Avermaet, 2006 ; Cummins, 2011 ; Beacco et al. 2016, entre autres). Cette question de l’équilibre entre l’écrit et l’oral a d’ailleurs déjà été traitée en didactique des LE dans les trois pays. 147 Rappelons aussi que dans les travaux des chercheurs français, italiens et polonais, on trouve différentes appellations pour parler de la langue de scolarisation. Il semblerait qu’en France et en Italie, la dénomination communément admise est celle de la « didactique de langue maternelle » ; en Pologne, on parle plutôt de la didactique de « langue nationale ». 180 En outre, on commence à s’emparer des thématiques relatives au développement de la compétence plurilingue et interculturelle promue aussi par les travaux du Conseil de l’Europe (cf. Byram et al., 2003 ; Coste, Moore, Zarate, 1997 ; Candelier et al., 2012, entre autres). Par conséquent, les propositions en lien avec les approches plurielles présentées dans le CARAP peuvent permettre à valoriser les élèves de toute origine, de toute langue et culture. Ainsi, l’encrage de notre sujet en didactique des langues-cultures semble être justifié puisque les questions de la langue de scolarisation et de la prise en compte du plurilinguisme des élèves concernent toutes les disciplines tous les contextes scolaires. Conclusion du chapitre 4 Dans ce chapitre, il s’agissait de mettre en avant quelques précisions linguistiques, sociolinguistiques et didactiques de chacune des langues. Celles-ci nous paraissent essentielles pour mieux imaginer les difficultés des ENA – apprenants de ces langues, mais aussi pour mieux comprendre les choix didactiques dans chaque pays. L’approche historique a permis de montrer des concepts clés présents dans les formations des enseignants influant sur leurs pratiques en classe. Néanmoins, nous avons pu observer que la réciproque est également vraie puisque les usages des langues et les pratiques didactiques de l’enseignement de la langue de scolarisation ouvrent des pistes de recherche contextualisées pour chaque pays. Quant au lien entre l’enseignement de la L2 et la construction de la compétence plurilingue, il apparait presque absent dans des contextes marqués historiquement et institutionnellement par la promotion de l’unité de la nation homogène culturellement et linguistiquement. En effet, à différents moments de l’histoire, les trois pays présentés ici menaient une politique monolingue où le maintien de la langue était lié soit à la volonté d’une certaine hégémonie, comme en France (cf. chapitre 4.2), soit à la survie d’une nation comme en Pologne (cf. chapitre 4.4). A contrario, en Italie, l’idée du rassemblement de la population n’a pas été promue étant donné une forte présence des variétés linguistiques du pays (cf. chapitre 4.3). Néanmoins, la maitrise de la langue de scolarisation est exigée dans les trois systèmes éducatifs et souvent soutenue par les populations qui veulent partager les valeurs d’unité nationale. De ce fait, la recherche des constituants communs auprès du Conseil de l’Europe ouvre la possibilité de construire des réponses didactiques ou des formations en lien avec les perspectives contextualisées. Dans le chapitre suivant, nous allons analyser les différentes 181 approches plurielles promues par l’Europe (cf. Candelier et al., 2012), qui permettent le développement de la compétence plurilingue chez les élèves. 182 Chapitre 5 : Prise en compte du plurilinguisme des ENA conceptualisation Dans ce chapitre, nous souhaitons présenter les principes qui guident notre conception du plurilinguisme ainsi que des perspectives éducatives issues de la didactique du plurilinguisme (L. Dabène, 1994 ; Candelier, 2003 ; Troncy, 2014, entre autres) pour le contexte d’enseignement auprès des ENA. L’idée que le plurilinguisme est un atout, est promue par le Conseil de l’Europe, dès la publication du Portfolio européen des Langues (CoE, 1997), puis dans le Cadre européen commun des références pour les langues (CECRL, CoE, 2001) ainsi que le Cadre de référence pour les approches plurielles des langues et des cultures (CARAP, CoE, 2012). La valorisation des compétences plurilingues des ENA est également mentionnée par la Commission européenne (Rapport Eurydice, 2019)148 et dans les rapports des évaluations internationales de PISA (OCDE, 2016ab ; 2018, cf. chapitre 2). Nous partons ainsi du constat soutenu par plusieurs chercheurs européens, à savoir : lorsque les ENA rejoignent le système éducatif du pays d’accueil, ils possèdent des acquis antérieurs en leurs langues-cultures qui nécessitent à être pris en compte dans ce nouveau contexte d’enseignement-apprentissage. Le champ de la didactique du plurilinguisme est relativement nouveau, pourtant, les travaux et les débats ques puisent dans les apports des recherches sur le bilinguisme qui remontent déjà à plusieurs décennies (Hélot & Erfurt, 2016). Ci-après, nous nous appuyons sur les références incontournables francophones et anglophones qui nous permettent de mieux comprendre un certain nombre de phénomènes et concepts liés au plurilinguisme des élèves et qui sont, pour la plupart d’entre eux, connues et citées dans d’autres pays comme l’Italie et la Pologne. Il s’agit tout d’abord de définir le biplurilinguisme à travers sa dimension sociale qui agit sur les représentations, les tensions et les dichotomies entre la L1 et la L2 (partie 5.1). Ensuite, en s’appuyant sur la définition de la compétence plurilingue, nous présentons les spécificités de son développement en termes cognitifs et les enjeux qui en découlent pour les situations d’enseignement-apprentissage auprès des ENA (partie 5.2). Enfin, plusieurs chercheurs en didactique des langues-cultures ont Marisa Cavalli rappelle que « L’Union Européenne, en 2003, invitait déjà à « adopter une approche holistique de l’enseignement des langues établissant des liens appropriés entre l’enseignement de la langue “maternelle”, des langues “étrangères”, de la langue dans laquelle l’instruction est dispensée et des langues des communautés migrantes » (Cavalli, 2008 : 15). développé les approches et ont analysé les pratiques permettant la prise en compte des savoirs, savoir-faire et savoir-être plurilingues et pluriculturels des élèves en classe. Nous présentons ici les concepts développés autour de l’éveil aux langues, de l’intercompréhension, de la didactique intégrée des langues, de l’interculturel ainsi que du translanguaging (García & Wei, 2014 ; cf. partie 5.3) qui serviront d’appui pour l’analyse des pratiques déclarées par les enseignants sur nos trois terrains. Pour conclu , nous interrogerons la place du plurilinguisme dans les politiques linguistiques et éducatives des trois pays et plus particulièrement dans les recommandations ministérielles à l’égard de la scolarisation des ENA. Finalement, tout au long de ce chapitre nous utilisons deux termes « bilinguisme » et « plurilinguisme », sans pour autant oublier qu’ils font partie de divers positionnements des chercheurs en France et ailleurs. Ici, le bilinguisme se réfère aux travaux fondateurs sur l’acquisition des langues en contexte bilingue. Le terme « plurilinguisme » sera pourtant privilégié pour parler des ENA, du fait qu’ils viennent de différents horizons multilingues et sont majoritairement plurilingues149. Par conséquent, même si les études sur le plurilinguisme émergent du bilinguisme, il est important de rappeler le paradoxe qui peut ressortir des modèles « bilingues » présentés, à savoir une sorte « d’équilibre ou de déséquilibre » qui « maintiennent cette forme de dichotomie, mais véhiculent souvent l’idéal inatteignable d’un bilinguisme parfait » (Coste, Moore, Zarate,1997 [2009] : 10). 5.1. La dimension sociale du plurilinguisme 5.1.1. Quelle définition pour une personne « plurilingue »? « Plurilingue » est un mot composé de pluri- et de -lingue, tiré du latin lingua qui signifie « langue ». La définition de « plurilingue » telle qu’on la retrouve dans les dictionnaires d’usage commun des trois langues ne correspond pas à tous les cas des individus plurilingues. Dans l’actuelle édition du dictionnaire Larousse, la première acception de l’adjectif « plurilingue » signifie « qui emploie couramment plusieurs langues ». La définition du Robert en ligne est plus objective, car plurilingue désigne entre autres celui « qui parle plusieurs langues ». Le dictionnaire de la langue italienne (Garzanti 150 ) donne la même définition. Alors que le A ce propos, nous souhaitons rappeler qu’en langue française, il existe deux termes « plurilingue » et « multilingue ». Le premier se réfère à l’individu plurilingue, et le deuxième à l’espace ou la société, dite « multilingue ». En anglais, on utilise plutôt le terme « multilingal », même si on peut trouver « plurilingual » dans la version anglaise du CARAP (2012) : « A framework of reference for pluralistic approaches to languages and cultures ». ctionnaire Treccani nous informe que « plurilingue » correspond plutôt au territoire où on parle plusieurs langues, alors que « multilingue » 151 veut dire « un individu ou un groupe ethnique qui connait ou parle diverses langues. Dans le Dictionnaire de la langue polonaise (Słownik Języka Polskiego) le vocable « wielojęzyczny » (wielo – plusieurs ; języczny – langues) est « celui qui utilise plusieurs langues »,152 mais son substantif « wielojęzyczność » est expliqué comme « la compétence d’utiliser couramment plusieurs langues »153. Il est aussi important de noter que dans la langue courante polonaise, on utilise plutôt le vocable « poliglota », dérivé du grec « poluglôttos » (polus - nombreux ; glôtta – langue). Le même mot « poliglotto » est utilisé en italien154.alors qu’en français le mot « polyglotte » semble être déjà désuet155. Il en résulte que les définitions communes dans les trois langues reflètent une certaine ambiguïté, évoquée aussi par François Grosjean à propos du bilinguisme (2015). En effet, plusieurs définitions d’abord du « bilinguisme » et ensuite du plurilinguisme se sont basées sur les exemples des personnes considérées comme des bilingues parfaits, parlant couramment les deux langues, donc qui ressemblent aux locuteurs natifs (par exemple des traducteurs, interprètes, professeurs de langues), (cf. Bloomfield, années 1930). Mais, comme l’évoque André Martinet, cette perfection est un idéal en quelque sorte utopique : À côté de quelques rares virtuoses linguistiques qui, au prix d’un constant exercice, réussissent à maintenir nettement distincts deux médiums, voire plus, une observation soigneuse ne révélerait-elle pas dans une écrasante majorité de cas au moins quelques traces d’un amalgame structural? D’autre part, ne pouvons-nous pas imaginer toute sorte de cas intermédiaires, se situant entre chacun de ceux qui suivent ; un unilingue qui passe d’un style à un autre ; un locuteur d’un substandard qui est capable, en cas de nécessité, de polir son langage pour le rendre proche du standard ; un patoisant qui graduellement et pour toutes sortes de raisons pratiques améliore son langage et passe du registre de la familiarité désinvolte au comportement le plus policé, en fait au standard ; un autre patoisant qui va traiter sa langue vernaculaire et le standard comme deux registres clairement distincts avec des structures largement divergentes? (Martinet, 1953 in Languages in contact d’Uriel Weinreich traduit par Andrée Tabouret-Keller, 2001 : 31). Ce propos du linguiste français paru dans la préface de la publication d’Uriel Weinreich « Languages in Contact » (Weinreich, 1953) résonne avec la conception du bilinguisme que 151 https://www.treccani.it/vocabolario/multilingue/ Pl. „posługujący się wieloma językami”: https://sjp.pl/wieloj%C4%99zyczny 153 https://sjp.pl/wieloj%C4%99zyczno%C5%9B%C4%87 154 https://www.garzantilinguistica.it/ricerca/?q=poliglotta 155 https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9P3246 152 185 propose le chercheur américain c’est-à-dire, l’utilisation de manière alternée de deux ou plusieurs langues. Par la suite, d’autres chercheurs poursuivent la même direction, par exemple, selon le linguiste italien Tullio de Mauro, le plurilinguisme est « la cohabitation soit de types différents de sémiose, soit d’idiomes différents, soit de différentes normes de réalisation d’un même idiome (...) [c’est] une condition permanente de l’espèce humaine, et donc de toute société humaine » (De Mauro, 1977 : 74) 156. Cette définition holistique nous parait particulièrement pertinente, car elle met l’accent sur le fait que les langues, dialectes ou registres puissent faire partie intégrante d’un être humain au point de l’habiter. Dès lors, la coprésence n’évoque pas uniquement l’usage quotidien de plusieurs langues, mais elle renvoie à l’identité même de chaque individu. Et en effet, le plurilinguisme nous entoure de chaque côté, sans parfois que nous nous en rendions compte. Il n’est pas « une exception, il n’y a rien d’exotique, d’énigmatique, il représente simplement une possibilité de normalité » (Lüdi & Py Ainsi, même l’habitant d’un pays où on cultive depuis longtemps une politique monolingue, est amené à observer et à vivre des situations de contact des langues survenant dans différents moments de la vie (tourisme, déplacements professionnels, mariage mixte, apprentissage d’une LV à l’école). Dans cette optique, les enseignants des pays auxquels nous nous intéressons ont du moins pu vivre les situations plurilingues dans leurs vies personnelles et, s’ils sont confrontés au plurilinguisme dans leurs classes, ils seront amenés à le comprendre par le prisme de leurs propres expériences et leurs représentations. Cependant, il est intéressant de savoir comment se construisent les représentations sociales sur le plurilinguisme. Nous tenterons d’examiner cette question dans la partie ci-suit. 5.1.2. Les représentations sociales du plurilinguisme Les représentations sociales du plurilinguisme sont inévitablement liées au contexte historique et culturel de chaque pays (chapitre 4). Georges Lüdi et Bernard Py (1986 : 98) définissent la notion de représentations sociales comme : des microthéories socialement partagées et prêtes à l’emploi, suffisamment vagues pour faciliter un large consensus et une application étendue. Comme les attitudes, les représentations sociales sont étroitement liées à des fragments de discours en circulation dans une communauté donnée. Il est certain que les représentations sociales s’invitent plus ou moins inconsciemment dans toutes les relations humaines et notamment celles des enseignants et les élèves. Les deux 186 chercheurs expliquent que les opinions, les stéréotypes, les représentations demandent une certaine intégration et une organisation argumentative complexe. Elles différèrent ainsi des attitudes qui sont liées plutôt aux comportements positifs et négatifs des personnes vis-à-vis d’un phénomène comme langue (Lüdi & Py, 1986). Cependant, dans le cas des enseignants, les attitudes négatives ne sont pas toujours visibles ou exprimées, car elles sont soumises à une éthique du métier qui demande de traiter tous les élèves sur le même pied d’égalité. A contrario, les représentations sociales sont généralement considérées comme évidentes, elles sont donc argumentées de manière implicite dans les discours. C’est ainsi que l’analyse des contenus et du discours permet de percevoir certaines croyances et connaissances courantes des enseignants face aux L1 des élèves. En outre, si on prend en compte le manque des formations des enseignants concernant le plurilinguisme des ENA (cf. chapitre 8), il est évident qu’un certain nombre de leurs connaissances est basée sur les représentations sociales. Cela peut impacter les postures professionnelles auprès des ENA et, a fortiori, les pratiques enseignantes. 5.1.3. La vision diglossique du bilinguisme Alors, comment le bi-plurilinguisme peut-il être perçu au niveau social? Si l’approche fonctionnelle permet de considérer que le bilinguisme parfait n’existe pas et que les différentes langues sont utilisées en fonction des situations (Hélot, 2007 ; Grosjean, 2015), l’usage du bilinguisme est souvent considéré en termes dichotomiques (Coste, Moore, Zarate, 1997). Ainsi, on distingue des situations opposées dans lesquelles les langues sont pratiquées : professionnelle vs privée ; scolaire vs familiale, formelle vs véhiculaire, entre autres (Fishman, 1967 ; Lüdi & Py, 1986). Cette opposition des situations est aussi désignée par le terme de « diglossie » introduit par Joshua A. Ferguson (1959) qui juxtapose une langue nationale et un dialecte ou une langue régionale. D’une part, il s’agit d’une langue utilisée dans une sphère haute (high), publique, formelle comme le français à l’école, d’autre part, il est question d’une langue basse (low) parlée dans la sphère intime, à la maison : un dialecte ou une langue de l’immigration, non reconnue socialement. Ainsi, Georges Lüdi et Bernard Py (1986 : 13) utilisent ce concept pour parler des situations plurilingues des migrants et ils commentent ce déséquilibre de façon suivante : « les termes mêmes High et Low suggèrent un rapport de pouvoir. Ferguson les a choisis sciemment. Employer la variété H signifie occuper une position de force ; choisir L connote un manque de prestige, une position socialement inférieure ». La diglossie vue comme une situation stable par Joshua A. Ferguson (1959) et considérée plus tard comme un choix conscient (Lüdi & Py, 1986) était aussi vu comme un choix sous-estimant les 187 conflits qui existent dans les situations de contact des langues (Calvet, 2002 ; Tabouret-Keller, 2006). Car les auteurs rappellent que dans des situations de migration, les politiques d’unification linguistique de plusieurs pays européens ont créé le déséquilibre qui privilégie la langue officielle du pays et qui ignorent les langues d’origines des individus. Dans les trois pays de notre recherche, les ENA vivant dans une situation de diglossie. En France, les observations en milieu scolaire confirment que les représentations négatives des enseignants rendent certaines minorités invisibles dans le but d’homogénéité des pratiques langagières en faveur de la domination du français (Auger, 2007; Miguel Addisu & Sandoz, 2015). Cette tension entre la langue minoritaire, dominée et majoritaire, dominante peut être perçue dans d’autres pays dans lesquels on ignore la L1 des ENA, comme le reflètent certaines recherches auprès des enseignants polonais (Pamuła-Behrens & Hennel-Brzozowska, 2017). Enfin, selon les situations et les régions (bilingue ou non) dans lesquelles arrivent les enfants migrants ou selon les réseaux 157 communautaires dans lesquels ils vivent, les situations diglossiques deviennent par extension polyglossiques (Moore, 2006). Par exemple, les ENA arrivant en Frioul-Vénétie Julienne seront confrontés à trois langues, l’italien comme langue d’apprentissage, leurs langues d’origine, et la langue frioulienne présente en ville dans plusieurs lieux de vie sociale (Fusco, 2017). Ainsi, il est intéressant d’étudier si les enseignants originaires de cette région donc plus habitués aux contacts des langues ont une perception moins cloisonnée du bilinguisme et s’ils réagissent différemment auprès des élèves plurilingues. En effet, les rapports de pouvoir entre les langues ne sont pas toujours dichotomiques puisque certaines d’entre elles profitent du statut privilégié du point de vue socioculturel ou économique. 5.1.4. Les statuts des langues et leur impact sur les représentations Il existe des tensions entre les langues parlées à la maison et celles qui sont apprises, voire promues dans le cadre scolaire. Ces tensions peuvent provoquer la dévalorisation d’une langue considérée comme moins « importante » par rapport à son statut sociopolitique économique. C’est par exemple le cas de l’arabe qui subit une représentation sociale souvent péjorative dans les trois pays de notre recherche, a contrario, l’espagnol ou l’allemand font partie des langues les plus apprises dans ces pays et bénéficient d’une image plutôt positive. Cela confirme l’idée 157 Selon Danièle Moore (2006 : 35), les réseaux : « définissent les relations ordinaires et localisées entre les individus, qui s’organisent selon différentes configurations et autour de trais communs, notamment en termes d’éthique et des perspectives partagées ». 188 que le pouvoir de langues est régi par leur usage, leur fonctionnalité liée à la proximité et plus largement leur valorisation sociale (Calvet, 1999b).
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28 δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellules cutanées particulièrement observée lors d'exposition UVB de faible énergie (γβ0nm) ou lors de combinaison UVA et UVB [35,36] (Figure 6A). Dans les cellules irradiées par les UVB, les lésions produites de façon majoritaires sont les CPD. Elles seraient entre 3 et 8 fois plus nombreuses que les lésions de type 6-4PP [35,44]. En revanche, les lésions de type isomères de Dewar sont les lésions les moins fréquentes, elles seraient 3 à 8 fois moins abondantes que les 64PP selon respectivement l'utilisation d'un mélange UVA+UVB ou d'UVB seuls [44]. Les CPD, les 6-4PP et les isomères de Dewar induisent des distorsions de l'hélice d'ADN qui bloquent la progression des polymérases réplicatives et transcriptionnelles. Le blocage de la transcription, notamment, est un signal important pour activer la voie de réparation de l'ADN par excision de nucléotide (Chap.2, sect.2.3.1-2) qui constitue le mécanisme majoritaire de réparation de ce type de lésions. Aussi, les distorsions de l'hélice d'ADN induites par les CPD et les isomères de Dewar, étant moins importantes que les 6-4PP expliquent leur réparation plus lente [44,49]. δ'abondance et la vitesse lente de réparation des CPD font que ces lésions sont les plus carcinogènes. Dans les cellules de mammifère, il a été montré que les CPD pouvaient être responsable de 80% des mutations induites par les UVB [46]. Particulièrement, les CPD impliquant des cytosines sont instables et sont désaminés ce qui génère à la place des uraciles [36]. Ces bases, non instructionelles, sont remplacées par des adénines par des poly ases particulières par un mécanisme de synthèse translésionnelle [47]. Lorsque la cytosine est méthylée, sa désamination aboutie à la formation de thymine. Dans les deux cas, après la réplication de l'ADN cela entraine des transitions de type CT ou CCTT. En ce qui concerne les CPD impliquant des dimères de thymine, ces modifications engendrent une restitution des bases d'origines après la réplication d'où leur faible mutagénicité [45,47]. Il est à noter que les transitions de type CT ou CCTT sont fréquemment retrouvées dans les cancers cutanés, dont les carcinomes particulièrement. Ces transitions font partie des signatures UV les plus caractéristiques (Figure 7 A). Aussi, les zones de l'ADN présentant des tandems de base pyrimidiques (CT, CC) ou des ilôts CpG méthylés sont propices aux mutations et sont qualifiés de "points chauds" [50–52]. 2.2.2.2. Dommages à l'ADN de type 8-oxo-7,8-dihydroguanine (8oxo-Gua) Longtemps restreints aux UVA, il a été montré que les UVB pouvaient également induire des 8-oxo-Gua dans la peau humaine [43]. Le mécanisme de production de ces 8-oxo-Gua ferait vraisemblablement intervenir une réaction de photosensibilisation (Figure 5A et 6B). Dans des cellules isolées, la quantité de lésions de type 8-oxo-Gua pourrait être 100 fois plus importante que les UVA mais resterait largement minoritaire par rapport à la quantité de lésions de type CPD générée [34]. Bien que minoritaire, il a été montré dans le modèle murin que cette composante oxydative des UVB pourrait participer à la carcinogenèse cutanée [53]. 29 δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellules cutanées Figure 8 : Phototypes et développement des cancers cutanés liés à l'exposition UV. A. Représentation du risque de développement de cancers cutanés en fonction du phototype selon la classification de Fitzpatrick. δes personn nes originaires d'Europe du Nord qui ont la peau très claire (Phototype I) développent systématiquement des érythèmes et ne pigmentent pas à la différence des Africains (phototype VI) lors de l'exposition UV solaire. Chez ces personnes de la même manière, le risque de développement de cancers cutanés liés à l'exposition solaire est plus important et met en évidence l'effet photo-protecteur de la pigmentation (reconstruit et adapté à partir de réf. [54]). B. Résultats d'une étude montrant à titre d'exemple l'influence du phototype sur l'incidence (standardisée à l'âge) des cancers cutanés aux Etats-Unis dans les années 1980. On peut noter que les personnes de phototype les plus claires développent entre 5 et 10 fois plus de cancers cutanés (Tiré et adapté de réf.[55]). 30 δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellules cutanées 2.2.3. Les UVC Les UVC ne constituent pas des rayonnements physiologiques dans la mesure où ils sont majoritairement stoppés par la couche d'ozone. δeurs effets sont presque comparables à ceux des UVB pour des temps d'expositions très réduits de part leurs fortes énergies. Cet avantage fait qu'ils restent très utilisés dans le domaine photobiologique. A la différence des UVB, ils induisent moins de CPD et plus de 64PP. Ils ne sont cependant pas capables de générer d'isomères de Dewar [44]. Enfin, il est important de re que les UV affectent la stabilité génomique en modifiant de manière directe, ou indirecte (espèces réactives de l'oxygène produites) la séquence de l'ADN. δes conséquences de cette réactivité sont illustrées par la présence de signatures générales ou spécifiques aux différents types UV sur l'ADN génomique (Figure 7A). Bien que les UVA puissent contribués à cette instabilité génomique, les UVB s'avèrent être les rayons les plus mutagéniques. Après avoir présenté les effets mutagèniques des UV en précisant l'impact de leurs différentes longueurs d'ondes, nous aborderons dans la partie suivante les cancers cutanés qui y sont associés. Cette présentation décriera les différents cancers cutanés mais également les gènes les plus fréquemment mutés qui sont associés à leurs développements. 3. Les cancers cutanés associés à l'exposition UV Les cancers cutanés regroupent majoritairement des carcinomes et des mélanomes qui dérivent respectivement de la transformation maligne des kératinocytes et des mélanocytes. Ces cancers représentent des pathologies en forte expansion. Pour exemple, l'OεS a enregistré que depuis ces dernières décennies, un cancer diagnostiqué sur trois correspondait à un cancer cutané. Dans ce constat, l'OεS reporte également un nombre annuel de cancers comprenant entre 2 et 3 millions de carcinomes et 132 000 mélanomes dans le monde [56,57]. En dehors de facteurs génétiques prédisposant aux cancers cutanés (pour exemples le Xeroderma Pigmentosum, XP, ou l'Albinisme Oculo-cutané, OA), l'exposition solaire place les UV depuis longtemps comme un facteur de risque majeur du développement de ces cancers. Ainsi, l'intensité de l'ensoleillement, le type d'exposition (soutenue ou intermittente), le phototype et l'association de plusieurs épisodes d'érythèmes durant la petite enfance influencent fortement le risque de développer les différents cancers cutanés [22,23,58–61]. Les personnes particulièrement à risque sont les sujets de phototype les plus claires (I et II) fortement enclin à développer un érythème et vivant dans les basses latitudes, comme les Européens du Nord ou les Australiens non-Aborigènes [54] (Figure 8A et B). 31 δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellules cutanées 3.1. Les UV des carcinogènes complets Les UV constituent des carcinogènes complets de par leurs implications à la fois dans l'initiation, la promotion et la progression de cellules cancéreuses au niveau cutané [62–68]. Ainsi, selon la théorie de progression séquentielle et dans un contexte de réparation peu fidèle (réparation translesionnelle), des mutations primaires apparaissant dans des oncogènes ou des gènes suppresseurs de tumeurs à la suite d'une exposition initiale aux UV peuvent conduire à la formation de lésions bénignes pré-néoplasiques. A ces mutations primaires peuvent s'associer, après exposition UV répétée, des mutations secondaires qui vont favoriser la transformation maligne des cellules cutanées. Ainsi, la sélection de clones hyperproliférants, le plus souvent dans des conditions de résistance à l'apoptose, favorisent l'instabilité génomique et la transformation des kératinocytes et des mélanocytes [45,47,69–71]. Nos connaissances sur l'implication des UV dans la carcinogenèse cutanée ont été fortement renforcées par l'analyse des tumeurs des patients atteints de Xeroderma pigmentosum (XP). Ces patients, hypersensibles aux UV, ont une fréquence supérieure de 1000 à 2000 fois plus importante que les patients non XP de développer des carcinomes et des mélanomes [50,52,61,72]. δ'étude des tumeurs de ces patients, particulièrement les carcinomes, montrent de façon générale une fréquence élevée de mutations associées à l'exposition UV [50–52,73,74]. Ces mutations apparaissent, très précocement et de façon récurrente, particulièrement dans les régions riches en pyrimidine et peuvent affecter la fonctionnalité de plusieurs oncogènes et suppresseurs de tumeur. De çon intéressante, ces mêmes mutations, à des fréquences moins élevées, sont également retrouvées dans les cancers cutanés sporadiques des patients non XP et attestent de l'effet carcinogène des UV [50,52,61,72,73,75–80]. Bien que l'association épidémiologique entre le mélanome et l'exposition UV soit clairement établie [22,23], le spectre des mutations retrouvées sur les gènes les plus fréquemment mutés dans ce cancer, et qualifiées de mutations "primaires", n'arborent que très rarement des mutations caractéristiques de l'effet direct des UV (Figure 7B) [58,81,82]. Cette contradiction a amené à proposer d'autres types de mécanismes plus indirectes, particulièrement le stress oxydant généré par l'exposition UV, dans la genèse de ces mutations dites "primaires" [58,82,83]. Néanmoins, plusieurs études suggèrent que le développement et la progression du mélanome dépendent vraisemblablement de l'effet synergique de plusieurs mutations dans des gènes dit "secondaires" qui eux arborent clairement des signatures UV (Figure 7B) [48,70,84]. δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellules cutanées 3.2. Les différents cancers cutanés δes différents cancers liés à l'exposition UV comprennent le plus souvent des cancers qui sont généralement de bon pronostique comme les carcinomes. A l'inverse, s'ils sont beaucoup moins fréquents, les mélanomes sont des cancers associés aux effets délétères des radiations UV qui ne présentent aujourd'hui aucunes alternatives thérapeutiques totalement efficaces. 3.2.1. Les carcinomes Les carcinomes, qui comprennent les carcinomes basocellulaires (BCC) et spinocellulaires (ou épidermoïdes) (SCC), sont les cancers cutanés les plus fréquents (90 à 97% des cancers). Les BCC sont beaucoup plus importants que les SCC (ratio 4 :1) mais ont des capacités métastatiques 10 fois moins importantes [55,56,58,86]. Les BCC et les SCC sont retrouvés de façon majeure sur les régions photo-exposées de façon chronique, particulièrement le cou et la face ou, de façon intermittente comme le dos, les avant-bras ou le bas des jambes (selon le sexe) [22,23,55–57,87]. 3.2.1.1. Le carcinome basocellulaire (BCC) Les BCC correspondent à 80-90% des cancers cutanés [56,58]. Ce sont des tumeurs avec une croissance lente, localisées et rarement métastatiques (Figure 9 A). Ces cancers ont une fréquence importante au dessus de 55 ans, avec un pic au dessus de 70 ans [55,86,88]. Les BCC peuvent dériver des kératinocytes de la couche basale interfolliculaire ou du follicule pileux. Dans les BCC, macroscopiquement, les lésions pré-néoplasiques ne sont pas encore clairement identifiées. Au stade malin, ils se présentent histologiquement sous forme de nodules le plus souvent plants de différentes formes (ulcérant superficiel, morphéiforme, infiltrant et/ou pigmenté). Les nodules ulcérants d'aspect translucide et perlé sont caractéristiques et représentent 45 à 60% des BCC [86,89,90]. 3.2.1.2. Le carcinome squameux ou spinocellulaire (SCC) Les SCC sont retrouvés sur presque les mêmes régions anatomiques que les BCC mais à des fréquences différentes (fréquence plus élevée sur le bas des jambes ou les mains par exemples). Ces cancers, de croissance lente, sont plus fréquemment métastatiques (1-2% des SCC) que les BCC mais sont également moins fréquents (15-20% des cancers cutanés) [55,56,58]. De même que le BCC, l'incidence des SCC est très importante chez les personnes âgées [86,88]. Les SCC se développent à partir des kératinocytes des couches basale et granulaire qui forment des lésions prénéoplasiques bénignes, les kératoses actiniques (KA). Au stade néoplasique, ils se présentent sous forme de nodules érythémateux à bord élevé [58,86] (Figure 9A). 33 δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellul es cutanées Figure 9 : Cancers cutanés liés à l'exposition UV et mutations associés à l'exposition UV dans la progression du mélanome. A. Aspect macroscopique du carcinome basocellulaire (1), du carcinome spinocellulaire (β) et du mélanome cutané (γ). δ'ensemble des tumeurs est situé sur la face (Tirés de réf. [86] pour les photos 1 et 2 et de réf. [59] pour la photo 3). B. Schéma illustrant la progression du mélanome et des gènes présentant des signatures UV impliqués dans ce cancer chez l'Homme et la souris. Il est à noter que le moment précis où interviennent les gènes dérégulés est largement tiré des études sur le modèle murin. RGP=phase de croissance horizontale, VGP=phase de croissance verticale. (Illustration tirée et remaniée à partir de 34 δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellules cutanées 3.2.2. Le mélanome (MM) Le mélanome est le moins fréquent des cancers cutanés (1-3%), il croît rapidement et il est doté d'un potentiel métastatique très important. Il est rare chez l'enfant et contrairement aux carcinomes peut apparaitre avant l'âge de 50 ans. C'est un cancer redoutable qui entraine une survie rarement supérieure à 5 ans au stade métastatique [56,57,91]. Son incidence est particulièrement corrélée au phototype des individus et leur sensibilité aux UV. La classification de Fitzpatrick basée sur cette sensibilité définit 6 phototypes dont le risque de mélanome est inversement proportionnel à l'aptitude à pigmenter et la rareté d'apparition de l'érythème (Figure 8A). Ainsi, l'incidence des mélanomes associés à l'exposition UV est entre 10 et 16 fois plus importante chez les phototypes caucasiens (phototype I et II) par rapport aux non-caucasiens (phototype IV à VI) (Figure 8B) [22,23,54,55,92–94]. En comparaison avec les carcinomes, les mélanomes ne seraient pas dus à des doses d'UV modérées qui sont accumulées à long terme sur les régions du corps fréquemment découvertes. Les études épidémiologiques suggèrent que la genèse des mélanomes est particulièrement associée à des expositions intermittentes intenses des zones du corps habituellement couvertes avec des épisodes de coups de soleil douloureux durant l'enfance. Ainsi, chez les phototypes les plus claires (I et II), il a été estimé qu'un coup de soleil dans la petite enfance doublait le risque de développer un mélanome. Anatomiquement, les mélanomes apparaissent le plus fréquemment sur le tronc chez l'homme et le bas des jambes chez la femme [22,23,54,95]. Le mélanome est issu de la transformation des mélanocytes de la couche basale de l'épiderme. Dans 80% des cas, le mélanome se manifeste par l'apparition d'une tâche pigmentée, semblable à un grain de beauté, le naevus ou mole et dans 20% des cas par la modification de grains de beauté préexistants [ 57]. Les naevi ou moles sont des lésions pré-néoplasiques qui régressent le plus souvent [23,96,97]. Cependant, lorsqu'elles évoluent de façon maligne, trois phases sont fréquemment observées ; une transformation en naevi dysplasique puis, une progression dans un premier temps de façon verticale qui précède une progression horizontale amorçant la dissémination ou métastase des cellules malignes dans l'organisme [23,56,83,85,96–98] (Figure 9B). 35 δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellules cutanées Le mélanome de Dubreuilh ou lentigo malin, qui représente 5 à 10% des mélanomes, est associé aux régions photo-exposées de façon intermittente mais également de façon chronique chez les personnes de plus de 40 à 50 ans. Il apparait sous forme de tâches brunes dont l'aspect est lentigineux. Il évolue moins rapidement que le mélanome superficiel extensif mais reste comme tous les mélanomes inquiétants [56,88]. 3.3. Gènes présentant des marques de l'exposition UV et leurs contributions à la carcinogenèse cutanée Il est important de retenir avant de commencer cette partie que comparé aux carcinomes, le poids des gènes présentant des marques de l'exposition UV dans les étapes de la progression du mélanome, particulièrement chez l'Homme, n'est pas complètement connu. Cette disparité a été attribuée à l'hétérogénéité génétique qui peut apparaitre en fonction du stade carcinogénique des différents mélanomes et leurs localisations sur des régions cutanées exposées avec plus ou moins d'intensité aux UV. D'autre part, les études de séquençage ont montré la difficulté à dissocier les mutations "passagères", des mutations "conductrices", qui s'accumulent souvent toutes deux dans le mélanome [48,84]. Ajouté à cela, l'identification de mutations de BRAF (V600E, V599E) dans 50 à 60% des mélanomes cutanés, ont longtemps remis en cause les UV dans la genèse du mélanome [81,100,101]. BRAF code une serine-thréonine kinase impliquée dans la voie des MAPK, Ras-Raf-MEK-ERK et dont les mutations conduisent à une activation constitutive de la protéine et une prolifération incontrôlée [81]. Paradoxalement, il a été décrit que ces mutations pouvaient être aussi bien retrouvée sur les régions exposées [102] ou non aux UV [103] et surtout quelles n'arboraient presque jamais des signatures UV de type CT ou CCTT [48,81,84,103]. Néanmoins, si le gène BRAF semble important dans l'initiation du mélanome, de nombreuses données suggèrent que les mutations de ce gène sont nécessaires mais non suffisantes au développement du mélanome. Ainsi, l'accumulation 'autres mutations s'avèrent importantes pour la progression du mélanome [100,104,105]. Dans ce sens, l'impact des mutations UV induites dans la genèse du mélanome n'a été que très récemment confirmé. Une étude de Hodish et collaborateurs (2012), confirmée depuis par Mar (2013), a mis en évidence qu'en excluant les mutations BRAF 60% des gènes conducteurs présentent des signatures de type CT indicatrices de l'effet direct des UV dans le mélanome [48,84,98]. De façon plus générale, les gènes présentant des mutations ponctuelles avec des marques de l'exposition UV dans les différents cancers cutanés sont nombreux. Ces marques peuvent correspondre à l'effet direct des UV sur l'ADN ou résulter de réactions d'oxydation indirectement générées par l'exposition UV [45–48,53] (Figure 7 A et B). Par ces effets, on peut identifier de façon récurrente l'altération du gène TP53 dans les trois types de cancers. 3.3.1. Altération du gène TP53 TP53 code pour la protéine p53, un facteur de transcription exprimé de façon ubiquitaire et important pour la réponse cellulaire à de nombreux stress incluant, les agents biologiques, chimiques ou physiques comme les UV [106,107]. La protéine p53, nommée gardienne du génome, régule l'expression de plus d'une centaine de gènes important pour le contrôle du cycle cellulaire, la réparation de l'ADN, l'apoptose et même la pigmentation des cellules cutanés [107–109]. Les mutations du gène TP53 sont extrêmement fréquentes dans les BCC et SCC alors que dans le mélanome elles constituent des événements plus rares (Tableau 1). Ainsi, dans les carcinomes qui représentent 95 à 97% des cancers cutanés [ 56–58], les mutations du gène TP53 sont retrouvées dans 30-60% et presque que 90% des BCC et SCC respectivement [63,72,89,90,110–114]. Dans le mélanome, les mutations du gène TP53 sont retrouvées dans moins de 10% des tumeurs [98]. Au niveau du spectre des mutations ponctuelles du gène TP53 (Tableau 1), les séquençages du gène montrent des transitions CT, CCTT dans les sites riches en pyrimidines dans 30-70% et presque 100% des mutations de TP53 observées dans les BCC et SCC respectivement [63,72,90,110–116]. Il est important de souligner que les chiffres recensant les mutations de TP53 dans les cancers cutanés et particulièrement dans les carcinomes sont énormément augmentés chez les patients XP (Chap.2, sect.2.3) [50,52]. Dans les tumeurs issues de ces patients, il a été reporté que les mutations de TP53 présentant des signatures CT et CCTT caractéristiques pouvaient être entre 2 et 3 fois plus importante que chez les sujets non XP [51,78]. le mélanome, les mutations ponctuelles de TP53 comprennent dans 40 à 65 % des cas des transitions CT, CCTT mais également des transitions GA et TA vraisemblablement indicatrices de l'effet du stress oxydant généré par les UV [48,78,84,104]. Que ce soit dans les carcinomes ou dans les mélanomes, les mutations de TP53, fréquentes dans le domaine de liaison à l'ADN, sont responsables d'une perte de la fonction transcriptionnelle de la protéine p53 [51,113]. La contribution des mutations du gène TP53 dans le processus carcinogénique des différents cancers varie en fonctions de leur type. Dans les BCC et les SCC, il a été décrit que les mutations du gène TP53 constituent des événements qui apparaissent probablement très tôt et qui sont potentiellement associés à l'initiation de la carcinogenèse [51,52,63,78,89,90,112–115]. 30-70% 66% 30-40% sp. XP 30%, 21% (G>T) Réf. [110,111,117] [110,117– 120] [52,74,7 8,87,89, 90,121,1 22] [80] [79] BCC % des BCC SCC % des SCC Mutatio ns UV PTEN 15-20% % des Mut. Réf. MM % des MM Mut. UV RAS 80-90% <10% C > T, CC > TT (HaRAS) CC > TT 81% 100% [63,72,9 0,112– 114,116] [123] 1-3% 10% 30-70% 20% 5-20% C > T, CC > TT, G>A, T>A C>T, G>T C>T, G>T A>T, G>A C>T, G>T, G>A, T>A % des Mut. 40%65% 10%45% 30%70% Réf. [48,78,8 4,104] (p16INK4), 45-55%, p14ARF, 55%<x65% [48,124– 126] [48,62,7 5,77,12 7,128] [48,61, 84] Tableau 1 : Part des mutations associ ées à l'exposition UV dans les différents cancers. (sp. XP=mutations détectées spécifiquement chez les patients XP, Tableau élaboré à partir des références cités dans le tableau et le corpus. Carcinome basocellulaire BCC, Carcinome épidermoïde SCC, Mélanome MM, Mut.=Mutations). 38 δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellules cutanées TP53, qui se développent de façon dose dépendante de l'exposition UV, constituent de bons marqueurs pré-néoplasiques dans les carcinomes et particulièrement dans le SCC [72,116]. Dans ce sens mais dans les BCC cette fois, il a été montré que les mutations de TP53 conduisent à une instabilité génomique qui favorise les mutations sur d'autres gènes suppresseurs de tumeur comme le gène PTH [78,87,89,122]. Dans le mélanome, l'altération du contrôle du cycle cellulaire, particulièrement l'arrêt G1/S est un élément déterminant dans le développement du mélanome. Dans ce processus, la dérégulation de la fonction de la protéine p5γ et l'induction de sa cible transcriptionnelle, p21WAF1/CIP1 (CDNK1A), a un rôle cruciale dans le développement du mélanome [124,129]. Le moment exact où les mutations du gène TP53 apparaissent durant le développement du mélanome est cependant discuté. Ainsi, certaines études assument que les mutations de TP53 constituent des événements précoces [124,130], alors que d'autres les suggèrent comme tardifs [48,64,84,131]. Si les mutations de TP53 sont rares dans le mélanome, il est important d'indiquer que la perte de fonction de la protéine pourrait être sous-estimée dans ce cancer. En effet, indépendamment des mutations du gène TP53 au sens strict, d'autres régulateurs cruciaux de la stabilité de la protéine p53 peuvent présenter des mutations typiques de l'exposition UV dans le mélanome. Ainsi, l'absence ou la perte de fonction de la protéine p14ARF, due à des mutations du gène CDKN2A, entraine une diminution de la stabilité de la protéine p53. Par ce bi , les altérations des protéines p14ARF et/ou p53 augmenteraient la vitesse de progression du mélanome primaire vers le stade métastatique [48,84,124,131,132]. D'autres mécanismes plus indirects et mal connus, impliquent la surexpression de MDM2, indépendamment de sa mutation, qui corrèle également avec la progression métastatique du mélanome [133]. δ'augmentation de l'agressivité du mélanome promue par la surexpression de MDM2 pourrait impliquer une dégradation massive de la protéine p53 impliquée dans le contrôle du cycle et l'apoptose. Dans ce mécanisme, la perte d'expression ou de fonction de p14ARF dues à des mutations du gène CDKN2A joueraient un rôle majeur dans le niveau élevé de MDM2 et la dégradation de p53 [48,84,124,125,131,134]. 3.3.2. Altération du gène CDKN2A Le gène CDKN2A est soumis à épissage alternatif permettant de générer deux transcrits importants, respectivement, p16INK4 et p14ARF (ou 19ARF chez la souris) [76,135]. La protéine p16INK4, comme la protéine p21WAF1/CIP1, fait partie de la famille des inhibiteurs de kinase associés aux complexes cycline-CDK (CKI). p16INK4 est particulièrement importante pour la régulation négative des complexes cyclines DCDK4/CDK6 dont l'activité est nécessaire à l'hyperphosphorylation de la protéine Rb et la progression G1/S (Chap.2, sect.2.2) [136]. δ'autre protéine codée par le gène CDKN2A est p14ARF qui est particulièrement impliquée dans le stress nucléolaire [76,137]. En présence de stress, dont le stress UV, p14ARF est notamment capable, par interaction protéine-protéine, de neutraliser la protéine MDM2. MDM2 est une ubiquitine ligase de type E3 majoritairement impliquée dans la régulation négative de la disponibilité de la protéine p53 (Chap.3, sect.1.3.4.). Ainsi, p14ARF, par le biais de la neutralisation de MDM2, favorise la stabilité du suppresseur de tumeur p53 [135,138]. Les mutations du gène CDKN2A intéressent particulièrement les SCC et le mélanome. En effet, il a été estimé que 24% et 30 à 70% des SCC et des MM 39 δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellules cutanées respectivement présentaient des mutations du gène CDKN2A [83,98,110,117,118,120,139– ]. De façon commune, les mutations du gène CDKN2A affectant le transcrit p16INK4, présentent des transitions typiques de l'effet direct des UV (C , CCTT) mais également des marques du stress oxydant généré par l'exposition UV (GA et GT). Ces transitions sont retrouvées dans 66% et 45 à 55% des mutations ponctuelles détectées dans les SCC et les MM respectivement [48,84,110,117– 120,124,126,134,139 ]. De façon plus restreinte au MM, ces transitions constituent 55 à 65% des mutations ponctuelles du gène CDKN2A qui affectent le transcrit p14ARF [48,84,124– 126,139 ]. 141 Concernant les mutations qui affectent le transcrit p16INK4, que ce soit dans le SCC ou le MM, celles-ci engendrent le plus souvent une protéine p16 tronquée, non fonctionnelle. Cette perte de fonction se traduit par une abolition des effets antiprolifératifs normalement promus par la protéine p16INK4 [48,110,117,118,120,124,126]. De façon intéressante, il a été proposé que la protéine p16INK4 peut être impliquée dans le maintien du caractère sénescent des lésions pré-néoplasiques et que sa perte d'expression peut conduire à la transition du stade KA en SCC [118,119]. 3.3.3. Altération du gène RAS Les gènes RAS codent pour les petites protéines G : Ha-Ras, Ki-Ras et N-ras. Ces protéines sont recrutées et activées par de nombreux récepteurs membranaires dont des récepteurs à activité tyrosine kinase ou des récepteurs à 7 passages membranaires et couplés aux petites protéines G [62,85,127,143]. Ces derniers sont capables d'activer la protéine Ras et d'initier la cascade mitogénique Raf-MEK-ERK [143]. Parmi les gènes Ras, Ha-Ras et N-Ras présentent souvent des mutations associées à l'exposition UV dans les SCC et le εε. Dans les SCC, les mutations de Ha-RAS et N-Ras sont retrouvées dans moins de 10% des cas [62,75,144] alors que dans le MM, les mutations de N-RAS sont retrouvées dans 20% des cas [48,84]. Dans les SCC il a été montré que 81% des mutations ponctuelles du gène HA-Ras particulièrement sont des transitions CCTT [123]. Dans le mélanome, il a été observé que le spectre mutationnel du gène N-Ras 40 δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellules cutanées pouvait comprendre 10% à 45% de marques de l'exposition UV : dont des transitions CT indicatrices d'un effet direct des UV et, des marques de leur effet oxydant avec des transitions de type GA [48,62,75,84,128]. Que ce soit dans le SCC ou dans le mélanome, les mutations des gènes RAS aboutissent à l'activation constitutive de ces petites protéines G et à une prolifération incontrôlée [62,75,123,128,143,145]. Dans le MM particulièrement, il a été décrit que les mutations de RAS peuvent constituées un premier "hit" dans l'initiation du mélanome mais la synerg avec d'autres types de mutations sont importantes à la progression tumorale [75,77,127,128]. Ainsi, dans le modèle murin, les pertes de fonction des protéines p16INK4 et p53 sont nécessaires à la progression tumorale quand les protéines Ras sont constitutivement activées [129,131,146]. 3.3.4. Altération du gène PTEN Le gène PTEN code pour une phosphatase régulant négativement la voie de survie et anti-apototique PI3K-AKT [147]. Les mutations de PTEN ont été impliquées dans 5 à 20% des mélanomes sporadiques [83,98,148]. Les mutations portées par PTEN présentent très fréquemment des marques de l'exposition UV. Aussi il a été montré que 73% des substitutions de nucléotides sur ce gène concernaient des transitions CT dans les mélanomes primaires [48,84]. En plus des transitions CT, d'autres types de transitions particulièrement GA et TA communes à l'exposition UV (Figure 7A et B), peuvent représenter jusqu'à 91% des mutations observées sur le gène PTEN dans les mélanomes issus de patient XP [61]. Les mutations de PTEN entrainent le plus souvent l'inactivation de la protéine engendrant une activation constitutive de sa cible AKT. δ'activation constitutive d'AKT maintient la survie des cellules tumorales et les rend résistantes à l'apoptose [61,149]. Enfin, il a été suggéré que l'inactivation de PTEN représenterait un "hit" probablement secondaire favorisant l'agressivité du mélanome et sa métastase (Figure 9 B). Ainsi, lorsque BRAF est muté, il a été observé que PTEN était également muté ou délété dans 10% des cas [100,150]. 3.3.5. Altération des gènes de la voie PTH/SHH PTCH code pour une protéine à douze passages transmembranaires capable de fixer le ligand sonic hedgeog (SHH). La régulation de cette voie est impliquée dans le développement embryonnaire et la régulation de la différenciation des kératinocytes de l'épiderme [87,151]. En absence de son ligand SHH, l'activation de PTCH régule négativement et de façon constitutive un autre récepteur à sept passages transmembranaires nommé smoothened (SMO). La répression de SMO bloque l'activation par ce dernier des facteurs de transcription de la famille GδI et de leurs cibles transcriptionnelles comme les gènes codant pour les facteurs de croissance TGF, BMP ou WNT et du récepteur PTCH [52,74]. δ'activation de GδIβ particulièrement entraine au niveau des kératinocytes, une répression de leur différenciation et promeut leur prolifération [151]. Par cette voie, des mutations 41 δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellules cutanées inactivatrices de PTCH, qui causent une levée d'inhibition du récepteur SεO, sont impliquées dans l'induction de la transformation des kératinocytes [87,151]. Le gène PTCH présente très fréquemment des mutations typiques de l'exposition UV [52,74]. Il a ainsi été démontré que 30% à 50% des BCC sporadiques présentent des mutations inactivatrices du gène PTCH et 30 à 41% de ces mutations sont des signatures CT et CCTT liées l'exposition UV [52,74,89,90]. Ces chiffres s'accroissent dans les tumeurs des patients atteints de XP chez lesquels il a été reporté que les mutations de PTCH peuvent être retrouvées dans 50 à 90% des cas de BCC. Chez ces patients, les mutations typiques de l'exposition UV peuvent représenter jusqu'à 80% des mutations ponctuelles du gène PTCH [73,78]. Fonctionnellement, l'inactivation de PTCH, comme celle de p5γ, est considérée comme une étape précoce dans l'initiation du BCC [78,87]. D'autres composants de la voie sonic hedgeohg, de façon moins fréquente, peuvent également présenter des mutations typiques de l'exposition UV qui aboutissent à l'activation constitutive de cette voie. Ainsi, des mutations des gènes codant le ligand SHH (environ 2% des BCC) ou le récepteur SMO (entre 10-20,6% des BCC) sont également impliqués dans la genèse et le développement des BCC [79,80]. En conclusion de cette partie, il est à retenir que les UV sont des carcinogènes complets largement impliqués dans la genèse de la majorité des cancers cutanés. Chapitre 2 Les systèmes de défenses cellulaires contre l'instabilité génomique promue par l'exposition UV δa réaction de la peau face à l'exposition UV implique des mécanismes cellulaires qui permettent de réparer les dommages générés immédiatement mais également des mécanismes de prévention assurant une protection transitoire contre une future exposition. En absence d'anomalies génétiques (déficience dans les systèmes de réparation ou albinisme par exemples), la mise en place et la durée de ces phases dépendent de la fréquence d'exposition et du phototype de l'individu [152,153]. 1. Notions de réponse précoce et réponse tardive à l'exposition UV De façon immédiate, la peau exposée aux radiations UV subit un control négatif de la prolifération de ses composantes cellulaires. Chez l'homme [154], le porc [155] et la souris [156], la prolifération des cellules de l'épiderme et particulièrement les kératinocytes de la couche basale est arrêtée de façon transitoire dans les 12 à 24h suivant l'irradiation. Cet arrêt est concomitant au processus de réparation de l'ADN qui permet de réduire significativement la quantité de dommage dans cette fenêtre de temps [156,157]. Cette réponse à l'exposition UV est qualifiée de réponse précoce. Par opposition, l'apparition de cellules apoptotiques appelées "sunburn cells" dans les 24 h post irradiation [153,158] marque le début de la phase inflammatoire et la transition vers la phase de maintenance. Cette phase est associée à une hyperplasie et une pigmentation de l'épiderme qui apparaissent entre les β4-72 h post irradiation [157,159,160]. Cette deuxième étape de la réponse aux UV est généralement qualifiée de phase tardive. 2. Réponse précoce à l'exposition UV 2.1. Reconnaissance des dommages et transduction du signal de stress Les UV induisent des dommages à l'ADN mais sont également impliqués dans la formation de ROS. Ces signaux vont être reconnus par des kinases de stress qui vont permettre de « transduire » l'information à des facteurs de transcription afin d'adapter la réponse cellulaire à l'environnement. Parmi ces voies, on distingue les voies initiées par les kinases de la famille PIKK (phosphatidyl inositol 3' kinaserelated kinases); ATM/ATR et DNAPK, et les MAPK, particulièrement p38 et JNK qui assurent la transduction des dommages induits par l'exposition UV. 43 δes systèmes de défenses cellulaires contre l'instabilité génomique promue par l'exposition UV Figure 10 : Recrutement d'ATM et d'ATR aux sites lésionnels sur d'ADN. A. Modèle proposé pour la fixation d'ATM sur les cassures doubles brins. ATM se fixe à l'ADN par l'intermédiaire du complexe MRN (Mre11=M, Nbs1=N, Rad50=A et B) ce qui lui permet d'être activée et de recruter la kinase CHK2. B. Modèle proposé pour la fixation d'ATR sur les sites monobrins de l'ADN. ATRIP se lie à l'ADN par l'intermédiaire des protéines RPA et du complexe 9-1-1/RFC qui lui permettent de recruter ATR. ATR activé peut ensuite phosphoryler CHK1. (Illustrations adaptées à partir des réf. [161,162]). 44 δes systèmes de défenses cellulaires contre l'instabilité génomique promue par l'exposition UV 2.1.1. Les voies ATM/ATR Les voies ATM/ATR constituent de véritables senseurs de la présence des dommages à l'ADN. Ces protéines vont reconnaitre les lésions à l'ADN et initier les cascades activatrices menant en particulier aux différents points de contrôle du cycle cellulaire. δ'activité de ces senseurs est très souvent dépendante de médiateurs qui assurent leurs liaisons à l'ADN et qui leurs permettent de recruter les effecteurs de la réponse. Les protéines ATM/ATR correspondent à des Serine/Thréonine kinases qui sont impliquées dans l'initiation de la réponse cellulaire au stress génotoxique dont les UV [163,164]. Bien qu'il ait été montré que ces kinases puissent être fixées et activées après liaison directe à l'ADN [165,166], in vivo leur fixation aux sites lésionnels requiert l'intervention de protéines accessoires. Ces protéines accessoires peuvent être : des protéines impliquées dans la réparation de l'ADN, des protéines de remodelage de la chromatine ou même des facteurs de transcription [161,162]. Les protéines ATM et ATR sont des protéines nucléaires de haut poids moléculaires (350 et 301 kDa respectivement) avec une certaine spécificité réactionnelle au regard du type de dommages à l'ADN. Classiquement, il est décrit que la protéine ATM est principalement activée par les cassures double brins générées de façon majeure par les radiations ionisantes et peu par les UV [167,168]. A l'inverse, ATR est plus largement activée par les cassures simples brins et le blocage des fourches de réplication engendrés par les radiations UV [169]. Cette distinction n'est pas aussi simple et plusieurs étud montrent un chevauchement et une complémentarité entre les voies ATε et ATR pour la reconnaissance des lésions à l'ADN et l'initiation de la réponse cellulaire. Particulièrement, le blocage des fourches de réplication (stress réplicatif) et leur dissociation, causés par des adduits générés par les UV, peuvent mener à la formation de cassures doubles brins. Dans ce cas il a été montré que la voie ATε pouvait être mobilisée par l'intermédiaire de la voie ATR [170]. Aussi, les rayonnements UV par le biais des dommages à l'ADN générés activent majoritairement la voie ATR mais sont susceptibles, par notamment les intermédiaires de réparation, d'aboutir à l'activation d'ATε. δes protéines ATε et ATR sont activées après leur fixation à l'ADN. ATε présent sous sa forme dimérique (inactive) se fixe sur les extrémités lésées de l'ADN [165,171]. Cette fixation dissocie le dimère en monomères et expose son domaine kinase. La fixation d'ATε à l'ADN est médiée par le complexe εRE11/RAD50/NBS1 qui l'oriente sur le site des lésions et participe à son activation [161,165,172] (Figure 10A). ATR se fixe sur l'ADN par l'intermédiaire de son partenaire ATRIP qui est important pour son activation [166]. Ainsi, l'ADN lésé sous forme monobrin présentant la protéine RPA permet le recrutement d'ATRIP et consécutivement d'ATR qui devient active. D'autres protéines jouant le rôle de plateforme comme les complexes multiprotéiques 9-1-1 (Rad9-Hus1-Rad1) et RFC (Rad17-RFC2-5), qui forment une structure en forme de clampe autour de l'ADN, auraient un rôle prépondérant dans l'arrimage et l'activation d'ATR aux sites lésionnels [162,163] (Figure 10B). La transduction du signal à partir des kinases ATM et ATR dépend de leur association à des médiateurs. Ces médiateurs sont des protéines contenant des domaines BRCT (Carboxyl-Terminal domain of the Breast Cancer Gene 1 ). Ce domaine est un motif de fixation pour les phospho-protéines qui permet les 45 δes systèmes de défenses cellulaires contre l'instabilité génomique promue par l'exposition UV interactions protéine-protéine et leur oligomérisation [173]. Il est notamment important pour permettre la fixation entre les protéines ATM et ATR et leurs transducteurs respectifs que sont les protéines kinases CHK2 et CHK1. Les protéines présentant ce domaine sont, 53BP1, TOPBP1, MDC1 et BRCA1 qui forment des foci aux sites lésionnels [174]. D'autres protéines peuvent assurer cette fonction comme ; la Claspin, H2AX et SMC1 qui assurent également la liaison des kinases TR et ATM à leurs substrats [164]. Ces médiateurs ne sont pas inertes et participent fortement aux effets cellulaires médiés par les kinases ATM et ATR. Au niveau génétique, des mutations dans les gènes codant pour les protéines ATM et ATR sont à l'origine des syndromes d'Ataxia Telegenctasia (A-T) et de Seckel. Le syndrome A-T engendre des déficiences immunitaires, une dégénérescence du système nerveux et un risque élevé de développement de cancers. Le syndrome de Seckel se caractérise par un défaut de croissance et des affections mentales [175,176]. Au niveau de la réponse aux dommages à l'ADN, il a été montré que les cellules originaires de patients atteints d'A-T ou du syndrome de Seckel peuvent présenter une altération de la réponse aux UV. 2.1.2. La voie DNAPK Le dernier membre de la famille PIKK pouvant jouer le rôle de senseur des dommages à l'ADN est la protéine DNAPK. δa protéine DNAPK est un trimère formé d'une sous-unité catalytique, DNAPKcs, et de deux sous-unités régulatrices, Ku70 et Ku80. δ'association des sous-unités Ku70 et Ku80 à l'ADN permet le recrutement et l'activation de la sous unité catalytique DNAPKcs [163,164]. La protéine DNAPK a un rôle prépondérant dans la réparation des dommages à l'ADN de type NHEJ (Nonhomologous end joining) mais, elle est au même titre qu'ATε capable de transduire l'information générée par les cassures double brins. Comme pour ATM, DNAPK peut être activée par les UV via la voie ATR par l'intermédiaire du stress réplicatif potentiellement générateur de cassures double brins [170,179]. 2.1.3. La voie des MAPKs, JNK et p38 Les MAPKs correspondent à une famille de Serine/Thréonine kinases qui peuvent être activées par une grande variété de stimuli, qui inclut l'exposition UV. δes voies de transduction des MAPK comprennent les modules, ERK, p38 et JNK tous activables par phosphorylation de leurs résidus Thréonine et Tyrosine présents dans leurs boucles d'activation [180]. Chacun de ces membres peut être activé en réponse à divers stimuli et possède ses propres cibles. La voie ERK est généralement activée par des signaux mitogéniques alors que les voies JNK et p38 sont activées en réponse aux stress cellulaires. Ces voies sont capables d'initier plusieurs types de signaux dont des signaux pro-différenciants, mitogéniques ou pro-apototiques [181]. δ'induction de ces différentes voies en réponse aux UV pourrait dépendre du type d'UV. Dans ce schéma, les UVA entraineraient une forte activation d'ERK alors que 46 δes systèmes de défenses cellulaires contre l'instabilité génomique promue par l'exposition UV JNK ne serait activable que par les UVC. En revanche, la voie p38 serait activable quelle que soit la nature des UV [182]. Les protéines de la famille p38 sont représentées par cinq isoformes protéiques : pγ8α, 1, β,, et [180,183]. En réponse aux UV, ces kinases sont particulièrement importantes pour la régulation du cycle cellulaire, l'apoptose ou même la pigmentation [184–187]. Sous l'effet des UV, la cascade permettant l'activation de pγ8 impliquerait en amont l'activation d'un récepteur à activité tyrosine kinase et des cascades de phosphorylation impliquant les modules MKK3-MKK4-MKK6 (MitogenActiva ted Protein Kinase Kinase 3,4 et 6) [180,181,184]. Le mécanisme de "sensing" des dommages causés par les UV à l'origine de l'activation de cette voie reste encore discuté. Cependant, l'activation spontanée des récepteurs membranaires, et particulièrement de l'EGFR, en réponse aux ROS générées, constituerait un signal initiateur de la cascade. Dans ce cas l'activation spontanée du récepteur par les UV pourrait faire intervenir par le biais des ROS générés ; un clustering des récepteurs à la surface et leur autophosphorylation [188,189] ou l'inhibition des phosphatases responsables de la régulation négative de l'activité de l'EGFR [190]. 2.2. Blocage du cycle cellulaire en réponse aux dommages à l'ADN δ'arrêt transitoire du cycle cellulaire dans la peau s'applique majoritairement aux kératinocytes des couches basale et suprabasale qui sont des cellules proliférantes [8,155,156]. Cependant, les cellules dites résidantes, telles que les mélanocytes [154] bien que moins dynamiques en terme de prolifération peuvent également être affectées. Cette modulation de la prolifération cellulaire est médiée par des points de contrôle spécifiquement activés en réponse aux agents endommageant l'ADN. Ces points de contrôle permettent d'arrêter les transitions G1/S et G2/M du cycle cellulaire (Figure 11 et 12). δ'activation de ces mécanismes va permettre de bloquer ou de retarder le cycle cellulaire afin de permettre la réparation de l'ADN. Dans un souci de clarté l'accent sera placé sur les voies canoniques qui font intervenir les kinases ATM et ATR qui seront décrites dans un premier temps. La deuxième partie regroupera les données sur les voies non canoniques qui font intervenir les kinases DNAPK et p38. 2.2.1. Voies canoniques faisant intervenir les kinases ATM et ATR 2.2.1.1. L'arrêt G1/S et intra-S en réponse aux dommages à l'ADN - L'arrêt G1/S La transition G1/S et la progression dans la phase S sont intimement liées à la régulation des complexes cycline D/Cdk4, cycline E/Cdk2 et cycline A/Cdk2 [191] (Figure 11A). Le passage de la phase G1 à la phase S est particulièrement corrélé à la libération du facteur de transcription E2F séquestré par la protéine Rb [192]. La libération d'EβF est nécessaire à l'expression des gènes comme la cycline E [193] et la cycline A [194] qui permettent la progression dans la phase S. Cette libération d'EβF passe par l'hyperphosphorylation de la protéine Rb grâce au complexe cycline D/Cdk4 [195]. Ainsi, le blocage G1/S consiste à maintenir le facteur E2F séquestré par 47 Les systèmes de défenses cellulaires contre l'instabilité génomique promue par l'exposition UV la protéine Rb. Ce mécanisme, dont la mise en place est lente, est majoritairement contrôlé par la protéine p53 (Figure 11B). Selon la nature des dommages à l'ADN, les protéines ATM et ATR activent respectivement les kinases CHK1 et CHK2 qui sont capables de phosphoryler la protéine p53 [196,197]. La phosphorylation de p53 contribue à stabiliser la protéine contre sa dégradation constitutive médiée par MDM2 [198]. La protéine p53 accumulée peut ensuite induire la transcription d'inhibiteurs de complexe cycline/Cdk comme le gène CDKN1A (p21Waf1/Cip1). L'arrêt G2/M en réponse aux dommages à l'ADN La progression dans la phase ε est régulée par l'activité du complexe cycline B/Cdk1(ou CDC2) [191,208]. Comme pour l'arrêt G1/S, deux types de mécanismes vont être mis en place pour réguler l'activité du complexe cycline B/Cdk1. Selon la nature des dommages à l'ADN, les voies ATε et ATR sont mobilisées pour assurer à la fois un blocage qui va être indépendant de la protéine p53 (voie rapide) et un autre qui va dépendre de la protéine p53 (voie lente) (Figure 11B). 48 δes systèmes de défenses cellulaires contre l'instabilité génomique promue par l'exposition UV Figure 11 : Voies canoniques d'arrêt du cycle cellulaire en réponse aux dommages à l'ADN induits par les UV. A. Représentation du cycle cellulaire et des complexes cycline /CDK importants pour la progression dans ce dernier. B. Arrêt G1/S et G2/M initiés par l'activation des voies ATM et ATR (Adapté de réf. [191]). C. Mécanisme du blocage intra-S (Adapté de réf. [200]). De façon indépendante de la protéine p53, le mécanisme clef du blocage en phase G2 (voie rapide) consiste en la régulation négative de la phosphatase Cdc25C (et probablement Cdcβ5B) qui permet d'activer le complexe cycline B/Cdk1 [191,208]. De la même manière que pour Cdc25A, Cdc25C est régulé de façon protéasome dépendante [209]. Comme précédemment, la phosphorylation de Cdc25C par les voies ATM/ATR provoque son export nucléaire et sa dégradation par le protéasome. La voie lente fait intervenir p53 et la régulation transcriptionnelle de CDKN1A, GADD45 et 14-3-3 sigma (ou SFN) qui permettent de maintenir l'arrêt de la phase S. Les protéines GADD45 et 14-3-3 sigma vont toutes deux agir en régulant la disponibilité du complexe cycline B/Cdk1. GADD45 entraine la dissociation du complexe cycline B/Cdk1 et le rend inactif [210] alors que 14-3-3 sigma séquestre le complexe cycline B/Cdk1 dans le cytoplasme et empêche son import dans le noyau [211]. 2.2.2. Voies non canoniques de contrôle du cycle en réponse aux dommages à l'ADN - L'activation de la kinase DNAPK La protéine DNAPK peut également être activée par les UV via la voie ATR par l'intermédiaire du stress réplicatif qui comme nous l'avons vu peut être une source de cassures double brins [170,179]. Cependant, les conséquences de l'activation de DNAPK sur le cycle cellulaire en réponse aux UV ne sont pas bien connues. Néanmoins, une étude a montré que la perte d'expression de DNAPK altérait l'arrêt en phase S duit par l'exposition UV. DNAPK agirait par l'intermédiaire de la protéine RPA pour promouvoir le blocage intra-S en réponse au UV. Cependant, les cibles effectrices en aval de RPA ne sont pas étayées [212]. - L'activation de la kinase p38 Les kinases p38 ont été largement impliquées dans la régulation du cycle cellulaire en réponse aux UV. δa kinase pγ8α (pγ8 dans la suite du texte), la mieux caractérisée, est impliquée dans la transition G1/S mais surtout G2/M [184,185]. Comme pour les kinases ATM et ATR la régulation des deux transitions mobilise des voies faisant intervenir ou non la protéine p53 (Figure 12). - Arrêt G1-S De façon dépendante de la protéine p5γ, la kinase pγ8 est capable d'activer l'arrêt G1/S. Il a été montré que la kinase p38 activée par les UV pouvait phosphoryler p53 au niveau des résidus Ser15 [213], Ser33 et Ser46 [214]. 51 δes systèmes de défenses cellulaires contre l'instabilité génomique promue par l'exposition UV De façon indépendante de p53, la kinase p38 intervient également dans la répression de l'expression de CCND1 (cycline D1) et l'augmentation de l'expression de l'inhibiteur de cycline p16INK4. La régulation de ces deux gènes permet de renforcer le blocage de la transition G1/S [184]. Une autre cible de la kinase p38 est la phosphatase Cdc25A dont la phosphorylation entraine sa dégradation et participe à l'arrêt en phase S [205,216]. - Arrêt G2/M δ'arrêt Gβ/ε est obtenu par l'intermédiaire de l'inhibition du complexe cycline B/Cdk1. La stabilisation de la protéine p53 par la kinase p38 permet de réguler l'expression des deux cibles transcriptionnelles de p53, 14-3-3 sigma et GADD45. Ces protéines permettent respectivement de séquestrer et de dissocier le complexe cycline B/Cdk1 dans le cytoplasme [210,211,215]. De façon indépendante de p5γ, l'activation de la voie pγ8 permet d'inhiber par phosphorylation les phosphatases Cdcβ5B et Cdcβ5C et l'activité du complexe cycline B/Cdk1 [216]. Ces phosphorylations permettent de créer des sites de fixation pour les protéines 14-3-3 qui séquestrent alors les protéines Cdc25 B et Cdc25 C dans le cytoplasme [209,211]. Dans le cas de la régulation de Cdc25C par la kinase p38, il a été montré que les voies ATM et ATR pouvaient participer de manière directe ou indirecte à la régulation de pγ8 en réponse aux dommages à l'ADN dont les UV. δ'activation des voies ATε et ATR permet notamment par 'intermédiaire de la kinase Tao ou CHK1 d'induire la voie pγ8-MK2. En retour, la kinase MK2 induit la phosphorylation inhibitrice de Cdc25C ce qui entraine un blocage de la progression G2/M [205,217]. En conclusion de cette partie il est à retenir que l'arrêt du cycle cellulaire est un phénomène transitoire qui peut être activé de manière rapide. De plus, la durée de cet arrêt peut être modulée en fonction du niveau de dommage et des voies cellulaires alors mobilisées. Enfin, il est à noter que l'arrêt du cycle cellulaire est particulièrement intriqué avec les mécanismes de réparation de l'ADN afin d'assurer la stabilité du génome. 2.3. La réparation de l'ADN La réparation de l'ADN est un système conservé dans plusieurs espèces permettant la réparation d'une grande variété de lésions de l'ADN produites par des sources endogènes et exogènes. 53 δes systèmes de défenses cellulaires contre l'instabilité génomique promue par l'exposition UV l'inactivation de la polymérase translésionnelle η). Plusieurs mutations de ces gènes ont été identifiées dans des maladies héréditaires autosomiques récessives rares de la réparation de l'ADN telles que ; le Xeroderma Pigmentosum (XP), le Syndrome de Cockayne (CS) et la Trichothiodystrophie (TTD) (Tableau 2). Ces pathologies induisent chez les personnes atteintes une hypersensibilité aux UV et généralement un risque élevé de développement de cancers à un âge précoce. Les patients XP ont ainsi un risque mille à deux mille fois supérieur aux sujets non atteints de XP de développer des cancers cutanés qui incluent les carcinomes et les mélanomes [50– 52,218 ]. 2.3.1. Mécanisme de la réparation par excision de nucléotides (NER) La réparation NER comprend deux sous voies de réparation ; la voie du TCR (Transcription Coupled Repair) qui permet de réparer les zones transcriptionellement actives du génome et, la voie du GGR (Global Genome Repair) associée à la réparation des zones peu actives. Les deux sous-voies utilisent une stratégie commune et sont différenciables uniquement dans l'étape de reconnaissance des dommages à l'ADN. δe NER comprend plusieurs étapes séquentielles (Figure 13); la reconnaissance des dommages, l'ouverture de l'hélice d'ADN (ou création d'une bulle de dénaturation), l'excision du brin d'ADN de part et d'autre de la lésion (jusqu'à 32 nucléotides) et le relarguage de la partie excisée qui créé un "gap", le remplissage du "gap" par l'insertion d'une nouvelle séquence nucléotidiques, et enfin la ligation du brin nouvellement synthétisé [218] - Reconnaissance de la lésion à l'ADN et initiation du NER Dans le GGR, la reconnaissance du brin lésé est assurée par la protéine XPC qui en se fixant sur le brin intact en face de la lésion est l'élément initiateur du GGR [219,220]. Cette dernière forme le complexe XPC, avec deux autres protéines HR23B et Centrine 2. Ces protéines augmentent l'affinité d'XPC pour les lésions et son activité dans le NER [221,222]. Lorsque les lésions sont peu distordantes, un deuxième complexe peut intervenir pour optimiser la fixation du complexe XPC. Dans ce cas, le complexe DDB1/DDB2-XPE, qui possède une forte affinité pour l'ADN lésé permet le recrutement de XPC. Le complexe DDB1/DDB2 est associé à des complexes multienzymatiques lui conférant une activité ubiquitine ligase E3 qui lui permettent de poly-ubiquitiniler XPC et d'augmenter son affinité pour la lésion [223]. Les systèmes de défenses cellulaires contre l'instabilité génomique promue par l'exposition UV XPA-RPA (pour le TCR), qui permettrait d'orienter la fixation du complexe TFIIH [223]. Le complexe TFIIH comprend deux sous-unités XPB et XPD qui possèdent des activités hélicases de sens opposées et des activités ATPases [228,229]. Ces activités ATPase et hélicase permettent au complexe TFIIH d'ouvrir l'hélice d'ADN et de créer une ''bulle'' d'une trentaine de nucléotides encadrant la lésion d'ADN [230]. Les protéines RPA permettent ensuite le recrutement du deuxième complexe formé des protéines XPG et XPF-ERCC1 qui ont une activité endonucléase respectivement en γ' et en 5' sur le brins d'ADN lésé [231,232]. δe fragment d'ADN lésé est ensuite écarté pour laisser place à la fixation des ADN polymérases /, [233] et au complexe RFCPCNA [234] qui permettent la synthèse d'une nouvelle séquence nucléotidique. Enfin le complexe XRCC1-liguase III, dans les cellules qui se répliquent activement ou l'ADN ligase I, dans les cellules quiescentes permettent de liéer le fragment néosynthétisé [235]. 2.3.2. Régulation du NER à la suite de l'exposition UV Dans les cellules de mammifère, la protéine p53 jouerait un rôle crucial dans la régulation du NER en réponse à l'exposition UV. Il a été montré que la déficience en protéine p53 dans les cellules issues de patients atteints du syndrome de LiFrauméni (Chap.3, sect.1.1-2), ou après extinction par infection par le papillomavirus E6 ou le virus SV40 altérait l'efficacité de réparation des lésions de types CPD et 64PP [236–241]. Dans ces étud es, la protéine p53 aurait un rôle prépondérant dans le GGR D'autres études suggèrent que l'implication de p53 dans la régulation UV induite du NER passerait par le contrôle de l'expression de DDB2 et XPC, deux gènes cruciaux dans le GGR [242–245]. Néanmoins, l'implication de p5γ ne serait pas limitée au GGR et influencerait également le TCR. Dans ce cadre il a été montré que l'influence de p5γ était corrélée à la longueur d'onde des UV utilisés pour irradier les cellules. Ainsi la perte de p53 affecte à la fois le TCR et le GGR en réponse aux UVB mais uniquement le GGR en réponse aux UVC [246]. Cette participation de p53 pourrait faire également appel à la régulation de PCNA qui intervient dans la voie commune au TCR et au GGR mais cette piste reste encore discutée. Très récemment, il a été montré que les voies GGR et TCR pouvaient être également modulées par d'autres facteurs de transcription. En réponse à l'exposition UV, in vivo et in vitro, l'activation du facteur de transcription USF1 particulièrement, est importante pour la régulation transcriptionnelle des gènes CSA et HR23A. Ce mécanisme, indépendamment de la protéine p53, est particulièrement important pour la réparation des lésions de type CPD induites par les UVC [226]. δa régulation du NER en réponse à l'exposition UV ferait également intervenir des interactions protéines-protéines et des modifications post-transcriptionnelle de ces composants qui moduleraient alors l'activité du NER. Après irradiation UV, il a été montré que les protéines DDB2 et XPC sont co-localisées sur l'ADN lésé. Dans ce cas, la fixation de DDB2 préliminaire est nécessaire pour le recrutement successif de XPC sur l'ADN lésé [244]. D'autres parts, il a également été montré que la protéine DDBβ faisait partie d'un complexe composé des protéines DDB1,Culine 4A, Roc1 et du signalosome COP9. Ce complexe, doté d'activité ubiquitine ligase Eγ, est activé en réponse aux UV et permet de polyubiquitiniler à la fois DDB2 et XPC. La 56 δes systèmes de défenses cellulaires contre l'instabilité génomique promue par l'exposition UV polyubiquitination d'XPC permet son association à l'ADN lésé et favorise l'activité du NER alors que la polyubiquitination de DDB2 entraine sa dégradation. Ce mécanisme utilisant un signal de polyubiquitination permettrait la reconnaissance UV induite de la lésion à l'ADN et l'activation du GGR [223,225]. Pour conclure, cette partie montre le caract crucial de la réparation NER, ces spécificités mais également la complémentarité des sous-voies GGR et TCR. δ'absence de tels mécanismes de réparation conduit à une hypersensibilité aux UV dont l'apoptose est alors une dernière barrière contre l'instabilité génomique. 2.4. L'apoptose δ'apoptose est un mécanisme de mort programmé qui constitue un des derniers remparts contre l'initiation de la transformation des cellules cutanées exposées aux UV. Particulièrement, l'apparition de kératinocytes à noyaux pyknotiques avec des cytoplasmes rétractés, dénommés "sunburn cells", au niveau des régions suprabasale et médiane de l'épiderme, est reconnue depuis longtemps comme un des événements les plus caractéristiques de la protection contre les effets mutagènes des UV [247–249].
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Les musiciens d’Église au XVIIIe siècle : acteurs, circulations, réseaux (diocèses de Blois, Chartres, Évreux, Orléans, Rouen). Histoire. Université Clermont Auvergne, 2023. Français. &#x27E8;NNT : 2023UCFA0135&#x27E9;. &#x27E8;tel-04623126&#x27E9;
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326 CHARRIER J. (prêtre), Claude Fauchet, évêque constitutionnel du Calvados, Librairie ancienne Honoré Champion éd., Paris, 1909, t.II p.51. 327 PIEL Léopold-Ferdinand-Désiré, Inventaire historique des actes transcrits aux insinuations ecclésiastiques de l’ancien diocèse de Lisieux, Lisieux, Imprimerie typographique et lithographique E. Lerebour, 1891, t.1. Ainsi en 1693 (p.53), en 1704 (p.586) : « 269 – Le 25 juin 1704 le seigr évéque donne à Me Antoine Guéret, pbre, l’un des heuriers de la Cathédrale, la collation de la parr. de N.D. d’Auquainville, vacante par la mort de Me Guillaume Haguelon, pbre, dernier titulaire. » L’abbé Piel assimile les heuriers à des choristes (p.LXI). 328 https://cnrtl.fr/definition/matinier, consulté le 18 novembre 2020. « Matutinier », que l’on trouve parfois dans les sources n’a aucune entrée. 65 « MATINIER [...] S. m., chantre ou chapelain à gages, qui assiste à matines et aux autres offices : Pierre de Rochefort, chantre de Chartres et arcediacre [sic] de Langres a donné... a l’eglise de Chartres cent souls et un mui de blé de rente perpetuel aux us de un matinier perpetuel en l’eglise de Chartres (1312, Cart. du Chapitre de Chartres, ap. Duc., Matutinarius.) Les heuriers et matiniers de l’eglise Nostre Dame de Chartres. (12 sept. 1415, Acquit, Chap. N.-D., C 44, Arch. Eure-et-Loir.) Auquel cloistre (de l’église de Chartres) avoit en la maison des matiniers plusieurs des chantres de la dite eglise, lesquelx chantoient, jouou et se esbatoient a plusieurs instrumens. (1463, Arch. .) » Le terme est également attaché à la cathédrale de Chartres. Jusqu’à présent il n’est jamais apparu en un autre lieu de musique dans les dépouillements du réseau Muséfrem. Sur la même racine étymologique, on trouve malgré tout des « clercs de matines » dans plusieurs cathédrales, en particulier à Notre-Dame de Paris, qui entretient comme musiciens gagistes en 1790, sept « clercs de matines » à côté des six « machicots »329. Bien que Sébastien Rouillard différencie au début du XVIIe siècle les « heuriers » des « matiniers », la distinction n’existe plus à Chartres au XVIIIe siècle. D’ailleurs « matinier » a tendance à disparaitre au profit du seul terme d’« heurier ». Il est encore conservé sous sa forme archaïque de « matutinier » dans certains actes, ainsi dans la sentence rendue par la chambre des requêtes en 1707 contre Pierre Monnerot330, ou alors lorsqu’en septembre 1791 les chanoines de Saint-Piat entendent prouver leur statut de bénéficiers331. Dans le passage évoqué ci-dessus, Sébastien Rouillard est assez vague sur la période durant laquelle ont été instaurés les heuriers-matiniers : « d’ancienneté » ils sont vingt-quatre. Il est plus précis dans un second passage dans lequel il élabore une généalogie des évêques de Chartres : « Robert surnommé le Breton (selon d’Argentré livre premier chap.16 de l’histoire Armorique) fut apres lui pour Evesque soixante & troisiesme [...] il n’auroit en rien degeneré de la vertu de ses predecesseurs, ni diminué le relief de son grade, ainsi celui accreu, & rehaulsé par infinis actes pieux & meritoires. Ce fut lui qui premier introduisit le chant de musique en l’Eglise de Chartres, qui fit paver le devant du chœur d’icelle, avec une marqueterie de fort rare artifice »332 C’est l’époque retenue par la tradition chartraine : un « Tableau des musiciens du district de Chartres » non daté (probablement 1791) porte cette seule mention dans la colonne « observations » : « Nter La musique a pour premier fondateur Robert soixante troisième 329 CAILLOU François, MAILLARD Christophe, « Musiques et musiciens d’Église à la cathédrale Notre-Dame de Paris autour de 1790 », dans MUSÉFREM, op.cit., consulté le 5 janvier 2021, http://philidor.cmbv.fr/musefrem/notredame-de-paris. Le terme se rencontrait aussi à la cathédrale de Rouen au tout début du XIVe siècle : cf. POMMERAYE, Histoire de l’église cathédrale de Rouen..., op.cit., p.541 : « Les Chapelains de Dernétal s’appeloient anciennement les Clercs des Matines, auparavant mêmes que l’Archevesque G. de Flavacourt eust augmenté leurs distributions 330 Mémoires du clergé de France, tome 2nd, Paris, 1768, c.1262 : « aussi-tôt que ceux qui sont pourvus desd bénéfices sont congédiés par le chap & cessent d’exercer dans l’église de Chartres les offices & fonctions de chantres, heuriers & matutiniers, maîtres de musique & des enfans de chœur, clercs de l’œuvre, notaires & autres officiers servitoriaux établis dans lad église... » 331 Ad28/ G 564, p.6 : « [à] la vérité ces bénéfices étaient conférés aux M[usiciens], heuriers, Matutiniers etc ». 332 ROUILLARD, Parthenie..., op.cit., t.II, p.37 r°-v°. Voir aussi t.1, p.155 r° sq.. J.B. Souchet (1589-1654) — qui reprend souvent largement Rouillard — est moins prolixe : « Il y en a qui ont escrit que ce fut ce Robert, qui a introduit la musique en l’église de Chartres, autres le rapportent à son prédécesseur de mesme nom ». (SOUCHET Jean-Baptiste, Histoire du diocèse et de la ville de Chartres, Chartres, Garnier, 1868, t.2, p.478) 66 evesque de Chartres vers l'an 1148 »333. Ne surestimons pas pour autant la culture historique de tous les secrétaires de l’administration départementale. Selon toute probabilité le tableau a été dressé par Innocent-Jacques-Charles Soret qui occupe ce poste334 : il est lui-même ancien secrétaire et notaire du chapitre... et ancien chanoine de Saint-Piat. a. Dépendance et volonté d’indépendance du chapitre de Saint-Piat Une infrastructure socio-économique s’est progressivement mise en place pour pérenniser l’organisation de cette chapelle de musique. Un premier chapitre subalterne, dit « de SaintPiat » a été fondé au XIVe siècle pour entretenir douze musiciens. Sébastien Rouillard, toujours, le note un peu plus loin : « Or outre le loier celeste que peuvent esperer ces Heuriers & Matiniers, d’avoir exercé en ceste Eglise militante, la mesme fonction que les Anges en la triomphante fonction, qui consiste principalement à chanter sans cesse les loüanges divines, ils se peuvent encores promettre une recompense temporelle & certaine, au cas qu’ils facent bien leur devoir. Car les douze Prebendes de la Chappelle sainct Piat, en icelle Eglise de Chartres, leur sont tellement affectées, que toutes collations faictes à autres, seroient nulles, & non vallables, selon les bulles expresses du Pape Martin cinquiesme, de l’an 1427, ausquelles ledict Chapitre auroit adjouté double statut conforme, l’un du jour de la Chandeleur 1428, & l’autre de la feste de Jean Baptiste 1429, lesquels la Cour auroit suivis & confirmez par Arrest du neuviesme Juillet, mil cinq cens cinquante huict »335 En 1349 d’abord, Aymery de Chastellux, ancien évêque de Chartres, avait fait don de douze mille florins d’or afin de former une rente perpétuelle pour établir un collège de douze chanoines en la chapelle de Saint-Piat336, érigée à l’abside de la cathédrale vingt-cinq ans plus tôt337. Le patrimoine de Saint-Piat a peu à peu prospéré grâce à des dons et des fondations338 : de trois cents livre de rente annuelle au milieu du XIVe siècle, il en produit trois mille au milieu du XVIIe, soit deux cent cinquante livres par prébendier339. Fin mars 1791, les ex-chanoines de Saint-Piat estiment le revenu de leur prébende à dix-huit livres par semaine chacun, soit neuf cent trente-six livres par an et par bénéficier340. Le corps est à peu près complet durant l’essentiel du XVIIIe siècle341, mais il faut noter qu’il n’entretient pas que des musiciens stricto sensu. En 1790 par exemple, trois prébendes de Saint-Piat sont réservées l’une au maître de grammaire (Louis Léonard Moriette), les deux autres au secrétaire du chapitre (Innocent Jacques Charles Soret), et au clerc de l’œuvre (Mathurin Pierre Lepage). Les fonctions cantorales de ces trois hommes sont mal définies, et ils ne sont que partiellement intégrés à la sociabilité du corps de musique. 334 Voir SAINSOT, « La cathédrale de Chartres pendant la Terreur », op.cit., p.74. 335 ROUILLARD, Parthenie..., op.cit., t.II, p.117 r°. 336 Ad28/G544 ; ROUILLARD, Parthenie..., op.cit., t.I, p.145 r°. 337 FAIN Charlotte, « Patrimoine foncier et pratiques documentaires des chanoines de la chapelle de Saint-Piat de Chartres aux XIVe et XVe siècles », in DEWEZ Harmony, TRYOEN Lucie (dir.), Administrer par l’écrit au Moyen Âge : (XIIe-XVe siècle), Paris, Éditions de la Sorbonne, 2019, p.55. 338 Judicieux choix que celui de saint Piat pour attirer les dons des paysans beaucerons : il est vénéré comme saint patron du beau temps. 339 AMIET, Essai sur l’organisation du chapitre..., op.cit., p.142. Il cite à l’appui de ses dires « B. m. R. c. ms. 10092 f°402 et s. (28 février 1615) », manuscrit qui a brûlé dans l’incendie de 1944. 340 SAINSOT, « La cathédrale de Chartres pendant la Terreur... », op.cit., p.308. Pour une étude de l’évolution économique des prébendes, voir infra p.520. 341 Chronologie 4 p.282. 67 comme député du chapitre de Saint-Piat auprès de l'assemblée des trois ordres qui doit se réunir à Chartres pour préparer les États Généraux. Mais aucun de ces trois hommes n’est présent au mariage de Pierre Marie Boucher en 1792. Tous les trois d’ailleurs — et ce sont les seuls dans l’état actuel des connaissances — deviennent curés ou vicaires de paroisses après la Révolution. De toutes les formes d’organisation des corps de musique étudi ici, le chapitre de Saint-Piat est probablement celui qui offre la plus grande indépendance aux musiciens. Car ces douze chanoines forment un chapitre qui gère des biens et se réunit au moins une fois par mois, tient des registres capitulaires et affirme haut sa volonté d’autonomie. Sur le plan des réunions d’abord, les chanoines de Saint-Piat sont fermement attachés à leur indépendance. Ainsi en est-il du secret des réunions, réaffirmé en 1733 dans leurs registres capitulaires : « 9 janvier 1733 Sur ce qui a remontrés par Mr Homet qu’au préjudice du secret que l’on jure lorsqu’on est admis néanmoins on s’aperçoit que de bien des choses qui se font et disent au chapitre il en est révélées beaucoup et publiquement parlées. En sortes que ce qui devrait être secret devient public sans que l’on sache de quelle part. La compagnie juge à propos de délibérer a ce regard, et après avoir délibéré la compagnie a décidé que lorsqu’on aura connaissance de quelle part le secret aura été révélé, celui de la compagnie qui aura révélé ledit secret sera amendable de telle amende que la compagnie jugera a propos suivant l’importance du cas.342 » On ne sait, à la lecture des actes qui entourent celui-ci, quel avait été le secret révélé, et à qui. Il faut cependant noter que les réunions sont normalement présidées par un chanoine de la cathédrale. Si secret il doit y avoir, ce n’est donc pas par rapport au chapitre cathédral. Or ce dernier n’entend pas être relégué au simple rang de témoin des délibérations du chapitre de Saint-Piat. Non seulement il veille au vocabulaire qu’il emploie, mais il assure aussi une tutelle pointilleuse qui passe par la police des délibérations : « 25 juin 1732 M Vallon l’un de MM commis aux chapelles dit que ce matin il a assisté présidé aux chapitres généraux des chanoines de St Piat, qu’ils ont continué pour sindic M Langlois et que M Homet a été élu pointeur. Idem dit qu’il arrive souvent que pendant les délibérations dudit chapitre plusieurs de MM causent et n’écoutent point lesdites propositions Chapitre renouvellant les anciens règlements, ordonne que ceux de MM qui interrompront les délibérations seront mulettés à cent sols d’aumone. »343 Sur le plan archivistique, les actes de Saint-Piat se distinguent de ceux du chapitre de la cathédrale dans la seconde moitié du XVe siècle344. Ici encore les chanoines du bas chœur veillent jalousement à ce que cette séparation ne se limite pas à l’usage de registres différents, mais plus largement qu’elle consiste en une séparation des pièces où sont conservées les archives. « 24 décembre 1757 Mr Belhomme syndic a dit que Mr Alibert, chanoine de la Cathédrale et préposé à l’arrangement des archives du chapitre, proposait de donner ses peines et soins pour mettre en ordre les titres de la compagnie aux frais du chapitre de la Cathédrale à condition que les titres seraient transportés en leur trésor et mis dans des armoires séparées et fermant à clefs prohibitives dont l’une resterait en mains de l’archiviste dudit chapitre et l’autre en celles dudit Sr Syndic, qu’au 342 Ad28/G552, 9 janvier 1733 Ad28/G301. Ainsi barré sur le registre. contraire, si la compagnie désirait que ses titres ne sortissent point de place, il donnerait également ses soins gratis pour faire l’arrangement mais qu’il en couterait au moins 150 lt pour payer le scribe et les cartons. Sur quoi la compagnie après mures délibérations a décidé que ses titres ne sortiraient point de leur place ordinaire sauf a y mettre en temps et lieu l’arrangement nécessaire, pourquoi a député Mrs Belhomme et Nansot pour remercier Mr Alibert de sa bonne volonté et le prier de la vouloir conserver. »345 Encore une fois cependant, la séparation doit être relativisée. Ainsi fin mai 1770, au moment de la reddition des comptes, la chambre346 signale que « 26 mai 1770 depuis quelques années le sindic de St Piat ne fournit point au chapitre [de la cathédrale] un double de son compte pour être déposé à la chambre. Demande si la compagnie se contente du double qui est fourni au trésor de St Piat »347 Et le chapitre décide de se contenter de celui qui est déposé aux archives de Saint-Piat, puisque « M des chapelles ont une clef prohibitive »348. L’indépendance est très relative d’ailleurs, puisque ceux de Saint-Piat ne peuvent mettre de l’ordre en leurs archives que sous « le bon plaisir » du chapitre de la cathédrale. Ainsi en 1771 : « 7 août 1771 L’un de Mrs commis aux chapelles dit que les chanoines de St Piat ont chargé M Milcent l’un deux de travailler à [la recension] des fondations ; qu’il a fait son opération jusqu’en 1664 époque ou finit l’inventaire, que depuis ce temps il a des acquits, donations, aliénation, amortissements et autres ments qui exigent de longues et pénibles recherches attendu le désordre qui s’est introduit dans le trésor des archives de St Piat ; que pour rétablir l’ordre et faire un nouvel inventaire, Mrs les chanoines de St Piat ont résolu, sous le bon plaisir de la compagnie, de faire un marché avec Sr Duclos archiviste moyent la somme de 150 lt environ, qui sera prise sur le séquestre. Renvoyé à la prudence de Mrs les commis aux chapelles. »349 Les archives de Saint-Piat sont donc toujours concrètement sous l’étroite surveillance du chapitre de la cathédrale. Sur le plan financier, les douze mille florins avaient été confiés au chapitre de la cathédrale, et les chanoines de Saint-Piat ont dû à toute époque faire confirmer leurs marchés et leurs acquisitions par leur chapitre de tutelle. Les rappels à l’ordre périodiques par le chapitre de la cathédrale prouvent cependant que ceux de Saint-Piat s’exemptaient régulièrement de ce contrôle. Ainsi en 1762, « 26 juin 1762 Idem représente que les chanoines de St Piat traitent souvent d’affaires de très grande conséquence sans que MM commis aux chapelles soient appellés À fait lecture d’un acte capitulaire du 9 janvier 1655 portant que les chanoines de St Piat seront obligés de rendre leurs comptes à la chambre, et y laisser copie, d’y faire leurs étiquettes, et qu’ils ne passeront aucuns contrats que par devant les notaires du chapitre, que M le Sousdoyen avec MM commis aux chapelles leur feront signifier les dittes ordonnances, ainsi que celles qui suivent. Nous Doyen et Chapitre de Chartres pour le bien et utilité des chanoines de la chapelle de St Piat qui sont amovibles, et dépendent immédiatement et totalement de nous, avons ordonné ce qui 345 Ad28/G552, 24 décembre 1757. À Chartres « la chambre » désigne le groupe de chanoines de la cathédrale chargé d’expédier quotidiennement les affaires courantes. 347 Ad28/G330, 26 mai 1770. 348 Ce qui n’est pas sans rappeler la situation des archives du bas chœur rouennais : cf. ci-dessus : p.56 n.271) 349 Ad28/G330, 7 août 1771. Impossible de dire si l’opération fut réalisée ; on peut en douter lorsqu’on lit moins de huit ans plus tard que l’opération de mise en ordre des archives est proposée par un second archiviste pour la somme de quatre cents livres... (Ad28/G332, 10 juillet 1779, f°91r). 69 suit Premièrement avons ordonné que dorénavant lesdits chanoines ne feront aucune affaire concernant ladite chapelle sans nous y appeler, ou nos commis suivant l’ancienne coutume de notre église [...] »350 Le contrôle est souvent tatillon, attaché aux détails, comme en 1779 à propos du « partage des bois taillés » : « 23 août 1779 M De Vazeille un de MM commis à la chambre rapporte quelques difficultés ont arrêtés MM de la chambre dans l’examen du compte de St Piat. 1° que l’acte capitulaire qui accorde aux chanoines de St Piat le partage des chênes dépendants dud chapitre St Piat ne parle point du partage des bois taillés. 2° que led chapitre a fait pour la somme de 177 lt de dépense dans lesd bois tant pour nouvelles plantations que pour 300 toises de fossés autour desd bois, et ce sans être authorisés par la compagnie pourquoi demande qui supportera le payement de lad somme »351 Les investissements des chanoines de Saint-Piat, ne sont pas libres, mais soumis aux décisions du chapitre cathédral. « 25 juin 1785 Idem a dit que le 18 dudit mois a été renvoyé aux chapitres généraux pour délibérer sur l’emploi de la somme de 2134 lt 19s 6d qui reste du séquestre du chapitre de St Piat Ladite somme de 2000 lt sera placé sur le clergé dans l’emprunt présentement ouvert »352 Sur le plan de la collation des bénéfices, l’acte de fondation l’attribuait au seul chapitre de la cathédrale, à l’exclusion de la cour de Rome, ce que confirme une bulle de Martin V du 11 mai 1430. D’après Eugène de Lépinois, la fondation portait que les douze canonicats devaient être concédés à huit prêtres, deux diacres et deux sous-diacres353. En raison de la « disette de prêtres », il n’en est plus question au XVIIIe siècle, même si ce sont toujours des clercs qui en sont pourvus. Pour la génération en fonction en 1790 par exemple, on dénombre pour moitié des prêtres, pour moitié de simples clercs tonsurés354. Les contestations portaient surtout sur le caractère perpétuel ou révocable du titre — on aurait dit ailleurs ad nutum capituli. Pour le XVIIIe siècle, le principal moment de tension à ce sujet se déroule entre 1702 et 1707. Rappelons que ce tout début du XVIIIe siècle est une période de repli pour le chapitre cathédral. En 1692 Paul Godet des Marais devient évêque de Chartres et, fort de l’appui royal — il est le directeur de conscience de Mme de Maintenon —, il entend bien reprendre au chapitre la juridiction spirituelle que la compagnie exerce. Le 10 août 1700 il obtient un arrêt du parlement de Paris réduisant les chanoines au rôle de présentateur des cures du diocèse qu’ils contrôlaient, faisant de l’évêque l’unique collateur. À la suite de quoi les archidiacres, dignitaires du chapitre, sont remis sous tutelle : en 1704 l’évêque défend aux curés de l’archidiaconé de Pinserais de recevoir leur archidiacre en visite, ce que confirme un arrêt du Parlement de 1706355. C’est dans ce contexte que se tient le procès qui oppose le chanoine de 350 Ad28/G329, 26 juin 1762, f°255r. Ad28/G332, 23 août 1779, f°113r. Le chapitre accorde alors le partage des taillis et vieux chênes à Saint-Piat, mais fait payer par le séquestre de Saint-Piat la somme engagée. 352 Ad28/G334, 25 juin 1785, f°322v. Voir encore par exemple Ad28/G336, 20 décembre 1788... 353 LEPINOIS Eugène de, Histoire de Chartres, Chartres, Garnier éd., 1854, t.1. p.211 n.2 ; Ad28/G544. 354 Prêtres : Charles-Abraham et Félicien Chartier, Michel Delalande, Mathurin Lepage, Louis Léonard Moriette et Innocent Jacques Charles Soret ; clercs : Louis Delafoy, Pierre Louis Augustin Desvignes, Edme Dupont, Denis Guyot, Pierre Joseph Houbron, François Rommeru. 355 AMIET, « La juridiction spirituelle... », op.cit., p. 351 70 Saint-Piat Pierre Monnerot, au chapitre de Notre-Dame. Les registres capitulaires sont perdus pour la première décennie du XVIIIe siècle, et le dossier conservé aux archives départementales d’Eure-et-Loir n’est plus communicable356. Mais la chronologie peut être retracée grâce au second tome des Mémoires du clergé de France édité en 1716357. À la fin de l’année 1702 le chapitre de la cathédrale décide de congédier son clerc de l’œuvre, Pierre Monnerot, pour malversations358. Son canonicat de Saint-Piat lui est immédiatement ôté, et donné au curé de Champhol, Jean Langlois (11 décembre 1702359). Pierre Monnerot, « prêtre, licencié ès loix », porté donc peut-être par le contexte, présente le 29 janvier 1703, une requête au bailliage de Chartres et dans les quinze jours qui suivent, deux « demandes en réintégrande ». Son action porte contre le chapitre de Chartres, contre Jean Langlois son successeur, mais aussi contre le chapitre de Saint-Piat lui-même, qu’il accuse d’avoir indument reçu le sieur Langlois, par suite des provisions données par le chapitre cathédral. Ce dernier riposte par une requête présentée le 29 mars, pour « trouble dans le droit & dans la possession en laquelle ils sont depuis les bulles de Martin V & de Paul IV des années 1427 & 1555 de conférer comme vacantes les douze prébendes de la chapelle de saint Piat [...] aussi-tôt que ceux qui sont pourvus desdits bénéfices sont congédiés par le chapitre »360. Le procès s’enlise pour deux ans, mais Pierre Monnerot modifie son approche en tentant d’impliquer ses anciens confrères dans sa défense, en demandant par quel acte ils ont consenti « à la movibilité des douze canonicats de saint Piat & à la faculté d’en destituer quand il plait au chapitre » (3 septembre 1705). La manœuvre est un succès puisque le 11 janvier suivant, Claude Massot, au nom du chapitre de Saint-Piat demande à être reçu partie intervenante, en défendant l’idée que « lesdits canonicats seront déclarés en titres perpétuels & irrévocables ». L’affaire est compliquée par un procès entre Marin Girard, serviteur de l’église de Chartres, et le chapitre, contre Pierre Monnerot et Jeanne Chevalier sa servante, laquelle prétendait attribuer une paternité dont Monnerot serait responsable... (imprimé, vers 1705, G619, cité dans « Rapport de l’archiviste [Maurice Jusselin] au préfet sur les réceptions pour l’année 1931 », Conseil général du département d’Eure-et-Loir, 2e session ordinaire de 1931, Chartres, impr. Lainé et Tantet, p.348). 359 Ad28/G551, 11 décembre 1702. 360 Mémoires du clergé de France, op.cit., tome 2, c.1262. 361 Ibid., c.1266. 362 Ibid., c.1267. 357 71 l’acte de réception d’Edme Dupont qui prend la suite de Laurent Gaillourdet par exemple, celui-ci est-il dit « les a quittés librement en se retirant du service de la dite Eglise » 363. L’affaire connait un dernier rebondissement en septembre 1791. La municipalité de Chartres considérant alors que ceux de Saint-Piat n’étant pas bénéficiers en titre, ils ne peuvent profiter de l’article 10 du décret du 24 juillet 1790 qui fixe les pensions des anciens chanoines des chapitres supprimés. Dix des douze derniers chanoines signent alors une longue pétition adressée au district. « Oui les chanoines de St Piat jouissaient de revenus attachés à leurs bénéfices. Ils possédaient sous le titre de chanoines de St Piat les biens qui formaient leurs revenus. Ces biens étaient distincts et séparés de ceux du chapitre de Chartres. Les chanoines de St Piat régissaient leurs revenus comme tout autre corps ecclésiastique. Ils avaient un syndic, un notaire. Ils tenaient des assemblées capitulaires. Ils entretenaient ce qu’on appelait des homme vivant et mourant. Ils passaient les baux de leurs biens, recevaient et payaient les achats, rendaient et recevaient des aveux. [...] De même que les chanoines de N.D. de Chartres, les chanoines de St Piat avaient un office canonial qui consistait en une messe haute tous les jours. Ils sont assujettis au bréviaire comme les autres chanoines. Ils formaient si bien un corps, ils étaient si bien regardés comme des bénéficiers en titre, que le clergé du diocèse de Chartres les a toujours admis dans ses assemblées. À la faveur de ces titres ils étaient portés sur les registres des décimes sous le titre de Chanoines ou Chapitre de St Piat, et ils payaient leurs décimes en commun. À la faveur de ces titres, encore, tous les ans à la même époque, le chapitre de St Piat était convoqué pour voter par ses députés, avec les autres corps à l’élection des administrateurs du Bureau des pauvres. Enfin lors de l’élection des Députés aux Etats Généraux en 1789, on ne balança point à regarder les chanoines de St Piat comme bénéficiers formant un corps. Les lettres du Roi portant convocation leur furent signifiées comme aux autres corps et autres bénéficiers. » e, à partir de 1792 les chanoines ne Saint-Piat obtiennent des rémunérations ou des gratifications en fonction de leur durée de service. b. Un chapitre de Saint-Nicolas, vraiment? Le chapitre de Saint-Piat n’assurant la stabilité économique que de la moitié des musiciens, une seconde structure, dite « de saint-Nicolas », a été progressivement mise en place. En 1584 le grand-chantre Nicolas Thieursault établi six prébendes supplémentaires en la chapelle Saint-Nicolas de l’enceinte du cloître ; en 1614 le chanoine Claude Louppereau fonde les six derniers au même endroit. La France ecclésiastique dans l’édition de 1778 écrit : « Les canonicats de S. Piat & de S. Nicolas, affectés aux Officiers & Musiciens de l’Eglise Cathédrale, à la nomination du Chapitre ; les Canonicats de Thiersault, affectés aux Musiciens & Enfants de Chœur, à la nomination du Grand-Chantre, & collation du Chapitre. »365 La nomination par le grand-chantre est dans les faits tout honorifique, jamais dans les registres on ne le voit contester une proposition. Les deux fondations, cependant, ne sont pas toujours confondues dans la dénomination « chanoine de Saint-Nicolas », ce qui exige une approche rigoureuse — et prudente — pour affecter les hommes à Thieursault ou à Louppereau. La réglementation des chanoines de Saint-Nicolas — du moins ceux relevant de la fondation Louppereau — aurait été calquée sur celle des chanoines de Saint-Piat366. Si l’intention fût 363 Ad28/G553, 17 mai 1784. F-Ad28/G564, p.5-6, 7 septembre 1791 (Souligné dans le texte). 366 AMIET, Essai sur l’organisation du chapitre..., op.cit., p.143. Ad28/G628 : « Du samedi dernier février 1615 [...] Les six chanoines fondés en l’ église de St Nicolas sise au cloitre de l’église de Chartres par d’heureuse et recommandable mémoire M. Claude Louppereau vivant chanoine de ladite église, lesquels seront pris des 364 72 peut-être celle-là, il est probable que les chanoines de Saint-Nicolas n’en eurent jamais les prérogatives. Les archives qui nous restent sont infiniment moins riches, aucun registre capitulaire n’a été conservé... si tant est qu’ils aient un jour existé. Seuls les registres du chapitre cathédral ou les pièce s comptables nous apportent — de façon lacunaire — les noms des chanoines qui s’y sont succédés367 . Les douze canonicats de Saint-Piat sont pratiquement toujours pourvus au cours du XVIIIe siècle, mais c’est loin d’être le cas pour ceux de SaintNicolas368. Les chanoines de Saint-Piat se réunissent au moins une fois par mois, mais rien ne prouve l’existence de telles assemblées capitulaires pour ceux de Saint-Nicolas. Deux délibérations du chapitre cathédral données à huit mois d’intervalle sont à ce titre révélatrices : « 16 décembre 1777 M de Géraldin un de MM commis aux chapelles dit qu’il convient nommer quelqu’un pour faire le point de St Nicolas. Chapitre a nommé M Boucher pointeur de St Nicolas. »369 « 8 aout 1778 M Cormier un de MM commis aux chapelles dit qu’il a présidé le chapitre de St Piat que M Legrand a été continué syndic, que M Soret a été nommé pointeur et que MM Houbron et Rom ont été continués commis aux baux. Acte ledit sieur remercié »370 Dans le cas du chapitre de Saint-Piat, le chanoine de la cathédrale préside la réunion qui nomme les officiers du groupe. Il n’est nullement fait allusion à une telle réunion pour SaintNicolas, et le pointeur est directement désigné par le chapitre de Chartres371. En 1791 d’ailleurs, ils ne défendent pas comme le font les chanoines de Saint-Piat, l’idée qu’ils puissent former un corps de bénéficiers indépendant, alors qu’ils estiment les revenus liés à leur prébende à dix livres par semaine chacun372, situation intermédiaire entre ceux de Saint-Piat et les non prébendés. Pour conclure sur un plan symbolique, la chapelle Saint-Piat est toujours debout à l’abside de la cathédrale, alors que la chapelle Saint-Nicolas, avait été cédée dès 1702 à l’évêque Godet des Marais, et abattue l’année suivante pour agrandir la cour de l’évêché373. Le « chapitre » de Saint-Nicolas semble une structure plus proche des « collèges » rouennais — hors de la résidence commune —, que du chapitre de Saint-Piat. heuriers et matutiniers de ladite église seulement pour l’augmentation du divin service de ladite église de N. Dame et afin que ledit divin service soit plus célébrement fait suivant son testament... » 367 En particulier pour le XVIIIe siècle les « Fois et hommages par les chanoines de Saint-Nicolas » (G630), les « pièces de dépenses à l’appui des comptes de la chapelle Saint-Nicolas » (G631 à G637). 368 Infra p.547 sq. 369 Ad28/G331, 16 décembre 1777, f°926r. Boucher est chanoine de Saint-Nicolas. 370 Ad28/G331, 8 août 1778, f°1069r. Legrand, Soret, Houbron et Rommeru sont chan s de Saint-Piat. 371 Délibération similaire en 1780 pour la nomination d’un syndic de st-Nicolas (Ad28/G332, f°170v, 10 janvier 1780). 372 SAINSOT, « La cathédrale de Chartres pendant la Terreur... », op.cit., p.308 . 2.2.4. Du modèle au terrain : à Chartres, pas de distinction institutionnelle entre chapelle de musique et chapelle de plain-chant Théoriquement la structure du corps de musique de Chartres est composée de deux chapitres dépendants qui comptent douze musiciens chacun, celui de Saint-Piat et celui de SaintNicolas. Si le chapitre de Saint-Piat est assez constamment pourvu pour l’ensemble du siècle, celui de Saint-Nicolas est très rarement rempli, il faut donc compléter le plus souvent le corps des musiciens par des chantres non prébendés, qui peuvent par conséquent être des laïcs. Si l’on veut appliquer le modèle de Philippe Canguilhem à Chartres, il faudrait supposer que le chapitre de Saint-Piat correspond à la chapelle de musique puisque le maître de musique est systématiquement gratifié de l’une de ses prébendes, et donc que celui de Saint-Nicolas correspondrait à la chapelle de plain-chant. Or rien n’est moins sûr. Il faudrait, pour le prouver, remonter la prosopographie jusqu’au début du XVIIe siècle lorsque les fondations Thieursault et Louppereau installent les prébendes de Saint-Nicolas. Mais le premier chanoine de SaintNicolas qui apparait dans les registres conservés pour le XVIIIe siècle en 1724 est une hautetaille374, tessiture peu courante pour du plain-chant. En 1790 en tout cas, le modèle à deux chapelles ne fonctionne pas (Tableau 6375) : Jean-Michel Doineau, pour prendre ce seul exemple, chanoine de Saint-Nicolas depuis 1786 est « musicien haute-contre »376, bien éloigné sans doute de la quotidienne psalmodie. Hautes Basses Instrumentistes Maître de musique Saint-Piat Edme Dupont Michel Delalande (ancien maître) Louis Delafoy Denis Guyot Pierre Joseph Houbron François Rommeru Charles Abraham Chartier Félicien Chartier Saint-Nicolas Jean-Michel Doineau Pierre Marie Boucher Pierre André Courtois Louis Blanchet Julien Muguet Non prébendé Louis Pichot Jean Caillot Lucien Gaillard Élie Charles Brazon Thomas Macé Denis Prota (organiste) Henri Joseph Turben Pierre-Alexandre Goblin Pierre Louis Augustin Desvignes Tableau 6 : Le corps de musique de la cathédrale de Chartres en 1790 2.3. Blois : musique apparente, plain-chant caché? 2.3.1. Un diocèse formé à la fin du XVIIe siècle La situation de Blois est particulière, puisque de tous nos évêchés c’est le plus récent, érigé par démembrement de l’évêché de Chartres à la fin du XVIIe siècle. Étant donné la taille de ce dernier — considéré comme un des plus grands de France377, étaient parus dès le XVIe siècle des projets pour le diviser. L’importance de la population dont doit s’occuper l’évêque n’avait 374 Ad28/G298, 8 mai 1724, f°70r ; idem 11 avril 1725, f°187v. Pour mémoire, en 1790 trois prébendes de Saint-Piat sont occupées par des non-musiciens : le maître de grammaire des enfants de chœur, le secrétaire du chapitre et le clerc de l’œuvre. 376 « DOINEAU, Jean Michel (1768-1841) », dans MUSÉFREM, op.cit., consulté le 27 novembre 2022, http://philidor.cmbv.fr/ark:/13681/1hdkx5xyrvgnzebqi6j6/not-479103 377 LEPINOIS & MERLET, Cartulaire de Notre-Dame de Chartres..., op.cit., p.XLVI. 375 74 pourtant jamais vraiment convaincu, mais le poids de dix mille Nouveaux Convertis au lendemain de la Révocation relance les projets de partage378. La conjoncture est favorable au début des années 1690. En 1690 Louis XIV profite d’abord du décès de l’évêque de Chartres Ferdinand de Neufville de Villeroy, pour nommer à ce siège Paul Godet des Marais. C’est, on l’a dit, un proche de Madame de Maintenon, sensible à la lutte contre les « hérétiques »379, et acquis à un futur partage de son évêché. La France sort ensuite progressivement de l’affaire de la Régale. L’élection d’Innocent XII en 1691 permet d’envisager pour Blois un accord avec le Saint-Siège, négocié par le cardinal de Forbin-Janson380. Le nom de David Nicolas de Bertier est proposé par Paul Godet des Marais qui l’a choisi en 1692 comme grand vicaire avec pouvoir d’administrer le Blésois et le Vendômois. Il devient évêque de Blois le 22 mars 1693 par nomination du roi, bien que la bulle d’érection du nouvel évêché ne soit signé à Rome que le 1er juillet 1697381. La cour pontificale exige effectivement, avant de donner son accord, le consentement de tous les partis concernés. Entre 1690 et 1697, David Nicolas de Bertier doit donc lever deux oppositions principales. La première vient du chapitre de Chartres, « ce “grand corps”, “celui que nous avons le plus à ménager” et qui “est si difficile à remuer” »382. Les archidiacres de Blois, de Vendôme et du Dunois, en particulier, verraient leur archidiaconé largement réduit par la division de l’évêché. La seconde opposition vient de la ville de Blois même, lorsqu’il faut transformer une église en cathédrale. Le choix se porte d’abord sur l’église de Saint-Lomer occupée par les bénédictins de Saint-Maur. L’édifice est adossé aux bâtiments et aux jardins de l’abbaye, qui formeraient un futur palais épiscopal idéal. La mense abbatiale fournirait la base des revenus de l’évêque. Mais malgré les compensations promises, le projet n’est pas du goût des religieux qui, dans un mémoire adressé à David Nicolas de Bertier puis au confesseur du roi, le père François de la Chaize, avancent des contre-propositions. La cathédrale pourrait selon eux occuper au choix deux autres édifices blésois, par exemple l’église collégiale Saint-Sauveur, « belle et spacieuse », avec « musique et belles cloches », déjà pourvue d’un chapitre et d’un cloître383, sise dans l’avant-cour du château. Ou encore l’église paroissiale Saint-Solenne, « très belle » et « que l’on peut considérer comme l’ouvrage de Sa Majesté... Elle est dans le plus bel endroit de la ville et domine sur toutes les autres par son élévation »384. Leurs arguments l’emportent, et finalement l’église Saint-Solenne est préférée, mais les bénédictins doivent abandonner au futur évêque une part majeure de leurs revenus385, à commencer par ceux de la mense abbatiale . 378 PONCET Olivier, « La cour de Rome et les créations de diocèses au XVIIe siècle : l’exemple du diocèse de Blois (1693-1697) », in CHAIX G., Le diocèse. Espaces, représentations, pouvoirs (France XVe-XXe siècles), Paris, Éd. Du Cerf, coll « Histoire religieuse de la France », 2002, p.47-66. 379 LE BRUN Jacques, « Paul Godet des Marais, évêque de Chartres (1648-1709) », Mémoires de la Société archéologique d'Eure-et-Loir, 1964-1968, tome 23, p.47-78. 380 GALLERAND Jules, « L’érection de l’évêché de Blois (1697) », Revue d’Histoire de l’Eglise de France, t.XLII, 1956, p.175-228. 381 Consultable dans les Mémoires du clergé, t.II, 1716, c.186-197 ; suivi des lettres patentes de mars 1698 confirmatives de la bulle d’érection, c.197-204. 382 GALLERAND, « L’érection de l’évêché de Blois... », op.cit., p.209. 383 Mémoire présenté́ à M. l'abbé́ de Berthier [sic] par les religieux, prieur et couvent de l'Abbaye de St. Laumer de Blois, sur ce qu'ils ont appris par le bruit public qu'on a dessein d'établir un siège episcopal dans leur abbaye, Bibliothèque municipale de Grenoble, BB 14152, cité par GALLERAND, « L’érection de l’évêché de Blois... », op.cit., p.185. 384 Ibidem. L’église avait effectivement été frappée par la foudre en 1678 et reconstruite grâce à des fonds royaux. 385 GALLERAND , « L’érection de l’ évêché de Blois... », op.cit., p .194. Notons que cette pratique se poursuit pour les érections du XVIIIe siècle : « tout le monde était d’accord pour faire payer la note aux réguliers » (cf. ME YER 75 2.3.2. Un haut chœur dual Le chapitre de Saint-Sauveur, composé de douze chanoines et de cinq dignités386, forme l’armature du chapitre de la cathédrale. Le prieur-curé de Saint-Solenne a rang de sixième dignité du chapitre. L’opération permet de donner une assise temporelle solide au nouveau chapitre. La collégiale de Saint-Sauveur née à la fin du XIe siècle, avait largement bénéficié des largesses des comtes de Blois mais aussi des rois de France387. Les registres capitulaires du chapitre de la cathédrale se reportent ainsi régulièrement aux délibérations du XVIe et XVIIe siècle, marquant la continuité du corps. Le chapitre est cependant de taille médiocre dans la hiérarchie des chapitres cathédraux, équivalent aux petits diocèses du Sud de la France, Béziers, Rieux ou Pamiers. Pour lui donner de l’ampleur, le chapitre de la collégiale SaintJacques de Blois388 lui est adjoint en juillet 1699389. S’ajoutent donc cinq chanoines aux douze premiers, la sixième prébende de Saint-Jacques, réservée au prieur-curé de Saint-Honoré, étant éteinte en 1707 pour conforter le revenu de la mense Saint-Jacques390. Simultanément en 1699 sont ajoutés aux six premiers dignitaires deux archidiacres. Le haut chœur se stabilise donc à dix-sept chanoines, soit un nombre comparable à celui des cathédrales bretonnes (Tréguier, Vannes ou Dol), à celui de Carcassonne, de Mende ou de Dijon391, mais bien en de à de la moyenne des chapitres de la France septentrionale (Carte 4). L’union du chapitre de Saint-Sauveur et celui de Saint-Jacques est pourtant imparfaite. Suivant le décret d’union, ils « feront conjointement le service divin dans la cathédrale et ne composeront à l’avenir qu’un seul et même chapitre sous l’invocation de saint Louis, roi de France ». Les inégalités cependant demeurent fortes, d’abord sur le plan des revenus. À la fin du XVIIIe siècle, la prébende d’un chanoine de Saint-Sauveur rapporte annuellement 1.707 livres, huit muids et quatre septiers de grains, contre 925 livres et quatre muids pour une prébende de Saint-Jacques392. Les tensions sont régulièrement vives393, et rapprochent la Frédéric, « Nouveaux évêques pour nouveaux diocèses. Les prélats des nouveaux évêchés du XVIIIe siècle », in GOMIS, Les évêques des Lumières..., op.cit., p.42). 386 Doyen, chantre, sous doyen, prévôt, trésorier. Les dignitaires ne sont pas forcément pourvus d’une prébende. 387 BEAUNE Colette, « Saint-Sauveur église dynastique », in Jeanne d’Arc à Blois, histoire et mémoire. Actes des “Journées d’histoire” Jeanne d’Arc à Blois – 1429, 2012, Blois, Société des Sciences et Lettres de Loir-et-Cher, 2013, p.33-46. 388 SAUVAGE Jean-Paul, « Grandeur et décadence de l’hospice Saint-Jacques à Blois (1358-1700) », Mémoires de la Société des Sciences et Lettres de Loir-et-Cher, t.61, 2006, p.2-41. 389 Adioc Blois / 1H, « 3° Mémoire abrégé sur la formation et constitution actuelle de l’église de Blois », s.d. 390 En compensation, le prieur-curé devient chanoine honoraire, prenant place après chanoines titulaires dans les hautes stalles, lorsqu’il assiste aux offices. 391 C’est toujours l’indication de la France ecclésiastique en 1788, qui indique « Le doyenné, les premier et deuxieme archidiaconés à la nomination de l’Evêque ; la chantrerie & la trésorerie, à celle du chapitre ; le sousdoyenné & la prévôté, à celle du Roi ; les 12 canonicats de la mense S. Sauveur, à la nomination du Roi & du Chapitre alternativement ; les 5 canonicats de la mense S. Jacques, à la nomination du Roi. » 392 GUERRIER Alain, « Les chan oine s du Chapitre cathédral de Blois au XVIIIe siècle », Mémoires de la société des Sciences & Lettres de Loir-et-Cher, t.69, 2014 , p.69 393 Adioc Blois / 1H, « 3° Mémoire abrégé sur la formation et constitution actuelle de l’église de Blois », s.d. : « MM de St Sauveur préoccupés de leur droit d’ainesse et jaloux de leur prééminence et prérogatives ont cherché dans tous les temps a exercer une espece d’empire et de domination sur tous les bénéficiers de l’église, tantôt sur les simples dignités, ou non chanoines de leur mieux en les dépouillant des droits dont ils avoient été en possession depuis l’érection de la cathedrale [...] tantôt sur les chanoines de la manse de St Jacques [...] d’autrefois enfin contre les chapelains et bénéficiers à leur collation » 76 situation blésoise des rivalités qu’il peut y avoir à Bordeaux394 ou à Clermont395 entre chanoines prébendés et semi-prébendés. 2.3.3. Structure du bas chœur, place de la musique Quant au bas chœur, il est lui aussi essentiellement issu de celui de la collégiale Saint-Sauveur. Les chapelains sont traditionnellement appelés deux fois par an, la première fois au chapitre qui suit la Trinité d’été (premier dimanche après la Pentecôte), la seconde à celui qui suit la Trinité d’hiver (en novembre). Le premier appel que nous ayons conservé, celui du 14 juin 1718396 recense vingt-neuf chapelains397 et un « vicaire perpétuel ». Leur nombre, comme souvent, va cependant en se réduisant : la chapelle de Saint-Sébastien puis celle de SaintEustache disparaissent au cours du XVIIIe siècle (Chronologie 1). Ces chapelles sont « à la pleine et entière collation du chapitre, non compris quatre chapelles royales à nomination du roi »398. Or ce bas chœur forme une communauté unie par des intérêts matériels, dite « confrérie de Saint-Sébastien » : « C’est ici qu’il faut observer qu’outre le revenu attaché a chaque titre de chapelles en particulier, MM les chapelains ont une communauté qui a des biens séparés et appartenans a cette communauté, et les chapelains prêtres s’assemblent tous les lundy après matines pour exercer entre eux une espece de discipline dont ils sont en possession depuis un tems immémorial, régler certains offices, fondations d’obits, acquits de messes qui leurs sont propres, arrêter le point sur les membres de leur communauté, régir et affermer les biens qui en dépendent, en faire la distribution recevoir les comptes du receveur. »399 Ainsi lorsqu’à la mi-août 1779 le chapitre veut installer des armoires dans le tour de chœur à l’usage des chapelains, la décision est prise conjointement par le chapitre de la cathédrale et par la confrérie, et son exécution est suivie par une commission commune : 394 LOUPES, Chapitres et chanoines..., op cit., p.163-165 DA SILVA, « Le chapitre cathédrale de Clermont... », op.cit., p.70-73. 396 Ad41/G212, f°3. 397 Sainte-Catherine, Saint-Denis (2 portions), Saint-Éloi, Saint-Etienne, St-Eustache (3 portions), Saint-Genou, Saint-Guillaume, Saint-Jean (4 portions), Saint-Jean-de-Collier, Saint-Louis, Saint-Nicolas, Notre-Dame-duBenoitier, Notre-Dame-Grosse-Mère-de-Dieu, Notre-Dame-de-Morvilliers, Notre-Dame-sous-le-pulpitre (2 portions), Saint-Sylvain, Saint-Sébastien, Sainte-Barbe, Saint-Antoine, Saint-Thomas-de-Cantorbie [sic], SaintQuentin, Saint-Jacques. 398 Adioc Blois / 1H, « 3° Mémoire abrégé sur la formation et constitution actuelle de l’église de Blois », s.d. Les quatre dernières de la liste de la note précédente sont de nomination royale. 399 ADioBlois /1H, « 3° Mémoire abrégé sur la formation et constitution actuelle de l’église de Blois », s.d.
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Identification et impact des pratiques de gestion fiscale sur la performance fiscale des groupes de sociétés : une étude menée dans le contexte tunisien Ines Menchaoui UNIVERSITE DE FRANCHE-COMTE ECOLE DOCTORALE «LANGAGES, ESPACES, TEMPS, SOCIETES» UNIVERSITE TUNIS EL MANAR FACULTE DES SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION DE TUNIS Thèse en vue de l'obtention du titre de docteur en SCIENCES DE GESTION (Université de Franche-Comté) et en SCIENCES COMPTABLES (Université de Tunis El Manar) IDENTIFICATION ET IMPACT DES PRATIQUES DE GESTION FISCALE SUR LA PERFORMANCE FISCALE DES GROUPES DE SOCIETES : UNE ETUDE MENEE DANS LE CONTEXTE TUNISIEN Présentée et soutenue publiquement par Ines MENCHAOUI Le 15 Janvier 2015 Sous la direction de M. Mohamed Ali OMRI , Profess eur à Northern Border University et M. Jean-Luc ROSSIGNOL, Maître de Conférences H.D.R. à l' Université de Franche- Comté Membres du Jury : Patrick BOISSELIER, Professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers. Faouzi JILANI, Professeur à l'université de Tunis El Manar. Armel LIGER, Professeur à l'IAE de Rennes, Rapporteur. Mohamed Ali OMRI, Professeur à Northern Border University, Arabie Saoudite. Jean-Luc ROSSIGNOL, Maître de Conférences H.D.R. à l'université de Franche-Comté. Samir SRA , Professeur agrégé à l'université de Manouba, Rapporteur. Dédicaces Je dédie ce travail de recherche à Mes parents Pour les précieux conseils qu'ils m'ont fournis tout au long de ma vie scolaire et universitaire et leur soutien inébranlable Qu'ils puissent trouver dans ce travail ma sincère reconnaissance Mon frère Pour le soutien moral qu'il m'a apporté et pour ses encouragements Ma cousine Malek Pour les encouragements qu'elle n'a cessé de me prodiguer durant la réalisation de ce travail Mes amis Mouna Guedrib et Hichem Rezgui Un remerci ement particulier et sincère pour tous vos efforts fournis. Vous avez toujours été présents. A toutes les personnes que j'aime Je vous dé die ce travail avec tous mes voeux de bonheur, de santé et de réus site . 2 Remerciements Mes directeurs de recherche Monsieur le Professeur Mohamed Ali OMRI et Monsieur le Maître de Conférences (HDR) Jean-Luc ROSSIGNOL pour leur disponibilité, la patience dont ils ont toujours su faire preuve et l'attention qu'ils portent à mes travaux. Je ne peux que louer leurs nombreux et judicieux conseils ainsi que leurs qualités humaines d'écoute, de compréhension et leurs encouragements sans lesquels cette thèse n'aurait jamais vu le jour. Les membres du jury pour l'honneur qu'ils m'ont fait en acceptant de juger ce travail Les responsables des sociétés mères des groupes qui ont eu l'amabilité de répondre à notre questionnaire A nos experts fiscaux Lotfi Kellil, Habiba Laouti et Raouf Yaich qui ont eu l'amabilité de répondre à nos interrogations. Tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à l'élaboration de cette thèse. Sommaire Dédicaces Remerciements 3 Sommaire 4 Introduction générale 5 Partie I : Identification des pratiques de gestion fiscale des groupes de sociétés 15 Chapitre 1 : Groupes de sociétés en Tunisie 17 Section 1 : Poids économique des groupes de sociétés en Tunisie 18 Section 2 : Législation relative aux groupes de sociétés selon ses différentes branches 32 Chapitre 2 : Pratiques de gestion fiscale des groupes de Sociétés 61 Section 1 : Gestion fiscale des groupes : portée et limites 61 Section 2 : Pratiques de gestion fiscale des groupes : les dispositifs mobilisables en pratique 87 Partie 2 : Impact des pratiques de gestion fiscale sur la performance fiscale des groupes de sociétés 126 Chapitre 1 : Performance fiscale des groupes de sociétés 128 Section 1 : Coûts de transaction et gestion fiscale 128 Section 2 : Notion de performance fiscale des groupes au regard de leurs pratiques 139 Chapitre 2 : Validation empirique de l'impact des pratiques de gestion fiscale des groupes de sociétés. 159 Section 1 : Choix et collecte des donnée s 159 Section 2 : Analyse et résultats de la totalité de l ' échan tillon 172 Section 3 : Analyse et résultats de robust esses 195 Conclusion générale 227 Bibliographie 233 Annexes 253 Table des Matières 286 Liste des figures 293 Liste des tableaux 294 Liste des abréviations 296 1. Contexte et motivation Pour l'homme, la vie en groupe a toujours été un besoin vital. C'est une nécessité qui se traduit sur les dernières décennies par un développement à grande échelle des technologies de l'information et des moyens de communication. Ces derniers ont permis de réduire les distances faisant disparaître les limites entre les hommes, comme entre les entreprises qu'ils créent et développent. Ainsi, les groupes de sociétés n'ont cessé de croître tant à l'échelle nationale qu'internationale. L'économie moderne e, incitant les groupes de sociétés à se développer pour plus d'efficience. Les sociétés évoluent ainsi elles-mêmes, en se regroupant et en se réorganisant, pour améliorer leur performance financière et fiscale. Cette tendance constitue un phénomène mondial, particulièrement visible au sein des économies développées. En France, « en 2007, les groupes occupent toujours une place grandissante dans l'économie française : on en recense 40 000. Ils étaient moins de 1500 en 1980. Ils réalisent un chiffre d'affaires (ci après : CA) de 2.274 milliards d'euros » (Noëlle et Mirko, 2011, p. 20). Les groupes de sociétés sont ainsi devenus une réalité économique incontournable. Plusieurs pays, dont certains avec une croissance à deux chiffres comme la Chine et la Corée du Sud, ont réussi à franchir un nouveau palier d'industrialisation et de développement économique grâce, entre autres, à l'implantation de grands groupes. La Tunisie connaît pleinement cette évolution économique et, en particulier, cette tendance des groupes à s'intégrer dans le paysage des affaires. Le nombre de groupes des sociétés y a augmenté de 158% entre 1998 et 2011, soit 1487 groupes supplémentaires, selon les statistiques de la Banque Centrale de Tunisie. Selon le rapport annuel de l'année 2013 de l'institution, l'encours de crédits accordés aux groupes, par le biais de leurs entreprises membres, est également passé de 19.7 milliards de dinars en 2012 à 20.6 milliards de dinars en 2013, enregistrant ainsi un accroissement de 4.6% sur une seule année; la part de ces crédits dans l'encours global des crédits accordés aux professionnels atteint ainsi 50.4% en 2013. Une telle évolution illustre, sans conteste, l'importance économique de la notion de groupe dans ce pays. L'optimisation de la performance et une meilleure allocation des ressources incitent les dirigeants des entreprises à se doter de formes organisationnelles, certes structurellement plus denses et plus complexes, mais aussi plus robustes. Les sociétés d'un même groupe tissent des liens de participation qui se traduisent par des relations de dépendance, de solidarité et d'entraide précieuses. Les effets attendus le sont généralement à la fois sur le plan économique, financier et fiscal. 6 Introduction Générale Sous un angle purement économique, « le groupe apparaît essentiellement comme un ensemble de moyens mis en pour mener à bien une stratégie financière, industrielle ou commerciale. Cette dimension essentiellement stratégique se traduit très généralement par un phénomène de concentration des ressources obéissant à une logique d'intégration verticale et/ou horizontale » (Montier, 1995, p.78). Le nombre de plus en plus croissant de groupes a amené le législateur Tunisien à légiférer pour régir ces entités économiques à partir de la définition suivante : il s'agit d'« un ensemble de sociétés ayant chacune sa personnalité juridique, mais liées par des intérêts communs, en vertu desquels l'une d'elles, dite société mère, tient les autres sous son pouvoir de droit ou de fait et y exerce son contrôle, ainsi, une unité de décision » (article 461 du CSC). Au « jeu » local d'options, s'ajoute le « jeu » international. A ce dernier niveau, « les groupes peuvent ainsi procéder à des arbitrages entre divers choix d'optimisation et mettre en oeuvre des solutions de planification fiscale en tirant partie des disparités qui existent entre différents régimes nationaux (Rassat et al., 2010, p.13). De ce fait, le panel des transactions intra-groupe est large et varié. Taylor et Richardson (2012) ont en particulier constaté que les groupes de sociétés utilisent plusieurs pratiques de gestion fiscale pour réduire leur taux d'imposition effectif, parmi lesquelles le prix de transfert et l'utilisation de la dette intra-groupe occupent une place toute particulière. La gestion fiscale des entreprises est véritablement enracinée dans la culture des entreprises dans de nombreuses économies (Rego, 2003 et Slemrod, 2001). La pratique consiste à exploiter les lacunes ou les failles de la législation fiscale, afin de réduire de manière significative le taux d'imposition effectif (Killaly, 2009). Dans le contexte Tunisien, les avantages fiscaux institués par le Code d'incitation aux investissements (ci-après : CII) ont manifestement contribué au développement des groupes. Ainsi, le réinvestissement financier, réalisé par le biais de la souscription au capital initial ou à l'augmentation du capital des sociétés ouvrant droit à l'avantage fiscal, a contribué indirectement à la prise de contrôle. L'optimisation fiscale est acquise à travers le dégrèvement fiscal des bénéfices réinvestis dans des activités encouragées par l'Etat. Les groupes de sociétés tunisiens peuvent également recourir à d'autres procédés, pour réduire leurs bases fiscales imposables. La pratique du transfert du bénéfice qu'il soit commercial ou bien financier entre sociétés est classique, par la voie de minorations ou majorations de prix de , de prise en charge de dépenses, de renonciations aux recettes, de recours excessif à la dette intra-groupe De telles pratiques de gestion fiscale ont naturellement une incidence forte sur la performance fiscale du groupe. La réalité de telles pratiques interroge de fait sur leur régularité, dans la mesure où elles peuvent être remises en cause par l'administration fiscale à travers les moyens de contrôle dont elle dispose, notamment la théorie de l'acte anormal de gestion. En effet, l'administration fiscale peut « demander au contribuable s'il a une raison économiquement valable, autre que la minimisation des impôts, justifiant ses transactions. - Le deuxième objectif est d'identifier les différentes raisons de l'absence d'application du régime d'intégration fiscale en Tunisie. Pour cela, un questionnaire a été adressé aux dirigeants de toutes les sociétés mères qui sont cotées à la bourse de valeurs mobilières de Tunis (ci-après : BVMT), pour apprécier les avantages et les inconvénients de ce régime et recenser d'éventuelles propositions d'amélioration. - Le troisième objectif est enfin d'évaluer l'effet des pratiques observées sur la performance fiscale des groupes de sociétés. Un dépouillement des états financiers consolidés, des états financiers individuels de la société mère et des rapports des commissaires aux comptes des groupes de sociétés tunisiens permet d'y répondre. L'intérêt de notre travail de recherche apparaît ainsi à deux niveaux. Premièrement, sur le plan théorique, notre étude est la première en Tunisie à porter sur les différentes pratiques de gestion fiscale des groupes de sociétés. A l'échelle internationale, Taylor et Richardson (2012) ont examiné l'effet des pratiques de la gestion fiscale des groupes des sociétés Australiennes sur le taux d'imposition effectif. Introduction Générale D'autres études ont examiné les principaux déterminants du prix de transfert comme moyen par lequel les groupes de sociétés peuvent réduire de manière significative leurs charges fiscales (Richardson et al., 2013). Une autre étude encore a montré que l'utilisation excessive de financement par la dette par les filiales situées dans des pays à forte fiscalité constitue une technique importante de gestion fiscale prisée par les groupes de sociétés (Taylor et Richardson, 2013). Si le thème est particulièrement d'actualité, la littérature scientifique tunisienne n'en reste pas moins pauvre, avec des analyses plutôt anciennes. Le présent travail est de fait novateur et a la prétention d'enrichir la littérature académique et professionnelle dans ce domaine. Pour conduire cette recherche, la théorie des coûts de transaction sera mobilisée. Elle permet pleinement d'apprécier l'impact des pratiques de gestion fiscale sur la performance fiscale. Cette théorie est au coeur même de notre recherche. « Formellement, un groupe n'est qu'un paquet d'entreprises connectées par des liaisons financières. En économie, c'est la théorie des coûts de transaction qui est invoquée pour expliquer l'émergence de ces liaisons » (Delarre, 2005, p 121). De fait l'appartenance de plusieurs entreprises à un même groupe permet de réduire les coûts de transaction globaux, et notamment les coûts fisca . En réduisant leur taux d'imposition effectif, les groupes de sociétés peuvent réaliser des économies d'impôts considérables (Karyan et al., 2002). Deuxièmement, sur le plan empirique, la méthodologie adaptée est riche et très variée. Elle repose sur plusieurs sources différentes et sur diverses méthodes d'analyse avec, dans un premier temps et dans le but d'identifier les différentes pratiques, un questionnaire de recherche pour examiner les défaillances du régime d'intégration fiscale, ensuite une analyse de la jurisprudence relevant du tribunal administratif, avec le même objectif et l'intérêt évident de connaître la vision du juge vis-à-vis de ces pratiques, enfin une analyse de contenu, permettant de conduire une régression multi-variée. Les mesures des variables du modèle prendront pleinement en considération la spécificité du contexte tunisien. 3. Les résultats dégagés de cette analyse montrent que certaines pratiques employées par les sociétés membres d'un groupe, comme des transferts de bénéfice commercial ou financier, sont sévèrement remises en cause par l'administration fiscale comme en ce qui concerne la minoration du prix de vente, des ventes non déclarées entre sociétés d'un même groupe ou encore la renonciation à percevoir des intérêts sur un prêt entre deux sociétés membres d'un groupe. La position du juge tunisien a considérablement évolué sur ce point, en reconnaissant explicitement l'intérêt de groupe pour justifier le recours à de telles pratiques. Il admet ainsi le droit pour une société d'accorder à une autre société de groupe des prêts non productifs d'intérêts ou encore de facturer avec un prix différent de celui pratiqué entre deux entreprises indépendantes, sans que les opérations ne soient qualifiées d'actes anormaux de gestion, lorsque la société concernée est en capacité d'établir l'existence d'une contrepartie directe ou indirecte en préservant l'intérêt suprême du groupe. Le questionnaire adressé aux responsables membres des groupes de sociétés a ensuite permis de déceler les différentes raisons de l'absence d'application du régime d'intégration fiscale instauré en 2000. Parmi les principales raisons évoquées par les dirigeants interrogés, il ressort que la période d'option au régime de l'intégration fiscale des résultats apparaît relativement longue, avec des conditions d'application plus strictes de la méthode du réinvestissement des bénéfices au sein des sociétés du groupe; l'abandon de régime apparaît également trop pénalisant. Quelques réaménagements sont proposés pour rendre le régime plus souple et par conséquent plus opérationnel, comme en matière de bénéfice 'avantages fiscaux afin que les sociétés puissent continuer à en bénéficier de la même façon en cas d'option pour le régime. Ces réaménagements permettent même d'améliorer la lisibilité du dispositif perçu comme excessivement complexe. La réduction du taux minimum de participation de la société mère au capital de la filiale apparaît également comme utile. La proposition est même faite d'un rapprochement fiscal-comptable consistant à établir l'impôt à partir des états financiers consolidés, par mesure de simplification, la consolidation comptable prenant le pas sur la consolidation fiscale. Enfin, l'analyse de contenu, élaborée à partir des états financiers consolidés des groupes de sociétés, des états financiers individuels des différentes sociétés mères cotées à la BVMT et des différents rapports des commissaires aux comptes, a été menée sur la période 2007 à 2011. - Celles relatives au transfert de bénéfice financier, qui montrent que la pratique de gestion fiscale (l'importance de la dette intra-groupe) a un effet négatif sur le taux d'imposition effectif (hypothèse 2) et que la pratique de gestion fiscale (réinvestissement de bénéfice) a également un effet négatif sur ce taux (hypothèse 3). La taille du groupe, le nombre d'entreprises du groupe, son niveau d'endettement extérieur, l'intensité de capital, celle des stocks, le rendement de l'actif et le secteur d'activité seront analysés lors de notre étude empirique. 4. Organisation du document Le présent travail de recherche sera structuré comme suit : la première partie sera consacrée à l'identification des pratiques de gestion fiscale des groupes de sociétés. Elle sera divisée en deux chapitres : le premier chapitre définira la notion de groupe de sociétés en Tunisie en mettant en exergue leur poids économique et en soulignant leur réalité juridique, alors que le deuxième chapitre analysera les différentes pratiques de gestion fiscale, auxquelles ont recours les groupes. Ce chapitre comportera lui-même deux sections : une première section portera sur la gestion fiscale, en présentant la portée mais aussi les limites de la notion appliquée à un groupe, alors que la deuxième traitera des pratiques de gestion fiscale des groupes elles-mêmes, avec les dispositifs mobilisables dans le cadre tunisien. La deuxième partie sera réservée à l'étude de l'impact des pratiques sur la performance fiscale des groupes. Le premier chapitre définira la notion de performance fiscale des groupes de sociétés; il sera devisé en deux sections : la première section portera sur l'analyse de la théorie mobilisée dans le cadre de la recherche, la théorie des coûts de transactions, et la deuxième sera davantage consacrée à l'analyse de la notion de performance fiscale des groupes au regard de leurs pratiques. Le deuxième chapitre portera sur la validation empirique de l'impact des pratiques sur la performance fiscale des groupes. Ce chapitre contiendra trois sections : la première section présentera le choix et la collecte des données, la deuxième, l'analyse qui en est faite et les résultats associés, alors que la troisième section portera sur l'analyse de robustesse. Partie I : Identification des pratiques de gestion fiscale des groupes de sociétés Chapitre I Chapitre II Groupes de sociétés en Tunisie Pratiques de gestion fiscale des groupes de sociétés Poids économique des groupes de s ociétés Législation relative aux groupes de société s selon ses différentes branches Pratiques de gestion fiscale des groupes : les dispositifs mobilisables en pratique. Gestion fiscale des groupes : portée et limites Partie II : Impact des pratiques sur la performance fiscale des groupes de sociétés Coûts de transactions et gestion fiscale Chapitre I Chapitre II Performance fiscale des groupes de sociétés Validation empirique de l'impact des pratiques de gestion fiscale des groupes de sociétés Notion de performance fiscale des groupes au regard de leurs pratiques Choix et collecte des données Analyse et résultats de la totalité de l'échantillon Figure 1 : Démarche général e de la recherche . 14 Analyse et résultats de robustesses Partie I : Identification des pratiques de gestion fiscale des groupes de sociétés Partie I : Identification des pratiques de gestion fiscale des groupes de sociétés 15 Partie I : Identification des pratiques de gestion fiscale des groupes de sociétés Dans cette partie, le premier chapitre s'intéressera à la définition même des groupes de sociétés, alors que cette notion ne cesse d'évoluer à travers le temps. Le deuxième chapitre sera consacré à l'analyse des différentes pratiques de gestion fiscale, auxquelles ont recours les groupes de sociétés. La fiscalité n'est plus considérée comme un fardeau, « une charge à subir passivement; cette vision est désormais révolue pour la plupart des entreprises » (Chadefaux et Rossignol, 2001, p.14). Les groupes de sociétés cherchent de plus en plus à utiliser ou même inventer des montages juridiques sophistiqués pour réduire leurs charges fiscales imposables. Plusieurs pratiques de gestion fiscale peuvent être employées, plus ou moins judicieusement, par les groupes de sociétés, telles que le régime d'intégration fiscale, le dégrèvement fiscal au titre des investissements; le réinvestissement effectué sous certaines conditions ou encore la « manipulation » des prix de transfert. Toutes ces potentielles pratiques sont susceptibles de contribuer à la diminution de la base imposable. Naturellement, elles peuvent être remises en cause par l'administration fiscale. Celle-ci peut toujours invoquer l'acte anormal de gestion, voire même l'abus de droit dans certains cas, pour lutter contre le manque à gagner du Trésor induit par l'application des prix préférentiels ou par un déplacement opportun de charges ou de produits d'une entité à une autre. Les transactions entre les sociétés membres du groupe peuvent être qualifiées d'actes anormaux de gestion, dès lors qu'elles ont été réalisées dans l'intérêt d'une société du groupe au détriment d'une autre. Chapitre 1 : Groupe de sociétés en Tunisie Chapitre 1 : Groupes de sociétés en Tunisie Les groupes de sociétés en Tunisie ne cessent de se développer, à la recherche d'une meilleure performance économique, financière et fiscale, en retenant les pratiques les plus à même d'optimiser leur situation fiscale globale. Le groupe de sociétés a en fait une signification plus économique que juridique (Gibirila, 2001). Il en découle que le groupe est avant tout une réalité économique que les différentes branches du droit ont tenté d'appréhender. Vraisemblablement dans la mesure où juridiquement les groupes « paraissent encore doués d'une étrange vertu qui consiste à être ou à ne pas être » (Hannoun, 1991, p.3). Il« serait simple de fixer le territoire d'un groupe si son existence répondait à une définition univoque. Malheureusement, ces frontières ondulent et fluctuent selon l'approche choisie par l'observateur. Il n'est, en effet, pas évident que l'économiste, le juriste ou encore le fiscaliste s'entendent sur la définition du groupe » (Montier, 1995, p.78). Selon Ahlstrom et Bruton (2004), le groupe de sociétés est un ensemble de sociétés indépendantes juridiquement, mais qui sont liées par une constellation de liens formels et informels. De ce fait, les sociétés qui appartiennent au groupe sont habituées à prendre des décisions coordonnées, à travers les liens économiques et sociaux qui les unissent. D'après cette définition, deux traits sont relevés pour distinguer les groupes des structures classiques. La première caractéristique réside précisément par l'existence de liens divers entre les membres du groupe, dont principalement une propriété commune avec des administrateurs communs; les groupes possèdent ainsi une entité de base commune de contrôle financier, administratif et de coordination de gestion entre les sociétés membres qui les composent (Khanna et Rivkin, 2001). L'entité de base est incontestablement le fondateur propriétaire qui peut être soit un groupe familial, soit un entrepreneur individuel, soit encore un investisseur financier, comme une banque ou une institution financière. De par cette situation, l'accord des prêts et les transactions des biens et de services au sein du groupe (Yiu et al.,2007) peuvent se faire à des prix préférentiels, plus avantageux qu'entre deux sociétés indépendantes, pour préserver l'intérêt général du groupe. Cette liaison permet également aux sociétés du groupe de s'entraider, contrairement à deux entreprises indépendantes. 17 Chapitre 1 : Groupe de sociétés en Tunisie En effet, « les règles de majorité pour les prises de décision dans les assemblées d'actionnaires permettent d'exercer la plénitude du pouvoir sans posséder la totalité des actions » (Stolowy, 2001, p.446). C'est pourquoi l'étude des groupes de sociétés revêt une importance cruciale tant sur le plan juridique qu'économique. Pour bien approfondir la notion de groupe dans le cadre tunisien, la première section sera consacrée à l'analyse de leur réalité économique, avant d'aborder, dans la deuxième section, leur réalité juridique. Section 1 : Poids économique des groupes de sociétés en Tunisie Le développement des groupes de sociétés est un phénomène très important économiquement. Aujourd'hui, les groupes de sociétés occupent une place importante dans l'économie nationale, mais également dans les économies européennes et mondiales (Hector, 2010). Les groupes sont omniprésents dans les économies émergentes, où ils contrôlent une fraction importante des actifs de production d'un pays et représentent la plus grande visibilité des entreprises de ce dernier ( Turn et al., 2001). Ce concept « groupes de sociétés » présente des formes différentes selon les pays; il existe des formes occidentales dites « Holding », des formes japonaises dites « Keirstsu »1 et des formes coréennes dites « Chaebols »2, les « qiye jituan » en Chine, « les groupes économiques » en Amérique Latine, « les qiye guanxi » à Taiwan ou encore « les exploitations familiales en Turquie » ( Yiu et al., 2007). Ces différentes formes ne sont pas homogènes et il existe des différences majeures, non seulement dans les formes mêmes, mais aussi dans les composantes d'organisation associées aux groupes de sociétés (Khanna et Yafeh, 2007). Par exemple, « les chaebols » coréens ont tendance à adopter des modalités d'organisation dans lesquelles une famille possède la propriété d'une société mère, avec des entreprises membres souvent liées par intégration verticale (Chang et Hong, 2000). La Tunisie connaît une croissance rapide des groupes de sociétés, avec une présence affirmée dans tous les secteurs clés de l'économie. L'économie tunisienne se caractérise même ainsi par la prééminence de tels groupes qui sont généralement des structures familiales au capital fermé (Bouzidi, 2007). 1 Les « Keiretsu » sont formés d'un ensemble d'unités de production et d'unités de distribution intégrées au sein d'une famille, d'une même chaîne de sociétés (Khanna et Yafeh, 2007). 2 Les « chaebols » sont composés d'un nombre variable de sociétés affiliées, liées entre elles par un système complexe de participations financières croisées (Khanna et Yafeh, 2007). Chapitre 1 : Groupe de sociétés en Tunisie Il convient de présenter le profil général des groupes tunisiens (1), avant de s'attarder sur celui qui est certainement classé parmi les groupes les plus développés, à titre d'illustration (2). 1. Profil des groupes tunisiens Appréhendé sous un angle purement économique, le groupe de sociétés peut être conçu comme « un système solaire au centre duquel la société mère représente le soleil et les filiales des planètes ou étoiles plus ou moins distantes selon leur degré de dépendance économique à l'égard du soleil central ». (Durand et Latscha, 1973, p.130). En effet, le groupe met en commun un ensemble de moyens pour conduire une stratégie financière, industrielle ou commerciale. Ces stratégies nécessitent éventuellement la réalisation d'opérations au sein même du groupe. Ainsi, et pour mener à bien sa stratégie de croissance, le groupe de sociétés, et plus particulièrement la société mère en tant que société animatrice de la stratégie d'ensemble, tisse un réseau de relations multilatérales allant des plus simples aux plus complexes, des plus approfondies aux plus superficielles, rendant parfois le schéma organisationnel peu intelligible. De ce seul fait, l'appartenance à un groupe des sociétés permet aux sociétés membres d'optimiser leurs coûts : les entreprises peuvent s'emprunter entre elles sans coût parfois et avoir également accès aux ressources externes plus facilement que les sociétés indépendantes (Lensink et Molen, 2010). Dans ce même sens, Khanna et Palepu (1997) constatent que, dans les économies émergentes, les coûts globaux de transactions sont élevés du fait de l'existence de vides institutionnels qui constituent autant de freins pour la main d'oeuvre, les capitaux et les technologies. 'émergence des groupes de sociétés peut combler ce vide institutionnel. Notamment, les sociétés membres de groupe peuvent s'entraider pour préserver l'intérêt général du groupe. En Tunisie, la structure des groupes est globalement caractérisée par un capital fermé, ce qui ne constitue pas pour autant un frein à l'exercice d'un rôle économique de plus en plus important. Une présentation des caractéristiques et de l'évolution des groupes de sociétés tunisiens (1) permettra d'apprécier ensuite leur rôle économique (2). 1.1. Caractéristiques et évolution de la structure des groupes tunisiens En Tunisie, généralement, « les groupes de sociétés sont des groupes familiaux à structure de capital fermé et où les actionnaires fondateurs continuent d'occuper des fonctions dirigeantes. Chapitre 1 : Groupe de sociétés en Tunisie Ces groupes s'apparentent souvent à des conglomérats qui évoluent dans des secteurs d'activité très variés (industrie, commerce et tourisme). La taille des entreprises constituant les groupes tunisiens excède rarement celle d'une petite et moyenne entreprise européenne. En règle générale, les groupes tunisiens sont sous-capitalisés et fortement endettés » (Madani et Jedidi, 2005, p.1). En effet, la plupart des groupes de sociétés tunisiennes est née autour d'une société mère ayant une situation financière performante. Les groupes ont investi généralement dans les secteurs encouragés par l'Etat. La stratégie empruntée par ces groupes est davantage basée sur une logique financière que sur une recherche de synergie (Srairi, 2003). Le nombre de groupes de sociétés en Tunisie est en constante évolution; selon les statistiques de la Banque Centrale de Tunisie; 2429 groupes sont dénombrés en juin 2011, contre 942 groupes de sociétés en juin 1998. Ces groupes contrôlent 9331 entreprises. Le nombre moyen d'entreprises par groupe est de 3,8. Les groupes tunisiens de sociétés ont évolué durant les dernières années d'une façon remarquable. Plusieurs facteurs ont permis une telle progression, notamment la panoplie d'avantages fiscaux et financiers qu'accorde l'Etat, qui ont réellement permis aux sociétés de se développer sous cette forme. Dans un premier temps et « jusqu'à 1986, les groupes en Tunisie ont évolué dans une économie protégée caractérisée par une concurrence faible et une croissance forte. Cet environnement stable n'a pas incité les groupes à se doter d'un système adéquat de surveillance et d'évaluation de l'environnement » (Srairi, 2003, p.1). Dans sa politique de développement de 'investissement privé, l'Etat a dû tenir compte de la rareté des vocations entrepreneuriales et de la faiblesse des ressources financières de ces entrepreneurs. Il a donc multiplié les incitations (fiscales et financières) à l'investissement et mis largement à contribution le système bancaire local pour financer ces entreprises (Madani et Jedidi, 2005, p.1). Dans un deuxième temps, l'émergence des groupes tunisiens est chronologiquement liée au redéploiement de l'Etat qui, peu à peu, s'est désengagé du secteur productif pour mieux se consacrer au secteur des infrastructures » (Said, p.105). Ce désengagement a été accompagné par la volonté de l'Etat de s'ouvrir sur le marché extérieur et ceci à travers l'adhésion de la Tunisie à l'Organisation Mondiale du Commerce en 1993 et la signature en 1995 de l'accord de libre échange avec l'Union Européenne. Chapitre 1 : Groupe de sociétés en Tunisie C'est ainsi que les conditions de base de l'activité économique et industrielle ont radicalement été modifiées par rapport aux années quatre vingt, et la tendance a été à l'ouverture progressive de l'économie sur le marché extérieur (Srairi, 2001). Pour aider les sociétés tunisiennes à affronter ce changement, l'Etat a décidé, dans le cadre du Programme d'Ajustement Structurel appliqué dès 1986, de mettre en oeuvre trois réformes essentielles3 (fiscale, financière et structurelle) et en même temps de sensibiliser les dirigeants des groupes de sociétés à la gestion interne de leur propre entité. La politique d'encouragement de l'investissement privé s'est notamment illustrée par la réforme de l'appareil juridique, les modifications du système fiscal et la réforme des règles comptables, en vue de soutenir les nouveaux objectifs d'ouverture de l'économie (Said, 2000). Dans ce contexte, le Programme d'Ajustement Structurel a visé à libéraliser l'économie et l'intégrer au marché extérieur. Selon Ben Hamouda (1995, p. 154), il s'agit en particulier d'« une réforme fiscale en vue de libérer des ressources pour le secteur privé, de réduire les distorsions fiscales, d'améliorer la répartition de la pression fiscale, de réduire le poids du secteur public ». Ces réformes ont soutenu progressivement le passage d'une économie fermée, protégée par l'Etat à une économie libéralisée, ouverte à l'économie mondiale. C'est ainsi que l'Etat a voulu assister indirectement les sociétés tunisiennes face à ce changement. L'expansion des groupes tunisiens ne semble pas résulter d'une planification préalable, mais d'une diversification basée sur l'octroi des divers avantages financiers et fiscaux prévus par le CII. En effet, la société mère possède généralement une activité de base à forte rentabilité, ce qui lui permet de se développer sous forme de filiales et en élargissant encore le champ de son activité de base. Le développement des groupes de sociétés se réalise souvent à travers diverses formes : réinvestissement des bénéfices à travers la participation dans le capital de nouvelles entreprises opérant dans des secteurs d'activité encouragés par l'Etat ou création d'entreprises implantées dans des zones de développement régional (Madani et Jedidi, 2005). Lorsque les sociétés du groupe réinvestissent leur bénéfice dans des sociétés soeurs, ce dernier peut être déduit de la base imposable, conformément aux règles du CII. C'est ainsi que la plupart des groupes s'est dirigée vers les secteurs qui présentent des opportunités rentables d'investissement sur les plans fiscal et financier. 3 Les trois réformes ont touché le marché monétaire, le marché financier et le marché des changes. La première réforme concerne le marché monétaire où s'échangent les capitaux à court terme. La deuxième réforme en 1989 a porté sur le marché financier et les échanges de capitaux à long terme. La troisième réforme en 1994 s'est focalisée sur la création d'un marché des changes où s'échangent les offres et les demandes de monnaie nationale et de devises étrangères (plan économique et social général, Tome 1). 21 Chapitre 1 : Groupe de sociétés en Tunisie Le facteur fiscal constitue un facteur clé qui a notablement permis l'évolution des groupes de sociétés en Tunisie, grâce au réinvestissement des profits, méthode qui permet de bénéficier d'un dégrèvement fiscal et minimiser ainsi la charge fiscale globale. Le développement des groupes de sociétés tunisiens a ainsi été rendu possible à la fois à travers une croissance externe et une gestion rigoureuse de l'impôt. Comme déjà signalé, les groupes de sociétés tunisiens présentent une structure de capital fermé. Le capital des entreprises constituant un groupe est généralement détenu par l'actionnaire fondateur de ce groupe, sa famille et les autres sociétés du groupe (Madani et Jedidi, 2005, p.2). Cette structure fermée peut être constatée au niveau de la bourse des valeurs mobilières de Tunis elle-même. En 2011, il existe en effet seulement 36 groupes dont la société mère est cotée à la BVMT, contre 2429 groupes de sociétés qui n'ont pas voulu y adhérer ( voir tableau n°1). Tableau 1 : Nombre de groupes de sociétés en Tunisie en 2011. Nombre de groupe de sociétés Nombre de groupe de sociétés dont la société mère est cotée à la BVMT 2429 36 Ce caractère fermé de capital peut être expliqué par « la disponibilité de financements abondants auprès des banques et le faible niveau d'exigence » (Madani et Jedidi, 2005, p.2). Aussi, la structure de l'actionnariat des groupes tunisiens est-elle restée fermée malgré les multiples mesures mises en place par les autorités tunisiennes pour les inciter à ouvrir leur capital au plus grand nombre par la voie boursière, dont la réduction du taux d'imposition à 20%. Il est à noter que la plupart des groupes s'est développée par des investissements directs, financés en grande partie par fonds propres, en plus d'emprunts bancaires. D'une façon générale et malgré l'évolution cruciale des groupes de sociétés ces dernières années et leur engagement dans un vaste programme de modernisation, tant sur leurs outils que dans leurs pratiques managériales (Said, 2000), la majorité des groupes en Tunisie s'est constituée autour d'une seule et unique personne investissant principalement dans l'industrie. La dénomination sociale même du groupe correspond d'ailleurs au nom de son promoteur (Srairi, 2001), tels que les groupes : Mabrouk, Ben Yedder et Elloumi. Chapitre 1 : Groupe de sociétés en Tunisie L'étude réalisée par (Srairi, 2001) auprès de 324 groupes de sociétés tunisiens a permis de dégager plusieurs résultats présentant un grand intérêt. Premièrement, 80% des groupes de sociétés tunisiens de son échantillon ont opté pour le mode d'une construction pure et simple de filiales, le moyen le plus adopté par la majorité des groupes étant le contrôle financier. Deuxièmement, l'étude a montré que 69% des groupes sont nés par diversification à partir d'une activité centrale rentable ou protégée par l'Etat. Troisièmement, 50% des groupes de l'échantillon n'ont pas fait l'objet d'une programmation ou d'une planification préalable. 1.2. Rôle économique des groupes de sociétés tunisiens Compte tenu de ce mode de développement, la majorité des groupes tunisiens n'avait pas pensé atteindre une taille importante; ces groupes sont nés en saisissant des opportunités stratégiques spécifiques, après que la société mère ait atteint une certaine maturité. Plusieurs groupes tunisiens ont des portefeuilles d'activités particulièrement étendus (Madani et Jedidi, 2005), avec notamment une diversification dans des secteurs très différents de leurs activités d'origine, tels que le commerce, l'industrie, le tourisme, l'agriculture et ceci à travers une démarche conglomérée 5. Cette démarche souffre généralement d'un manque évident de synergie entre ces différentes activités, ce qui peut contribuer à les fragiliser. Un nombre réduit de groupes tunisiens a pu, en fait, atteindre une certaine maturité, c'est-àdire une taille et une compétitivité suffisante pour internationaliser leurs activités. L'ouverture sur le marché extérieur a permis à ces groupes de se constituer et de s'implanter un peu partout dans le monde (voir tableau n°2). 4 Les 32 groupes privés tunisiens de l'échantillon contrôlent en totalité 354 entreprises de diverses tailles et formes juridiques. 5 Une diversification conglomérée se « traduit par un engagement dans des activités de plus en plus distinctes. En effet, les activités développées n'ont généralement aucun lien entre elles » (Jarboui, 2008, p. 83). Chapitre 1 : Groupe de sociétés en Tunisie Tableau 2 : Groupes de sociétés dont la société mère est cotée à la BVMT et qui sont installés à l'étranger en 2011. Nom du groupe Nombre des filiales installé Les pays d'accueil à l'étranger Groupe Tunisair 1 filiale France Groupe Servicom 2 filiales Libye et Maroc Groupe Telnet Holding 4 filiales France, Allemagne et Algérie Groupe STIP 1 filiale Maroc Groupe TPR 1 filiale Algérie Groupe STEQ 1 filiale Algérie Groupe Assad 2 filiales France et Algérie Groupe Poulina 7 filiales Algérie, Maroc et Hong Kong Groupe Amen Bank 1 filiale Algérie Groupe Tunisie Leasing 1 filiale Algérie Le reste des groupes tunisiens s'est trouvé dans l'incapacité d'attirer des investissements directs étrangers et de s'associer à des partenaires étrangers pour bénéficier de leur savoirfaire et de leurs moyens financiers (Madani et Jedidi, 2005). Cette situation peut notamment s'expliquer par un manque de transparence financière, à apprécier de diverses manières : une insuffisance d'informations sur la garantie d'engagements bancaires d'autres sociétés du groupe, une qualité de l'information comptable parfois contestable, un manque de clarté dans les relations commerciales et financières intra-groupe, une absence de visibilité sur la valeur réelle du portefeuille et de participations financières, un endettement élevé. L'absence d'une bonne visibilité du groupe, dont il est au demeurant difficile d'apprécier la situation financière, peut présenter des incidences fortes, que ce soit sur le marché financier (Madani et Jedidi, 2005) ou sur les échanges avec les partenaires étrangers. A cet égard, plusieurs groupes de sociétés ont traversé, ces dernières années, de graves crises; comme les group : Affes et Batam, conséquence vraisemblable d'une gestion approximative : « Au moment du déclenchement de la procédure de redressement judiciaire, Batam et Affès présentaient un endettement à peu près identique avec 180 millions de dinars tunisiens, jugé très excessif par rapport à leurs patrimoines respectifs. Le groupe présentait un schéma fondé sur la dette pour renflouer les autres activités du groupe, toutes sous-capitalisées » (Barrouhi, 2008, p.238). 24 Chapitre 1 : Groupe de sociétés en Tunisie Ceci étant, certains groupes de sociétés tunisiens participent efficacement à la consolidation du tissu économique du pays; pour l'année 2012 6, parmi les 20 premières entreprises tunisiennes les plus performantes en termes de CA à l'international, 70% environ sont des groupes ou des filiales de groupes. Tableau 3 : Classement des 20 premiers groupes tunisiens en 2009 et 2010 en milliers de dinars (l'économiste maghrébin, p.15). Nom du groupe Activité CA en 2009 CA en 2010 Groupe Chimique Tunisien Groupe Elloumi Chimie 2.143.300 2.737.619 Immobilier/Industrie 800.000 1400.000 Groupe SFBT Industrie 1.159.409 1.263.468 Groupe Délice Industrie 972.299 1.229.536 Groupe Poulina Industrie 1.029.044 1.183.575 Groupe Tunisair 1.004.000 1.052.000 Groupe Mabrouk Industrie 1.118.705 930.726 Groupe Bayahi Industrie 700.000 750.000 Groupe Loukil Informatique 630.000 680.000 Groupe TTS Tourisme 539.241 588.301 Groupe Hachicha Industrie 415.000 431.000 Groupe Hamrouni Industrie 333.978 376.060 Groupe Mouradi Hôtellerie 429.604 347.511 Groupe One Tech Industrie- électronique 305.000 340.000 UFI Group Finance 214.175 262.574 Groupe Chaabane Hôtellerie 197.541 228.954 Groupe Slama Industrie 220.230 227.168 Groupe Arem Industrie/ services 191.946 201.160 Groupe Triki Industrie 151.100 178.000 Groupe Jal Tunsie Cuire et chaussure 131.094 171.309 6 Il s'agit de la dernière classification faite par la revue « l'économiste magrébin ». Chapitre 1 : Groupe de sociétés en Tunisie Le poids économique des groupes de sociétés dont la société mère est cotée à la BVMT est considérable, comme en atteste le tableau suivant (tableau n°4). Tableau 4 : Poids économique des groupes dont la société mère est cotée à la BVMT dans le PIB en dinars. Année Valeur ajoutée 7 (en PIB 8 en prix courant VA/PIB (%) million de TND) (en million de TND) 2007 2 833 48 617.5 5.28% 2008 2 524 52 081 4.84% 2009 2 683 58 677. 2 4.57% 2010 3 052 63 440.9 4.81% 2011 2 833 64 730.5 4.37% Bien que le nombre des groupes de sociétés dont la société mère est cotée à la BVMT ne soit pas très important par rapport à l'ensemble des groupes de sociétés (36 groupes de sociétés seulement contre 2429 groupes installés en Tunisie en 2011), la participation de la valeur ajoutée de ces groupes dans le PIB est significative; elle est de 4.37% pour l'année 2011, 4.81% pour l'année 2010, 4.57% pour l'année 2009, 4.84% pour 2008 et 5.28% pour l'année 2007. La banque Centrale de Tunisie9définit les critères selon lesquels les groupes de sociétés sont classés, à savoir la taille du groupe et le nombre d'entreprises qui le composent, et répartit ainsi les groupes de sociétés en quatre classes10 : les microgroupes contrôlent au plus trois entreprises, les petits groupes comprennent de 4 à 5 entreprises, les groupes moyens 7 Valeur ajoutée des différents groupes de sociétés dont la société mère est cotée à la BVMT. Le calcul de la valeur ajoutée pour les sociétés non financières : ventes de marchandises et autres produits d'exploitation - coût d 'achat des marchandises vendues = Marge commerciale - Consommation de l'exercice en provenance des tiers (c'est-à-dire les diverses charges d'exploitation sauf : salaires+taxes et impôts+amortissements et provisions) (système comptable des entreprises tunisiennes, p.36). Pour les sociétés financières : produits d'intérêts + commissions perçues – intérêts et commissions payées (Bulletin de la commission bancaire de France, 1994, n°10, p.10). 8 Les données sur le PIB sont issues des comptes de la nation de l'Institut National des Statistiques (décembre 2012, p 31). 9 La définition du groupe de sociétés selon la banque centrale de Tunisie se base uniquement sur l'existence d'une unité de décision au sein du groupe sans qu'elle fixe des taux de participation dans chaque filiale. 26 Chapitre 1 : Groupe de sociétés en Tunisie regroupent 6 à 10 entreprises et enfin les grands groupes qui sont composés de plus de 10 entreprises. Il est à noter que la classification des groupes selon le nombre des filiales peut ne pas refléter la taille réelle de certains groupes. Un groupe qui contrôle deux entreprises seulement peut être classé dans la catégorie des groupes moyens selon le CA réalisé ou le nombre des salariés qu'il emploie. Tableau 5 : Répartition des groupes selon la taille en 2011 (BCT). Taille des groupes Nbre de sociétés contrôlées Nbre de groupes Pourcentage Micro groupes 2à3 1739 72% Petits groupes 4à5 436 18% Moyens groupes 6 à 10 160 6.5% Grands groupes Plus de10 94 3.5% 2429 100 Total Ce tableau nous permet de constater, d'une part, que 90% des groupes de sociétés sont constitués de moins de 5 sociétés et, d'autre part, que seulement 10% des groupes de sociétés contrôlent 6 filiales et plus; la majorité des groupes de sociétés en Tunisie est faite de micros et petits groupes. Pour les groupes de sociétés dont la société mère est cotée à la BVMT, le classement est différent : 38,88% des groupes de sociétés contrôlent plus de 10 sociétés. 27,78% des groupes de sociétés contrôlent de 2 à 3 sociétés et le reste des groupes contrôle de 4 à 10 sociétés. La majorité des groupes de sociétés dont la société mère est cotée à la BVMT sont par conséquent de taille importante, au regard de cette appréciation de ce critère. Tableau 6 : Répartition des groupes selon la taille en 2011 (BVMT). Taille des groupes Nbre de sociétés contrôlées Nbre de groupes Pourcentage Micro groupes 2à3 10 27.78% Petits groupes 4à5 4 11.12% Moyens groupes 6 à 10 8 22.22% Grands groupes Plus que 10 14 38.88% 36 100 Total 27 Chapitre 1 : Groupe de sociétés en Tunisie Le groupe Poulina apparaît être l'un des groupes les plus développés en Tunisie. De par son modèle de gestion innovateur, il est emblématique du poids économique croissant des groupes de société tunisiens. 2. Présentation du groupe de sociétés le plus développé en Tunisie Le Poulina est parmi les plus grands groupes en Tunisie où il est classé parmi les 10 premiers groupes (tableau n°3). Il dispose de plus de 90 filiales présentes en Tunisie et dans le monde entier. Ses filiales se trouvent, par exemple, en Algérie, au Maroc, en Lybie et en France. Le groupe opère dans plusieurs secteurs, tels que l'immobilier, les travaux publics, les biens d'équipements, les produits de grande consommation, l'emballage, le commerce et les services, la transformation d'acier et les matériaux de construction. Poulina a parcouru un long chemin, depuis sa création à la fin des années 1960. Chapitre 1 : Groupe de sociétés en Tunisie A l'instar des autres groupes tunisiens, Poulina a su bénéficier des avantages fiscaux accordés par le législateur tunisien. En effet, « le développement par création de filiales est alors encouragé par une législation offrant des avantages fiscaux à la création d'entreprises. Ces filiales sont à l'origine destinées, principalement et parfois exclusivement, à la fourniture d'intrants nécessaires à l'activité d'autres sociétés du groupe. Cependant et très vite, les filiales sortent de la logique de production pour des besoins internes et s'implantent sur le marché national, puis maghrébin » (Filipiak et Bougault, 2005, p.23). L'année 2008 est à marquer d'une pierre blanche, avec la restructuration du groupe en une holding qui formalise la séparation de fait entre fondateurs et actionnaires et la gestion au jour le jour des pôles d'activités pour en assurer la pérennité. Elle est celle aussi de l'entrée en bourse de la Poulina Group Holding, offrant aux investisseurs une opportunité pour participer à ses programmes futurs d'investissement et d'internationalisation » (Barrouhi, 2008, p.12). L'un des points les plus forts du groupe qui le distingue des autres groupes tunisiens réside dans la neutralisation du système d'embauche familiale. Le fondateur du groupe confirme que « l'ancrage profond de nos valeurs, la pertinence de notre vision et la performance de notre système de management, forgés au quotidien depuis plus de 40 ans, aboutissent aujourd'hui à pas moins de 74 entreprises. Un conglomérat solidement implanté en Tunisie qui s'est étendu au pays du Maghreb et à l'international jusqu'en Chine » (Barrouhi, 2008, p.2). A l'instar des conglomérats diversifiés, si le groupe poulina présente une structure classique, avec une société mère et des filiales, il dispose néanmoins d'un système de gestion moderne. 2.2. Poulina, un modèle de gestion innovateur Dès le début des années 1990, et afin de pouvoir maîtriser l'évolution du groupe, « un mouvement de décentralisation de la gestion est engagé : le siège se concentre de plus en plus sur l'élaboration de la politique générale du groupe, l'assistance et l'audit des filiales, la gestion centrale de trésorerie, l'étude et la réalisation de nouveaux projets. Les filiales deviennent responsables des activités de production et de distribution, ainsi que de leur développement » (Filipiak et Bougault, 2005, p.28). 29 Chapitre 1 : Groupe de sociétés en Tunisie Bougault et al. (2005) signalent que Poulina devient un groupe moderne, non seulement dans son fonctionnement, mais aussi au titre de l'effort qu'il fait pour recourir à des outils de management développ és dans les pays les plus avancés . Le groupe investit dans les systèmes d'information et de gestion. Il s'équipe d'une messagerie électronique dès1995; il dispose de tableaux de bord très sophistiqués, lui permettant d'assurer un suivi de gestion rigoureux (Barrouhi, 2008). La relation entre le siège et la filiale se fonde sur une logique de cellule familiale; «à titre d'illustration, lorsqu'une filiale s'avère non rentable ou peu viable économiquement, ce qui supposerait, dans une pure logique financière, de la céder ou de la fermer, tout sera fait pour la restructurer, la réorienter vers des marchés et activités rentables, ou, à défaut, pour réallouer sur les autres sites de production son personnel ». Selon un cadre travaillant au siège du groupe Poulina, « nous ne vendons pas nos filiales parce qu'elles perdent de l'argent, nous essayerons par tous les moyens de les sauver de la mort, de les aider à survivre » (Yousfi, 2005, p. 66). Le système Poulina présent est un mélange entre « la rigueur formelle et la souplesse relationnelle qui optimise l'efficacité de la gestion. Quand l'idéal de l'autonomie filiale rencontre la bienveillance de l'autorité procédurale, le système se construit. Et c'est ainsi qu'opère l'alchimie du local et de l'universel » (Yousfi, 2005, p. 86). Les bénéfices dégagés par le groupe ont été réinvestis, donnant naissance à un groupe multisectoriel, avec un taux de croissance annu supérieur à 35%, en faisant un leader du secteur privé tunisien (Barrouhi, 2008). Cette description, sous un angle économique, du groupe de sociétés certainement le plus important en Tunisie, est nécessaire pour saisir l'évolution constante de ces structures, évolution qui n'est pas étrangère à la difficulté du législateur à opérer un encadrement juridique adéquat de la notion de groupe. Ainsi, une définition de la notion du groupe sous l'angle économique est un préalable indispensable pour sa définition juridique. En réalité, la finalité économique du groupe se heurte souvent au cloisonnement juridique de ses membres. Chapitre 1 : Groupe de sociétés en Tunisie Section 2 : Législation relative aux groupes de sociétés selon ses différentes branches Aujourd'hui les groupes se créent dans différents domaines : bancaire, financier, commercial, industriel et de service, et ce à l'échelle nationale comme à l'échelle internationale. A cet égard, les entreprises peuvent trouver dans le groupe le meilleur moyen de décentraliser leurs activités tout en conservant un lien direct avec la société mère. La notion de groupe a été longtemps méconnue par le législateur tunisien. En effet, « la difficulté de légiférer en matière de groupe tient au fait que la réglementation la plus souple risque de bloquer une réalité vivante, évolutive aux multiples facettes, mais également au fait que les notions traditionnelles sur lesquelles s'appuie le groupe, semblent insuffisantes pour le cerner» (Pariente, 1993, p.1). Ainsi, les filiales continuaient à être considérées comme des entités autonomes, malgré l'existence d'un solide lien juridique et financier avec la société mère. Il convient de présenter, dans un premier temps, l'évolution du cadre juridique des groupes de sociétés depuis l'indépendance (1), pour étudier ensuite la législation relative aux groupes de sociétés selon ses différentes branches (2). 1. Evolution du cadre juridique des groupes de sociétés Bien que les groupes de sociétés existent depuis longtemps en Tunisie, le législateur tunisien ne s'y est intéressé que tardivement; il n'a introduit la notion de groupe, qu'à partir du début des années 2000, avec successivement deux lois, la loi du 25 décembre 2000 et la loi 2001117 du 6 décembre 2001, ayant pour objet d'encadrer le groupe de sociétés sur les plans fiscal et juridique. Cette évolution, bien non significative, peut être analysée selon deux phases. 1.1. Avant l'indépendance de la Tunisie Sous le Protectorat, « l'expansion des sociétés françaises en Tunisie par l'intermédiaire de filiales conduit le législateur tunisien à transposer le régime fiscal des sociétés mères et filiales, surtout en matière d'impôt sur les distributions » (Fourati, 2000, p.77). C'est ainsi que lorsqu'une société reçoit des dividendes d'une autre société, en contrepartie de son apport en numéraire ou en nature, ces dividendes sont exonérés de l'impôt sur les revenus des valeurs mobilières distribués par une société mère à sa filiale (décret de 1930). Mais, cette législation ne précisait alors pas les critères de participation, à partir desquels la société devenait mère et ne définissait pas davantage la notion de groupe.
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Evolution des écosystèmes dans un contexte de mosaïque de forêt-savane et de présence humaine depuis 9000 ans BP au Parc National de la Lopé (Gabon central) : Approche palynologique
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Evolution des écosystèmes dans un contexte de mosaïque de forêt-savane et de présence humaine depuis 9000 ans BP au Parc National de la Lopé (Gabon central) : Approche palynologique Karl Bader Henga Botsika Bobe To cite this version: Karl Bader Henga Botsika Bobe. Evolution des écosystèmes dans un contexte de mosaïque de forêtsavane et de présence humaine depuis 9000 ans BP au Parc National de la Lopé (Gabon central) : Approche palynologique. Biodiversité et Ecologie. Université Paris sciences et lettres, 2021. Français. NNT : 2021UPSLP018. tel-03585765 HAL Id: tel-03585765 https://theses.hal.science/tel-03585765 Submitted on 23 Feb 2022 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. REMERCIEMENTS La présente thèse est un projet qui est né à la suite de sorties de terrain au parc National de la Lopé (centre du Gabon) dans le cadre de l’école de terrain en écologie tropicale (ECOTROP). Ce projet, mené au sein de l’équipe Dynamique des Ecosystèmes et Changements Globaux de l’Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier (ISEM), a débuté en Décembre 2015. Je remercie tous les membres de l’équipe pour leur accueil chaleureux et en particulier les responsables d’équipes successifs qui ont toujours facilité toutes mes démarches administratives et mis à ma disposition un cadre de travail optimal. Je remercie la Directrice Agnès Mignot, ainsi que toute la direction de l’ISEM, pour m’avoir accueilli au sein de l’Institut et facilité mon intégration auprès des autres doctorants par ma participation aux différentes animations scientifiques. Agnès, merci pour ton regard bienveillant sur l’avancée de mes travaux de thèse et d’avoir mis à ma disposition toutes les ressources de l’Institut nécessaires à mon travail telle que la collection de pollen de référence et le laboratoire de palynologie. Pour ce dernier, je remercie Sandrine Canal pour son aide dans les extractions polliniques quand j’étais en mission de terrain au Gabon. Concernant les extractions polliniques je remercie tour à tour Marie-Pierre Ledru pour m’avoir formé lors d’un stage à l’ISEM en 2011, et Rachid Cheddadi. Il m’aurait été difficile d’apprécier le résultat de mes extractions polliniques si je n’avais su identifier le pollen au microscope. Je remercie Jean Maley pour m’avoir formé à la Palynologie et à l’identification des pollens d’Afrique tropicale. Merci à Serge Muller pour sa disponibilité et sa collaboration pour la réalisation de mon premier article. Je tiens aussi à remercier Ilham Bentaleb pour m’avoir formé au traitement des échantillons pour analyses isotopiques et pour sa collaboration à ce travail. Je remercie tous mes camarades de bureau pour les discussions constructives et les sorties amicales qui étaient de véritables bouffées d’oxygène. Un grand merci à tout le personnel de l’ISEM qui m’a toujours fait me sentir chez moi. Mes remerciements aux techniciens botanistes du Parc National de la Lopé qui sont des petites mains expertes qui ont travaillé dans l’ombre de cette thèse, avec des sourires chaleureux. Sans eux, les identifications botaniques sur le terrain n’auraient pas été possibles. Merci à Lee White et Kate Abernethy pour avoir mis à ma disposition toute la documentation 3 botanique nécessaire à mon travail à la Lopé. Merci à David Lehmann et à tout le personnel de la SEGC à la Lop é . Merci à Charly Favier. Charly, merci pour ton aide dans les analyses de mes données. Merci pour ta disponibilité et ta bienveillance. Je remercie Richard Oslisly, pour son implication scientifique et logistique dans toutes les phases de réalisation de cette thèse. Merci Richard pour ton aide sur le terrain, merci pour les discussions constructives et la documentation et plus que tout, merci pour l’aide logistique sans laquelle cette thèse n’aurait pu se faire. Richard, tu es un ami, un père. Un grand merci à Alfred NGOMANDA, mon boss et ami. Merci Alfred pour avoir cru en moi et m’avoir soutenu aussi bien professionnellement que scientifiquement. Merci pour avoir rendu compatible mes activités professionnelles et mon travail de thèse. Merci de m’avoir initié à la palynologie dès mon arrivée en 2011 à l’Institut de Recherche en Ecologie tropicale (IRET-CENAREST) et de m’avoir confié aux mains expertes de Jean Maley pour approfondir ma connaissance du pollen. Merci d’avoir été disponible pour des séances de travail en dépit de tes obligations professionnelles. Ton expérience de palynologue m’a été très utile dans la compréhension de mes résultats. Cette thèse est le fruit d’un encadrement scientifique rigoureux et passionné de la part de Laurent BREMOND. Laurent, merci de m’avoir pris comme étudiant pour étudier le potentiel paléoenvironnementale de la Lopé. Ta rigueur scientifique et ta culture de l’effort sont des valeurs que je me suis approprié. Merci de m’avoir encouragé à faire une thèse alors que j’avais déjà été happé par le monde professionnel et plus que tout merci d’avoir facilité la mise en place administrative et pratique de cette thèse. Merci pour ton aide sans laquelle je me serais perdu dans les méandres de mes données si délicates à interpréter. Ton expérience des forêts tropicales et de leur fonctionnement a été un atout majeur dans l’aboutissement de cette thèse. Merci pour ton amitié qui m’a évité tout stress et surtout de me sentir seul, si loin de mon pays. Merci à tous les membres de mon Jury de thèse pour leur disponibilité ainsi qu’aux rapporteurs de ce mémoire. Merci à l’IRD et au CNRS pour leur soutien financier ainsi qu’à l’ANPN (l’Agence Nationale des Parcs Nationaux du Gabon) pour son soutien logistique. 4 Merci à l’EPHE-PSL, qui m’a accepté comme étudiant et pour son soutien au travers de deux bourses de mobilité dont j’ai bénéficié. Merci à la Présidence de l’EPHE ainsi qu’à tout son personnel. Pour finir, merci à tout le personnel de l’Institut de Recherche en Ecologie Tropicale (IRET-CENAREST, Gabon), ma famille professionnelle, pour vos soutiens variés. Merci à mon employeur, le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Scientifique qui encourage les jeunes chercheurs, merci à l’Etat Gabonais que j’encourage à investir encore davantage dans son potentiel et merci à la France pour avoir rendu possible cette aventure. 5 Sommaire REMERCIEMENTS.................................................................................................................3 LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX...................................................................................10 LISTE DES FIGURES.........................................................................................................10 LISTE DES TABLEAUX....................................................................................................12 LISTE DES ANNE XES..........................................................................................................13 Avant-propos .........................................................................................................................14 Introduction Générale..............................................................................................................17 Etat de l’art des études paleoenvironnementales dans le bassin du Congo............................17 A. 1. Paléoclimatique........................................................................................................17 2. Paléoécologiques......................................................................................................20 3. La question des enclaves savanicoles..........................................................................24 Etat de l’art sur les populations Bantoues dans le Bassin du Congo..................................... 26 B . 1. Apport de l’archéologie et de la linguistique................................................................26 2. Pratiques culturelles..................................................................................................27 3. L’archéologie à la Lopé et dans la basse vallée de l’ Ogoou é...........................................28 Le site d’étude : le Parc National de la Lopé....................................................................29 C . 1. Le climat.................................................................................................................29 2. Description géologique et géomorphologique...............................................................30 3. La végétation de la Lopé : la mosa ïque de foret -s avane . ................................ ................ 31 Interprétation de la pluie pollinique actuelle en Afrique tropicale.......................................33 D. 1. Le pollen.................................................................................................................33 2. La pluie pollinique actuelle en Afrique centrale atlantique.............................................34 Pluie pollinique dans la zone phytogéographique Guineo-Congolaise : le cas de la Lopé..........................................................................................................................36 E. Les objectifs de la thèse................................................................................................37 F. Organisation de la thèse................................................................................................38 Chapitre 1..............................................................................................................................39 1. Introduction........................................................................................................................41 2. Material and methods........................................................................................................... 42 2.1 Geographical and botanical setting...................................................................................42 2.2. Vegetation survey.........................................................................................................43 2.3. Remote-sensing data analysis.........................................................................................45 2.4. Pollen sampling, extraction and counting.........................................................................46 2.5. Representation indices...................................................................................................47 3. Results...............................................................................................................................48 3.1. Floristic distribution......................................................................................................48 3.2. Pollen diagram..............................................................................................................50 3.3. Pollen diversity.............................................................................................................51 3.4. Indices of vegetation representation in pollen assemblages.................................................52 3.5. Pollen concentrations.....................................................................................................53 4. Discussion.......................................................................................................................... 53 4.1. Savana pollen representation..........................................................................................53 4.2. Pollen diversity: marshes, savanna, forest.........................................................................58 4.3. Fossil assemblage interpretations....................................................................................59 5. Conclusion.........................................................................................................................60 Chapitre 2..............................................................................................................................61 Évolution de la végétation en Afrique Centrale Atlantique: étude pollinique à long terme des marais de la mosaïque de forêt-savane du Parc National de la Lopé (centre du Gabon)...................................61 1. Introduction....................................................................................................................64 2. Matériel et méthodes........................................................................................................ 66 2.1 Caractéristiques du site d’étude..................................................................................66 2.2 Caractéristiques des marais et typologie des habitats.....................................................68 2.3. Prélèvement des sédiments, datations radiocarbone et modèles d’âges.............................73 2.4. Analyses isotopiques des carottes...............................................................................74 2.4. Analyse pollinique....................................................................................................75 Resultats.........................................................................................................................76 3. 3.1. 4. Diagrammes polliniques et évolution de la végétation à la Lopé depuis 9 000 ans BP........76  Le marais Lopé 2 .......... ................................................ ................................................ 76  Le marais Paurosa.......................................................................................................80 3.2. Signature isotopique et évolution des marais Lopé 2 et Paurosa.....................................83  Le marais Lopé 2......................................................................................................83  Le marais Paurosa....................................................................................................84 3.3. Comparaison entre assemblages polliniques palustre et lacustre au Gabon.......................85  En milieu forestier : le lac Nguène et le marais Lopé 2...................................................86  En mosaïque de forêt-savane : Comparaison entre le lac Kamalété et le marais Paurosa....88 Discussion......................................................................................................................90 4.1. Dynamique de la végétation au Parc National de la Lopé depuis 9 000 ans BP.................90 4.2. Évolution des marais Lopé 2 et Paurosa......................................................................94 4.3. Type de dépôt et signal pollinique...............................................................................96 5. Conclusion......................................................................................................................98 Chapitre 3..............................................................................................................................99 Présence humaine et évolution de la mosaïque de forêt-savane du Parc National de la Lopé (Gabon central) depuis l’Holocène récent..............................................................................................99 1. Introduction.................................................................................................................. 101 2. Matériel et méthodes...................................................................................................... 104 3. 2.1. Caracteristiques du site d’étude ................................................................................ 104 2.2. Sélection et description des marais............................................................ ................ 106 2.3. Inventaire floristique autour des sites et sélection d’espèces d’usage anthropique........... 107 2.4. Prélèvement des sédiments, datations radiocarbone et modèles d’âges........................... 107 2.5. Analyse isotopique des carottes................................................................................ 108 2.6. Analyses polliniques et statistiques........................................................................... 108 Résultats....................................................................................................................... 110 3.1. Inventaire floristique autour des sites et présence d’espèces d’usage anthropique pendant le hiatus archéologique d’occupation humaine.......................................................................... 110 4. 3.2. Diagrammes polliniques et évolution des abondances des espèces d’usage anthropique... 111 3.3. Dynamique forestière et distribution des espèces d’usage anthropique à la Lopé............. 119 Discussion.................................................................................................................... 125 4.1. Inventaire floristique autour des sites et présence des espèces d’usage anthropique pendant le hiatus............................................................................................................................... 125 4.2. Diagrammes polliniques et évolution des abondances des espèces d’usage anthropique à la Lopé................................................................................................................................ 126 Origine et évolution d’Elaeis guineensis à la Lopé............................................................. 128 4.3. Dynamique forestière et distribution des espèces d’usage anthropique à la Lopé................. 130 4.4. Évolution de la végétation pendant le hiatus archéologique : évolution régionale versus évolution à la Lopé............................................................................................................ 131 5. Conclusion.................................................................................................................... 133 Chapitre 4............................................................................................................................ 134 Synthèse et Conclusions Générales......................................................................................... 134 1. La pluie pollinique à la Lopé.............................................................................................. 135 2. Archives sédimentaires palustres et histoire de la végétation à la Lopé..................................... 135 3. Présence humaine et évolution de la mosaïque de forêt-savane du PNL.................................... 137 4. Conclusions générales........................................................................................................ 138 5. Perspectives.................................................................................................................. 139 5.1. Estimation de la production pol linique (PPE ) et du relevant source area of pollen (RSAP) 139 5.2. Proposition de protocole préliminaire pour l’établissement du ‟ relevant source area of pollenˮ à la Lopé............................................................................................................... 140 5.3. L’Homme et son impact sur l’évolution des écosystèmes forestiers d’Afrique centrale : l’intérêt des espèces d’usage anthropique............................................................................. 141 ANNEXES.......................................................................................................................... 155 LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX LISTE DES FIGURES Fig. 1 : Les zones phytogéographiques d’Afrique (White, 1983). En médaillon, le Parc National de la Lopé (centre du Gabon)................................................................................................... 16 Fig. 2 : Carte de situation des sites palynologiques répertoriés en zone intertropicale atlantique (tiré de Giresse et al. 2020)...................................................................................................... 24 Fig. 3 : Mise en évidence du hiatus archéologique d’occupation humaine (Modifié d’après Seidensticker et al. 2021)......................................................................................................... 29 Fig. 4 : Précipitations mensuelles à la Lopé (source : SEGC, 2016)....................................... 30 Fig. 5 : Représentation schématique de l’organisation spatiale des formations superficielles de la région de La Lopé (Modifié de Thieblemont, 2013)............................................................ 31 Fig. 6 : Localisation et representation de la mosaique de forêt-savane de la Lopé...............................................................................................................33 Fig. 7: Pollen d’Aucoumea klaineana Pierre (Burseraceae) (X600)........................................ 34 Fig. 8: Illustration de la pluie pollinique..............................................................36 Fig. 9: Study area and location of sampled marshes..................................................45 Fig. 10: Canonical analysis applied on the 439 botanical survey quadrats in savanna............ 50 Fig. 11. Canonical analysis applied on the 101 botanical survey quadrats in forest.............51 Fig. 12: Pollen diagram of the most common grains counted in the marsh surface samples... 53 Fig. 13 : Canonical analysis applied on the most common pollen grains................................ 57 Fig. 14: aperçu de l’enclave savanicole du Parc National de la Lopé...................................... 67 Fig. 15: Aperçu de la mosaïque de forêt-savane de la Lopé.................................................... 68 Fig. 16: Diagramme pollinique du marais Lopé 2.................................................................... 69 Fig. 17: Marais Paurosa. Vue nord-ouest-sud-est.................................................................... 70 Fig. 18: Marais Lopé 2. Vue est-ouest..................................................................................... 71 Fig. 19: Modèle d’âge des carottes de Lopé 2 (a) et Paurosa (b)............................................. 75 Fig. 20: Diagramme pollinique du marais Lopé 2.................................................................. 80 Fig. 21: Diagramme pollinique synthétique du marais Lopé 2................................................ 81 Fig. 22: Diagramme pollinique du marais Paurosa.................................................................. 83 Fig. 23: Diagramme pollinique synthétique du marais Paurosa............................................... 84 Fig. 24: Valeurs de δ13C comparées aux enregistrements polliniques au marais Lopé 2....... 85 Fig. .................................................................................................................................................. 88 Fig. 28: Evolution des Cyperaceae au lac Nguène et au marais Lopé 2 depuis 1500 ans BP. . 89 Fig. 29 : Evolution des Poaceae au lac Nguène et au marais Lopé 2 depuis 1500 ans BP...... 89 Fig. 30 : Évolution des pollens arborés dans les sites de Paurosa et Kamalété depuis 1500 ans BP............................................................................................................................................. 90 Fig. 31 : Évolution du Front forestier (ici, Elaeis guineensis et Alchornea-type) dans les sites de Paurosa et Kamalété depuis 1500 ans BP............................................................................ 91 Fig. 32 : representation schématique de la dynamique spatio-temporelle de la vegetation à la Lopé.......................................................................................................................................... 95 Fig. 33 : PNL et localisation des 23 marais inventoriés lors d’une précédente étude sur la pluie pollinique à la Lopé................................................................................................................ 106 Fig. 34 : Aperçu de la mosaïque forêt-savane de la Lopé..................................................... 107 Fig. 35 : Marais Lopé 2.......................................................................................................... 108 Fig. 36: Diagramme pollinique du marais Lopé 2. Mise en évidence des taxons d’affinité humaine................................................................................................................................. 114 Fig. 37: Diagramme pollinique du marais Paurosa. Mise en évidence des taxons d’affinité humaine.................................................................................................................................. 116 Fig. 38: Diagramme pollinique du marais Citron au hiatus................................................... 117 Fig. 39 : Diagramme pollinique du marais Tortue-savane au hiatus..................................... 117 Fig. 40 : Diagramme pollinique du marais Vitex au hiatus................................................... 118 Fig. 41: Diagramme pollinique du marais Yao au hiatus............................................................. ................ ................ ............................. ................................ ................ 118 Fig. 42: Distribution des pourcentages d’Elaeis guineensis et de Macaranga dans les comptages de Paurosa, avant, pendant et après le hiatus à l’aide de box plot..................................120 Fig. 43: Distribution des taxons polliniques selon les axes 1 et 2 de l’analyse de correspondance appliquée aux assemblages polliniques du site de Lopé 2 depuis 2000 ans BP...................122 Fig. 44: Distribution des taxons polliniques selon les axes 1 et 2 de l’analyse de Correspondance appliquée aux données polliniques du site de Paurosa depuis 2000 ans BP......................123 Fig. 45: Distribution des taxons polliniques selon les axes 1 et 2 de l’analyse de correspondance appliquée aux assemblages polliniques des sites de Lopé 2 et Paurosa depuis 2000 ans BP...125 Fig. 46: Représentation temporelle des axes 1 et 2 des AC depuis 2000 ans BP...................126 Fig. 47: Evolution d’Elaeis guineensis dans les sites de Lopé 2 et Paurosa depuis 2000 ans... LISTE DES TABLEAUX Tableau 1: Characteristics of the marshes................................................................................ 46 Tableau 2: Davis indices calculated for the main 33 pollen taxa............................................. 58 Tableau 3: Présence-absence des taxons polliniques d’interet humain et leurs usages, à l’actuel et durant le hiatus dans les six sites étudiés........................................................................... 111 Tableau 4: Proportion (valeurs moyennes) des espèces d’usage anthropique dans les assemblages polliniques de la Lopé à peu près 200 ans avant, pendant et 200 ans après le hiatus................................................................................................................................................ 119 LISTE DES ANNEXES Annexe 1 : Diagramme pollinique détaillé de la pluie pollinique à la Lopé.......................... 159 Annexe 2 : Mise en place des parcelles; identifications et inventaires floristiques; transformation des coefficients d’abondance-dominance de Braun-Blanquet en va leurs quantitatives.................................................... ................................................ 160 Annexe 3 : Classification écologique des espèces de la Lopé............................................... 163 Annexe 4.1 : Diagramme pollinique détaillé de la séquence de Lopé 2................................ 166 Annexe 4.2 : Diagramme pollinique détaillé de la séquence de Paurosa.............................. 167 Annexe 5 : Proportions (valeurs moyennes) des espèces d’affinité humaine dans les assemblages polliniques de la Lopé à peu près 200 ans avant, pendant et 200 ans après le hiatus.....................................................................................................168 Annexe 6 : Quelques photos de lames de comptages polliniques............................................................................................................ 172 Avant-propos Les études biogéographiques menées dans les forêts pluvieuses d’Afrique centrale ont permis de définir la zone phytogéographique Guineo-congolaise (Fig. 1) qui présente deux domaines forestiers majeurs : (i) la zone d’endémisme Guinéenne à l’ouest et (ii) la zone d’endémisme Congolaise à l’est (White, 1983). Le deuxième : les forêts de basses altitudes du bassin du Congo auraient été largement influencées par l’action des humains qui auraient affecté son évolution au cours des derniers milliers d’années (Bayon et al., 2012; Garcin et al., 2018; Tovar et al., 2014; Willis et al., 2004). En effet, la présence des populations Bantoues dans la région remonterait au moins à 2500 ans BP, dans les forêts d’Afrique centrale (Clist, 1990; Essomba, 1998) et des vestiges d’anciennes occupations humaines remontent au moins à 9000 ans BP dans les forêts du centre du Gabon, à la Lopé (Oslisly, 1998; Oslisly et Peyrot, 1992). Ainsi, la dernière crise forestière majeure de l’holocène autour de 3000-2000 ans BP serait consécutive d’une action anthropique de grande 14 ampleur, liée à l’expansion de ces populations dans le bloc forestier, et qui aurait conduit à la fragmentation de ce dernier sous l’effet de prélèvements destructifs exacerbés par la maitrise de la métallurgie (Clist et al., 1986; Clist, 1990; Oslisly et Peyrot, 1992). Le troisième suggère une action combinée du climat et de l’Homme. Cette position stipule que l’Homme aurait bénéficié de la fragmentation du bloc forestier, du fait de conditions climatiques défavorables, qui aurait facilité ses mouvements migratoires au sein de l’Afrique centrale (Bayon et al., 2019). Les différentes phases de l’évolution des forêts d’Afrique Centrale ont été mise en évidence par de nombreuses études notamment géochimiques (Guillet et al., 2001); sédimentologiques (Giresse et al., 2009; Giresse et MakayaMvoubou, 2010) ; génétiques (Born, 2007) ; de charbons sédimentaires (Morin-Rivat et al., 2014, 2016), palynologiques (Lebamba et al., 2009; Maley, 2004; Maley et al., 2018; Ngomanda et al., 2005, 2009a, 2009b; Vincens et al., 1998, 2000, 2004, 2010) et des études de diatomées (Nguetsop and ServantVildary, 2004). Toutefois, la palynologie a été l’outil le plus efficace pour mettre en évidence les changements de végétation lors de ces grandes phases (Maley et al., 2018). La présente étude s’appuie donc principalement sur le pollen pour répondre à nos problématiques qui s’articulent autour de l’évolution des systèmes forestiers en mosaïque de forêt-savane d’Afrique centrale atlantique et le rôle qu’y aurait joué l’Homme. L’originalité de cette étude réside en ce qu’aucune autre étude palynologique, avec du matériel sédimentaire aussi ancien (9000 ans BP), prélevé au sein de marais, n’a été menée au Gabon dans ce type d’environnement (une mosaïque de foret-savane). Par ailleurs, afin de réaliser des reconstitutions paleoenvironnementales de qualité, de nombreuses études ont montré la nécessité d’établir un référentiel actuel, i.e. déterminer la pluie pollinique actuelle pour la zone d’étude à reconstituer (Amami et al., 2010). C’est dans cet objectif que nous avons établi les caractéristiques de la pluie pollinique actuelle au Parc National de la Lopé (P NL) avant de procéder aux reconstitutions paleoenvironnementales, ce qui ajoute un peu plus au caractère inédit de l’étude en Afrique centrale. 15 Fig. 1 : Les zones phytogéographiques d’Afrique (White, 1983). En médaillon, le Parc National de la Lopé (centre du Gabon. Source : Eyang Effa Edwige, Iret-Cenarest, 2018). 16 Introduction Générale A. 1. Etat de l’art des études paleoenvironnementales dans le bassin du Congo. Paléoclimatique L’Afrique comprend une gamme importante de régimes climatiques permettant la présence de forêts équatoriales humides intertropicales jusqu’à des végétations désertiques sèches de part et d’autre de cette zone intertropicale. Autour des tropiques, une zone de précipitations importantes varie latitudinalement au cours de l’année : c’est la ceinture pluvieuse. Cette ceinture oscille autour de l'équateur, passant de l'hémisphère nord à l'hémisphère sud, et inversement, selon un rythme annuel ce qui a pour résultat de définir un cycle pluvieux saisonnier qui est unimodal en-dehors des latitudes tropicales et bimodale, proche de l’Équateur (Nash et al., 2016). Cette ceinture tropicale est communément appelée Zone de Convergence Intertropicale (ZCIT). Cette zone à un effet important sur les précipitations bien qu’elle n’explique pas forcément les maxima pluvieux du continent (Nicholson, 2009). Le Bassin du Congo, en Afrique centrale, présente deux zones climatiques bien distinctes : le centre de ce bassin, constitué par une cuvette, supporte un climat équatorial avec une seule saison de fortes précipitations tandis que les régions périphériques sont soumises à de fortes variations saisonnières des précipitations (Bayon et al., 2019). En Afrique de l’ouest, la mousson influence grandement les précipitations. Il s’agit d’une différence d’amplitude thermique entre le Sahara chaud et sec et l’Atlantique plus froid au sud (Thorncroft et al., 2011). Ce système de mousson relie le Sahel présentant une saisonnalité unimodale, et le littoral guinéen qui lui, est bimodal. Les pluies de mousson recouvrent le littoral Guinéen pendant le printemps et l’automne boréal et atteignent le Sahel durant l’été boréal. Cette dynamique annuelle est fortement influencée par les températures marines de surface dans l’Océan Atlantique (Camberlin et al., 2001; Losada et al., 2010; Zhang and Delworth, 2006). Des enregistrements fossiles et des simulations numériques ont mis en évidence un lien étroit entre la mousson ouest-africaine et des variations brusques et durables d’humidité à des 17 échelles de temps longs (Shanahan et al., 2009), mais aussi un lien entre les faciès forestiers et l’intensité de la mousson (Renssen et al., 2006; Shanahan et al., 2015, p. 200). Il en ressort que la dynamique forestière est donc essentiellement tributaire des variations d’humidité aux latitudes concernées. Sur le continent africain, les variations climatiques passées ont essentiellement été mise en évidence par des carottes sédimentaires lacustres de terre ferme (Nash et al., 2016) ou par des carottes marines (Bayon et al., 2019). Toutefois, ces données demeurent insuffisantes et ne couvrent pas toutes les régions d’Afrique. Il en résulte une vision incomplète de l’histoire paléoclimatique et paléoenvironnementale du continent (Maley and Vernet, 2015). Depuis l’Holocène, on note des variations d’humidité importantes d’une région d’Afrique à l’autre qui seraient régulées à des échelles millénaires par des changements régionaux de l’insolation (Braconnot et Joussaume, 2000). Au début de l’Holocène, l’insolation d’été dans l’hémisphère nord présentait des maximas consécutifs à une humidité plus importante que de nos jours dans les régions subtropicales septentrionales et tropicales d’Afrique (Gasse, 2000; Hoelzmann et al., 2001; Lézine et al., 2013, 2011; Shanahan et al., 2015; Umer et al., 2007; A. Vincens et al., 1999). Cette humidité au début de l’Holocène serait liée à l’action conjointe d’une plus grande pluviosité générée par des hautes températures de surface dans l ouest de l’Océan indien et d’une augmentation des précipitation de saison sèche du fait d’un important apport humide issu de l’Océan Atlantique à travers le Bassin du Congo (Schefuß et al., 2005). Par contre, le suivi à long terme des conditions hydroclimatiques d’Afrique montre une tendance à la baisse d’humidité depuis les 2000 dernières années (Nash et al., 2016). Dans les domaines ouest et équatorial, au lac Bosumtwi (au Ghana), on peut noter une mise en place progressive de conditions arides de 1700 à 950 ans BP, après une période plus ou moins humide (Shanahan et al., 2009). Cette phase aride a été corroborée par l’étude d’une carotte marine récoltée au large du Sénégal. L’analyse de cette carotte marine a montré la mise en place d’une phase aride entre ~2000 et ~1000 ans BP, soit pendant le premier millénaire CE (Common Era), et qui a donné lieu à une perte de végétation dans le domaine sahélien (Mulitza et al., 2010). Le lac Tizong, au nord du Cameroun, dans la zone tampon entre les régions pluvieuses nord unimodale et équatoriale bimodale, montre un bas niveau entre ~1600 et ~1100 ans BP, révélé à partir de l’étude de diatomées (Nguetsop et al., 2013, p. 2013). Au lac Mbalang, on observe 18 aussi de bas niveaux d’eau autour de 1500 ans BP (Nguetsop et al., 2011, p. 2011). Toutefois, la fin de ce premier millénaire CE, a été suivi de conditions moins arides. En effet, les travaux de Ngomanda (2007) aux lacs Nguène et Kamalété, au Gabon, montrent que l’humidité progressive du milieu a atteint un pic respectivement autour de 1200 et 1000 ans cal. BP, respectivement à Nguène et Kamalété. Les données sédimentaires aux lacs Kitina et Sinnda au Congo corrobore cette tendance de conditions plus humides à la fin du premier millénaire CE (Bertaux et al., 2000). Ces résultats obtenus par des données dimentaires sont confirmés par le pollen dans une étude menée au lac Sinnda par Vincens (1998). Entre 650 et 200 ans cal. BP, on peut distinguer une phase de refroidissement du climat caractérisé par le développement de glacier dans l’hémisphère nord. Les données paléoclimatiques confirment ce petit âge glaciaire (Little Ice Age (LIA)) dont les manifestations n’étaient pas identiques à travers les continents (Nash et al. 2016). Bien que les phases précoces du LIA, se caractérisent par des conditions humides dans les lacs Tizong et Mbalang au nord Cameroun avec une légère augmentation de taxons arborés, l’essentiel du LIA a été une phase aride dans les zones équatoriales humides (Nguetsop et al., 2013, p. 2013; Annie Vincens et al., 2010). L’analyse des diatomées au lac Ossa montre une baisse considérable des niveaux du lacs entre 800 et 200 ans BP, confirmant une forte baisse d’humidité du milieu (Nguetsop et al., 2010). Globalement, la période du petit âge glaciaire semble avoir été la période la plus sèche de tout l’Holocène en Afrique équatoriale atlantique, ou du moins aussi sèche que l’anomalie climatique médiévale (MCA, entre 1100 et 800 ans BP) (Nash et al., 2016). Une explication à ces différences de la balance hydrique à l’échelle subcontinentale ou régionale est la variation de la position par rapport à l’équateur de la ceinture pluvieuse de la zone concernée (Khon et al., 2014). En effet, les données paléoclimatiques montrent qu’une sècheresse dans les hautes latitudes nord entre 1550 et 950 ans BP aurait été concomitante à des conditions humides au sud, autour de l’équateur (Nash et al., 2016), comme le montrent les enregistrements lacustres de Nguène et Kamalété au Gabon (Ngomanda et al., 2007), mais aussi au lac Sinnda au Congo (Vincens et al., 1998). Cette évolution en sens inverse des précipitations entre le nord et le sud est cohérente avec un positionnement plus au sud de la zone de convergence intertropicale qui a eu pour conséquence de diminuer la longueur de la saison des pluies dans les hautes latitudes et de l’augmenter sous l’équateur (Nash et al., 2016). On note que la zone équatoriale atlantique montre globalement des conditions plus 19 humides entre 2000 et 1500 ans BP plutôt qu’entre 1500 et 1000 ans BP. Cette transition a été abrupte dans certaines régions avec une aridité centrée autour de 1500 ans BP, alors qu’elle a été plus ou moins progressive dans d’autres régions (Nash et al., 2016). Ces variations bien enregistrées aussi bien par les données paléoécologiques que paléoclimatiques suggèrent que les changements de végétations sont plus liés à des variations climatiques plutôt qu’à un usage des terres. La réduction du bloc forestier a coïncidé avec des phases de développement de glaciers dans les hautes latitudes entrainant l’isolement des taxons forestiers qui ont survécu dans des zones de faibles étendues, localisées dans les hautes altitudes et qui ont constitué des refuges forestiers. La mise en place des derniers refuges se situe entre 20 000 et 15 000 ans BP et la dernière phase de développement forestier maximum entre 9 000 et 4 000 ans BP. A la fin de cette phase d’extension forestière, soit après 4 000 ans BP, on assiste à une diminution progressive du bloc forestier, jusqu’à sa superficie actuelle, sous l’effet d’un climat moins humide (Maley, 1996). 2. Paléoécologiques Les forêts tropicales pluvieuses africaines ont subi des changements climatiques majeurs durant les derniers millénaires, ce qui a conduit à de grandes variations dans leur superficie (Tovar, 2019). Ces perturbations déterminent les grandes étapes de la dynamique du bloc forestier Guineo-congolais dont l’une des archives paleoenvironnementales essentielle, qui couvre les 30 derniers milliers d’années, est représentée par la carotte sédimentaire longue de ca. 24 m, prélevée dans le lac Barombi Mbo au Cameroun en 1989 ( Giresse et al., 1994; Maley et Brenac, 1998). Cette carotte montre qu’on assiste à une extension du bloc forestier vers ca. 12.000 ans BP, après le dernier maximum glaciaire (entre ca. 24 000 et 16 000 ans BP), que l’on peut observer sur le Plateau de l’Adamaoua au Cameroun où on enregistre une extension de la forêt pluviale jusqu’à 7°N (Vincens et al., 2010). Pour la période de l’Holocène récent, qui suscite l’intérêt de cette thèse, de nombreuses études, surtout palynologiques, menées dans des sites d’Afrique centrale atlantique (Fig. 2), ont permis de mettre en évidence deux évènements majeurs qui ont influencé les forêts du bassin du Congo (Maley et al., 2017). Un premier évènement qui a eu lieu autour de ca. 4 000 ans BP, et a engendré une réduction du bloc forestier, associé à l’apparition de savanes dans sa périphérie (Maley et al., 20 2018). Dans sa partie nord par exemple, la savane s’est grandement étendue dans le domaine Guinéen comme le montre les pourcentages élevés de Poaceae dans les assemblages polliniques du lac Sélé au Benin, et qui aurait contribué à l’établissement du « Dahomey gap » (Salzmann et Hoelzmann, 2005). Dans la partie occidentale, on observe une régression importante du niveau du Lac Bosumtwi, au Ghana, vers ca. 4 000 ans BP (Shanahan et al., 2006). Cette extension savanicole a lieu aussi en-dessous de l’équateur, marquée par l’établissement de savanes sur les côtes Gabonaises, comme constaté au Lac Maridor (Giresse et al., 2009; Ngomanda et al., 2009), mais aussi dans la région du Niari, au Congo, où on constate un assèchement du lac Sinnda autour de ca. 4 000 ans BP, concomitante à une expansion savanicole (Vincens et al., 1998). Cette première perturbation majeure de l’Holocène réc et ses caractéristiques sus décrites, font généralement l’objet d’un consensus parmi les auteurs, qui lui attribuent une origine climatique. Pour ce qui est de la deuxième perturbation importante, autour de ca. 2 500 ans BP, on constate des avis divergents quant à son origine (climatique et/ou anthropique) ce qui a donné lieu aux trois courants de pensée, signalés précédemment (cf. Avant-propos). Cette phase, qui a été particulièrement mise en évidence par les analyses polliniques, a surtout concerné le cœur du bloc forestier, en fragmentant les forêts qui avaient survécu à la précédente crise (celle à ca. 4 000 ans BP), comme le montre la disparition de nombreux taxons de forêts matures, associée à une abrupte expansion des taxons pionniers (Maley et al., 2017). Les auteurs favorables à une origine climatique de cette dernière grande perturbation s’appuient, entre autres, sur les fortes érosions associées à des mouvements de grosses particules détritiques qui auraient donné lieu à la formation de stone-lines (Thiéblemont, 2013). Ce transport d’éléments détritiques de grosses dimensions se serait fait sous l’action de fortes pluies orageuses. Cette phase érosive serait liée à la saisonnalité engendrée par une mousson d’été accrue (Shanahan et al., 2012). Quelques sites ont montré des dépôts lacustres réguliers qui ont permis des datations fines (Maley et al., 2017). Ces sites sont les suivants (Fig. 2) : le Lac Barombi Mbo (Giresse et al., 1994; Maley, 1991; Maley et Brenac, 1998), le Marais Nyabessan (Neumann et al., 2012; Ngomanda et al., 2009) au Sud Cameroun et le Lac Ossa à l’Ouest (Giresse et al., 2005; Reynaud-Farrera et al., 1996). Dans le lac Barombi Mbo, au marais Nyabessan et au lac Nguène (Gabon) (Giresse et Makaya-Mvoubou, 2010; Ngomanda et al , 21 2009), le climat aurait été le principal acteur des changements de la végétation, comme semble l’attester l’absence de feux, généralement lié aux activités anthropiques (Tovar, 2019). Pour ce qui est des changements de végétation, pour tous ces sites, les enregistrements polliniques montrent une baisse significative des taxons de forêts matures entre 3000 et 2000 ans BP avec toutefois de légères différences quant au début de cette chute et sa durée d’un site à l’autre (Bonnefille, 2011; Vincens et al., 2004). En outre, des études dans le Sud-est Cameroun et au Nord Congo, à partir de phytolithes et de données isotopiques, ont montré que la crise Holocène récente de ca. 2500 ans BP n’a pas donné lieu au développement d’un stade savanicole généralisé (Bremond et al., 2017). Les conditions climatiques pour cette période seraient plutôt arides comme le montre les études sur les isotopes d’hydrogène qui ont mis en évidence des conditions arides qui ont caractérisé cette deuxième phase de perturbation, contrairement aux conditions qui ont prévalu au début et au milieu de l’Holocène (Collins et al., 2013; Schefuß et al., 2005). Des résultats similaires ont été obtenus à partir d’une étude au Lac Barombi Mbo utilisant des isotopes de carbone et d’hydrogène. Ces isotopes ont mis en évidence une tendance à la sécheresse entre ca. 3000 et 2000 ans BP (Garcin et al., 2018). Un autre proxy, les diatomées, semble confirmer cette phase d’aridité au Lac Ossa dans la même période (Nguetsop et Servant-Vildary, 2004). En effet, les diatomées alcaliphiles, apportées par les vents du Nord en provenance des dépôts Quaternaires du Sahara, prolifèrent dans les échantillons de surface et ont été utilisées comme indicateurs de faibles précipitations (Nguetsop et Servant-Vildary, 2004). Les origines anthropiques de cette crise sont soutenues par d’autres auteurs qui s’appuient pour certains sur les résultats d’études de charbons sédimentaires sur des profils de sol dans les forêts pluvieuses africaines et qui ont révélé des feux importants au sein de la végétation autour de ca. 2 000 ans BP, liés à une activité anthropique intense dans les forêts du Mayombe (Hubau et al., 2013; 2015). Par ailleurs, plusieurs recherches dans les forêts pluvieuses (Bassin du Congo ; Bassin Amazonien et la région Indo-malaysienne en Asie du Sud-est) plaident en faveur d’une empreinte anthropique plus marquée que ce que l’on imaginait antérieurement sur les écosystèmes forestiers (Willis et al., 2004). Par exemple, dans le Bassin Amazonien certaines zones de terres fertiles dans les forêts de basse altitude résulteraient d’activité humaine de brulis et d’agriculture. Ces sols appelés « terra preta », couvrent de grandes superficies (jusqu’à 50 000 ha). Ces dernières ont été le lieu d’activités culturales et de 22 transformations variées des paysages. Ensuite, la quasi complète disparition des populations enregistrée vers 1600 et 1700 A.D a donné lieu à une reconquête forestière dans la majorité des « terra preta » (Willis et al., 2004). Jusqu’à aujourd’hui ce genre de formation, appelée « terra preta » n’a pas été décrit pour la forêt humide africaine. Cependant, des études archéologiques menées récemment dans le Bassin du Congo ont révélé des vestiges de présence humaine à travers les derniers millénaires au sein de la forêt pluvieuse (à l’exemple des vestiges révélés dans les « terra preta ») avec des impacts probables sur les forêts consécutives à des méthodes agriculturales telle que l’agriculture sur brûlis (Bayon et al., 2012; Garcin et al., 2018; Morin-Rivat et al., 2016). De nombreux vestiges de présence humaine, telles que des pierres taillées, des poteries, ont été mis en évidence (de Bayle des Hermens et al., 1987) et des fourneaux à métaux de l’âge du fer récent (entre 1000 et 500 cal. BP) ont été découverts (Oslisly et al., 2013). Or, leur fonctionnement nécessite de grosses quantités de combustible (bois), ce qui a probablement eu pour conséquence un prélèvement important des ressources forestières. Aujourd’hui encore, de nombreux peuplements forestiers considérés comme « originels », montrent des stages de succession de forêt secondaire, témoins d’anciennes présences humaines (Willis et al., 2004). Ces études montrent clairement que les activités humaines anciennes ont eu un impact, sans toutefois être comparable à celui des activités humaines actuelles, sur les forêts. De nombreuses données montrent que des feux liés à une activité anthropique intense ont eu lieu dans les forêts d’Afrique centrale (Brncic et al., 2007; Brncic et Willis, 2009; Tovar et al., 2014). C’est le cas par exemple de nombreux évènements de feux qui ont eu lieu dans ces forêts et qui n’ont montré aucune relation entre eux en terme de spatialité (avec des feux discontinus et asynchrones) dans les différents sites où ils ont été signalés depuis les 1100 dernières années, Ce qui laisse penser à des départs de feux isolés et probablement déclenchés par l’Homme (Tovar et al., 2014). Aujourd’hui, des données montrent que jusqu’à 2/3 de la déforestation annuelle dans les forêts tropicales seraient le fait de l’agriculture sur brulis (O’Riordan and Stoll-Kleemann, 2002), or c’est une activité qui remonte à des temps anciens. Ainsi, la reconquête forestière consécutive à l’abandon des zones exploitées par l’Homme prouve le caractère résilient de ces milieux forestiers (Willis et al., 2004). 23 Fig. 2 : Carte de situation des sites palynologiques répertoriés en zone intertropicale atlantique (tiré de Giresse et al., 2020). 3. La question des enclaves savanicoles Des études génétiques et biogéographiques ont mis en évidence la préservation de la forêt dans ce qu’on a appelé des refuges forestiers lorsque le climat n’était pas favorable à son maintien ou son développement pendant le dernier maximum glaciaire (Duminil et al., 2015; Maley, 1996). Une fois les conditions redevenues plus favorables, on assiste à une reconquête forestière du milieu. Les principaux refuges ou « macro-refuges » forestiers ont pu être mis en évidence dans la zone phytogéographique Guineo-congolaise (Ashcroft, 2010). Un important refuge occupe la partie centrale du Bassin du Congo, il est appelé « Refuge fluvial », car il est caractérisé par la disponibilité des eaux souterraines à proximité de la surface du sol (Dupont 24 et al., 2000; Leal, 2001). Ce refuge comprend de nombreuses zones humides (Betbeder et al., 2014; Dargie et al., 2017). Des cartes phytogéographiques ont mis en évidence de nombreuses enclaves savanicoles au sein d’une forêt dense dans la partie sud du Bassin du Congo entre 3°S et 4°S (Mayaux et al., 1999). Notre zone d’étude, le Parc National de la Lopé, est un exemple de ces enclaves savanicoles. Pour de nombreux auteurs, ces savanes n’auraient pas pu évoluer comme des éléments isolés, au sein d’un bloc forestier plus ancien (Maley et Doumenge, 2012). Ces derniers auteurs suggèrent que ces savanes seraient plutôt les reliques d’une crise Holocène passée, et concluent donc que comparativement aux enclaves savanicoles, la forêt dense alentour serait plus récente (Delègue et al., 2001; Vincens et al., 1998). Cette crise serait probablement celle qui s’est produite entre ca. 3000 à 2000 ans BP, puis la reprise de la conquête forestière à la suite de conditions redevenues favorables aurait isolé ces savanes. Ces savanes reliques seraient alors le témoignage de l’extension australe de la forêt à partir du refuge principal (Maley et Doumenge, 2012). Par ailleurs, des données sédimentologiques soutenues par des datations par radiocarbone (14C) obtenues sur des couches archéologiques, mais aussi des données isotopiques δ13C, suggèrent un milieu propice au développement savanicole dans des zones telles que le Parc National de la Lopé (Peyrot et al., 2003). Les savanes incluses de la Lopé seraient alors des savanes édaphiques favorisées par des sols propices à leur développement ce qui impliquerait une installation de ces savanes qui remonterait au moins à la mise en place de ces sols dans la région. Or selon Thieblemont (2013), les formations superficielles d’Afrique centrale (Gabon et Congo), se seraient mise en place à partir de 3 000 ans BP. Cette mise en place de ces savanes, qui seraient édaphiques à la Lopé, coïncide avec la mise en place des enclaves savanicoles dans la région. En effet, les travaux de synthèse de Vincens (1999), sur la mise en place des savanes incluses dans les forêts du Cameroun, du Ghana, et du Congo, indiquent une mise en place de ces savanes autour de la dernière grande crise holocène (ca. 3000-2000 ans BP) (Fig. 2). 25 B. 1. Etat de l’art sur les populations Bantoues dans le Bassin du Congo. Apport de l’archéologie et de la linguistique Des études archéologiques ont permis de mettre en évidence des vestiges de présence humaine dans les Grassfields, une région entre le Nigeria et le Cameroun, autour de 7000 ans BP et les premières migrations vers l’Afrique centrale de ces populations appelées Bantous remonteraient à 5000 ans BP (Bostoen, 2007; Lavachery, 2001). La contraction du bloc forestier autour de 4000 ans BP a donné lieu à des savanes périphériques comme observé le long des côtes gabonaises (Ngomanda et al., 2009) mais aussi avec le développement des savanes du Niarai au Congo (Elenga et al., 1994). Cette ouverture du milieu aurait permis l’avancée des populations Bantou vers le bloc forestier d’Afrique centrale le long des côtes atlantiques (Bostoen, 2007). Les résultats obtenus à partir de différents proxies plaident nettement en faveur de changements de végétation majeurs autour de 2500 ans BP contemporain à une période d’instabilité climatique (Maley, 2002; Maley et al., 2018; Thiéblemont, 2013; Vincens et al., 1998). Cette phase coïncide aussi avec l’existence de nombreux sites archéologiques d’occupation humaine à travers l’Afrique centrale (Bostoen et al., 2015). Par ailleurs, cette période correspond aussi à la première grande incursion des populations Bantous de l’âge du fer dans le bloc forestier d’Afrique centrale tel que suggéré par des dates radiocarbones obtenues sur des sites archéologiques d’Afrique central atlantique et couvrant cette période (Garcin et al., 2018; Morin-Rivat et al., 2014; Oslisly et al., 2013). Ces métallurgistes auraient profité de la fragmentation climatique du bloc forestier pour progresser au sein de ce dernier (Bayon et al., 2019). Cette progression aurait été exacerbée par la maitrise du fer. D’autre part, des études sur l’évolution de la distribution géographique des noms vernaculaires de certaines espèces héliophiles présentent dans les spectres polliniques, entre 2500 et 2000 ans BP, a permis d’émettre des hypothèses sur le rôle de la dernière grande crise holocène sur le mode de dispersion des langages Bantous (Bostoen et al., 2013). Cette période autour de 2500 ans BP a été généralement associée par de nombreux auteurs à l’expansion Bantou dans le bloc forestier d’Afrique centrale (Maley, 2001; Oslisly, 2001a; Schwartz, 1992). La langue est intimement liée à l’histoire de son utilisateur qui elle-même est tributaire des 26 changements du milieu, en l’occurrence les changements de végétation. En effet, les modifications de facies végétal trouvent un écho dans les langues contemporaines à ces changements. De ce fait, l’apparition ou la disparition de certains noms vernaculaires de plantes est un exemple de l’impact de l’évolution du milieu sur l’évolution de la langue (Bostoen, 2013). 2. Pratiques culturelles Les pratiques culturelles ont beaucoup évolué au cours du temps et ont essentiellement appartenu à une culture de l’âge de la pierre récent jusqu’à ~4000 ans BP. La période qui suit, à savoir l’Holocène récent, va plutôt se caractériser par des cultures néolithiques et de l’âge du fer (Oslisly et al., 1999). L’évolution des conditions climatiques devrait être l’une des premières raisons évoquées pour expliquer les changements de pratiques culturelles au sein d’une population (McIntosh, 2005). Par exemple, pendant la période humide africaine qui a donné lieu à de hauts niveaux lacustres, les stratégies de pèche impliquaient des populations peu mobiles tandis qu’au du milieu de l’Holocène, les niveaux d’eaux variables ont conduit les populations à plus se déplacer à la recherche d’autres ressources alimentaires (McIntosh, 2005). En outre, l’adoption de nouvelles pratiques culturelles pourrait être le fait d’une avancée technique à l’exemple de la maîtrise du fer par les fermiers Bantous qui a conduit à l’apparition de nombreuses pratiques tels que des prélèvements destructifs, au sein du bloc forestier, d’essences propices à l’alimentation de haut-fourneaux pour la réduction du minerai de fer (Oslisly and White, 2000a), à l’exemple de Pterocarpus soyauxii (Oslisly et al., 1999). Ces coupes forestières ont assurément contribué à l’ouverture du milieu. Par ailleurs, des pratiques agriculturales telles que l’agriculture itinérante sur brûlis ont probablement été intensifiées par la maitrise du fer. Certaines pratiques pourraient être qualifiées de circonstancielles. Il s’agit ici de pratiques induites par les conditions du milieu d’habitat à l’exemple des pratiques de chasse dans les mosaïques de forêt-savane de la Lopé. En effet, dans ces systèmes particuliers, les savanes constituent de hautes herbes qui réduisent la visibilité de l’observateur qui s’y trouve contrairement au sous-bois qui lui, est clair. Les hautes herbes empêchent d’apercevoir le gibier au loin. Une pratique de chasse consiste à brûler ces savanes. Le gibier est par la suite attiré par 27 les jeunes pousses herbacées qu’il consomme et se retrouve à la portée des chasseurs. Les savanes de la Lopé ont ainsi fait l’objet de brûlis permanent depuis les premières occupations humaines à nos jours (Jeffery et al., 2014; Oslisly, 2001). 3.
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1.1. Information causale et information sémantique Les philosophes distinguent deux utilisations différentes du concept d'information : l'une dont l'usage scientifique n'est pas problématique, l'autre dont la pertinence théorique dans le domaine biologique est controversée. La première est la conception causale de l'information, dérivée de la théorie mathématique de la communication formulée par Claude Shannon en 19481. Selon cette conception, un signal porte une information à propos d'une source s'il est possible de prédire l'état de cette 1 C. Shannon, « A mathematical theory of communication » (1948). source à partir du signal. Autrement dit, cette conception de l'information permet simplement de décrire une corrélation entre deux variables : plus la corrélation est forte, plus la quantité d'information portée par le signal à propos de la source est importante1. Ainsi, les cernes d'un tronc d'arbre portent une information sur l'âge de l'arbre, de même que le phénotype d'une maladie porte une information sur le gène contribuant au développement de cette maladie. Ce concept dit causal de l'information implique une description quantitative des relations causales, qui ne prend pas en considération le contenu de l'information. Son utilisation en biologie est essentiellement restreinte à un objectif instrumental, par exemple dans le cadre de la bioinformatique. La définition causale de l'information présente l'inconvénient de ne pas recouvrir la plus grande partie de l'usage fait de ce concept en biologie moléculaire, concernant quatre points. Tout d'abord, l'information considérée dans son acception causale ne permet en rien d'expliquer les processus biologiques : elle se contente d'indiquer l'existence d'une corrélation entre deux variables, sans préciser si l'état d'une variable explique l'état de l'autre variable. Pourtant, les biologistes ont recours aux concepts informationnels afin d'expliquer des phénomènes biologiques : c'est par exemple l'information portée par les gènes qui expliquerait l'ordre des acides aminés dans les protéines. Ensuite, la conception causale de l'information implique l'existence d'une parité entre les rôles joués par les facteurs environnementaux et le matériel génétique dans la production d'un phénotype2 : un facteur environnemental peut, tout comme un gène, porter une information sur un phénotype. Les biologistes attribuent au contraire aux gènes des propriétés dont seraient dépourvus les facteurs aux. Ainsi, en biologie du développement, seuls les gènes sont supposés pouvoir donner des instructions permettant le développement de l'organisme. Par ailleurs, selon la théorie de Shannon, la relation informationnelle entre le génotype et le phénotype est symétrique : un gène peut porter une information sur un phénotype, de même qu'inversement, un phénotype peut porter une information sur un gène. L'utilisation du concept d'information par les biologistes implique en revanche une circulation à sens unique de l'information, depuis le matériel génétique vers le phénotype. l'information : selon celle-ci, une variable ne peut pas porter une information fausse sur une autre variable. Or, les biologistes considèrent qu'un gène porte une information qui est censée être exprimée, y compris lorsqu'elle ne l'est pas, et que cette information peut être erronée, par exemple dans le cas de maladies génétiques. Cette incapacité du concept d'information de Shannon à rendre compte du discours informationnel en biologie a conduit les philosophes à élaborer une conception plus riche, mais également plus controversée de l'information : l'information sémantique, aussi qualifiée d'information intentionnelle, qui s'inspire de théories développées en philosophie de l'esprit1. L'objectif est de concevoir un cadre théorique compatible avec l'idée que les gènes spécifient la signification de leurs produits, à l'instar de phénomènes symboliques tels que le langage, mais en évitant de sombrer dans une perspective téléologique. Une stratégie possible consiste à adopter une conception étiologique de la fonction2, selon laquelle la fonction d'un trait correspond à l'effet pour lequel ce trait a été sélectionné3. En définissant la fonction d'un objet biologique à travers la théorie de la sélection naturelle, il devient possible de développer une approche « téléosémantique » de l'information : la signification d'un objet biologique est réduite à sa fonction, elle-même définie grâce à la sélection naturelle. Plusieurs philosophes ont proposé de rendre compte des propriétés sémantiques de l'information génétique en adoptant cette approche4. Il est alors nécessaire de préciser le lien entre fonction biologique et information sémantique. En effet, ce n'est pas parce qu'une structure biologique possède une fonction étiologique que des propriétés sémantiques peuvent lui être attribuées. Par exemple, la fonction d'une zyme est de catalyser une réaction chimique ; pour autant, une enzyme ne porte pas d'information dans le sens où elle représenterait ou donnerait des instructions pour une réaction chimique. Différentes solutions ont été apportées à ce problème. Pour Kim Sterelny, Kelly Smith et Mickael Dickison5, toute structure biologique qui a été sélectionnée en raison du rôle qu'elle joue dans les processus développementaux 1 Notons toutefois que récemment, une conception de l'information en tant que transmission a été proposée, remettant sur le devant de la scène la théorie de Shannon : C.T. Bergstrom and M. Rosvall, « The transmission sense of infomation » (2011). 2 Le philosophe Larry Wright est à l'origine de cette conception, qui a ensuite été abondamment discutée par les philosophes de la biologie : L. 276 possède des propriétés sémantiques. De cette façon, les gènes représenteraient les produits qui en sont issus. Mais dans ce cadre, des propriétés sémantiques peuvent également être attribuées à des facteurs non génétiques qui ont été sélectionnés pour leur rôle développemental. Au contraire, John Maynard Smith confère des propriétés informationnelles aux seuls gènes1. Son argumentation repose sur le caractère arbitraire de la relation entre les gènes et les phénotypes, à l'instar de la relation entre les mots et les objets2. Nicholas Shea soutient quant à lui que le génome possède des propriétés représentationnelles, en faisant appel à une version modifiée de l'approche téléosémantique, dans laquelle les gènes sont envisagés comme des intermédiaires entre un système producteur (les mécanismes de la reproduction et de la survie différentielle) et un système consommateur (le système en développement, dont la fonction est de produire des phénotypes héritables)3. Cette conception autorise d'autres systèmes d'hérédité que le matériel génétique à avoir des propriétés sémantiques. Enfin, Eva Jablonka insiste sur la nécessité de mettre l'accent non pas sur le signal portant l'information ou sur la réponse du receveur à ce signal, mais sur le système d'interprétation du receveur : une source, qu'il s'agisse d'une structure ou d'un processus, porte une information si un système receveur peut réagir à un état de cette source en modifiant son état d'une manière fonctionnelle4. Selon cette définition de l'information, les signaux environnementaux sont, comme les gènes, des sources d'information, à condition qu'ils soient utilisés d'une certaine façon par l'organisme. Ces différentes tentatives visant à développer une approche téléosémantique pour légi le recours au concept d'information n'abordent pas seulement la question de l'utilité de ce concept : elles permettent également de préciser quels composants biologiques sont porteurs d'une information, à supposer qu'un cadre informationnel cohérent puisse être élaboré. Des réponses variées ont été apportées à ce problème, en fonction du cadre théorique adopté. Toutes attribuent à l'ADN des propriétés informationnelles. Cependant, seules certaines confèrent de telles propriétés à d'autres 1 J. Maynard Smith, « The concept of information in biology » (2000a). L'analyse du concept d'information offerte par Maynard Smith est celle qui a le plus stimulé le dé bat philosophi que . Nous renvoy ons le lecteur aux commentaires qui ont suivi la publication de cette analyse. Voir notamment : P. Godfrey-Smith, « Information, arbitrariness and selection: comments on Maynard-Smith » (2000a) ; S. 277 facteurs (développementaux ou environnementaux). Paul Griffiths a de son côté soutenu que la conception téléosémantique de l'information, et plus généralement toutes les conceptions existantes de l'information, peuvent être appliquées à de nombreux facteurs non génétiques : ces conceptions ne permettraient donc pas de différencier les rôles joués par les gènes et les autres facteurs dans le développement des organismes1. À rebours des efforts entrepris pour justifier l'utilité du discours informationnel en biologie, certains philosophes ont critiqué l'utilisation de ce discours, pour différentes raisons2. Tout d'abord, certaines limites de la conception sémantique de l'information peuvent être mises en avant, suggérant que les molécules biologiques ne contiennent pas d'information dans un sens intentionnel. Marcel Weber a ainsi soutenu que l'information sémantique constitue au mieux une analogie, dont l'intérêt dans les sciences biologiques est avant tout heuristique3. Les autres raisons concernent l'illusion d'explication et l'interprétation erronée des propriétés des systèmes biologiques découlant de l'utilisation du concept d'information. En premier lieu, à l'instar des théories préformationnistes, l'idée que le génome contient une instruction pour la réalisation d'une fonction biologique peut suggérer qu'il n'est plus nécessaire d'expliquer la mise en place de cette fonction. D'autre part, l'attribution d'un contenu informationnel aux seuls gènes conduit à accorder une primauté aux gènes dans les processus biologiques, relativement aux autres facteurs causaux. Pourtant, dans les systèmes biologiques, l'action des gènes est interconnectée avec celle de nombreux autres facteurs : les gènes ne peuvent avoir un effet indépendamment du contexte dans lequel ils se trouvent, alors qu'une description informationnelle semble suggérer le contraire. Enfin, l'idée que les gènes portent et expriment un message pourrait encourager l'émergence d'une conception essentialiste des gènes, ou compromettre les fondements matérialistes des théories biologiques. 1.2. Le concept d'information : limites du débat philosophique Le débat philosophique sur le concept d'information dans les sciences du vivant est ambitieux dans les problèmes qu'il souhaite résoudre. Les réponses apportées à ces 1 P.E. Griffiths, « Genetic information: a metaphor in search of a theory » (2001). Ces critiques proviennent pour la plupart des partisans de la théorie des systèmes développementaux (DST). Voir notamment : P.E. Griffiths (2001), op. cit. ; P.E. Griffiths and R.D. Gray (1994), op.cit. ; S. Oyama, The ontogeny of information (1985). 3 M. Weber (2005a), op. cit., chapitre 8. Voir aussi : M. Weber, « Genes, causation and intentionality » (2005b). 2 278 problèmes sont d'ores et déjà riches, et doivent inciter les biologistes à entamer une réflexion sérieuse autour de la signification et de l'utilité des termes informationnels qu'ils utilisent abondamment. Il nous semble toutefois que le débat gagnerait à être abordé selon certaines perspectives jusque-là négligées. Nous avons ainsi identifié trois limites principales du débat existant. Une première limite est la trop faible attention portée au discours et à la pratique des biologistes, au risque de développer une conception de l'information qui n'aurait guère plus de rapport avec l'usage fait de ce terme par les scientifiques, ou qui ne rendrait pas compte de toutes ses significations. Ce reproche a déjà été formulé par Griffiths, pour qui la définition téléosémantique de l'information, fondée sur les causes ultimes, ne concorde pas avec le discours informationnel de la biologie du développement, une discipline s'intéressant aux causes prochaines1. Ce même reproche peut, il nous semble, être étendu à une grande partie des recherches en biologie mol culaire, au sein desquelles le recours au concept d'information est indépendant de toute considération évolutive. En outre, le trop faible intérêt pour le discours des biologistes pourrait empêcher de détecter une évolution dans l'utilisation des notions informationnelles. La plupart des réflexions philosophiques sont ainsi motivées par le seul constat qu'un contenu informatif est attribué à l'ADN. Mais aucun examen minutieux et rigoureux des contextes variés dans lesquels le concept d'information est appliqué à la description du matériel génétique, et plus généralement employé en biologie moléculaire, n'a été mené. Un tel examen révèlerait pourtant aux philosophes l'usage vague, flou, et parfois indéterminé que les biologistes font de ce concept. Il les amènerait certainement à se demander si les biologistes attribuent encore à ce concept une quelconque valeur scientifique. 279 philosophes. La première est la transition d'une conception du génome accordant une large place aux gènes, et plus spécifiquement aux gènes codant les protéines, à une conception reconnaissant la grande diversité des éléments génétiques fonctionnels. À titre d'exemple, remarquons que l'analogie couramment effectuée entre les systèmes de communication conçus par l'homme et les mécanismes de l'expression génétique concerne uniquement la synthèse protéique. Stefan Artman précise ainsi que le « message, qui est reconstruit à partir d'un signal génétique par son récepteur, consiste en la structure primaire d'une protéine »1. Que deviennent cette analogie et les conclusions qui en découlent lorsque le rôle du matériel génétique dans la synthèse d'ARNnc est pris en compte? La deuxième évolution théorique qui ne semble pas avoir été prise en compte par les philosophes est la transition d'une conception du génome dans laquelle les éléments génétiques sont organisés de façon linéaire, à une conception reconnaissant la complexité de l'organisation structurale des génomes eucaryotes. Enfin, la dernière évolution non mentionnée pas le débat philosophique est la découverte de nombreuses classes d'ARN non codants, ainsi que la diversité des modalités par lesquelles ces ARN régulent l'expression génétique. Les réflexions sur le discours informationnel se doivent pourtant d'intégrer ces évolutions, puisque c'est justement aux descriptions des propriétés du matériel génétique et de son expression que sont appliqués les termes informationnels. La troisième limite dont souffre le débat philosophique pourrait être la plus importante : il s'agit du manque de perspective historique sous-tendant les analyses philosophiques. Dans le chapitre précédent, nous avons montré que le statut présent du concept de gène ne peut être appréhendé sans tenir compte de l'histoire de ce concept. Il en va de même pour les concepts informationnels. Ceux-ci ont été introduits en biologie moléculaire dans un contexte scientifique et culturel précis, qui continue de modeler les usages qui en sont aujourd'hui faits. Par conséquent, le statut du discours informationnel dans cette discipline ne peut être correctement compris sans coupler la perspective philosophique à une perspective historique. L'analyse que nous allons proposer du discours informationnel dans la biologie moléculaire contemporaine s'efforcera de pallier les trois limites que nous venons de souligner. Elle accordera notamment une attention particulière à l'histoire de ce discours. C'est à travers cette histoire que nous suggérons d'évaluer la pertinence de l'utilisation de concepts informationnels afin de caractériser les fonctions des acides nucléiques. 1 S. Artmann, « Biological Information » (2008), p. 25. Italiques dans l'original. 280 L'histoire de ces concepts, qui, nous allons le voir, est étroitement associée au contexte des recherches sur la synthèse protéique, invite à reconsidérer la pertinence théorique de la dichotomie entre séquences codantes et non codantes, au regard des connaissances actuelles sur les séquences dites non codantes. L'émergence d'une nouvelle représentation, plus riche et plus complexe, de la diversité des rôles biologiques assurés par les séquences d'acides nucléiques apparaît alors nécessaire. 2. Les limites du discours informationnel : au-delà de la synthèse protéique 2.1. Information et code : une histoire de synthèse protéique Dans les années 1950, un problème central à résoudre était celui de la synthèse protéique1. Dans le célèbre article qu'il consacre en 1958 à ce thème2, Francis Crick réduit cette question à celle de la détermination de la séquence protéique, laissant de côté celle du repliement des chaînes polypeptidiques, considérée comme distincte. Il justifie son choix par deux raisons. La première est d'ordre technique : puisqu'il n'existe alors aucune technique permettant d'étudier le repliement des protéines, seule la question de la spécification des séquences protéiques reste accessible à l'investigation. La seconde raison est théorique : pour Crick, l'hypothèse la plus probable est que le repliement des protéines est simplement fonction de leur séquence, faisant de la détermination de cette séquence le problème fondamental à résoudre. Cette hypothèse permet à Crick d'affirmer que « ces séquences sont la plus délicate expression possible du phénotype d'un organisme » et que « les énormes quantités d'information évolutive pourraient y être ensevelies »3. Une fois soulignée l'importance de comprendre comment les séquences protéiques sont spécifiées, Crick introduit les concepts et hypothèses qui constituent selon lui un socle pertinent facilitant la résolution de ce problème. C'est ainsi qu'il énonce l'hypothèse de la séquence qui, malgré son caractère spéculatif, est largement partagée par ses contemporains : « Dans sa forme la plus simple, elle suppose que la spécificité d'un fragment d'acide nucléique est exprimée seulement dans la séquence de ses bases, et 1 Nous renvoyons le lecteur à la section 4 du chapitre 3. F.H C. Crick (1958), op. cit. 3 Ibid., p. 142. 2 281 que cette séquence est un code (simple) de la séquence d'acides aminés d'une protéine particulière »1. Pour plus de clarté, cette hypothèse peut être envisagée comme la réunion de deux hypothèses distinctes : i) la spécificité d'un acide nucléique repose sur la seule séquence de ses bases. ii) la séquence des bases d'un acide nucléique spécifie la séquence d'acides aminés d'une protéine. La conjonction de ces deux hypothèses fait apparaître un postulat de Crick, admis par la communauté scientifique, concernant le rôle biologique des acides nucléiques : ces molécules ont pour unique fonction de participer à la synthèse protéique. 282 celle des protéines. Revenir ne serait-ce que brièvement sur l'histoire de cette notion dans la biologie moléculaire nous sera utile dans le cadre de notre argumentation. Le lecteur a sans doute remarqué que la formulation de l'hypothèse de la séquence fait intervenir le concept de code. C'est en effet afin de résoudre le même problème, celui de la synthèse protéique, que ce concept et l'hypothèse de la séquence ont été introduits dans la biologie moléculaire. Toutefois, la première utilisation du terme « code » est antérieure à ces travaux ; nous la devons au physicien Erwin Schrödinger qui, en 1944, a proposé dans son ouvrage « Qu'est-ce que la vie? » l'idée d'un code afin d'expliquer « comment le noyau de l'ovule fécondé, cette minuscule parcelle de substance, pouvait contenir un code complexe contrôlant tout le développement futur de l'organisme »1. Selon Schrödinger, les chromosomes présents dans le noyau des cellules renferment une structure dont l'organisation peut être assimilée à un code héréditaire élaboré, présentant des similitudes avec le code morse, et impliqué dans le maintien de l'ordre observé dans le monde vivant. Malgré l'intérêt pour les sciences du vivant qu'a suscité chez les physiciens la publication de cet ouvrage, cet intérêt ne saurait être rendu responsable de la rapide diffusion de la notion de code dans le discours des biologistes à partir des années 1950. Comme nous venons de le mentionner, c'est dans l'intérêt pour les technologies de la communication, la cryptanalyse et la linguistique que cette rapide diffusion trouve son origine2. Les biologistes s'efforçaient alors de comprendre comment l'ADN, support de l'information génétique, accomplit sa fonction. Dès leur découverte de la structure de l'ADN en 1953, Watson et Crick apportent des éléments de réponse à ce problème en introduisant le concept de code : « Le squelette phosphate-sucre de notre modèle est complètement régulier, mais n'importe quelle séquence de paires de bases peut s'adapter à la structure. Il s'ensuit que dans une longue molécule, de nombreuses permutations différentes sont possibles, et il semble donc probable que la séquence précise des bases soit le code qui porte l'information génétique »3. C'est donc la structure de l'ADN, molécule composée d'une succession de nucléotides de quatre types différents, qui a incité les deux biologistes à recourir à la notion de code pour décrire les propriétés fonctionnelles de cette molécule, dans un contexte socio-culturel 1 E. Schrödinger, Qu'est-ce que la vie? De la physique à la biologie (1986[1944]), p. 151. L.E. Kay (2000), op. cit. 3 J.D. Watson and F.H.C. Crick, « Genetical implications of the structure of deoxyribonucleic acid » (1953), p. 965. 2 283 favorable à une appropriation de cette notion par les sciences biologiques. En reformulant le problème de la synthèse protéique à l'aide de termes informationnels, Crick introduit en 1958 la question du « codage »1. Il prend alors soin d'encadrer par des guillemets la première occurrence du terme « codage », comme pour signifier le caractère spéculatif ou métaphorique de ce terme. Il s'agit de comprendre comment « la séquence des quatre bases "code" la séquence des vingt acides aminés »2. Les efforts de recherche se concentrent dès lors sur le « décryptage » du « code génétique », qui devient le problème central que la toute jeune biologie moléculaire s'efforce de résoudre. Ce code désigne la règle de correspondance entre les nucléotides de l'ADN et les acides aminés des protéines. Son déchiffrage est achevé en 1966, non pas grâce aux approches théoriques inspirées des sciences de la communication, mais par une approche biochimique3 : le code génétique fait intervenir des triplets de nucléotides ; il est non chevauchant, redondant, et univoque. Avec la caractérisation des mécanismes fondamentaux de l'expression génétique entre la fin des années 1950 et le début des années 1960, le code génétique peut être redéfini comme la règle de correspondance qui à chaque triplet de nucléotides de l'ARN (aussi appelé codon) associe un acide aminé4. De ces brèves considérations historiques sur l'introduction du discours informationnel dans la biologie moléculaire, nous retiendrons un point essentiel pour la suite de notre démonstration : qu'il s'agisse du concept d'information, de l'hypothèse de la séquence, ou du concept de code, tous visent à aborder la question de la synthèse protéique à partir du postulat que le rôle de la séquence d'un acide nucléique est de spécifier celle des acides aminés d'une protéine. 2.2. Le concept de code et les ARN non codants L'utilisation abondante de l'expression « ARN non codants » est ce qui a initialement motivé notre questionnement sur la valeur du discours informationnel en biologie moléculaire. Il est cependant regrettable que les philosophes ne se soient pas penchés sur la signification exacte du terme « codant » employé par les biologistes pour décrire des acides nucléiques, qu'il s'agisse d'ADN (ADN codant ou non codant) ou d'ARN (ARN codant ou non codant). Il nous faudra combler cette lacune. Les philosophes ont en revanche entrepris une analyse critique de l'usage fait par les biologistes du concept de code génétique, ainsi que de l'idée selon laquelle les gènes ont la capacité de coder des protéines ou des traits phénotypiques. Nous revenons brièvement sur les conclusions auxquelles ils sont parvenus. Les propriétés du code génétique rendent-elles pertinente l'utilisation de la terminologie relative au concept de code en biologie? C'est la question à laquelle se sont intéressés Godfrey-Smith et Griffiths. Bien qu'ils se montrent prudents sur le bien-fondé du recours au discours informationnel en génétique, en biologie du développement et en biologie de l'évolution, ces deux philosophes reconnaissent que la règle d'association des triplets de nucléotides aux acides aminés justifie l'idée que les gènes « codent » la 285 séquence d'acides aminés des protéines1. En effet, parce qu'il met en correspondance les monomères constitutifs de deux types de macromolécules de façon combinatoire et apparemment aléatoire2, le mécanisme de traduction opérant dans les cellules confère à l'expression génétique des propriétés analogues à celles des phénomènes symboliques. Cependant, Godfrey-Smith et Griffiths s'accordent pour dire que toute extension de la notion de code au -delà des processus d'expression génétique à l'échelle cellulaire est inappropriée. En particulier, l'idée que les gènes codent des traits phénotypiques ne serait pas pertinente : les propriétés sémantiques des gènes s'arrêteraient à leur rôle dans la synthèse protéique. Griffiths voit d'ailleurs dans l'attribution (selon lui abusive) aux gènes d'une capacité à coder des traits phénotypiques une cause de la persistance d'idées erronées concernant le déterminisme génétique. Si la pertinence de la notion de code génétique est reconnue par la plupart des philosophes, Sahotra Sarkar a néanmoins défendu la thèse selon laquelle l'analogie des mécanismes de l'expression génétique avec des phénomènes symboliques n'est valable que pour les seuls organismes procaryotes, et ne s'applique plus dès lors que l'on considère les organismes eucaryotes3. 286 protéines. La réflexion philosophique gagnerait donc à être poursuivie en étudiant la possibilité d'étendre cet usage à des fonctions du matériel génétique autres que celle de la synthèse protéique. Au regard de la complexité des transcriptomes eucaryotes, il convient notamment de se demander si le concept de code est approprié pour caractériser la synthèse d'ARNnc à partir de l'ADN. Nous avons vu que dans le cas de la synthèse des protéines, l'argument légitimant l'introduction de ce concept repose sur l'existence d'une règle de correspondance combinatoire et aléatoire entre deux catégories de molécules constituées d'une succession de monomères : d'un côté les acides nucléiques composés de quatre types de nucléotides, et de l'autre les protéines composées de vingt acides aminés différents. La possibilité d'assimiler le code génétique à un phénomène symbolique implique nécessairement que les deux catégories de molécules mises en jeu soient constituées de monomères différents. Cette condition restreint la pertinence de l'application de la notion de code aux seules relations entre les gènes (ou plus généralement les acides nucléiques) et les protéines. Autrement dit, l'utilisation de cette notion est inappropriée pour décrire le rôle de l'ADN dans la production d'ARNnc. En effet, lors de la synthèse des ARNnc, l'ADN sert de matrice à la fabrication d'un ARN, produit final de l'expression génétique : les nucléotides à adénine, cytosine, guanine et thymine de la molécule d'ADN s'apparient respectivement à des nucléotides à uracile, guanine, cytosine et adénine formant la molécule d'ARN. Mais cette règle d'association concerne deux classes de molécules constituées d'une ion de nucléotides, c'est-à-dire des mêmes monomères. En outre, l'appariement des nucléotides n'a pas le caractère en apparence aléatoire du code génétique, dans la mesure où il dépend de contraintes stériques et électrochimiques liées aux propriétés des nucléotides. L'idée d'un code s'applique donc mal à la caractérisation de la fonction de synthèse des ARNnc que possède l'ADN. Il serait alors inexact d'affirmer qu'une séquence d'ADN code la séquence d'un ARNnc. Nous soulignerons plus loin dans ce chapitre que les biologistes ne se privent pourtant pas d'utiliser le vocabulaire du code pour décrire la synthèse d'ARNnc. Toutefois, ce qui nous intéresse ici davantage est la spécificité du discours informationnel qui est mise en relief par le recours au concept de code : ce discours est adapté à une description du matériel génétique sous l'angle unique de sa participation à la synthèse protéique. Ce constat a deux implications. 2.3. Séquences codantes ou non codantes : une ambiguïté à tous les niveaux L'utilisation désormais répandue du terme « codant » pour qualifier des séquences d'ADN ou des ARN fournit l'opportunité d'analyser l'usage que les biologistes font de ce terme. La diversité des contextes dans lesquels le terme « codant » est employé peut surprendre, tant cette diversité contraste avec le champ d'application restreint du concept de code. L'analyse sémantique que nous offrons nous conduira à porter un regard original sur le discours informationnel dans la biologie contemporaine, en permettant de mieux comprendre la signification de ce discours aux yeux des biologistes. De même que pour le concept de code, l'utilisation actuelle du terme « codant » ne peut être rigoureusement caractérisée sans faire une incursion dans l'histoire de ce terme. Celle-ci est indissociable de l'histoire du concept de gène. 2.3.1. La co-évolution du concept de gène et du terme « codant » Nous avons déjà noté que le recours actuel à la terminologie relative au code trouve son origine dans le contexte des travaux sur la synthèse protéique, dans les années 1950. À cette époque, suite à la caractérisation des propriétés structurales de l'ADN et des 288 protéines, le concept de gène est redéfini au niveau moléculaire : un gène désigne alors une séquence continue d'ADN spécifiant la séquence d'un polypeptide. Une définition du gène moléculaire à l'aide de concepts informationnels est également introduite : un gène est une séquence d'ADN codant un polypeptide ou une protéine. Au début des années 1960, le terme « codant » et le concept de gène étaient donc tous deux associés à l'idée de la détermination de la séquence d'acides aminés des protéines. La conception du gène centrée autour des protéines était en vigueur depuis les années 1940, suite aux travaux de Beadle et Tatum démontrant que les gènes contrôlent la synthèse d'enzymes1. Cette conception doit être réexaminée après la découverte de séquences d'ADN impliquées dans la synthèse d'ARNt et d'ARNr. Le concept moléculaire du gène est alors élargi de manière à inclure ces séquences d'ADN. Il en vient à désigner toute séquence d'ADN spécifiant la séquence d'un produit fonctionnel, que ce produit soit une protéine ou un ARN. Corrélativement, la terminologie relative au concept de code voit sa signification évoluer, afin de permettre la caractérisation en termes informationnels de la synthèse d'ARN non traduits. Par conséquent, le champ d'application de cette terminologie et celui du concept moléculaire du gène ont continué de se recouvrir. Dans une édition récente d'un ouvrage de biologie moléculaire, la consacrée à la définition moléculaire du gène comporte les commentaires suivants : « Bien que la plupart des gènes soient transcrits en ARNm, qui codent des protéines, il est clair que certaines séquences d'ADN sont transcrites en ARN qui ne codent pas de protéines (ARNt et ARNr par exemple). Cependant, parce que l'ADN qui code les ARNt et les ARNr peut causer des phénotypes spécifiques lorsqu'il est muté, ces régions d'ADN sont généralement désignées comme gènes d'ARNt et d'ARNr, bien que les produits finaux de ces gènes soient des molécules d'ARN et non des protéines »2. En raison de l'élargissement des champs d'utilisation du concept de gène et du vocabulaire du code à la synthèse de produits fonctionnels, et non plus seulement à celle des protéines, un couplage étroit entre gène, code et transcription a été instauré : les gènes désignent ainsi l'ensemble des séquences transcrites de l'ADN, et la terminologie relative au concept de code s'applique à la description de ces séquences transcrites, quelle que soit la nature des produits dont elles permettent la synthèse. 1 Ce résultat est couramment traduit par l'expression « un gène – une enzyme ». Voir : G.W. Beadle and E.L. Tatum (1941), op. cit. 2 H. Lodish et al., Molecular Cell Biology (2003), p. 406. Italiques dans l'original. 289 Mais si le gène moléculaire a été redéfini de manière à englober la synthèse d'ARN non traduits en protéines, cette nouvelle définition n'a pas pour autant remplacé la précédente. En réalité, le concept de gène est resté fortement centré autour de la fonction de synthèse protéique. Cette acception restreinte du gène moléculaire reste aujourd'hui présente dans la littérature ; la première définition du gène rencontrée par les étudiants est d'ailleurs encore celle d'une séquence codant une protéine. Jusqu'aux années 1990, le faible nombre d'ARNnc connus, comparativement au grand nombre d'ARNm identifiés, ainsi que la gamme apparemment limitée de processus cellulaires dans lesquels ces ARNnc intervenaient, expliquent vraisemblablement le maintien non problématique de l'utilisation du concept de gène pour désigner seulement les séquences codant des protéines. De cette superposition de deux significations du gène moléculaire (l'une restreinte aux séquences codant des protéines et l' non) découle inévitablement une ambiguïté dans l'usage de ce concept. Nous allons maintenant nous attacher à montrer que la même ambiguïté existe pour le terme « codant ». 2.3.2. Séquences codantes ou non codantes : des significations variées 2.3.2.1. Les séquences transcrites en ARN non codants : ADN codant ou non codant? À la fin des années 1960, l'observation surprenante que la taille du génome des organismes eucaryotes n'est pas corrélée au degré de complexité de ces organismes a conduit des biologistes à émettre l'hypothèse que les génomes comportent de l'ADN dépourvu de fonction. En 1972, Susumo Ohno forge l'expression « ADN poubelle »1 pour désigner cet ADN supposé être non fonctionnel, par opposition aux séquences géniques2 : « Certaines séquences de bases d'ADN qui ne peuvent pas être transcrites et/ou ne peuvent pas être traduites semblent être utiles d'une façon négative (l'importance de ne rien faire) »3. Il suppose ainsi que de larges portions d'ADN intergénique sont dénuées de fonction. Bien que la fonction régulatrice et le rôle dans l'organisation chromosomique de certaines régions d'ADN intergénique aient été démontrés, les 1 En anglais : « junk DNA ». S. Ohno (1972), op. cit. 3 Ibid., p. 367. 2 290 séquences d'ADN ont été scindées en deux grandes catégories : soit une séquence est un gène, soit elle n'en est pas un. Cette dichotomie, qui reflète une représentation du génome centrée autour des gènes, s'est traduite par la mise en place de l'expression « ADN codant », désignant l'ensemble des gènes du génome, et de celle d'« ADN non codant », désignant les séquences ne faisant pas partie de l'ADN codant. L'ADN non codant est ainsi défini négativement, comme l'ensemble des séquences qui ne sont pas des gènes. Cependant, en raison de l 'ambiguïté dans la signification du concept de gène, les notions d'ADN codant et d'ADN non codant sont elles-mêmes équivoques1. Ainsi, l'ADN codant est défini par certains comme l'ensemble des séquences codant des protéines, alors qu'il est défini par d'autres comme l'ensemble des gènes. Dans ce second cas, la conception du gène moléculaire qui est employée n'est pas toujours précisée, ce qui engendre une indécision quant à l'inclusion ou non des gènes d'ARN dans l'ADN codant. Puisque l'ADN non codant est défini négativement par rapport à l'ADN codant, il n'existe donc pas non plus de consensus quant à l'appartenance de ces gènes d'ARN à l'ADN non codant. considérées comme des gènes, la situation est bien plus embarrassante : par exemple, les gènes de miARN, qui se comptent par centaines dans le génome humain, font-ils partie de l'ADN codant ou de l'ADN non codant? Il n'est pas certain que les biologistes s'accorderaient sur la réponse à apporter à cette question. L'approximation longtemps faite entre l'ensemble des gènes et l'ensemble des gènes codant des protéines ne tient plus, et entretient désormais une confusion autour du concept d'ADN codant. Deuxièmement, loin d'être dissipée, l'ambiguïté relative au concept de gène se trouve renforcée. Nous avons évoqué dans le précédent chapitre l'absence de consensus quant au statut à accorder aux diverses séquences d'ADN transcrites en ARNnc : certaines de ces séquences sont unanimement considérées comme des gènes, alors que d'autres se voient refuser le statut de gène, et que d'autres encore sont, selon les auteurs, désignées ou non comme des gènes. La frontière délimitant l'ensemble des gènes des génomes eucaryotes est donc plus floue que jamais. Par suite, c'est l'ensemble des séquences définissant l'ADN codant qui est indéterminé : parmi les séquences transcrites en ARNnc, lesquelles font partie de l'ADN codant? Face aux données montrant que la plupart des transcrits issus des génomes eucaryotes sont des ARNnc, les biologistes sont de plus en plus enclins à restreindre l'ADN codant aux seules séquences codant des protéines : « Pendant de nombreuses années précédant cette découverte, la plupart de l'attention et des ressources étaient dirigées vers l'étude des séquences codant des proté ines, et il fallut des efforts pour convaincre la communauté que la portion non codante du génome cache de passionnants et précieux joyaux »1. Outre qu'elle montre que l'ADN non codant tend à être assimilé à l'ensemble des séquences ne permettant pas la synthèse de protéines, cette citation met en avant le recours de plus en plus fréquent à de nouvelles expressions visant à décrire les séquences génomiques avec plus de précision. Ainsi, aux expressions « ADN codant » et « ADN non codant » viennent progressivement se substituer celles d'« ADN codant des protéines » et d'« ADN ne codant pas des protéines »2. Bien que nous nous réjouissions de cette plus grande rigueur terminologique, nous modérerons par la suite cet 1 C.P. Bird et al., « Functional variation and evolution of non-coding DNA » (2006), p. 559. Cet autre extrait finira de convaincre le lecteur : « Presque 97% du génome humain sont composés d'ADN non codant, qui varie d'une espèce à l'autre. (). De nombreux gènes de ces régions ne codant pas des protéines codent des miARN, () » (S.-L. Lin et al., « Intronic microRNA (miRNA) », 2006, p. 1). 2 En anglais : « protein-coding DNA » et « non-protein-coding DNA ». 292 enthousiasme en montrant que ces nouvelles expressions ne sont plus pertinentes au regard des connaissances actuelles sur la complexité de l'organisation des génomes. 2.3.2.2. Des séquences non codantes à l'intérieur de séquences codantes La confusion autour de l'utilisation du terme « codant » ne s'arrête pas à la question de savoir quelles séquences doivent être incluses dans l'ADN codant ou non codant. Cette confusion est en réalité bien plus importante, et se traduit par l'inclusion de séquences dites non codantes à l'intérieur de séquences dites codantes, au niveau de l'ADN ou des ARN. Commençons par le cas des introns. La découverte des gènes morcelés chez des virus et chez les organismes eucaryotes remonte à la fin des années 19701. Ces gènes présentent une structure dite en mosaïque, dans laquelle des exons, séquences retrouvées dans l'ARNm, alternent avec des introns, séquences excisées du transcrit primaire, et donc absentes de l'ARNm. La question de savoir si les séquences introniques font partie des gènes a été débattue. En 1997, Christopher Epp exclut ainsi les introns de la définition qu'il propose du gène moléculaire2. Cependant, la plupart des auteurs ont fait le choix de conserver les introns dans la conception du gène qu'ils adoptent. Dans les ouvrages de biologie, la structure d'un gène eucaryote est donc classiquement représentée comme une alternance d'exons et d'introns. Une caractérisation informationnelle des introns et des exons a par ailleurs été suggérée. Cette caractérisation peut s'effectuer selon deux modalités. La première consiste à assimiler les exons aux régions (ou unités) informationnelles des gènes, et les introns aux régions non informationnelles des gènes3. Toutefois, c'est une autre modalité de description informationnelle qui est plus couramment employée : les exons sont désignés comme des séquences (ou régions) codantes, et les introns comme des quences (ou régions) non codantes. Conformément à cette terminologie, les introns sont donc des séquences non codantes se trouvant à l'intérieur des gènes, eux-mêmes définis comme les régions codantes de l'ADN. Cette contradiction évidente, qui pourrait dérouter quiconque 1 Les équipes de Richard Roberts, Phillip Sharp, et Pierre Chambon ont joué un rôle central dans cette découverte. Voir la revue écrite par Crick en 1979 sur les gènes morcelés et l'épissage d'ARN : F. Crick (1979), op. cit. 2 C.D. Epp (1997), op. cit. 3 E.A. Carlson, « Defining the gene: an evolving concept » (1991). 293 n'est pas familier du discours des biologistes, ne semble pas perturber ces derniers. Ontils d'ailleurs remarqué son existence? La contradiction que nous venons de soulever trouve une justification partielle en constatant que deux niveaux de description des propriétés des gènes, l'un grossier, l'autre plus fin, sont mis en jeu, et en rappelant que le vocabulaire informationnel a été introduit en biologie moléculaire pour évoquer la spécification des séquences protéiques. En effet, le gène est considéré comme de l'ADN codant en vertu du rôle que joue sa séquence dans la détermination de la séquence d'une protéine : il s'agit du niveau descriptif des propriétés fonctionnelles du gène le plus grossier. En revanche, à une échelle plus fine, il apparaît que seules certaines portions de la séquence d'un gène servent effectivement de matrice pour spécifier la séquence protéique : seules ces régions doivent donc être qualifiées de codantes. Dire qu'un gène fait partie de l'ADN codant et qu'il comporte à la fois des séquences codantes et non codantes implique ainsi deux niveaux différents de description des propriétés géniques, ce qui résout en partie le paradoxe soulevé. Une autre manière d'appréhender ce paradoxe consiste à y voir le résultat du processus historique de caractérisation des mécanismes de l'expression génétique. Ce processus peut en première approximation être divisé en deux étapes. La première a abouti à l'élaboration d'un schéma simple et général de ces mécanismes : dans le noyau, un gène est transcrit en un ARNm qui, après export dans le cytoplasme, est traduit en protéine. Cette première étape s'est accompagnée d'une description des gènes en tant que séquences codantes de l'ADN. Au cours de la seconde éta pe, la complexité des mécanismes d'expression génétique a été progressivement révélée, ce qui a entraîné d'une part la révision du schéma mécaniste initial, trop simple, et d'autre part l'élaboration d'une nouvelle terminologie permettant de mieux rendre compte de cette complexité. Cependant, cette nouvelle terminologie n'a pas supplanté l'ancienne terminologie : elle y a été superposée. Le paradoxe observé dans la description informationnelle des gènes est donc le reflet de l'histoire des recherches sur l'expression génétique. Un paradoxe semblable peut être mis en évidence concernant la caractérisation informationnelle des ARN messagers. Les ARNm sont de plus en plus fréquemment qualifiés d'« ARN codants » ou d'« ARN codant des protéines »1, une façon de mieux les opposer aux ARN non codants. effet, les régions non traduites situées en amont du codon initiateur (région 5'UTR) et en aval du codon stop (région 3'UTR) sont parfois qualifiées de séquences non codantes. Il existe donc une contradiction de même nature que celle rencontrée dans le cas des introns : des séquences non codantes se trouvent à l'intérieur d'ARN codant des protéines. Une interprétation similaire de cette contradiction peut être proposée : deux niveaux de description des propriétés des ARNm, l'une grossière, l'autre plus fine, se superposent. Les ARNm sont qualifiés d'ARN codants en vertu de leur rôle de matrice spécifiant la séquence d'une protéine ; une analyse plus fine de leur structure révèle en revanche que seule une région des ARNm sert effectivement de matrice lors de la traduction, les autres régions étant alors qualifiées de non codantes. Là encore, une perspective historique permet de comprendre l'origine de la contradiction : celle-ci est le résultat de l'écart entre la représentation initiale des propriétés des ARNm, et la représentation plus complexe qui a découlé de la mise en évidence de la complexité des processus d'expression génétique. Cette contradiction va en réalité encore plus loin. Puisque les régions 5'UTR et 3'UTR font partie des ARNm, les séquences correspondantes du gène sont généralement considérées comme des exons (respectivement le premier et le dernier exon). Or, en adoptant une définition informationnelle des exons, ces exons sont les séquences codantes du gène : les régions non traduites sont donc codantes au niveau de l'ADN, mais non codantes au niveau de l'ARNm. Ce paradoxe met en évidence une divergence dans la signification du terme « codant », selon qu'il est appliqué à la description de l'ADN ou à celle des ARN. Au niveau de l'ARN, ce terme est exclusivement associé à l'idée d'une synthèse protéique : est codante une séquence d'ARN qui spécifie la séquence d'acides aminés d'une protéine. En revanche, au niveau de l'ADN, le terme « codant » possède plusieurs significations : est codante une séquence d'ADN qui ou bien spécifie la séquence d'une protéine, ou bien spécifie la séquence d'un produit, qu'il s'agisse d'une protéine ou d'un ARN. En accord avec cette seconde signification, une séquence d'ADN est dite codante si elle est retrouvée au niveau d'un ARNm mature (puisqu'elle contribue à déterminer la séquence de cet ARN), que cette séquence soit ou non traduite. L'ambiguïté sémantique que nous avons décrite ne semble pourtant pas être un obstacle à la communication entre les biologistes qui, dans un contexte donné, identifient sans peine le sens attaché au terme « codant ». Cette ambiguïté ne pose donc pas de réel problème sur le plan pratique. Elle a cependant été une nouvelle fois amplifiée au cours de la dernière décennie, suite à la découverte de nombreuses classes d'ARNnc. 295 2.3.3. Vers une utilisation vague et abusive du terme « codant » L'occurrence du terme « codant » dans la littérature biologique a augmenté de façon spectaculaire avec la découverte de milliers d'ARN non traduits en protéines : les ARN non codants, aussi nommés « ARN ne codant pas des protéines »1. Rarement employée avant les années 2000, l'expression « ARN non codant » est désormais banale. La base de données Pubmed recensait récemment près de 4900 articles comprenant cette expression dans leur titre ou résumé, la très grande majorité ayant été publiée dans les années 20002. Le recours abondant à la notion d'ARN non codants témoigne de l'intérêt porté à ces ARN. Cependant, en raison de l'absence d'explicitation de la part des biologistes de l'acception du terme « codant », l'utilisation de cette notion s'accompagne d'une multiplication des usages de ce terme, parfois de façon vague ou abusive. Lorsque le statut de gène est attribué à une séquence d'ADN à l'origine d'un ARNnc, ce gène est, conformément à la terminologie employée par les biologistes, un gène codant un ARN non codant. Si cette formulation est rarement trouvée en l'état dans la littérature (sans en être toutefois absente), les biologistes font volontiers référence aux gènes codant les miARN (pour ne citer que cet exemple, sans doute le plus représentatif), une classe d'ARN qu'ils qualifient par ailleurs de non codants. Ce paradoxe apparent peut être dissipé en rappelant la divergence de signification du terme « codant », selon qu'il est utilisé pour décrire des séquences d'ADN ou d'ARN. Lorsqu'un gène est dit coder un ARN non codant, le verbe « coder » fait référence à la capacité qu'a ce gène à spécifier la séquence d'un produit, ici de nature ribonucléique ; dans l'expression « ARN non codant », le terme « codant » renvoie quant à lui à l'incapacité de l'ARN à spécifier une séquence protéique. mais par d'autres séquences, dont la fonction exacte reste à définir »1. Dans ce contexte, le verbe « coder » est employé de telle sorte que l'ADN apparaît être son propre code, ce qui correspond à une utilisation indéniablement abusive de ce terme. En effet, derrière la diversité des usages du vocabulaire du code est toujours sous-jacente l'existence de deux systèmes de signes ou symboles entre lesquels existent des règles de correspondance. Sans être généralisée, cette utilisation inadéquate du vocabulaire du code n'est pas non plus une exception. Que penser par exemple de l'expression parfois rencontrée de « gènes non codants », un raccourci pour désigner les gènes à l'origine des ARNnc? Si les gènes peuvent simultanément être non codants et correspondre aux séquences codantes de l'ADN, la confusion devient totale. Il ne suffit pas de constater l'utilisation ambiguë, parfois abusive, de la terminologie en lien avec le concept de code. Il convient ensuite d'en tirer des enseignements, tant sur la valeur du discours informationnel en biologie moléculaire que sur les attitudes pouvant être adoptées face à ce discours. 2.3.4. L'ambiguïté du terme « codant » : conséquences pour le discours informationnel L'utilisation ambiguë du vocabulaire du code découle de l'absence de recherche d'un consensus autour de la signification précise de ce vocabulaire. Ce manque d'intérêt des biologistes pour les termes informationnels qu'ils emploient pourtant couramment met en lumière plusieurs caractéristiques du discours informationnel en biologie moléculaire. Une de ces caractéristiques est la part importante de l'héritage historique dans l'existence même de ce discours. Le recours actuel aux concepts informationnels, ou du moins à ceux en lien direct avec la notion de code, ne paraît pas s'expliquer par une volonté d'établir une vision informationnelle scientifiquement étayée et rigoureuse des propriétés des acides nucléiques et des processus d'expression génétique : il semble être davantage le résultat de l'introduction de ces concepts dans la biologie moléculaire naissante, dans un contexte socio-culturel leur accordant une place importante. Au fur et à mesure qu'a progressé la compréhension de l'organisation du matériel génétique et des mécanismes de l'expression génétique, la signification de ces concepts a évolué. 1 C.P. Bird et al. (2006), op. cit., p. 559. Cependant, cette évolution ressemble à une forme de rafistolage aboutissant à une superposition des anciennes et nouvelles significations des termes informationnels, sans volonté de définir un cadre théorique informationnel rigoureux permettant de rendre compte des processus biologiques. La seconde caractéristique du discours informationnel que nous pouvons dégager est sa valeur métaphorique plutôt qu'ontologique. Si Crick était persuadé qu'un flux informationnel existe dans les cellules, le manque de rigueur avec lequel le vocabulaire du code est actuellement employé par les biologistes plaide désormais en faveur d'une utilisation davantage métaphorique de ce vocabulaire. Cette conclusion ne remet pas en question l'intérêt des tentatives, par certains philosophes, de développer un concept de l'information qui légitime le recours au discours informationnel en biologie moléculaire. Elle souligne néanmoins que cette démarche philosophique contraste avec la relation que les biologistes entretiennent aujourd'hui avec ce discours. Face à l'ambiguïté sémantique qui caractérise l'utilisation du vocabulaire du code, plusieurs attitudes peuvent être adoptées. Une première consiste à clarifier la signification des termes associés à la notion de code en biologie moléculaire. À cette fin, il serait notamment nécessaire de préciser la relation exacte entre ces termes et le concept de gène, puisque cette relation, initialement univoque, est devenue complexe et indéterminée. En procédant de la sorte, le biologiste Jürgen Brosius a prôné une conception élargie du code, permettant une application plus étendue de ce concept afin de caractériser les processus moléculaires1. Brosius fait pour cela appel aux définitions du code proposées respectivement par les biologistes Marcello Barbieri et Edward Trifonov. Selon Barbieri, un code est une correspondance entre deux mondes indépendants, de nature organique lorsque le code est biologique2. La présence d'un ateur, défini comme une molécule organique accomplissant deux évènements de reconnaissance indépendants, est alors le critère opérationnel qui met en évidence la présence d'un code. Grâce à cette conception du code, Barbieri identifie dans le monde vivant bien plus que le seul code génétique : à ce code viennent ainsi s'ajouter des codes d'épissage, des codes de transduction des signaux, des codes de compartimentation, ou encore des codes d'édition des ARN. Trifonov adopte quant à lui une conception encore plus large du code, assimilant un code à un motif de séquence ayant une fonction biologique3. Qu'il s'agisse 1 J. Brosius (2009), op. cit. M. Barbieri, The organic codes: an introduction to semantic biology (2003). 3 E.N. Trifonov, « Sequence codes » (1999). 1 2 K. Sterelny and P.E. Griffiths (1999), op. cit. H.-J. Rheinberger (2000), op. cit. 2.4. La dichotomie entre séquences codantes et non codantes : limites théoriques 2.4.1. ADN codant et ADN non codant : des catégories mutuellement exclusives? Les concepts d'ADN codant et d'ADN non codant ont été élaborés alors que la représentation dominante des génomes eucaryotes était celle de gènes discrets, séparés les uns des autres par des régions intergéniques non exprimées. Cependant, nous avons montré dans le précédent chapitre que les analyses post-génomiques ont conduit à remettre en question ce modèle, qui ne rend pas compte de la complexité réelle de l'organisation de ces génomes. Nous avons notamment insisté sur l'existence d'un réseau de transcrits enchevêtrés et chevauchants, dont certains possèdent un rôle dans la régulation de l'expression génétique. Nous avons montré que cette complexité de l'activité transcriptionnelle des génomes rend caduque la catégorisation des séquences en régions géniques et intergéniques, et amène à reconsidérer la conception du gène moléculaire. Ces bouleversements conceptuels ont des répercussions directes sur la possibilité de scinder les séquences d'ADN en ADN codant et en ADN non codant, deux catégories dont la définition est indissociable du concept de gène, et qui ont été construites de manière à être mutuellement exclusives. Plusieurs exemples permettront d'en être pleinement convaincu. Le premier exemple que nous avons choisi est celui des gènes de miARN situés dans l'intron d'un gène permettant la synthèse d'une protéine. Nous avons mis en évidence l'ambiguïté résultant d'une description informationnelle des introns comme séquences non codantes des gènes. Dans le cas où le gène de miARN intronique partage son promoteur avec celui du gène hôte, la transcription de ces gènes conduit à la production d'un transcrit primaire unique qui, après maturation, donne naissance à un ARNm et à un miARN. Si le choix est fait d'assimiler le gène de miARN à une séquence codante de l'ADN, alors l'idée selon laquelle l'intron contenant ce gène est une séquence non codante devient incohérente. Plus généralement, en raison du chevauchement de nombreux transcrits, le choix de considérer ou non les séquences transcrites en ARNnc comme des gènes, ainsi que celui d'intégrer ou non ces séquences dans l'ADN codant, affectent directement la pertinence théorique des notions d'ADN codant et d'ADN non codant. Quel que soit le parti pris concernant ces questions, la complexité de l'organisation du matériel génétique fragilise considérablement l'intérêt épistémique d'une caractérisation informationnelle des introns. L'exemple des ARNnc transcrits en orientation antisens par rapport à un gène codant une protéine soulève également un problème conceptuel intéressant. Puisque que seules certaines séquences transcrites en ARNnc sont considérées comme des gènes, les régions intergéniques dans lesquelles a été détectée une abondante transcription à l'origine d'ARNnc tendent à être définies comme de l'ADN non codant. Plaçons-nous maintenant dans le cas (fréquent) où l'ADN codant désigne l'ensemble des gènes codant des protéines. Nous avons vu qu'un grand nombre de ces régions géniques permet également la synthèse d'ARNnc, tels que des ARN antisens. Ces régions de l'ADN possèdent donc simultanément des attributs de l'ADN codant et de l'ADN non codant : en d'autres termes, les catégories d'ADN codant et d'ADN non codant ne peuvent plus être considérées comme mutuellement exclusives. Qualifier de telles régions d'ADN codant revient à négliger leur rôle dans la synthèse d'ARNnc, pourtant parfois primordial pour une régulation correcte de l'expression génétique. Cet exemple souligne une limite théorique majeure de la distinction entre ADN codant et ADN non codant : cette distinction est incompatible avec la complexité de l'organisation génomique, telle qu'elle est apparue grâce aux analyses post-génomiques. Souvenons-nous que cette complexité ne se traduit pas seulement par un chevauchement des transcrits. Les éléments génétiques fonctionnels chevauchants ne sont en effet pas toujours transcrits. Par exemple, des séquences régulatrices sont parfois présentes à l'intérieur d'introns ou d'exons de gènes codant des protéines ou des ARNnc. De nombreuses séquences d'ADN sont ainsi impliquées dans la réalisation de multiples fonctions. Or, la notion d'ADN codant a été introduite lorsque les régions génomiques contribuant à la synthèse protéique étaient supposées posséder uniquement cette fonction. Cette notion ne conserve donc sa pertinence que dans les limites restreintes de ce cadre théorique : l'idée d'ADN codant ne permet pas de rendre compte de la multiplicité des fonctions attachées à une même séquence d'ADN. Si la notion d'ADN codant échoue à saisir la capacité d'une séquence à réaliser diverses fonctions, c'est en raison de la conception centrée autour de la synthèse protéique que cette notion reflète et renforce. Lorsqu'elle a été introduite, la catégorisation de l'ADN en ADN codant et ADN non codant traduisait implicitement l'idée que soit une séquence d'ADN permet la synthèse d'une protéine, soit elle ne le permet pas. Autrement dit, la notion d'ADN codant est sous-tendue par une conception du génome dont la fonction principale et la plus importante est de spécifier la séquence des protéines. Or, dans la représentation actuelle des génomes eucaryotes, la multiplicité des 301 rôles biologiques assurés par les séquences d'ADN est une propriété majeure de ces génomes. Puisque la spécification de la séquence protéique n'est qu'une des fonctions portées par le matériel génétique, la notion d'ADN codant n'a guère plus de place dans une telle représentation. Cette première limite théorique d'une description du génome en termes de séquences codantes et non codantes est directement reliée à une deuxième limite. Quelle que soit la définition retenue pour l'ADN codant (comme l'ensemble des séquences codant des protéines ou l'ensemble des gènes), l'ADN non codant est défini négativement, par opposition à l'ADN codant : il désigne ou bien l'ensemble des séquences qui ne sont pas impliquées dans la synthèse protéique, ou bien l'ensemble des séquences qui ne sont pas des gènes. Cette opposition entre ADN codant et ADN non codant repose sur un critère fonctionnel, la première catégorie possédant une fonction dont la seconde est dépourvue. Pendant longtemps, cette opposition a été forte, puisque l'ADN non codant, assimilé à de l'ADN poubelle, tendait à être décrit comme non fonctionnel1. Définir par la négative l'ADN non codant est toutefois devenu trompeur, dans la mesure où il est clair que cet ADN, indépendamment de la définition qui en est donnée, participe à des fonctions biologiques majeures, notamment celle de régulation de l'expression génétique. Une telle description du matériel génétique est une relique de la période de l'histoire de la biologie moléculaire au de laquelle les propriétés fonctionnelles de l'ADN dit non codant étaient méconnues, ou plus précisément de la période au cours de laquelle la représentation de ces propriétés était centrée autour de la synthèse protéique. La pertinence de la dichotomie entre ADN codant et ADN non codant doit donc être réévaluée : un découpage du génome en deux catégories fonctionnelles mutuellement exclusives est inapproprié. Le génome ne consiste pas en une alternance de séquences fonctionnelles et de séquences non fonctionnelles : il s'agit davantage d'une mosaïque de séquences aux fonctions variées, couvrant l'ensemble du génome et 1 Bien que l'ADN non codant fût considéré comme poubelle, certaines fonctions lui étaient néanmoins attribuées.
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IMPACT DU LANGAGE DE L'ENSEIGNANT SUR LES RELATIONS ENTRE LES ELEVES ET LE MILIEU DANS UNE SITUATION D'ACTION EN GEOMETRIE. Recherches en Didactiques des Mathématiques, A paraître, 41 (1). &#x27E8;hal-03169994&#x27E9;
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Classe de M Premier temps de l’analyse Le langage relatif à la dévolution, qui installe les objets du milieu matériel et les règles du jeu, modifie ici le milieu. En attirant l’attention sur la réalisation du modèle et en réalisant le pliage devant les élèves, M transforme la situation en un problème de reproduction de gestes (Arzarello, Paola, Robutti & Sabena, 2009) : 1 M : Et je vais vous/je vais/faire une autre figure. Et vous regardez bien. Et vous vous ne touchez pas votre/ Nicolas ! Tu le poses maintenant. Donc je rouvre [M déplie le PLIOX]. Oh ! Je vais plier. Ohlala. [M plie devant les élèves en montrant bien son geste]. Avec le rappel de la consigne, M modifie également le milieu en injectant une nouvelle contrainte (il faut « un seul pli »). 33 M : (…) Bon, alors, vous allez reproduire cette figure. Attention, on n’avait qu’un seul pli, hein ! La dévolution du nouveau problème s’effectue alors par la donnée de la consigne complétée par l’indication du nombre de plis nécessaires et précédée de la mise en évidence de tous les gestes nécessaires pour l’accomplir. Le problème se révèle ainsi sans enjeu. Lors de l’incitation à l’analyse de la figure, on retrouve alors la description de l’action dans les propositions des élèves : 4 Sonia : On voit en fait que/que /y a le bleu et le vert qu’on voit, et le jaune et le rouge qu’on voit à la moitié. Et/et t’as/ et t’as plié le/ la moitié du rouge et du jaune. 8 Julie : Et ben en fait, ce que t’as fait c’est que tu/tu les as/tu les as remis droits, après tu as/t’as vu que il fal/que/t’as vu qu’il fallait pas qu’on plie tout sinon ça faisait pas cette forme alors t’as plié un peu. Le langage de M relatif à l’étayage, qui se développe dans les moments d’action, relève essentiellement des aspects techniques et souligne de nouveau le nombre de pliages : 35 M : (…) Mais tu as fait combien de plis, là ? Et moi j’ai dit combien de plis ? Combien j’ai fait de plis, moi, tout à l’heure ? 37 M : Oui, alors il faut que tu te débrouilles avec un pli (…) Dans la mise en commun, M formule les stratégies développées, les rétroactions éprouvées ainsi que les expériences menées par les élèves : 38 M : (…) Comment/heu/vous avez fait, réalisé, la même figure que celle affichée au tableau ? Ben Mat ? 39 Mat [montre la médiane du carré] : Avec le trait. 50 M : Pour plier le haut de ta feuille et mettre comment ? (…) C’est bien Mat, essaie d’aller/euh/jusqu’au bout./Alors, tu as remarqué qu’il y avait un trait [montre la médiane au verso du PLIOX] et là, ç’a été un repérage pour plier le haut de ta feuille. 51 Mat [désigne le côté du PLIOX et la médiane] : Il faut le mettre à la pointe. 54 Mat : Il faut replier jusqu’au trait. Notons que M ne s’appuie pas sur la rétroaction du milieu : il n’incite pas les élèves à confronter leur production au modèle affiché au tableau et prend systématiquement en charge la validation comme dans les extraits suivants : 5 M : Oui, est-ce que tout le monde est d’accord avec Sonia ? 34 M : Je vais vérifier mais, hé, hé, c’est pas bon ! Regarde un peu, est-ce que tu es à la moitié, là ? 37 M : Ah, bravo ! Maintenant on se débrouille ! Nous constatons peu de reformulation des propositions des élèves, M répétant leurs expressions et employant donc très peu le lexique géométrique. Donnons deux exemples pris lors de l’analyse de la figure : 14 Thaïs : Eh ben, y a quatre pointes sur/les côtés. 15 M : Oui, oui, oui. Et là j’ai quatre pointes aussi ? 16 Elèves : Oui// Non// 17 M : Tu veux venir nous montrer les pointes, heu/Thaïs ? Non, mais c’est vrai qu’on a quatre pointes, hein. 18 Thaïs [pointe chaque sommet du modèle présenté au tableau] : Un, deux, trois, quatre. 19. M : Oui, très très bien. Et tout à l’heure, j’avais quatre pointes aussi ? 24 Qwang : Y’a la moitié du rouge/non/du jaune et du rouge et/et/et le bleu et le vert c’est/tout en entier. 25 M : Et la surface du carré bleu et du vert est restée// 26 Elèves : Entiers. 27 M : Entière. Est restée la même. Oui. 28 Qwang : Et que le jaune et le rouge, ils sont à moitié. Ces extraits mettent également en évidence que M ne fait pas préciser la nature des différentes figures internes pourtant identifiées par les élèves en référence aux zones colorées, non plus que la figure externe. Il ne fait pas non plus de lien avec une propriété des quadrilatères (quatre sommets) pourtant évoquée par Thaïs à propos de cette figure externe. Dans la conclusion, les interventions de l’enseignant sont tournées vers l’activité attendue de l’élève : la reproduction du geste. 63 M : Eh oui, tu peux plier tordu, donc ce/ce trait comme vous dites, qui est au milieu, donc/ce trait là qu’on voit au dos, c’est ce/c’est ce/ce trait c’est un pli, hein, c’est le/le premier pli qu’on a fait. C’est un repère pour replier cette moitié/cette partie de feuille. M reprend dans la synthèse les éléments qui ont été dégagés durant l’activité et les discussions (la position de la droite permettant le pliage des carrés rouge et jaune en deux parties superposables). Mais il ne cherche pas réellement à expliciter les objets géométriques (carrés, rectangles, droite – correspondant à la médiane), ni les propriétés associées, ni même leurs relations (une droite qui partage le carré en deux rectangles superposables). Il ne fait donc pas de lien avec les savoirs géométriques et le lexique qu’il emploie réfère à l’espace sensible. Deuxième temps : analyse en lien avec les niveaux de milieu Dès le début de l’activité, M incite ses élèves à passer d’élèves objectifs à élèves agissants (« regardez bien ! », 1 M), puis très rapidement à élèves apprenants en leur demandant d’exprimer ce qu’ils « voient » (sous-entendu sur la figure obtenue). Lors de l’analyse de la figure, les échanges enrichissent le milieu objectif. Les relations entre les surfaces colorées du PLIOX et celles obtenues après pliage sont mises en évidence (appréhension perceptive) : 4 Sonia : On voit en fait que/que /y a le bleu et le vert qu’on voit, et le jaune et le rouge qu’on voit à la moitié. (…) 30 Julie : Avant, quand t’avais fait l’autre forme, on voyait que le/que le jaune et le rouge. Maintenant/on voit toutes les couleurs. Les gestes réalisés par M sont soulignés par les élèves, comme l’illustrent les extraits suivants : 4 Sonia : (…) Et/et t’as/ et t’as plié le/ la moitié du rouge et du jaune. 8 Julie : Eh ben en fait, (…) t’as vu qu’il fallait pas qu’on plie tout sinon ça faisait pas cette forme alors t’as plié un peu. 12 Thérèse : Surtout, et beh//, tu as/n’as pas plié le vert et le bleu (…) Or M valide les propositions sans placer les élèves en position d’apprenants : le changement vers le milieu de référence est seulement amorcé. Dans les échanges émerge également une caractéristique de la figure externe : elle possède « quatre pointes sur les côtés » (14 Thaïs). M cherche alors à mettre en parallèle cette propriété avec le nombre de sommets de la figure externe du modèle précédemment reproduit dans cette classe (figure 6a), ce qui incite les élèves à passer de la position d’agissants à celle d’apprenants : 19 M : Oui, très bien. Et tout à l’heure, j’avais quatre pointes aussi ? Ce constat aurait pu permettre à M de forcer le passage vers le milieu d’apprentissage en mettant en évidence que la possession de quatre sommets est une propriété des rectangles en tant que figures géométriques. Mais l’enseignant ne saisit pas cette occasion. A l’issue de l’analyse collective du modèle, il récapitule certains éléments du milieu objectif (le nombre de plis nécessaires, la relation entre les figures, le pliage en rectangles « demi-carrés ») et ce faisant amorce le passage vers le milieu de référence : 33 M : On voit toutes les couleurs, mais le jaune et le rouge, vous venez de le dire, on les voit à moitié. (…). Attention, on n’avait qu’un seul pli, hein ! Au cours de l’accompagnement de la recherche, les élèves sont en position d’élèves agissants. Les interventions de M les maintiennent dans le milieu objectif. Au moment de la mise en évidence collective d’une procédure correcte, M amorce de nouveau le passage vers le milieu de référence en incitant les élèves à expliciter leurs actions : 38 M : (…) Moi, je voudrais savoir/comment vous avez fait. (…) Comment/heu/vous avez fait, réalisé, la même figure que celle affichée au tableau ? Ben Mat ? 40 M : (…) explique ce que c’est que ce trait. Vas y. 55 M : Alors tu dis que tu replies comment ? (…) En employant le langage de validation, l’enseignant amène une médiane dans le milieu objectif : 44 M : Ce trait, il est au dos de ta feuille. Puis il force le passage vers le milieu de référence en mettant en évidence la médiane et son usage dans la réalisation de la figure modèle, et installe dans ce milieu le mot « superposer » : 63 M : (…) donc ce/ce trait comme vous dites, qui est au milieu, donc/ce trait là qu’on voit au dos, c’est ce/c’est ce/ce trait c’est un pli, hein, c’est le/le premier pli qu’on a fait. C’est un repère pour replier cette moitié/cette partie de feuille. 69 M : Qu’on…superpose. ça vous va pas, ce mot, superpose ? M revient sur le « trait » qui est associé à l’espace graphique en le définissant comme le « pli » en référence à l’espace sensible, mais pas comme la trace d’une droite (objet géométrique). Par conséquent il n’induit pas le passage vers le milieu d’apprentissage, ni ne conduit les élèves vers une déconstruction dimensionnelle. En outre l’enseignant ne réfère jamais à la figure externe et n’évoque pas de décomposition / recomposition figurale. Enfin, si dans la synthèse M met en évidence la médiane qui conduit au pliage correct (63 M), il ne va pas jusqu’à formuler la procédure de reproduction (appréhension séquentielle). Synthèse Tout au long de l’étape étudiée (et de manière plus générale dans la séquence), M vise la réussite de la tâche et passe du temps à faire expliciter par les élèves la manière de réussir, mais sans leur fournir les mots pour le dire. L’apport par M du geste, du nombre de plis à prendre en compte dans le milieu, ainsi que ses questions successives portant l’attention des élèves sur le geste de reproduction de manière de plus en plus précise (le geste, puis le pli à réaliser, puis la manière de le réaliser), instaurent un milieu didactiquement assez pauvre. M se réfère systématiquement au monde matériel et reste dans une proximité langagière (Robert, 2015) avec les élèves en employant le lexique des couleurs et des objets de l’espace sensible : il ne fait pas de lien entre ce que les élèves perçoivent (« c’est tout en entier », « la moitié du rouge ») et les objets géométriques (un carré, un rectangle « demicarré ») ; il apporte peu de vocabulaire (« surface », « carré », « moitié d’un côté », « moitié d’une surface », « superposer »). Par conséquent, les élèves restent dans les évocations matérielles (liées à la perception) dans lesquelles l’usage du lexique géométrique n’a pas de raison d’être. Pourtant l’usage « d’un vocabulaire géométrique en lien avec les figures » ainsi que la reconnaissance de certaines figures ou de propriétés (comme la présence d’axes de symétrie), sont des objectifs identifiés lors de la préparation de la séquence par M (ils apparaissent dans sa fiche de préparation). Dans cette classe les élèves sont rapidement placés en position d’agissants grâce à des verbes d’action utilisés par l’enseignant. De plus, le langage de M réfère essentiellement au milieu objectif et force quelques passages dans le milieu de référence mais aucun dans le milieu d’apprentissage. Ainsi les élèves sont essentiellement dans une position d’agissants dans le milieu objectif et quelquefois en position d’apprenants. M ne construit finalement ni le milieu de référence, ni celui d’apprentissage. Ceci révèle l’absence d’identification des enjeux géométriques, l’enjeu général de la séance mise en œuvre portant sur l’attitude des élèves, notamment faire des essais et s’investir dans la tâche. De manière générale, M n’aide pas les élèves à dépasser l’appréhension perceptive dans l’analyse de la figure. Les compétences à construire comme l’identification des côtés des carrés en tant que droites ou segments (déconstruction dimensionnelle) ou la décomposition / recomposition figurale ne sont pas relevées (voir lignes 50 M à 54 Mat, 24 Qwang à 28 Qwang par exemple). Nous notons aussi que M n’inscrit pas les élèves dans un « historique d’apprentissage » : les connaissances anciennes ne sont pas réactivées (en particulier l’usage du lexique spatial pour expliciter les procédures), les connaissances en cours d’apprentissage (portant dans cette étape sur le carré et le rectangle notamment) ne sont pas convoquées. Dans la classe de P Premier temps de l’analyse Le premier épisode correspond à la présentation du modèle. P installe le milieu en invitant les élèves à remettre le PLIOX dans la « position de départ » précédemment définie et en jouant sur la possibilité d’orientation du PLIOX : 1 P : Allez, vous remettez le PLIOX comme au départ, d’accord ? (…) Le jaune en haut à gauche et le rouge en haut à droite. (…) Toujours la même consigne. C’est quoi la consigne, d’ailleurs ? Manuel, tu rappelles la consigne, un peu ? (…) Ainsi le modèle et le PLIOX de chaque élève sont orientés de la même manière, ce qui limite la nécessaire modification positionnelle liée au passage au plan fronto-parallèle. P s’assure de la compréhension du problème en renvoyant la formulation de la consigne à la classe, puis en la reformulant. A ce moment de la séance (il s’agit de la troisième reproduction à l’aide du PLIOX dans cette classe), la dévolution de la tâche est réalisée et les élèves se mettent immédiatement au travail. Contrairement à M, P n’organise pas un épisode d’analyse de la figure modèle avant sa reproduction, mais choisit plutôt de faire ultérieurement analyser une production erronée. Pendant la recherche, il circule dans la classe et régule la mise au travail des élèves sans intervenir dans la réalisation de la tâche. Au bout de quelques minutes, presque tous ont réussi un pliage mais l’ambiguïté du modèle conduit à certaines productions « approximatives ». Nous portons notre attention sur les échanges qui ont lieu durant les deux épisodes collectifs qui s’ensuivent. P organise d’abord l’analyse collective d’une production incorrecte (Figure 7). Il modifie ainsi le problème posé aux élèves : il s’agit de comparer la production de Julia avec la figure modèle au tableau : 20 P : Qu’est-ce que tu as fait quand tu as changé ? // Bon, déjà, ici, est-ce que c’est pareil que moi ?// Qu’est-ce qui change, Julia ? Figure 7. – Comparaison de la figure modèle et de la production de Julia Le fait que P n’ait pas organisé d’analyse préalable de la figure modèle le conduit à concentrer l’attention des élèves sur « ce qui change ». Les échanges suivants montrent que les questions successives de P (en italique) amènent les élèves à affiner leurs réponses et les conduisent vers l’identification des figures en jeu (surlignées) : 24 P : Qu’est-ce que c’est qui est plus petit ?// Sarah, qu’est-ce que c’est qui est plus petit ? 25 Sarah : Les carrés. 26 P : Quels carrés ? // Qu’est-ce que c’est qui est plus petit, là ? Lou ? 27 Lou : Le jaune et le rouge. 28 P : Et le jaune et le rouge, ce sont … quoi ? Line ? 29 Line : Les deux couleurs qui sont en haut. 30 P : D’accord que ce soient des couleurs, mais quelles formes géométriques ? 31 Nans : Des carrés ! 32 P [fait non de la tête] : Le jaune et le rouge, ce sont des carrés qui sont plus petits ? 33 Moris : Ce sont des rectangles. Une dernière question de l’enseignant (« Et ici, ce sont des rectangles? », 36 P) revient sur le problème posé en permettant la caractérisation de la différence entre la production de Julia et la figure modèle : Julia a bien obtenu des rectangles, mais ils ne sont pas de la même taille que ceux du modèle. Ce constat aurait pu être mis à profit pour revenir sur les caractéristiques du rectangle (en tant qu’objet théorique). Ce n’est pas le choix retenu par P qui propose une discussion collective portant sur manière d’obtenir des rectangles de même taille que sur le modèle. Ses questions (en italique) incitent à plusieurs reprises à l’explicitation de la procédure et conduisent les élèves à identifier un élément figural 1D – la médiane – ainsi que le rapport entre les carrés jaunes et rouges et les rectangles obtenus par pliage (surligné) : 43 P : Donc pour avoir des rectangles qui soient comme les miens, comme sur mon pliage à moi, que fallait-il faire ? // Allez, Nina, explique. Viens au tableau et explique. (…) 45 P : Moi je l’ai vu faire autrement. /Je l’ai vu faire autrement pour avoir deux rectangles exactement comme les miens, jaunes et rouges. Comment tu as fait, Luc ? (…)// comment as-tu fait pour avoir/ des rectangles, des rectangles rouge et jaune de la même taille que les miens/ au tableau ? (…) 47 P : Noël, tu as trouvé ? / Et bien viens au tableau et explique-nous. Vous allez nous dire, vous, si vous avez fait de la même façon. 48 Noël : En fait, là, il y avait un p’tit trait et là… et là… un pliage. Et là fallait les plier et puis après là j’ai fait comme au tableau. 49 P : Bon, tu as plié sur le même pli, et on avait exactement la même figure qu’au tableau. 50 Nans : Maître ! Fallait plier la moitié du carré. 51 P : Voilà. Fallait plier la moitié du carré. Et on obtient la même figure. D’accord ? La formulation des questions de l’enseignant renvoie la validation au groupe classe, insiste sur l’évocation de l’action et fait donc amener par les élèves des éléments de savoir. Nous constatons que les reformulations par P de ces éléments sont associées à la validation : 34 P : Très bien Moris, le jaune et le rouge ce sont des rectangles.(…) 36 P : Ce sont des rectangles. Eh oui, ce sont des rectangles ! Cependant dans la synthèse (51 P), P ne revient ni sur l’identification de la médiane du carré, ni sur les relations entre carré et rectangle « demi-carré ». Deuxième temps : analyse en lien avec les niveaux de milieu A travers l’utilisation de verbes d’action (soulignés dans le texte), P incite les élèves à passer d’une position d’élèves objectifs à élèves agissants. Par ailleurs, il enrichit le milieu matériel en mettant l’accent sur les positions des figures internes de la figure modèle. 1 P : Allez, vous remettez le PLIOX comme au départ, d’accord ? Ça y est ? Alors on le remet comme au départ, attention, hein ! Allez Fiona, regarde ! Voilà, c’est bien ! Le jaune en haut à gauche et le rouge en haut à droite. (…) Toujours la même consigne. C’est quoi la consigne, d’ailleurs ? Manuel, tu rappelles la consigne, un peu ? Comment faire ? Julia, qu’est-ce qu’il faut faire ? (…) On n’entend pas ! Nans ? P utilise des expressions (soulignées dans le texte) incitant les élèves à réfléchir sur leurs actions et à se placer en position d’apprenants comme par exemple dans les échanges ci-dessus et ci-après. 20 P : (…) Qu’est-ce que tu as fait quand tu as changé ? // Bon, déjà, ici, est-ce que c’est pareil que moi ?// Qu’est-ce qui change, Julia ? s(…) 23 Julia : C’est plus petit. 24 P : Qu’est-ce que c’est qui est plus petit ?// Sarah, qu’est-ce que c’est qui est plus petit ? 25 Sarah : Les carrés. 26 P : Quels carrés ? // Qu’est-ce que c’est qui est plus petit, là ? Lou ? 43 P : Donc pour avoir des rectangles qui soient comme les miens, comme sur mon pliage à moi, que fallait-il faire ? (…) Allez, Nina, explique. Viens au tableau et explique. 45 P : (…) comment as-tu fait pour avoir/ des rectangles, des rectangles rouge et jaune de la même taille que les miens/ au tableau ? L’enseignant (43P, 45P) vise aussi à l’explicitation de la procédure de reproduction en lien avec l’appréhension séquentielle. Il emploie une gestuelle et un langage de validation (en gras) qui cherchent à maintenir les élèves dans la position d’apprenants : 32 P [fait non de la tête] (…) 34 P : Très bien Moris, le jaune et le rouge ce sont des rectangles. Ici, ce sont des rectangles ? Par des questions P cherche à forcer le passage vers le milieu de référence (en italique) : 28 P : Et le jaune et le rouge, ce sont … quoi ? Line ? 29 Line : Les deux couleurs qui sont en haut. 30 P : D’accord que ce soient des couleurs, mais quelles formes géométriques ? (…) 31 Nans : Des carrés ! 32 P [fait non de la tête] : Le jaune et le rouge, ce sont des carrés qui sont plus petit ? 33 Moris : Ce sont des rectangles. Mais toutes les occasions ne sont pas prises comme l’illustre l’extrait suivant : 48 Noël : En fait, là, il y avait un p’tit trait et là / et là /un pliage. Et là fallait les plier et puis après là j’ai fait comme au tableau. 49 P : Bon, tu as plié sur le même pli, et on avait exactement la même figure qu’au tableau. 50 Nans : Maître ! Fallait plier la moitié du carré. 51 P : Voilà. Fallait plier la moitié du carré. Et on obtient la même figure. D’accord ? Lorsque Noël met en évidence le pli qui permet de réaliser le modèle, P en reformulant sans évoquer une médiane maintient les élèves dans le milieu objectif. De même lorsqu’il confirme la relation entre le carré et le rectangle « demi-carré » (en gras) en s’appuyant sur la perception. P déclenche aussi des opportunités pour construire le milieu d’apprentissage, mais ne les met pas à profit. C’est le cas lorsqu’il met en évidence l’existence de figures de tailles différentes pouvant être identifiées à des rectangles : 36 P : Ce sont des rectangles. Eh oui, ce sont des rectangles ! Et ici, ce sont des rectangles ? 37 EE : Oui ! Non ! Si ! 38 P : Le jaune et le rouge ce sont des ? 39 Nans : C’est des rectangles fins ! 40 P : Le jaune et le rouge sont aussi des rectangles. Par contre/ 41 Nans : Mais c’est des rectangles ! Mais ils sont plus fins ! 42 P : Ici, ils sont plus fins. Ils sont plus petits que ceux en haut. Ces échanges auraient pu déboucher sur la mise en lumière des propriétés conduisant à qualifier ces figures de rectangles (en lien avec l’appréhension discursive), mais ce n’est pas le choix de P. L’enseignant conclut au contraire cet échange en s’appuyant sur la perception pour souligner l’écart de taille et justifier l’invalidité de la production de Julia, ce qui maintient de nouveau les élèves dans le milieu objectif. Enfin P n’incite pas les élèves à identifier différentes figures (figure externe, sous-figures), ni ne les met en évidence : les décompositions / recompositions figurales ne sont pas abordées. Synthèse Dans la classe de P, les élèves sont effectivement placés devant un problème de géométrie (reproduction de figure). Le langage employé par P dans la phase de dévolution conduit à une modification du milieu matériel et participe lors des phases de formulation à l’enrichissement du milieu objectif. Lors des phases de formulation, les interventions de l’enseignant visent d’abord à forcer le passage vers le milieu de référence et à faire passer les élèves de la position d’agissants à celle d’apprenants. L’appréhension séquentielle est ici abordée, elle sera développée en séance 3, lorsque les modèles proposés nécessiteront au moins deux pliages. Nous notons que l’enseignant provoque des opportunités pour construire le milieu d’apprentissage : il met l’accent sur l’usage du lexique géométrique et spatial ; il fait comparer différents rectangles. Cependant, que ce soit pour référer aux figures ou pour valider, P s’appuie sur la perception ce qui renvoie au milieu objectif. Il n’explicite pas non plus les raisons qui justifient l’identification des objets géométriques, ce qui ne permet pas d’induire le passage vers le milieu d’apprentissage. Finalement, au cours de l’étape étudiée, P construit partiellement le milieu de référence. Il semble vouloir placer ses élèves en position d’apprenants, même si en réalité la position des élèves oscille entre celle d’élèves agissants et celle d’élèves apprenants. Il ne décontextualise pas et par suite ne contribue pas à l’enrichissement du milieu d’apprentissage, voire à sa construction. Par ailleurs il ne propose pas d’exposition de connaissances, même à la toute fin de la séance. Tout au long de la séquence (et l’étape étudiée en est un exemple), P vise la production d’un discours sur les procédures à envisager (ce qui est en lien avec l’appréhension séquentielle) et veille à la précision des formulations et à l’emploi du lexique géométrique et spatial. Il fait ainsi en sorte que les élèves puissent nommer certaines figures matérielles reconnues en travaillant sur le PLIOX, mais n’aborde pas les caractéristiques des figures géométriques qu’elles représentent (en lien avec l’appréhension discursive), ni leurs relations (la moitié d’un carré), ni ne revient sur les décompositions / recompositions figurales. A l’issue de la séquence, P conclut d’ailleurs sur le lexique employé en mettant en évidence les différentes catégories auxquelles les mots font référence : couleurs, éléments figuraux 2D (« carré, triangle, rectangle »), 1D (« diagonale » sous forme de plis, médianes désignées par leur orientation « l’horizontale », « la verticale », côtés du modèle) et 0D parmi lesquels les élèves notent les sommets. CONCLUSION Notre étude, placée dans le cadre de la théorie des situations, porte sur des mises en œuvre d’une situation d’action en géométrie. Pour la réaliser nous nous sommes appuyé à la fois sur les outils de la théorie des situations (analyse a priori, structuration du milieu) et sur les travaux concernant le rapport aux figures. En articulant les niveaux d’appréhension d’une figure avec la structuration du milieu, nous avons mis en évidence que l’appréhension perceptive relève du seul milieu objectif M-2, que l’appréhension opératoire, en jeu dans M-2, s’exprime dans le milieu de référence M-1, que l’appréhension séquentielle relève de M-1 et enfin que l’appréhension discursive peut émerger dans M-1 mais se concrétise dans le milieu d’apprentissage M0. L’analyse a posteriori s’est déroulée en deux temps. Nous avons d’abord fait fonctionner une grille d’analyse qui interroge les interactions langagières des enseignants avec leurs élèves « à travers la fonction didactique qu’elles remplissent » (Bosch & Perrin-Glorian 2013, p.282). Nous avons constaté que dès le moment de la dévolution, le premier enseignant (M) changeait la situation par ses interventions orales et par la réalisation de l’action devant les élèves, donnant ainsi le moyen à ces derniers de réussir la tâche (transformée) sans vraiment rencontrer les savoirs visés. Nous avons aussi mis en exergue l’absence d’identification d’enjeux de savoirs. Par ailleurs nous avons remarqué que, tout au long de la séquence, le deuxième enseignant (P) encourageait ses élèves à employer un lexique géométrique et spatial. Cependant nous avons observé que les deux enseignants insistaient peu sur les savoirs géométriques en jeu, bien que les élèves aient reconnu certaines figures, assimilé un pli à un trait droit annonciateur d’une droite ou d’un segment, ou bien mis en évidence des relations entre certaines figures reconnues dans l’activité (entre carré et rectangle « demi-carré » notamment). Dans un deuxième temps, à un grain plus fin, nous avons pointé de quelle manière les interactions langagières des enseignants avec leurs élèves intervenaient dans la dynamique des niveaux de milieu, mais également à quelles positions et à quels niveaux d’appréhension des figures ont été amenés les élèves. Nous avons ainsi constaté l’impact de ces interactions sur la position des élèves à différents niveaux de milieu et sur son évolution, déjà repéré par (Bulf & al. 2015). Nous avons noté que les élèves étaient rapidement placés en position d’agissants grâce à des verbes d’action employés par les deux enseignants. Nous avons souligné les passages d’élèves objectifs à élèves agissants en phase de dévolution dans les deux classes, d’élèves agissants à élèves apprenants dans certains moments collectifs de formulation dans la classe de P. Inversement, nous avons pu constater que l’absence de certains marqueurs langagiers chez les deux enseignants (en lien avec l’exposition de connaissances), avait pour conséquence l’absence de positionnement élève, mais aussi la non construction du milieu d’apprentissage. Nous avons aussi mis en lumière que le langage de l’enseignant pouvait forcer le passage d’un niveau de milieu à un autre (du milieu matériel vers le milieu objectif pour M et P ; du milieu objectif vers le milieu de référence pour P) ou a contrario maintenir les élèves dans un niveau de milieu (le milieu objectif pour M, quelquefois le milieu de référence pour P). Nous avons également remarqué des opportunités ratées de changement de milieu (par exemple quelques-unes des interventions de P auraient pu conduire au milieu d’apprentissage). Concernant les niveaux d’appréhension d’une figure, nous avons constaté que l’appréhension perceptive était essentiellement convoquée, même si dans les phases d’action l’appréhension opératoire pouvait l’être aussi (en accord avec l’analyse a priori). Dans les phases collectives des deux classes, nous avons observé des occasions manquées de travailler sur d’autres niveaux d’appréhension figurale : appréhension discursive pour P, déconstruction dimensionnelle pour M. Nous avons établi que P abordait en outre l’appréhension séquentielle nécessitant l’usage du lexique géométrique – celle-ci fera d’ailleurs l’objet d’une attention de plus en plus soutenue de la part de P dans la suite de sa séquence. Enfin nous n’avons relevé aucune formulation abordant la décomposition / recomposition figurale, pourtant au cœur de la “situation PLIOX“. L’instauration de ces différents rapports des élèves aux milieux ne sont pas sans conséquence. Nous avons ainsi observé qu’au cours de la séquence, les élèves des deux classes identifiaient de plus en plus aisément les formes monochromes (carrés, rectangles, triangles) composant les figures modèles, en lien avec l’appréhension perceptive. Cependant aucune recomposition figurale n’a été proposée par les élèves7. Concernant l’appréhension séquentielle, nous avons pu constater que dans la classe de P, contrairement à celle de M, les formulations des élèves pour expliciter la reproduction des modèles se faisaient de plus en plus précises, avec un emploi correct du vocabulaire de position et de plus en plus majoritairement du vocabulaire géométrique pour désigner les éléments figuraux. Enfin les élèves de ces deux classes ne se sont jamais appuyés sur les propriétés des figures simples pour les identifier ou pour justifier de leur identification (en lien avec l’appréhension discursive). Notre étude a ainsi révélé un dysfonctionnement qui consiste « à privilégier l’activité, le « faire », les attitudes, aussi bien des élèves que du professeur » (Margolinas & Laparra 2008, p.10) et qui conduit 7 A titre de comparaison, lors de nouvelles expérimentations menées dans des classes dans lesquelles l’appréhension opératoire a été explicitement abordée par l’enseignant, des décompositions figurales de figures monochromes qui s’appuyaient sur le réseau de droites révélé par les plis, ainsi que des recompositions figurales polychromes ont été plusieurs fois proposées par les élèves. les enseignants « à reléguer à l’arrière-plan les connaissances et les savoirs » (Ibid., p.11). Ceci a pour conséquence l’absence de construction d’un milieu d’apprentissage. Dans le cadre de l’enseignement de la géométrie de l’école primaire, ce dysfonctionnement se double d’une absence de prise en considération des différents traitements d’une figure géométrique dans le registre figural. Il se traduit dans cette situation, d’une part par l’emploi (par les élèves et l’enseignant) d’un lexique référant essentiellement à l’espace sensible (objets matériels ou couleurs), et d’autre part par une absence de mise en lien avec les concepts géométriques assortie d’un manque de prise en compte de différents niveaux d’appréhension. Les résultats présentés portent sur la mise en œuvre de la situation par deux enseignants expérimentés mais qui ne sont plus en charge de la géométrie depuis plus de dix ans. Réaliser l’étude sur de nouvelles mises en œuvre avec des enseignants d’expériences différentes (notamment en charge de l’enseignement de la géométrie) devrait permettre d’enrichir nos résultats concernant notamment la prise en charge des différents niveaux d’appréhension d’une figure. Par ailleurs il est possible que la nature de la “situation PLIOX” (conçue comme situation d’action et non de formulation) ait pour conséquence une identification et une formulation des savoirs moins problématisées, les rendant plus difficiles à prendre en charge par l’enseignant (en particulier s’il rencontre des difficultés pour repérer les enjeux didactiques et cognitifs de la tâche). Ces résultats ouvrent alors des pistes concernant la proposition de situations d’enseignement construites avec la théorie des situations. Ils questionnent notamment sur la nécessité de développer des séquences prenant en compte non seulement la dialectique de l’action mais aussi la dialectique de la formulation, voire celle de la validation comme le suggèrent Mathé et Mithalal (2019). Ce travail conduit également à engager une réflexion portant sur la production de ressources, en particulier sur la nécessité d’assortir les scénarii didactiques d’éléments d’accompagnement (tels que des éclairages didactiques et / ou pédagogiques, des propositions de formulations, etc.) pour aider les enseignants à assurer une réelle activité mathématique dans la classe et permettre « une mise en relation d’indications données à un grain très fin avec des éléments d’analyse a priori (procédures, variables didactiques, enjeux de savoir) » (Allard, Guille-Biel Winder & Mangiante-Orsola 2019, p.321). REFERENCES ALLARD C., GUILLE-BIEL WINDER C., MANGIANTE-ORSOLA M. (2019) De l'étude de pratiques enseignantes en géométrie aux possibilités d'enrichissement de ces pratiques: focale sur l'exercice de la vigilance didactique. In S. Coppé, E. Roditi et al. (dir.) Nouvelles perspectives en didactique : géométrie, évaluation des apprentissages mathématiques (pp. 301-327). 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ANNEXE 1 : DEROULEMENT DE L’ETAPE DANS LES DEUX CLASSES Classe de M (durée totale 10’10) Présentation du modèle (0’32) Analyse collective du modèle (3’00) Travail individuel (2’18) Correction collective (4’20) Classe de P (durée totale 6’25) Consigne (0’50) Travail individuel (1’31) Analyse collective d’une procédure incorrecte (3’55) Discussion collective portant sur la procédure correcte (2’09) ANNEXE 2 : TRANSCRIPTION DE L’ETAPE - CLASSE DE M8 Episode 1 –Présentation du modèle 1. M : Et je vais vous/je vais/faire une autre figure. Et vous regardez bien. Et vous vous ne touchez pas votre/ Nicolas ! Tu le poses maintenant. Donc je rouvre [M déplie le PLIOX]. Oh ! Je vais plier. Ohlala. [M plie devant les élèves en montrant bien son geste]. 2. EE: Oh, c’est pas dur ! C’est super dur ! Episode 2 - Analyse de la figure 3. M : Ah stop ! On ne touche à rien ! Je voudrais juste/non, non, non, non France. Attends ma grande. Je voudrais juste qu’on me dise ce qu’on voit, les remarques qu’on peut faire sur ce qu’on voit. Sonia ? 4. Sonia : On voit en fait que/que /y a le bleu et le vert qu’on voit, et le jaune et le rouge qu’on voit à la moitié. Et/et t’as/ et t’as plié le/ la moitié du rouge et du jaune. 5. M : Oui, est-ce que tout le monde est d’accord avec Sonia ? 6. E : Oui. 7. M : Oui, hein. Euh: Julie ? 8. Julie : Et ben en fait, ce que t’as fait c’est que tu/tu les as/tu les as remis droits, après tu as/t’as vu que il fal/que/t’as vu qu’il fallait pas qu’on plie tout sinon ça faisait pas cette forme alors t’as plié un peu. 9. M : J’ai plié un peu, donc Sonia elle dit que j’ai plié à ? 10. EE : Moitié 11. M : A la moitié/de la couleur jaune et de la couleur rouge. Thérèse. 12. Thérèse : Surtout, et beh//, tu as/n’as pas plié le vert et le bleu parce que sinon et beh/, on voy/ on savait pas c’était quoi comme forme ; mais si tu pliais que ça la moitié de l’autre et beh ça faisait une forme. 13. M : D’accord. Thaïs elle veut. C’est bien Thaïs de prendre la parole, je suis très contente. 14. Thaïs : Et ben, y a quatre pointes sur/les côtés. 15. M : Oui, oui, oui. [M montre le modèle présenté au tableau] Et là j’ai quatre pointes aussi ? 16. EE : Oui// Non// 17. M : Tu veux venir nous montrer les pointes, heu/Thaïs ? Non, mais c’est vrai qu’on a quatre pointes, hein. 18. Thaïs [pointe chaque sommet du modèle présenté au tableau] : Un, deux, 8 Dans les transcriptions, tous les prénoms ont été changés. trois, quatre. M : Oui, très bien. Et tout à l’heure, j’avais quatre pointes aussi ? EE : Oui, oui. M : Alex, tu veux parler ? Alex : Non M : Tu te réveilles ? Vous avez… oui, Qwang ? Qwang : Y’a la moitié du rouge/non/du jaune et du rouge , et/et/et le bleu et le vert c’est/tout en entier. 25. M : Et la surface du carré bleu et du vert est restée … 26. EE : Entiers. 27. M : Entière. Est restée la même. Oui. 28. Qwang : Et que le jaune et le rouge, ils sont à moitié. 29. M : D’accord. Et Julie elle veut encore nous dire quelque chose. 30. Julie : Avant, quand t’avais fait l’autre forme, on voyait que le/que le jaune et le rouge. Maintenant/on voit toutes les couleurs. 31. M : Voilà, voilà. 32. Qwang : Et la moitié du jaune et du rouge. 33. M : On voit toutes les couleurs, mais le jaune et le rouge, vous venez de le dire, on les voit à moitié. Bon, alors, vous allez reproduire cette figure. Attention, on n’avait qu’un seul pli, hein ! Episode 3 – Travail individuel 34. M : Je vais vérifier mais, hé,hé, c’est pas bon ! Regarde un peu, est-ce que tu es à la moitié, là ?. XXX. Qu’est-ce que tu dis Rob ? XXX Alors tu nous l’expliqueras/tu nous l’expliqueras après. Thaïs, oui, réfléchis. Est-ce que tu as la moitié, là ? Non, tu n’es pas convaincue. Comment tu peux faire pour avoir la moitié ? XXX Ben essaye. XXX Est-ce que tu as la moitié des deux côtés, là ? Non, tu n’es pas convaincu. Essaie de te débrouiller pour avoir la moitié, alors. Comment tu as fait, alors ? 35. M : Ah, tu as la moitié tu penses tu as la moitié ? XXX Mais tu as fait combien de plis, là ? Et moi j’ai dit combien de plis ? Combien j’ai fait de plis, moi, tout à l’heure ? 36. Thaïs : Un. 37. M : Oui, alors il faut que tu te débrouilles avec un pli. … C’est bien Thaïs, parce que tu cherches aujourd’hui. [Maël montre sa réalisation (mal pliée)]. C’est pas grave. [Maël ajuste le côté à plier le long de la médiane qui lui est parallèle] Ah, bravo ! Maintenant on se débrouille ! [Maël effectue le pliage correct] Episode 4 – Mise en évidence collective d’une procédure correcte 38. M : Alors vous allez poser sur la table maintenant que vous avez… Alors je vois qu’il y a des élèves qui s’en sont sor-/qui ont/reproduit sans difficulté, d’autres qui ont tâtonné, et puis certains/non mais attends je t’ai pas interrogé, bon/et puis, beh écoutez, on va/on va/en discuter, et puis comme à ça on va/on va s’entraider. Moi, je voudrais savoir/comment vous avez fait.
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Sous les ailes de l’archange. Saint Michel à l’épreuve de l’histoire (France, XVe XVIIe siècle). Histoire. Sorbonne Université, 2023. Français. &#x27E8;NNT : 2023SORUL116&#x27E9;. &#x27E8;tel-04496122&#x27E9;
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2813 C’est le cas peu avant l’exécution du maréchal de Biron à la Bastille, le 26 ou le 29 juillet 1602 (Registres des Délibérations, éd. cit., t. 12 (1598-1602), Paris, Imprimerie Nationale, 1909, p. 610 ; Palma-Cayet, Pierre-Victor, Chronologies novenaire et septenaire, éd. cit., t. 2, p. 379). Le rémois Jean Pussot se fait l’écho de l’affaire, évoquant sa condamnation par le parlement pour « cryme de lèze-majesté, [...] pour réparation duquel cryme l’a pryvé et prive de tous honneurs, estats et dignités » (Pussot, Jean, Journalier, 1568-1626, éd. E. Henry et Ch. Loriquet, Reims, P. Régnier, 1858, p. 104). 2814 Voir les nombreux épisodes, plus ou moins véridiques, de manœuvres et intrigues contées par Tallemant des Réaux (Monmerque, De Châteaugiron, Taschereau (éd.), Les Historiettes de Tallemant des Réaux. Éd. cit., 1834, t. 1, p. 264, 294 ; t. 2, p. 53, 432, t. 3, p. 16, 186). 2815 La comparaison, visiblement osée, des chevaliers avec des cardinaux faite par le nonce Scotti n’a pas plu à son interlocuteur, M. de Chavigny (9 décembre 1639, Mémoires d’Omer Talon. Ed. cit., t. 4, p. 34-35). 556 Saint-Esprit semble mis de côté2816. Son inventaire des meubles transportés de Pau à Paris et Fontainebleau, de 1602, ne mentionne aucun collier de l'ordre de Saint-Michel2817. Au reste, ce désintérêt pour le collier est peut-être partagé : malgré les statuts de Louis XI obligeant à le renvoyer à la mort du titulaire, on le trouve dans certaines successions 2818. L’ordre du Saint-Esprit, lui-même, n’est plus aussi omniprésent puisqu’aux funérailles d’Henri IV, où le manteau royal du roi défunt porte le grand collier et où les grands le portent sur leur « dueil », certains, comme le duc de Guise et le prince de Joinville (ou Janville), sont « sans ordre2819 ». De même, les chevaliers des ordres du roi semblent suivre avec moins d’assiduité qu’autrefois les processions liées à sainte Geneviève et saint Marcel2820. Pour autant, l’ordre de Saint-Michel est encore délivré à une large noblesse, attirant encore sous Louis XIII l’aristocratie cherchant récompense de ses services, mais entrent également nombre de chevaliers n’ayant pas le degré suffisant de noblesse2821. Son prestige est encore grand à l’étranger2822. Désormais, c’est couplé avec l’ordre du Saint-Esprit que l’ordre de Saint-Michel représente le royaume, comme le rappelle l’anglais Thomas Coryate lors de son passage au château de Fontainebleau, où il croise un certain nombre de chevaliers2823. A l’image de ces deux colliers qui se retrouvent enlacés sur les armes royales, 2816 Il faut dire que, dans les portraits comme dans l’évocation de chaque épisode contemporain, c’est l’âge d'or des allégories et des références antiques, véritable manie qui va bien au-delà du langage formel de la seconde école de Fontainebleau (Mandrou, Robert, Introduction à la France moderne (1500-1640). Op. cit., p. 245). 2817 De même, les objets héraldiques ne sont pas mentionnés comme entourés de l’ordre (Laprade, Jacques de et Pérot, Jacques, « La destinée du meuble de Pau sous Henri IV : les pièces envoyées à Fontainebleau en 1602 », Avènement d'Henri IV. Quatrième centenaire. Colloque II – Bayonne 1988, Pau, Association Henri IV, 1989, p. 231). 2818 Et non des moindres, comme celle de Pierre de Bourdeille, sieur de Brantôme : « Plus un Ordre de sainct Michel d'or esmailhé, attaché avec ung ribant noir ». Il est estimé : « Plus, l'Ordre de Saint-Michel et la croix de l'Ordre de Portugal, attachés à ung ruban noir, appreciez, savoir ledict Ordre Saint Michel à XVI l. v s., et ladicte croix de l’Ordre de Portugal à XXII l. x s. » (« Succession de Pierre de Bourdeille, sieur de Brantôme. Inventaires et partage de ses biens (1614-1615) », Annuaire-bulletin de la Société de l’histoire de France, à Paris, chez Mme Jules Renouard, t. 37, 1900, p. 219234). 2819 Registres des Délibérations, éd. cit., t. 14 (1605-1610), Paris, Imprimerie Nationale, 1908, p. 529. 2820 Ils ne sont pas mentionnés lors de celle du 12 juin 1611 (Registres des Délibérations, éd. cit., t. 15 (1610-1614), Paris, Imprimerie Nationale, 1921, p. 83-86) . 2821 D’Hozier, Jean François Louis, Recueil historique des chevaliers, éd. cit., t. 1 (1469-1560), 1998, p. 38. 2822 Friedrich I. von Württemberg, financier des protestants pendant les guerres de religion, en est et l’arbore sur ses portraits. En 1604, Jérôme Gondi, fils de François, est fait chevalier de Saint-Michel mais meurt avant d’avoir reçu le collier (Registres des Délibérations, éd. cit., t. 10 (1590-1594), p. 327, n. 2). 2823 « Les chevaliers du Saint-Esprit, ainsi que ceux de Saint-Michel, sont particuliers à la France, comme les chevaliers de la Toison d'or et c de Santiago ou de Saint-Jacques à l'Espagne, ceux de l'Annonciation à la Savoie, ceux de Saint-Etienne à Florence et les chevaliers de Saint-Georges à l’Angleterre » (« Voyage à Paris de Thomas Coryate (1608). Extrait traduit et annoté par Robert de Lasteyrie », Mémoires de la société de l’histoire de Paris et de l’Ile-de-France. Ed. cit., t. 6, 1879, p. 52). Déjà, en 1591, lors des funérailles au Puy du chevalier seigneur de Saint-Vidal, auxquelles participaient des chevaliers des ordres du roi, l’ordre du Saint-Esprit était nommé « Ordre de France » (Mémoires de Jean Burel. Éd. cit., t. 2, p. 260). 557 unis comme le symbole du royaume de France, il apparaît que l’héraldique se retrouve être le dernier support privilégié pour accueillir la symbolique de l’antique ordre de Louis XI2824. La comparaison avec le début du siècle précédent est frappante, comme on peut le voir dans le discours du Prévôt des marchands au roi, au Louvre, le 7 août 1615, lors des solennités avant le départ du roi pour la Guyenne : Ainsi esperons nous, voire nous asseurons, que le mariage que vous allez contracter avec une grande et illustre princesse, l'Infente d'Espagne, joignant par ung double lien les lis françois à l'ordre de la thoison, nous affermira ung repos eternel en ce Royaume, dissipera noz divisions, si aulcunes restent parmy nous...2825 Dans l'idée d'union avec la monarchie des Habsbourg, représentée par la Toison d'Or, les lys ont remplacé le saint Michel de l'entrée de Charles Quint à Paris en 1540. La réforme de Louis XIV, réorganisant l’ordre de Saint-Michel en 1661, finit de l’achever comme ordre royal de premier plan. Dès lors, qui, au XVIIe siècle, protège le royaume? C. La Vierge et saint Louis En 1624, alors que les ports bretons sont sous la menace des navires de Benjamin de Rohan, seigneur de Soubise, Port-Louis n’est finalement pas pris. Selon le Mercure françois, « le bon Ange Gardien de la France l’en a preservée2826 ». Par « Ange Gardien », l’auteur royaliste de la revue entend-il saint Michel? Ou l’a-t-il oublié alors que, par ailleurs, l’archange n’est traité que sous un angle d’apparence légère dans le reste de sa publication2827? Pourtant, les vaisseaux que Soubise avait pris dans le havre de Port-Louis étaient tout destinés à rappeler la protection de l’archange, entouré des autres grands saints royaux : les « six grands vaisseaux [étaient] appellez la Vierge, S. Michel, S. Louys, S. 2824 Encore en 1639, sont peintes au château de Fontainebleau « les armes de France et de Navarre [...], avecq les deux ordres du Sainct Esprit » – l’ordre de saint Michel n’est que suggéré par la mention de « deux ordres » (Müntz, Eugène et Molinier, Em., « Le château de Fontainebleau au XVIIe siècle d’après des documents inédits », Ibid., t. 12, 1885, p. 306). 2825 Registres des Délibérations, éd. cit., t. 16-1 (1612-1614), Paris, Imprimerie Nationale, 1927, p. 236. 2826 Le Mercure françois, à Paris, chez Estienne Richer, t. 10, année 1624, p. 858. 2827 Pour l’année 1614, l'histoire d' un allemand « qui se disoit l'Archange Michel, autremens dit le Verbe de Dieu » fait les délices de la publication (Ibid., t. 3, année 1614, p. 375-378). 558 François, S. Jean, et S. Pierre2828 ». Au XVIIe siècle, la dévotion royale semble se porter vers d’autres cieux, notamment ceux de saint Louis. Le 25 août 1618, Louis XIII restaure officiellement le culte de son saint ancêtre. Choix délibéré et personnel du roi, cela marque symboliquement sa prise de pouvoir un an après l’assassinat de Concini et son émancipation vis-à-vis sa mère. Le père Arnoux, tout juste remplaçant auprès du roi en mai 1618 du père Coton, jugé trop faible, en est l’inspirateur. Comme pour compléter l’acte de majesté et dans l’espoir de revenir en grâce – en vain –, l’historiographe d’Henri IV et « professionnel de la propagande » Pierre Matthieu publie la même année une Histoire de sainct Louys2829. Après un long temps d’hésitation à mettre le saint fortement en avant, du fait de l’idéal d’un pouvoir partagé avec l’aristocratie qu’il véhicule2830 et qui laisse le thème être développé par des auteurs plutôt en marge du pouvoir, le culte de saint Louis peut s’insérer dans un discours absolutiste à partir de 1627-16292831. Les réserves passées et son histoire remodelée, le saint roi s’avère ductile et plus adapté à la conception du pouvoir qui se développe alors, ce que saint Michel ne permet pas. Dès lors, le chemin vers la surutilisation du saint éponyme des rois du siècle est tout tracé, que ce soit par des consécrations d'églises – on peut citer, par exemple, l’église Saint-Louis, construite à partir de 1607 au Prytanée militaire à la Flèche (Sarthe) – ou par des appositions du chiffre « SL » - comme c’est le cas, plus tard, sous la coupole de la chapelle du collège des Quatre Nations. Les Jésuites participent de ce mouvement, comme en témoign les écrits de Pierre Le Moine sur Louis XIII, la France, et saint Louis2832. En 1638, quand il s’agit de placer le royaume sous une protection sainte, en remerciement de sa conservation, de la répression de l’hérésie (parvenue à « un parti dans l’Etat ») et de la victoire sur les « ennemis de cette couronne », Louis XIII choisit la 2828 Ibid., année 1624, t. 10, p. 851. Ces six vaisseaux avaient été construits pour le roi et le duc de Nevers sous l’inspiration du Père Joseph, devant servir à l’ordre de la Milice chrétienne pour la libération des lieux saints qu’ils ont créé en 1617. La Vierge avait coûté plus de 200 000 livres et portait 80 canons de fonte verte (Dedouvres, Louis, Politique et apôtre. Le Père Joseph de Paris, capucin, l’Eminence grise, Paris, G. Beauchesne, t. 2, 1932, p. 248, n. 1). Nous remercions Adrien Aracil de nous avoir fait connaître une mention de l’échouage de ce vaisseau Saint-Michel dans un ouvrage protestant de 1625 (Considérations d'État sur la bataille navale gagnée par M. le duc de Montmorency, amiral de France, etc. ; avec la lettre d'un ministre de Charanton aux sieurs de Rohan et de Soubise, Paris, 1625, p. 9). 2829 Boureau, Alain, « Les enseignements absolutistes de saint Louis, 1610-1630 », La monarchie absolutiste et l'histoire en France (Colloque tenu en Sorbonne, 26-27 mai 1986), Paris, PUPS, 1987, p. 79-82. 2830 Cette idée est profondément ancrée et se retrouve jusque dans le discours final du cardinal de Retz à l’assemblée du clergé de 1645 (Ibid., p. 84). 2831 Ibid., p. 88-92. 2832 Le Moyne, Pierre, Saint-Louys, ou le Héros chrestien, Paris, Ch. Mesnil, 1653 ; Saint Louys ou la sainte couronne reconquise sur les infidèles, 1658. Vierge2833. Notre-Dame de Paris supplante alors Chartres et même Reims et Saint-Denis comme lieu de dévotion et de théâtralisation monarchiques2834. Mais, ce choix n’est pas un simple recours, une dévotion particulière d’un roi2835. C’est désormais la fusion du destin du roi, de la dynastie et du royaume dans l’histoire mariale, une « confusion sémiotique » qui implique et engage ses successeurs2836. Il est intéressant de noter que, dans le même temps, la Bavière du début du XVIIe siècle prend un chemin différent : tout en recourant massivement à la figure de la Vierge, le duché est consacré à l’archange depuis 1597 par Guillaume V et l’église des Jésuites de la ville lui est dédiée2837. Certes, saint Michel perd sa place centrale dans le dispositif dévotionnel royal. Pour autant, il n’est pas oublié et continue d’être mis en avant par d’autres agents de diffusion de l’image iconique de l’archange, qui sont plus ou moins proches du roi. D. L’archange dans l’entourage du roi Un proche du roi émerge, le père Coton, son confesseur, obsédé par la présence du Diable, ce dernier voulant étendre sa domination partout sur le monde, ses forces luttant contre les chrétiens et particulièrement pendant les Troubles. Dans une réplique de la contemplation de saint Ignace sur les deux étendards, il veut frapper son auditoire : Je me représente Lucifer, prince des mal-heureux Demons, au milieu du champ de Babylone, assis dans une chaire toute rouge de feu, luy ardant et fumant en tous les endroits, d’un corps que j’effigierai en mon imagination le plus horrible que je pourrai. 2833 La déclaration royale date du 10 février 1638 (repr. Laurentin, René, Le Vœu de Louis XIII. Pass ou avenir de la France?, Paris, Éd. F.-X. de Guibert, 2004, p. 107-112). 2834 En effet, y ont lieu, comme « grandes cérémonies politico-religieuses de la monarchie » : le « Te Deum pour les couronnements, les mariages et naissances des dauphins, mais aussi pour les victoires royales, bénédictions des étendards des armes qui a lieu tous les trois ans, pompes funèbres des grands serviteurs de la monarchie... » (Julia, Dominique, « Sanctuaires et lieux sacrés à l’époque moderne », art. cit., p. 288). 2835 En ce sens, il reprendrait la dévotion de sa mère qui a cherché à se légitimer par des rapprochements de sens entre elle et une Vierge maternelle et médiatrice, dans la perspective de sa relation au roi son fils (Rodier, Yann, « Marie de Médicis et le culte marial : langage et langue de l’immaculisme politique et tridentin d’une reine de France (1605-1617) », Gaffuri, Laura et Ventrone, Paola, (dir.), Images, cultes, liturgies. Les connotations politiques du message religieux. Actes du premier atelier international du projet « Les vecteurs de l'idéel . Le pouvoir symbolique entre Moyen Âge et Renaissance (v. 1200-v. 1640) », Paris, Publications de la Sorbonne, 2014, p. 185-202). 2836 Boucheron, Patrick, « Remarques conclusives », Ibid., p. 372. 2837 Le duc avait une dévotion particulière pour l’archange, étant né un 29 septembre. Sur la dévotion politique des ducs de Bavière, voir Tricoire, Damien, La Vierge et le Roi. Politique princière et imaginaire catholique dans l’Europe du XVIIe siècle, Paris, PUPS, 2017, notamment p. 147-153. 560 Puis j’oyrai comme il appelle à soi divers Demons, et en particulier Leviathan qui tente d’Orgueil [...] auxquels il parle ainsi : “Ma volonté est de réduire sous joug de mon obéissance, toutes les âmes Chrestie[n]nes, puisque les infidèles me sont acquises [...]. Sus donc, esprits guerriers, puissants en malice, vaillants en audace, courez-moi les Itales, les Allemagnes, les Espagnes, les Gaules, les Isles britanniques! Passez la mer Méditerranée, donnez en Grèce et partout où le Galilean est invoqué ; Brouillez leur créance et ambarrassez leur foi par la variété des Sectes et prétendues Eglises, qui toutes se disent les Illuminées, Réformées, Sanctifiées. [...] Faites en sorte que pour être estimé homme d’Estat, on croye, qu’il ne se faut tourmenter de la Religion et que pour estre bon français, il ne faut estre ni espagnol, ni papiste. Vous avez cuidé ruiner l’Estat de France, sous ombre de la religion ; ruinez maintenant la Religion sous prétexte de l’Estat”2838. Est-ce le signe, dans l’entourage proche du roi, d’une volonté de faire (sur)vivre la figure emblématique de saint Michel? On peut au moins noter que Marie de Médicis avait également, parmi de nombreuses dévotions, une vénération particulière pour l’archange, demandant à l’évêque d’Avranches d’accomplir pour elle son vœu de pèlerinage2839. Le père Coton est l’auteur d’un autre texte du même genre, au tout début des années 1630, alors qu’il n’est plus confesseur du roi : des oraisons dévotes écrites à la demande de la reine et ajoutées à la fin de la réédition des Heures de Notre-Dame de René Benoist2840. Ce petit « formulaire » est, de prime abord, somme toute classique dans son déroulé de prescriptions journalières que l’on retrouve dans les livres d’heures depuis le XVe siècle. Ce qui est moins habituel, c’est la liste d’« oraisons au saincts en général » qui le terminent avec, dans l’ordre, les anges, les archanges, les chérubins, les séraphins, Michel, les anges gardiens, une « oraison pour le Roy », une « oraison pour la reyne » (Marie de Médicis) et enfin une prière à Jésus-Christ. Jean-Marie Le Gall, qui a eu accès à une édition antérieure (comportant des dévotions à saint Louis et des saintes, visiblement écartées deux ans plus tard), note avec raison que saint Denis est totalement oublié (auquel on peut donc ajouter le retrait de saint Louis de l’édition de 1634). Le monarque, avec ce rétrécissement, 2838 Sermons sur les principales et plus difficiles matières de la foi, faits par le R. P. Pierre Coton, réduits par lui en forme de méditations, Paris, 1617, p. 134-136. 2839 Batiffol, Louis, La Vie intime d’une reine de France au XVIIe siècle, Paris, Calmann-Lévy, 1931, t. 1, p. 58. Nous remercions vivement Denis Crouzet de nous avoir mentionné ces faits. 2840 Heures de Nostre Dame, à l’usage de Rome, en Latin et en François, Par feu M. René Benoist [...]. Avec un Formulaire du R. P. Coton, de la Compagnie de Jesus, dédiées à la Reyne, à Paris, chez Augustin Courbe, 1634, BNF, Rés. B 6037. A noter qu’il s’agit bien d’un ajout puisqu’il est paginé alors que la réédition est foliotée. 561 s’affranchit de la figure tutélaire et se vit dans une « relation directe avec Dieu2841 ». C’est d’autant plus clair lorsqu’on lit le texte de l’oraison à saint Michel qui, comparée aux autres oraisons angéliques, est d’une grande précision : « Singulier Protecteur de la Monarchie de France, prenez en vostre garde la personne du Roy, et celle de son Frere : conservez l’heritage de leur père en son entier, et notamment ce qui est de la Religion2842. » Le rôle de l’archange est ici strictement dynastique, tout en conservant une tutelle sur la catholicité d’un royaume qui sort à peine d’une énième guerre civile et religieuse – la paix d’Alès est signée en 1629 – mais qui n’est pas exempt de signaux inquiétants en la matière – ce sera la possession de Loudun, à partir de 1632. Avec le père Coton, on distingue l’action énergique de quelques éléments en pointe dans la volonté de conserver tout ou partie de ce qui a fait la puissance de l’image royale à la Renaissance. On pourrait également penser à Jean-Jacques Olier, le conseiller d’Anne d’Autriche qui, au sortir de la Fronde, n’oublie pas ce que le royaume doit à saint Michel 2843 ou encore le cardinal de Bérulle, pour son lien avec la réforme du Mont Saint-Michel par les mauristes. L’idéal de protection archangélique s’est-il conservé à bas bruit auprès du roi pour ressortir dans la seconde moitié du XVIIe siècle? Le mauriste Estienne Jobart évoque ainsi la visite au Mont, le 15 septembre 1665, du duc de Mazarin, grand maître de l’artillerie de France et lieutenant général du roi en Bretagne, accompagné de M. Colbert, frère du conseiller du roi2844. Un dernier sursaut de l’archange se trouve dans l’Apothéose de Louis XIV, une œuvre très peu connue de Charles Le Brun, peinte en 1677, où le triomphe du roi est accompagné d’un ange porteur de l’étendard aux fleurs de lys et d’un saint Michel à l’écu fleurdelysé, brandissant l’épée flamboyante. Aux pieds de l’archange git la Bête de l’Apocalypse. La composition, dont toute la moitié inférieure est remplie d’adversaires démoniaques, aurait très bien pu dater du siècle précédent (fig. 260)2845. 2841 L’Office des heures de la Vierge Marie pour tous les temps de l’année, Paris, 1632, Oraisons dévotes dont voici l’ordre : saint Michel, p. 40, saint Louis, p. 42, saintes, p. 46 (Le Gall, Jean-Marie, Le Mythe de Saint Denis. Op. cit ., p. 103). La commande de Marie de Médicis doit toutefois dater d’avant sa fuite, le 18 juillet 1631, vers les Pays-Bas d’où elle ne reviendra plus. 2842 Heures de Nostre Dame, op. cit., p. 40-41. 2843 Cf. infra, II, E. 2844 ms. 209, Avranches, BM, p. 176 (Huynes, Jean (dom), Histoire générale de l'abbaye, éd. cit., p. 56-57). Il ajoute celle de M. de Montausier, gouverneur de Normandie, venu le 9 novembre 1663. 2845 Le Brun, Charles, Apothéose de Louis XIV, huile sur toile, 1677, Budapest, Musée des Beaux-Arts. L’œuvre est mentionnée par Maumené, Charles et Harcourt, Louis d’, Iconographie des rois de France, Nogent-le-Rotrou-Paris, impr. Daupeley-Gouverneur, t. 2, 1932, p. 192. La thématique eschatologique est présente chez le peintre, à la fin de sa vie : il est également l’auteur d’une monumentale Chute des anges rebelles, vers 1675-1677 (Dijon, Musée des Beaux-Arts). 562 II. De la cour aux élites locales : entre volonté de plaire et perpétuation de l’idéal A. Les lettrés : entre commandes et espoirs Parfois, un événement fait surgir, dans ce milieu à la profonde culture historique, le thème de l’archange protecteur de la dynastie. C’est ainsi qu’Etienne Pasquier établit le lien le plus flagrant entre la naissance du dauphin Louis, le 27 septembre 1601 et saint Michel. Dans une lettre du 4 octobre 1601, il se réjouit que dans sa paroisse de Saint-Nicolas-duChardonneret, un Te Deum est chanté le lendemain, jour de saint Exupère, lorsque la nouvelle arrive, puis que « le Samedy, feste de Sainct Michel, fut faite procession generale, où se trouverent les Cours souveraines avec leurs robbes de parade, pour remercier Dieu humblement de l’heur qu’il nous avoit envoyé ». Il n’hésite pas à voir dans la date un signe évident de la Providence car « Michel est l’Ange tutelaire de la France : et pour ceste cause, fut institué l’Ordre des Chevaliers de Sainct Michel, par nostre Roy Louis XI. et quant au Jubilé, vous sçavez qu’il est ouvert pour la profession de nostre Religion. » Il ajoute à son texte un épigramme latin où il qualifie, une fois encore, l’archange de « Francorum Michaël Angele tutor opum2846 ». Ses vers, il demande à son interlocuteur, Loménie, qu’il les fasse « voir au Roy2847 ». La proximité de la fête de l’archange suffit-elle à expliquer l’insistance dont il fait preuve envers son destinataire pour qu’il les présente ainsi au roi? Est-ce un rappel de ce que l’auteur a déjà pu écrire sur la protection du royaume par saint Michel, dans ses récits historiques2848? Ou ne serait-ce pas, encore au début du XVIIe siècle et la servilité de la missive le prouverait, un attendu du discours royal? Sous l’égide de Richelieu ressortent les voix de Jeanne, donc de saint Michel protecteur de la France, dont on voit un timide retour en grâce par, notamment, le travail s d’Estienne Pasquier. Ed. cit., livre XXII, lettre III, col. 655. 2847 « si prenez quelque goust, je vous prie de les faire voir au Roy, qui a toute fiance en vous ; m’asseurant, que s’il ne les trouve dignes de sa Majesté, pour le moins trouvera-t’il le tesmoignage d’une bonne volonté, laquelle provenant de la part d’un subject envers son Roy, doit estre estimée pour bonne » (Ibid., col. 1062). 2848 Cf. supra, ch. 7. 563 concomitant d’Edmond Richer, docteur en Sorbonne, théologien gallican, éditeur de Gerson et de Jean Chapelain, poète de cour. Richer travaille sur son projet depuis 1625 mais sa mort en 1631 laisse son ouvrage à l'état de manuscrit, non totalement ignoré de ses contemporains, toutefois2849. Accompagné de traductions des interrogatoires, d’actes du procès en nullité et d’éloges divers, son récit se veut une œuvre de combat, pour une histoire chrétienne et providentialiste de Jeanne et contre Du Haillan 2850. Il le termine par une « Dissertation théologique sur les apparitions, révélations et mission de la Pucelle », véritable jugement théologique sur la Pucelle au niveau de ce qu’avait pu produire le procès en nullité. Comme pour devancer les critiques héritées des accusations de 1431, il y défend le caractère divin de ses visions des saints, dont l’archange Michel, en se basant sur les critères traditionnels du discernement des esprits2851. Le but en est certainement de la rapprocher de la figure de la sainte, ce qui confirmerait le sentiment d’Olivier Bouzy, pour qui le début du XVIIe siècle est marqué par une tentative de canonisation de Jeanne d'Arc, appuyée par le cardinal de Richelieu, d'où les nombreuses histoires de Jeanne qui reparaissent autour du projet de rédaction de La Pucelle ou la France délivrée, de l’influent Jean Chapelain2852. L'histoire de la Pucelle entre alors dans « la domesticité littéraire de Richelieu », qui avait compris l'intérêt d'une telle figure 2853. Chapelain écrit ainsi, de 1625 à 1655, un poème épique au service du renforcement étatique et de la lutte contre les huguenots vue à travers les Anglais2854. Dans ce livre où le romanesque côtoie le politique, des échos se font avec la guerre de Rohan et l’ingérence anglaise de 1625-1626. Il est publié tardivement en 1656, avec de coûteuses gravures d'Abraham Bosse sur dessin de Claude 2849 Renoux, Christian, « Connaissance des procès et image de Jeanne d'Arc, XVe-XVIIIe », Boudet, Jean-Patrice et Hélary, Xavier (dir.), Jeanne d'Arc. Histoire et mythes. Op. cit., p. 190-193 ; Philippe Contamine, « Une biographie de Jeanne d'Arc est-elle encore possible? », art. cit., p. 3. 2850 « Mesme les historiens anglais n'ont pas escrit tant au désavantage de la Pucelle que Du Haillan [...]. Pour moy, je ne puis me persuader que Du Haillan, natif de Guienne ne fust de quelque extraction anglaise, n'ayant pas céler la haine qu'il portait à cette vierge » (cité par Renoux, Christian, art. cit., p. 190). 2851 Dieu seul le sait, mais en « examinant le tout par les règles que les docteurs requièrent en la discrétion des anges de lumière d'avec les esprits malins, on peut conclure sans doute qu'elle a eu ces révélations de la part de Dieu » (Ibid., p. 192). 2852 Bouzy, Olivier, « Le souvenir des procès dans l'historiographie de Jeanne d'Arc », Neveux, François (dir.), De l'hérétique à la sainte. Les procès de Jeanne d'Arc revisités. Actes du colloque international de Cerisy, 1er-4 octobre 2009, Caen, Presses universitaires de Caen, coll. « Symposia », 2012, p. 235-248. 2853 Un portrait en pied de la Pucelle figurait à côté de celui de Dunois dans la galerie d'honneur du Palais Cardinal, la plaçant au rang des « hommes illustres ». Pour l’aspect littéraire, voir Blocker, Déborah, « La Pucelle d'Orléans (16401642) de l'abbée d'Aubignac sur la scène de monarchie absolue naissante », Maurice, Jean et Couty, Daniel (dir.), Images de Jeanne d'Arc. Op. cit., p. 159-160. 2854 Chapelain, Jean La Pucelle ou la France délivrée, poëme heroïque, à Paris, chez Augustin Courbé, au Palais, en la Gallerie des Merciers, à la Palme, 1656, BNF, Smith-Lesouëf R-735. Voir : Poulouin, Claudine, « Pucelle de Chapelain : bergère et fille du ciel », Maurice, Jean et Couty, Daniel (dir.), Images de Jeanne d'Arc. Op. cit., p. 180. 564 Vignon2855. Les visions de Jeanne y sont réduites à des « voix » permettant d'« apprendre l'Avenir2856 ». Catherine et Marguerite n'existent pas mais saint Michel est présent en tant que « Protecteur » du royaume : son livre III donne une tirade sur le Démon qui, « en son ame inhumaine, nourrissoit pour la France une implacable haine2857 », d'où ses nombreux projets funestes, des Huns à Ludovic le More, mais « rendus vains » par l'action de Michel. Il est ainsi un rempart efficace contre les assauts du Démon, alors que l'Angleterre y est soumise, pendant la guerre de Cent Ans, en attaquant la France, puis à partir de 1534 en se livrant à « l'Heresie2858 ». On peut se demander si l'ange casqué, armé d'une lance et arborant le titre de l'ouvrage sur son bouclier ovale, en frontispice de La Pucelle de Chapelain, n'est pas saint Michel ; sa posture n'est pas sans rappeler le grand Saint Michel de Raphaël. Par ailleurs, c’est un fait notable, l'auteur n'oublie pas l'archange dans son poème : il imagine saint Michel apparaissant au roi Charles, déguisé en une « France abbatüe » qui lui présente une fleur de lys « seche et defigurée », ne soutient « qu'un demy Sceptre d'or, où la trace des Lys restoit à peine encor » et l'exhorte à agir pour récupérer « ce throsne, vuide encor2859 », lui traçant le chemin de Reims : Allons, que tardons nous? Icy l'Archange acheve, Et dans le sein de l'air, en mesme temps, s'eleve, Un long trait de lumiere à sa suitte laissant, Et, d'un vol estendu, le chemin lu Avec Chapelain, nous tenons peut-être l’un des derniers feux, splendide mais contesté, de l’histoire épique de Jeanne d’Arc2861. Ce n’est plus saint Michel qui lutte contre les huguenots, mais Jeanne d’Arc. Une autre épopée dramatisée est écrite, sur demande de Richelieu, l’Histoire de France de François-Eudes de Mézeray, qui connait un certain succès à partir de 16432862. L’histoire 2855 Vraisemblablement inspiré par le projet de Chapelain (ébruité dès le début des années 1630), l'abbé d'Aubignac écrit une tragédie en prose (D'Aubignac (abbé), La Pucelle d'Orléans, tragédie en prose, selon la vérité de l'histoire et les rigueurs du théâtre, Paris, François Targa, 1642), que le poète-médecin Jules-Hippolyte Pilet de La Mesnardière transcrit en vers (La Mesnardière, Jules-Hippolyte Pilet de, La Pucelle d'Orléans, tragédie, Paris, A. de Sommaville et A. Courbé, 1642). 2856 Chapelain, Jean La Pucelle ou la France déliv rée, op. cit., p. 328. 2857 I bid., p. 106. 2858 Ibid., p. 107. 2859 Ibid., p. 249-252. 2860 Ibid., p. 253. 2861 A un âge où le genre épique est contesté, le long poème de Chapelain suscite les railleries. « Nicolas Boileau proprement l'exécuta » et Jeanne fut quelque peu oubliée, « victime collatérale du dédain et de l'incompréhension de l'âge classique pour l'âge 'gothique' » (Poulouin, Claudine, « La Pucelle de Chapelain », art. cit., p. 187 ; Contamine, Philippe, chap. XIV, « Jeanne d'Arc après Jeanne d'Arc (IV) », art. cit., p. 432). 2862 Mézeray, François-Eudes de, Histoire de France depuis Faramond jusqu'à maintenant..., Paris, Marie Guillemot, 1643- 565 de Jeanne d’Arc prend place sur cinq pages2863. Il y déploie sa vision de la venue de Jeanne comme miracle : Dieu, ayant pitié du royaume, envoie « le Prince de la Milice Celeste, le Gardien de cette Monarchie saint Michel » à « une pauvre et ignorante Bergere, pour accomplir un ouvrage, auquel tant de vaillans Capitaines et tant de sages hommes avoient travaillé en vain. » Contrairement à d’autres, il n’oublie pas ses visions de « l’Archange saint Michel, et [...] les saintes Catherine et Marguerite, qui la visitoient souvent, et purifioient son ame par les conversations celestes2864 ». Il évoque la rumeur de la présence d’un « Ange » l’assistant lors des combats devant Orléans2865. Mais il ne va pas dans la même direction que Chapelain qui en a une image rêvée, littéraire, héroïque : Jeanne laisse derrière elle de nombreux miracles mais elle n'a aucune importance, elle n'est qu’un « simple expédient divin pour sauvegarder la continuité de la monarchie2866 ». S’il connaît les pièces du procès, grâce à Belleforest et Pasquier, il ne les utilise pas2867. Le seul intérêt est de montrer la protection spéciale dont bénéficie la monarchie française. Après les commandes de Richelieu, le récit retrouvera sa liberté de ton et poursuivra sa route hors des désirs du pouvoir. C’est ainsi que, dans le même temps, un milieu un peu plus large que le cercle des auteurs stipendiés par Richelieu s’empare de l’image de la Pucelle, adoptant un côté court et bref qui ignore l’aspect merveilleux de son épopée. Avec ces auteurs, lettrés, le souvenir des actions de Jeanne d’Arc s’éloigne de la célébration de sa sainteté pour virer au roman, Jeanne devenant une héroïne à l'égale des Antiques 2868. Certains mettent l’accent sur sa vie, comme Béroalde de Verville qui veut en faire « une FILLE vaillante, sçavante et BELLE » selon le titre de son roman2869. Cette transformation de la mémoire se retrouve chez Jean Hordal, dont la famille se disait issue, par les femmes, de Pierre, le frère de Jeanne, qui publie une histoire apologétique de Jeanne avec Charles du 1651, 3 t. en 6 vol, ici t. 2, 1646. L’ouvrage connaît sept rééditions au XVIIe siècle (Krumeich, Gerd, Jeanne d'Arc à travers l'histoire, Albin Michel, Paris, 1993, p. 35). 2863 Ibid. , Paris, D. Thierry, 1685 [2e éd.], t. 2, p. 613-618. 2864 Ibid., p. 614. 2865 Ibid., p. 615. 2866 Poulouin, Claudine, « La Pucelle de Chapelain », art. cit., p. 182. 2867 Huppert, George L'Idée de l'histoire parfaite. Op. cit., p. 214. 2868 Bellenger, Yvonne, « Le roman de la Pucelle d'Orléans au début du XVIIe siècle », Maurice, Jean et Couty, Daniel (dir.), Images de Jeanne d'Arc. Op. cit., p. 132 2869 Verville, Béroalde de, La Pucelle d'Orléans, Tours, Sébastien Molin, 1599, BNF, Y2 1537. Voir Greiner, Frank, « La Pucelle d'Orléans de Béroalde de Verville et l'idéal de la femme forte », Maurice, Jean et Couty, Daniel (dir.), Images de Jeanne d'Arc. Op. cit., p. 133-141. 566 Lys, ce dernier également auteur d’ouvrages à vocation généalogique 2870. L’objet de ces ouvrages est purement littéraire2871 : certes, elle est donnée pour être envoyée par « l’Esprit de Dieu », mais ils la posent en Hercule au féminin, en amazone, en vierge fidèle et chaste, en héroïne patriote. L’héroïsation trouve son paroxysme dans La Franciade de Geuffrin qui qualifie sa venue de « miracle divin », Dieu envoyant cette « nymphe guerriere » à Charles VII, qui lui permet le sacre et la récupération de territoires2872. Cette héroïsation bénéficie de l’attrait renouvelé du thème des Femmes fortes dans la seconde moitié du XVIe et la première moitié du XVIIe siècle, qui sont autant de mises en regard du pouvoir exercé depuis la fin du siècle par des femmes (reines, régentes...) 2873. Textes, discours, poèmes (par exemple de Marie de Gournay), cérémonies royales, programmes iconographiques, les mettent alors en valeur. Au mitan du XVIIe siècle, Jeanne est présente à l’Arsenal, dans le Cabinet des Femmes fortes attenant à la Chambre de la Meilleraye, dans un ensemble cohérent de 4 reines Amazones, 4 femmes de la Bible dont Judith, 4 femmes de la Rome antique et 3 de l’ère chrétienne (Jeanne d’Arc, à l’épée ; Judith la Française, VIe siècle ; Marie Stuart, sous les traits de Marie de Cossé-Brissac ; il en manque certainement une)2874. Cette disposition en fait une sorte de miroir de vertu. Dans le même temps, elle est peinte dans la Galerie des Illustres au château de Beauregard, que Paul Ardier vient de récupérer en 1617, dans une galerie réalisée sous trois générations. Pour Charles VII est évoquée Jeanne d’Arc. Le thème sort de l’héroïsation chez le jésuite Pierre Le Moyne – même si l’exemple de Jeanne lui permet de défendre l’idée que « les femmes peuvent prétendre à la Vertu heroique » – pour qui les femmes, dans l’histoire, ont un rôle de médiatrice de la foi dans la famille et la société. Sa Jeanne réédite le thème classique de la bergère, « Prophetesse » appelée par Dieu. C’est l’Esprit de Dieu qui est descendu sur elle, l’a instruite et guidée vers la victoire. C’est « divinement inspirée » qu’elle découvrit son épée. Toutefois, il écrit que Dieu L’ambition du personnage passe par une production littéraire assez importante. Par exemple : Lys, Charles du, De l'extraction et de la parenté de la Pucelle d'Orléans, 1610 (rééd. 1612 et 1628) ; Id., Inscriptions pour les statu du roi Charles VII et de la Pucelle d'Orléans qui sont sur le pont de ladite ville, 1614 ; Discours sommaire tant du nom et des armes que de la naissance et parenté de la Pucelle d'Orléans et de ses frères, extraict de plusieurs patentes et arrests, enquestes et informations, contracts et autres tiltres qui sont pardevers les aisnez de chacune des familles descendues des frères de ladite Pucelle, 1612. 2871 Contrairement à l’usage qu’en fait Pierre de L’Ancre pour donner un exemple de jugement de sorcière, sans aucune remise en question de celui-ci (L’Ancre, Pierre de, Tableau de l’inconstance des mauvais anges et démons. Op. cit., p. 513). 2872 Geuffrin, Nicolas, La Franciade, op. cit., p. 105-107. 2873 Dans la lignée de Billon, François de, Le fort inexpugnable de l’honneur du sexe feminin, Paris, 1555 (qui oublie Jeanne d’Arc, préférant des références antiques ou des reines contemporaines). 2874 Le thème était en vogue : Anne d’Autriche a elle aussi un cabinet de Femmes fortes au Palais royal – disparu – et au château de Richelieu – conservé). 567 luy envoya son Ange qui luy imposa les mains ; et cette imposition de mains luy fut ce que l’accolade est aux nouveaux Chevaliers, luy apprit tous les exercices de la Guerre ; et luy en apprit davantage en un moment, que Lahire [La Hire] et le Pothon [Poton de Xaintrailles] n’en avoient appris des Occasions et de la Fortune. Les Anglois aussi ne durerent point devant elle : leur Fortune qui se croyoit desja victorieuse ceda à son Ange2875. Dans ce cadre, aucune place ne peut être accordée aux apparitions de saint Michel et des saintes2876. Lorsque c’est le cas, on se contente d’évoquer sobrement des voix, sans détail ni tentative d’explication2877. Les apparitions ne sont pas totalement oubliées : une vision lui donne sa mission, chez Béroalde de Verville2878. Mais elles s’érodent progressivement. Michel de Marolles, en 1663, dans les trois pages qu’il consacre à l’histoire de Jeanne, en fait un récit dépourvu de merveilleux, n’évoquant que les voix de Catherine et Marguerite, attendant la fin pour suggérer que Dieu a pu lui donner sa grâce, vu « le bon succez de toutes ses entreprises2879 ». Puis Bossuet, pourtant le chantre d'une histoire providentialiste, oubliera ses voix2880. Mais alors que le passé glorieux perd de son merveilleux, qu’en est-il du présent? B. Les juristes : un discours sur la monarchie Un exemple est frappant, celui de Jean-Etienne Duranti, capitoul, avocat général, puis premier président au parlement de Toulouse en 1581. Il est l’auteur d’un livre intitulé Des Rites de l’Eglise, écrit en latin, dans lequel il brosse un portrait sombre de l’état de la 2875 Le Moyne, Pierre, Gallerie des Femmes fortes, Paris, A. de Sommaville 1647, chapitre « La Pucelle d’Orléans », p. 113- 133. L’ouvrage connaît de nombreuses rééditions et traductions (par exemple en anglais), abandonnant les gravures de Gilles Rousselet et Abraham Bosse (sur dessins de Claude Vignon) du début. 2876 Id., Recueil de plusieurs inscriptions proposees pour remplir les tables d'attente estans sous les statuës du Roy Charles VII. et de la Pucelle d'Orleans, qui sont élevées, également armées, et à genoux, aux deux costez d'une Croix, et de l'image de la Vierge Marie estant au pied d'icelle, sur le pont de la ville d'Orleans, dés l'an 1458. Et de diverses poesies faites a la loüange de la mesme Pucelle, de ses freres et leur posterité, Paris, Edme Martin, 1628, Arsenal, 4° H 8116, p. 23 et 99 pour le « miracle », 44 pour « l’Esprit de Dieu », 68 pour l’envoi divin. 2877 Par exemple, dans le roman héroïque de l’Histoire du siège d'Orléans et de la Pucelle Jeane mise en nostre langue par le Sr Du Breton, Paris, Jacques Villery, 1631, Arsenal, 8° H 5967, éditant un manuscrit du début du XVe siècle pour « des lectrices de romans » (Bellenger, Yvonne, « Le roman de la Pucelle d'Orléans, art. cit. », p. 129). 2878 Verville, Béroalde de, La Pucelle d'Orléans. Op. cit., f. 20v. 2879 Marolles, Michel de, Histoire des Roys de France, op. cit., p. 268. France de son temps et en appelle au chef de la milice céleste : Aujourd’hui, la France est tellement agitée et bouleversée dans toutes ses institutions que chacun regrette sa propre condition et qu’il n’est presque personne qui ne préférât être partout ailleurs que dans la position qu’il occupe. Ce ne sont pas seulement les fortunes privées qui sont en danger : la France entière semble vouée à une ruine imminente. Et ce qui est le plus grave, on dirait que la vraie religion, la religion catholique va disparaître. En effet les hérétiques détruisent les temples, profanent et renversent les autels, brûlent les images du Christ et des saints, poursuivent les catholiques, et après les avoir chargés de chaînes, accablés de coups, torturés au milieu des supplices les plus variés, les livrent à la mort [...]. D’un autre côté les catholiques sont loin de s’unir dans une parfaite communauté de sentiments [...]. En présence d’un tel état de choses, nous venons à vous, Dieu infiniment bon, infiniment grand! pardonnez-nous, Seigneur, pardonnez-nous! ne nous perdez pas avec nos iniquités! Adoucissez votre colère, afin qu’elle ne nous prépare pas d’éternels supplices! Ayez pitié de nous, Seigneur, et envoyez-nous le prince de votre armée, l’Archange saint Michel qui ayant tant de fois livré bataille au dragon, a toujours remporté la victoire! Faites que par vos ordres, il disperse et dissipe les troupes des hérétiques et des barbares. Qu’il ramène à l’antique foi de leurs aïeux les catholiques que la perfidie et les subterfuges de quelques esprits novateurs ont entraînés loin de l’unité de nos saintes croyances. Que la France, l’antique domaine de la religion orthodoxe, la France vouée à la garde de saint Michel, trouve dans la protection de l’Archange un remède à ses blessures, un bouclier contre tous les dangers qui la menaces, un abri tutélaire contre les embûches de ses ennemis. Puisse saint Michel veiller sur la ville de Toulouse qui a puisé, Seigneur, dans vos bienfaits sans nombre les motifs de l’attachement et du dévouement sincères qu’elle vous a voués. Qu’il nous ménage à tous une douce paix que rien ne puisse troubler, et qu’enfin il nous unisse à vous2881! Ce sentiment d’urgence devant la situation, due à la colère divine devant l’impiété de ses contemporains et auquel seul l’archange protecteur du royaume est à même de pouvoir répondre, est partagé dans ce milieu juriste. Il faut dire que nombre de ces magistrats, greffiers, avocats, etc. sont en contact direct, dans les parlements notamment, avec les hérétiques, qu’ils soient jugés ou collègues. La fin des guerres de Religion n’efface pas le souvenir de la tutelle michaélique du 2881 Duranti, Jean-Etienne, De Ritibus ecclesiae catholicae libri tres, Rome, 1591 (extraits traduits dans Annales du Mont-Saint- Michel, Pontorson, 1889, p. 453-456). 569 royaume qui, comme une ombre, continue de planer sur les écrits de ces juristes. Ainsi, en 1607, le magistrat et démonologue bordelais Pierre de Lancre, dans son Tableau de l’Inconstance, qui est une sorte de traité philosophico-religieux, attribue la supériorité du roi de France sur l’empereur à la réalité de son pouvoir, mais aussi et surtout à la sainteté de la monarchie. Celle-ci est due à la présence de rois saints dans leur généalogie, au sacre et à leur pouvoir thaumaturgique, mais aussi et surtout à l’action de « l’Ange S. Michel son protecteur », ce qui explique pourquoi Louis XI institua des chevaliers de l’ordre de SaintMichel. Il en veut pour preuve que : les Espagnols par mauvais moyens et incantations ont puis quelque te[m]ps voulu desvoyer, et quasi comme par force luy arracher la protection de cette saincte Couronne, estans entrez en telle curiosité qu’ils ont voulu sçavoir de luy l’estat advenir de la France, et l’induire à le delaisser, afin de se l’approprier. Mais ceux qui en ont escript tiennent pour certain et tres-veritable, qu’il les en a esconduits tout à faict ; d’autant que Dieu luy avoit co[m]mis la France depuis la subversion et ruine du peuple Israelite, jusqu’à la fin des siecles2882.
32,033
2007CAEN2057_9
French-Science-Pile
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Various open science
2,007
Recherche et développement concernant la production d'ions radioactifs dans le cadre de SPIRAL
None
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7,165
13,296
Annexes du chapitre II 187 Type de cible C 1 μm Température °C 1800 Efficacité d'ionisation 0,65 -6,22 -57,6 72,2 40,4 C 1 μm C 1 μm C 1 μm 1800 1800 1800 0,65 0,65 0,65 -6,22 -6,22 -6,22 -57,6 -57,6 -57,6 72,2 72,2 72,2 40,4 40,4 40,4!+ A "! B C D -4 3,34.10 Cfit -4 3,34.10 -4 2,70.10 -4 2,20.10 2,20.10 -4 Tableau II.1 : Valeurs des paramètres d’entrée pour une efficacité d’ionisation de 65% Type de cible C 1 μm Température °C 1800 C 1 μm C 1 μm C 1 μm 1800 1800 1800 Efficacité d’ionisation!+ "! A B C 0,3 -3,26 -28 72,2 40,4 0,3 0,3 0,3 -3,26 -3,26 -3,26 -28 -28 -28 72,2 72,2 72,2 40,4 40,4 40,4 3,34.10 Cfit -4 3,34.10 -4 2,70.10 -4 2,20.10 D -4 2,20.10 -4 Tableau II.2 : Valeurs des paramètres d’entrée pour une efficacité d’ionisation de 30% 1. Traitement du temps de relâchement pour une efficacité d’ionisation de 65% 2! D (s-1) Khi <! D > (s-1) 6,83E-02 6,55E-02 6,15E-02 1,35 1,26 1,21 0,0651 Δ!D / <!D > 5,2% I0 44980 46530 48170 < I0 > 46560 Δ I0 / < I 0 > 3,4% Tableau II.3 : Traitement du temps de relâchement pour une efficacité d’ionisation de 65% I0 Efficacité Ger 44980 46530 48170 0,00617 0,00617 0,00617 Taux embr 1,98 1,98 1,98 Efficacité Trans 0,253 0,253 0,253 I0réel 14552860 15054350 15584960 Tableau II.4 : Valeurs de Io corrigées de l’efficacité du détecteur, du taux d’embranchement , et de l’efficacité de transport pour une efficacité d’ionisation de 65% et pour le temps de relâchement. 2. Traitement du temps de collection pour une efficacité d’ionisation de 65% 2! D (s-1) Khi <! D > (s-1) 8,96E-02 7,13E-02 5,87E-02 1,51 1,94 2,58 0,0732 Δ!D / <!D 20% > I0 45610 47770 49740 < I0 > 47700 Δ I0 / < I 0 > 4,3% Tableau II.5 : Tr aitement du temps de collection pour une efficacité d’ion isation de 65% Annexes du chapitre II 188 I0 Efficacité Ger 45610 47770 49740 0,00617 0,00617 0,00617 Taux embr 1,98 1,98 1,98 Efficacité Trans 0,253 0,253 0,253 I0réel 14756690 15455540 16092970 Tableau II.6 : Valeurs de Io corrigées de l’efficacité du détecteur, du taux d’embranchement, et de l’efficacité de transport pour une efficacité d’ionisation de 65% et pour le temps de collection. 3. Traitement du temps de relâchement pour une efficacité d’ionisation de 30% 2! D (s-1) Khi <! D > (s-1) 0,1 8,31E-02 7,70E-02 1,51 1,37 1,3 0,087 Δ!D / <!D > 14% I0 88140 92710 95970 < I0 > 92270 Δ I0 / < I 0 > 4,3% Tableau II.7 : Traitement du temps de relâchement pour une efficacité d’ionisation de 30% I0 Efficacité Ger 88140 92710 95970 0,00617 0,00617 0,00617 Taux embr 1,98 1,98 1,98 Efficacité Trans 0,253 0,253 0,253 I0réel 28516890 29995470 31050210 Tableau II.8 : Valeurs de Io corrigées de l’efficacité du détecteur, du taux d’embranchement, et de l’efficacité de transport pour une efficacité d’ionisation de 30% et pour le temps de relâchement. 4. Traitement du temps de collection pour une efficacité d’ionisation de 30%! D (s-1) 1,50E-01 1,25E-01 1,06E-01 2 Khi 1,67 2,33 3,2 <! D > (s-1) 0,127 Δ!D / <!D 9% > I0 87900 90140 91630 < I0 > 89890 Δ I0 / < I 0 > 2% Tableau II.9 : Traitement du temps de collection pour une efficacité d’ionisation de 30% Annexes du chapitre II 189 I0 Efficacité Ger 87900 90140 91630 0,00617 0,00617 0,00617 Taux embr 1,98 1,98 1,98 Efficacité Trans 0,253 0,253 0,253 I0réel 2843924 2916397 2964604 Tableau II.10 : Valeurs de Io corrigées de l’efficacité du détecteur, du taux d’embranchement, et de l’efficacité de transport pour une efficacité d’ionisation de 30% et pour le temps de collection. Nombre de cycles Valeur de Io(36) 24 4,37.107 Valeur de Io (17) Valeur de Io (48) 5,74.107 9,42.107 Tableau II.11 : Valeurs calculées de Io correspondant pour un nombre de cycles donné. Efficacité d’ionisation 65% 30% <! D > (s-1) Δ! D (s-1) <I0>fit ΔI0fit 0,069 0,1 0,015 0,04 15248480 29432510 770000 1310000 Tableau II.12 : Valeurs moyennes en fonction de l’efficacité d’ionisation. III. Fit de la réponse en temps de relâchement et de collection pour une cible en carbone de 1μm et à une température de 1200°C Type de cible C 1 μm Température °C 1200 Efficacité d'ionisation 0,65 C 1 μm C 1 μm C 1 μm 1200 1200 1200 0,65 0,65 0,65!+ "! A B C -6,22 -57,6 78,2 14,8 -6,22 -6,22 -6,22 -57,6 -57,6 -57,6 78,2 78,2 78,2 14,8 14,8 14,8 D -4 2,40.10 Cfit -4 2,40.10 -4 2,10.10 -4 1,80.10 1,80.10 -4 Tableau III.1 : Valeurs des paramètres d’entrée pour une efficacité d’ionisation de 65% Type de cible C 1 μm Température °C 1200 Efficacité d’ionisation 0,3!+ "! A B C -3,26 -28 C 1 μm C 1 μm C 1 μm 1200 1200 1200 0,3 0,3 0,3 -3,26 -3,26 -3,26 -28 -28 -28 78,2 78,2 78,2 78,2 78,2 14,8 14,8 14,8 14,8 14,8 2,40.10 Cfit -4 2,40.10 -4 2,10.10 -4 1,80.10 D -4 1,80.10 Tableau III.2 : Valeurs des paramètres d’entrée pour une efficacité d’ionisation de 30% -4 Annexes du chapitre II 190 1. Traitement du temps de relâchement pour une efficacité d’ionisation de 65%! D (s-1) 2 <! D > (s-1) Khi -5 5,06.10 4,95.10-5 1,14 1,14 4,78.10-5 1,15 4,93.10 Δ!D / <!D I0 > 3% -5 717200 734230 < I0 > 736790 Δ I0 / < I 0 > 3% 758940 Tableau III.3 : Traitement du temps de relâchement pour une efficacité d’ionisation de 65% I0 Efficacité Ger 717200 734230 758940 0,00617 0,00617 0,00617 Taux embr 1,98 1,98 1,98 Efficacité Trans 0,253 0,253 0,253 I0réel 232043490 237553400 245548090 Tableau III.4 : Valeurs de Io corrigées de l’efficacité du détecteur, du taux d’embranchement, et de l’efficacité de transport pour une efficacité d’ionisation de 65% et pour le temps de relâchement. 2. Traitement du temps de collection pour une efficacité d’ionisation de 65%! D (s-1) -5 5,59.10 -5 5,56.10 -5 5,52.10 2 <! D > (s-1) Khi 1,09 1,07 1,06 5,55.10 Δ!D / <!D -5 2,5% I0 > 700000 600000 700000 < I0 > 666660 Δ I0 / < I 0 > 7,5% Tableau III.5 : Traitement du temps de collection pour une efficacité d’ionisation de 65% I0 Efficacité Ger 700000 600000 700000 0,00617 0,00617 0,00617 Taux embr 1,98 1,98 1,98 Efficacité Trans 0,253 0,253 0,253 I0réel 226478590 194124510 226478590 Tableau III.6 : Valeurs de Io corrigées de l’efficacité du détecteur, du taux d’embranchement, et de l’efficacité de transport pour une efficacité d’ionisation de 65% et pour le temps de collection. nombre de cycles Valeur de Io(36) Valeur de Io (17) 21 2,36.107 5,08.107 Valeur de Io (48) 3,1.107 Tableau III.7 : Valeurs calculées de Io pour un nombre de cycles donné. Efficacité d’ionisation 65% <! D > (s-1) Δ! D (s-1) <I0>fit ΔI0fit 5,2.10-5 8.10-6 227037770 770000 Tableau III. 8 : Valeurs moyennes en fonction de l’efficacité d ’ Annexes du chapitre II 191 IV. Fit de la réponse en temps de relâchement et de collection pour une cible en carbone de 4μm et à une température de 1200°C 1. Traitement du temps de relâchement et du temps de collection pour une efficacité d’ionisation de 56% et à partir de deux paramètres libres (I o et ! D ) 2! D (s-1) <! D > (s-1) Khi -3 4,40.10 -3 4,40.10 -3 4,42.10 1,10 1,10 1,10 4,4.10 -3 Δ! D (s -1 6,2.10 )fit -3 I0 4 1,05.10 4 1,05.10 4 1,05.10 Tableau IV.1 : Traitement du temps de relâchement pour une efficacité d’ionisation de 65% et à partir de deux paramètres libres (Io et! D ). 2! D (s-1) <! D > (s-1) Khi -3 5,92.10 -3 5,94.10 -3 5,99.10 0,96 0,96 0,96 5,95.10 -3 Δ! D (s -1 )fit 1,18.10 -3 I0 3 8,99.10 3 8,98.10 3 8,94.10 Tableau IV .2 : Traitement du temps de collection pour une efficacité d’ionisation de 65% et à partir de deux paramètres libres (Io et! D ). L’erreur relative sur le paramètre de diffusion est supérieure à 100 %, le traitement des données en laissant deux paramètres libres (Io et! D ) fait apparaître une incertitude trop importante. Dans ce cas, on choisit de fixer la valeur de Io à partir des valeurs correspondantes aux runs plastiques. 2. Traitement du temps de relâchement et du temps de collection pour une efficacité d’ionisation de 56% et à partir d’un paramètre libre (! D ). Type de cible C 4 μm C 4 μm C 4 μm C 4 μm Température °C 1200 1200 1200 1200 Efficacité d'ionisation 0,56 0,56 0,56 0,56!+ "! 4,8 4,8 4,8 4,8 A B C D 44,4 197 3 44,4 44,4 44,4 197 197 197 3 3 3 2,20.10 Cfit -4 2,40.10 -4 2,30.10 -4 2,20.10 -4 2,40. -4 10 Tableau IV.3 : Valeurs des paramètres d’entrée pour une efficacité d’ionisation de 56% Annexes du chapitre II 192 Type de cible C 4 μm Température °C 1200 Efficacité d'ionisation 0,3 C 4 μm C 4 μm C 4 μm 1200 1200 1200 0,3 0,3 0,3!+ "! A B -3,26 -28 197 3 -3,26 -3,26 -3,26 -28 -28 -28 197 197 197 3 3 3 C D -4 2,20.10 Cfit -4 2,40.10 -4 2,30.10 -4 2,20.10 2,40.10 -4 Tableau IV.4 : Valeurs des paramètres d’entrée pour une efficacité d’ionisation de 30% Io 434590 375590 493600!D Δ! D (s -1 -5 1,35.10 -5 1,60.10 -5 1,17.10 )fit/! D 2% 2% 2% 2 Khi 1,33 1,32 1,35 Tableau IV.5 : Traitement du temps de relâchement pour une efficacité d’ionisation de 56% à partir d’un paramètre libre! D Δ! D (s -1 Io!D 434590 1,62.10 375590 493600 1,91.10 -5 1,41.10 )fit/! D 2 Khi -5 1,5% 1,32 -5 1,5% 1,5% 1,28 1,33 Tableau IV.6 : Traitement du temps de collection pour une efficacité d’ionisation de 56% à partir d’un paramètre libre! D 3. Traitement du temps de relâchement et du temps de collection pour une efficacité d’ionisation de 30% et à partir d’un paramètre libre (! D ). Δ! D (s -1 Io!D 434590 375590 493600 2,77.10 -5 3,33.10 -5 2,37.10 -5 )fit/! D 2% 2% 2% 2 Khi 1,3 1,28 1,32 Tableau IV.7 : Traitement du temps de collection pour une efficacité d’ionisation de 30% à partir d’un paramètre libre! D Δ! D (s -1 Io!D 434590 375590 493600 3,32.10 -5 3,97.10 -5 1,96.10 -5 )fit/! D 1,5% 1,6% 1,5% 2 Khi 1,31 1,28 1,33 Tableau IV.8 : Traitement du temps de collection pour une efficacité d’ionisation de 30% à partir d’un paramètre libre! D Annexes du chapitre II Efficacité d’ionisation 193 <! D > (s-1) 56% Δ! D (s -1 25% -5 1,5.10 -5 2,9.10 30% < I 0 > reel )/ <! D > 35% Δ I0 / < I 0 > 8,5.10 7 14% 8,5.10 7 14% Tableau IV.9 : Valeurs moyennes en fonction de l’efficacité d’ionisation V. Fit de la réponse en temps de relâchement et de collection pour une cible en carbone de 4μm et à une température de 1800°C 1. Traitement du temps de relâchement et du temps de collection pour une efficacité d’ionisation de 56% et à partir d’un paramètre libre (! D ) Type de cible C 4 μm C 4 μm C 4 μm C 4 μm!+ "! Température °C Efficacité d'ionisation 1800 0,56 4,8 1800 1800 1800 0,56 0,56 0,56 4,8 4,8 4,8 A B C D 44,4 106 32 44,4 44,4 44,4 106 106 106 32 32 32 2,40.10 Cfit -4 2,40.10 -4 2,20.10 -4 1,90.10 -4 1,90.10 -4 Tableau V.1 : Valeurs des paramètres d’entrée pour une efficacité d’ionisation de 56% Type de cible C 4 μm Température °C 1800 Efficacité d'ionisation 0,3 C 4 μm C 4 μm C 4 μm 1800 1800 1800 0,3 0,3 0,3!+ "! A -3,26 -28 -3,26 -3,26 -3,26 -28 -28 -28 106 106 106 106 106 B C 32 32 32 32 32 D -4 2,40.10 Cfit -4 2,40.10 -4 2,20.10 -4 1,90.10 1,90.10 -4 Tableau V.2 : Valeurs des paramètres d’entrée pour une efficacité d’ionisation de 30% Δ! D (s -1 Io!D 501800 434080 569530 3,59.10 -4 4,60.10 -4 2,90.10 -4 1% 1% 1% )fit 2 Khi 1,13 1,11 1,16 Annexes du chapitre II 194 Tableau V.3 : Traitement du temps de relâchement pour une efficacité d’ionisation de 56% à partir d’un paramètre libre! D. Δ! D (s -1 Io!D 501800 434080 569530 3,84.10 -4 4,90.10 -4 3,14.10 -4 )fit 0,5% 0,5% 0,5% 2 Khi 1,5 1,42 1,65 Tableau V.4 : Traitement du temps de collection pour une efficacité d’ionisation de 56% à partir d’un paramètre libre! D 2. Traitement du temps de relâchement et du temps de collection pour une efficacité d’ionisation de 30% et à partir d’un paramètre libre (! D ). Δ! D (s -1 Io!D 501800 434080 569530 1,04.10 -3 1,36.10 -4 8,27.10 -3 )fit 1% 1% 1% 2 Khi 1,13 1,12 1,14 Tableau V.5 : Traitement du temps de relâchement pour une efficacité d’ionisation de 30% à partir d’un paramètre libre! D Δ! D (s -1 Io!D 501800 434080 569530 1,11.10 -3 1,44.10 -4 8,94.10 -3 0,5% 0,5% 0,5% )fit 2 Khi 1,55 1,48 1,63 Tableau V.6: Traitement du temps de collection pour une efficacité d’ionisation de 30% à partir d’un paramètre libre! D Efficacité d’ionisation <! D > (s-1) 56% 30% 3,8.10 -3 1,1.10 -4 Δ! D (s -1 26% 27% ) < I 0 > reel 7 9,8.10 7 9,8.10 Δ I0 / < I 0 > 13% 13% Tableau V.7 : Valeurs moyennes en fonction de l’efficacité d’ Annexes du chapitre II 195 VI . Fit de la réponse en temps de relâchement et de collection pour une cible en carbone de 16 μm et à une température de 1800°C Type de cible C 16 μm Température °C 1800 C 16 μm C 16 μm C 16 μm 1800 1800 1800 Efficacité d'ionisation 0,88!+ 0,88 0,88 0,88 "! A B 18,9 184 198 25 18,9 18,9 18,9 184 184 184 198 198 198 25 25 25 C D -4 2,30.10 Cfit -4 2,40.10 -4 2,35.10 -4 2,30.10 2,40.10 -4 Tableau VI.1 : Valeurs des paramètres d’entrée pour une efficacité d’ionisation de 88% Type de cible C 16 μm Température °C 1800 Efficacité d'ionisation 0,3 C 16 μm C 16 μm C 16 μm 1800 1800 1800 0,3 0,3 0,3!+ "! A B -3,26 -28 198 25 -3,26 -3,26 -3,26 -28 -28 -28 198 198 198 25 25 25 C D -4 2,30.10 Cfit -4 2,40.10 -4 2,35.10 -4 2,30.10 2,40.10 -4 Tableau VI.2 : Valeurs des paramètres d’entrée pour une efficacité d’ionisation de 30% 1. Traitement du temps de relâchement et du temps de collection pour une efficacité d’ionisation de 88% et à partir de deux paramètres libres (Io et! D )! D (s-1) -2 2,05.10 -2 2,05.10 -2 2,04.10 2 Khi 1,22 1,23 1,23 <! D > (s-1) 2,05.10 -2 Δ!D / <!D > I0 < I0 > 4 10% 2,02.10 4 2,02.10 4 2,02.10 2,02.10 4 Δ I0 / < I 0 > 4% Tableau VI.3 : Traitement du temps de relâchement pour une efficacité d’ionisation de 88%! D (s-1) -2 1,60.10 -2 1,60.10 -2 1,55.10 2 Khi 1,01 1,01 1,01 <! D > (s-1) 1,6.10 -2 Δ!D / <!D 27% > I0 < I0 > 4 2,25.10 4 2,27.10 4 2,30.10 2,27.10 4 Δ I0 / < I 0 > 14% Tableau VI.4 : Traitement du temps de collection pour une efficacité d’ionisation de 88% 2. Détermination des paramètres! D et Io pour une efficacité d’ionisation de 100% pour une cible en carbone de 1μm et pour une température de 1500°C Les temps de réponse de la source sont très courts lorsque l’efficacité d’ionisation tend vers 100% (! + égal à 164,4s-1 et "! égal à 1659,6s-1), ce qui permet de diminuer l’influence de la source sur le processus de diffusion et sur le processus d’effusion. En effet, on peut estimer l’importance du temps de réponse de la source sur les résultats de l’analyse des temps de collection et des temps de relâchement. Phase de descente C!D Khi2 Io 2,80.10-4 1,89.10-2 1,15 34940 2,50.10-4 1,88.10-2 1,17 35280 2,20.10-4 1,85.10-2 1,19 35810 Tableau VII.1 : analyse de la phase de relâchement pour une cible en carbone de 1μm à une température de 1500°C et pour 100% d’efficacité d’ionisation. Annexes du chapitre II 197 Phase de montée C!D Khi2 Io 2,80.10-4 6,65.10-4 1,60 212150 2,50.10-4 5,95.10-4 1,50 225380 2,20.10-4 5,41.10-4 1,41 236920 Tableau VII.2 : analyse de la phase de collection pour une cible en carbone de 1μm à une température de 1500°C et pour 100% d’efficacité d’ionisation. On remarque que le fait de ne pas prendre en compte les temps de réponse de la source entraîne une augmentation de la valeur du Khi2 et entraîne également une différence importante entre les valeurs de! D et de Io obtenues pour la phase de collection et les valeurs de! D et de Io obtenues pour la phase de relâchement. VIII. Détermination des paramètres! D et Io pour une cible en carbone de 1μm à une température de 1500°C en prenant en compte un décalage de 50ms Cette analyse nous permet de savoir si la phase de collection est affectée par un décalage en temps durant l’acquisition. Dans ce cas la valeur du Khi2 doit être plus faible que la valeur du Khi2 issue de la première analyse. Phase de montée C!D Khi2 Io 2,80.10-4 1,66.10-2 1,44 57020 2,50.10-4 3,44.10-3 1,38 128320 2,20.10-4 2,67.10-3 1,32 146260 Table au VIII.1 : analyse de la phase de collection pour une cible en carbone de 1μm à une température de 1500°C en prenant en compte un décalage de 50ms et pour une efficacité d’ionisation de 65%. Annexes du chapitre II 198 Phase de descente C!D Khi2 Io 2,80.10-4 2,18.10-2 1,12 49080 2,50.10-4 2,16.10-2 1,13 49570 2,20. 10-4 2,13.10-2 1,14 50290 Tableau VIII.2 : analyse de la phase de relâchement pour une cible en carbone de 1μm à une température de 1500°C en prenant en compte un décalage de 50ms et pour une efficacité d’ionisation de 65%. On remarque que le décalage de 50 ms affecte principalement le temps de montée. La valeur du Khi2 est plus importante que pour l’analyse réalisée sans décalage en temps (voir §I). Cette analyse permet de conclure que l’on ne doit pas prendre en compte pendant le traitement des données de la phase de collection un décalage supérieur ou égale à 50ms. Annexes du chapitre III 199 Annexe du chapitre III : MonoNaKe I. Efficacité totale de production en fonction de la puissance déposée dans le tube ioniseur Efficacité I faisceau Element Pioniseur totale de primaire production (nAe) 26 Na (1s) 2700 44 1,03 7% (1) 215 26 Na (1s) 2700 60 1,23 10% (1) 198 26 Na (1s) 2700 97 1,46 15% (2) 235 26 Na (1s) 2700 111 1,51 16% (2) 212 26 Na (1s) 2700 123 1,54 17% (2) 230 26 Na (1s) 2700 137 1,58 18% (2) 245 26 Na (1s) 2700 152 1,66 18% (2) 226 26 Tableau II.1 : Efficacité totale de production pour les Na en fonction de la puissance du ioniseur Puissance four (W) Vextraction (Volts) Annexes du chapitre III 201 Efficacité I faisceau totale de primaire production (nAe) 8 Li (838 ms) 2720 57 1,2 1,7% (0,1) 162 8 Li (838 ms) 2720 83 1,4 2,8% (0,2) 116 8 Li (838 ms) 2720 111 1,51 3,8% (0,3) 117 8 Li (838 ms) 2720 138 1,59 4,5% (0,4) 118 8 Li (838 ms) 2720 166 1,75 4,8% (0,4) 121 9 Li (178 ms) 2700 0 0 0,03% (0,002) 180 9 Li (178 ms) 2700 14 0,45 0,07% (0,004) 181 9 Li (178 ms) 2700 29 0,77 0,1% (0,01) 182 9 Li (178 ms) 2700 57 1,2 0,3% (0,02) 186 9 Li (178 ms) 2700 84 1,41 0,6% (0,03) 192 9 Li (178 ms) 2700 111 1,5 0,8% (0,04) 196 9 Li (178 ms) 2700 139 1,6 1% (0,1) 197 9 Li (178 ms) 2700 166 1,75 1% (0,1) 199 Tableau II.2 : Efficacité totale de production pour les 8,9Li en fonction de la puissance du ioniseur Element Puissance four (W) Pioniseur Vextraction (Volts) Efficacité I faisceau totale de primaire production (nAe) 47 K (17,5 s) 2700 0 0 55% (24) 113 47 K (17,5 s) 2700 14 0,44 68% (29) 116 47 K (17,5 s) 2700 31 4 72% (17) 113 47 K (17,5 s) 2700 137 1,59 70% (5) 166 47 Tableau II.3 : Efficacité totale de production pour les K en fonction de la puissance du ioniseur Element III. d’ions Puissance four (W) Pioniseur Vextraction (Volts) Calcul de l’efficacité totale d’ionisation d’une source Ce modèle peut être appliqué à une source à plasma ECR mais également à une source à ionisation de surface et permet de calculer une efficacité totale d’ionisation. Cette approche analytique dépend des processus d’ionisation, d’effusion atomique, d’effusion ionique et de neutralisation. Chacun de ces processus est caractérisé par « λprocessus » qui représente une probabilité par unité de temps exprimée en seconde-1 au même sens que la période radioactive. La source d’ions est considérée comme une «boite noire» dans laquelle nao atomes sont injectés à t=0. Annexes du chapitre III 202 ni(t) sortie nao na(t) sortie Avec  nao : le nombre d’atomes injectés dans la source à t = 0.  ni sortie : le nombre d’ions sortant de la source.  na sortie : le nombre d’atomes sortant de la source. Soit ni : le nombre d’ions présents dans la source au cours du temps t et na : le nombre d’atomes présents dans la source au cours du temps t. On peut calculer la variation des atomes et la variation des ions présents dans la source d’ions en fonction du temps. On obtient le système d’équation différentielle suivant :! Avec :     dn a = "0 n i # ( "i + "eff ) n a dt (1) dn i = "i n a # ( "0 + "ieff ) n i dt (2) λi : Probabilité d’ionisation d’un atome par unité de temps. λ0 : Probabilité! de neutralisation d’un ion par unité de temps. λeff : Probabilité de sortie des atomes par unité de temps. λi eff : Probabilité de sortie des ions par unité de temps. Pour des éléments radioactifs, le système d’équation devient : dna = "0 ni +! a na dt source (3) dni = "i na +! i ni dt source (4) " a = #( $i + $eff + $ ) (5) Avec :! Annexes du chapitre III 203 et " i = #( $0 + $ieff + $) (6) λ : Décroissance radioactive.! Les solutions s’écrivent : na (t) = 1 ("1 # "2 ) [((" # $ )n 1 i a0 + %0 n i0 ) exp("1t ) # (("2 # $ i ) n a 0 + %0 n i0 ) exp("2 t ) ] (7) et! ni (t) = 1 ("1 # "2 ) [((" # $ 1 a ) n i0 + %i n a 0 ) exp("1t ) # (("2 # $ a ) n i0 + %i n a 0 ) exp("2 t )] (8) Avec : ! Les deux valeurs propres ε 1 et ε 2 de la matrice : "a #i #0 "i On obtient : (# + # i ) + 1 "1 =! a 2 2 ((# a $ # i ) + 4 %i % 0 (# a + # i ) $ 1 ((# a $ # i ) + 4 %i % 0 2 ) (9) et! "2 = 2 2 2 ) (10) nio : la valeur de nombre d’ions ni à t = 0 et nao : la valeur du nombre d’atomes na à t = 0. À partir des!résultats précédents, on peut exprimer en fonction des différentes constantes l’efficacité d’ionisation de la source d’ions : On définit l’efficacité d’ionisation telle que : Annexes du chapitre III 204 " #ieff n $ ionisation = isortie = na 0! ni (t )dt 0 na 0 (11) Pour des noyaux stables, on obtient une efficacité d’ionisation : " ionisation =!ieff!i!i!ieff +!eff!0 +!eff!ieff (12) et pour des éléments radioactifs : " ionisation =!i!ieff!i!ieff +!i! +!eff!0 +!eff!ieff +!eff! +!!0 +!!ieff +!2 (13) IV. Application à une source à ionisation de surface 1. Passage de considérations statistiques à des considérations physiques A partir des expressions des densités atomiques et ioniques en fonction du temps, on peut obtenir l’expression suivante pour l’efficacité d’ionisation : " ionisation =!i!ieff!i!ieff +!i! +!eff!0 +!eff!ieff +!eff! +!!0 +!!ieff +!2 (14) Les « λprocessus » sont basés sur un phénomène physique aléatoire qui ne peut être exprimé qu’à partir d’une probabilité. La fréquence de ces processus dépend aussi du temps de collage et du temps de vol entre deux collisions. Il existe différentes probabilités par unité de temps. 2. Probabilité d’ionisation de surface par unité de temps "i =! p+ (# c + # v ) (15) Annexes du chapitre III 205!1'g o '%& I! ws kT $"# $ % " la probabilité d’ionisation de surface définit par Langmuir e Avec p + = %1 + " g + & # pour une collision et! v et! c, respectivement les temps de vol et de collage sur les parois du ioniseur. 3. Probabilité de neutralisation par unité de temps " " 1 # p+ '0 = + % (v ).v.n. f (v )dv + % ($ ).n $ f ($ )d (v # $ ) (& c + & v )!0 e e e e e!0 a a a a a i (16) Où le premier terme est la probabilité pour qu’un ion se neutralise au contact de la surface de la source et le deuxième, la probabilité pour qu’il se neutralise par capture électronique à partir des électrons présents dans le volume de la source et par échange de charge avec le gaz résiduel. Les paramètres physiques pour la capture électroniques sont : o! e : Section efficace de capture électronique. o! e : Vitesse des électrons. o ne : Densité électronique. o f (! e ) : Fonction de distribution de vitesse des électrons. Les paramètres physiques pour l’échange électronique entre deux atomes sont : o! a : Section efficace d’échange électronique. o! a : Vitesse des atomes. o na : Densité d’atomes. o f (! a ) : Fonction de distribution de vitesse des atomes. Le processus de recombinaison électronique sera négligé dans la suite du calcul car les sections efficaces sont de l’ordre de 10-21/10-20 cm2 pour des électrons thermiques. 4. Probabilité d’effusion des atomes par unité de temps #eff = 1 " ioniseur (! c +! v ) (17) Où! ioniseur est le nombre moyen de collisions des atomes sur les parois du ioniseur. Sa valeur peut être estimée à partir du rapport de la surface du ioniseur sur la surface des orifices de sortie. En écrivant, l’expression de l’efficacité d’ionisation (14) peut s’écrire : Annexes du chapitre III 206 " ionisation =!i!eff (!0 +! )+! (!i +!0 +! )!i +!eff +! +!ieff!ieff ( ) (18) On obtient comme expression de l’efficacité totale d’ionisation : *= )ioniseur Tieff & # $1 ( )ioniseur (( c + ( v )ln 2 & 1 # ( c + ( v )ln 2 & 1 #! Tieff ln 2 1 +) $! $! + $ p! + (( + ( )$ P (1'P+ )+ $ P!! + T P+ ioniseur T1 T1 c v $ + % +" % + "! 1 2 2 2 % " & # &1 # )ioniseur (( c + ( v )ln 2 & 1 #! $ $! $! $ )ioniseur + )ioniseur $ (1'P+ )! + $ P!! T1 $ % P+ " % + "! 2 % " (19) avec Tieff = ln 2 représente le temps d’effusion ionique.!ieff 5. Influence des paramètres physiques La formule 19 nous permet d’appréhender l’influence des différents paramètres physiques propres à l’ionisation de surface dans un tube chaud sur l’efficacité totale. Dans la suite de ce chapitre, nous allons étudier l’influence de la probabilité d’extraction dans 2 cas particuliers extrêmes :  L’extraction est instantanée : Une fois ionisés, les ions sont extraits sans interagir une nouvelle fois avec la paroi.  Les ions ont une probabilité non négligeable d’interagir avec la paroi de la source avant de quitter la source. Les ions sont extraits sous l’influence d’une force électrique L’influence d’une force électrique permet d’aller chercher des ions, ionisés une première fois dans la source, loin du trou d’extraction de la source sans qu’ils se reneutralisent sur les parois. Puisque les ions sont extraits, la probabilité de sortie des ions par unités de temps!ieff est augmentée. Soit un potentiel d’extraction très important : #ieff "! L’expression de l’efficacité d’ionisation devient : " ionisation = ou encore!i!i +! eff +! (20) Annexes du chapitre III 207 # ionisation = # ionisation = # ionisation = p+ + p+ p+ + "eff (! c +! v ) + " (! c +! v ) 1 p+ " ioniseur + (! c +! v ) ln 2 T1 2 " ioniseur p+ " (! +! v ) ln 2 " ioniseur p+ + 1 + ioniseur c T1 2 (21) (22) (23) En conclusion, on obtient : + ionisation = * ioniseur g g I'( s # * ioniseur () c + ) v ) ln 2 &$ I'( s # #! * ioniseur + 0 exp&$ 1 + 0 exp&$!+ $ kT kT!"! g+ T1 g+ % " % % " 2 (24) 6. Cas où le potentiel d’extraction est nul : les ions sortent par effusion L’efficacité d’ionisation est plus faible si le potentiel d’extraction est plus faible car les ions ionisés une première fois dans la source, loin du trou d’extraction de la source peuvent se re-neutraliser sur les parois au lieu de sortir directement. L’ion se comporte comme un atome neutre quant à sa propagation dans la source vers l’orifice de sortie de la source. On peut donc poser :!eff =!ieff La probabilité, par unité de temps, de sortir sous forme d’atome ou d’ion est la même. On suppose dans ce cas que le phénomène d’effusion atomique est identique au phénomène d’effusion ionique. L’expression (14) peut alors se mettre sous la forme : " ionisation = !eff!i!i +!0 +!eff +!!eff +! (25) Cette expression nous permet de découpler la partie « ionisation de surface », de la partie « effusion » des ions et des atomes. En effet, l’efficacité totale d’ionisation se résume à un produit de deux efficacités . La partie « ionisation de surface » est le rapport d’un terme constant λi correspondant à la transformation d’un atome en ion sur la somme totale des termes correspondant à l’ensemble des processus physiques qui influencent l’efficacité d’ionisation de surface à savoir λi, λ0 et λeff. La partie « effusion » des ions ou des atomes est le rapport d’un terme constant concernant l’effusion des ions sur la somme totale des termes correspondant à l’ensemble des processus physiques qui influencent l’efficacité d’effusion à savoir la probabilité d’effusion des ions ou des atomes et la probabilité de ne pas décroître par décroissance radioactive lambda. Annexes du chapitre III 208 En utilisant les équivalents physiques des « λ processus », l’équation (12) devient : # ionisation =!eff p+ 1 +!eff (" c + " v ) +! (" c + " v )!eff +! "eff (! c +! v ) ln 2(! c +! v ) " (! +! ) + ln 2(! c +! v ) 1+ + eff c v T1 / 2 Stotale T1 / 2 & # & # $! $! ( ) ) ( + ( S eff c v $! $! totale * ionisation = $!'p+'$! (( c + ( v ) (( c + ( v ) ln 2!! ln 2!! $$ Stotale + Sorifices + Stotale $$ )eff (( v + ( c ) + T1 / 2 T1 / 2 % " % " # ionisation = Sorifices p+ (26) (27) (28)! ionisation =! contact.! ionisationdesurface.! effusion (29) Dans cette formule, τc et τv sont les temps moyens de collision et de vol entre deux collisions successives. Le nombre moyen de collisions atomiques! ioniseur est pris en compte dans les S rapports de surface : " ioniseur! totale. Le troisième terme de l’équation correspond à S orifices l’expression de la probabilité d’effusion pour un atome radioactif déjà déterminée pour des cavités cibles. On décompose donc l’efficacité totale d’ionisation par le produit de la probabilité de toucher l’ioniseur, de la probabilité d’ionisation de surface à chaque contact et de la probabilité d’effusion. Pour obtenir l’efficacité totale d’ionisation la plus grande possible, il faut faire tendre chacune des efficacités ci-dessus vers 1. Intéressons nous à l’efficacité de contact : S totale " contact = S totale + S orifices + S totale (! c +! v )ln 2 T1 (30) 2 Si le tube est suffisamment chaud et le matériau du tube adéquate, le terme (τc+τv)/T1/2 est généralement faible. A titre indicatif, le temps de collage donné par la référence [Tar-02] est de 6,75.10-9s par collision pour un atome de Na sur une surface de rhénium et pour une température de 2000 K. Pour les sources à ionisation de surface, on choisit généralement un tube plus long que son diamètre. L’efficacité de contact peut tendre vers 1. " ionisation = " ionisationdesurface." effusion = P+.!eff!eff +! (31) Dans le cas où le potentiel d’extraction est nul : & # 1! + ionisation = P+'$$! % 1 + )* ioniseur (( v + ( c ) " (32) Annexes du chapitre III 209 V. Comparaison des températures mesurées de l’ioniseur et des températures simulées de l’ioniseur en fonction de la puissance du four T ioniseur P ioniseur = 170 W T ioniseur (°C) 2000 1500 1000 T debut Ioniseur TfinIoniseur T debut mesur ée T fin Ioniseurmesur ée TmilieuIoniseur Tm maxIoniseur T milieu Ioniseur mesur ée 500 1000 1500 2000 2500 P four (W) 3000 3500 4000 Annexes du chapitre III 210 Annexes du chapitre IV 211 Annexe du chapitre IV : 1+/N+ pour SPIRAL 1 I. Dispersion en énergie des ions monochargés liée à l’interaction coulombienne avec un milieu gazeux ou un milieu solide La dispersion en énergie ΔE après la traversée d’un milieu solide ou gazeux peut s’exprimer de la manière suivante [Ya-91-01] : !E =!E B " 2 2!ECHU!E B2 +!(!E )2!E B2 (1)!E B représente la dispersion en énergie issue de la théorie de Bohr [Bohr-48-01].!ECHU, la dispersion en énergie obtenue par Chu [Chu-77-01].!(!E ), une dispersion en énergie liée aux effets de corrélations. γ, la charge effective fractionnée [Zie-85-01]. L’expression de γ peut s’écrire de la façon suivante : q & q ) = + $$1 ( Z ion % Z ion # 1 & V0! $$!2 V " % F 2 & & 2 'V F #!! ln$1 + $$ $$ a V " % % 0 0 #!! " 2#!!! " (2) V F représente la vitesse de Fermi. Zion, le nombre de proton de l’ion. V0, la vitesse de Bohr (2,19.106 m.s-1). a0, le rayon de Bohr (5,29.10-11 m). q, la charge moyenne de l’ion.!, l’étendue spatiale de la densité de charge électronique de l’ion. L’étendue spatiale de la densité de charge électronique de l’ion est : 2 & q # 3! 2a0 $$1 '! Z ion " % (= & # q! 1 $1' Z ion! Z ion3 $ 7 $! $! % " (3) Annexes du chapitre IV 212 La dispersion en énergie issue de la théorie de Bohr est : 2 'E B2 2 = 4( (Z ion ) & e2 #! N Z milieu $ X $ 4 () 0! milieu 0 % " (4) Où : X0 est l’épaisseur du milieu traversé. e est la charge de l’électron. Zmilieu, le nombre de protons d’un atome du milieu traversé. Nmilieu, le nombre d’atomes, par unité de volume, du milieu traversé.! 0, la permittivité du vide. La dispersion en énergie!2CHU est obtenue par la relation empirique : 2 !ECHU!E B2 = 1 1 + A1 E A2 + A3 E A4 (5) E représente l’énergie des ions en Me V /A, A1, A2, A3, A4 sont des coefficients d’ajustement (voir table au A IV. 1). Zmilieu 11 19 A1 -0,5776 -0,5355 A 2 -0,6665 -0,7722 A3 0,6598 0,7962 A4 -0,8484 -0,7839 La dispersion en énergie supplémentaire!(!E ), liée aux effets de corrélation est représentée par la formule empirique suivante : 4 2 #(#E ) #E B2 = Z ion3 1. ( C1C3 1 " e " C 4! ( ) 3 (! " C 2 )2 + C32 1 " e " C 4! Z milieu )2 (6) Où C1, C2, C3 et C4 sont des constantes qui ont permis d’ajuster la dispersion en énergie totale des ions sur des données expérimentales existantes Ces coefficients dépendent du type de milieu traversé : solide, gaz monoatomique et gaz moléculaire (voir tableau AIV.2). Cible C1 C2 C3 C4 Gaz monoatomique 5,058.10-2 8,975.10-2 0,1419 10,80 Gaz moléculaire 5,009.10-2 8,660.10-2 0,2751 3,787 Solide 1,273.10-2 3,458.10-2 0,3931 3,812 Annexes du chapitre IV 213 Pour un milieu traversé solide :!= E 3 Z ion2 Z milieu (7) Où E est l’énergie incidente. Pour un milieu traversé gazeux : E!= 3 Z ion2 II. (8) Calcul du coefficient de ralentissement : La relation du coefficient de ralentissement est décrite à partir de la relation suivante : )Wa // b n =( b )t 2*+ 02'Z a Zbe2 $ % " %& ma Wb "# 2'ma $ %1 + " R(u ab )ln! & mb # (9) Cette expression a été obtenue en supposant que la distribution f (Wb ) est maxwellienne. nb est la densité des électrons, ln! est le logarithme coulombien qui dépend de la longueur de Debye et du paramètre d’impact critique ( ln " = ln! De b ), sa valeur est environ égale à 15 pour une source ECR [Tam-96-01]. ma et mb sont respectivement la masse de l’espèce a et de l’espèce b, et le terme R(uab) correspond à l’intégrale suivante : R(u ab ) = où u ab = 2 1 U ab 2! # 1 / 2 u ab 0 2 x 2 e " x dx (10) wa wb Le coefficient de ralentissement d’un ion incident dû à l’interaction avec les ions et les électrons du plasma s’écrit de la manière suivante :! Wic ip , e " =!Wic e " +!Wic ip (11) Le coefficient de ralentissement d’un ion incident par un plasma s’exprime donc de la manière suivante Anne xes du chap itre IV 214 )Wic ip, e ( n =( e )t 2*+ 02'e2 % %m W & e e 2 $ " B(wic )ln! " # (12) Avec : B(Wic ) = Z ic 2 me mic &, mip )'R uic, ip $ R uic, e + Z ip **1 +'$% + mic ( ( ( ) # )! (13)!" Où ne est la densité électronique du plasma, We la vitesse moyenne des électrons du plasma, me la masse des électrons, mip et mic sont respectivement la masse des ions du plasma et la masse des ions incidents, et Zic et <Zip> sont la charge des ions incidents et la charge moyenne des ions du plasma. La charge moyenne peut être calculée à partir de la distribution des états de charge pour un élément donné à partir de la relation suivante : N Z = ! Zi I i =1 N!I (14) i i =1 Où Zi est l’état de charge d’une espèce ionique, Ii l’intensité associée et N l’état de charge. La fonction R(u ic, e ) est définie par la relation suivante : ( ) R u ic , e = Avec uic, e = 2 1 U ue! # 1 / 2 uie2 0 2 x 2 e " x dx (15) Wic We La fonction R(u ic, ip ) est également définie par la relation suivante : ( ) R uic, ip = Avec uic, ip = Wic W ip 2 1 U iip 2! # 1 / 2 uiip 0 2 x 2 e " x dx (16) Bibliographie 215 LIOGRAPHIE BIBLIOGRAPHIE [Ac-07-01] T. Achtzen, Hyperfine Interactions, Vol. 174 p.27-32 (2007). [Af-77-01] VP. Afanas’ev & al., Nucl. Inst. and Meth; Vol. 145 p.533-536 (1977). [Am-90-01] F. Ames & al., Applied Physics Vol. B 51 p.200-206 (1990). [Am-03-01] F.Ames & al., Proceedings of the Tenth International Conference on Ion Sources, Dubna, Russia (2003), Review Scientific Instrument Vol 75 1662. [Ann-87-01] R. Anne & al., Nucl. Inst. And Method, Vol. A257 p.215 (1987). [Ann-93-01] R. Anne, On Line Isotopic Separator Test Benches at GANIL, IEEE Particle Accelerator Conference, New York, USA, Vol. 3 p.1792-1794 (1993). [Ar-00-01] J. 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Etude de la décohérence de paquets d'onde monoélectroniques dans les canaux de bord de l'effet Hall quantique entier Vincent Freulon RIEURE S pécialité : Physique Quantique présentée par Vincent FREULON pour obtenir le titre de DOCTEUR de l'ÉCOLE NORMALE SUPÉ RIEURE Étude de la décohérence de paquets d'onde monoélectroniques dans les canaux de bord de l'effet Hall quantique entier Soutenue le 24 Octobre 2014 devant le jury composé de : M. David CARPENTIER.... Rapporteur M. Xavier JEHL.............. Rapporteur M. Frédéric CHEVY......... Président M. Fabio PISTOLESI........ Examinateur M. Patrice ROCHE........... Examinateur M. Gwendal FÈVE........... M. Jean-Marc BERROIR. Directeur de thèse Co-directeur de thèse a Remerciements Je remercie David Carpentier et Xavier Jehl d'avoir accepté d'être rapporteurs de ce manuscript, ainsi que Frédéric Chevy, Fabio Pistolesi et Patrice Roche pour leur participation au jury. Qu'ils soient tous les cinq remerciés pour le travail fourni! Ma thèse a été réalisée au Laboratoire Pierre Aigrain, à l'École normale supérieure sous la direction de Jean-Marc Berroir, Bernard Plaçais et Gwendal Fève. Elle m'a beaucoup apporté sur les plans théorique mais surtout technique et expérimental. Cela tient aux compétences scientifiques des membres du groupe de physique mésoscopique, et à leurs grandes qualités humaines: la bonne humeur qui règne dans le groupe est propice à un travail d'équipe efficace et foisonnant. Je remercie d'abord Jean-Marc d'avoir accepté de diriger ma thèse avec tant de bienvaillance, de m'avoir soutenu dans les moments difficiles et dans mon souhait d'enseigner sur un poste d'agrégé-préparateur, au centre de préparation à l'agrégation de l'ENS, durant ma thèse. Je souhaite également remercier chaleureusement Gwendal Fève et Bernard Plaçais qui ont encadré mon travail avec patience, ambition, bonne humeur et sans compter les heures de travail! Gwendal m'a formé aux techniques expérimentales et aux méthodes théoriques de la physique mésoscopique. Cet apprentissage pointu restera certainement profondément ancré dans mon approche de la physique. Sincèrement merci de m'avoir fait grandir! Bernard est le rayon de bonne humeur qui maintient une ambiance chaleureuse dans le groupe, distillant constamment des contrepèteries subtiles (dont certaines m'échappent encore) et partageant avec générosité ses connaissances étendues et éclairantes sur re belle physique mésoscopique. J'ai également eu l'honneur de travailler avec Erwann Bocquillon et Arthur Marguerite. Je leur souhaite une belle carrière dans la recherche! Merci en particulier à Erwann d'avoir partagé avec moi son expérience de la physique mésoscopique et sa maı̂trise des techniques expérimentales et numériques inhérentes à notre travail de recherche. Merci également à Quentin, Takis, Jérémy, Laure, Matt, Matt et Matt, Nico, Manu, Philippe, François, Mickael, David. Je remercie aussi les autres membres du LPA et du département de physique. J'ai aussi pu profiter du soutien des services du département et du LPA. Je remercie Anne Matignon, Fabienne Rénia, Pascal Morfin, Jules Silembo, Claude Dodray, Anne Denis, Philippe Pace, David Darson, Olivier Andrieu, José Palomo, François-René Ladan, Thierry Desvignes, Aurélien Sabatié. 71 74 74 75 75 76 77. 79. 79............ 82 82 83 84 85 86 87 88 88 88 90 90. 91. 92 3.6 3.5.4 Bruit en courant de l'amplificateur.... 3.5.5 Gain des amplificateurs et bruit en tension 3.5.6 Estimation de la durée de mesure..... Annexes du chapitre 3............... 3.6.1 Expression des densités spectrales de bruit 3.6.2 Expression du bruit du bruit.......... des................. amplificateurs.................................... 4 Modélisation de l'effet Hong-Ou-Mandel, approche théorique décohérence pour un électron unique 4.1 Bruit Hanbury -Brown et Twi ss .. ................ 4.1.1 Présentation de l'interféromètre HBT pour les photons. 4.1.2 Description quantique pour les électrons......... 4.1.3 Interprétation des résultats HBT............. 4.2 Expérience Hong-Ou-Mandel (HOM) électronique........ 4.2.1 Présentation de l'expérience HOM.... ......... 4.2.2 Description quantique pour les électrons......... 4.2.3 Sonder la décohérence grâce à l'expérience HOM..... 5 Résultats expérimentaux de l'expérience HOM 126 5.1 Réalisation expérimentale. 128 5.1.1 Thermalisation des lignes de descente. 129 5.1.2 Mesures basse-fréquence. 132 5.1.3 Méthode d'estimation du temps de sortie des sources par des mesures RF. 135 5.2 Courbe expérimentale de l'effet HOM et interprétation. 137 5.2.1 Courbes HOM obtenues à ν = 2 avec une excitation carré. 137 5.2.2 Effet de la forme du signal d'excitation des sources. 141 5.2.3 Pic électron-trou. 149 5.3 Étude de causes de réduction du contraste de la figure HOM. 150 5.3.1 Effet d'une dissymétrisation des durées d'émission des sources 150 5.3.2 Effet du bruit de grille. 152 5.3.3 Effet d'une différence d'énergie entre les particules émises. 153 5.3.4 Effet du temps de sortie et extraction de la durée caractéristique τc. 154 6 Conclusion 7 a Le but de mon travail de thèse est d'étudier la décohérence de paquets d'onde mono-électroniques, dans un conducteur mésoscopique, quantiquement cohérent. Cette étude repose essentiellement sur deux types d'expériences: l'une fait appel à une technique utilisée, par exemple, pour analyser la propagation d'ondes dans une ligne formée de deux conducteurs en régime forcé; l'autre s'appuie sur l'interférométrie et reproduit un interféromètre initialement développé en optique quantique. Ces expériences nécessitent des échantillons produits par nano-fabrication (l'ensemble des techniques correspondantes s'est développé ces dernières décennies), refroidis à une température inférieure à la centaine de milli-Kelvins, ce qui requière l'utilisation d'importants dispositifs cryogéniques. Dans ces conditions, au d'une hétérostructure semi-conductrice, on peut obtenir un gaz bidimensionnel d'électrons, de haute mobilité, présentant une importante longueur de cohérence de phase et un grand libre parcours moyen élastique. C'est ce système qui permet de reproduire les expériences pionnières de l'optique quantique photonique. Des contacts ponctuels quantiques y jouent le rôle de lames séparatrices. Des analogies formelles remarquables existent entre les deux systèmes. Du point de vue théorique, on peut adapter les méthodes développées dans le cadre de la théorie de Glauber, pour l'optique quantique photonique, à l'optique électronique (voir Grenier et coll. [27, 28]). On peut alors, par exemple, définir les fonctions de cohérence (qui ont été étudiées dans les interféromètres de Mach-Zehnder (voir notamment Ji et coll. [39], Litvin et coll. [50], Roulleau et coll. [68], Bieri et coll. [6]), et de Hanbury-Brown et Twiss (voir Parmentier [62], Bocquillon [10, 7]). 10 Chapter 1 Introduction Ce chapitre introductif est composé de quatre parties posant les bases des travaux présentés dans les chapitres suivants. Après une brève introduction aux techniques de cryogénie, essentielles pour nos mesures, on introduit le support de cet étude: un gaz bidimensionnel d'électrons en régime d'effet Hall quantique. Les outils pour réaliser les expériences d'optique quantique électronique sont alors décrits (le contact ponctuel quantique, les sources d'électrons uniques). Le formalisme de l'optique quantique électronique, inspiré de celui de l'optique quantique, est exposé. Les points communs et différences entre ces domaines sont rappelés. Enfin, deux expériences, réalisées dans d'autres groupes, et visant à étudier le couplage entre canaux de bord de l'effet Hall quantique sont abordées. 11 Sommaire 1.1 1.2 Travailler aux basses températures............. 13 1.1.1 De 300 K à 1 K........................ 13 1.1.2 De 1 K à quelques dizaines de mK........... 14 Réaliser des expériences d'optique quantique électronique avec des particules uniques.................. 16 1.2.1 Un gaz bidimensionnel d'électrons............. 16 1.2.2 Utilisation de l'effet Hall quantique............. 18 1.2.3 Le contact ponctuel qu antique, une lame partiellement réfléchissante pour les électrons............... 20 La source d'électrons uniques................ 23 1.2.4 1.3 1.4 1.5 Interférences à une particule et fonction de corrélation 29 1.3.1 Des photons aux électrons.................. 29 1.3.2 Interférences à une particule avec l'interféromètre de MachZehnder photonique..................... 29 1.3.3 Fonction de corrélation du premier ordre G (1) électronique 31 1.3.4 Fonction G (1) pour électron unique séparé de la mer de Fermi............................. Décohérence et relaxation: état de l'Art 32......... 33 1.4.1 Décohérence dans les interféromètres de Mach-Zehnder.. 33 1.4.2 Échanges d'énergie entre canaux de bord......... Annexe du chapitre 1 – caractéristiques des échantillons utilisés pendant ma èse... 1.1 Travailler aux basses températures La manipulation d'électrons uniques dans des expériences d'optique quantique électronique nécessite de travailler à très basses températures. Il faut atteindre une température inférieure à environ 150 K pour pouvoir travailler avec un gaz bidimensionnel d'électrons (voir paragraphe 1.2.1), descendre au Kelvin pour utiliser l'effet Hall quantique (paragraphe 1.2.2) et utiliser la quantification des niveaux électroniques dans la boı̂te quantique qui sert de source à électrons uniques (c.f. 1.2.4). Enfin, la mesure des corrélations de courant dans les expériences d'optique quantique électronique nécessite que la température soit voisine de la centaine de milli-Kelvin, pour que le bruit termique de l'échantillon (voir chapitre 3) n'écrase pas celui dû au partitionnement des charges par la lame séparatrice (voir paragraphe 1.2.3). L'hélium liquide, dont la température d'ébullition sous 1 atm est 4,2 K et qui fut produit pour la première fois en 1908, par l'équipe de Heike Kamerlingh Onnes, est un ingrédient essentiel dans l'obtention des basses températures mais il ne suffit pas. 1.1.1 De 300 K à 1 K L'obtention de basses températures (quelques dizaine de mK) est rendue possible par l'utilisation de différents étages de refroidissement. Le premier est le pot 1 K, le second est le réfrigérateur à dilution reposant sur l'utilisation d'un mélange de 3 He et de 4 He. pompe 4 He vanne pointeau vers la ré upération d'hélium hélium gazeux rapotine hélium à ≃ 1 K (liquide) Le pot 1 K est un cylindre fermé, en bain 4 He cuivre, d'environ 5 cm de diamètre, alimenté par le bain d'hélium liquide Figure 1.1: Schéma décrivant le fonctionnement du cryostat via un long tube en acier du pot 1 K. dont l'entrée est appelée crapotine. On pompe sur l'hélium contenu dans le pot qui s'évapore en prélèvant sa chaleur latente à son environnement. Le débit d'hélium pompé est régulé via une vanne pointeau actionnée manuellement en haut de l'insert . Ce proc édé permet d 'atteindre une température de'1 K. L'hélium évaporé est ensuite envoyé dans la récupération d'hélium pour être recondensé. Le rôle du pot 1 K n'est pas directement de maintenir l'échantillon froid mais plutôt 13 de condenser la vapeur d'hélium 3, essentielle au fonctionnement du réfrigérateur à dilution, qui permet d'atteindre des températures de 50 mK typiquement. 1.1.2 De 1 K à quelques dizaines de mK Pour descendre en dessous du Kelvin, on utilise un réfrigérateur à dilution (voir Pobell [20] et White et Meeson [75]). Les réfrigérateurs à dilution sont des dispositifs utilisant un mélange des isotopes 3 et 4 de l'hélium. Pour en comprendre le principe, il faut se reporter au diagramme binaire isobare figure 1.2. On considère un mélange de fraction molaire faible xt'0,2 en 3 He. Les deux isotopes se mélangent en une seule phase (notée He-I, puis He-II à plus basse température) tant que la température reste supérieure à TD. La phase He-I correspond à un mélange 3 He/4 He dans lequel l'hélium 4 n'est pas superfluide. Au contraire, dans la phase He-II l'hélium 4 est superfluide. En dessous de TD, on observe une démixtion du liquide en deux T (K) phases, l'une riche (c'est la phase He2,18 3 I) et l'autre pauvre en He (la phase He-I He-II). λ 5 14 xI I 06 0, xI La phase He-II, pauvre en 3 He, He-II a une composition s'approchant de xII'0,065 à mesure que la 0,87 D He-I+He-II température baisse. On note que même à très basse température, xII x(3 He) ne tend pas vers 0. C'est es1 xt 0,67 0 4 3 He He sentiel pour le fonctionnement du réfrigérateur à dilution car, même à Figure 1.2: Diagramme binaire isobare pour le très basse température, de l'hélium 3 mélange 3 He/4 He. La ligne λ correspond à la trantend à être présent dans la phase He- sition superfluide l'hélium 4. II. La phase He-II, riche en hélium 4 superfluide, est plus dense. Elle tombe en bas de la chambre de mélange et pénètre dans un tuyau d'évacuation qui débouche, environ 1 mètre plus haut dans le bouilleur (voir figure 1.3). Les pressions au niveau de la chambre de mélange et dans le bouilleur diffèrent en raison de la colonne de fluide qui sépare ces deux zones. La dépression dans le bouilleur en haut de la colonne de liquide, pompe naturellement de l'hélium 3 de la chambre de mélange vers le bouilleur. Une pompage (mécanique) en sortie du bouilleur permet de vaporiser l'hélium 3 et ainsi entretenir le pompage de la chambre de mélange vers le bouilleur. On note que c'est l'hélium-3 qui se vaporise: en effet, les pressions de vapeur saturante de 3 He et 4 He sont différentes. Cette différence est liée à la différence des masses isotopiques. L'hélium-3, en se vaporisant, prélève de l'énergie thermique au liquide dans le bouilleur (ce qui est à l'origine du refroidissement de ce dernier). L'hélium 3 qui s'est vaporisé est alors pompé pour être réinjecté dans la chambre de mélange après condensation au contact du pot 1 K, puis refroidi au contact du bouilleur et de l'hélium 3 qui diffuse vers le bouilleur (dans les échangeurs thermiques, voir figure 1.3). pompes La puissance de froid au niveau de la chambre de mélange, quant à elle, est due au passage de l'hélium 3 de la phase surnageante He-I (riche en hélium-3 et approvisionnée depuis le pot 1 K) à la phase He-II: des atomes d'hélium-3 de la phase He-I pénètrent dans la phase He-II puis diffusent vers le bouilleur. Ce passage de la phase He-I vers la phase He-II est endothermique. C'est cet effet qui est à l'origine du refroidissement dans la chambre de mélange. On peut estimer la hauteur de colonne de liquide nécessaire entre la chambre de mélange et le bouilleur à l'aide d'un calcul thermodynamique. Il suffit de traduire qu'à l'équilibre le potentiel chimique de 4 He est uniforme entre le bouilleur et la chambre de mélange 3 He ondenseur à 4,2 K ondenseur pot 1 K à 1 K bouilleur à 0,7 K v4 Pcm +RTcm ln(1−x3,cm ) = v4 Pb +RTb ln(1−x3,b ) ondenseur à 0,7 K é hangeurs He-I He-II hambre de mélange où Pb et x ,b (resp. Pcm et x3,cm ) sont la pression et la fraction molaire en hélium 3 dans le Figure 1.3: Schéma du circuit du bouilleur (resp. dans la chambre de mélange), réfrigérateur à dilution. v4 est le volume molaire de l'hélium 4. Et à l'ordre 1 en les fractions molaires en hélium-3, la chute de pression maximale est obtenue lorsque x3,b = x3,cm 1. Alors ∆Pmax = R Tcm x3,cm'20 mbar v4 (pour T'0,1 K, v4'4.10−6 m3 /mol). Une telle dépression est obtenue au sommet d'une colonne d'hélium liquide d'environ 1 m (c'est cette valeur qui fixe la distance 15 qui sépare le bouilleur de la chambre de mélange). 1.2 Réaliser des expériences d'optique quantique électronique avec des particules uniques 1.2.1 Un gaz bidimensionnel d'électrons La réalisation d'un gaz bidimensionnel d'électrons est rendue possible par l'utilisation d'hétérostructures de semi-conducteurs où s'empilent des couches de GaAs et de AlGaAs (dont une est dopée négativement par du silicium). Les structures, qui sont utilisées dans ce travail, sont obtenues par épitaxie par jet moléculaire au Laboratoire de Photonique et Nanostructures à Marcoussis. La croissance cristalline par épitaxie par jet moléculaire permet la fabrication d'une interface avec peu de défauts. La couche d'arséniure de gallium et d'aluminium, dopée négativement au silicium, fournit des électrons de conduction (voir figure 1.4). En raison de la différence entre les gaps de AlGaAs et GaAs, l'utilisation de couches successives de ces semi-conducteurs est à l'origine de sauts abrupts dans le profil énergétique de la bande de conduction (aux interfaces entre les couches). Ces variations brutales engendrent un puits de potentiel étroit, permettant le confinement du gaz d'électrons dans la direction perpendiculaire aux couches. Le choix de l'épaisseur des couches de l'hétérostructure permet de positionner le niveau de Fermi en sorte que les électrons dopants viennent peupler le puits (voir figure 1.4) à suffisamment basse température (en dessous de 150 K environ). De cette manière, les électrons sont confinés selon la direction Oz mais peuvent toujours se déplacer dans le plan xOy. Les électrons forment ainsi un gaz bidimensionnel. La densité 16 Ec EF i=3 i=2 SURFACE i=1 EF AlG aAs GaAs GaAs AlGaAs ( dopé négativement) AlGaAs z 100 nm Figure 1.4: Un exemple de profil énergétique de la de conduction d'une hétérostructure en fonction de la profondeur. électronique planaire vaut typiquement 1011 cm−2 dans nos gaz. De telles structures, nécessitant des processus de croissance complexes, présentent un intérêt pour leurs propriétés de conduction, à savoir leur importante mobilité. On peut le comprendre en remarquant que les dopants sont situés dans la zone qui courbe l'énergie potentielle sur la figure 1.4 alors que le gaz est localisé quelques dizaines de nanomètres en dessous. C'est notamment cette séparation spatiale entre les impuretés ionisées donneuses et les électrons de conduction qui explique la grande mobilité des porteurs dont le mouvement n'est pas affecté par la présence des ions silicium dopants. C'est là tout l'intérêt des hétérostructures! Pour les gaz que nous utilisons, la mobilité vaut typiquement 2.106 cm2 /(V.s) à 4 K. Le libre parcours moyen électronique dans ces gaz est de l'ordre de 20 μm (voir par exemple la thèse de Julien Gabelli [24]). De telles tailles sont accessibles à la nano-fabrication. Comme la couche dopante est située quelques dizaines de nanomètres sous la surface de l'échantillon, une gravure chimique de cette profondeur depuis la surface de l'échantillon entraı̂ne l'altération de la zone dopante et une déplétion du gaz d'électrons en regard. Dans ces conditions, les propriétés ondulatoires des électrons se manifestent dans nos échantillons et le transport doit être décrit quantiquement. Pour réaliser des expériences analogues de celles de l'optique quantique, il est essentiel que le transport s'effectue non pas à deux mais à une dimension. Pour ce faire, on guide les électrons à l'aide de l'effet Hall quantique entier. 1.2.2 Utilisation de l'effet Hall quantique Si l'on soumet un gaz bidimensionnel d'électrons à un fort champ magnétique perpendiculaire, le transport n'a lieu qu'au voisinage des bords du gaz. Cela résulte de l'effet Hall quantique. Dans ce régime, exempt de rétrodiffusion (voir Büttiker et coll. [12]), la propagation d'excitations se fait toujours dans le même sens le long d'un bord donné. On parle de propagation chirale. Cet effet présente un grand intérêt pour nos expériences puisqu'il permet de guider les électrons, à la manière d'un faisceau lumineux en optique. Les électrons occupent des niveaux de Landau discrets qui se comportent comme des canaux de conduction près des bords (on parle de canaux de bord). Les électrons au coeur du gaz sont localisés sur des orbites cyclotron. Seuls ceux situés au voisinage des bords dérivent en raison du potentiel de confinement. Augmenter le champ magnétique provoque un écartement des niveaux de Landau qui défilent et dépassent les uns après les autres le niveau de Fermi (voir l'ouvrage de Yoshioka [76]). Le nombre de canaux peuplés diminue lorsque le champ magnétique augmente; on définit alors le facteur de remplissage ν qui est égal au nombre de canaux occupés. ε b εF ~ωc ~ωz xL Figure 1.5: Spectre d'énergie associé aux niveaux de Landau, en fonction de la position. À fort champ magnétique, les énergies des niveaux au coeur du matériau s'écrivent En = ~ωc ( n + 1/2) ± ~ωz /2 où ~ωz est le gap Zeeman[76]. Sur cet exemple, le positionnement du niveau de Fermi correspond à x ν = 2. xR On peut déterminer les valeurs du champ magnétique pour lesquelles le courant est effectivement guidé le long des bords dans les canaux de l'effet Hall quantique: via un contact ohmique connecté au gaz, on injecte un courant basse fréquence sur un bord de l'échantillon et on mesure le courant à la même fréquence, qui atteint un contact ohmique situé sur l'autre bord (c.f. figure 1.6). On obtient la courbe présentée sur la figure 1.7. Cette courbe présente des annulations sur lesquelles le courant rétrodiffusé est nul. Lorsque le champ magnétique appliqué correspond à un facteur de remplissage entier, les charges injectées sont guidées le long des bords et ne peuvent rejoindre le con18 Vb Vb Vmes Vmes Figure 1.6: Schémas décrivant la conduction par le gaz bidimensionnel d'électrons. Une tension BF est appliquée sur le contact en haut à gauche de l'échantillon sur le schéma (potentiel Vb ). À facteur de remplissage entier (gauche): l'électrode de mesure prend un potentiel nul (Vmes = 0); à facteur de remplissage non entier (droite): l'électrode de mesure prend un potentiel non nul (Vmes 6= 0). tact de mesure car les états occupés au coeur du matériau empêchent la traversée d'un bord à l'autre si les bords sont suffisamment éloignés (voir figure 1.6, gauche). Au contraire, pour une valeur quelconque du champ magnétique (qui ne correspondrait pas à un facteur de remplissage entier), des charges peuvent être échangées avec le gaz au coeur de l'échantillon (car des états au coeur du matériau sont disponibles) et un courant est mesuré sur le contact ohmique (voir figure 1.6, droite). Chaque plateau (correspondant à un courant rétrodiffusé nul), sur la courbe figure 1.7, correspond à un facteur de remplissage entier. Le positionnement des paliers est fixé par la densité planaire n de porteurs dans le gaz via la relation ν=n h e Bν La position des plateaux permet d'accéder à la densité n par ajustement (ici pour l'échantillon S434-C16L25A utilisé au chapitre 5, n = 2,0.1011 cm−2 ). En pratique, il est essentiel que la température soit inférieure à quelques Kelvins pour se placer en régime d'effet Hall quantique. En effet, en ordre de grandeur, la température doit être petite devant ~ωc ~ eB'20 K avec m∗ = 0,07 me et B = 1 T[76] = k k m∗ Maintenant que le guidage des électrons par les canaux de l'effet Hall quantique a été présenté, il importe de comprendre comment on réalise une lame séparatrice pour les électrons, ingrédient essentiel de l'optique quantique (électronique). diffusé ( .a.) b 0 2e05 4e05 6e05 3 4 8e05 2 0,0001 0,00012 0,00014 0,00016 0 1 2 3 4 Champ magnétique (T) Figure 1.7: En noir, courant rétrodiffusé. Les chiffres encadrés correspondent au facteur de remplissage. L'échantillon utilisé est l'échantillon S434-C16L25A qui sera utilisé pour les mesures HOM au chapitre 5. 4,5 b 4 3,5 3 2,5 2 1,5 1 0,5 1 2 3 4 5 ν 6 7 8 9 10 Figure 1.8: Champ magnétique en fonction de ν. L'ajustement conduit à n = 2,0.1011 cm−2 pour l'échantillon S434-C16L25A. 1.2.3 Le contact ponctuel quantique, une lame partiellement réfléchissante pour les électrons Un contact ponctuel quantique est formé de deux électrodes de grille déposées à la surface de l'échantillon, au-dessus du gaz (voir figure 1.9). En polarisant les grilles avec une tension Vqpc, on modifie par influence la répartition spatiale des électrons dans la portion de gaz qu'elles surmontent: une tension négative chasse 20 Figure 1.9: Image d'un contact ponctuel quantique sur l'échantillon en couleurs artificielles, grossi environ ×104. Le gaz est bleuté, les grilles sont dorées. 1 cm sur l'image correspond à'2 μm. 6*10-4 6*10-4 5*10-4 5*10-4 4* 10-4 4*10-4 V (V) V (V) les électrons. Quand un électron, qui atteint le contact ponctuel, est dans un canal de bord parfaitement transmis, il le traverse avec une probabilité unité; quand il se trouve dans un canal partiellement transmis, il peut traverser par effet tunnel avec une probabilité Dα, être réfléchi avec une probabilité 1 − Dα (α désignant le canal). La figure 1.10 présente les marches de conductance obtenues en fermant progressivement le QPC, pour deux valeurs du champ magnétique . 3*10-4 4*10-4 2*10-4 3*10-4 10-4 3*10-4 0 3*10-4 -0,6 -0,4 -0,2 0 Vqpc (V) -0,6 -0,4 Vqpc (V) -0,2 0 Figure 1.10: V en fonction de Vqpc pour deux valeurs de B (voir schéma du montage sur la figure suivante). À gauche: B = 3,6 T, on observe deux marches (ν = 2); à droite: B = 250 mT, on observe neuf marches (toutes les marches ne sont pas représentées). La figure 1.10 présente des sauts réguliers: à chaque marche correspond la réflexion d'un canal de bord par la lame. Ainsi, la lame semi-réfléchissante permet-elle de contrôler le nombre de canaux de bord transmis. Concomitamment, la régularité des marches montre la quantification de la conductance du contact ponctuel quantique en unité e2 /h. Cet effet a été observé expérimentalement par Van Wees et coll. [72], D.A. Wharam et coll. [15]. On peut le comprendre simplement en se souvenant qu'un électron est émis dans l'intervalle d'énergie [0, eV ] au-dessus de la mer de Fermi, dans le canal α; en raison du caractère fermionique des électrons et de la polarisation en spin des canaux de bord, il en résulte que l'extension temporelle 21 −4 x 10 −0.7 − 0.6 5 −0.5 4 −0.4 3 V (V) −0.3 Vqpc (V) −0.2 2 Vb −0.1 Vqpc 1 0 0.1 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 4500 0 V B (m T ) Figure 1.11: À gauche: V en échelle de teinte, en fonction de Vqpc et B. On constate que ν augmente lorsque B diminue. On peut nettement observer les paliers. À droite: schéma de principe de la configuration sur l'échantillon permettant de tracer le graphe de gauche. typique de sa fonction d'onde est eV /h (d'après l'inégalité de Heisenberg). Il lui est donc associé un courant e2 V /h dont la probabilité de transmission à travers le contact ponctuel est Dα si bien que la conductance (en sommant sur tous les canaux) du contact ponctuel est G= e2 X Dα h α Ce résultat peut également être rigoureusement obtenu à partir du formalisme de Landauer-Büttiker [11, 47]. La figure 1.11 présente le potentiel V pris par l'électrode de mesure en échelle de couleurs en fonction du champ magnétique dans lequel l'échantillon est plongé et du potentiel de grille Vqpc. Cette figure illustre que des canaux se ferment à mesure que le champ magnétique croı̂t ce qui est en accord avec la théorie de l'effet Hall quantique. On constate que pour certaines valeurs du champ magnétique (par exemple B = 3,6 T pour ν = 2), V s'annule lorsque Vqpc va à zéro; au contraire, pour B'2,7 T, V ne va pas à zéro lorsque Vqpc s'annule. Il s'agit là d'une manifestation du phénomène de rétrodiffusion observé sur la courbe de la figure 1.7 car le facteur de remplissage n'est pas entier. Dans la suite, on se place à ν = 2. La courbe 1.10, obtenue pour B = 3,6 T, permet de connaı̂tre les valeurs de D1 et D2 en fonction de Vqpc : on peut ainsi régler la transparence de la lame! Dans nos expériences, les contacts ponctuels quantiques sont utilisés en deux en22 droits: d'une part pour façonner la forme des paquets d'onde électronique émis par les sources à électrons uniques, ce contact ponctuel quantique est situé en sortie de chaque source (comme on le verra dans le paragraphe suivant); d'autre part pour partitionner le chemin des électrons et jouer le rôle d'une lame partiellement réfléchissante dont la transmission est réglable via Vqpc (par la suite, ce contact ponctuel quantique sera indifféremment appelé lame ou QPC central). 1.2.4 La source d'électrons uniques b Vg Figure 1.12: Schéma décrivant la source: portion de gaz confiné, couplé aux canaux par un contact ponctuel quantique dont la transmission est fixée par le potentiel Vg des grilles. L'excitation RF est due à l'électrode de grille au potentiel vexc. vexc Vg La source d'électrons uniques est une portion de gaz confiné et couplé aux canaux via un contact ponctuel quantique sur lequel on applique une tension Vg négative. On repousse ainsi le gaz sous les grilles, ce qui crée un pincement et la transmission des ondes électroniques se fait par effet tunnel. Le confinement entraı̂ne l'apparition de niveaux énergétiques discrets pour les électrons, dont la largeur est fixée par Vg qui règle le couplage tunnel entre la boı̂te et le canal de bord (voir figure 1.12). On parle de boı̂te quantique ou ı̂lot quantique. La boı̂te quantique est excitée à l'aide d'une autre électrode de grille via la tension radio-fréquence vexc dont l'amplitude vaut typiquement quelques centaines de microvolts et la fréquence f = Ω/2π est située entre 700 MHz et 10 GHz. La source présente différents régimes de fonctionnement (étudiés dans la thèse de G. Fève) et dont je présente quelques propriétés essentielles pour nos travaux. Lorsque la source est excitée via une tension créneau RF d'amplitude pic-pic Vexc et pincée via la tension DC Vg, on enregistre un courant émis par la source, à la fréquence d'excitation RF périodique dont le module de la première harmonique |IΩ | est présenté sur la figure 1.13. 23 Figure 1.13: Les diamants de courant pour l'échantillon S528-11 (extrait de Parmentier et coll. [62]). On observe: un seuil en Vg en-dessous duquel la source n'émet pas de courant; la quantification du courant |IΩ | = 2 ef avec f = 1,5 GHz (diamant blanc); des oscillations du courant quand Vg varie. Pour les boı̂tes considérées, l'écart entre niveau est d'environ 4 K. Celles utilisées au cours de ma thèse sont plus grandes, et l'écart entre niveau est un peu supérieur à 1 K. On remarque la présence d'un seuil en Vg en-dessous duquel aucun courant n'est émis par la source, ce qui traduit que Vg modifie la transmission de la barrière. Ensuite, notons la présence de zones (blanches) où le courant prend la valeur fixée 2ef : c'est la quantification du courant. Enfin, on observe également (à Vexc fixé) des oscillations de |IΩ | en fonction de Vg qui modifie la position des niveaux par couplage capacitif. Expliquons la dépendance en Vg observée sur la figure 1.13. Supposons que l'on excite l'ı̂lot avec Vexc < ∆/e où ∆'1,4 K (pour les sources utilisées dans ce rapport) est l'écart entre niveaux dans la boı̂te et −e la charge de l'électron. Si initialement Vg est telle qu'aucun niveau de la boı̂te n'est proche de l'énergie de Fermi εF du gaz à l'extérieur de la boı̂te, la probabilité de sortie d'un électron est faible. Si on augmente Vg, alors, dans un premier temps, le niveau le plus haut occupé se rapproche de εF et la probabilité de sortie d'un électron augmente ce qui conduit statistiquement à une augmentation de |IΩ |. Le niveau arrive à résonance ce qui conduit à un maximum de courant (voir figure 1.14, zoom à gauche). Si on continue d'augmenter Vg, ce niveau s'éloigne peu à peu de εF ce qui conduit à une diminution de |IΩ | (voir figure 1.14, zoom à droite). En poursuivant l'augmentation de Vg, le niveau suivant s'approche de εF et |IΩ | recommence à croı̂tre. C'est ce mécanisme qui explique le phénomène d'oscillations dans la partie bleue du graphe des diamants (figure 1.13). IΩ eVex εf εf Vg Figure 1.14: Les oscillations de courant avant l'injection: pour un maximum (à gauche), le niveau de Fermi est proche d'un niveau de la boı̂te; pour un minimum (à droite), le niveau de Fermi est loin des niveaux de la boı̂te. Le trait noir représente le niveau, la flèche arrondie traduit que les niveaux oscillent à cause de Vexc et la zone grise représente l'aire balayée par le niveau. Pour Vexc = ∆/e, quelle que soit la valeur de Vg, un niveau de la boı̂te croise deux fois le niveau de Fermi par période, ce qui conduit à l'émission de deux charges par période d'où un courant quantifié 2e f = 0,6 nA pour f'2 GHz. C'est le régime 25 ∆ a) Vex b) ) Vex Vex d) Vex Figure 1.15: Schéma décrivant le cycle à quatre temps de fonctionnement de la source d'électrons uniques. d'injection. Dans ce régime de fonctionnement, on peut décrire le fonctionnement de la source à l'aide d'un cycle à quatre temps, présenté sur la figure 1.15. Le dernier niveau occupé passe alors périodiquement au-dessus du niveau de Fermi et un (unique!) électron peut s'échapper de l'ı̂lot (schéma (b)); lorsque le niveau vidé revient sous le niveau de Fermi, un électron peut être absorbé par l'ı̂lot et générer un trou dans le réservoir (schémas (c) et (d)). Un aspect essentiel du fonctionnement de la source réside dans le couplage capacitif qui en fait intrinsèquement une source de courant AC. À l'aide d'un système d'acquisition rapide, le courant émis par la source a été mesuré dans le domaine temporel [52], et moyenné sur un grand nombre d'évènements. La figure 1.16 présente les résultats d'une telle étude. On observe une alternance de croissance et de décroissance exponentielles du courant qui correspond tantôt à l'émission d'un électron, tantôt à l'émission d'un trou. Cette décroissance exponentielle du courant rappelle celle observée pour un circuit RC soumis à un échelon de tension. Cette décroissance exponentielle traduit également que la probabilité d'émission d'une charge suit une loi de même type, de durée caractéristique τe, qui varie comme l'inverse de la transmission de la barrière de potentiel. La durée caractéristique associée au circuit RC quantique décrivant la boı̂te, qui correspond au temps de sortie s'écrit (d'après Nigg et coll. [59]) h τe = ∆ 1 1 − D 2 (1.1) où ∆ est l'écart entre niveaux et D la transmission du QPC de la source. On retrouve que le processus de sortie d'un électron hors de la boı ̂te, lorsqu'il est placé énergétiquement au-dessus du niveau de Fermi du gaz à l'extérieur de la boı̂te (à l'aide d'une excitation de forme carré), est un processus d'émission spontané (puisqu'il revient à coupler un niveau discret à un continuum). Physiquement, il est logique que le temps de sortie τe de l'électron soit d'autant plus grand que la 26 [u.a.] b ) ˆ hI(t)i ˆ hI(t)i e 2eVexc = [u.a.] a) Time t Time t [ns] [ns] Figure 1.16: Mesure du courant moyen dans le domaine temporel. Les mesures correspondent aux courbes en noir et les ajustements correspondant, aux courbes bleues. Ces ajustements conduisent à τe = 0,9 ns (courbe de gauche) et τe = 10 ns (courbe de droite). Résultats expérimentaux publiés dans Fève et coll. transmission D du QPC de la boı̂te et que l'espacement ∆ entre niveaux sont faibles. Cette expression est essentielle puisque connaissant τe, on peut en déduire D. Notons qu'à transmission D = 1, τe = 17 ps avec ∆ = 1,4 K. La quantification de la charge émise en moyenne (sur un grand nombre de cycles) par la source ne constitue pas une preuve qu'elle est un émetteur de particules uniques. On peut le comprendre en considérant la figure 1.17. Certains évènements ne peuvent être révélés par la mesure de courant moyen tels que l'émission de deux électrons au cours d'un cycle (compensé par l'absence d'émission d'un électron au cycle suivant), ou encore l'émission de paires électron-trou. La mesure de la charge émise en moyenne ne donne pas accès à la statistique d'émission de la source. noise limit shot noise limit Noise S(!'2⇡f ) 2 Charge hQt i/e 1,0 Exp. Data tanh(1/4f ) 1 Exp. Data Perfect Emi0er 0,1 Escape time e 0 [e2 f ] 0,0 1 [T /2] Figure 1.18: Mesure du bruit haute fréquence en fonction du temps de sortie τe, points rouges (courbe extraite de [18]). Les traits pointillés correspondent aux limites asymptotiques de l'émetteur de charge unique parfait (bleu) et du bruit de grenaille (noir). Les points noirs correspondent aux mesures de la probabilité d'émission. Par des mesures de bruit haute fréquence, il a été montré [1, 53, 55, 62, 63] que la source est effectivement un émetteur de particules uniques. L'étude du bruit en auto-corrélation (sur l'échantillon S528-11, voir annexe 1 de ce chapitre) en fonction du temps de sortie fait apparaı̂tre deux régimes (voir figure 1.18): un régime où τe & T /2, dans lequel moins d'une charge est émise en moyenne par demi-période et la charge émise n'est pas quantifiée; un régime où une charge est émise chaque demi-période avec une probabilité élevée. Cette situation correspond à τe. T /2. C'est le régime d'injection! Lorsque τe T /2, le bruit haute fréquence se réduit à une limite fondamentale: celle des fluctuations de la durée d'émission par effet tunnel. La réduction du bruit à cette limite fondamentale démontre l'émission d'un électron unique dans ce régime de fonctionnement. En optique quantique électronique, on manipule et on étudie des quanta de charge unique dans des dispositifs analogues à ceux de l'optique tels que les interféromètres à une et deux particules. 1.3 Interférences à une particule et fonction de corrélation 1.3.1 Des photons aux électrons La propagation balistique des électrons dans les canaux de bord de l'effet Hall quantique entier comporte de nombreuses analogies avec celle des photons dans le vide. Quantiquement, cette analogie apparaı̂t dans le formalisme décrivant chaque domaine. Selon Grenier et coll.[28], Moskalets et coll.[56], Haack et coll.[31, 30], l'opérateur champ fermionique Ψ̂(x, t) qui annihile un électron à la position x à l'instant t vérifie Z 1 dε â(ε)ejε(x/v−t)/~ Ψ̂(x, t) = √ hv où l'opérateur d'annihilation â(ε) qui détruit une onde plane électronique à l'énergie ε, à la célérité v. Ψ̂(x, t) est l'analogue pour les électrons de l'opérateur champ bosonique Ê+ (x, t) pour les photons qui vérifie, d'après Loudon [51] r Z Ê+ (x, t) = j dε â(ε) ε e jε (x/c−t)/~ 2h ε0 c S où l'on a oublié la polarisation pour simplifier. S est la section de la cavité contenant le champ, perpendiculairement à la direction de propagation Ox. c est la célérité. L'opérateur courant électrique Iˆα dans le canal de bord α est l'analogue de l'opérateur intensité lumineuse Iˆ avec Iˆα = −ev Ψ̂†α Ψ̂α et Iˆ = Ê+† Ê+ Pour des sources d'électrons, comme pour les sources de photons, on peut chercher à sonder les propriétés de cohérence à une particule via des techniques interférométriques. Un exemple d'interféromètre utilisé pour la lu et qui a été transposé pour les électrons est l'interféromètre de Mach-Zehnder (voir notamment Ji et coll. [39], Litvin et coll. [50], Roulleau et coll. [66, 67, 68], Huynh et coll. [36], Bieri et coll. [6]). 1.3.2 Interférences à une particule avec l'interféromètre de Mach-Zehnder photonique La figure 1.19 décrit schématique ment l'interféromètre de Mach-Zehnder . Supposons pour fix er les idées que les la mes utilis ées sont semi- réf léchissante s, d'épaisseur nulle 29 b [ ] τ Figure 1.19: Schéma de principe d'un interféromètre de Mach-Zehnder. Un rayon issu d'une source est partitionné selon deux chemins par une lame partiellement réfléchissante. Des miroirs dévient les rayons issus de la lame vers une seconde lame partiellement réfléchissante qui recombine les deux chemins. Un détecteur est placé sur l'un des bras de sortie de la seconde lame. La longueur du bras inférieur est allongée par rapport au bras supérieur ce qui introduit un retard τ. et que la source est stationnaire. Alors l'intensité lumineuse I enregistrée par le détecteur s'écrit [51] ε0 c I (τ ) = 4 où hÊ+† (t)Ê+ (t)i hÊ+† (t)Ê+ (t t + 1 t + u)i = Re hÊ+† (t)Ê+ (t Tmes Z Tmes t + τ )i dt hÊ+† (t)Ê+ (t + u)i Tmes est la durée d'intégration du détecteur et hi est la moyenne quantique. L'expression de I peut être réécrite plus synthétiquement sous la forme t I (τ ) = I0 1 + Re g (1) (τ ) avec (1) g (τ ) = hÊ+† (t)Ê+ (t + τ )i hÊ+† (t)Ê+ (t)i t g (1) est la fonction de corrélation normalisée, du premier ordre, c'est également le contraste des franges d'interférence. Elle encode les corrélations du champ électrique de l'onde générée par la source Elle vaut 1 lorsque τ = 0 et s'annule lorsque τ est supérieur au temps de cohérence. Cette fonction constitue un outil essentiel pour décrire les propriétés d'émission de la source. 1.3.3 Fonction de corrélation du premier ordre G (1) électronique Par analogie avec l'optique quantique, on définit la fonction de corrélation du premier ordre sur un canal donné. Pour alléger l'écriture, l'indice α est omis et la variable x/v − t est remplacée par t: d'après C. Grenier et coll. [27, 28], pour les électrons, c'est l'opérateur champ Ψ̂(t) qui joue le rôle de Ê+ (t) (la moyenne sur le temps sera réintroduite au chapitre 4 lorsque l'on cherchera à mesurer cette fonction): G (1,e) (t, t0 ) = hΨ̂† (t0 )Ψ̂(t)i On note qu'en t = t0, cette fonction compte le nombre d'électrons à cet instant. Elle est proportionnelle à I(t) (d'après la définition du paragraphe 1.3.1). On peut également utiliser la représentation en terme de trous et dans ce cas, on définit G (1,h) (t, t0 ) = hΨ̂(t0 )Ψ̂† (t)i Remarquons que les expressions de G (1,h) et G (1,e) ne sont pas indépendantes puisque δ(t − t0 ) ∗ − G (1,e) (t, t0 ) v Cela n'est guère surprenant: creuser un trou dans la mer de Fermi, revient à enlever un électron. Dans la suite de ce paragraphe, on raisonnera principalement sur G (1,e). On peut écrire ces fonctions dans la base des ondes planes électroniques en utilisant l'opérateur d'annihilation â(ε) introduit précédemment: G (1,h) (t, t0 ) = h G ̃(1,e) (ε, ε0 ) = h↠(ε0 )â(ε)i v où v est la célérité des ondes électroniques. Dans cette expression, on lit que pour ε = ε0, G ̃(1,e) est la densité d'électrons à l'énergie ε, alors que pour ε 6= ε0, la fonction de corrélation sonde les cohérences en énergie. À l'équilibre, des électrons sont naturellement présents dans les solides et forment une mer de Fermi. Pour une mer de Fermi seule, h (1,e) G ̃F (ε, ε0 ) = f (ε) δ(ε − ε0 ) v qui traduit, qu'à l'équilibre, la fonction de corrélation est entièrement déterminée par le peuplement des niveaux d'énergie, donné par la distribution de Fermi, à la température considérée; comme pour toute source stationnaire, cette source n'est pas cohérente. Notons que la présence de la mer de Fermi constitue une différence entre optique quantique et optique quantique électronique. 1.3.4 Fonction G (1) pour électron unique séparé de la mer de Fermi Considérons une source qui émet un électron unique au-dessus de la mer de Fermi dans le bras d'entrée i de la lame séparatrice. Cet électron est décrit par la fonction d'onde φei (t) à 1 corps. À l'aide d'une source, on génère dans le canal de bord externe, par exemple l'état électronique |Ψi i = Z dt φei (t) Ψ̂†i (t) |F i Dans la limite de température nulle (voir la thèse de Charles Grenier [27]), (1,e) ∆Gi 0 e (t, t0 ) = φe∗ i (t )φi (t) (1,h) e 0 et de la même manière, ∆Gi (t, t0 ) = −φe∗ i (t)φi (t ). L'optique quantique électronique permet l'étude de la fonction de cohérence du premier ordre. Pour un électron unique, d'après ce que l'on vient de voir, cela revient à étudier la fonction d'onde d'un unique électron se propageant dans un conducteur. Étudier la cohérence permet d'étudier la fonction d'onde d'un unique électron. Toutefois, cet état est affecté par les interactions; on peut donc caractériser l'effet des interactions sur l'état d'une particule. C'est là, la grande différence entre l'optique quantique avec des photons et avec des électrons. Plusieurs groupes se sont intéressés aux effets des interactions qui ont été mis en évidence non à l'aide de sources d'électrons uniques mais plutôt en utilisant un flot continu d'électrons. L'étude de l'effet des interactions et de la relaxation est alors 32 réalisée de manière indirecte: dans un interféromètre de Mach-Zehnder en analys la décohérence, ou en étudiant la distribution d'énergie dans le canal de bord externe. 1.4 Décohérence et relaxation: état de l'Art Dans toute la suite de ce chapitre, les expériences sont menées au facteur de remplissage entier ν = 2. 1.4.1 Décohérence dans les interféromètres de Mach-Zehnder La figure 1.20 présente un schéma de l'interféromètre de Mach-Zehnder électronique. Le flot d'électrons est injecté via le contact ohmique au potentiel V dans le gaz bidimensionnel d'électrons, en régime d'effet Hall quantique. À l'aide d'un premier QPC, on partitionne le canal de bord externe en deux chemins. Ces deux chemins se recombinent sur un second QPC. Le courant électrique recueilli sur le contact ohmique situé à droite présente des oscillations lorsque la phase accumulée sur l'un des bras est modifiée par rapport à celle accumulée sur l'autre bras, soit en modifiant la longueur d'un des bras en changeant le potentiel d'une électrode de grille au potentiel VG placée sur ce bras, soit en changeant la valeur du champ magnétique. On observe alors des oscillations présentées sur la figure 1.21 (voir par exemple Ji et coll. [39] et Roulleau et coll. [66, 67]). Ces mesures permettent de remonter à la fonction corrélation du premier ordre. On note que le contraste n'est pas égal à 1. V 1 μm Figure 1.20: Schéma d'un interféromètre de Mach-Zehnder électronique (d'après [39]). VG En adaptant judicieusement ce dispositif, l'effet de réduction du contraste avec la température et la taille de l'interféromètre a été étudié (voir figure 1.22). Roulleau et coll. [67] ont montré que la longueur de cohérence dans les gaz similaires aux nôtres, à facteur de remplissage ν = 2 est de l'ordre de 20 μm à 20 mK. 33 Figure 1.21: Oscillation du courant en sortie d'un interféromètre de MachZehnder en fonction du potentiel de grille (noté VG sur la figure 1.20). Courbe extraite Roulleau et coll. [67].
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Traduire et lire Suétone en France de la Renaissance aux Lumières (1500-1800). Linguistique. Université de Strasbourg, 2021. Français. &#x27E8;NNT : 2021STRAC011&#x27E9;. &#x27E8;tel-03692200&#x27E9;
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Traduire et lire Suétone en France de la Renaissance aux Lumières (1500-1800) La transposition des appareils titulaires paraît d’abord déterminée par le ciblage d’un nouveau public et par l’insertion dans le contexte culturel et éditorial français. Les rééditions, qui doivent composer avec le renouvellement d’un texte dont on veut relancer la diffusion, impliquent à leur tour des adaptations qui tantôt enregistrent, tantôt anticipent l’évolution des goûts du lectorat.57 En 1541, Arnoul Langelier est revenu au premier titre, dans un format in-8° plus accessible. Malgré un texte en lettres romaines plus facile à lire, la qualité de l’ouvrage s’est encore dégradée par rapport à la version précédente58, puisque les empereurs sont cette fois tous représentés à l’identique, sur un modèle de chevalier romain. Comme en 1530, les lettrines sont plus ou moins ornées (les capitales grossies alternent avec des motifs floraux). L’ouvrage est peut-être paru à la fin de l’année 1541, puisque certains exemplaires portent la date de 154259, mais il s’agit bien de la même version. C’est la dernière du texte de Guillaume Michel, avant que cette traduction ne soit remplacée chez les imprimeurs par celle de George de La Boutière. 2.2. La traduction de George de La Boutière La traduction de George de La Boutière n’a pas eu la même fortune éditoriale, puisqu’elle n’a été imprimée que par deux éditeurs avant de tomber dans l’oubli et ne semble pas avoir intéressé l’un des libraires les plus prolifiques de son époque, Guillaume Rouillé, qui avait pourtant édité plus de 200 textes en français, dont 116 traductions 60, et « contrefit une bonne partie des livres à succès de Jean de Tournes 61 », le principal éditeur de cette version. Peu répandue, cette traduction n’est pas arrivée jusqu’à Bayle, qui 57 Mathilde Thorel, « Pratiques de l’intitulation au XVIe siècle », in L’acte éditorial, Publier à la Renaissance et aujourd'hui, op. cit ., p. 176. 58 Cette édition doit être replacée dans un contexte de soulèvement des ouvriers imprimeurs de Lyon et de Paris, qui aboutit à un arrêt de nombreuses presses et à un nombre réduit d’ouvrages publiés. Voir sur ce point Lucien Febvre et Henri-Jean Martin, L’apparition du livre, op. cit., p. 199. 59 Comme celui que l’on trouve dans l’inventaire des ouvrages de Jules Taschereau (« Ouvrages concernant l’histoire de la Touraine, ouvrages des écrivains tourangeaux ou qui ont été publiés en Touraine »). Outre cette version datée de 1542, l’inventaire compte aussi une édition de 1520 (« Bel exemplaire grand de marges, réglé, et dans sa première reliure »), une de 1530 et une de 1541, et même une édition latine de 1471 par Jenson, « né en Touraine ». Catalogue des livres composant la bibliothèque de Feu M. Jules Taschereau, Paris, Labitte, 1875, p. 270-271. 60 Susan Baddeley, « Imprimeurs et libraires », art. cit., p. . 61 Albert Flocon, L’univers des livres, Paris, Cercle de la librairie, 1960, p. 353. 65 Traduire et lire Suétone en France de la Renaissance aux Lumières (1500-1800) affirme dans son Dictionnaire qu’il ne l’a pas eue entre les mains et ne peut donc en juger l’auteur « George de La Bouliere62 » (sic). La version a eu si peu d’écho semble-t-il qu’elle a même été oubliée de la liste des traductions françaises établie par Guillaume Flamerie de Lachapelle dans sa récente traduction des Vies63. Le principal éditeur est donc Jean de Tournes, qui a publié le texte à Lyon en 1556 dans une édition in-4° de 369 pages, ne comportant pas d’illustrations de pleine page mais seulement de petits médaillons représentant chaque empereur « au vif pourtrait64 ». Jean de Tournes, « imprimeur profondément engagé dans le processus de production mais aussi de création des ouvrages sortant de ses presses65 », était en effet plus attentif que ses contemporains à la disposition du texte et des illustrations, et le choix des médaillons copiés par Bernard Salomon66 permet ici de bien séparer les chapitres dans un texte encore très dense, sans pour autant augmenter de façon trop importante le prix de l’ouvrage imprimé. Les classiques publiés par Jean de Tournes, très majoritairement en traduction, sont ainsi très réputés « pour la netteté des caractères, souvent d’élégantes italiques, et de la mise en page, [comme] pour la correction des textes et la beauté des illustrations67 », ce qui lui a peut-être valu d’être nommé Imprimeur du roi en 1559 68. On trouve également avec la traduction de La Boutière un « brief recueil des dignités Sacerdotales, et magistrats des anciens Rommains, faisant grandement à l'intelligence des Vies precedentes » de 28 pages, qui correspond bien à la tendance lyonnaise puisque les imprimeurs de la ville ont acquis au milieu du XVIe siècle une spécialisation certaine dans les ouvrages de droit ou de jurisprudence. La Boutière s’est peut-être inspiré des œuvres d’un autre lyonnais, Guillaume Du Choul, auteur de nombreux textes détaillant la 62 Pierre Bayle, Article « Suétone », Dictionnaire historique et critique, tome troisième, seconde édition, revuë, corrigée et augmentée par l’auteur, N – Z, Rotterdam, Reinier Leers, 1702, p. 2816. L’erreur se trouve encore chez Delisle de Sales, qui évoque ses prédécesseurs, « un Georges de la Bouliere ; un nommé Duteil », préface de l’Histoire des douze Césars, de Suétone, traduite par Henri Ophello de La Pause..., op. cit., p. xivj-xvij. 63 Suétone, Vies, traduction, introduction et notes par Guillaume Flamerie de Lachapelle, op. cit., Introduction, p. LII. 64 « L’imprimeur au lecteur » de l’édition de 1556, non paginé. 65 Trung Tran, « Le texte illustré au XVIe siècle, stratégie éditoriale ou création artistique? », in L’acte éditorial, Publier à la Renaissance et aujourd'hui, op. cit., p. 64. 66 « Peintre autant excellent qu’il n’y en ayt point en notre Hémisphère » selon Jean de Tournes, cité par Annie Parent dans « Le monde de l’imprimerie humaniste », in Histoire de l’édition française, I, Le livre conquérant (Du Moyen Âge au milieu du XVIIe siècle), op. cit., p. 318. Il est vrai que Salomon était le gendre de Jean de Tournes, ce qui explique peut-être en partie l’emphase des qualificatifs. 67 Albert Flocon, L’univers des livres, op. cit., p. 353. 68 Nomination signalée par François Roudaut, Le livre au XVIe siècle, Éléments de bibliologie matérielle et d’histoire, Paris, Honoré Champion, « Études et essais sur la Renaissance », 2003, p. 65. 66 Traduire et lire Suétone en France de la Renaissance aux Lumières (1500-1800) civilisation impériale romaine dans tous ses aspects69, textes qui ont pour la plupart circulé sous forme de manuscrits avant d’être publiés. Suivent trois pages sur la « Maniere de faire moult notale, qu'observoyent les Rommains aux obseques de leurs morts : & mesmement comme ils bruloyent les corps des Empereurs , & comme les canonizoyent ». L’ouvrage se termine par une « table des regions , païs, & aucunes choses notables contenues aux douze precedents liures » de trois pages et demi, sur trois colonnes par page. Contrairement aux autres traductions , dans lesquelles le privilège du roi est souvent mis à l’honneur au début, il sert ici de conclusion à l'ouvrage. Jean de Tournes travaillait régulièrement avec la Galée d’Or, boutique de Galliot du Pré qui possédait près de 40000 volumes en 156070 et était l’un des points de vente parisiens majeurs. Il ne se limitait donc pas au marché lyonnais et écoulait un grand nombre de livres également à Paris. La traduction de La Boutière s’est cependant sans doute vendue davantage en province, puisque Galliot du Pré proposait toujours sur ses rayonnages en 1560 sa propre édition, dans la traduction de Guillaume Michel, réimprimée en 153071. L’éditeur Jean de Tournes étant mort de la peste en 156472, c’est son fils Jean II qui a repris ses affaires. Il a réédité la traduction de La Boutière en 1569, signe que les exemplaires prévus lors de la première édition s’étaient a priori écoulés. Cependant, l’imprimerie du protestant Jean de Tournes avait été saccagée en 1567, et il se pourrait aussi qu’il ait perdu les volumes et qu’il ait réimprimé Suétone pour tenter de relancer son commerce avec une édition classique. La même année, en 1569, Claude Micard en a proposé une très petite version in-16, qui n’a guère laissé de traces. Au vu des incertitudes signalées par le Répertoire d’imprimeurs sur le nom, les adresses et les dates d’exercice de Micard73, il est possible qu’il s’agisse d’une réutilisation non autorisée du texte. Il en est de même pour l’édition de 1616 qui porte la marque de Jean de Tournes (mais n’affiche pas le privilège) et est identique à celle de 1556. Fabricius mentionne encore deux autres éditions de la traduction 69 En particulier le Discours sur la castrametation et discipline militaire des romains, Des bains et antiques exercitations grecque & romaine et De la religion des romains, re és en un volume dans une édition de 1556 proposée par Guillaume Rouillé. 70 D’après Annie Parent, Les métiers du livre à Paris au XVIe siècle, op. cit., p. 221. 71 Ibidem, p. 241. 72 Jean-Dominique Mellot et Elisabeth Querval, avec la collaboration d’Antoine Monaque, Répertoire d’imprimeurs / libraires (vers 1500 – vers 1810), nouvelle édition mise à jour et augmentée (5200 notices), Paris, Bibliothèque nationale de France, 2004, p. 527, notice 4782. 73 Ibidem, p. 400, notice 3564. 67 Traduire et lire Suétone en France de la Renaissance aux Lumières (1500-1800) de La Boutière, à Paris en 1616, dont nous n’avons pas trouvé trace, et à Rouen en 165474. Il semble ici faire une confusion avec une édition rouennaise de Baudoin datée de 1654 (probablement contrefaite par Cailloué), qui reprend le texte de la traduction de 1611, en modernisant l’orthographe et en supprimant les notes de fin de paragraphe. Les années 1640-1660 étant aussi marquées par une crise du marché du livre et une véritable explosion des contrefaçons75, en particulier à Rouen, il est toutefois possible qu’une édition contrefaite de la traduction de La Boutière ait été imprimée à cette époque. 2.3. La traduction de Jean Baudoin Le traducteur suivant a intéressé davantage de libraires, et la version de Baudoin a été réimprimée à de nombreuses reprises. Ces rééditions répétées sont la preuve que son imprimeur principal, Richer, avait écoulé tous les exemplaires et a jugé utile d’en imprimer de nouveaux afin de satisfaire la demande. Jean Richer, fondateur avec son frère Etienne du Mercure Français, connaissait très bien le marché du livre et a su profiter de la popularité de Baudoin, qui pourrait avoir eu plus de poids que la qualité de son œuvre dans ce succès éditorial, même si sa traduction de Suétone est peut-être meilleure que d’autres travaux postérieurs de sa plume, si l’on en croit le jugement de Barbier : c’étoit, pour ainsi dire, le début de cet écrivain. Il n’étoit pas encore accoutumé à retoucher d’anciennes versions, sans consulter les originaux. Aussi cette traduction est-elle bien écrite pour le temps où elle parut76. Notons toutefois que Baudoin avait déjà donné au public l’année précédente des traductions de Salluste, Tacite, Dion Cassius et Velleius Paterculus, il n’en était donc pas vraiment à ses premiers essais, et ne s’est pas privé de consulter la version de La Boutière dont il reprend souvent des éléments. 74 Johann Albert Fabricius, Bibliotheca latina, nunc melius delecta rectius digesta et aucta diligentia Jo. Aug. Ernesti, op. cit., p. 461. 75 Lucien Febvre et Henri-Jean Martin, L’apparition du livre, op. cit., p. 279. 76 Antoine-Alexandre Barbier, Dictionnaire des ouvrages anonymes et pseudonymes composés, traduits ou publiés en français et en latin, avec les noms des Auteurs, Traducteurs et Éditeurs, op cit., p. 436. D’abord G in, sans ni aucune , le texte des Vies des Douze Césars a été repris à l’identique deux fois par Jean Richer, d’abord en 1611 puis en 1616, dans un format in-4° illustré de fines gravures signées Pelletier. Ces gravures sont accompagnées d’épigrammes probablement composées par Baudoin lui-même puisqu’il coutumier du fait et a rédigé quelques années plus tard celles qui accompagnèrent les portraits de rois dans l’Histoire de France de Mézeray77. L’édition de 1616 porte sur certains exemplaires un frontispice gravé selon les planches du célèbre Jaspar Isac et mentionnant la date de 1610 78, avec deux marques d’imprimeurs, celle de Jean Richer et celle de Jean Gesselin, ainsi que leurs devises respectives (« Sic virescit justus » et « Si aetas non retinenda fugit »). L’exemplaire conservé à la bibliothèque Sainte-Geneviève porte le nom et la marque de Gesselin au milieu du frontispice et sur la page de titre, mais fait figurer le privilège au nom de Richer ; il ne contient aucune illustration. La dernière édition de Richer, celle de 1628, a peut-être été contrefaite. Le volume présent à la bibliothèque Vaticane 79 est en effet amputé des illustrations et des annotations de vocabulaire, présentes dans les exemplaires de la Bibliothèque nationale de France 80 et de la bibliothèque Sainte-Geneviève81. Jean Richer, après un exil entre Blois et Tours, était alors sur le point de fermer boutique et ces trois exemplaires portent le nom d’Estienne Richer et non plus de Jean. De Heuqueville, autre libraire parisien, a repris la traduction de Baudoin en deux parties, regroupées dans un tome in-4° en 1621 avec un titre légèrement différent, De la vie des Douze Cesars, Mis en nostre langue plus fidelement qu’es Editions precedentes ; et illustré de plusieurs belles recherches d’Histoire et d’Antiquité. Chaque vie y est accompagnée d’un portrait d’empereur gravé à l’eau-forte par Picquet (avec signature dans la plaque) et l’ouvrage est divisé en deux parties dont la deuxième est intitulée « Recherches d'histoire et d'antiquité, divisées en 17 discours tirez des plus belles matières contenues dans les Vies des XII Césars de C. Suétone Tranquille ». Deux autres éditions sont parues à Rouen, où Baudoin avait peut-être séjourné. La première a été publiée en 1624 : un exemplaire est conservé à la bibliothèque Mazarine 77 D’après Wilfred Hugo Evans, L’historien Mézeray et la Conception de l’Histoire en France au XVIIe siècle, Paris, Gamber, 1930, p. 49. 78 Il s’agit du même frontispice que pour l’édition de 1616, avec les deux dates. 79 Sous la cote Stamp.Barb . K.V.39. 80 Numérisé sous la cote NU MM - 859544. 81 Sous la cote 4 I 348 INV 460 RES. 69 Traduire et lire Suétone en France de la Renaissance aux Lumières (1500-1800) mais ne porte pas de nom d’éditeur. L’autre édition rouennaise est parue plus tardivement, en 1654, chez Jacques Cailloué, dans un format in-8° de 632 pages que mentionne Barbier82. Ce format marque un souci très clair d’économie, car la mode était alors revenue aux grands in-folios ou in-quartos, avec près de 40 % de publications ces formats83. L’Histoire des traductions en langue française indique que la version de Baudoin était encore rééditée au XVIIIe siècle84, nous n’avons toutefois trouvé aucune trace de ces rééditions. Peut-être s’agit-il de la traduction de D. B*, très largement inspirée de celle de Baudoin et publiée pour la première fois par Bobin et Legras en 166785. 2.4. La traduction de Bernard Du Teil Cette traduction, dont la première édition chez Etienne Loyson, à Paris, date de 1661, a connu une fortune éditoriale surprenante. Intitulée d’abord L’Histoire des empereurs romains, elle est parue dans un beau volume in-4° unilingue de 526 pages. Après la vogue du milieu du siècle, ce format s’était alors raréfié et représentait moins d’une publication sur cinq86. L’éditeur a donc voulu donner une importance particulière à cette parution, peut-être pour marquer davantage la différence avec la traduction de Baudoin reparue sept ans plus tôt et qui devait encore circuler. Chaque Vie y est accompagnée d’un portrait en taille-douce, technique relativement coûteuse même si elle s’est démocratisée depuis la fin du siècle précédent. Au XVIIe siècle, les imprimeurs sont en effet souvent tentés par des éditions à bas coût, réduisant « l’illustration à quelques planches isolées du texte ou seulement à un frontispice87 », et les portraits d’empereurs qui ornent la version de 1661 sont d’autant plus remarquables. Malgré sa présentation, la traduction de Du Teil est loin d’être la meilleure parmi celles que nous étudions, et Bayle affirme (de manière abusive) qu’il a « supprimé des chapitres tout entiers, & a enervé en plusieurs et pseudonymes composés, traduits ou publiés en français et en latin, avec les noms des Auteurs, Traducteurs et Éditeurs, op. cit., p. 436. 83 Voir Histoire de l’édition française, II, Le livre triomphant (1660-1830), sous la direction de Roger Chartier et Henri-Jean Martin, op. cit., graphique 3, p. 114. 84 Histoire des traductions en langue française. XVIIe et XVIIIe siècles, 1610-1815, op. cit., p. 338. 85 La traduction de D.B* a été rééditée au moins trois fois, en 1688, 1699 et 1700. 86 Histoire de l’édition française, II, Le livre triomphant (1660-1830), sous la direction de Roger Chartier et Henri-Jean Martin, loc. cit. 87 Lucien Febvre et Henri-Jean Martin, L’apparition du livre, op. cit., p. 155. 70 Traduire et lire Suétone en France de la Renaissance aux Lumières (1500-1800) rencontres les phrases de Suétone88 ». Nicolas Lenglet du Fresnoy, reprenant ce jugement, donne la référence de l’édition 1661 mais ne semble pas l’avoir lue et écrit de manière impersonnelle « on assure que cette version est tronquée dans beaucoup d’endroits. Cet auteur est assés considerable pour mériter une nouvelle traduction exacte et fidéle89. » François-Xavier Feller, au contraire, estime que cette version de « Dutheil » est « plate, mais assez fidèle90 ». Les critiques n’ont toutefois pas cessé après lui puisque Ferri de Saint-Constant jugeait que cette traduction était remplie de contresens et d’expressions surannées91. Cette version eut pourtant un certain succès car dès 1663, on en trouve des contrefaçons chez au moins trois imprimeurs, à Paris (chez Gabriel Quinet, et Jean II Cochart) et à Amsterdam chez les Elzevier92. Il s’agit dans tous les cas de petites éditions in-12, sans aucun ornement, en un ou deux volumes, format dans lequel sont spécialisés les Elzevier qui ont réussi à mettre au point un processus d’impression particulier et à faire graver de très petits caractères par leur tailleur attitré, Christophe Van Dyck, rendant ces petits volumes facilement lisibles malgré leur taille93. Le grand succès de ces contrefaçons dès la fin du XVIe siècle a encouragé de nombreux éditeurs à s’engager dans cette voie, y compris en France, il n’est donc pas étonnant que l’on retrouve ici Suétone, auteur classique qui constitue une valeur sûre, réédité de façon illégale. En 1670, Langelier 88 Pierre Bayle, Notice « Suétone », art. cit., p. 2816. 89 Nicolas Lenglet du Fresnoy, Méthode pour étudier l’histoire, avec un catalogue des principaux historiens, et des remarques sur la bonté de leurs ouvrages et sur le choix des meilleures éditions, nouvelle édition augmentée et ornée de cartes géographiques, 4 vol., t. 3, Paris, Pierre Gandouin, 1729 [1713], p. 226. 90 François-Xavier de Feller, Biographie universelle, ou Dictionnaire historique des hommes qui se sont fait un nom par leur génie, leurs talents, leurs erreurs ou leurs crimes. Edition revue et continuée jusqu’en 1848, sous la direction de M. Ch. Weiss et de M. l’abbé Busson, 8 vol., tome VIII, Paris, Leroux, Joubly – Gaume et – Outhenin Chalandre, 1850 (mention d’un autre éditeur sur la page de titre : Lille, Lefort et Besançon, Outhenin Chalandre fils) [1781], p. 49. 91 Giovanni Ferri de Saint-Constant, Rudimens de la traduction, ou l’art de traduire le latin en français, ouvrage élémentaire, précédé d’une notice sur les traductions des auteurs latins, Seconde édition, revuë, corrigée et augmentée, 2 vol., t. 1, Paris, Delalain, 1811, p. xxxiij. 92 Louis-Gabriel Michaud précise au sujet de cette édition à Amsterdam : « Brunet dit qu’il est fort douteux que ce volume, quoique passablement imprimé, l’ait été chez lez Elzevier ; il le croit une des production s des presses de Rouen ». Dans l’ un ou l’autre cas, il s’agit de manière certaine d’une contrefaçon. Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne ou histoire, par ordre alphabétique, de tous les hommes qui se sont fait remarquer par leurs écrits, leurs actions, leurs talents, leurs vertus ou leurs crimes. Nouvelle édition revue, corrigée et considérablement augmentée d’articles omis ou nouveaux, t. 41, Paris, Delagrave, s.d. (1842) [1811-1828], article TEIL, (BERNARD DU), p. 115. 93 Henri-Jean Martin, « Renouvellements et concurrences », in Histoire de l’édition française, I, Le livre conquérant (Du Moyen Âge au milieu du XVIIe siècle), op. cit., p. 489. 71 Traduire et lire Suétone en France de la Renaissance aux Lumières (1500-1800) reprend le texte en revenant au titre que son aïeul avait donné à la traduction de Guillaume Michel en 1520, Des faicts et gestes de XII Césars. La réédition de Lyon en 1685 est agrémentée d’un jugement de La Mothe Le Vayer sur Suétone qui n’est autre qu’une reprise de son Jugement des historiens tant anciens que modernes (1665)94. Elle semble sortir des presses de Jean Molin, qui a usurpé le titre d’Imprimeur ordinaire de Sa Majesté en 1658 puis a été emprisonné pour impression défendue en 1681-1682 et ne semble pas avoir repris son activité par la suite95. Il pourrait donc s’agir là aussi d’une fausse attribution, alors que l’édition de 1689, toujours à Lyon mais chez Antoine et Horace Molin cette fois (« Avec permission » est-il précisé sous le nom de l’éditeur, tandis que le privilège reproduit quelques pages plus loin donne la date de 1687 « attendu que celui de Loyson, accordé en 1670 pour sept ans, est expiré96 »), est « enrichie de notes latines sur les endroits les plus difficiles tirées des variorum ». Cette dernière est une édition bilingue, et les notes latines sont tirées des leçons de Casaubon et de Torrentius. Dans les deux cas, qu’il s’agisse du texte de La Mothe Le Vayer ou des notes latines, leur ajout n’est pas une décision du traducteur, mort vingt ans auparavant. La même année, Jean-Baptiste de Ville donne une autre édition, unilingue cette fois, mais reprenant aussi en début de volume le jugement de La Mothe Le Vayer. Elle est accompagnée d’une permission accordée en 1674 « attendu que le privilege accordé audit Du Teil pour l’impression dudit livre est expiré, veu ledit Privilege du 4. juin 1661 ». L’éditeur a vraisemblablement consulté un volume de la première édition afin de retrouver cette information, mais la date de 1674 alors que l’impression date de 1685 est assez curieuse (nous n’avons pas retrouvé d’exemplaires antérieurs proposés par de Ville) et laisse planer un doute certain sur l’authenticité de cette permission. 94 Jugement sur les principaux historiens grecs et latins dont il nous reste quelque ouvrages [1646], in Œuvres de François La Mothe Le Vayer, nouvelle édition revuë et augmentée, t. 4, partie II, Dresde, Michel Groell, 1756 [1665], p. 254-259. 95 Jean-Dominique Mellot et Elisabeth Querval, avec la collaboration d’Antoine Monaque, Répertoire d’imprimeurs / libraires (vers 1500 – vers 1810), nouvelle édition mise à jour et augmentée (5200 notices ), op. cit., p. 405, notice 3607. 96 L’histoire des empereurs romains, écrite en latin par Suetone & nouvellement traduite par M. Du Teil, enrichie de notes latines sur les endroits plus difficiles tirées des variorum, avec leurs Portraits en taille douce, tome premier, latin-françois, Lyon, Molin, 1689, n. p. Loyson a en effet repris la version de 1661 pour la réimprimer en 1670 à l’identique, mais n’a visiblement pas profité des sept ans du privilège pour faire une troisième série puisque nous n’avons trouvé aucun exemplaire érieur à 1670 émanant de ses presses. la rnière réédition parisienne par Nicolas Le Gras (reprenant jà . Le ’ plus réimprimé par la suite. Il faut dire qu’à partir de 1701 « tout livre dépassant deux feuilles d’impression doit obtenir l’autorisation préalable de l’administration centrale98 », les rééditions autorisées se font donc un peu plus rares en ce début de XVIIIe siècle, et un grand nombre de contrefaçons circulaient déjà. 2.5. La traduction d’Henri Ophellot de La Pause Il a fallu attendre soixante-dix ans après cela pour qu’un autre traducteur reprenne le texte de Suétone, et personne ne l’a proposé pour la collection dite Barbou, publiée par un groupe de libraires parisiens, et dont Guillaume Flamerie de Lachapelle nous rappelle qu’elle contenait notamment César, mais aussi « Florus, Salluste, Tacite ou Velleius Paterculus, et même un Tite-Live réclamant un travail énorme »99. Le délai entre la traduction de Du Teil et les suivantes n’est toutefois pas si étonnant si l’on considère le marché des traductions dans son ensemble, qui a vécu presque tout le XVIII e siècle de stocks et de rééditions (autorisées ou contrefaites) de traductions datant de l’époque dite des « Belles infidèles ». Dominique Morineau donne l’exemple du César de Perrot d’Ablancourt réimprimé au moins onze fois entre 1665 et 1714 : « Dans ces conditions, imposer une version nouvelle relève de la gageure »100. Si aucun des traducteurs de Suétone n’a 97 C’est celle que Bayle affirme avoir consultée, comme il le signale en note de son article sur Suétone, art. cit., p. 2816 (il la présente comme la quatrième édition de la traduction de Du Teil), ce qui est cohérent avec l’absence de notice concernant Suétone dans l’édition de 1697 de son Dictionnaire. 98 Jean Quéniart, « L’anémie provincia le », in Histoire de l ’ édition française, II , Le livre trio mphant (166 0-18 30) , sous la direction de Roger Chartier et Henri-Jean Martin, op. cit., p. 360. 99 Suétone, Vies, traduction, introduction et notes de Guillaume Flamerie de Lachapelle, op. cit., Introduction, p. XLII. Notons que la collection a été établie à l’instigation de Lenglet Du Fresnoy, qui n’ étai t pas le plus fervent admirateur des Vies de Suétone. Sur cette collection, voir Henri-Jean Martin, « La prééminence de la librairie parisienne », in Histoire de l’édition française, II, Le livre triomphant (1660-1830), sous la direction de Roger Chartier et Henri-Jean Martin, op. cit., p. 348. 100Dominique Morineau, La réception des historiens anciens dans l’historiographie française (fin du dix-septième siècle – début du dix-huitième), thèse de doctorat sous la direction d’Yves Coirault, Lille, Atelier National de Reproduction des Thèses, 1989, p. 339. 73 Traduire et lire Suétone en France de la Renaissance aux Lumières (1500-1800) l’ampleur d’un Perrot d’Ablancourt, il n’en reste pas moins que les libraires semblent réticents à commander de nouvelles traductions dans la première moitié du XVIIIe siècle. Henri Ophellot de La Pause fait publier la sienne à la fin de l’année 1770, même si les conventions éditoriales font porter aux volumes la date de 1771101. L’ouvrage se présente sans portraits cette fois mais avec des « Mélanges philosophiques et notes » dont le contenu est très varié : Éparses dans vingt-neuf chapitres d’inégale longueur, eux-mêmes répartis dans les quatre volumes, ces interventions, qu’une lecture superficielle peut laisser apparaître comme une glose bavarde, décousue et assez gratuite, montrent en réalité des constantes et des ruptures hautement signifiantes [...]. L’argument principal est une réflexion sur le pouvoir absolu. Une vaste fresque l’illustre et la relance qui, outre les Césars, nous montre Mahomet, Koulikarn, César Borgia, Marius, Sylla, Alexandre VI, Philippe II, Henri VIII, et surtout, à quatre reprises, Cromwell. Sur la personne et les actes des tyrans, la charge est vive.102 L’ensemble, déjà conséquent, est agrémenté d’un index « des hommes de lettres qui ont fleuri sous le règne des douze Césars », où l’auteur égrène sur plus de quarante pages des noms souvent inconnus. Si la préface, rédigée à la première personne, n’indique qu’un auteur pour la traduction et les notes, Ophellot de la Pause, Delisle a créé un autre jeu avec son pseudonyme puisqu’il a affirmé qu’Ophellot n’était que le traducteur tandis que les notes étaient de sa main. Pierre Malandain signale même une correspondance que Delisle affirme avoir entretenue avec Ophellot de la Pause103. Cette parution bilingue chez Charles Saillant et Jean-Luc Nyon104 en quatre tomes in8°, dont deux de plus de 500 pages, se voulait plus érudite que les précédentes, mais son coût probablement trop élevé a été un frein à la réédition. La reliure d’origine en basane de la plupart des éditions conservées, plutôt bon marché, de même que le format réduit, pourrait être la marque d’une certaine volonté de rendre l’ouvrage accessible, 101Voir Pierre Malandain, « Bibliographie critique des œuvres de Delisle de Sales », in Delisle de Sales philosophe de la nature (1741-1816), op. cit., n° 204, p. 568. Il précise que Voltaire a reçu l’exemplaire avant le 5 novembre 1770. 102Pierre Malandain, Delisle de Sales philosophe de la nature (1741-1816), op. cit., n° 203, p. 95. 103Ibidem, p. 92. 104Le dernier volume indique à la suite des notes que l’impression a été réalisée sous les presses de « Michel Lambert, rue de la Harpe, près saint-Côme ». Ce dernier était l’éditeur attitré de Voltaire, que la rumeur présentait comme le véritable père de Delisle de Sales. Histoire des douze Césars, de Suétone, traduite par Henri Ophellot de La Pause..., op.cit., p. 383. Traduire et lire Suétone en France de la Renaissance aux Lumières (1500-1800) mais elle arrive à un moment où « on ne lit presque point à Paris un ouvrage qui a plus de deux volumes105 ». La parution contemporaine de la traduction bilingue en deux volumes seulement de La Harpe a donc laissé dans l’ombre cette version de Delisle de Sales, malgré les jugements de critiques contemporains clairement en faveur de ce dernier. Linguet notamment ne tarit pas d’éloges : J’arrive de la campagne, Monsieur, et le premier objet qui me frappe est le beau Suétone de H. de la Pause. La forme et le fonds [sic], tout s’y trouve. Je n’ai pu me refuser au plaisir de dévorer sur le champ les mélanges philosophiques que vous y avez ajoutés : je ne sais si je me laisse prévenir par l’amour-propre, mais j’ose me flatter que je ne m’y serais pas mépris. Je n’aurais pas pu y méconnaître la plume brillante et chaude à laquelle nous devons la Philosophie de la nature106. Il est vrai que Linguet, en conflit avec La Harpe, avait tout intérêt à promouvoir son concurrent, avec lequel il entretenait par ailleurs une correspondance suivie. Fréron dénonça aussi la « rivalité malhonnête107 » de ces traductions contemporaines et mit en avant celle de Delisle de Sales, pour les mêmes raisons que Linguet. Les jugements plus tardifs sont bien moins élogieux, à l’image de celui de FrançoisXavier de Feller qui affirme que cette version « est sans contredit la plus mauvaise, et [que] l’inexactitude ne peut guère être poussée plus loin108. » Les imprécisions de la traduction et les coupes qu’il a effectuées dans le texte de Suétone, tout comme la longueur des notes de fin de volume, n’ont pas semblé justifiées à la postérité, et la renommée du traducteur n’a pas davantage servi l’œuvre. 105Louis-Sébastien Mercier, à propos des « années 1780 », cité par Jean-François Gilmont, Le livre et ses secrets, Genève – Louvain-la-Neuve, Droz – Presses Universitaires de Louvain, 2003, p. 79. 106Lettre de Linguet à Delisle de Sales, citée par Pierre Malandain, Delisle de Sales philosophe de la nature (1741-1816), op. cit., n° 203, p. 92. 107Année littéraire de novembre 1770, cité par Pierre Malandain, Ibidem, p. 93. 108François-Xavier de Feller, Biographie universelle, ou Dictionnaire historique des hommes qui se sont fait un nom par leur génie, leurs talents, leurs erreurs ou leurs crimes, op. cit., p. 49. 75 Traduire et lire Suétone en France de la Renaissance aux Lumières (1500-1800) 2.6. La traduction de Jean François de La Harpe La dernière traduction que nous incluons dans notre corpus est celle de La Harpe, qui fait le lien entre XVIIIe et XIXe siècle puisqu’elle paraît en 1770 mais est très régulièrement rééditée. Raillée par Voltaire – qui aurait même écrit « mauvaise traduction » sur la page de titre de son exemplaire109 – et peu goûtée de ses contemporains, elle n’a pourtant été suivie de celle de Maurice Levesque que quarant ans plus tard, en 1808. Guillaume Flamerie de Lachapelle rappelle néanmoins que cette dernière n’a pas remplacé la traduction de La Harpe : il évoque celle-ci comme une traduction très mal accueillie par les savants de son temps mais qui, par son élégance et par le statut de La Harpe lui-même, jouira longtemps d’une certaine renommée en France110. L’avis des critiques continue d’être divisé au siècle suivant puisque Bellanger fait de lui « l’un des pires traducteurs des anciens111 », tandis que l’ouvrage de Grégoire et Collombet place sa traduction parmi les « belles infidèles », avec les traductions « de Lucain par Marmontel, de Juvénal par Dussaulx, de Pline le Jeune par Sacy112 ». Même si l’appellation de « belle infidèle » est contestable, ce bilan souligne la qualité littéraire qui a été reconnue au texte de La Harpe. En témoignent les très nombreuses rééditions qui ont suivi celle de Lacombe et Didot en 1770. Bilingue, cette dernière était présentée en deux volumes in-8° et accompagnée d’ornements assez simples gravés sur bois. Éreintée par Fréron dans l’Année littéraire de janvier 1771, elle comportait en effet des erreurs dont certaines ont été corrigées par la suite dans l’édition de Gabriel Warée en 1805, le texte ayant été revu par Boulard à la 109D’après Christopher Todd, Voltaire’s disciple : Jean-François de La Harpe, op. cit., p. 164. 110Suétone, Vies, traduction, introduction et notes de Guillaume Flamerie de Lachapelle, op. cit., Introduction, p. XLII. 111Justin Bellanger, Histoire de la traduction en France (Auteurs latins et grecs), op. cit., p. 61. C’est donc le second de nos traducteurs que Bellanger égratigne, ne prenant même pas peine de citer les autres. Notons toutefois que dans toute l’histoire il n’épargne guère qu’Amyot, Madame Dacier, Dureau de la Maille et Burnouf. 112 Cité par Georges Mounin, Les belles infidèles, op. cit., p. 57. Henri Van Hoof suggère lui aussi que « le souvenir des belles infidèles se perpétue » dans la traduction de La Harpe comme dans les versions citées de Dussaulx et Marmontel ou encore chez Nicolas Gédoyen (qui a traduit Quintilien, De l’institution de l’Orateur, publié en 1718), voir Histoire de la traduction en Occident, op. cit., p. 58. 76 Traduire et lire Suétone en France de la Renaissance aux Lumières (1500-1800) suite notamment des remarques de Fréron et des réponses que La Harpe y avait apportées113. C’est donc une édition « revue et corrigée » et accompagnée de 13 portraits signés Maradan qui est parue en l ’an XIII. Dès 1776, en préparant l’édition de ses œuvres, La Harpe avait convenu avec Lex (fondateur de la Société littéraire et typographique d’Yverdon) de ne pas y inclure sa traduction de Suétone114. Contrairement à ce souhait initial, celle-ci a cependant été intégrée par la suite à ses Œuvres complètes parues en 1821 sous la houlette de Verdière et Didot (tomes VII et VIII), avec des dessins gravés par Adam « d’après les antiques du Musée Royal ». Il s’agit là encore d’une édition « revue, quant au texte, avec le plus grand soin ». A partir de 1868, la traduction de La Harpe trouve un premier concurrent sérieux avec la version proposée par Pessonneaux chez Charpentier. Cette dernière a été réimprimée cinq fois entre 1868 et 1892, mais n’a pas pour autant éclipsé complètement la traduction de La Harpe. Une nouvelle édition de la version que nous étudions a été publiée en 1864 chez Dubuisson et Marpon, les deux volumes étant réunis dans un même tome grâce à l’abandon du bilinguisme. Garnier le rétablit cependant l’année suivante dans sa publication des Œuvres de Suétone, pour lesquelles on utilise la traduction de La Harpe « refondue avec le plus grand soin par M. Cabaret-Dupaty ». Il ne s’agit toutefois pas d’une version juxtalinéaire où le texte latin peut être lu en face du texte français, mais bien d’une traduction, sous laquelle la version originale est présentée dans une police très réduite, comme en note. Aucun autre apparat critique ne l’accompagne. Le succès de cet ouvrage lui a valu une réédition à l’identique en 1885. Après Garnier, la Bibliothèque nationale choisit également la traduction revue de La Harpe pour sa « collection des meilleurs auteurs anciens et modernes » en 1866 (avec là encore une réédition à l’identique en 1891). Ces deux éditions semblent davantage destinées à un public scolaire assez large, et les manquements de La Harpe quant à la précision ne semblent pas avoir gêné les éditeurs. En 1883, Dentu fait imprimer une « nouvelle édition précédée d’une notice » pour sa « bibliothèque choisie des chefs-d’œuvre français et étrangers », en proposant un titre 113Christopher Todd, Voltaire’s disciple : Jean-François de La Harpe, op. cit., p. 164. 114Ibidem, p. 89. Traduire et lire Suétone en France de la Renaissance aux Lumières (1500-1800) jugé plus vendeur, Rome gal ante sous les douze Césars115. Malgré celles de Lévêque et Pessonneaux, c’est donc la traduction de La Harpe qui fait office de référence, et on la retrouve encore en 1937 puis en 1961, chaque fois dans des collections grand public qui n’ont pas les moyens de s’offrir un traducteur mais puisent dans les anciennes versions libres de droit et utilisent celle qui leur semble la meilleure, ou du moins la plus adaptée à leur public. En 1937, Flammarion intègre ainsi Suétone à sa collection « Les meilleurs auteurs classiques français et étrangers », tandis qu’en 1961 L’Ambassade du Livre propose un fac-similé illustré pour compléter sa liste des « 100 chefs-d’œuvre de l’esprit humain ». La Harpe, malgré les critiques de Voltaire et des cercles érudits contemporains, est donc de très loin le traducteur le plus apprécié des éditeurs, et le seul à avoir été édité pendant près de deux cents ans. 3. Les règles de la traduction Toutes ces traductions s’inscrivent dans un mouvement d’ensemble, où l’on peut voir que la production en langue française gagne progressivement du terrain sur les écrits en langue latine, quel que soit le domaine concerné. Dès le Moyen Âge, une tradition en langue française avait été instaurée par Oresme ou encore Pierre Bersuire. Au début de la Renaissance, le phénomène s’intensifia très massivement et [l]es doctes s’efforcèrent à l’envi de mettre à la portée de leurs compatriotes les trésors de la littérature antique. La traduction fut promue à la dignité de genre littéraire, et, dans les Arts poétiques Sebillet, de Peletier et de Laudun d’Aigaliers, un chapitre s’intitule de la version ou des traductions116. Ces chapitres louent souvent les qualités des traducteurs, offrant à leur pratique la « dignité de genre littéraire » évoquée ci-dessus par Raymond Lebègue, mais les traités 115Ce titre a été repris en 1914 par J. Rouff pour sa « Grande collection nationale » vendue 20 centimes (Suétone constituait le volume 31). 116Raymond Lebègue, « Les traductions en France pendant la Renaissance », in Actes du Congrès de Strasbourg de l’Association Guillaume Budé, 20-22 avril 1938, Paris, Les Belles Lettres, 1939, p. 363. 78 Traduire et lire Suétone en France de la Renaissance aux Lumières (1500-1800) voués à les aider dans leur tâche ne sont pas courants en France aux premiers temps de la Renaissance. « L’art de la traduction , qu’on a toujours pratiqué , n’a pas souvent connu de véritables règles 117 », note Roger Zuber, malgré les traités plus nombreux au XVIIe siècle. Ce manque est d’autant plus notable que la situation d’autres pays euro- péens, à commencer par l’Italie, est tout à fait différente. Jusqu’à la fin du Moyen Âge, translation (le terme de traduction n’est apparu avec son sens actuel qu’en 1540 et ne s’est imposé que vers la fin du siècle118) signifiait davantage adaptation que transmission fidèle d’un texte dans une autre langue. Monfrin résume ici l’attitude qui dominait jusqu’au milieu du XIVe siècle environ, voire au XVe siècle : Il semble bien que l'on ait rarement eu, avant la fin du Moyen Âge, le souci historique et philologique de laisser ou de retrouver l'œuvre d'un auteur sous la forme exacte que celui-ci avait voulu lui donner. Suivant une idée généralement répandue, tout écrit destiné à instruire est perfectible et du moment qu'on le transcrit et qu'on le traduit, on ne voit aucune raison pour ne pas le modifier au goût du jour ou l'améliorer en le complétant119. Si aucun traité important sur la traduction n’a été publié en France avant la première traduction des Vies que nous étudions, Guillaume Michel a toutefois pu consulter le De interpretatione recta de Leonardo Bruni publié vers 1425 et qui a eu une grande influence sur le changement de méthode de traduction. La version de 1520 ne s’inscrit en effet déjà plus dans le schéma médiéval. Quels qu’en soient les défauts, cette dernière n’est pas une adaptation, et Guillaume Michel s’efforce tant bien que mal de mettre en français le texte latin de Suétone. Cela correspond à la pratique que Barbara Verwiebe a relevée chez les traducteurs de Tacite, qui au XVIe siècle, constatant qu’un nombre croissant de lecteurs ne maîtrisaient plus suffisamment le latin, « estimaient que la fonction principale de la traduction était la transmission exacte du contenu du texte de départ120. » Cette fonction n’était toutefois pas complètement détachée d’une volonté d’embellir l’ori 117Roger Zuber, Les « Belles infidèles » et la formation du goût classique : Perrot d'Ablancourt et Guez de Balzac, op. cit., p. 17. 118Sur l’évolution sémantique des termes ayant trait à la traduction, voir Giovanni Dotoli, « Traducteur, traduction, traduire au XVIIe siècle », in Lingua, cultura e testo, op. cit., vol. II, t. 1, p. 461-472. 119Jacques Monfrin, « Humanisme et traductions au Moyen Âge », Journal des savants, n° 3, Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres, 1963, p. 161. 120Barbara Verwiebe, « La vie sociale dans les premières traductions des Annales de Tacite », in Traduction et adaptation en France à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance, actes du Colloque organisé par l’Université de Nancy II 23-25 mars 1995, sous la direction de Charles Brucker, Paris, Honoré Champion, 1997, p. 177.
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Projections du riz : Consommation, humaine Année commerciale MONDE AMÉRIQUE DU NORD Canada États-Unis AMÉRIQUE LATINE Argentine Brésil Chili Colombie Mexique Paraguay Pérou EUROPE Union européenne1 Royaume-Uni Russie Ukraine AFRIQUE Égypte Éthiopie Nigéria Afrique du Sud ASIE Chine2 Inde Indonésie Iran Japon Kazakhstan Corée Malaisie Pakistan Philippines Arabie saoudite Thaïlande Türkiye Viet Nam OCÉANIE Australie Nouvelle-Zélande PAYS DÉVELOPPÉS PAYS EN DÉVELOPPEMENT PAYS LES MOINS AVANCÉS (PMA) OCDE3 BRICS CONSOMMATION (kt) Moyenne 2031 2019-21est 511 385 583 716 5 076 5 523 418 477 4 658 5 047 19 566 21 031 558 664 7 380 7 272 287 300 2 059 2 237 918 1 123 85 103 2 521 2 856 4 848 5 025 2 690 2 756 636 663 1 158 1 243 125 118 41 818 60 549 4 663 5 711 660 1 325 7 296 11 264 922 1 100 439 040 490 397 149 376 157 996 102 423 123 487 36 561 37 268 3 695 3 930 7 238 6 879 281 312 3 980 3 772 2 658 2 993 3 896 5 312 15 352 18 283 1 244 1 533 13 137 14 769 848 921 22 450 25 681 1 036 1 191 476 512 55 59 19 605 20 226 491 779 563 490 85 987 106 148 24 534 25 046 261 259 291 097 Croissance (%)4 2012-21 2022-31 1.08 2.61 1.66 2.70 0.41 1.82 -1.19 4.57 3.93 0.49 2.26 2.00 1.29 1.31 0.44 2.31 -1.36 3.30 0.87 14.59 1.91 -0.96 0.89 1.29 1.00 -0.78 3.25 -1.22 3.96 -1.12 -0.07 5.10 2.26 -0.81 -0.52 1.74 0.92 3.37 0.43 3.16 0.58 1.10 1.68 0.53 1.10 1.13 0.98 1.41 0.94 0.61 1.92 -0.14 0.36 0.54 0.96 1.14 1.05 0.28 0.21 0.35 0.50 -0.37 3.27 1.83 4.09 3.78 1.46 0.92 0.45 1.49 0.45 0.91 -0.28 1.07 -1.20 1.03 2.21 1.61 1.64 0.64 0.55 0.99 0.89 -0.33 1.50 0.36 1.15 1.90 0.08 0.87 HUMAINE (kg/cap) Moyenne 2031 2019-21est 54.1 55.5 13.8 14.1 11.1 11.6 14.1 14.4 27.2 27.0 11.1 12.8 31.9 29.6 12.4 12.2 37.2 38.0 7.1 7.9 6.2 6.5 68.3 70.5 6.4 6.7 6.0 6.2 9.4 9.4 7.9 8.7 2.8 2.8 27.3 31.4 41.0 42.4 5.1 8.3 30.5 36.9 15.2 16.3 76.9 78.7 76.5 76.5 69.1 76.1 123.5 115.3 38.5 38.0 51.4 51.9 13.4 13.5 57.9 47.4 76.5 76.3 14.4 16.3 121.1 126.5 35.2 38.0 102.1 104.2 9.5 9.8 148.4 145.7 19.2 21.0 10.8 12.6 11.3 11.3 12.9 13.1 63.5 64.2 76.6 75.6 15.9 15.6 66.2 69.2 Croissance (%)4 2012-21 2022-31 -0.04 1.92 0.69 2.04 -0.43 2.11 -1.80 3.04 2.15 -0.68 -0.06 0.53 1.17 1.19 -0.19 2.15 -0.72 0.84 -0.71 10.72 -0.72 -1.70 -0.08 0.08 0.08 -0.83 1.52 -1.14 2.24 -1.91 -0.87 2.49 0.63 -2.84 0.41 0.55 -0.89 3.28 2.08 2.20 0.25 -0.18 -0.13 -0.04 0.02 0.17 0.41 0.64 0.40 -0.12 0.99 -0.62 -0.01 0.02 0.11 0.16 0.26 0.39 0.31 -0.01 0.72 0.27 1.20 0.26 2.02 1.52 0.46 0.15 0.00 0.66 -0.48 0.01 0.30 0.15 -1.69 -0.02 0.66 0.44 0.51 0.06 -0.03 -0.11 0.25 -0.53 0.82 0.24 0.05 -0.17 -0.13 0.31 Note : Année commerciale : Voir le glossaire terminologique pour les définitions. 1. Comprend l'ensemble des pays de l'Union européenne (exclut le Royaume-Uni). 2. Continentale uniquement. Les économies de Taipei Chinois, Hong Kong (Chine) et Macao (Chine) sont comprises dans l'agrégat de l'Asie. 3. Exclut l'Islande et le Costa Rica mais comprend l'ensemble des membres de l'Union européenne. 4. Taux de croissance des moindres carrés (voir glossaire). Source : OCDE/FAO (2022), « Perspectives Agricoles de l'OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de l'OCDE (base de données). dx.doi.org/10.1787/ agr-outl-data-fr PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2022-2031 – © OCDE/FAO 2022 35 ANNEXE C Tableau C.17. Hypothèses concernant les marchés des céréales Année commerciale Moyenne 2019-21est 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029 2030 2031 % % 12.0 12.0 12.0 12.0 12.0 12.0 12.0 12.0 12.0 12.0 12.0 12.0 12.0 12.0 12.0 12.0 12.0 12.0 12.0 12.0 12.0 12.0 kt % % kt % % 350.0 1.1 61.7 399.0 0.7 58.0 350.0 1.1 61.7 399.0 0.7 58.0 350.0 1.1 61.7 399.0 0.7 58.0 350.0 1.1 61.7 399.0 0.7 58.0 350.0 1.1 61.7 399.0 0.7 58.0 350.0 1.1 61.7 399.0 0.7 58.0 350.0 1.1 61.7 399.0 0.7 58.0 350.0 1.1 61.7 399.0 0.7 58.0 350.0 1.1 61.7 399.0 0.7 58.0 350.0 1.1 61.7 399.0 0.7 58.0 350.0 1.1 61.7 399.0 0.7 58.0 Blé4 mln EUR 89.6 89.7 89.7 89.7 89.7 89.7 89.7 89.7 89.7 89.7 89.7 Riz5 mln EUR 55.6 55.6 55.6 55.6 55.6 55.6 55.6 55.6 55.6 55.6 55.6 101.3 ARGENTINE Production végétale taxe à l'exportation Riz taxe à l'exportation CANADA Contingents tarifaires1 Blé Droits de douane intra quota Droits de douane hors quota Orge Droits de douane intra quota Droits de douane hors quota UNION EUROPÉENNE2,3 Soutien couplé facultatif Céréales prix de référence6 EUR/t 101.3 101.3 101.3 101.3 101.3 101.3 101.3 101.3 101.3 101.3 Plafonds des paiements directs7 mrd EUR 42.0 42.3 42.3 42.3 42.3 42.3 42.3 42.3 42.3 42.3 42.3 Riz prix de référence8 EUR/t 150.0 150.0 150.0 150.0 150.0 150.0 150.0 150.0 150.0 150.0 150.0 kt 4 164.5 3 447.2 3 447.2 3 447.2 3 447.2 3 447.2 3 447.2 3 447.2 3 447.2 3 447.2 3 447.2 kt 4 451.4 4 434.1 4 435.1 4 436.1 4 437.1 4 438.1 4 439.1 4 440.1 4 441.1 4 442.1 4 442.1 kt '000 JPY/t '000 JPY/t kt '000 JPY/t '000 JPY/t kt '000 JPY/t '000 JPY/t 5 740.0 0.0 55.0 1 369.0 0.0 39.0 682.2 0.0 341.0 5 740.0 0.0 55.0 1 369.0 0.0 39.0 682.2 0.0 341.0 5 740.0 0.0 55.0 1 369.0 0.0 39.0 682.2 0.0 341.0 5 740.0 0.0 55.0 1 369.0 0.0 39.0 682.2 0.0 341.0 5 740.0 0.0 55.0 1 369.0 0.0 39.0 682.2 0.0 341.0 5 740.0 0.0 55.0 1 369.0 0.0 39.0 682.2 0.0 341.0 5 740.0 0.0 55.0 1 369.0 0.0 39.0 682.2 0.0 341.0 5 740.0 0.0 55.0 1 369.0 0.0 39.0 682.2 0.0 341.0 5 740.0 0.0 55.0 1 369.0 0.0 39.0 682.2 0.0 341.0 5 740.0 0.0 55.0 1 369.0 0.0 39.0 682.2 0.0 341.0 5 740.0 0.0 55.0 1 369.0 0.0 39.0 682.2 0.0 341.0 % kt % % kt % % kt % % 1.8 9 893.3 1.8 328.0 23.6 5.0 271.4 408.7 5.0 513.0 1.8 11 280.0 1.8 328.0 23.6 5.0 271.4 408.7 5.0 513.0 1.8 11 280.0 1.8 328.0 23.6 5.0 271.4 408.7 5.0 513.0 1.8 11 280.0 1.8 328.0 23.6 5.0 271.4 408.7 5.0 513.0 1.8 11 280.0 1.8 328.0 23.6 5.0 271.4 408.7 5.0 513.0 1.8 11 280.0 1.8 328.0 23.6 5.0 271.4 408.7 5.0 513.0 1.8 11 280.0 1.8 328.0 23.6 5.0 271.4 408.7 5.0 513.0 1.8 11 280.0 1.8 328.0 23.6 5.0 271.4 408.7 5.0 513.0 1.8 11 280.0 1.8 328.0 23.6 5.0 271.4 408.7 5.0 513.0 1.8 11 280.0 1.8 328.0 23.6 5.0 271.4 408.7 5.0 513.0 1.8 11 280.0 1.8 328.0 23.6 5.0 271.4 408.7 5.0 513.0 % % % 10.0 8.0 10.0 10.0 8.0 10.0 10.0 8.0 10.0 10.0 8.0 10.0 10.0 8.0 10.0 10.0 8.0 10.0 10.0 8.0 10.0 10.0 8.0 10.0 10.0 8.0 10.0 10.0 8.0 10.0 10.0 8.0 10.0 % % USD/t USD/t 5.0 8.0 124.2 86.6 5.0 8.0 124.2 86.6 5.0 8.0 124.2 86.6 5.0 8.0 124.2 86.6 5.0 8.0 124.2 86.6 5.0 8.0 124.2 86.6 5.0 8.0 124.2 86.6 5.0 8.0 124.2 86.6 5.0 8.0 124.2 86.6 5.0 8.0 124.2 86.6 5.0 8.0 124.2 86.6 kt % % % kt % % kt % % 9 636 2.3 65.0 2.0 7 200 1.0 65.0 5 320 2.3 51.7 9 636 2.3 65.0 2.0 7 200 1.0 65.0 5 320 2.3 51.7 9 636 2.3 65.0 2.0 7 200 1.0 65.0 5 320 2.3 51.7 9 636 2.3 65.0 2.0 7 200 1.0 65.0 5 320 2.3 51.7 9 636 2.3 65.0 2.0 7 200 1.0 65.0 5 320 2.3 51.7 9 636 2.3 65.0 2.0 7 200 1.0 65.0 5 320 2.3 51.7 9 636 2.3 65.0 2.0 7 200 1.0 65.0 5 320 2.3 51.7 9 636 2.3 65.0 2.0 7 200 1.0 65.0 5 320 2.3 51.7 9 636 2.3 65.0 2.0 7 200 1.0 65.0 5 320 2.3 51.7 9 636 2.3 65.0 2.0 7 200 1.0 65.0 5 320 2.3 51.7 9 636 2.3 65.0 2.0 7 200 1.0 65.0 5 320 2.3 51.7 Blé contingents tarifaires1 Céréales secondaires contingents tarifaires1 JAPON Blé contingents tarifaires Droits de douane intra quota Droits de douane hors quota Orge contingent tarifaire Droits de douane intra quota Droits de douane hors quota Riz contingent tarifaire Droits de douane intra quota Droits de douane hors quota CORÉE Blé tarif Maïs contingent tarifaire Droits de douane intra quota Droits de douane hors quota Orge contingent tarifaire Droits de douane intra quota Droits de douane hors quota Riz, contingent9 Droits de douane intra quota Droits de douane hors quota MERCOSUR Blé, droits de douane Céréales secondaires droits de douane10 Riz droits de douane ÉTATS-UNIS Taux de participation ARC Blé Céréales secondaires Taux de prêt du blé Taux de prêt du maïs CHINE Blé contingents tarifaires Droits de douane intra quota Droits de douane hors quota Céréales secondaires, droits de douane Maïs contingent tarifaire Droits de douane intra quota Droits de douane hors quota Riz contingent tarifaire Droits de douane intra quota Droits de douane hors quota 36 PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2022-2031 – © OCDE/FAO 2022 ANNEXE C Tableau C.17. 1. Année débutant le 1er juillet. 2. Depuis 2015, le régime de paiement de base est en vigueur et représente au maximum 68% des enveloppes nationales pour les paiements directs. De plus, des instruments obligatoires ont été introduits : les paiements "verts" (30%) et l'aide aux jeunes agriculteurs (2%). 3. Comprend l'ensemble des pays de l'Union européenne (exclut le Royaume-Uni). 4. Concerne essentiellement le blé dur. Mis en oeuvre dans 6 états membres. 5. Mis en oeuvre dans 6 états membres. 6. L'achat au prix de référence n’est possible automatiquement que pour le blé tendre à hauteur de 3 millions de tonnes par année de commercialisation. Au-delà de ce seuil et pour le blé dur, le maïs et l’orge, l’intervention ne peut avoir lieu que par appel d’offres. 7. Montants nets estimés pour tous les paiements directs basés sur l'Annexe II du Règlement UE N°1307/2013, en prenant en compte les transferts entre aides directes et enveloppes de développement rural. 8. L'intervention est fixée à zéro tonne par année de commercialisation. Néanmoins, la Commission peut intervenir si la situation du marché le nécessite. 9. Base riz usiné. 10. Appliqués uniquement par le Brésil. Source : OCDE/FAO (2022), « Perspectives Agricoles de l'OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de l'OCDE (base de données). dx.doi.org/10.1787/ agr-outl-data-fr PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2022-2031 – © OCDE/FAO 2022 37 ANNEXE C Tableau C.18.1. Projections du soja : Production et échanges Année commerciale MONDE AMÉRIQUE DU NORD Canada États-Unis AMÉRIQUE LATINE Argentine Brésil Chili Colombie Mexique Paraguay Pérou EUROPE Union européenne1 Royaume-Uni Russie Ukraine AFRIQUE Égypte Éthiopie Nigéria Afrique du Sud ASIE Chine2 Inde Indonésie Iran Japon Kazakhstan Corée Malaisie Pakistan Philippines Arabie saoudite Thaïlande Türkiye Viet Nam OCÉANIE Australie Nouvelle-Zélande PAYS DÉVELOPPÉS PAYS EN DÉVELOPPEMENT PAYS LES MOINS AVANCÉS (PMA) OCDE3 BRICS PRODUCTION (kt) Moyenne 2031 2019-21est 353 031 411 059 116 964 138 210 6 258 8 631 110 706 129 579 188 816 216 930 45 645 52 864 129 222 147 108 0 0 75 90 240 490 8 513 10 711 5 6 10 856 13 195 2 727 3 719 0 0 4 603 5 671 3 070 3 327 2 869 3 370 30 36 121 136 705 784 1 233 1 554 33 488 39 255 18 783 21 004 12 469 15 615 552 717 219 256 220 231 287 353 93 94 0 0 2 2 1 1 0 0 43 49 139 147 68 77 38 100 38 100 0 0 129 602 153 645 223 430 257 414 897 992 120 503 143 086 166 310 190 951 Croissance (%)4 2012-21 2022-31 2.91 2.96 2.29 3.00 2.65 -2.46 5.73 .. 0.93 -1.74 -1.18 0.00 7.31 11.33 .. 12.76 0.90 3.93 -0.56 9.24 1.86 7.59 2.98 5.49 0.74 -5.49 3.14 -0.29 5.68 -5.09 .. -12.20 0.00 .. -4.46 -0.98 -12.26 -2.82 -2.82 .. 3.30 2.67 1.98 3.06 5.36 0.99 0.85 2.65 0.74 0.94 0.88 0.86 .. 1.40 5.91 1.97 1.41 2.11 2.23 .. 2.06 2.31 1.39 0.96 0.85 0.90 1.96 1.35 1.20 1.57 1.32 1.40 0.25 1.71 0.19 .. 1.46 1.45 .. 1.39 0.77 1.25 3.80 3.80 .. 0.96 1.00 0.90 0.90 1.00 IMPORTATIONS (kt) Moyenne 2031 2019-21est 160 482 178 801 801 1 044 347 505 454 539 11 254 10 966 3 392 3 005 410 399 212 213 584 615 5 316 5 418 33 97 380 413 17 393 15 963 13 731 12 546 758 780 2 078 1 891 15 10 5 458 6 148 4 173 4 648 3 0 71 144 81 102 125 572 144 677 96 281 112 093 356 49 2 626 3 111 2 040 2 423 3 365 3 127 47 44 1 278 1 293 977 1 016 2 466 3 173 202 267 808 881 3 858 4 325 2 892 3 297 1 907 2 251 5 4 4 3 1 1 22 431 21 142 138 051 157 659 1 617 2 039 30 045 29 548 99 206 114 535 Croissance (%)4 2012-21 2022-31 5.97 -7.48 4.57 -13.31 9.90 752.34 -0.55 -1.18 0.13 5.02 -45.46 7.84 2.03 1.13 0.12 9.54 31.78 12.04 13.52 -57.23 147.50 14.93 6.23 5.92 88.82 4.20 20.22 2.37 8.15 0.06 7.50 27.70 17.02 13.62 9.05 8.16 5.07 9.66 15.38 0.00 1.59 6.83 21.51 1.96 5.97 0.72 1.18 2.79 -0.14 0.51 0.01 1.03 0.93 0.91 0.93 1.12 0.90 -1.16 -1.26 0.26 -1.84 -0.34 0.99 0.92 .. 7.28 -2.00 0.95 0.94 -17.85 1.70 1.45 -0.16 -2.66 -0.02 0.30 2.09 1.90 1.31 0.98 1.21 1.16 -0.24 -0.33 -0.02 -0.83 0.95 2.13 -0.19 0.86 EXPORTATIONS (kt) Moyenne 2031 2019-21est 158 486 178 801 59 224 65 294 4 059 5 551 55 165 59 744 95 316 109 208 9 506 12 307 78 097 87 416 2 2 0 0 5 3 5 350 6 917 0 0 3 312 3 585 223 279 0 0 1 316 1 551 1 766 1 747 168 152 13 0 79 84 10 8 2 1 463 551 236 309 64 80 4 5 20 17 0 0 13 0 0 0 10 9 0 0 0 0 0 0 5 3 5 5 67 89 2 11 2 11 0 0 62 554 68 891 95 932 109 910 20 17 59 461 65 595 79 716 89 357 Croissance (%)4 2012-21 2022-31 4.86 3.70 2.78 3.77 5.54 -6.04 8.55 65.73 -42.87 49.67 0.04 .. 8.62 8.76 .. 43.45 0.77 -0.02 -58.57 11.43 99.50 -30.97 -3.41 -4.51 -10.73 8.36 16.73 .. 53.54 .. -15.12 .. .. .. -19.35 -19.17 149.00 -10.09 -10.10 .. 3.90 5.48 -2.53 3.71 8.66 0.72 0.67 2.35 0.52 0.74 0.91 0.58 -0.92 .. 0.00 2.37 .. 1.34 1.72 .. 0.00 2.64 -0.41 .. 0.34 -1.65 0.18 0.19 0.00 4.05 -0.22 -1.42 .. .. .. -0.30 .. .. .. -0.97 -0.83 -1.14 5.35 5.35 .. 0.70 0.73 -0.85 0.67 0.57 .. Non disponible Note : Année commerciale : Voir le glossaire terminologique pour les définitions.Moyenne 2019-21est: Les données pour 2021 sont estimées. 1. Comprend l'ensemble des pays de l'Union européenne (exclut le Royaume-Uni). 2. Continentale uniquement. Les économies de Taipei Chinois, Hong Kong (Chine) et Macao (Chine) sont comprises dans l'agrégat de l'Asie. 3. Exclut l'Islande et le Costa Rica mais comprend l'ensemble des membres de l'Union européenne. 4. Taux de croissance des moindres carrés (voir glossaire). Source : OCDE/FAO (2022), « Perspectives Agricoles de l'OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de l'OCDE (base de données). dx.doi.org/10.1787/ agr-outl-data-fr 38 PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2022-2031 – © OCDE/FAO 2022 ANNEXE C Tableau C.18.2. 1. Comprend l'ensemble des pays de l'Union européenne (exclut le Royaume-Uni). 2. Continentale uniquement. Les économies de Taipei Chinois, Hong Kong (Chine) et Macao (Chine) sont comprises dans l'agrégat de l'Asie. 3. Exclut l'Islande et le Costa Rica mais comprend l'ensemble des membres de l'Union européenne. 4. Taux de croissance des moindres carrés (voir glossaire). Source : OCDE/FAO (2022), « Perspectives Agricoles de l'OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de l'OCDE (base de données). dx.doi.org/10.1787/ agr-outl-data-fr PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2022-2031 – © OCDE/FAO 2022 39 ANNEXE C Tableau C.19.1. 0.00 6.25 5.46 8.82 9.53 2.36 0.33 1.49 .. .. -13.40 0.65 -1.84 -4.39 5.41 10.86 -1.46 -1.68 2.13 1.53 1.26 7.20 0.00 -0.08 3.27 3.70 4.98 6.29 0.00 3.57 0.48 8.78 2.28 -1.63 1.27 0.11 -0.28 0.26 1.38 0.00 0.00 1.97 -0.02 1.41 .. .. 0.39 0.46 0.25 0.31 -0.09 0.76 0.24 55.00 .. -0.26 1.91 4.15 0.55 -1.26 0.21 -0.08 -0.10 0.22 1.19 0.74 1.02 0.79 -0.66 -1.62 -0.39 0.10 0.00 0.00 0.27 2.24 4.00 0.31 3.85 EXPORTATIONS (kt) Moyenne 2031 2019-21est 22 380 25 799 9 249 12 247 8 578 11 474 671 773 1 044 1 197 651 711 174 223 9 8 0 0 2 2 27 35 0 0 6 148 7 343 842 877 94 130 1 813 1 929 2 672 3 577 374 429 22 22 0 0 14 13 2 1 2 112 2 305 697 679 701 919 1 1 1 1 0 0 458 498 0 0 3 3 0 0 0 0 0 0 4 4 22 13 35 36 3 454 2 278 3 454 2 278 0 0 19 339 22 395 3 041 3 403 315 370 13 688 15 571 3 386 3 752 Croissance (%)4 2012-21 2022-31 2.54 -1.04 -1.12 -0.25 6.90 4.99 16.57 10.71 .. -4.37 -2.01 .. 6.05 -0.80 -22.75 32.91 6.82 14.29 6.87 .. -8.24 -12.45 6.84 3.69 10.40 0.90 0.00 .. 18.92 .. 0.00 -72.37 .. .. -0.76 -4.58 8.45 0.98 0.98 .. 2.02 6.47 22.54 -0.52 15.51 1.27 3.01 3.15 1.14 0.95 0.49 2.15 -1.64 .. 0.00 3.46 .. 1.09 -0.42 -0.98 -1.22 3.21 -0.09 -0.24 .. -2.63 -0.14 0.50 0.00 0.71 0.12 -0.02 .. 1.23 .. -1.17 .. .. .. 0.48 0.32 0.39 -3.06 -3.06 .. 1.39 0.48 0.00 1.41 -0.39 .. Non disponible Note : Année commerciale : Voir le glossaire terminologique pour les définitions. Moyenne 2019-21est : Les données pour 2021 sont estimées. 1. Comprend l'ensemble des pays de l'Union européenne (exclut le Royaume-Uni). 2. Continentale uniquement. Les économies de Taipei Chinois, Hong Kong (Chine) et Macao (Chine) sont comprises dans l'agrégat de l'Asie. 3. Exclut l'Islande et le Costa Rica mais comprend l'ensemble des membres de l'Union européenne. 4. Taux de croissance des moindres carrés (voir glossaire). Source : OCDE/FAO (2022), « Perspectives Agricoles de l'OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de l'OCDE (base de données). dx.doi.org/10.1787/ agr-outl-data-fr 40 PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2022-2031 – © OCDE/FAO 2022 ANNEXE C Tableau C.19.2. Projections des autres oléagineux : Consommation, trituration domestique Année commerciale MONDE AMÉRIQUE DU NORD Canada États-Unis AMÉRIQUE LATINE Argentine Brésil Chili Colombie Mexique Paraguay Pérou EUROPE Union européenne1 Royaume-Uni Russie Ukraine AFRIQUE Égypte Éthiopie Nigéria Afrique du Sud ASIE Chine2 Inde Indonésie Iran Japon Kazakhstan Corée Malaisie Pakistan Philippines Arabie saoudite Thaïlande Türkiye Viet Nam OCÉANIE Australie Nouvelle-Zélande PAYS DÉVELOPPÉS PAYS EN DÉVELOPPEMENT PAYS LES MOINS AVANCÉS (PMA) OCDE3 BRICS CONSOMMATION (kt) Moyenne 2031 2019-21est 159 859 187 596 14 625 15 924 10 118 10 832 4 506 5 091 6 713 7 617 3 818 3 970 433 620 226 230 9 10 1 461 1 920 190 210 7 8 67 754 80 891 32 502 37 354 1 840 2 159 16 402 20 029 15 017 19 156 9 376 10 599 171 170 100 114 2 112 2 478 965 1 141 60 366 71 436 31 863 38 061 14 322 17 114 707 752 518 575 2 311 2 473 752 971 44 44 46 51 1 988 2 350 110 128 7 7 143 153 2 888 3 192 472 509 1 026 1 130 1 009 1 113 14 14 87 921 103 055 71 938 84 541 6 846 7 913 57 211 64 753 63 984 76 964 Croissance (%)4 2012-21 2022-31 2.29 3.34 4.21 1.60 1.54 3.30 2.10 3.16 0.00 -2.10 -2.99 0.00 3.00 0.83 -0.63 6.41 5.28 0.50 0.15 -2.54 -0.29 2.96 1.67 0.71 3.49 -3.22 7.61 -1.44 6.15 0.76 1.46 0.72 5.80 0.00 0.11 3.37 3.10 2.28 2.32 0.00 2.97 1.51 1.22 1.36 2.60 1.22 0.71 0.72 0.67 0.93 0.39 3.13 0.32 0.07 1.37 1.19 0.78 1.33 0.99 0.46 1.77 1.72 1.18 0.96 1.14 1.44 1.08 1.26 1.34 1.31 0.63 0.99 -0.08 1.57 0.08 1.21 1.27 1.10 1.11 0.52 1.10 1.01 1.09 1.11 -0.03 1.19 1.26 1.29 0.87 1.45 TRITURATION DOMESTIQUE (kt) Moyenne 2031 2019-21est 138 267 166 205 12 373 13 628 9 682 10 349 2 691 3 279 6 239 7 085 3 684 3 833 353 499 207 209 8 8 1 349 1 821 157 170 3 3 63 058 75 870 29 804 34 727 1 765 2 084 15 670 19 125 14 060 17 983 5 663 6 109 119 113 62 73 739 805 867 1 017 50 027 62 498 25 059 33 279 12 740 15 194 279 316 476 527 2 167 2 329 597 759 40 40 45 50 1 835 2 163 97 114 5 5 88 97 2 678 2 953 358 381 908 1 015 896 1 003 11 11 80 425 95 106 57 842 71 099 4 759 5 330 51 557 59 108 54 689 69 114 Croissance (%)4 2012-21 2022-31 2.57 3.23 4.06 0.66 1.85 3.92 1.32 3.30 0.00 -2.06 -3.25 0.00 3.12 0.68 -0.62 6.84 5.73 0.80 1.25 -2.94 -0.31 2.89 2.05 1.01 3.87 3.29 7.68 -2.15 6.35 0.86 1.51 0.73 6.73 0.00 0.04 3.40 3.21 2.17 2.20 0.00 3.02 1.97 1.37 1.17 3.13 1.43 0.69 0.69 0.70 0.89 0.39 2.95 0.26 0.09 1.41 1.03 0.70 1.43 1.06 0.48 1.76 1.95 0.70 0.89 1.32 0.37 1.08 1.75 2.30 1.30 1.08 0.97 -0.08 1.50 0.09 1.22 1.24 1.09 1.10 0.80 1.08 0.87 1.22 1.24 0.00 1.27 1.65 0.97 0.92 1.91 Note : Année commerciale : Voir le glossaire terminologique pour les définitions. 1. Comprend l'ensemble des pays de l'Union européenne (exclut le Royaume-Uni). 2. Continentale uniquement. Les économies de Taipei Chinois, Hong Kong (Chine) et Macao (Chine) sont comprises dans l'agrégat de l'Asie. 3. Exclut l'Islande et le Costa Rica mais comprend l'ensemble des membres de l'Union européenne. 4. Taux de croissance des moindres carrés (voir glossaire). Source : OCDE/FAO (2022), « Perspectives Agricoles de l'OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de l'OCDE (base de données). dx.doi.org/10.1787/ agr-outl-data-fr PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2022-2031 – © OCDE/FAO 2022 41 ANNEXE C Tableau C.20.1. 4.91 -0.37 8.28 1.95 0.06 6.96 -0.37 -0.41 -0.16 -4.79 -6.91 -3.72 -16.63 23.57 21.66 -6.64 4.24 27.22 12.70 4.81 -0.59 0.19 -0.04 -0.92 1.58 -9.42 3.85 10.51 0.45 3.72 5.80 4.03 6.48 3.04 0.19 3.28 10.84 0.70 12.76 0.97 -0.25 -1.34 0.09 1.29 .. 0.00 0.62 2.04 0.43 0.64 2.64 -0.92 -1.06 -0.93 -0.02 0.27 3.44 12.03 4.82 0.38 0.56 1.77 2.04 12.41 0.84 0.33 -0.25 -0.18 0.70 0.38 10.20 1.96 1.86 1.15 2.18 2.22 1.86 2.44 1.56 -0.39 1.87 4.83 -0.08 2.65 EXPORTATIONS (kt) Moyenne 2031 2019-21est 90 689 101 540 17 860 21 867 5 132 5 541 12 728 16 325 47 915 54 072 27 693 30 213 16 476 20 203 1 1 102 85 22 22 1 875 1 998 5 5 10 452 13 434 2 072 2 256 394 537 2 567 3 131 5 130 7 225 691 503 8 5 0 0 188 177 33 32 13 704 11 575 1 088 996 2 735 1 101 5 491 5 180 10 10 3 3 176 225 43 39 2 504 2 509 66 43 343 288 12 5 12 12 235 222 47 36 65 90 12 12 0 0 28 554 35 586 62 135 65 954 356 213 20 770 25 068 22 900 25 463 Croissance (%)4 2012-21 2022-31 0.79 3.05 4.67 2.45 -0.20 -0.63 0.68 0.00 5.92 0.84 -2.38 0.00 3.73 0.11 11.05 3.91 5.25 1.76 18.06 .. 2.02 -3.82 -0.06 -6.83 -1.11 4.83 -24.55 16.73 7.20 -16.46 -0.22 -13.22 -4.79 45.46 8.61 12.74 -10.07 -8.82 -22.04 .. 3.24 -0.20 2.36 2.71 -0.11 0.97 1.78 0.54 2.24 1.24 0.69 2.37 -0.06 -2.00 0.00 0.94 -0.63 2.25 1.72 1.42 2.50 2.46 -3.61 -1.27 .. -0.38 -0.24 -2.29 -0.25 -11.04 -0.83 -0.04 0.00 1.57 0.00 -0.38 -3.82 -1.92 -0.53 -0.11 -2.02 -1.14 -0.11 0.00 .. 1.95 0.48 -5.97 1.70 1.12 .. Non disponible Note : Moyenne 2019-21est : Les données pour 2021 sont estimées. 1. Comprend l'ensemble des pays de l'Union européenne (exclut le Royaume-Uni). 2. Continentale uniquement. Les économies de Taipei Chinois, Hong Kong (Chine) et Macao (Chine) sont comprises dans l'agrégat de l'Asie. 3. Exclut l'Islande et le Costa Rica mais comprend l'ensemble des membres de l'Union européenne. 4. Taux de croissance des moindres carrés (voir glossaire). Source : OCDE/FAO (2022), « Perspectives Agricoles de l'OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de l'OCDE (base de données). dx.doi.org/10.1787/ agr-outl-data-fr 42 PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2022-2031 – © OCDE/FAO 2022 ANNEXE C Tableau C.20.2. Projections des tourteaux protéiques : Consommation Année commerciale Croissance (%)4 CONSOMMATION (kt) MONDE AMÉRIQUE DU NORD Canada États-Unis AMÉRIQUE LATINE Argentine Brésil Chili Colombie Mexique Paraguay Pérou EUROPE Union européenne1 Royaume-Uni Russie Ukraine AFRIQUE Égypte Éthiopie Nigéria Afrique du Sud ASIE Chine2 Inde Indonésie Iran Japon Kazakhstan Corée Malaisie Pakistan Philippines Arabie saoudite Thaïlande Türkiye Viet Nam OCÉANIE Australie Nouvelle-Zélande PAYS DÉVELOPPÉS PAYS EN DÉVELOPPEMENT PAYS LES MOINS AVANCÉS (PMA) OCDE3 BRICS Moyenne 2019-21est 358 503 44 658 2 970 41 688 44 237 4 146 21 831 1 401 2 325 7 168 733 1 816 65 031 47 862 4 007 7 628 2 175 14 231 3 766 131 1 478 2 087 186 248 97 332 19 644 8 034 4 222 5 463 319 4 579 2 370 4 364 3 779 2 306 6 908 6 553 7 807 4 098 1 821 2 198 124 115 234 388 6 223 130 264 148 521 2031 2012-21 2022-31 409 437 47 243 3 386 43 857 50 158 4 847 24 425 1 319 2 971 7 748 1 022 2 350 65 892 47 829 3 727 8 954 1 939 17 452 4 632 169 1 777 2 386 223 863 114 934 26 220 10 573 4 977 5 251 412 4 798 2 744 6 064 4 749 2 689 7 911 7 777 9 692 4 829 2 182 2 571 129 073 280 364 8 445 135 963 176 918 3.42 2.55 1.19 2.65 3.62 2.01 4.93 -0.14 6.01 3.28 1.54 6.61 1.31 0.41 -0.87 8.45 4.95 2.81 4.98 4.21 10.37 0.81 4.48 5.23 3.01 4.62 5.44 0.20 4.99 -0.29 2.97 2.08 5.13 11.51 4.03 4.69 5.96 3.29 3.70 3.02 1.78 4.38 6.11 1.60 4.94 1.15 0.81 1.91 0.73 1.36 1.56 1.20 0.65 1.92 1.28 2.63 2.41 -0.07 -0.32 -0.73 1.19 0.52 1.98 2.26 2.63 0.95 1.24 1.50 1.16 2.84 2.19 0.87 -0.31 1.52 0.52 1.69 3.07 2.16 1.72 1.14 1.76 2.06 1.54 1.54 1.56 0.36 1.54 2.55 0.43 1.40 Note : Moyenne 2019-21est : Les données pour 2021 sont estimées. 1. Comprend l'ensemble des pays de l'Union européenne (exclut le Royaume-Uni). 2. Continentale uniquement. Les économies de Taipei Chinois, Hong Kong (Chine) et Macao (Chine) sont comprises dans l'agrégat de l'Asie. 3. Exclut l'Islande et le Costa Rica mais comprend l'ensemble des membres de l'Union européenne. 4. Taux de croissance des moindres carrés (voir glossaire). Source : OCDE/FAO (2022), « Perspectives Agricoles de l'OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de l'OCDE (base de données). dx.doi.org/10.1787/ agr-outl-data-fr PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2022-2031 – © OCDE/FAO 2022 43 ANNEXE C Tableau C.21.1. -17.03 -16.95 1.54 -4.37 9.11 3.16 -7.77 -4.25 15.63 1.65 -0.91 -12.14 0.08 23.92 4.98 -4.03 4.05 2.97 3.82 .. 5.56 1.64 6.74 2.02 7.73 0.71 2.90 0.69 13.24 -0.10 0.11 -2.64 -0.16 -0.53 0.00 1.19 -0.14 1.74 0.92 0.06 1.74 2.16 -2.71 -2.28 .. -1.69 -0.91 0.50 0.00 -1.21 0.58 -0.73 0.00 -1.08 0.01 0.58 -1.89 -1.28 -1.32 3.12 -0.30 -1.30 0.48 1.48 .. 1.95 0.34 -3.88 1.68 1.02 .. Non disponible Note : Moyenne 2019-21est: Les données pour 2021 sont estimées. 1. Comprend l'ensemble des pays de l'Union européenne (exclut le Royaume-Uni). 2. Continentale uniquement. Les économies de Taipei Chinois, Hong Kong (Chine) et Macao (Chine) sont comprises dans l'agrégat de l'Asie. 3. Exclut l'Islande et le Costa Rica mais comprend l'ensemble des membres de l'Union européenne. 4. Taux de croissance des moindres carrés (voir glossaire). Source : OCDE/FAO (2022), « Perspectives Agricoles de l'OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de l'OCDE (base de données). dx.doi.org/10.1787/ agr-outl-data-fr 44 PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2022-2031 – © OCDE/FAO 2022 ANNEXE C Tableau C.21.2. 1. Comprend l'ensemble des pays de l'Union européenne (exclut le Royaume-Uni). 2. Continentale uniquement. Les économies de Taipei Chinois, Hong Kong (Chine) et Macao (Chine) sont comprises dans l'agrégat de l'Asie. 3. Exclut l'Islande et le Costa Rica mais comprend l'ensemble des membres de l'Union européenne. 4. Taux de croissance des moindres carrés (voir glossaire). Source : OCDE/FAO (2022), « Perspectives Agricoles de l'OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de l'OCDE (base de données). dx.doi.org/10.1787/ agr-outl-data-fr PERSPECTIVES AGRICOLES DE L'OCDE ET DE LA FAO 2022-2031 – © OCDE/FAO 2022 45 ANNEXE C Tableau C.22. Hypothèses concernant les marchés des oléagineux Année commerciale ARGENTINE Taxe à l'exportation Soja Autres oléagineux Tourteaux de soja Huile de soja CANADA Droits de douane Huile de palme UNION EUROPÉENNE1,2 Soutien couplé facultatif Soja Droits de douane Huile de soja Huile de colza CORÉE Contingent tarifaire, soja Droits de douane intra quota Droits de douane hors quota Soja (alim.
50,701
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French-Science-Pile
Open Science
Various open science
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Spoken
5,123
8,546
et thode cès dans un application : Enseignant du Centre Asso cié : K. BARKAOUI M. MISSON M. SCHNEIDER A. FREITAS A. GUITTON In géni eurs : P. LLAMAS P. LAFARGUETTE préambule de ce mémoire, je souhaite adresser mes remerciements à toutes les personnes qui ont contribué à faire de cette expérience une aventure unique. Mon stage s' roul au sein de deux ires, remerciements seront organis en deux parties l'une période MOS . Remerciements LIMOS En premier lieu, je tiens sincèrement à remercier mon directeur de stage M. Michel Misson, Professeur au LIMOS, qui m'a accueilli dans son équipe et qui m'a apporté aide et soutien tout au long du stage. Je remercie également M. Gérard Chalhoub, mon encadrant technique, pour les indications qu'il m'a fourni. Ensuite, je tiens à remercier l'ensemble des membres de l'équipe Réseaux et Protocoles pour leur accueil chaleureux. Je souhaite en particulier exprimer ma gratitute à M. Alexandre Guitton, Maı̂tre de Conférences, pour l'aide continue qu'il m'a apporté avec gentillesse et professionalisme, notamment lors de l'élaboration et de la relecture du mémoire. Egalement, je tiens à remercier M. Francois Delobel, Maı̂tre de Conférences, pour sa disponibilité et ses precieux conseils en matière de programmation système. Puis, je souhaite remercier toutes les personnes et amis que j'ai cotoyé au laboratoire, en particulier, Nancy El Rachkidy, doctorante, pour sa bonne humeur et l'aide considérable qu'elle m'a fourni lors de la rédaction du mémoire. Je remercie également Hervé (mon camarade CNAM et ami de toujours), Nassima (pour sa maitrise de xfig et son humour kabyle), Chakib (Gibson forever!) et Stéphane. Enfin, je remercie mes proches pour m'avoir apporté leur soutien durant cette période. Je pense particulièrement à ma mère, à qui je dédie l'ensemble de mon travail, et à toute ma famille, toujours unie dans les épreuves. J'embrasse, au passage, ma merveilleuse petite nièce Ariane, nouvellement entrée dans la famille. Remerciements LRTCS Je tiens tout d'abord à saluer l'excellente qualité de l'accueil qui m'a été fait au sein du LRCTS et souligner la bonne ambiance qui règne parmi ses occupants, faisant de ce laboratoire un lieu de travail agréable et enrichissant. Je remercie M. Nadir Hakem, Professeur-chercheur à l'Université du Quebec de l'AbitibiTémiscamingue pour sa disponibilité et ses conseils. Je tiens également à remercier M. Mohammed Ailas, mon tuteur de projet, et Maxim Belleau, technicien au laboratoire qui m'a accompagné durant mes excursions minières. Merci également à M. Mourad Nedil et à ses précieuses explications sur les affres du comportement du signal et sur l'histoire de l'Algérie. Enfin, je tiens à remercier particulièrement mon extraordinaire logeuse Linda, mes collocataires Carl, Jessica et Rosine ainsi que toute la "band" de fêtards (Jess, Carine, Kim) avec qui j'ai passé des moments inoubliables. Table des matières 1.2 1.3 1.4 11 11 1.1.1 Le LIMOS............................... 11 1.1.2 L'équipe Réseaux et Protocoles................... 12 Thématique abordée............................. 13 1.2.1 13 1.2.2 Le projet OCARI.............. ............. 15 1.2.3 Le protocole MaCARI........................ 18 1.2.4 Travaux de l'équipe Réseaux et Protocoles sur MaCARI..... 19 Objectifs du stage............................... 19 1.3.1 20 1.3.2 Objectif................................ 20 1.3.3 Déroulement.............................. 20 Organisation du mémoire........................... 21 23 Principaux standards pour les réseaux de capteurs sans fil........ 23 2.1.1 24 IEEE 802.15.4............................. 1 2.1.1.1 Couche physique IEEE 802.15.4.............. 25 2.1.1.2 Couche MAC IEEE 802.15.4................ 27 2.1.2 ZigBee.................... 32 2.1.3 Solutions alternatives ......................... 37 2.1.3.1 WirelessHART....................... 37 2.1.3.2 ISA 100.11a......................... 39 2.1.3.3 Protocoles non standardisés................ 41 41 MaCARI.................................... 43 2.2.1 Synchronisation et découpage temporel............... 45 2.2.2 Accès au médium 48 2.2.3 Création du réseau et gestion de la topologie............ 48 2.2.4 Affectation des adresses hiérarchiques................ 49 2.2.5 Relais garanti pour une différenciation de service......... 49 2.2.6 Estampillage temporel des trames.................. 50 2.2.7 Exemple de cycle global.......... 2.2.8 Acheminement de bout en bout en moins de quatre cycles.... 50 2.2.9 54 Plateforme de développement........................ 54 2.3.1 Plateforme matérielle Crossbow TelosB............... 55 2.3.2 Le Système d'exploitation TinyOS et le langage NesC....... 55 2.1.4 2.2 2.3 3 Contribution : implémentation de MaCARI sur TelosB 3.1 Base logicielle de l'implémentation de MaCARI.............. 3.1.1 3.1.2 57 57 Implémentation du standard IEEE 802.15.4 de l'Institut Polytechnique de Porto............................ 58 3.1.1.1 Fonctionnalités supportées par CISTER15.4....... 58 3.1.1.2 Architecture de CISTER15.4............... 58 3.1.1.3 Caractéristiques de CISTER15.4............. 60 Implémentation du standard IEEE 802.15.4 de l'Université Technique de Berlin............................ 2 60 3.1.3 3.2 3.3 3.1.2.1 Fonctionnalités supportées par TKN15.4......... 61 3.1.2.2 Architecture de TKN15.4............ 3.1.2.3 Caractéristiques de TKN15.4............... 65 Implémentation de MaCARI sur TelosB 66 3.2.1 Fonctionnalités............................ 66 3.2.2 Architecture et mécanismes de l'implémentation.......... 67 3.2.2.1 Les composants et les interfaces de la couche PHY... 69 3.2.2.2 Les composants et les interfaces de la couche MaCARI. 69 Adaptation et optimisation de l'implémentation de MaCARI....... 78 3.3.1 3.3.2 Phase de chargement de trame dans le buffer d'envoi du module radio.................................. 78 Période de synchronisation...................... 82 4 Évaluation 85 4.1 Synchronisation................................ 85 4.2 Les méthodes d'accès............................. 89 4.2.1 Phase de transmission physique des trames............. 89 4.2.2 Envoi direct........ 91 4.2.3 Envoi avec CSMA / CA slotté ..................... 91 4.2.3.1 Débit maximum...................... 91 4.2.3.2 Période de collecte..................... 92 4.2.3.3 Période de routage..................... 94 Délai de bout en bout............................ 96 4.3.1 Durée d'un cycle MaCARI...................... 97 4.3.2 Trafic prioritaire à destination du CPAN.............. 99 4.3.3 Trafic prioritaire à destination quelconque............. 99 Consommation énergétique.......................... 100 4.3 4.4 5 Mise en oeuvre 5.1 105 Contexte.................................... 5.1.1 105 Le laboratoire de recherche Télébec en communication souterraines 106 3 5.2 5.1.2 La mine-laboratoire CANMET................... 106 5.1.3 Les mines souterrain es et l'industrie minière............ 107 Description de l'application et de son implémen-tation.......... 108 5.2.1 Description de l'application..................... 108 5.2.2 Implémentation de l'application au dessus du protocole MaCARI 109 5.3 Configuration de MaCARI.......................... 111 5.4 Étude de portée et déploiement dans la mine................ 113 5.4.1 Étude de la portée des cartes TelosB................ 113 5.4.1.1 Portée en milieu ouvert sans obstacle........... 113 5.4.1.2 Portée en milieu souterrain............. 114 5.4.1.3 Conclusion sur la portée des cartes TelosB en milieu souterrain............................ 118 Déploiements dans la mine...................... 118 Évaluation de l'application.......................... 120 5.5.1 Étude du trafic non prioritaire.................... 121 5.5.2 Évaluation du délai de bout en bout du mécanisme d'alarme... 123 5.5.3 Consommation énergétique...................... 125 5.5.3.1 126 5.4.2 5.5 Bilan 6 Conclusion 127 6.1 128 6.2 129 A Correspondance technique 131 B Liste des abreviations 143 C Glossaire 147 1.1 Exemple d'un réseau de capteurs sans fil relié à un système de contrôle via une passerelle.................................. 14 1.2 Topologie du réseau industriel OCARI.................... 16 1.3 Topologie du réseau industriel OCARI ..... 17 1.4 Le cycle de MaCARI est organisé en trois périodes............. 18 2.1 Types de topologies disponibles pour le standard IEEE 802.15.4...... 25 2.2 Représentation des canaux disponibles pour le standard IEEE 802.15.4. . 26 2.3 Représentation des différentes périodes d'un cycle global.......... 28 2.4 Algorithme du CSMA/CA slotté....................... 29 2.5 Algorithme du CSMA/CA non slotté..................... 31 2.6 Représentation de la pile IEEE 802.15.4/ZigBee............... 32 2.7 Réseau avec une topologie arborescente... ................ 34 2.8 Exempl e de topologie arborescente et de l'adressage hi érarchique ..... 35 2.9 Exemple d'un réseau WirelessHART ma illé ................. 38 2.10 Exemple d'un réseau ISA100 connecté au réseau d'une usine ........ 40 2.11 Exemple de topologie d'un réseau OCARI.................. 44 2.12 Le cycle global de MaCARI........ 2.13 Princip e de la cascade de beacon dans MaCARI............... 46 2.14 Période d'activité suivie par un intervalle de relais............. 47 2.15 Décomposition d'un cycle MaCARI...................... 51 2.16 Représentation du délai d'acheminement maximum de bout en bout dans MaCARI.................................... 53 2.17 Carte Crosbow TelosB............................. 55 3.1 Organisation de l'architecture de l'implémentation CISTER15.4...... 59 3.2 Représentation des évènements du timer................... 59 3.3 Représentation des composants logiciels de la couche MAC TKN15.4... 62 3.4 Représentation d'un exemple de transmission du jeton entre les composants. 64 3.5 Représentation de l'architecture de l'implémentation de MaCARI..... 3.6 Représentation des mécanismes de passage de jeton et de l'accès à la ressource radio................................... 68 70 3.7 Représentation du rôle des composants durant la période de synchronisation. 72 3.8 Représentation de la gestion du jeton par l'ordonnanceur des périodes d'activité...................................... 3.9 74 Représentation des composants responsables des échanges de données durant l'intervalle [T1 ; T3 ]............................. 3.10 Représentation de la répartition des trames dans les files d'attente.... 75 77 3.11 Représentation du bus SPI reliant le module radio et le microprocesseur. 79 3.12 Temps de chargement d'une trame dans le buffer d'envoi.......... 79 3.13 Impact du DMA sur le temps de chargement dans le buffer d'envoi.... 81 3.14 Impact du cadencement du DCO à 8 MHz sur le temps de chargement.. 81 3.15 Les trois phases qui composent un intervalle de cascade de beacons.... 83 3.16 Évaluation de la durée cumulée des trois phases délimitant un intervalle de cascade de beacons............................. 4.1 Représentation de la topologie arborescente utilisée pour évaluer la synchronisation................ 4.2 83 86 Exemple de mesures réalisées avec l'analyseur d'états logiques sur la précision de la synchronisation dans un réseau MaCARI............... 6 87 4.3 Évolution de la synchronisation par rapport au CPAN en fonction de la durée du cycle, pour la topologie en arbre illustrée sur la figure 4.1.... 88 4.4 Durée de transmission effective en fonction de la taille des trames envoyées. 90 4.5 Débit en fonction de la taille des trames envoyées.............. 90 4.6 Évaluation du débit maximal selon la méthode d'accès........... 92 4.7 Photographie de cartes TelosB formant une topologie en étoile....... 93 4.8 Nombre de trames reçues par le coordinateur en fonction du nombre de feuilles et du nombre de trames émises par chaque feuille (trames de 50 octets avec acquittement)........................... 93 4.9 Topologie linéaire simple pour évaluer la période [T2 ; T3 ].......... 94 5.1 Coupe transversale de la mine-laboratoire CANMET............ 107 5.2 Galerie d'une mine d'or à Val d'or (Canada)................. 108 5.3 Topologie du réseau linéaire utilisé pour l'expérimentation de l'application. 111 5.4 Étude de la portée en milieu ouvert sans obstacle.............. 114 5.5 Disposition dans la mine de l'expérimentation, en LOS........... 115 5.6 Mesures du RSSI, du taux de trames reçues et du LQI, en LOS...... 115 5.7 Étude de la portée dans un virage de la rampe, en NLOS.......... 116 5.8 Mesures du RSSI, du taux de trames reçues et du LQI, en NLOS..... 116 5.9 Étude de la portée dans le cas d'un relief inégal, en N LOS......... 117 5.10 Mesures du RSSI, du taux de trames reçues et du LQI, pour un relief inégal, en NLOS................................ 117 5.11 Boitier étanche contenant une carte TelosB (en haut à gauche), et photos de la disposition du CPAN dans la mine................... 118 5.12 Disposition des noeuds pour le déploiement A dans la mine......... 119 5.13 Disposition des noeuds pour le déploiement B dans la mine......... 120 5.14 Étude du trafic non prioritaire généré par le coordinateur C10 durant [T2 ; T3 ].122 5.15 Étude du trafic non prioritaire généré par trois coordinateurs géographiquement éloignés durant [T2 ; T3 ].............. 122 5.16 Représentation des délais d'acheminement mesurés entre l'émission et la réception de chaque alarme émise....................... 7 124 8 Liste des tableaux 1.1 Effectif du LIMOS............................... 1.2 Classification des applications selon l'importance opérationnelle des messages. 12 15 2.1 Débit selon la modulation et la fréquence.................. 26 2.2 Valeur de Cskip selon la profondeur du noeud pour Lm = 3, Cm = 3 et Rm = 2..................................... 35 2.3 Comparatif entre les standards........................ 42 3.1 Description des fonctions fournies par les composants logiciels de TKN15.4. 63 3.2 Bilan comparatif entre CISTER15.4 et TKN15.4.............. 66 4.1 État du module radio au cours d'un cycle MaCARI selon la période.... 101 4.2 Consommation énergétique d'une carte TelosB selon l'état du module radio.102 5.1 Résultats de l'expérimentation du mécanisme d'alarme.... Chapitre 1 Introduction Ce mémoire constitue la synthèse des travaux réalisés pendant le stage de dix mois que j'ai effectué dans le cadre de la formation d'ingénieur CNAM en informatique, au sein d'un laboratoire de recherche en informatique. Ce chapitre décrit tout d'abord le laboratoire et ses activités, puis il introduit le projet de recherche abordé et sa problématique. Ensuite il présente l'objectif du stage et mon rôle dans l'équipe. Enfin, ce chapitre détaille l'organisation du mémoire. 1.1 Contexte Ce stage s'est déroulé essentiellement au sein de l'équipe Réseaux et Protocoles du LIMOS. 1.1.1 Le LIMOS Le LIMOS (Laboratoire d'Informatique, de Modélisation et d'Optimisation des Systèmes) est une Unité Mixte de Recherche (UMR) CNRS, dépendant du Département ST2I (Sciences et Technologies de l'Information et de l'Ingénierie). Situé à Clermont-Ferrand, c'est un laboratoire interuniversitaire rattaché à l'Université d'Auvergne, l'Université 11 Blaise Pascal et à l'IFMA (Institut Français de Mécanique Avancée). Le LIMOS aborde des thématiques qui reposent sur l'étude et la recherche de modèles et d'outils informatiques destinés à des systèmes complexes (systèmes de transport, de télécommunications, de production, écosystèmes... ). Son activité est divisée en trois axes de recherche. Le premier axe est lié à la recherche opérationnelle et à l'aide à la décision, le second aux systèmes d'information et de communication et le troisième à la modélisation, à l'organisation et au pilotage des systèmes de production. Le personnel du laboratoire est organisé en plusieurs équipes totalisant environ 140 personnes se répartissant comme indiqué dans le tableau 1.1. Tableau 1.1 – Effectif du LIMOS. Professeurs 13 Maı̂tres de Conférences 51 MCF et Professeurs habilités 13 Ingénieur 1 Techniciens 2 Secrétaire 1 Doctorants 54 Post-doctorants 5 1.1.2 L'équipe Réseaux et Protocoles Le deuxième axe du LIMOS, lié aux systèmes d'information et de communication, intègre l'équipe de recherche en informatique Réseaux et Protocoles. Elle est dirigée par M. Misson, professeur à l'Université d'Auvergne, et compte actuellement cinq maı̂tres de conférences et quatre doctorants. Les cinq thèmes abordés dans l'équipe s'inscrivent dans le domaine des réseaux informatiques basés sur des technologies sans fil, traitant plus spécifiquement les c ouches basses (couches liaison de données, MAC et couche réseau) ainsi que les applications de localisation en milieu confiné. La liste des thèmes abordés par l'équipe est la suivante : – Thème 1 : Étude de l'intégration de solutions 802.11 en milieu industriel. – Thème 2 : Déploiement d'un réseau de capteurs étendu et linéaire. – Thème 3 : Modèle de réseaux de type LP-WPAN pour des applications de traçabilité des contacts d'une population mobile. 12 – Thème 4 : Mise en oeuvre d'un protocole réseau déterministe et économe en énergie pour la surveillance d'un site industriel. – Thème 5 : Conception de protocoles MAC réactifs et très économes en énergie. 1.2 Nous allons à présent détailler la problématique du quatrième thème de l'équipe, à savoir la mise en oeuvre d'un protocole réseau déterministe et économe en é nergie pour la surveillance d'un site industriel . Nous situerons ensuite cette thématique dans le cadre du projet de recherche OCARI (pour Optimisation des Communications Ad-hoc pour les Réseaux Industriels). Ensuite, nous décrirons le protocole de gestion d'accès au médium MaCARI. Enfin nous aborderons les objectifs et les réalisations de l'équipe Réseaux et Protocoles concernant MaCARI qui est au coeur du travail que j'ai mené. 1.2.1 Problématique Certains bâtiments et édifices industriels nécessitent que soient surveillés leur évolution, dégradation ou vieillissement. Pour cela, des mesures doivent être effectuées afin d'évaluer les conséquences des évolutions de ces installations et vérifier si les conditions de sécurité sont toujours respectées. Ces données peuvent être récoltées par un réseau de capteurs et acheminées à un système de contrôle. Or, les installations industrielles ne peuvent généralement pas accueillir facilement la pose de câbles qui relient et alimentent les capteurs (cette opération peut être très couteuse : difficulté d'accès, problèmes de sécurité). Par exemple, les centrales nucléaires, les barrages hydrauliques ou les mines souterraines peuvent difficilement supporter un réseau filaire supplémentaire. La solution consiste donc à utiliser un réseau de capteurs munis de module radio permettant une communication sans fil, ce qui simplifie l'installation du réseau. Un réseau de capteurs sans fil est un ensemble d'entités communicantes (appelées noeuds) dont les principales propriétés sont : une capacité de calcul généralement assurée par un microcontrôleur, une consommation énergétique réduite, une capacité de communication radio, un faible coût de fabrication, une taille réduite, un ou des capteurs et/ou actionneurs (de température ou de luminosité par exemple). Ces entités commu13 niquent entre elles via la modulation d'une onde radio pour échanger des informations. La figure 1.1 présente un exemple de topologie d'un réseau de capteurs dans lequel des informations peuvent être acheminées de proche en proche jusqu'à un système de contrôle accessible en filaire par le biais d'une passerelle (entité capable d'interconnecter des réseaux distincts). Unité de contrôle-commande passerelle capteur/actionn eur liaison sans fil liaison infrastructure réseau de capteurs sans fil Figure 1.1 – Exemple d'un réseau de capteurs sans fil relié à un système de contrôle via une passerelle. Les réseaux de capteurs bénéficient des récents progrès technologiques au niveau de la miniaturisation et d'un panel de différents types de capteurs. La variété des possibilités qu'ils offrent est étendue : traçabilité, surveillance, transmission de données environnementales, mobilité, modularité, facilité d'installation, etc [1]. Cependant l'architecture des installations industrielles et la présence de structures métalliques perturbent souvent la propagation des ondes radio, ce qui a un impact fort sur le taux de pertes d'information et sur le délai d'acheminement quand les informations doivent être répétées. Cela soulève un problème pour les informations critiques comme les alarmes pour lesquelles le délai et les pertes ont une incidence sur le fonctionnement et la sécurité des installations. Une classification des applications industrielles a été réalisée [2]. Elle est organisée en fonction de l'importance de la réactivité et de la fiabilité de l'acheminement des informations. Le tableau 1.2 décrit des catégories d'applications associées à des classes de criticité afin de situer le champ d'application d'un réseau selon ses caractéristiques. Par nature, les réseaux de capteurs sans fil sont destinés à des applications de classe 3, 4 et 5, 14 Tableau 1.2 – Classification des applications selon l'importance opérationnelle des messages. Catégorie Classe Application Importance du délai d'acheminement des messages pour que l'application reste opérationnelle Sécurité 0 Commande Messages toujours critiques d'urgence Contrôle 1 Contrôle régulier Messages souvent critiques nécessitant une réactivité élevée 2 Contrôle régulier Messages parfois critiques et supervision 3 Contrôle Messages ponctuels rarement critiques irrégulier Surveillance 4 Alerte Messages tolérant un court délai 5 Transit de don- de conséquence opérationnelle en cas nées de délai important non critiques, et dont le débit est limité. Ces classes correspondent aux besoins de surveillance d'installations industrielles et éventuellement à des applications où le contrôle est irrégulier (par exemple, la commande à distance et le changement d'état d'un actionneur ou la relève d'une mesure sur un type de capteur donné). 1.2.2 Le projet OCARI La thématique de mon stage est associée au projet OCARI [3] (Optimisation des Communications Ad-hoc pour les Réseaux Industriels) basé sur un partenariat entre 15 académiques et industriels. Il a pour but de proposer une nouvelle génération de réseau sans fil permettant la surveillance d'installations et d'édifices industriels. L'objectif du projet OCARI est de définir une pile réseau complète dans laquelle chaque couche contribue à fournir les éléments capables de répondre aux besoins identifiés par les industriels [4]. Un réseau OCARI est composé d'ı̂lots séparés physiquement (soit géographiquement, soit en utilisant des canaux différents) et pouvant chacun contenir jusqu'à 400 noeuds. Chacun de ces ı̂lots possède une structure arborescente et une passerelle permettant son interconnexion éventuelle à une infrastructure (filaire ou non). Un noeud mobile (appelé rondier) peut être également utilisé pour véhiculer des informations entre les ı̂lots. La figure 1.2 présente trois ilots interconnectés par le biais de passerelles reliées à une unité de contrôle. Le rondier peut se connecter de manière ponctuelle à l'un des ilots afin d'effectuer des interventions localisées ou de collecter des informations. Unité de contrôle-commande passerelle liaison sans fil capteur/actionneur rondier liaison infrastructure ı̂lot trajectoire du rondier Figure 1.2 – Topologie du réseau industriel OCARI. Le projet OCARI est subventionné par l'ANR [5] (Agence Nationale de la Recherche) et regroupe quatre partenaires académiques, à savoir l'INRIA (Institut National de Re16 cherche en Informatique et Automatique), le LATTIS (Laboratoire Toulousain de Technologie et d'Ingénierie des Systèmes), le LIMOS et le LRI (Laboratoire de Recherche en Informatique). Le projet compte également trois partenaires industriels. Le premier, ÉDF R&D (Électricité de France, Recherche et Développement) compte équiper de réseaux de capteurs ses sites de production d'énergie tels que les barrages hydrauliques et les centrales nucléaires. La DCNS (Direction de Construction Navale Sextant) a pour volonté de développer une technologie réseau à bord de navires de guerre constituant un environnement fortement contraint. Enfin, Télit propose des prototypes de cartes et un savoir-faire au niveau de leur programmation. La figure 1.3 montre la répartition des rôles entre les différents acteurs du projet selon leur contribution sur la pile OCARI. Le travail de l'équipe Réseaux et Protocoles du LIMOS est principalement axé sur l'élaboration d'un protocole d'accès au médium nommé MaCARI, et sur la réalisation du maquettage de ce protocole. Ce travail doit être réalisé en conservant cohérence et compatibilité vis-à-vis des protocoles et mécanismes produits par les autres partenaires. EDF Couche application (profils applicatifs) INRIA Couche réseau DCNS LRI LIMOS Télit Partie du code Couche MAC Gestion globale d'accès LATTIS Gestion d'accès intra-étoile Figure 1.3 – Topologie du réseau industriel OCARI. Consommation énergétique 1.2.3 Lep ro toco le MaCAR I M aCAR I(MACpou r OCAR I )e s tunp r o t o c o l ed'a c c è sau m éd iumd e s t in éaux r é s e auxd ec ap t eu r ss an sfi lc r é ép r in c ip a l em en tp a rl'équ ip eR é s e auxe tP r o t o c o l e sdu L IMOS.C ep r o t o c o l e,qu ip r endenc omp t el e sl im i t a t i on sd e sen t i t é sdur é s e au,e s tàl a f o i sd é t e rm in i s t ee té c on om eenén e r g i e.L ed é t e rm in i sm ep e rm e td eg a r an t i rl'a c c è sau m éd ium.L'é c on om i ed'én e r g i ec on s i s t eàop t im i s e rl'a c t iv i t éd ech aqu een t i t édur é s e au pou rf a i r eens o r t equ'e l l es o i tené t a td es omm e i ll ep lu ss ou v en tpo s s ib l e,afind ep r o l on g e rau m ax imuml'au t on om i ed el'en t i t ée tp a rc on s équ en tc e l l edur é s e au. M aCAR Ip r opo s eun ed iff é r en c i a t i ond et r afi ce tund é l a ibo rn éd'a ch em in em en td e s m e s s a g e s:l et r afi cc on s t i tu éd e sin f o rm a t i on sa s s o c i é e sàund é l a id et r an s i tbo rn ée tl e t r afi cd e s in f o rm a t i on sd on t l ed é l a id et r an s i te s tn onbo rn éd an s l et emp s.Un em é t aph o r e s ouv en tu t i l i s é eexp l iqu el e sp r in c ip e sdup r o t o c o l e:onp eu ta s s im i l e rl e sc ommun i c a t i on s d an s M aCAR Iàl ar em on t é ed e sr iv i è r e sp a rl e ss aum on s.L o r squ'i l sr em on t en tl ar iv i è r e, l e ss aum on ss on tp a r f o i sc on f r on t é sàd e sob s t a c l e sc omm ed e sc a s c ad e s .S il e ss aum on sn e p a rv i enn en tp a sàf r an ch i runob s t a c l et r opé l ev é,onp eu tm e t t r eenp l a c ed e s é ch e l l e s às aum on s,qu ip e rm e t t en tauxs aum on sd epou r su iv r ea v e cc e r t i tud el eu rr em on t é e aup r ixd 'und é l a ip lu sé l ev é.A in s i,l e ss aum on son td euxop t i on s:e s s a y e rd er em on t e r l ac a s c ad eouemp run t e rl'é ch e l l e.D an sM aCAR I,un ein f o rm a t i onp eu tê t r een v o y é ed e d eux m an i è r e s:s o i tp a run em é th od equ in eg a r an t i tp a sd ed é l a iju squ'às ad e s t in a t i on, s o i tp a run em é th od equ ig a r an t i tqu el ad e s t in a t i onr e c ev r al em e s s a g ed an sund é l a i bo rn é. L'élaboration du protocole MaCARI est issue d'une réflexion approfondie sur l'étude des protocoles MAC existants. MaCARI repose sur la couche physique du standard IEEE 802.15.4 destinée aux réseaux de capteurs sans fil et propose de nombreuses modifications de ce standard IEEE 802.15.4, principalement au niveau de la sous-couche MAC et de la synchronisation des noeuds. Les descriptions du standard IEEE 802.15.4 et du protocole MaCARI seront abordées dans le deuxième chapitre du mémoire. 1.2.4 Travaux de l'équipe Réseaux et Protocoles sur MaCARI L'élaboration de MaCARI a été coordonnée avec les différents partenaires. L'équipe Réseaux et Protocoles a mené une réflexion sur les caractéristiques du protocole. Ensuite, MaCARI a été spécifié puis porté sur Network Simulator 2 [6], un logiciel permettant de simuler le comportement d'un protocole selon différents scénarios. De plus, un outil graphique (nommé MaCAVIEW) permettant de mieux visualiser les simulations a été développé. Enfin, MaCARI a été porté sur des prototypes de cartes B2400ZB-tiny [7] provenant du partenaire Télit, ceci en modifiant en profondeur l'implémentation du standard IEEE 802.15.4 déjà présente sur les cartes. Cette maquette a été présentée aux partenaires industriels avec succès en juin 2009. Le détail et les résultats de ces travaux ont été transcris de manière structurée dans la thèse de G. Chalhoub [8] préparée dans cette équipe et soutenue en décembre 2009. Depuis, MaCARI fait l'objet de plusieurs sous-projets de recherche et de développement supervisés par l'équipe Réseaux et Protocoles. C'est dans ce cadre que des ingénieurs, des stagiaires ingénieurs CNAM et des élèves de l'université sont amenés à intégrer ponctuellement l'équipe. 1.3 Cette partie présente la problématique puis les objectifs de mon stage, mon rôle et enfin les différentes étapes de son déroulement. 19 1.3.1 Problématique Une version de MaCARI existait sur les cartes du partenaire Télit avant le début de mon stage (celle ayant servie pour la maquette du réseau). Le langage et les outils de développement utilisés pour programmer les cartes sont imposés par le constructeur. Cette dépendance peut s'avérer être une contrainte forte pour l'ensemble du projet OCARI car le système et le langage du code utilisé pour cette implémentation sont propriétaires. L'outil de développement est protégé : il est nécessaire de payer une licence pour pouvoir programmer sur les cartes. D'autre part, la propriété intellectuelle du code appartient en partie à Télit. L'équipe s'est donc orientée sur l'étude d'une solution basée sur un type de carte Crossbow TelosB qui fournit une plateforme complètement open-source (libre accès au code source et libre droit à la redistribution) dont les caractéristiques sont décrites en 2.3. 1.3.2 Objectif L'objectif de ce stage est de réaliser une adaptation du protocole MaCARI, de la porter sur les prototypes de cartes TelosB, d'expérimenter cette implémentation et enfin de mettre en oeuvre son application en milieu industriel confiné. Ce travail a été supervisé par mon tuteur de stage M. Misson et orienté par G. Chalhoub, mon encadrant technique. De plus, de nombreuses réunions avec l'ensemble de d'équipe m'ont permis d'avancer sur les points critiques de mon projet. Mon rôle dans l'accomplissement des objectifs de ce stage est donc articulé autour des étapes d'étude, de développement, d'expérimentation et de mise en oeuvre propres au métier d'ingénieur. 1.3.3 Déroulement Le déroulement de mon stage, d'une durée de dix mois (soit d'octobre 2009 à juillet 2010), peut se découper en quatre phases : une phase de découverte du sujet et du domaine, une phase de réflexion sur l'adaptation de MaCARI, une phase de réalisation et d'expérimentation d'une implémentation de MaCARI, et enfin une phase de mise en oeuvre dans une mine expérimentale au Canada. 20 La première phase était consacrée à la découverte et à l'appropriation de la problématique de ce sujet et de son environnement. À l'aide de la bibliographie fournie par M. Misson, j'ai pu aborder le domaine des réseaux de capteurs sans fil. J'ai étudié MaCARI à travers la thèse de G. Chalhoub qui m'a lui-même guidé à de nombreuses reprises. Durant la phase d'adaptation, j'ai étudié deux versions différentes de la norme IEEE 802.15.4 disponibles pour les plateformes TelosB afin d'en choisir une comme base pour MaCARI. À cette occasion, je me suis familiarisé avec la programmation en langage NesC (Network embedded system C) utilisé par le système d'exploitation TinyOS (Tiny Operating System) présent sur les cartes. Lors de la phase de réalisation et d'expérimentation, j'ai réalisé une implémentation de MaCARI fournissant les principales fonctionnalités utiles à mes objectifs. J'ai ensuite procédé à une série d'expérimentations afin d'étudier le comportement de mon implémentation pour vérifier s'il était cohérent avec les simulations et l'implémentation sur les cartes Télit. Enfin, pour la phase de mise en ouvre, je me suis rendu à Val-d'Or au Canada, dans le cadre d'un stage de deux mois initié par M. Misson, au sein du LRTCS ( atoire de Recherche Télébec en Communications Souterraines). J'ai pu mettre en oeuvre la maquette d'une application de surveillance de la ventilation dans une mine expérimentale.
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17,052
La démarche méthodologique échantillon de contrôle basé sur un même niveau de performance économique des entreprises doit ainsi permettre de contrôler que la gestion des résultats à la baisse est pratiquée pour préparer la réduction d'effectifs et n'est pas la conséquence de problèmes financiers. Ainsi, deux échantillons de contrôle ont été constitués : le premier tient compte du secteur d'activité et de la taille des entreprises (2.1.1.), le second tient compte du secteur d'activité et de la performance des entreprises114 (2.1.2.). 2.1.1. Constitution de l'échantillon de contrôle basé sur le secteur et la taille des entreprises Les entreprises de l'échantillon de contrôle appartiennent au même secteur d'activité que celles de l'échantillon d'étude. Celui-ci est déterminé par référence au code ICB à deux chiffres. La taille est, quant à elle, mesurée par le total actif des entreprises. Comme constaté précédemment, certaines entreprises de l'échantillon d'étude sont de très grande taille (par exemple, EDF, Total, Sanofi). L'appariement de ces entreprises a donc été difficile à réaliser. Pour faire face à cette difficulté, la procédure décrite par Barber et Lyon (1996) a été appliquée. Elle se déroule en trois étapes. Les auteurs préconisent, tout d'abord, d'apparier les entreprises de l'échantillon d'étude avec des entreprises possédant le même code ICB à deux chiffres et disposant d'un total actif compris entre 70 % et 130 % de celui des entreprises étudiées. Cette première étape a permis d'apparier soixante-et-une entreprises, soit 50 % de l'échantillon d'étude. Ensuite, lorsqu'aucune entreprise n'a pu être identifiée en respectant les conditions requises lors de la première étape, le ère du secteur d'activité a été élargi à l'ensemble des entreprises possédant le même code ICB à un chiffre. Le critère de taille est resté, quant à lui, identique (fourchette entre 70 % et 130 %). Cette seconde étape a permis l'appariement de six entreprises, soit 5 % de l'échantillon. Dans un troisième temps, lorsqu'aucun appariement n'a été possible à l'issue de la seconde étape, le critère du secteur d'activité n'a plus été pris en compte. Seule la fourchette de taille a été conservée. A l'issue de cette troisième étape, six entreprises supplémentaires ont été appariées. Chapitre 3. La démarche mét hod ologique plus proche en privilégiant celles possédant le même code ICB à deux chiffres, puis celles avec le même code ICB à un chi ffre, puis les autres entreprises. L' échantillon de contrôle est ainsi composé de 123 entreprises . Le tableau 13 reprend la procédure de constitution de l'échantillon de contrôle et présente les tests de comparaisons de moyennes et de médianes qui permettent de confirmer qu'il n'y a pas de différence significative entre la taille des entreprises de l'échantillon d'étude et celle des entreprises de cet échantillon de contrôle . Tableau 13. Constitution de l'échantillon de contrôle basé sur le secteur et la taille Procédure de constitution de l'échantillon de contrôle basé sur le secteur et la taille Nombre d'annonces Etapes Secteur d'activité Total actif % appariées Etape 1 Code ICB à 2 chiffres Entre 70 % et 130 % 61 50 Etape 2 Code ICB à 1 chiffre Entre 70 % et 130 % 6 5 Pas de prise en compte Etape 3 Entre 70 % et 130 % 6 5 du secteur ICB Code ICB à 2 chiffres Entre 24 % et 251 % 36 29 Code ICB à 1 chiffre Entre 39% et 162 % 7 6 Etape 4 Pas de prise en compte Entre 39 % et 231 % 7 5 du secteur ICB Total 123 100 Comparaison du total actif de l'échantillon d'étude et de l'échantillon de contrôle Echantillon d'étude Echantillon de contrôle taille Moyenne Médiane Ecart type Moyenne Médiane Ecart type Total actif (en 12 780 476 1 633 391 25 940 000 12 013 480 1 784 200 35 430 000 milliers d'euros) Tests de Student (sig) : 0,465 (0,643) comparaisons Wilcoxon (sig) : -0,747 (0,455) 2.1.2. Constitution de l'échantillon de contrôle basé sur le secteur et la performance des entreprises Les entreprises de ce second échantillon de contrôle appartiennent au même secteur 'activité que celles de l'échantillon d'étude. Comme précédemment, celui-ci est déterminé par référence au code ICB à deux chiffres. Le critère de performance est appréhendé à travers le ratio EBE/total actif de l'exercice qui précède celui de l'annonce de l'opération, et ce afin de considérer un niveau de performance économique comparable avant toute gestion des résultats potentielle par le biais des VCR. L'appariement a été moins problématique que celui basé sur la taille. Chapitre 3. La démarche méthodologique Tableau 15. Statistiques descriptives des échantillons d'étude et de contrôle Echantillon de contrôle taille Echantillon de contrôle performance Indicateurs de croissance Moyenne Médiane Ecart type Stud. ; Wilc. Taux de variation de la Moyenne performance économique Médiane EBE/total actif Ecart type Stud. ; Wilc. Indicateurs de performance Performance économique Moyenne EBE/total actif Médiane Ecart type Stud. ; Wilc. Taux de marge Moyenne économique EBE/CA Médiane Ecart type Stud. ; Wilc. Rotation des actifs Moyenne CA/total actif Médiane Ecart type Stud. ; Wilc. Résultat net/total actif Moyenne Médiane Ecart type Stud. ; Wilc. Indicateurs de productivité des salariés Moyenne Médiane CA/total salariés Ecart type Stud. ; Wilc. Moyenne Médiane EBE/total salariés Ecart type Stud. ; Wilc. Moyenne Médiane Résultat net/total salariés Ecart type Stud. ; Wilc. Indicateurs de risque de défaillance Ratio d'endettement Moyenne Dettes financières / total Médiane actif Ecart type Stud. ; Wilc. Ratio de liquidité Moyenne Actifs court terme/passifs Médiane court terme Ecart type Stud. ; Wilc. Taux de croissance des ventes 0,0439 0,0689 0,1766 1,082 ; -1,843* -0,0800 -0,0213 2,0391 0,767 ; -0,369 0,1179 0,0250 0,7095 0,4242 -0,0272 7,0186 0,1063 0,0731 0,1038 0,0888 0,0809 0,1084 -2,750*** ; -1,729* 0,1710 -0,3422 0,1381 0,0958 0,1386 4,4708 -1,271 ; -4,483*** 0,8300 0,9460 0,7547 0,9009 0,5334 0,4758 * *** 1,954 ; -3,259 0,0377 -0,0108 0,0370 0,0239 0,0789 0,1290 *** *** -3,460 ; -3,508 728,37 198,56 4 302,4 -1,177 ; 0,697 177,57 28,556 1363,0 -1,237 ; -3,264*** 77,341 10,843 573,82 -1,536 -3,367*** 0,2721 0,2363 0,2377 -0,920 ; -0,520 1,4482 1,2576 0,9807 -0,228 ; -0,634 271,10 194,26 308,01 25,644 14,850 70,063 -2,1720 3,9293 64,143 0,2489 0,2345 0,1610 1,4138 1,1734 1,3555 0,0469 0,0481 0,1973 1,051 ; -0,275 0,0115 -0,0465 1,6831 0,646 ; -0,366 0,0730 0,0876 0,0851 0,037 ; -1,290 0,0608 0,0952 0,4751 -1,104 ; -0,454 0,9161 0,8590 0,4729 0,589 ; -0,394 0,0163 0,0306 0,0892 *** -3,510 ; -2,330** 385,33 174,94 1379,72 -0,896 ; -1,025 53,749 16,961 199,44 -1,534 ; -0,242 -18,968 5,6284 332,02 0,557 ; -1,068 0,3060 0,2266 0,5074 -1,171 ; -0,169 1,5469 1,2493 1,1138 -1,195 ; -1,449 CA : chiffres d'affaires ; EBE : excédent brut d'exploitation ; Stud. : test de Student ; Wilc. : test de Wilcoxon *** **, et * signifient respectivement significatif aux seuils de 1 %, 5 % et 10 %. Chapitre 3. La démarche méthodologique Ceci s'explique principalement par un taux de marge économique plus faible qui s'élève en moyenne à – 34,22 % (5,83 % après suppression d'une valeur aberrante identifiée plus haut : annexe 8) contre 17,10 % pour les entreprises de l'échantillon de contrôle basé sur la taille. Cette différence se répercute ensuite sur le ratio résultat net / total actif de ces entreprises. En ce qui concerne l'échantillon de contrôle basé sur les performances économiques, seul le ratio résultat net / total actif apparaît significativement plus faible chez les entreprises de l'échantillon d'étude (en moyenne -1,08 % contre 1,63 %). Ainsi, pour un niveau de performance économique comparable, les entreprises de l'échantillon d'étude présentent un résultat net significativement plus faible que leurs paires. Ce constat permet d'apporter un premier indice sur l'existence d'une gestion des résultats à la baisse chez les entreprises qui s'apprêtent à annoncer une réduction d'effectifs. Les informations relatives au niveau de productivité des salariés révèlent l'existence de différences significatives entre les entreprises de l'échantillon d'étude et celles de l'échantillon de contrôle basé sur la taille. Ces différences apparaissent au niveau du ratio EBE/nombre de salariés (en moyenne 25,644 contre 177,57) et se répercutent sur le ratio résultat net/ nombre de salariés (en moyenne -2,1720 contre 77,341). Les salariés des entreprises de l'échantillon d'étude apparaissent en moyenne moins productifs. Cette information est intéressante dans la mesure où elle illustre la logique de coûts adoptée lors de la prise de décision de réduire les effectifs. Ainsi, la réduction d'effectifs chez les entreprises de l'échantillon d'étude constituerait une réponse au défaut de productivité salariés et viserait à accroître leurs performances. En revanche, aucune différence significative n'est à noter avec l'échantillon de contrôle basé sur les performances. Ainsi, à un niveau de performance comparable, les entreprises de l'échantillon de contrôle n'adoptent pas le même comportement en matière de réductions d'effectifs que celles de l'échantillon d'étude. Enfin, aucune différence significative n'est constatée en ce qui concerne les indicateurs de risque de défaillance, et ce quel que soit l'échantillon de contrôle considéré. La figure 13 reprend la démarche méthodologique adoptée dans le cadre de cette thèse en rappelant les objectifs de la recherche, les méthodes utilisées, les échantillons mobilisés ainsi que les bases de données consultées. Chapitre 3. La démarche méthodologique Figure 13. Démarche méthodologique de la thèse Objectifs de la recherche Examen de l'existence d'une gestion des résultats Etude des facteurs explicatifs de la gestion des résultats Interrogation sur la relation entre gestion des résultats et stratégies de diffusion Examen des VCR Analyse de contenu manuelle Echantillons et bases de données Examen des VCR normales Echantillon d'estimation : 1457 entreprises-années Base : Infinancials Echantillon d'étude : 123 annonces réalisées par 107 entreprises Bases : Factiva, Trendeo, europa + Infinancials Examen des VCR discrétionnaires Echantillon d'étude : 123 annonces réalisées par 107 entreprises Bases : Factiva, Trendeo, Europa + Infinancials Sous-échantillon d'entreprises qui ont émis un communiqué d'annonce Bases : Factiva, sites internet Examen des VCR discrétionnaires 2 Echantillons de contrôle : 123 entreprises-années dans chacun des échantillons Base : Infinancials 200 Chapitre 3. La démarche méthodologique Conclusion de la section 4 Cette section avait pour objectif de présenter la méthodologie adoptée pour constituer les échantillons d'étude et de contrôle et de décrire ces échantillons au regard de leurs caractéristiques sectorielles, contextuelles (pour l'échantillon d'étude), sociales et financières. Ainsi, l'échantillon d'étude est composé de 123 annonces de réductions d'effectifs réalisées par 107 entreprises françaises cotées entre 2007 et 2012. D'un point de vue financier, ces entreprises présentent en moyenne des performances positives mais en diminution, même lorsque le sous-échantillon d'entreprises qui ont annoncé des opérations réactives est considéré. Aucun signe de difficulté financière n'a été identifié. Pour confronter les résultats obtenus sur cet échantillon d'étude, deux échantillons de contrôle ont été constitués. Le premier tient compte du cteur d'activité et de la taille des entreprises. Le second intègre, quant à lui, le secteur et le niveau de performance des entreprises, appréhendé par le ratio EBE/total actif. Ces deux échantillons doivent permettre de vérifier que les résultats obtenus sur les entreprises de l'échantillon d'étude sont attribuables aux annonces de réductions d'effectifs et non à la taille ou au niveau de performance de ces entreprises. Les statistiques descriptives et les tests de comparaisons de moyennes et de médianes effectués entre les échantillons d'étude et de contrôle confirment que les entreprises présentent une taille (échantillon de contrôle n°1) et un niveau de performance comparables (échantillon de contrôle n°2). Les deux échantillons de contrôle constituent donc un support valide pour confronter les résultats qui seront obtenus sur les entreprises de l'échantillon d'étude. Chapitre 3. La démarche méthodologique CONCLUSION DU CHAPITRE 3 L'objectif de ce chapitre était de présenter la démarche méthodologique adoptée dans le cadre de cette thèse. Celle-ci a pour vocation de tester les hypothèses de recherche présentées dans le chapitre 2. Ces dernières étant divisées en trois catégories, la démarche méthodologique est constituée de trois phases. Dans la première phase, la méthode d'estimation de la gestion des résultats a été présentée. Celle-ci doit permettre de tester la première hypothèse qui prédit l'existence d'une gestion des résultats à la baisse avant l'annonce d'une réduction d'effectifs. Ainsi après avoir présenté les différentes méthodes utilisées dans la littérature académique pour identifier l'existence d'un comportement de gestion des résultats, nous avons justifié le choix de nous concentrer sur la technique des VCR. L'examen des VCR permet d'avoir une vision globale de la gestion des résultats et apparaît, à ce jour, comme étant particulièrement adapté au type de recherche conduit dans le cadre de cette thèse. Dans la seconde phase, les variables choisies pour tester les hypothèses relatives aux facteurs explicatifs de la gestion des résultats avant l'annonce d'une réduction d'effectifs ont été présentées. Celles-ci doivent permettre de capter les caractéristiques des réductions d'effectifs annoncées, la visibilité de l'entreprise ainsi que la présence de mécanismes de gouvernance sociale. Dans la troisième phase, la méthode utilisée pour analyser les stratégies de diffusion adoptées par les dirigeants lors des annonces de réductions d'effectifs a été présentée. Cette méthode prend la forme d'une analyse de contenu manuelle qui doit permettre d'observer s'il existe une relation entre la gestion des résultats et les stratégies de diffusion adoptées par les dirigeants à l'annonce des ré s d'effectifs. Ces trois phases méthodologiques sont mises en oeuvre sur un échantillon d'étude constitué de 123 entreprises françaises cotées ayant annoncé des réductions d'effectifs entre 2007 et 2012. Deux échantillons de contrôle ont été constitués. Le premier prend en compte le secteur d'activité et la taille des entreprises tandis que le second tient compte du secteur d'activité et des performances de ces entreprises. Ces échantillons de contrôle seront utilisés pour confronter les VCR obtenues sur les entreprises de l'échantillon d'étude à celles obtenues sur des entreprises comparables. 202 CHAPITRE 4. LES RESULTATS DE LA RECHERCHE Introduction du chapitre 4204 SECTION 1. Gestion des résultats et réductions d'effectifs : les résultats de la recherche 205 1. Analyse des VCR totales des entreprises de l'échantillon d'étude autour de l'exercice qui précède celui de l'annonce de la réduction d'effectifs 205 2. Analyse des VCR discrétionnaires 208 SECTION 2. Etude des déterminants de la gestion des résultats avant l'annonce d'une réduction d'effectifs 222 1. Statistiques descriptives des variables indépendantes 222 2. Etude des déterminants de la gestion des résultats dans le contexte des réductions d'effectifs 229 SECTION 3. Relation entre gestion des résultats et stratégies de diffusion 241 1. Analyse préliminaire : étude des stratégies de diffusion à l'annonce de la réduction d'effectifs 241 2. Relation entre gestion des résultats et stratégies de diffusion 250 3. Analyse complémentaire et mise en perspective des résultats avec la littérature académique anterieure sur les réductions d'effect ifs 260 Conclusion du chapitre 4268 203 Chapitre 4. Les résultats de la recherche L'objectif de ce chapitre est d'exposer et de discuter les résultats de la recherche. A l'issue de ce chapitre, des réponses pourront être formulées à l'encontre des trois questions posées dans le cadre de cette thèse : les dirigeants gèrent-ils les résultats avant d'annoncer une réduction d'effectifs? Si oui, quels sont les facteurs qui influencent ce comportement? Enfin, la gestion des résultats est-elle associée à des stratégies de diffusion spécifiques adoptées par les dirigeants au moment de l'annonce de l'opération? La première partie de notre thèse suggère que le contexte des réductions d'effectifs peut être propice à l'adoption de choix comptables spécifiques. En effet, les chiffres comptables jouent un rôle important lors de l'annonce de l'opération aux parties prenantes sociales et au public. Lorsque l'opération est contestée, le risque d'apparition de coûts politiques provenant des parties prenantes sociales, du législateur et du public est fort. Les dirigeants peuvent donc être incités à ajuster les résultats à la baisse pour minimiser ce risque. Certains facteurs, tels que la taille de l'opération, sa nature proactive, la réalisation de licenciements, la taille de l'entreprise ou l'appartenance de celle-ci à un secteur d'activité sensible sont supposés accroître cette incitation. Chapitre 4. Les résultats de la recherche SECTION 1. GESTION DES RESULTATS ET REDUCTIONS D'EFFECTIFS : LES RESULTATS La première section présente les résultats relatifs à la question de la gestion des résultats avant l'annonce d'une réduction d'effectifs. L'étude de la gestion des résultats par les dirigeants est opérée en deux temps. Les résultats relatifs aux VCR totales obtenues pour les entreprises de l'échantillon d'étude autour de l'exercice qui précède celui de l'annonce de la réduction d'effectifs sont tout d'abord présentés (1.). Nous nous focalisons ensuite sur le montant des VCR discrétionnaires obtenues pour l'échantillon d'étude autour de l'exercice qui précède celui de l'annonce de la réduction d'effectifs. Ces VCR discrétionnaires sont également comparées à celles obtenues sur les entreprises des deux échantillons de contrôle (2.). 1. Analyse des VCR totales des entreprises de l'échantillon d'étude autour de l'exercice qui précède celui de l'annonce de la réduction d'effectifs La première étape de la procédure d'estimation de la gestion des résultats consiste à calculer le montant des VCR totales. Ces dernières sont estimées en effectuant la différence entre le résultat net et le montant des flux de trésorerie liés à l'activité d'un exercice donné. Après avoir présenté les statistiques descriptives des VCR totales et de leurs composantes pour les entreprises de l'échantillon d'étude autour de l'exercice qui précède celui de l'annonce d'une réduction d'effectifs (t-2 à t) (1.1.), nous questionnons l'évolution anormale de ces VCR totales au regard des résultats des comparaisons de moyennes et de médianes (1.2.). 1.1. Statistiques descriptives des VCR totales entre t-2 et t Le tableau 16 présente les statistiques descriptives des VCR totales des entreprises de l'échantillon d'étude entre t-2 et t (date d'annonce). Le montant des VCR totales pour l'année t est présenté avant et après le retraitement de l'éventuelle comptabilisation de la provision pour restructuration requise par la norme IAS 37 au cours de l'exercice de l'annonce de la réduction d'effectifs. Cette provision diminue, de fait, le résultat net de l'entreprise l'année t et a une incidence sur le montant des VCR totales. Aussi, à titre indicatif, les résultats sont Chapitre 4. Les résultats de la recherche 1.2. Evolution des VCR totales entre t-2 et t Le tableau 17 présente les résultats des tests de comparaisons de moyennes et de médianes relatifs à l'évolution des VCR totales et de leurs composantes durant la période observée. Tableau 17. Evolution des VCR totales et de leurs principales composantes t-2 vs t-1 VCRT  BFR DAPD Diff. moy. 0,0341 0,0260 -0,0013 Stud. Wilc. 3,258*** 2,114** -0,389 -2,489** -1,684* 1,578 t-1 vs t avant ajustement de la provision Diff. Stud. Wilc. moy. 0,0101 1,016 -2,353** 0,0142 1,182 -2,487** -0,0042 -1,106 1,465 t-1 vs t après ajustement de la provision Diff. Stud. Wilc. moy. 0,0021 0,212 -1,264 0,0142 1,182 -2,487** 0,0039 1,019 -3,200*** t : exercice d'annonce de la ré duction d' effect ifs ; VCRT : variables comptables de régularisation totales ;  BFR : variation du besoin en fonds de roulement standardisée par le total actif de l'année antérieure ; DAPD : dotations aux amortissements, provisions et dépréciations standardisées par le total actif de l'année antérieure ; Diff. moy. : différence moyenne ; Stud. : Student ; Wilc. : Wilcoxon *** **, et * signifient respectivement significatif aux seuils de 1 %, 5 % et 10 %. Entre t-2 et t-1, les tests de Student et de Wilcoxon révèlent une diminution significative des VCR totales, respectivement aux seuils de 1 % et 5 %. Comme constaté précédemment, cette diminution s'explique par une baisse significative de la variation du BFR entre ces deux années. Les tests de Student et de Wilcoxon relatifs à la variation du BFR entre t-2 et t-1 apparaissent, en effet, respectivement significatifs aux seuils de 5 % et 10 %. Les DAPD, en revanche, demeurent inchangées. Aussi, si une gestion des résultats est avérée, celle-ci semble davantage effectuée au travers des VCR de court terme (variation du BFR) que par le biais des VCR de long terme (DAPD). Ce constat va dans le sens des propos de plusieurs auteurs (ex. Beneish 1998 ; Teoh et al. 1998 ; Mard et Marsat 2009) qui considèrent qu'une gestion des résultats par le biais des éléments de long terme étant plus facile à détecter, les dirigeants seraient davantage incités à gérer les résultats par le biais des VCR de court terme. Entre t-1 et t, bien que les VCR totales continuent de diminuer, seul le test de Wilcoxon réalisé sur les données avant retraitement de la provision pour restructuration apparaît significatif au seuil de 5 %. Cette diminution s'explique principalement par la baisse modérée de la variation du BFR (seul le test de Wilcoxon apparaît significatif au seuil de 5 %). Les DAPD incluant la provision pour restructuration ne varient pas significativement par rapport à t-1. Ceci amène logiquement à constater une diminution significative (cependant, seul le test de Wilcoxon est significatif au seul de 1 %) des DAPD entre t-1 et t après le retraitement de la provision pour restructuration. Dès lors, la diminution de la variation du BFR associée à une de la recherche baisse des DAPD ayant un effet inverse sur le montant des VCR totales (respectivement une baisse et une hausse des VCR totales), celles-ci ne diffèrent pas significativement entre t-1 et t après le retraitement de la provision pour restructuration. Ces premiers résultats font apparaître des variations dans les VCR totales qui semblent aller dans le sens de la première hypothèse formulée. Celle-ci prédit une gestion des résultats à la baisse en t-1. 2. Analyse des VCR discrétionnaires Après avoir calculé les VCR totales des entreprises, la seconde étape nécessaire à l'estimation de la gestion des résultats consiste à mesurer la part normale de ces VCR. Pour cela, les paramètres des trois modèles d'estimation présentés dans le troisième chapitre (Jones 1991, Dechow et al. 1995 et Kothari et al. 2005) ont été calculés. Une fois les VCR normales estimées, la troisième étape consiste à calculer la part discrétionnaire des VCR totales en effectuant la différence entre les VCR totales obtenues pour chaque entreprise i et les VCR normales estimées. Les VCR discrétionnaires ont été calculées non seulement pour l'année t-1 mais également pour les années t-2 et t (2.1.). Elles ont ensuite été comparées à celles obtenues chez les entreprises des deux échantillons de contrôle utilisés dans le cadre de cette recherche (2.2.). 2.1. Analyse des VCR discrétionnaires des entreprises de l'échantillon d'étude autour de l'exercice qui précède celui de l'annonce d'une réduction d'effectifs Les VCR discrétionnaires obtenues pour les entreprises de l'échantillon d'étude sont successivement présentées pour les années t-1 (2.1.1.), t-2 (2.1.2.) et t (2.1.3.). Les tests de comparaisons de moyennes et de médianes permettant de conclure sur une éventuelle évolution anormale de ces VCR sont ensuite exposés (2.1.4.). 2.1.1. Estimation des VCR discrétionnaires en t-1 Les paramètres des modèles de régression ont été estimés sur un échantillon d'estimation composé d'entreprises françaises cotées qui n'ont pas annoncé de réductions d'effectifs entre 2007 et 2012. Ces paramètres ont été estimés par secteur d'activité sur les quatre exercices qui précèdent celui de l'annonce de la duction d'effectifs (soit 1457 entreprises-année de t-4 à t- 208 Chapitre 4. Les résultats de la recherche 1). Les résultats de l'estimation des paramètres sont détaillés dans l'annexe 11. Les coefficients significatifs sont représentés en caractère gras. Les modèles apparaissent tous statistiquement significatifs au seuil de 1 %. La statistique de Durbin-Watson, comprise entre 1,711 et 2,122, montre l'absence d'autocorrélation des termes d'erreur. La variation du chiffre d'affaires, éventuellement corrigée des créances clients, est significative dans le sens prédit pour tous les modèles, et ce quel que soit le secteur d'activité considéré. La valeur des immobilisations corporelles brutes est quant à elle significative dans le sens prédit pour les secteurs industrie (Code ICB 2), biens de consommation (Code ICB 3) et santé (Code ICB 4). Elle apparaît non significative pour les autres secteurs. Ceci peut s'expliquer par le fait que les secteurs industrie, biens de consommation et santé sont caractérisés par un actif immobilisé fort de par leur activité contrairement aux autres secteurs qui relèvent davantage de l'industrie des services. Le ROA a, quant à lui, une influence positive significative sur les VCR totales pour les secteurs industrie (Code ICB 2), services aux consommateurs (Code ICB 5) et technologie (Code ICB 9). Il apparaît non significatif pour les autres secteurs. L'estimation des paramètres relatifs à l'année t-1 permet d'estimer la part normale des VCR totales en insérant, dans chacun des trois modèles utilisés, la valeur du paramètre estimée. A titre d'exemple, pour les entreprises i du secteur biens de consommation (Code ICB 3), les VCR normales ont été estimées comme suit pour chacun des trois modèles : Jones (1991) : VCRNit-1 Ait-2 1 = -0,016 * A + 0,282 * it-2  CAit-1 Ait-2 + -0,152 * Immosit-1 Ait-2 Dechow et al. (1995) : VCRNit-1 Ait-2 1 = -0,013 * A + 0,171 * it-2  CAit-1 -  CCit-1 Ait-2 + -0,148 * Immosit-1 Ait-2 Kothari et al. (2005) : VCRNit-1 Ait-2 1 = -0,014 * A + 0,168 * it-2  CAit-1 -  CCit-1 Ait-2 + -0,147 * Immosit-1 Ait-2 + 0,021 * ROAit-2 Avec : i = entreprise concernée t = exercice d'annonce de la réduction d'effectifs VCRN = variables comptables de régularisation normales A = total actif ∆CA = variation du chiffre d'affaires ∆CC = variation des créances clients Immo = total immobilisations corporelles brutes ROA = return on assets calculé par le ratio résultat net/total actif 209 Chapitre 4. Les résultats de recherche Après avoir estimé la part normale des VCR totales, nous obtenons le montant des VCR discrétionnaires en effectuant la différence entre les VCR totales et les VCR normales. En reprenant l'exemple des entreprises i du secteur des biens de consommation, les VCR discrétionnaires sont estimées comme suit pour chacun des trois modèles : Jones (1991) : VCRDit-1 Ait-2 = VCRTit-1 Ait-2 1 - [-0,016 * A + 0,282 *  CAit-1 Ait-2 it-2 + -0,152 * Immosit-1 Ait-2 ] Dechow et al. (1995) : VCRDit-1 Ait-2 = VCRTit-1 Ait-2 1 - [-0,013 * A + 0,171 *  CAit-1 -  CCit-1 Ait-2 it-2 + -0,148 * Immosit-1 Ait-2 ] Kothari et al. 123 123 123 Moyenne (t-test) -0,0387 -0,0348 -0,0494 Médiane Ecart-type T de Student -0,0144 -0,0105 -0,0289 0,1329 0,1323 0,1349 -3,232*** -2,915*** -4,057*** Z de Wilcoxon -2,794*** -2,224** -3,617*** N : nombre d'annonces *** statistiquement significatif au seuil de 1 % Les résultats montrent qu'en moyenne les VCR discrétionnaires varient entre -3,87 % et -4,94 % du total actif de l'année t-2 selon les modèles. La médiane fluctue, quant à elle, entre -1,05 % et -2,89 % du total actif des entreprises de l'année t-2. Les tests de Student et de Wilcoxon 210 Chapitre 4. Les résultats de la recherche apparaissent statistiquement significatifs au seuil de 1 %, ce qui suggère que les VCR discrétionnaires diffèrent de zéro avant l'annonce d'une réduction d'effectifs. Bien que ces résultats soient en accord avec la première hypothèse de cette thèse, ils ne suffisent pas à conclure que les dirigeants ajustent les résultats à la baisse avant l'annonce d'une réduction d'effectifs, et ce pour trois raisons. Premièrement, la date effective de prise de décision de réduire les effectifs est difficilement observable. Aussi, il apparaît nécessaire d'étendre la période d'étude à t-2 et t afin de s'assurer que la gestion à la baisse des résultats est bien spécifique à l'année t-1. Deuxièmement, les résultats obtenus peuvent souffrir d'un biais d'endogénéité dans la mesure où il est difficile, en l'état, de savoir si la gestion à la baisse des résultats est réalisée dans le but de préparer la réduction d'effectifs (hypothèse testée) ou bien si elle est la conséquence de difficultés financières. La confrontation des VCR discr étionnaire s entreprises de l'échantillon d'étude avec celles obtenues sur des entreprises de contrôle comparables en termes de performance doit ainsi permettre de s'assurer que la gestion à la baisse des résultats est pratiquée pour préparer la réduction d'effectifs et n'est pas la conséquence de problèmes financiers. Enfin, un échantillon de contrôle basé sur la taille est également utilisé pour vérifier que la gestion à la baisse des résultats n'est pas la conséquence de la présence d'entreprises de grande taille dans l'échantillon d'étude. Aussi, les VCR discrétionnaires sont calculées pour les années t-2 et t puis pour les entreprises des deux échantillons de contrôle. A l'issue de ces tests complémentaires, une conclusion pourra être formulée au regard de la première question de recherche et de la première hypothèse de l'étude. 2.1.2. VCR discrétionnaires en t-2 Les VCR discrétionnaires pour l'année t-2 ont été obtenues en suivant la même procédure que pour l'année t-1. Ainsi, après avoir calculé le montant des VCR totales pour chaque entreprise, nous avons estimé les paramètres des régressions des modèles de Jones (1991), de Dechow et al. (1995) et de Kothari et al. (2005) par secteur d'activité sur un maximum de quatre années précédant t-2 (soit de t-2 à t-5). Conformément à la méthode adoptée pour l'année t-1, les paramètres ont été estimés à partir des comptes consolidés présentés en IFRS, soit à compter de 2005. Aussi, pour les annonces réalisées en 2007, 2008 et 2009, les 211 Chapitre 4. Les résultats de la recherche paramètres ont été respectivement calculés sur une (2005), deux (2005 et 2006) ou trois (2005, 2006 et 2007) années. Au final, après suppression de 71 variables aberrantes, l'échantillon d'estimation est composé de 1244 entreprises-années. Les résultats des modèles de régression sont très proches de ceux obtenus pour l'année t-1. Ils sont présentés en annexe 12. Ainsi, les modèles apparaissent tous statistiquement significatifs aux seuils de 1 % et 5 %. Les statistiques de Durbin-Watson sont supérieures à 1,557. La variation du chiffre d'affaires, éventuellement corrigée des créances clients, est significative dans le sens prédit pour tous les modèles (à l'exception du secteur santé, code ICB 45, pour lequel la variable n'est pas significative). La valeur des immobilisations corporelles brutes est quant à elle significative dans le sens prédit pour les secteurs industrie (Code ICB 2), biens de consommation (Code ICB 3) santé (Code ICB 4), et services aux consommateurs (Code ICB 5). Elle n'est significative pour les autres secteurs. Le ROA a, quant à lui, une influence positive significative sur les VCR totales pour les secteurs industrie (Code ICB 2), services aux consommateurs (Code ICB 5) et technologie (Code ICB 9). Il apparaît non significatif dans les autres secteurs. Les résultats présentés dans le tableau 19 révèlent une absence de gestion des résultats en t-2. En effet, les VCR discrétionnaires varient en moyenne entre -0,34 % et 0,93 % du total actif de l'année t-3 et les tests de Student et de Wilcoxon ne permettent pas de rejeter l'hypothèse de nullité des VCR. Ce premier résultat conforte l'idée selon laquelle la gestion des résultats à la baisse est mise en oeuvre seulement l'exercice précédant celui de l'annonce de l'opération. 123 123 123 -0,0034 0,0093 0,0051 0,0048 0,0160 0,0036 0,1331 0,1175 0,1049 Test de Student -0,284 0,877 0,543 Z de Wilcoxon 0,184 1,229 -0,204 N : nombre d'annonces 2.1.3. VCR discrétionnaires en t Les VCR discrétionnaires pour l'année t ont été obtenues suivant la même procédure que celle adoptée pour les années t-2 et t-1. Comme précisé précédemment, le montant des VCR totales est cependant corrigé de l'éventuelle comptabilisation d'une provision pour restructuration requise par la norme IAS 37 au cours de l'exercice d'annonce de la réduction d'effectifs. Chapitre 4. Les résultats de la recherche Après élimination de 119 valeurs aberrantes, l'échantillon d'estimation est composé de 1613 entreprises-années. Les résultats des modèles de régression sont présentés en annexe 13. Les modèles apparaissent tous statistiquement significatifs aux seuils de 1 % et 5 %. Les statistiques de Durbin-Watson sont toutes supérieures à 1,665. La variation du chiffre d'affaires, éventuellement corrigée des créances clients, est significative dans le sens prédit pour tous les modèles (à l'exception du secteur santé, code ICB 45). La valeur des immobilisations corporelles brutes est quant à elle significative dans le sens prédit pour les secteurs industrie (Code ICB 2), biens de consommation (Code ICB 3) et santé (Code ICB 4). Elle n'est pas significative dans les autres secteurs. Le ROA a une influence positive significative sur les VCR totales pour les secteurs industrie (Code ICB 2), services aux consommateurs (Code ICB 5) et technologie (Code ICB 9). Les VCR discrétionnaires obtenues pour les entreprises de l'échantillon d'étude l'année t sont présentées dans le tableau 20. Elles fluctuent, en moyenne, entre 0,75 % et 2,89 % du total actif de t et sont statistiquement différentes de zéro selon les modèles de Jones (au seuil de 1 % d'après Student et de 5 % d'après Wilcoxon) et de Jones modifié (au seuil de 10 % d'après Student). Ainsi, les VCR discrétionnaires de l'année t apparaissent en moyenne positives contrairement aux années t-2 et t-1, ce qui laisse envisager un éventuel renversement des VCR négatives constatées en t-1. Tableau 20. VCR discrétionnaires en t Modèles N Moyenne Médiane Ecart-type Jones Dechow et al. Kothari et al. 123 123 123 0,0289 0,0171 0,0075 0,0099 0,0066 -0,0026 0,1093 0,1043 0,1045 Test de Student 2,911*** 1,806* 0,787 Z de Wilcoxon 2,109** 1,152 0,105 N : nombre d'annonces *** **, et * statistiquement significatif respectivement aux seuils de 1 %, 5 % et 10 % 2.1.4. Comparaison des VCR discrétionnaires dans le temps Le tableau 21 permet d'observer l'évolution des VCR discrétionnaires obtenues chez les entreprises de l'échantillon d'étude entre t-2 et t. Les tests de comparaisons de moyennes et de médianes sont également précisés. Les résultats montrent tout d'abord l'existence d'une différence significative au seuil de 1 % entre les VCR obtenues en t-2 et t-1, et ce quel que soit le modèle considéré. Ils confirment également l'existence d'une différence significative au seuil de 1 % entre les VCR discrétionnaires obtenues en t-1 et t. Ce résultat révèle que la à la baisse des résultats en t-1 entraîne un renversement des VCR qui se traduit par l'existence de VCR discrét s positives en t Tableau 21. Evolution des VCR discrétionnaires entre t-2 et t t-1 vs t-2 Jones Dechow et al. Kothari et al. *** Différence moyenne -0,0353 -0,0441 -0,0545 t-1 vs t Student Wilcoxon -2,806*** -3,703*** -4,278*** -2,643*** -3,342*** -4,175*** Différence moyenne -0,0680 -0,0517 -0,0564 Student Wilcoxon -5,366*** -4,280*** -4,543*** -5,004*** -4,194*** -4,409*** statistiquement significatif au seuil de 1 % A l'issue de cette première série d'analyses, il apparaît que les entreprises de l'échantillon d'étude ajustent les résultats à la baisse avant l'annonce d'une réduction d'effect ifs. Pour confirmer ce résultat et s'assurer qu'il ne soit pas dû aux caractéristiques spécifiques de ces entreprises, il est confronté aux VCR obtenues chez des entreprises similaires en termes de : (i) secteur d'activité et de taille et (ii) secteur d'activité et de performance. 2.2. Comparaison des VCR discrétionnaires de l'échantillon d'étude avec celles des échantillons de contrôle Deux échantillons de contrôle ont été constitués. Le premier intègre des entreprises du même secteur d'activité et présentant une taille comparable à celle des entreprises de l'échantillon d'étude. Le second tient compte du secteur d'activité et de la performance des entreprises. Cette démarche doit permettre de contrôler que les résultats obtenus ne sont pas dépendants du secteur d'activité, de la taille ou du niveau de performance des entreprises. Chapitre 4. Les résultats de la recherche Tableau 22. Comparaison des VCR discrétionnaires de l'échantillon d'étude avec celles des échantillons de contrôle Echant illon d' étude (1) N=123 Jones t-2 Dechow Kothari Jones t-1 Dechow Kothari Jones t Dechow Kothari Moyenne (t-test) -0,0034 (-0,284) 0,0093 (0,877) 0,0051 (0,543) -0,0387 (-3,232)*** -0,0348 (-2,915)*** -0,0494 (-4,057)*** 0,0289 (2,911)*** 0,0171 (1,806)* 0,0075 (0,787) Médiane Ecarttype 0,0048 0,1331 0,0160 0,1175 0,0036 0,1049 -0,0144 0,1329 -0,0105 0,1323 -0,0289 0,1349 0,0099 0,1093 0,0066 0,1043 -0,0026 0,1045 Echantillon contrôle taille (2) N=123 Moyenne Médiane (t-test) -0,0098 -0,0129 (-0,855) -0,0017 -0,0027 (-0,161) -0,0067 -0,0139 (-0,722) -0,0039 -0,0081 (-0,335) 0,0015 -0,0025 (0,126) -0,0132 -0,0130 (-1,159) 0,0114 -0,0131 (1,006) 0,0118 -0,0106 (1,051) -0,0003 -0,0192 (-0,029) Ecarttype 0,1267 0,1154 0,1033 0,1299 0,1278 0,1260 0,1244 0,1230 0,1173 Echantillon contrôle performance (3) N=123 Moyenne Médiane Ecart-type (t-test) -0,0029 -0,0018 0,1790 (-0,177) 0,0039 0,0079 0,1451 (0,295) -0,0018 -0,0059 0,1283 (-0,157) 0,0084 -0,0027 0,1126 (0,828) 0,0135 -0,0004 0,1087 (1,375) 0,0041 -0,0076 0,1091 (0,418) 0,0060 -0,0027 0,1061 (0,622) 0,0029 -0,0033 0,1122 (0,285) -0,0064 -0,0118 0,1111 (-0,630) Comparaisons de moyennes et de médianes (1) vs (2) (1) vs (3) 0,470 -0,310 0,919 -0,480 1,004 -0,510 -2,371** 2,226** -2,535** 2,365** -2,567** 2,524** 1,253 -1,970** 0,414 -1,196 0,616 -1,233 -0,034 -0,424 0,414 -0,495 0,568 -0,636 -3,480*** 3,279*** -4,226*** 3,723 -4,689*** 4,091*** 1,946* -1,683* 1,238 -0,956 1,212 -0,982 N : nombre d'annonces t = exercice d'annonce de la réduction d'effectifs Concernant les tests de comparaisons de moyennes et de médianes, le test de Student est présenté sur la première ligne et le test de Wilcoxon est inscrit sur la seconde ligne *** **, et * statistiquement significatif respectivement aux seuils de 1 %, 5 % et 10 % Chapitre 4. Les résultats de la recherche En t-2, les tests révèlent au contraire qu'il n'y a pas de différence significative entre les VCR discrétionnaires des entreprises des échantillons d'étude et de contrôle. Ceci accrédite la thèse selon laquelle les dirigeants adoptent des choix comptables pour minimiser les résultats uniquement lors du dernier exercice clos avant celui de l'annonce de la réduction d'effectifs. Enfin en t, les VCR discrétionnaires des entreprises de l'échantillon d'étude sont supérieures à celles obtenues sur les entreprises des échantillons de contrôle. La différence apparaît significative seulement avec le modèle de Jones aux seuils de 5 % et 10 %. Ceci laisse supposer un renversement progressif des VCR dans les années futures. Lorsqu'une entreprise-année apparaît dans les deux échantillons de contrôle, elle n'est gardée qu'une seule fois pour la régression. Ceci explique que le nombre total d'observations (N) est 324 et non 369 (3*123). Chapitre 4. Les résultats de la recherche Les résultats sont présentés dans le tableau 23116. Tableau 23. Résultats de l'analyse multivariée RE TAILLE END TRESO CROISS ROE Constante Effet ANNEE Effet SECT N 2 R (%) Fisher Durbin-Watson Jones β (Student) -0,123 (-2,821)*** 0,003 (0,070) 0,145 (3,360)*** -0,217 (-4,834)*** -0,263 (-6,117)*** 0,186 (4,002)*** -0,017 (-0,515) Inclus Inclus 324 44,5 17,218*** 2,068 Dechow et al. β (Student) -0,133 (-3,019)*** 0,028 (0,575) 0,092 (2,113)** -0,237 (-5,237)*** -0,211 (-4,873)*** 0,191 (4,080)*** -0,023 (-0,670) Inclus Inclus 324 43,6 16,605*** 2,118 Kothari et al. β (Student) -0,142 (-3,367)*** 0,021 (0,458) 0,097 (2,323)** -0,271 (-6,250)*** -0,209 (-5,052)*** 0,179 (4,002)*** -0,032 (-0,981) Inclus Inclus 324 48,4 19,937*** 2,154 N : nombre d'annonces ; RE : variable dichotomique = 1 lorsque l'entreprise s'apprête à annoncer une réduction d'effectifs en t et zéro sinon ; TAILLE : ln total actif en t-1 ; END : dettes financières long terme en t-1/ total actif en t-1 ; TRESO : flux de trésorerie liés à l'activité en t-1/total actif en t-1 ; CROISS = taux de croissance moyen du chiffre d'affaires entre t-3 et t-1 ; ROE = résultat net en t-1/capitaux propres de l'année t-1 ; ANNEE = 1 si l'année étudiée est 200i et 0 sinon ; SECT = 1 si le secteur d'activité est dans la classification ICB à 1 chiffre i et 0 sinon. *** et ** statistiquement significatif respectivement aux seuils de 1 % et 5 %. Le tableau 23 montre que les modèles testés ont un pouvoir explicatif qui varie entre 43,6 % et 48,4 %. La statistique de Fisher indique en outre que ces modèles apparaissent statistiquement significatifs au seuil de 1 %. Enfin, le test de Durbin Watson est supérieur à 2,068 ce qui confirme l'absence de problème d'autocorrélation des termes d'erreurs. La variable RE est négative et statistiquement significative au seuil de 1 % quel que soit le modèle observé. Ce résultat confirme que les entreprises qui s'apprêtent à annoncer une 116 Par souci de clarté, nous précisons que cette analyse complémentaire a simplement pour objectif d'observer si la variable RE est significative lorsqu'on considère un échantillon global d'entreprises. Le caractère significatif de cette variable permettrait de conclure que le contexte des réductions d'effectifs contitue un proxy pertinent pour tester l'hypothèse des coûts politiques. Cette analyse ne permet pas d'observer les déterminants de la gestion des résultats dans le contexte des réductions d'effectifs dans la mesure où elle inclut l'ensemble des entreprises des échantillons, qu'elles aient annoncé des réductions d'effectifs ou non. Chapitre 4. Les résultats de la recherche réduction d'effectifs ajustent davantage les résultats à la baisse que des entreprises comparables en termes de secteur d'activité, de taille et de performance. La variable réduction d'effectifs constitue donc un proxy pertinent pour tester l'hypothèse des coûts politiques. Outre les réductions d'effectifs, plusieurs variables de contrôle apparaissent statistiquement significatives. Certaines sont associées négativement au montant des VCR discrétionnaires et viennent donc accroître la gestion à la baisse des résultats. Ainsi, le montant des flux de trésorerie (TRESO) est négatif et significatif au seuil de 1 % pour tous les modèles. Ceci confirme la littérature académique antérieure qui souligne l'existence d'une association négative entre les flux de trésorerie de l'entreprise et le niveau des VCR discrétionnaires (Dechow et al. 1995 ; Becker et al. 1998 ; Ashbaugh-Kaife et al. 2008). De même, la croissance de l'entreprise (CROISS), mesurée par l'accroissement du chiffre d'affaires, augmente le niveau de gestion des résultats à la baisse. La variable est négative et significative au seuil de 1 %, quel que soit le modèle considéré. D'autres variables de contrôle sont, au contraire, associées positivement au montant des VCR discrétionnaires et viennent donc accroître la gestion des résultats. Comme prédit par la TPC (Watts et Zimmerman 1978, 1986), plus le niveau d'endettement est élevé, plus les dirigeants ajustent les résultats à la hausse. La variable END est positive et significative aux seuils de 1 % (modèle de Jones) et 5 % (modèles de Dechow et al. et de Kothari et al.). Par ailleurs, en accord avec les résultats de Hope et al. (2013), le ROE influence positivement le montant des VCR discrétionnaires. Le coefficient associé à cette variable apparaît significatif et positif au seuil de 1 %. 2.3.2. Gestion des résultats à la baisse avant l'annonce d'une réduction d'effectifs : une discussion au regard de la littérature académique Les premiers résultats de cette thèse permettent de valider l'existence d'une gestion des résultats à la baisse avant l'annonce d'une réduction d'effectifs. Les tests statistiques réalisés ont permis d'estimer que l'ampleur des résultats gérés fluctue entre -3,48 % et -4,94 % du total actif des entreprises. Le niveau de cette gestion à la baisse des résultats se situe endessous de celui observé par Martinez et Serve (2011) avant un retrait de cote (entre -5,18 % et -6,36 % du total actif) et au-dessus de celui observé par Mard et Marsat (2009) l'année du changement du dirigeant (-1,28 %). Nos résultats sont en revanche comparables à ceux 218 Chapitre 4. Les résultats obtenus par Mora et sultats % % du total actif des entreprises. Nos analyses permettent de valider l'hypothèse de gestion à la baisse des résultats avant l'annonce d'une réduction d'effectifs alors que celle-ci n'a pas été validée par Hall et al. (2005) dans le contexte américain. Trois points majeurs peuvent justifier cette différence de résultat. Le premier est d'ordre contextuel. En effet, plusieurs études soulignent l'influence du contexte institutionnel de la recherche sur les choix comptables adoptés par les dirigeants (Ball et al. 2000 ; Othman et Zeghal 2006). Ainsi, comme souligné par Mora et Sabater (2008), dans les pays d'Europe continentale, les préoccupations sociales des entreprises sont davantage soumises à débat et à contestation que dans les pays anglo-saxons. Les dirigeants seraient ainsi plus incités à ajuster les résultats à la baisse pour limiter les demandes des parties prenantes sociales. Ces considérations sont partagées par Harris et al. (1994) qui montrent que les dirigeants d'entreprises allemandes gèrent les résultats à la baisse en réponse aux pressions des syndicats. D'une manière plus générale, Garcia Lara et al. (2005) soulignent que le fort pouvoir des syndicats dans les pays d'Europe continentale constitue une motivation pour dirigeants à gérer les résultats à la baisse. Nos résultats contribuent donc à cette littérature dans la mesure où ils confirment une hypothèse de gestion des résultats à la baisse dans un contexte marqué par l'importance du pouvoir des parties prenantes sociales alors que cette hypothèse n'a pas fait l'objet d'une validation empirique dans le contexte américain. Le second point est d'ordre méthodologique. La période d'étude de Hall et al. (2005) s'étend de 1976 à 1995. Cette période est marquée par les crises pétrolières de 1973 et 1979 ainsi que par des phases de récession économique. Chapitre 4. Les résultats de la recherche Conclusion de la section 1 L'objectif de cette section était de répondre à la première question de recherche de l'étude : les dirigeants gèrent-ils les résultats avant l'annonce d'une réduction d'effectifs? Prenant appui sur le cadre d'analyse des coûts politiques, la première hypothèse de notre thèse prédit l'existence d'une gestion à la baisse des résultats avant l'annonce de l'opération. Les différents traitements statistiques opérés permettent de révéler l'existence d'une gestion à la baisse des résultats qui se concentre sur l'exercice précédant celui de l'annonce d'une réduction d'effectifs. Le montant de cette gestion à la baisse des résultats varie entre -3,48 % et -4,94 % du total actif des entreprises. Un léger renversement de cette gestion des résultats est constaté l'année de l'annonce. L'utilisation de deux échantillons de contrôle permet de s'assurer que ce résultat n'est dû ni au secteur d'activité, ni à la taille, ni à la performance économique des entreprises. Enfin, la réalisation d'une analyse multivariée qui intègre une variable dichotomique associée à la réalisation d'une réduction d'effectifs confirme les résultats obtenus par les tests de comparaisons de moyennes et de médianes. Ainsi, les réductions d'effectifs, au même titre que les renégociations salariales ou que les désastres environnementaux, constituent un contexte propice à la gestion à la baisse des résultats par les dirigeants. Ce contexte peut donc être considéré comme une variable pertinente pour tester l'hypothèse des coûts politiques, et ce notamment dans les pays marqués par une culture sociale forte. SECTION 2. ETUDE DES DETERMINANTS DE LA GESTION DES RESULTATS AVANT L'ANNONCE D'UNE REDUCTION D'EFFECTIFS L'adoption d'une gestion à la baisse des résultats avant l'annonce d'une réduction d'effectifs ayant été démontrée, l'objectif de cette section est de répondre à la seconde question de recherche de cette thèse : quels sont les facteurs explicatifs de la gestion des résultats avant l'annonce d'une réduction d'effectifs? Les premiers facteurs étudiés sont spécifiques au contexte de la recherche. Certaines réductions d'effectifs peuvent en effet être plus exposées que d'autres à l'apparition de coûts politiques. Dès lors, les choix comptables adoptés par les dirigeants peuvent différer en fonction des caractéristiques de l'opération envisagée. Les seconds facteurs, quant à eux, sont relatifs à la visibilité de l'entreprise. Dans la mesure où la visibilité accroît le risque d'apparition de coûts politiques, ces facteurs sont censés augmenter l'incitation des dirigeants à ajuster les résultats à la baisse. Les derniers facteurs sont relatifs à la mise en place de mécanismes de gouvernance sociale dans l'entreprise. Ces mécanismes doivent permettre d'accroître le contrôle exercé par les parties prenantes sociales sur les actions des dirigeants et/ou d'aligner les intérêts des salariés sur ceux des actionnaires/dirigeants. Ils sont supposés restreindre l'adoption d'un comportement de gestion des résultats à la baisse par les dirigeants. Des variables de contrôle, traditionnellement intégrées dans les modèles de gestion des résultats, ont également été ajoutées au modèle explicatif de l'étude. Après avoir présenté les statistiques descriptives relatives aux variables explicatives et aux variables de contrôle (1.), nous présentons et commentons les résultats des régressions (2.). 1. Statistiques descriptives des variables indépendantes et analyse préliminaire A partir de cette section, les analyses se focalisent sur l'échantillon d'étude. Après avoir indiqué les statistiques descriptives des variables indépendantes de l'étude (1.1.), nous présentons les résultats des analyses préalables à la réalisation de régressions linéaires (1.2.). Chapitre 4. Les résultats de la recherche 1.1. Statistiques descriptives des variables indépendantes de l'étude Le tableau 24 présente les statistiques descriptives des variables explicatives et de contrôle intégrées dans le modèle de l'étude. Aucun individu n'ayant été jugé aberrant, les analyses sont conduites sur les 123 entreprises de l'échantillon d'étude117. Tableau 24. Statistiques descriptives des variables explicatives et de contrôle Moyenne Médiane Variables explicatives Facteurs contextuels TAILREL 0,0657 0,0257 NATURE 0,3740 MESURE 0,6504 Facteurs relatifs à la visibilité de l'entreprise TAILLE 14,309 14,306 SECTSENS 0,1789 Facteurs relatifs à la gouvernance sociale ADMSAL 0,2700 0,0000 ACTSAL 0,0179 0,0050 ECCE 0,3415 Variables de contrôle REMVAR 0,3231 0,3115 END 0,2490 0,2350 TRESO 0,0549 0,0700 CRISE 0,4146 CROISS 0,1806 0,0506 ROE 0,0082 0,0834 Ecart-type Minimum Maximum 0,0928 0,0000 0,4757 2,4265 8,7561 18,960 1,009 0,0364 0 0,0000 6 0,2300 0,2550 0,1610 0,0937 0,0000 0,0000 -0,5000 1,0000 0,9940 0,4700 0,9796 0,4052 -0,7500 -2,5400 9,9700 1,6300 TAILREL : nombre de salariés affectés par l'opération en France/nombre total de salariés en France en t-1 ; NATURE : variable dichotomique = 1 si opération proactive et 0 sinon ; MESURE : variable dichotomique = 1 si licenciements et 0 sinon ; TAILLE : ln total actif en t-1 ; SECTSENS : variable dichotomique = 1 si l'entreprise appartient à un secteur sensible en t-1 et 0 sinon ; ADMSAL : nombre de salariés siégeant au sein des conseils de direction de l'entreprise en t-1 ; ACTSAL : % d'actionnariat salarié en t-1 ; ECCE : variable dichotomique = 1 si le comité d'entreprise est assisté par Secafi ou Syndex et 0 sinon ; REM : % moyen rémunération variable des dirigeants en t-2 et t-1 ; END : dettes financières long terme en t-1/total actif en t-1 ; TRESO : flux de trésorerie liés à l'activité en t-1/total actif en t-1 ; CRISE : variable dichotomique = 1 si l'annonce est réalisée en période de récession économique et 0 sinon ; CROISS : taux de croissance moyen du chiffre d'affaires entre t-3 et t-1 ; ROE : résultat net t-1/capitaux propres t-1. L'analyse des facteurs contextuels montre tout d'abord que les entreprises de l'échantillon ont, en moyenne, annoncé une suppression de 6,57 % de leurs effectifs français totaux. Ce chiffre est proche de celui obtenu par Elayan et al. (1998) dont le pourcentage moyen varie 117 Les individus aberrants identifiés lors de la présentation des caractéristiques financières des entreprises de l'échantillon d'étude ne présentent pas un niveau de gestion des résultats aberrant. Ils ont donc été conservés pour les analyses. Une attention particulière a toutefois été portée à ces individus pour s'assurer qu'ils ne biaisent pas les résultats. itre 4. Les résultats de la recherche entre 4,05 % et 6,83 % selon les années. Il est en revanche légèrement en-dessous de celui reporté par Hillier et al. (2007) qui s'élève à 7,20 %. Les réductions d'effectifs annoncées sont proactives dans 37,4 % des cas étudiés. Ce pourcentage est au-dessus de celui obtenu par Capelle-Blancard et Tatu (2012) (29,2 %). Cette différence peut s'expliquer par le fait que cette étude distingue les opérations proactives et réactives en fonction des informations diffusées au moment des annonces. Or, comme dit précédemment, les dirigeants peuvent être incités à adopter des stratégies de diffusion qui visent à justifier des opérations proactives par le biais d'arguments défensifs pour faciliter l'acceptation sociale de l'opération. Ceci réduirait de fait le nombre d'opérations proactives identifiées. Notre pourcentage est toutefois proche de celui obtenu par Lee (1997) (35 %). Enfin, 65 % des réductions d'effectifs sont réalisées par le biais de licenciements. Les départs volontaires ou non remplacés sont utilisés dans une proportion moindre. L'examen des facteurs relatifs à la visibilité de l'entreprise montrent que la taille moyenne des entreprises (ln du total actif) est égale à 14,309. Celle-ci se situe en-dessous des résultats obtenus par Boutant (2008) (12,183) et Mard et Marsat (2012) (13,956). Par ailleurs, 17,89 % des entreprises appartiennent à un secteur d'activité sensible. S'agissant des facteurs de gouvernance sociale, en moyenne, 0,27 salariés siègent au sein des instances de direction de l'entreprise. Le pourcentage moyen de détention du capital par les salariés s'élève, quant à lui, à 1,79 %. Ce pourcentage est légèrement en-dessous de celui constaté par Gillet- jarret et Martinez (2012) (2,1 %) dans le contexte français. Enfin, 34,15 % des entreprises de l'échantillon d'étude sont suivies par les cabinets Secafi ou Syndex, soit plus du tiers, ce qui montre l'importance de ces cabinets sur le marché de l'expertise auprès des CEs. Les statistiques descriptives relatives aux variables de contrôle révèlent tout d'abord que la rémunération variable des dirigeants s'élève en moyenne à 32,31 % de leur rémunération totale, soit près d'un tiers. Le niveau d'endettement des entreprises est en moyenne de 24,9 %. Ce taux est comparable à celui indiqué par Mard et Marsat (2012) (25 %). Le montant moyen des flux de trésorerie divisé par le total actif des entreprises s'élève à 5,49 %. Par ailleurs, 41,46 % des réductions d'effectifs ont été annoncées durant les années de crise 2008 et 2009. La croissance moyenne des ventes durant les trois exercices clos avant l'annonce de la réduction d'effectifs est de 18,06 %, ce qui confirme que les entreprises de l'échantillon 224 Chapitre 4. Les résultats de la recherche d'étude sont majoritairement en croissance. Enfin, le ROE moyen des entreprises s'élève à 0,82 %. 1.2. Analyse préliminaire des variables indépendantes Pour réaliser une régression linéaire multiple, il est nécessaire de s'assurer que les variables indépendantes ne sont pas fortement corrélées entre elles. Il existe deux principales façons de vérifier l'absence de corrélation entre les variables indépendantes. La première est d'observer la matrice de corrélation. Selon Gujarati (2004), la corrélation entre deux variables devient problématique lorsqu'elle excède 80 %. GavardPerret et al. (2012) préconisent, quant à eux, de retenir le seuil de 70 %. La seconde méthode consiste à vérifier que la valeur des VIFs (Variance Inflation Factor) n'excède pas 10 (Chavent et al. 2006 ; Hair et al. 2014) ou que la valeur de la tolérance n'est pas en-dessous de 0,1 (Hair et al. 2014)118. Ces deux méthodes sont successivement présentées afin de s'assurer de l'absence d'un problème de multicolinéarité dans nos données. La matrice de corrélation est présentée dans le tableau 25. Les résultats des tests paramétriques et non-paramétriques de Pearson et Spearman sont respectivement présentés au-dessus et au-dessous de la diagonale. Ils révèlent des corrélations statistiquement significatives entre plusieurs variables. Il apparaît tout d'abord important de noter que la variable TAILLE est corrélée à de nombreuses autres variables associ aux caractéristiques des réductions d'effectifs (TAILREL, MESURE) ou à celles des entreprises (ADMSAL, ACTSAL, ECCE, REMVAR, TRESO, ROE). Ainsi, la taille de l'opération (TAILREL) est négativement associée à la taille de l'entreprise (TAILLE) (Pearson : -49,5 % ; Spearman : -55,6 %). Ce résultat suggère que les entreprises de grande taille éliminent en moyenne un faible pourcentage de leurs effectifs. Ceci peut s'expliquer par le fort nombre de salariés présents au sein de ces entreprises. De même, le recours aux licenciements pour réduire les effectifs (MESURE) est corrélé négativement à la variable TAILLE (Pearson : -38,8 % ; Spearman : -39 %). Les grandes entreprises privilégient donc davantage les mesures basées sur le volontariat ou le non remplacement des départs naturels pour réduire leurs effectifs. Ceci peut s'expliquer par trois éléments. Chap itre 4. Les résultats de la recherche les plus petites. Elles peuvent ainsi octroyer aux salariés des conditions de départs idéales ce qui faciliterait la mise en oeuvre de plans de départs volontaires. Le second est que le fort taux de rotation des effectifs connu par les grandes entreprises permet de recourir plus aisément au non remplacement des départs naturels que dans les petites entreprises. Enfin, les entreprises de grande taille étant davantage sujettes au risque d'apparition de coûts politiques, l'utilisation de mesures non contraignantes pour les salariés serait susceptible de réduire ce risque en facilitant d'une part l'acceptation de la réduction d'effectifs par les parties prenantes sociales et en évitant d'autre part la mise en oeuvre d'une procédure lourde associée au PSE. Ce dernier point rejoint les propos de Bruggeman (2005) qui stipule que les plans de départ volontaires (ou départs non remplacés) sont souvent utilisés par les entreprises qui souhaitent éviter la mise en oeuvre d'un PSE. La taille de l'entreprise est également positivement corrélée aux variables ADMSAL (Pearson : 25,2 % ; Spearman : 29,7 %) et ACTSAL (Pearson : 33,9 % ; Spearman : 57,6 %). Ceci signifie que plus l'entreprise est grande, plus le nombre de salariés administrateurs et de salariés actionnaires augmente. De même, les CEs des grandes entreprises font davantage appel à des cabinets d'expertise spécialisés de grande taille (Secafi et Syndex) (Pearson : 27,2 % ; Spearman : 28,5 %). Enfin, conformément aux résultats de Gaver et al. (1995), la taille est fortement et positivement corrélée à la rémunération variable des dirigeants REMVAR (Pearson : 62,4 % ; Spearman : 64,9 %). Ainsi, la part variable de la rémunération des dirigeants est plus forte dans les que dans les petites entreprises. Ce résultat peut s'expliquer par le fait que les problèmes d'agence liés à la séparation du pouvoir et du capital sont plus forts dans les entreprises de grande taille. Ces entreprises bénéficient également d'un niveau de trésorerie TRESO (Pearson : 33,7 % ; Spearman : 30,2 %) et d'un ROE (Pearson : 34,8 % ; Spearman : 42,3 %) plus élevés que dans les petites entreprises. Matrice de corrélation des variables indépendantes TAILREL NATURE MESURE TAILLE SECT SENS -0,106 0,034 0,031 0,091 ADMSAL ACTSAL ECCE REMVAR END TRESO CRISE CROISS ROE TAILREL -0,043 0,116 -0,078 -0,202** -0,166 -0,368*** -0,017 -0,223** 0,027 0,021 -0,289*** -0,495*** ** NATURE -0,032 0,114 -0,006 0,044 0,117 0,109 -0,039 0,219 -0,002 0,121 0,135 -0,032 ** *** * *** *** MESURE 0,129 -0,032 -0,212 -0,319 -0,155 -0,311 -0,013 -0,068 -0,075 0,093 -0,073 -0,388 TAILLE -0,556*** 0,111 0,050 0,337*** -0,075 -0,046 0,348*** -0,390*** 0,252*** 0,339*** 0,272*** 0,624*** SECTSENS -0,090 0,034 0,031 0,079 -0,019 -0,037 0,099 -0,055 -0,002 0,124 0,249*** -0,026 0,156* *** *** ** * * ADMSAL -0,090 -0,041 -0,277 0,297 0,013 0,192 0,030 0,154 0,176 0,062 0,005 -0,016 0,059 ACTSAL -0,345*** 0,143 -0,293*** 0,074 0,360*** 0,214** 0,029 0,034 -0,117 -0,053 0,095 0,576*** 0,242*** ECCE -0,191** 0,117 -0,155* 0,094 0,362*** 0,193** 0,021 0,122 0,055 -0,100 0,285*** 0,156* 0,271*** REMVAR -0,379*** 0,116 -0,324*** 0,138 0,225** -0,019 0,215** -0,042 0,034 0,253*** 0,649*** 0,446*** 0,200** END -0,055 -0,024 0,142 -0,036 0,145 0,033 0,035 -0,028 0,142 0,055 0,222** -0,037 0,196** ** ** ** *** TRESO 0,188 -0,046 0,069 0,059 0,123 0,111 0,204 -0,074 -0,021 -0,074 0,464*** -0,208 0,302 CRISE -0,037 -0,002 -0,075 -0.078 0,124 0,045 -0,066 0,055 -0,040 0,119 -0,002 -0,085 0,044 * ** ** CROISS -0,023 0,164 0,047 0,072 0,190 0,031 0,008 0,015 0,060 -0,057 0,225 0,060 -0,097 ROE -0,292*** 0,224** -0,100 0,423*** -0,040 0,061 0,252*** 0,303*** 0,301*** 0,082 0,487*** 0,062 0,246*** TAILREL : de salariés affectés par l'opération en France/nombre total de salariés en France en t-1 ; NATURE : variable dichotomique = 1 si opération proactive et 0 sinon ; MESURE : variable dichotomique = 1 si licenciements et 0 sinon ; TAILLE : ln total actif en t-1 ; SECTSENS : variable dichotomique = 1 si l'entreprise appartient à un secteur sensible en t-1 et 0 sinon ; ADMSAL : nombre de salariés siégeant au sein des conseils de direction de l'entreprise en t-1 ; ACTSAL : % d'actionnariat salarié en t-1 ; ECCE : variable dichotomique = 1 si le comité d'entreprise est assisté par Secafi ou Syndex et 0 sinon ; REMVAR : % moyen rémunération variable des dirigeants en t-2 et t-1 ; END : dettes financières long terme en t-1/total actif en t-1 ; TRESO : flux de trésorerie liés à l'activité en t-1/total actif en t-1 ; CRISE : variable dichotomique = 1 si l'annonce est réalisée en période de récession économique et 0 sinon ; CROISS : taux de croissance moyen du chiffre d'affaires entre t-3 et t-1 ; ROE : résultat net t-1/capitaux propres t-1.
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d5461731dc0ef29c5fd583e9df08386d_4
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
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Actio commodati w prawie rzymskim
None
French
Spoken
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[23] Actio commodati w praw ie rzym skim 219 wi, jeżeli k o m o d a n t u k ra d ł m u użyczoną rzecz. K o m o d ata riu sz zo­ sta ł zasądzony i sp ełn ił zasądzone św iadczenie, gdyż n ie w iedział, że rzecz została sk rad z io n a przez k o m od an ta. N astęp n ie dow ie­ d ział się, że rzecz s k ra d ł kom od an t. A fric a n u s w p rzed staw io n y m sta n ie fa k ty cz n y m n ie p rz y z n a je actio ju r ti, lecz actio co m m odati contraria. U zasad n ien iem odm ów ienia actio j u r ti je st c h y b a fa k t, że k o m o d an t u k ra d ł w ła sn ą r z e c z U1. K o m o d a ta riu sz je d n a k nie po zostaje bez o c h ro n y p ra w n e j, gdyż służy m u actio contraria 112. W praw d zie w p o d o b nej s y tu a c ji J u lia n (D. 47,2,60/59) p rzy z n ał actio ju r ti, ale sk a rg a ta n ie b y ła n a stę p stw e m k ra d zie ży w łasn ej rzeczy, a b y ła zw iązan a z n a k ła d a m i p o n iesio ny m i n a rzecz. R ów ­ nież P a u lu s (D.47,2,15,2) w p o d ob ny m w y p a d k u o d m aw iał actio fu r ti, o ile k o m o d atariu szo w i n ie p rzy słu g iw ało praw o re te n c ji rzeczy użyczonej z pow odu poczynionych n ak ład ów. Z aró w n o w sy tu a c ji k ra d z ie ż y rzeczy użyczonej przez k o m o d an ­ ta, ja k i w ted y , gd y w in n y sposób rzecz zn alazła się u w łaśc i­ ciela po d o k o n an iu z a p ła ty za n ią p rzez ko m o d atariu sza, ow em u k o m o d atariu szo w i p rz y słu g u je przeciw k o n ie m u actio com m odati contraria. D.13,6,17,5 ( P a u l u s 1.29 ad e d ic tu m ): R em co m m o datam p e rd id i e t p ro ea p re tiu m dedi, dein d e re s in p o te state tu a v e n it: L ab eo a it c o n tra rio iudicio a u t re m m ih i p ra e s ta re ’îe d eb ere a u t q uo d a m e accep isti re d d e re. W p rzy to czon ym fra g m e n c ie P a u lu s p rz e d sta w ia , że rzecz zo­ stała zag ub io n a p rzez k o m o d a ta riu sz a i uiszczono za n ią zapłatę. N astęp n ie rzecz ta zn alazła się u k o m o danta. W ta k im w y p a d k u L abeo p rz y zn a je co n tra riu m iu d iciu m . K o m o d an t będzie m iał do w y b o ru albo zw rócenie rzeczy, albo zw rócenie te j zap łaty , k tó rą u iścił k o m o d a ta riu sz 113. Jeszcze b a rd z ie j sk o m p lik o w an e sta n y fak ty c z n e p rz e d sta w ia ją A frica n u s i P au lu s. D .13,6,21,1 ( A f r i c a n u s 1.8 ą u a e stio n u m ): In e x e rc itu c o n tu b e rn a lib u s v asa u te n d a com m uni p ericulo ded i ac d ein d e m eu s serv u s su b re p tis h is ad hostes p ro fu g it e t poste a sine vasis re c e p tu ś est. h a b itu ru m m e com m odati actio n em cum c o n tu b e rn a lib u s co n stat p ro cu iu sq u e p a rte : sed e t illi m ecum f u r ti s e rv i n o m in e a g ere p o ssu nt, q u an d o e t n o x a cap u t se q u itu r. e t si tib i re m p ericu lo tu o u te n d a m com m odavero eaque a serv o m eo s u h rip ia tu r, a g e re m e c u m fu rti poss-is se rv i nom ine. A frican u s o p isu je p rz y p a d e k k ra d z ie ż y rzeczy użyczonej przez n iew o ln ik a będącego pod w ład zą d ająceg o w użyczenie. J e śli n ie ­ w o lnik tę rzecz u k ra d n ie i u cie k n ie z n ią dio w rogów n a stęp n ie 111 Przyjęcie nienależnego świadczenia nie jeist traktow ane jako fu rtufm. Por. C. Fe r r i n i, dz. cyt., s. 199 i n. 112 Por. G. P r o v e r a, Iudicia contraria, s. 103 i n. 113 Por. G. P r o v e r a , Iudicia contraria, s. 103. 220 J. Słonina [24] zostan ie sp ro w adzon y ale bez rzeczy, to w p raw d zie d ającem u p rz y ­ słu g u je p rzeciw b io rą c y m a c tio c o m m o d a ti o zw ro t rzeczy, ale też b io rący m p rzeciw d a ją c e m u p rz y słu g u je a c tio f u r t i n o x a lis. D.13,6,22 ( P a u l u s 1.22 a d e d ic tu m ): Si serv us, q u em tib i com m odaverim , fu rtu m fecerit, u tru m sufficiat c o n tra ria com m odati actio (qu em ad m odum com petit, si quid in c u ra tio n e m se rv i im p en d isti) a n f u r ti ag en d u m sit, q u a e ritu r. e t f u r ti q u id e m n o x a le m h a b e re q u i coim m odatum rogavdt p ro cu l dubio est, c o n tra ria a u te m com m odati tu n c eum ten e ri, cum sciens ta le m esse se rv u m ig n o ra n ti com m odavit. W edług ro zstrzy g n ięcia P a u lu sa , k o m o d atariu sz o k rad zio n y przez użyczonego n ie w o ln ik a m a sk a rg ę n o k saln ą w k ażd y m p rzy p ad k u , n a to m ia st a c tio c o m m o d a ti c o n tr a r ia ty lk o w ty m w y p ad k u , gdy d a ją c y w użyczenie n ie w o ln ik a znał jego skłonności do kradzieży. A c tio f u r t i p rz y słu g u je ko m o d atariu szo w i niezależnie od tego, czy w łaściciel n iew o ln ik a d opuścił się zaw in ienia, czy też nie. N a to ­ m ia st a c tio c o n tr a r ia b ędzie m iała m iejsce ty lk o w ted y , gd y w łaś­ cicielow i m ożna zarzucić, że św iadom ie n a ra z ił k o m o d a ta riu sza na k r a d z ie ż ł14. ' J a k z p rze d sta w io n y c h fra g m e n tó w w y n ik a, k o m o d an t m oże być pozw any za pom ocą iu d ic iu m c o n tr a r iu m w p rz y p a d k u poczynio­ n y c h p rzez k o m o d a ta riu sz a n a k ła d ó w (D.13,6,18,4), bądź z ty tu łu szkód p o w stały ch n a sk u te k przedw czesnego z a b ra n ia rzeczy (D.13, 6,17,3); k rad z ież y rzeczy w łasn ej przez k o m o d an ta (D. 13,6,21pr.); dopuszczenia się przez niego d o lu s (gdy w ie o w a d ac h uży czan e­ go p rzed m io tu i n ie in fo rm u je o ty m k o m o d a tariu sza (D.13,6,18,3; D.13,6,17,3). N a to m ia st g d y został użyczony s e r v u s fu r , kom o d an t odpo w iada (D.13,6,22) — c u m s c ie n s ta l e m e ss e s e r v u m ig n o r a n ti c o m m o d a v it. O dpow iedzialność k o m o d a n ta n ależy tra k to w a ć szcze­ g ó ln ie łag o d n ie (D.47,2,62/61/,6) — p a u lo r e m is s iu s c ir c a in t e r p r e ta t io n e m d o li m a li d e b e r e n o s v e r s a r i, q u o n ia m , u t d ic tu m s i t, n u l­ la u ti li ta s c o m m o d a n tis in t e r v e n i a t. * * * R easu m u jąc n a le ż y stw ierd zić, że p rz e d w p ro w ad zen iem zask arżalności k o n tra k to w e j n a p ew n o m ożna było u z y sk ać pośred n ią o ch ro nę sta n ó w fa k ty czn y ch , u z n a n y c h później za kom odat, co m ożna w nioskow ać ze śladó w zacho w an ych w postaci k o n k u re n c ji sk arg. O d rę b n ą o ch ro n ę p ra w n ą u zy sk ał ko m o d at w drodze 114 Por. G. P r o v e r a, Iu dicia co n tra ria , s. 81 i n.; F. S c h w a r z , dz, cyt., s. 107. [25] Actio eommodati w prawie rzymskim 221 działalno ści p re to ra . T ru d n o je st b liżej określić d a tę p o w stan ia actio eom m odati. N ie w ą tp liw ie w czasach G aiusa użyczenie było chro n io n e za pom ocą pow ództw in fa c tu m i in ius. J u ry s ta te n biowiem p rzy tac z ają c fo rm u ły sk a rg dep o zy tu stw ierd za, że kom od a t posiada fo rm u la e sim iles. P rzez u p o d o b n ien ie fo rm u ł ty c h k o n tra k tó w G aius su g e ru je , iż fo rm u ła in ius k o m o d a tu m iała k la u z u lę e x bona fide. Z d ru g ie j s tro n y to, że zaró w n o um ieszczenie k o m o d atu w edykcie p re to rsk im w ru b ry c e de reb u s creditis, ja k i b ra k pew ności — ;na s k u ­ te k zn iek ształcen ia te k s tu ■ —■ czy G aius p rz y w y liczeniu actiones bonae fid e i u w zg lęd n ił ta k ż e kiomodat m oże n asu n ąć m yśl, iż actio eom m o d a ti n ie po siad ała te j klau zu li. W ątpliw ości n ie m ogą ro z ­ w iać te k sty Z aw ierające e x p ressis v e rb is tę k la u zu lę w fo rm u le in ius, gdyż są one pow szechnie u z n a w a n e za in terp o lo w an e. J e ­ d n akże o tym , iż k o m o d at z a w ie ra ł k la u z u lę d o b rej w iary , św ia d ­ czą dow ody po śred nie. D ow odem ta k im je st m ożliw ość d o k o n y ­ w a n ia k o m pen sacji, o k tó re j p rzy kom odacie w spom ina w iele te k stó w a ta k ż e iu s re te n tio n is (praw o z a trz y m a n ia) z ty tu łu p o ­ niesion y ch n ak ład ó w , k tó re p o śred nio ta k ż e prow adziło do doko­ n a n ia kom pen sacji. Actio eommodati en droit romain Faute de sources il est difficile de dire quel aspect avait la pour­ suite des prétentions à titre du commodant dans les temps les plus anciens. Les sources littéraires et tout particulièrement Plaut, nous parlent souvent du commodant, mais n e donnent aucune information au sujet du recours contre ce prêt à usage (p. ex. A sin . 444; T rin. 1131). A ussi Cato dans sa dissertation sur l'agriculture, en parlant de l’usage, constate, qu’il fault poursuivre ses prétentions à ce titre, mais n ’informe pas de quelle m anière faut-il le faire. (De a g ric u ltu ra VII = 5,3). De même Cicero de donne pas d’informations du m oyen de poursuivre des prétentions à titre du prêt à usage, malgré qu’on peut supposer qu’il connaissait de commodant en tant que rapport juridique (p. ex. Tusc. disp. 3,13,36; De fin 2,35,117). Les sources juridiques ne parlent non plus du caractère attaquable du commodant dans les temps les plus ‘a nciens. Ce pourquoi les réflexions sur ce sujet restent toujours encore dans la sphère d’hypotheses plus ou moins vraisem ­ blables. Ne s’engageant pas dans des considérations probables, qui ne sont pas appuyées sur des sources, au sujet du caractère attaquable de commodant, dans la période de la procédure législative, il faut remarquer qu’avant l'introduction du caractère attaquable de contrat on pouvait obtenir indirectem ent la protection de ces états effectifs, 222 J. Sloixiina [26] qui furent ensuite renfermés dans le contrat du commodant. L’emploi illégal de l’objet donné à usage était considéré comme fu rtu m (était attaquable à l’aide de actio fu rti (Gellius, Noctes Atticae 6,15,2; D.l-3, 6,5,8; D. 47,2,72/71/pr..; D.47,2,77/76/pr.). La disparition ou l’aliénation de l’objet, en conséquence de malversation, justifiait l’introduction de conditio furtiva (D.13,6:jil,16; D.44,7,34,1), pendant que la destruction de l’objet — actio legis Aquüliae (D.13,6,7,1; D.13,6,18,1; D.44,7,34,2). Le com­ modant obtenait la protection juridique contractée en suiite de l’acti­ vité du pretorien (D.13,6,1 pr.). Il est difficile de définir précisément la date de la form ation d’actio commodati. Dans les temps de Gaius le prêt à uisage était sûrement protégé à l’aide de la demande en justice in factum et in ius (Gai 4,47). En citant les form ules de l’ac­ tion de dépôt ce juriste constata que com m odatum possède les form ulae similes. Par la ressem blance des form ules de ces contrats Gaius suggère que la form ule in ius com m odati possédait la clause ex bona fide. Mais de l’autre côté le fait de placer le commodaint dans l’édit pretorien de la rubrique de rebus creditis (D.
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Il s'agit de l'article Einstein 1953 b. 101 Einstein, lettre à Louis de Broglie 14.2.1954, in Einstein, de Broglie 1979. 102 Ibid. Littéralement: "en partant du comportement des choses physiques connu empiriquement". Souligné par Einstein. ALBERT EINSTEIN, LOUIS DE BROGLIE ET DAVID BOHM 23 simplicité logique imaginable", c'est-à-dire sur la recherche d'une "théorie du champ des quanta", qu'Einstein tente, pour sa part, d'aborder le problème quantique (comme nous le savons par ailleurs). Mais il convient qu'une telle théorie peut fort bien ne pas exister, et il admet que "dans ce cas mes efforts ne peuvent pas mener à la solution du problème de l'atomistique et des quanta, peutêtre même pas nous rapprocher d'une solution". Les physiciens des quanta sont persuadés que tel est le cas: "Peut-être ont-ils raison sur ce point (). Mais cette conviction négative est fondée sur une base seulement intuitive et non pas objective. Par ailleurs, je ne distingue aucune voie claire vers une théorie logiquement simple"103. A cette profession de foi et à cet aveu, Louis de Broglie répond en invoquant sa propre direction: la recherche d'"images spatio-temporelles précises du dualisme onde-corpuscule, permettant de justifier le succès des lois statistiques de la mécanique quantique"104. De Broglie exprime également à Einstein son accord avec ce que celui-ci lui a écrit sur sa méthode de la "simplicité logique", estimant, face aux difficultés rencontrées par lui-même et ses collaborateurs105 dans la recherche des bonnes équations non-linéaires, qu'elle seule probablement peut fournir une possibilité de progresser: "En accord avec vos idées", conclut-il sa lettre, "ce problème ne pourrait sans doute être résolu qu'en suivant une voie analogue à celle qui a duit aux équations de la Relativité généralisée, c'est-àdire en s'inspirant de l'idée de simplicité logique". On voit bien, toutefois, par-delà une certaine concordance, la différence de démarche entre Einstein et de Broglie. Elle est présente dès le point de départ, dans la définition du but que chacun d'eux assigne à la théorie qu'il voudrait obtenir. Einstein estime la méthode "constructive" (c'est-à-dire, pour lui, empiriste) inadéquate et recherche un principe formel du genre d'un principe de relativité généralisé étendu, applicable à l'ensemble des lois physiques, car la solution ne peut désormais provenir que d'une plus grande unité. De Broglie recherche une solution dans le droit fil de l'intuition qui présidait déjà à ses premiers travaux, basée sur une image spatio-temporelle, celle d'un corpuscule lié à une onde, et posant en principe un déterminisme s'appliquant à ces concepts classiques. La'méthodologie' qu'il met en oeuvre est celle de l'obtention, selon ses propres termes, "d'images spatio-temporelles précises du dualisme ondecorpuscule", ce qui le conduit à une diversité d'hypothèses possibles, dont le choix est "arbitraire", comme Einstein le remarquait. Ce dernier, par contraste, tout en désirant maintenir le continuum spatio-temporel, ne parle jamais de sa représentation en termes d'images (il la voit très indirecte, à partir du champ pris comme concept premier), voulant précisément dépasser le dualisme et les concepts (classiques) qui l'expriment, trop 103 Ibid. 104 Louis de Broglie, lettre à Einstein, du 8.3.1954. La lettre d'Einstein du 15 février lui "a apporté un grand encouragement pour continuer à reprendre, en les approfondissant", les idées entrevues en 1927. "Je suis porté à croire que l'interprétation statistique actuellement admise est 'incomplète', et qu'il faut rechercher des images". 105 En particulier Jean-Pierre Vigier. MICHEL PATY 24 empiriques, et n'imposant pas suffisamment de contraintes. L'idée de contrainte logiquement imposée par un principe formel est centrale dans sa pensée: ce principe fondamental, s'exprimant par des limitations sur les possibilités de choix des grandeurs physiques, est chargé d'exprimer les propriétés des systèmes et des phénomènes matériels dans ce qu'elles ont d'essentiel, et doit constituer la base même de la théorie. La physique théorique au sens d'Einstein, telle que l'exige la physique à l'état où elle est parvenue, est gouvernée par quelques principes fondateurs. Celle que de Broglie met en oeuvre est différente. On peut la caractériser comme la combinaison d'une théorie physique 'phénoménologique' (c'est-à-dire qui se propose une représentation théorique des faits empiriques en termes de modèles) et d'une 'physique mathématique' (qui exploite des aspects formels tels que des analogies d'expressions mathématiques)106. Sa démarche première demeure la recherche d'une représentation spatio-temporelle conçue comme "image intelligible [du] dualisme", et des principes du genre invoqué par Einstein (généraux et de formulation abstraite) seraient accueillis volontiers, mais au titre de régulation plutôt que de fondation. La différence entre les'styles de recherche' d'Einstein et de de Broglie se manifeste également dans leurs attitudes respectives face au rapport entre la relativité et la physique quantique.
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Les temps d'initiation mesurés pour les pyroMEMS V1 et V2 sont 0,2 ms et 0,47 ms, respectivement. Le changement de la forme du filament et l'augmentation de l'épaisseur de titane ont augmenté le temps d'initiation d'un facteur 2,4. Cette différence peut être expliquée par : (1) le doublement de l'épaisseur d'aluminium de la nanothermite qui impacte donc la valeur de la conductivité thermique de la nanothermite et (2) la modification de la valeur de la résistance qui impacte la puissance électrique au sein du filament à 1,75 A. En effet, en doublant l'épaisseur de la couche d'Al à 200 nm, la diffusion de l'oxygène de l'Al au CuO sera plus longue que lorsque l'épaisseur valait 100 nm, comme présenté dans le chapitre II section II.6.4. De plus, comme évoqué auparavant, la modification de la valeur de la résistance du filament, par l'augmentation de l'épaisseur de titane diminue l'énergie dissipée par effet Joule, impliquant donc que le filament V1 chauffe plus rapidement que le filament V2. Finalement, le filament du pyroMEMS V2 permet d'obtenir des temps d'initiation proches de ceux demandés dans le cahier des charges (0,5 ms). Par ailleurs, l'augmentation de la surface de nanothermite et de l'épaisseur des bicouches, permet d'obtenir une intégrale du signal de la photodiode multipliée par 14 et une intensité maximale du signal multipliée par 4 (relatif à l'intensité de la flamme). Ceci est clairement visible sur l'enregistrement du signal émis par la photodiode lors de la réaction (cf. Figure III.9) qui montre que, comme attendu, la flamme est beaucoup plus intense pour le pyroMEMS V2 dont le volume de nanothermite Al/CuO est 4 fois plus grand et étendu que celui du pyroMEMS V1. CONCEPTION ET FABRICATION D'UN INFLAMMATEUR Nous observons aussi, sur le Tableau III.1, que la valeur de courant déterminant le seuil de non feu est très peu impacté par la modification du filament et de la nanothermite puisque ce dernier est multiplié par 1,1 entre la version V1 et V2. Ceci est conforme aux conclusions de l'étude sur l'initiation présentée dans le chapitre II : nous avions conclu que c'est la nature du substrat qui est très influente sur la valeur du seuil. Cependant, la variation de la valeur de résistance lorsque déposée sur pyrex/Kapton s'élève à 16 % pour le pyroMEMS V2, ce qui ne valide pas le cahier des charges qui stipule une valeur de résistance de 2 ± 0,2 Ω. Ceci provient de l'utilisation d'un film de Kapton, pour isoler thermiquement le filament chauffant, qui engendre des dispersions dans les paramètres des couches déposées dessus. Pendant le dépôt du film Ti par évaporation, nous pensons que les atomes de Ti pénètrent dans le Kapton qui oppose une faible barrière de diffusion aux métaux. Ceci a été validé par une mesure de l'épaisseur de Ti après dépôt sur Kapton et pyrex : elle est de 550 nm sur Kapton alors qu'elle est conforme à la consigne, soit 600 nm sur pyrex. De plus, la forte rugosité du Kapton et son irrégularité à l'échelle d'un substrat génèrent des fortes dispersions sur la géométrie des filaments et donc leurs valeurs de résistances. La Figure III.10 présente une reconstitution de la surface d'un substrat pyrex et pyrex/Kapton en 3D suite à une mesure au profilomètre optique. Nous notons que la surface de pyrex est beaucoup moins rugueuse que celle du Kapton. En effet, la rugosité du pyrex s'élève à ~ 2 nm tand que la rugosité du substrat pyrex/Kapton a été évaluée à 55 nm avec des pics pouvant atteindre 1,3 μm. Figure III.10 : Images 3D de la surface du substrat (a) de pyrex et (b) de pyrex/Kapton. Images réalisées à l'aide d'un profilomètre optique VEECO. Finalement, le temps d'initiation du pyroMEMS V2 est en accord avec le cahier des charges, mais la dispersion sur la valeur de résistance est trop importante par rapport à la demande. De plus, le seuil de non feu, d'une valeur de 0,38 A est inférieur à la spécification du cahier des charges qui vise 0,4 A. C'est pourquoi, nous avons fabriqué aussi le pyroMEMS V2 sur pyrex, sans Kapton et avons comparé ses caractéristiques par rapport à la version sur pyrex/Kapton. III.3.2. Technologie pyrex La Figure III.11 présente la photo d'un pyroMEMS V2 sur substrat pyrex et la courbe d'initiation de ce dernier en comparaison avec celle obtenue avec un pyroMEMS V2 sur pyrex/Kapton. Nous observons que pour des courants électriques inférieurs à 1,4 A (soit une puissance électrique inférieure à 5 W), les temps d'initiation sur pyrex sont supérieurs à ceux sur pyrex/Kapton. Sous 0,5 A (0,75 W), le temps d'initiation de la nanothermite est 4 fois supérieur lorsque cette dernière est déposée sur pyrex que sur pyrex/Kapton. Par contre, pour des courants supérieurs à 1,8 A (10 W), la différence entre les deux courbes s'estompe. Par exemple sous 2 A (12 W), le temps d'initiation est égal à 434 ± 96 μs sur pyrex/Kapton contre 425 ± 150 μs sur pyrex. La différence n'est plus que de 2 %. Ces résultats sont en accord avec les résultats présentés dans le chapitre II section II.6.1 et confirment que déposer le filament sur du pyrex engendre des temps d'initiation longs aux faibles puissances électriques permettant de satisfaire des valeurs de seuils de non feu supérieures à 0,5 A. En ce qui concerne le maximum et l'intégrale du signal de la photodiode, aucun des deux n'est impacté par la nature du substrat, comme présenté dans le chapitre II section II.6.1. Figure III.11 : Temps d'initiation en fonction du courant électrique pour les pyroMEMS V2 sur un substrat pyrex/Kapton et pyrex. Le Tableau III.1 résume les principales caractéristiques électriques et d'initiation pour les pyroMEMS V1 et V2 pour les deux substrats considérés (pyrex/Kapton et pyrex). CONCEPTION ET FABRICATION D'UN INFLAMMATEUR Tableau III.1 : Comparaison des principales caractéristiques des pyroMEMS V1 et V2 sur pyrex et pyrex/Kapton. PyroMEMS V1 sur pyrex/Kapton PyroMEMS V2 sur pyrex PyroMEMS V2 sur pyrex/Kapton 4,30 ± 0,30 Ω 2,81 ± 0,31 Ω 3,04 ± 0,50 Ω Valeur du courant de seuil de non feu 0,34 A 0,61 0,38 Temps d'initiation sous 1,75 A 0,24 ± 0,01 ms 0,62 ± 0,30 ms 0,47 ± 0,15 ms Intensité maximale de la photodiode 0,63 ± 0,12 mA 3,20 ± 0,40 mA 3,30 ± 0,40 mA Non feu jusqu'à 0,4 A pendant 10 s Non Oui Non Résistance moyenne du filament / Ecart type Sur 10 mesures En résumé des caractérisations réalisées sur les deux pyroMEMS V2 sur pyrex/Kapton et pyrex, nous observons de meilleures caractéristiques lorsqu'un substrat pyrex est utilisé : - La reproductibilité de la valeur de résistance est améliorée de 5 % même si la dispersion reste élevée pour un composant à visée industrielle. La valeur du seuil de non feu est augmentée à 0,61 A ce qui permet alors de respecter la condition de non feu de 0,4 A pendant 10 s spécifiée dans le cahier des charges. Cependant, le temps d'initiation sous 1,75 A est supérieur à 0,4 ms, ce qui est une des caractéristiques fortement souhaitée dans le cahier des charges. Ainsi, même si le pyroMEMS V2 sur pyrex/Kapton sera choisi pour les tests d'intégration et d'allumage de la composition secondaire afin de valider la fonction inflammateur, nous envisageons à terme, c'est-à-dire pour la réalisation d'un prototype industriel : - D'éliminer le Kapton et de déposer le filament directement sur pyrex pour les applications compatibles, avec une initiation à fort courant. - De remplacer le Kapton par un matériau polymère isolant thermique mais offrant un meilleur état de surface, tel que le parylène ou DF (Dry-Film). Cette technologie en cours de développement au moment de l'écriture de cette thèse ne sera pas présentée dans le manuscrit. III.4. Intégration de l'inflammateur et tests Après fabrication des puces pyroMEMS V2 sur pyrex/Kapton, ces dernières sont découpées puis assemblées sur une traversée de verre (TV) et connectées aux deux broches de cette dernière. La traversée de verre étant conductrice, un support isolant est positionné sur cette dernière afin d'être certain que la connexion soit bien réalisée entre la puce et les broches de contacts, et qu'il n'y ait pas de court-circuit entre la connexion et la TV. Ce support est un circuit imprimé (PCB) comportant des contacts et un filament non fonctionnel au centre comme présenté sur la Figure III.12. Figure III.12 : Photos (a) de la traversée de verre (TV), (b) du PCB support brasé sur la TV et (c) du pyroMEMS V2 intégré et connecté aux broches de la TV. Le circuit imprimé est brasé aux broches de la TV permettant le contact électrique entre ces dernières et les pistes du circuit et assurant aussi un maintien mécanique du PCB. Le pyroMEMS est ensuite collé sur le PCB à l'aide d'une colle époxy non conductrice (H70-E de EpoTek) et ses contacts électriques sont connectés à l'aide d'une colle conductrice (H20-E de EpoTek) aux broches de la TV (cf. Figure III.12 (c)). CONCEPTION ET FABRICATION D'UN INFLAMMATEUR III.4.1. Tests des puces assemblées et connectées aux TV Les pyroMEMS ainsi assemblés et connectés sont testés, sans composition pyrotechnique secondaire, afin de valider que les caractéristiques d'initiation sont conformes aux résultats sur puces nues précédemment présentés. Un créneau de courant de 1,75 A pendant 0,5 ms est envoyé au travers des broches à l'aide d'une alimentation pyrotechnique NIMTECH AKLV16. Seulement 30 % des pyroMEMS se sont initiés (sur 10 pyroMEMS montés sur TV, seulement 3 se sont initiés) alors que 100 % de réussite d'initiation était obtenu sur puces nues. Après analyse, le problème a été identifié et provient de l'utilisation de la colle conductrice assurant le contact électrique et mécanique entre les broches de la TV et les pistes du pyroMEMS. En effet, le créneau de courant de 1,75 A, généré par l'alimentation pyrotechnique NIMTECH AKLV 16, a un temps de montée < 10 μs, occasionnant un choc thermique dans le volume de la colle conductrice qui engendre sa rupture dans 7 cas sur 10. Pour s'affranchir de ce problème, faute de solution de remplacement rapide de la colle conductrice pour effectuer la connexion pyroMEMS/TV, nous avons utilisé une alimentation électrique Keithley 2430, produisant des créneaux de courant avec des temps de montée plus importants (~ 100 μs). Ainsi, 100 % des pyroMEMS montés se sont initiés et les caractéristiques d'initiation obtenues ont été conformes à celles obtenues sur puces nues. En effet, sur 10 tests, le temps d'initiation des puces s'élève à 0,40 ± 0,04 ms, alors que pour les puces nues ce dernier vaut 0,47 ± 0,15 ms. III.4.2. Report des compositions pyrotechniques secondaires et tests Enfin, les compositions secondaires de type BKNO3 ou ThPP sont déposées sur le pyroMEMS assemblé afin de tester son allumage. Là encore, cette étape réalisée chez un industriel autorisé à manipuler des matériaux pyrotechniques, a rencontré de multiples difficultés dont l'endommagement du point de colle lors de la compaction de la composition secondaire. Ainsi, seuls des tests sans compacter la poudre ont pu être réalisés et ont validé l'initiation de la BKNO3 et de la ThPP avec la nanothermite, prouvant ainsi la possibilité de remplacer le filament résistif et la composition d'allumage, utilisés dans les inflammateurs actuels, par un pyroMEMS. Le Tableau III.2 présente le récapitulatif des tests d'initiation des deux compositions. Le temps d'initiation reporté ici correspond au temps entre l'initiation du pyroMEMS et celui de la composition secondaire, soit le temps d'initiation de la composition en elle-même. CHAPITRE III Tableau III.2 : Récapitulatif des tests d'initiation des compositions secondaires avec les pyroMEMS V2 (initiation sous une impulsion de 1,75 A). Composition BKNO3 ThPP Nombre de tir 6 6 % réussite 50 % 33 % Temps d'initiation (secondaire) 5,2 ± 0,1 ms 3,0 ± 0,6 ms Notons que le pourcentage de réussite des tirs n'est pas optimum, il s'élève à 50 % pour la BKNO3 et 33 % pour la ThPP. Cette dispersion est assimilée à l'utilisation de la colle conductrice et d'une alimentation pyrotechnique qui, comme précisé auparavant, ne donne que 30 % de réussite. Ces résultats montrent tout de même qu'il est possible d'initier une composition secondaire en moins de 5 ms. La composition ThPP semble plus sensible à la chaleur que BKNO3 avec un d'initiation 1,7 fois plus petit, et sera donc testée en priorité par la suite. III.4.3. Résumé En conclusion, ces premiers prototypes assemblés ont pointé la faiblesse de l'utilisation d'une colle conductrice pour connecter les contacts du pyroMEMS sur les broches de la TV. Cependant, ils ont aussi montré que seulement 282 μg de nanothermites (volume de 4,87 x 10-2 mm3), matériau non pyrotechnique et sécurisé, suffisaient à initier une poudre secondaire en 5 ms et donc à s'affranchir d'un matériau d'allumage très sensible. Les temps d'initiation des compositions secondaires testées sont trop longs (compris entre 3,0 ms et 5,2 ms) ce qui nécessite encore un travail de mise au point de la poudre et de son compactage sur le pyroMEMS pour les réduire. Fort de ces résultats encourageants mais perfectibles, nous avons proposé une puce pyroMEMS prototype « pré-industriel » en coopération avec CICOR (Cicorel SA, Suisse et Reinhardt Microtech, Allemagne) pour assurer les exigences du cahier des charges que nous ne pouvons satisfaire avec les moyens technologiques d'un laboratoire de recherche (dispersion des valeurs des résistances qui impacte grandement les caractéristiques d'initiation et report contact face arrière pour faciliter les connexions électriques). Notamment, dans ce pyroMEMS prototype « pré-industriel », le filament résistif sera réalisé par l'industriel qui a des moyens de production permettant le bon contrôle des épaisseurs et dimensions des couches minces déposées. Notons que, CICOR prenant en charge la réalisation des filaments, le Kapton n'est plus possible puisqu'il ne constitue pas un matériau standard utilisé dans les procédés technologiques industriels ; le choix d'un substrat pyrex s'est donc imposé à cette étape. Notre contribution sera ensuite de déposer isation cathodique sur les substrats de filaments fabriqués par CICOR. Pour ce faire, nous utiliserons le nouveau bâti de dépôt TFE présenté en chapitre I section I.1.5. En effet, cet équipement industriel permet d'obtenir des vitesses de dépôt de 15 bicouches Al/CuO 200/200 nm en moins de 6 h donc assurera une cadence de dépôt compatible pour un transfert industriel. Pour comparaison, un dépôt de 15 bicouches Al/CuO 200/200 nm sur le bâti UNIVEX demande 30 h. De plus, nous avons vu que le procédé TFE permet une meilleure qualité des couches produites, notamment le CuO qui a une densité équivalente au matériau massif et une rugosité réduite par rapport à l'UNIVEX, ce qui se traduit par une meilleure résolution dimensionnelle dans les empilements. Les images MET des empilements (cf. Figure III.13 : Images de MET d'un empilement de 15 bicouches de CuO/Al 200/200 nm suivant le procédé de dépôt (a) UNIVEX et (b) TFE. III.5. Conception, fabrication et tests d 'un prototype « préindustriel » de pyroMEMS III.5.1. Conception et fabrication de plaques 50 x 50 mm2 de pyroMEMS En accord avec CICOR, un nouveau design de filament et de contact électrique a été réalisé et est le plus proche possible du filament optimisé par nos soins (pyroMEMS V2) et satisfaisant leurs contraintes de procédés. En effet, ce nouveau design maintient une valeur de résistance de 2,0 ± 0,2 Ω et les contacts électriques face avant sont remplacés par des trous 99 CHAPITRE III métallisés pour le passage des broches de connexions de la TV. Ce dernier point permettra de ne plus utiliser de colle conductrice mais de braser le pyroMEMS sur les broches du TV, évitant alors tous les problèmes rencontrés lors de l'assemblage dans les tests précédents. Aussi pour assurer un bon contact électrique/mécanique et une bonne mouillabilité de la crème à braser, les contacts électriques du filament sont agrandis et une surépaisseur d'or (~ 10 μm) est déposée. Les dimensions de la puce pyroMEMS prototype « pré-industriel » ainsi adaptée sont présentées en Figure III.14. Figure III.14 : Schémas des puces pyroMEMS prototype « pré-industriel » sans (a) et avec (b) la nanothermite. On y voit les vias métallisés en or d'un diamètre de 1,1 mm afin d'accueillir les broches de connexions de la TV dont le diamètre est de 1 mm. Un filament en or, d'épaisseur 300 nm et de 1,6 mm de longueur, est réalisé entre les plages d'accueil de la brasure avec une restriction au centre telle que conçue en phase précédente. L'or a été choisi ici car il permet d'obtenir des résistances de petites valeurs, avec une dispersion faible, tout en gardant une épaisseur de dépôt couches minces (< 1 μm). Les plages d'accueil de la brasure ont un diamètre de 2 mm. Enfin, la nanothermite Al/CuO est déposée sur toute la surface libre en évitant le contact avec les plages d'accueil de la brasure. La surface prévue pour la nanothermite est dans ce nouveau design 14 mm2. La surface de chauffe, c'est-à-dire la surface de filament recouverte de thermite, qui servira à l'initiation, a été elle diminuée de 12 % par rapport au pyroMEMS V2 (de 0,77 mm2 à 0,68 mm2). III.5.1.1. Approvisionnement des plaques de filaments par CICOR et préparation pour dépôt nanothermite Une photo des plaques de filaments réalisées chez CICOR et approvisionnées au LAAS est présentée en Figure III.15. Chaque plaque carrée, possède 36 puces d'une taille de 5,6 × 4,5 mm2 dont la valeur des résistances vaut 1,92 ± 0,1 Ω. 100 CONCEPTION ET FABRICATION D'UN INFLAMMATEUR Figure III.15 : Photos après réception (a) d'un substrat mis en forme par CICOR, et (b) zoom sur la partie résistive. Après réception, les plaques de filaments sont nettoyées par plasma O2 pendant 2 min, afin d'enlever toutes traces résiduelles de solvants ou autres contaminations avant le dép de nanothermites au travers d'un masque shadow réalisé en silicium montré en Figure III.16. Figure III.16 : Photo du masque shadow en silicium produit pour le dépôt de nanothermites des pyroMEMS . CHAPITRE III Fabrication du masque shadow Un substrat de silicium de 500 μm d'épaisseur est nettoyé par plasma d'oxygène pendant 5 min. Ensuite, un promoteur d'adhérence HMDS (Hexaméthyldisilazane) est déposé sur la surface du substrat. Ce promoteur a pour but d'améliorer l'adhérence de la résine AZ40XT de 40 μm (MicroChem Corporation) déposée par centrifugation. Un recuit à 126 °C pendant 180 secondes est ensuite réalisé, avec une pente de montée en température de 10 °C.min-1 entre 65 °C et 126 °C pour évaporer les solvants présents dans la résine. La résine est ensuite insolée aux UV (405 nm) au travers du masque de photolithographie définissant le motif du masque shadow. Un second recuit à 105 °C pendant 80 secondes, avec une rampe en température de 10 °C.min-1 entre 65 °C et 105 °C, est réalisé afin de réticuler les zones non insolées avant de dissoudre les autres dans du MFCD26 pendant 120 secondes. La résine est maintenant mise en forme en laissant apparaitre les futurs motifs de la nanothermite. Les étapes principales sont résumées sur la Figure III.17. Figure III.17 : Schéma de principe du procédé de réalisation du masque shadow. Les parties de silicium non recouvertes de résine sont ensuite gravées par gravure DRIE ('Deep Reactive Ion Etching' en anglais et gravure ionique réactive profonde en français) afin de traverser le silicium. Le substrat de silicium ainsi mis en forme est plongé dans un bécher d'acétone pendant 30 min minimum afin de dissoudre la résine AZ40XT, utilisée lors de la gravure. Enfin, le substrat est rincé à l'eau déion , et un plasma de 15 min à 800 W est réalisé afin d'enlever les dernières traces de résine. CONCEPTION ET FABRICATION D'UN INFLAMMATEUR III.5.1.2. Dépôt de la nanothermite Al/CuO D'abord, il est nécessaire d'aligner l'échantillon sur le masque shadow. Cette étape est réalisée à l'oeil nu et l'échantillon est maintenu en place à l'aide de deux petits scotchs Kapton comme présenté sur la Figure III.18 (a). Pour des raisons de rapidité, un second masque shadow a été réalisé, afin de pouvoir réaliser le dépôt de nanothermite sur deux échantillons simultanément. Dès lors que les deux échantillons sont alignés et scotchés sur le masque shadow, ils sont ensuite déposés sur la palette de dépôt et maintenus à l'aide de clampes en inox comme présenté sur la Figure III.18 (b). Figure III.18 : Photos (a) de l'alignement de l'échantillon sur le masque shadow, et (b) du positionnement des échantillons sur la palette de dépôt. A la fin du dépôt, les masques shadows sont retirés et sont nettoyés dans un bain d'acide (mélange d'acide phosphorique et d'eau oxygénée) avec la palette puis étuvés à 120 °C pendant 1 jour minimum. Ces étapes de nettoyage s/étuvages sont nécessaires afin de ne pas redéposer de thermite sur les masques et la palette. En effet, plus l'empilement de couche est important, plus la réactivité augmente, pouvant entrainer des initiations intempestives pendant les dépôts ou les diverses manipulations. La Figure III.19 présente une image d'un échantillon et d'une puce individuelle après le dépôt de nanothermite. Figure III.19 : Photos (a) d'un échantillon après le dépôt de nanothermite et (b) d'un pyroMEMS prototype « pré industriel ». Après cela, les échantillons sont découpés, certains gardés pour tests d'initiation au LAAS et les autres expédiés à l'entreprise pour l'intégration dans un inflammateur. III.5.2. Tests avant assemblage La Figure III.20 présente les signaux de la photodiode obtenus lors de l'initiation des pyroMEMS ainsi fabriqués en comparaison avec la version pyroMEMS V2, même si la technologie est totalement différente . Figure III.20 : Comparaison des signaux de la photodiode obtenus lors de l'initiation des pyroMEMS V2 et « pré-industriel » sous 1,75 A. Nous observons une différence importante sur les temps d'initiation entre les deux versions. En effet, pour un courant de 1,75 A, le temps d'initiation est de 0,47 ms pour le pyroMEMS V2 alors qu'il atteint 18 ms pour le pyroMEMS prototype « pré-industriel ». CONCEPTION ET FABRICATION D'UN INFLAMMATEUR Plusieurs paramètres ont changé entre les deux versions (matériau du substrat, matériau résistif, procédé utilisé pour déposer la nanothermite), si bien qu'il est difficile de déterminer la raison de cette modification. Une étude spécifique et complémentaire présentée en Annexe II a permis néanmoins de discriminer les différents apports des éléments à ce changement. Le changement de bâti de pulvérisation pour le dépôt de nanothermite explique une variation de 900 %. La modification du matériau substrat entraine une variation d'environ 932 %. La différence restante peut être attribuée à la modification du filament résistif, dont la forme mais surtout le matériau ont été changés puisqu'il est en or et non en Ti. Or, l'or est un très bon conducteur électrique et thermique par rapport au titane qui ne favorise pas le confinement thermique. Nous pensons que l'échauffement par effet Joule se dissipe dans l'ensemble du filament et notamment les contacts électriques, aussi en or, ne favorisant donc pas une chauffe rapide de la nanothermite jusqu'à sa température d'initiation. Cependant, bien que le temps d'initiation obtenu soit très long et loin des spécifications du cahier des charges, le signal de la photodiode est lui amélioré par rapport au pyroMEMS V2. En effet, le maximum du signal de la photodiode est 1,2 fois supérieur pour le pyroMEMS V3 et l'intégrale est, elle, multipliée par 1,8. Ces améliorations sont expliquées par l'augmentation de la surface de nanothermite (x 1,75) mais aussi par l'amélioration de la qualité du dépôt de nanothermite en changeant de bâti de pulvérisation TFE. Le Tableau III.3 récapitule les caractéristiques des pyroMEMS : V2 sur pyrex/Kapton et prototype « pré-industriel » pyrex. Tableau III.3 : Comparaison des principales caractéristiques des pyroMEMS V2 et prototype « préindustriel ». III.5.3. Assemblage des pyroMEMS sur TV et tests Les pyroMEMS découpés sont ensuite brasés sur les traversées de verre, comme présenté sur les schémas (a) et (b) en Figure III.21. La crème à braser de chez INVENTEC (Référence ECOREL FREE LT-140-17) est déposée de manière manuelle à l'aide d'une seringue permettant de déposer 4 mg de manière reproductible. Les puces sont ensuite placées dans un four qui effectue une rampe de température jusqu'à 170 °C, afin de réaliser la refusion de la pâte à braser et la réalisation de la connexion électrique et mécanique. Figure III.21 : Schémas de l'assemblage (a) du pyroMEMS sur la TV, (b) de la brasure du pyroMEMS et (c) de la TV avec la cup. Les valeurs de résistances, après la brasure, valent 1,93 ± 0,08 Ω et n'ont donc pas été modifiées après le montage, ce qui permet de valider la brasure comme connexion électrique fiable. La composition pyrotechnique secondaire, ThPP, est ensuite déposée dans un support appelé cup, dans lequel la TV s'insère (cf. Figure III.21 (c)). Seule la composition ThPP est testée ici car c'est celle qui a montré les temps d'initiation les plus petits sur les tests avec le précédentes versions de pyroMEMS. Notons ici qu'aucun problème d'assemblage n'a été ' rencontré, comme une rupture de la brasure, permettant alors de valider encore une fois l'utilisation d'une brasure comme connexion électrique/mécanique robuste. Le Tableau III.4 présente les résultats d'initiation des pyroMEMS « pré-industriel » brasés sur la TV avec et sans la composition ThPP. Un courant de 4 A est envoyé au sein du pyroMEMS qui réagit en 1,1 ± 0,3 ms. Comme précisé auparavant, pour obtenir un temps d'initiation en accord avec le cahier des charges, il est nécessaire d'envoyer un courant de 5 A au sein du pyroMEMS. L'alimentation pyrotechnique utilisée par l'industriel partenaire ne pouvant fournir au maximum que 4 A, c'est pourquoi ce courant a été choisi. Avec la ThPP au-dessus, un pourcentage de réussite de 81 % est atteint, contre 33 % avec la précédente configuration (pyroMEMS V2), ce qui est prometteur. De plus, la composition secondaire s'initie en 2,5 ± 0,9 ms soit une diminution de 16 % du temps d'initiation par rapport aux tests avec le pyroMEMS V2. Finalement, le dispositif complet s'initie en 3,6 ± 0,8 ms sous un courant de 4 A et seulement défaillances ont été observées. Ces dernières sont des défaillances liées à l'initiation de la poudre secondaire et non du pyroMEMS puisque ce dernier s'est initié dans 100 % des cas. Ceci démontre l'importance d'un travail aussi sur la composition de la poudre, afin de la rendre plus sensible à la chaleur générée par les nanothermites. Tableau III.4 : Récapitulatif des tests d'initiation des pyroMEMS « pré-industriel » brasés sur TV sans et avec la composition secondaire ThPP (Initiation sous une impulsion de 4 A). Composition PyroMEMS « pré-industriel » ThPP Nombre de tir 3 16 % réussite 100 % 81 % Temps d'initiation (nanothermites ou secondaire) 1,1 ± 0,3 ms 2,5 ± 0,9 ms III . 6. APITRE III Cependant, même si les puces « nues » sont satisfaisantes, nous avons essuyé des problèmes d'intégration, dus à l'utilisation de colle conductrice, compromettant la valorisation des pyroMEMS V2 dans les produits industriels alors que l'allumage d'une composition secondaire en moins de 5 ms a été validé. C'est ainsi qu'un travail technologique conjoint LAAS/CICOR a permis la génération d'un pyroMEMS « pré-industriel » robuste et aux caractéristiques respectant les exigences du cahier des charges. En effet, l'utilisation de vias métalliques permettant une connexion électrique par brasure élimine les défaillances électriques et mécaniques rencontrées lors de l'utilisation de la colle conductrice. Pour conclure, ce travail a souligné les difficultés techniques souvent rencontrées lors de l'interfaçage de deux technologies, notamment dans les connexions électriques et mécaniques. Malgré tout, un composant et une technologie transférable vers un industriel, CICOR, est aujourd'hui disponible. Un travail en cours sur le procédé TFE est nécessaire pour réduire les temps d'initiation de la nanothermite par 40 sans altérer l'intensité et la durée de la flamme. A ce jour, nous avons réussi, en jouant simplement sur l'épaisseur des bicouches dans les empilements de la nanothermite, à régler le temps d'initiation entre 18 ± 1 ms et 7 ± 2 ms. Des couches très fines en début d'empilement permettent de réduire le temps d'initiation alors que des couches plus épaisses au-dessus assurent l'intensité et la durée de la flamme. Ces premiers résultats sont prometteurs et donnent donc des assurances quant à la possibilité d'adapter la structure de la nanothermite pour respecter les temps d'initiation requis dans les cahiers des charges. CHAPITRE IV ETUDE ET REALISATION D'UN DISPOSITIF SECTIONNEUR A BASE DE NANOTHERMITES CHAPITRE IV 110 CONCEPTION ET FABRICATION D'UN SECTIONNEUR Le chapitre précédent a illustré l'intégration d'un pyroMEMS dans un inflammateur pour générateur de gaz ou étoupille. Il a démontré la possibilité de remplacer les compositions pyrotechniques d'allumage par un pyroMEMS afin d'initier des compositions secondaires génératrices de gaz. Ce chapitre a aussi permis de mettre en évidence les différents problèmes d'intégration et d'interfaçage d'un pyroMEMS avec le reste du système de commande. Une solution « pré-industrielle » ayant pour but de rendre le pyroMEMS générique, dans l'objectif d'une future industrialisation a été proposée et validée. Elle permet notamment une intégration rapide sur le support avec une connexion électrique et mécanique fiable. Ce chapitre a pour objectif de réaliser un actionneur aussi appelé sectionneur intégrant seulement des nanothermites et dont la brique de base est le pyroMEMS. Ce nouveau dispositif est un interrupteur normalement ON qui doit être capable de rompre une connexion (passage à l'état OFF) très rapidement pour des applications de sécurité (protection circuit, destruction mémoire). Ces travaux ont fait l'objet d'une publication qui sera fournie dans son intégralité en fin de chapitre. Dans un premier temps, ce chapitre présentera la conception de chacune des parties du système en commençant par la pastille en cuivre, qui jouera le rôle de court-circuit à sectionner. Ensuite, le dimensionnement du sectionneur sera présenté ainsi qu'une étude sur la génération de pression des nanothermites Al/CuO en fonction de la stoechiométrie. Enfin, le dispositif complet sera réalisé et une seconde méthode d'assemblage des pyroMEMS sera proposée tirant profit des enseignements appris sur l assemblage de l'allumeur. Les différents sectionneurs réalisés seront ensuite testés et une solution permettant la rétention de la pastille de cuivre après sectionnement sera mise en place. IV.1. Définition de quelques termes clés pour l'étude Dans un premier temps, il semble nécessaire de définir ou rappeler les termes clés qui seront utilisés tout au long de ce chapitre : - Nanothermite : lorsqu'utilisé sans précision supplémentaire, il s'agit, dans ce chapitre, du mélange de nanoparticules Al/CuO. Temps d'actionnement ou de sectionnement : définit le temps entre l'envoi de la consigne électrique de déclenchement (ici dans le pyroMEMS) et l'actionnement ou le sectionnement. IV.2. Principe de fonctionnement d'un sectionneur, cahier des charges et état de l'art La Figure IV.1 présente le principe de fonctionnement : dans l'état ON, le sectionneur assure un court-circuit entre deux dispositifs électriques : un AMONT et un AVAL. Lors du basculement de l'état ON à l'état OFF, requis une seule fois, le sectionneur rompt le courtcircuit : les deux circuits AMONT et AVAL sont alors électriquement connectés. Pour des raisons de confidentialité, les dispositifs électriques AMONT, AVAL ainsi que l'entreprise partenaire ne seront pas détaillés dans cette thèse. Figure IV.1 : Principe de fonctionnement de l'actionneur ON-OFF, dans l'état (a) ON et (b) OFF. Les flèches blanches correspondent au passage du courant électrique. IV.2.1. Cahier des charges Le cahier des charges de l'application est le suivant : - L'encombrement total du sectionneur doit être inférieur à 40 cm3. Le dispositif complet doit tenir à 200 °C. Dans l'état ON : - Le court-circuit doit tenir un courant de 80 A pendant 10 ms. Basculement ON-OFF : - - Le temps de sectionnement (tON-OFF), sous l'effet d'une commande électrique (compatible une électronique de commande), du court-circuit doit être compris entre 0,1 ms et 1 ms, dans toutes les positions. La fiabilité doit être supérieure à 99 %. Compte tenu des spécifications ci-dessus et du caractère monocoup de l'actionnement, un actionnement pyrotechnique apparaît le plus approprié. En effet, ce dernier permet 112 CONCEPTION ET FABRICATION D'UN SECTIONNEUR d'obtenir des actionnements mécaniques très puissants dans un faible encombrement (jusqu'à 100 J.mm-3) [98] et avec une fiabilité bien supérieure à 99 %. Un rapide état de l'art des sectionneurs pyrotechniques est présenté ci-dessous et permettra de positionner notre concept par rapport à la littérature. IV.2.2. Etat de l'art des sectionneurs pyrotechniques La plupart des sectionneurs pyrotechniques sont basés la génération de gaz pour rompre directement une connexion ou mettre en mouvement un objet tranchant venant sectionner un câble ou une connexion. Mais d'autres systèmes existent, tels que les fusibles pyrotechniques et seront donc présentés dans ce rapide état de l'art. Ces différents types de sectionneurs sont utilisés dans de nombreux domaines comme l'architecture, les travaux de construction, de démolition, de transport, de libération de mines et la sécurité des personnes. IV.2.2.1. Fusible pyrotechnique Le principe du fusible pyrotechnique est d'utiliser une composition pyrotechnique comme élément de sectionnement et ne nécessite donc pas de commande extérieure pour déclencher son actionnement. La composition pyrotechnique, sensible à la chaleur, est placée soit très proche du composant, soit joue le rôle de filament. Ainsi, lorsque la température du composant en défaut (concentration de courant par exemple) excède la température d'initiation de la composition cette dernière s'initie et déconnecte le composant du reste du circuit. Par exemple, un brevet de 2016 [99] présente un composant électronique de puissance incluant une sécurité de type fusible pyrotechnique. Le but dans ce brevet est de couper une connexion électrique de manière autonome, sans commande externe de déclenchement, en déposant de la nitrocellulose (température d'initiation 160-180 °C) sur le composant (cf. Figure IV.2). En cas de défaut lors de son fonctionnement, une concentration de courant provoque l'échauffement de la nitrocellulose puis son initiation et en conséquence la coupure de connexion comme schématisée sur la Figure IV.2 (b) et (c). Pour ces dispositifs, le temps de sectionnement n'est pas contrôlable précisément car il dépend de la composition utilisée et plus particulière de sa température d'initiation et de sa réactivité mais aussi du défaut et de l'augmentation de température en résultant. Dans ce brevet, les temps d'actionnement sont estimés entre la μs – 100 μs. Figure IV.2 : Schéma d'un fusible pyrotechnique [99]. Schéma du fonctionnement du fusible (a) avant et (b) après le sectionnement. En résumé, les fusibles pyrotechniques sont intéressants car très simples à mettre en oeuvre, totalement autonomes en énergie. De plus, en choisissant bien la composition pyrotechnique ils peuvent assurer des temps de sectionnement très rapides. Cependant, l'inconvénient principal réside dans l'utilisation de composition pyrotechnique, sensible à l'environnement et se déclenchant à basse température ce qui nécessite des précautions de fabrications et de stockage. Enfin, ils ne peuvent pas assurer toutes les fonctions de sectionnement car ils ne sont pas assez puissants. IV.2.2.2. Cisaille pyrotechnique Les premières cisailles pyrotechniques datent des années 1950 et les premiers brevets déposés sont relatifs à la coupure de ligne de parachute [100], [101]. Des enrouleurs de lignes étaient utilisés afin d'éviter l'ouverture rapide du parachute limitant ainsi la décélération subie lors de l'ouverture. Un sectionneur permet de rompre l'enrouleur pour réaliser l'ouverture complète du parachute. Pour cela, un actionneur pyrotechnique est utilisé pour mettre en mouvement un élément coupant. Le sectionnement, c'est-à-dire le temps entre l'envoi de la commande à l'actionneur et la rupture, dépend ici encore de la composition pyrotechnique utilisée mais aussi de la configuration du système. Dans cette application aux parachutes, le sectionnement est réalisable en quelques secondes. Plus récemment, en 2016, un brevet propose un sectionneur pour les applications dans le domaine de l'automobile [102]. Ce dernier est positionné sur des câbles électriques reliés à la batterie afin de les rompre lors d'un accident et ainsi assurer l'intégrité des autres parties du véhicule. Cette invention présente un composant, relativement compact (volume < 110 cm3), avec des temps d'actionnement rapides (< 5 ms). Un actionneur pyro , comprenant un initiateur électrique, génère des gaz dans une chambre de combustion. Sous l'effet de la D' pression, la charge pyrotechnique propulse le couteau contre l'enclume qui rompt par cisaillement la piste conductrice comme présenté schématiquement sur la Figure IV.3. La forme et la dimension du sectionnement varient selon les applications mais le principe de la cisaille reste assez générique. La Figure IV.3 présente un schéma typique de fonctionnement d'une cisaille pyrotechnique. Figure IV.3 : Schémas d'une cisaille pyrotechnique (a) avant et (b) après sectionnement. De nos jours les cisailles pyrotechniques sont couramment utilisées dans les parachutes (libération du parachute de secours), dans les lanceurs (libération et mise en service d'un satellite) et autres domaines variés nécessitant une découpe nette et/ou rapide. Le principe restant toujours la mise en mouvement d'un couteau par un système pyrotechnique comprenant une charge pyrotechnique et des initiateurs. La charge pyrotechnique est souvent composée d'une composition d'allumage, suivie d'une composition secondaire génératrice de gaz. Le choix de la composition secondaire dépend des propriétés et de la vitesse d'actionnement souhaitées. En résumé, la cisaille pyrotechnique largement utilisées dans de nombreux domaines (automobile, aérospatial, bâtiment, ), permet de rompre un câble en moins de 5 ms avec une fiabilité supérieure à 99 %. Elle reste un dispositif volumineux (> 40 cm3) pour répondre à notre cahier des charges. Ce volume est principalement lié à la taille du couteau et au volume de composition pyrotechnique à embarquer pour assurer des sectionnements puissants. Toutefois, pour sectionner de petites connexions, il n'est pas nécessaire de mettre en mouvement un couteau et la génération de gaz peut être suffisante comme présenté cidessous. CHAPITRE IV IV.2.2.3. Sectionnement par génération de gaz Le principe de ces sectionneurs à générateurs de gaz est très similaire aux cisailles pyrotechniques sauf que, dans ce cas, le gaz généré ne permet pas de déplacer un couteau mais de rompre directement la connexion suite à une commande extérieure. Par exemple, un brevet de 1974 présente un dispositif pyrotechnique de coupure des circuits électriques [103]. Ce coupe-circuit utilise une composition pyrotechnique déposée directement dans une cavité créée entre deux contacts électriques. Un filament de commande est placé à l'intérieur de cette cavité, comme présenté en Figure IV.4. Suite au passage d'un signal électrique, le filament s'échauffe par effet Joule, provoquant l'initiation de la composition pyrotechnique. Des gaz sont alors générés dans la cavité, résultant en une ouverture des deux contacts électriques (cf. Figure IV.4 (b)). Comme dans la plupart des sectionneurs présentés ici, le temps de sectionnement des contacts, ici inférieur à 9 ms, dépend essentiellement de la composition pyrotechnique utilisée. Figure IV.4 : Schéma d'un coupe-circuit électrique (a) avant et (b) après le sectionnement [103]. Plus récemment, un article français présente un actionneur pyrotechnique intégrant de la nitrocellulose dans une cavité fermée par une membrane [104]. L'initiation de la composition est réalisée par 3 résistances et la génération de gaz au sein de la cavité a pour objectif de rompre la membrane. Le système est miniature (volume ~ 22 cm3) et le temps de sectionnement varie de quelques douzaines à quelques centaines de millisecondes, en fonction de la puissance fournie aux résistances chauffantes. Finalement, l'ensemble de ces sectionneurs permet d'atteindre des temps de sectionnement proches de ceux demandés dans le cahier des charges. Cependant, les compositions utilisées dans ces différents sectionneurs sont sensibles à la chaleur et ne permettront pas de résister, sans dégradation de la composition, à 200 °C comme souhaité dans le cahier des charges. Enfin, les systèmes disponibles ou présentés dans la littérature sont trop volumineux notre (notre requête est < 40 cm3). Des tentatives de miniaturisation ont été explorées dès les années 95, notamment au LAAS. IV.2.3. Le micro-actionnement pyrotechnique Le micro-actionnement pyrotechnique consistant à intégrer les compositions pyrotechniques comme la nitrocellulose sur des initiateurs silicium a été exploré au LAAS en 1995 pour l'actionnement micro-fluidique d'abord, motivé par des applications d'injection de médicament [105] au travers la peau. Puis il a été appliqué à la réalisation de switch ON-OFF en 2006 dans la thèse de P.Pennarun [22]. Le concept de ce dernier est la rupture mécanique d'une piste électrique par les gaz générés par une composition pyrotechnique déposée sur un dispositif en technologie silicium comme présenté sur la Figure IV.5. Afin de déconnecter la piste, le filament résistif chauffe localement un propergol double base placé dans la cavité silicium sous la membrane support du filament. Les gaz émis par la réaction du matériau énergétique cassent la membrane et donc la piste en cuivre qu'elle supporte. L'actionnement est réalisé en 20 ms. Figure IV.5 : Schéma de l'actionneur pyrotechnique développé par P.Pennarun (a) avant et (b) après actionnement [22]. Peu après ces travaux, l'équipe propose de remplacer les propergols, peu réactifs et présentant des risques d'arrêt de combustion à basse dimensionnalité, par des nanothermites. [23]. Depuis, de nombreux travaux sur les nanothermites en multicouches ont été réalisés comme présentés dans le chapitre I. En 2014, lors de la thèse de L.Glavier, l'équipe a démontré la possibilité de réaliser des actionnements très localisés et relativement puissants [26] à partir de différents mélanges de poudres nanométriques : Al/CuO, Al/Bi2O3, Al/MoO3 et Al/PTFE. Ces travaux visant le développement d'un micro détonateur ont montré que ces mélanges de nanoparticules peuvent générer des surpressions entre 7 et 22 MPa en moins de 117 CHAPITRE IV 0,5 ms avec seulement une quantité de 20 mg dans un volume de 9 mm3. Dans cette même configuration, un mélange de nanoparticules Al/CuO génère 17 MPa avec un temps d'initiation de 15 μs. Al/Bi 2O3 est lui le couple le plus réactif avec une montée en pression de 4 MPa.μs -1 et une pression atteinte de 29 MPa. Cependant il est difficile à manipuler de façon sécurisé car très sensible aux ESD. Ces travaux ont permis de développer un détonateur miniature : une masse d'Al/Bi2O3 mélangée à une poudre RDX génère une surpression qui découpe et met en vitesse un « paillet» ; ce dernier s'accélère dans un canon pour percuter un cordeau de RDX à des vitesses proches de 900 m.s-1 pour l'initier en détonation. Finalement, ces travaux ont permis de montrer que les nanothermites sous forme de mélange de nanoparticules peuvent générer des surpressions localement et rapidement (< ms). Le niveau de pression et les de réponse étant réglables par le choix du couple, de sa stoechiométrie et en adaptant le taux de chargement des nanothermites dans le volume de la chambre [107]. Au-delà de nos travaux, d'autres équipes américaines ont illustré la capacité des nanothermites en poudre à créer des appoints de pression : par exemple, une équipe américaine a montré qu'il était possible d'utiliser des nanothermites Al/Bi2O3 pour détruire un substrat en utilisant leurs propriétés de combustion et de génération de pression [17]. Nous proposons donc de développer un sectionneur de type générateur de gaz car c'est le plus adapté à la miniaturisation.
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The the time of the fall of magnetisatich in a magnetized iron cylinder (Mesure du temps que met l'aimantation à disparaître dans un cylindre aimanté); Phil. Mag., t. XXXI, p. 64; I89I). Un dispositif simple permet d'ouvrir le circuit d'une bobine inductrice à noyau de fer et de fermer un circuits induit au bout d'on temps connu et très court; on constate ainsi que les effets d'induction ne sont pas instantanés, ce qui prouve que le fer ne perd pas immédiatement son aimantation; cette induction résiduelle (after-induction) a duré, dans une expérience~ 2013~' de C. RAVEAU. seconde. PROCE INGS OF THE ROYAL T. J. HOPKINSON. -- SOCIETY; XLVIII; dé I890. des alliages de nickel et de , p. r. L pai les propriétés J étiques , la composition centésimale est la suivante : faites sur l'échantillon ~, à différentes tempemontré que la force coercitive est plus considérable et le maximum d'induction plus élevé que dans le fer à peu près Les expériences ratures ont.
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6.2.4 La dépense en éducation, origines, distribution et rendements La croissance du budget alloué à l'éducation depuis les années '90 a été l'une des plus significatives de l'histoire du pays. Entre 1990 et 2002, le budget est passé de 940,3 à 3017,7 millions de dollars (monnaie courante 2001). En effet, il a été multiplié plus que par trois. Ceci équivaut à une augmentation des dépenses publiques en proportion du PIB de 2,4% en 1990 à 4,4% en 2001, avec, respectivement, 12,5% du budget total des dépenses publiques allouées à l'éducation, puis 18,5% (OCDE, 2004). Certainement, le lien entre dépenses éducatives et résultats n'est pas automatique, mais l'effort d'investissement a été considérable et le débat centré sur la qualité et les résultats du 407 Gallego, F . ; Sapelli , C. ; 2007 ; El financiamiento de la educación en Chile: una evaluación ; Revista Pensamiento Educativo, PUC, Vol.40, no1 ; pp. 263-284 408 Hsieh, C-T. ; Urquiola, M ; 2003 ; When Schools Compete, How Do They Compete? An Assessment of Chile's Nationwide School Voucher Program ; NBER Working Paper n°10008 ; 43 pp. 409 Kremerman, M. ; 2008 ; La privatización de la educación: estudio del caso chileno ; Campaña Latinoamericana por el Derecho a la Educación (CLADE) ; 34.pp 410 Cox, C. ; 1997 ; La Reforma de la Educación Chilena: Contexto, Contenidos, Implementación ; Programa de la Reforma Educativa en América Latina, PREAL ; Doc. n°8 ; 25 pp. 214 système prend une place tout à fait légitime. Redondo (2005)411 ne manque pas de noter que les chiffres investis chaque année ont fait de l'éducation, sous le schéma en, un énorme champ d'affaires pour certains (p. 106). Selon les données officielles, les dépenses totales en éducation au Chili tous niveaux confondus (et en y incluant services auxiliaires, R&D, etc.) et mesurées en pourcentage de PIB, atteignent 4,2% dans le public et 3,3% dans le privé. Ce total (7,5% du PIB) est supérieur à la moyenne des pays de l'OCDE (5,9%) mais sa composition reste très différente, car pour l'OCDE elle est, respectivement, de 4,6% et de 1,3% (MINEDUC, 2003a).412 En outre, les pays de l'OCDE dépensent 2,3 fois plus que le Chili (en dollars PPA) par élève scolarisé dans l'éducation primaire, bien que celui-ci investi beaucoup plus que certains pays comme le Pérou ou le Brésil. Au niveau secondaire, ce rapport serait de trois fois moins que la moyenne OCDE (MINEDUC, 2005). Toujours pour la période 1990-2002, les dépenses privées en éducation ont été multipliées plus que par deux en passant de 1,4% en 1990 à 3,3% du PIB en 2000. Pourtant, celles-ci ont tendance à se concentrer au niveau de l'enseignement supérieur, où près de 80% de dépenses provient des familles, au contraire de la moyenne des pays OCDE qui serait de 20% pour ce niveau (MINEDUC, 2003a). De toute façon, les familles accordent une importance croissante aux dépenses en éducation, incorporant autant des frais d'inscription, puis de scolarisation, comme d'autres frais généraux (livres, outils, vêtements, transport, etc.). Ces dépenses atteignaient, au total, 15% du budget mensuel pour les familles de niveau socioéconomique bas, tandis qu'elles représentent 11% chez les familles du quintile le plus aisé (Marcel et Tokman, 2005).413 Pourtant, la disparité d'investissement reste très forte entre ces deux extrêmes. De fait, pour ce qui est des frais de scolarisation, les familles du niveau socioéconomique haut dépensent 31 fois plus que les familles de niveau bas et 21 fois plus que celles du niveau moyen-bas, ainsi que 3 fois plus en termes d'autres dépenses, et respectivement entre 10 et 8 fois plus pour le total de dépenses allouées à l'éducation de leurs enfants. 411 Redondo, J. ; 2005 ; El Experimento Chileno en Educación: ¿Conduce a mayor Equidad y Calidad en la Educación? ; Revista Última Década, n°22 ; pp. 95-110 412 MINEDUC ; 2003 (a) ; Una Mirada a la Educación: Resultados del Proyecto Mundial de Indicadores WEI (World Education Indicators) 2003. Depto. de Estudios y Desarrollo, División de Planificación y Presupuesto ; 28 pp. 413 Marcel, M. ; Tokman, C ; 2005 ; ¿Cómo se Financia la Educación en Chile? ; Estudios de Finanzas Públicas, Ministerio de Hacienda ; 53 pp. Globalement, les chiffres ici considérés sont cohérents avec deux phénomènes déjà commentés. D'une part, avec les évolutions de la couverture et des effectifs par type d'établissement. Et d'autre part, la forte segmentation sociale liée à l'école, de même que la présence croissante des ressources familiales directes pour financer la scolarisation des enfants. Pour ce qui est de la distribution des dépenses publiques en éducation, il existe deux sources. D'un côté, les mairies et d'autre côté le gouvernement central, à travers son Ministère principalement. Marcel et Tokman (2005) notent que 96% du total correspond au MINEDUC et 4% aux mairies, dont leurs dépenses restent difficiles à départager entre celles qui seraient dues aux déficits à combler et/ou celles qui proviennent de la priorité assignée à l'éducation par chaque commune. Du budget total du Ministère, 61% des dépenses en 2003 correspondaient aux subventions pour les niveaux primaire et secondaire du système. Du côté des dépenses privées, selon Marcel et Tokman (2005), celles-ci correspondaient à 38% du total des ressources allouées en 2003 au niveau primaire et à 49% du secondaire,414 ce qui représente des proportions assez fortes mais dont nous ne connaissons pas leur distribution sociale, soupçonnée d'être fortement concentrée dans les établissements privés-payants. Nous retiendrons qu'il s'agit des chiffres élevés en comparaison aux pays OCDE dont 8,2% en moyenne correspond à des ressources privées dépensées pour le primaire et le secondaire (Kremerman, 2008). Enfin, Marcel et Tokman notent que l'investissement public pour la scolarisation en bas âge (8% en 2003) reste très à l'écart des tendances mondiales. Marcel et Tokman (2005) notent que si l'on considère en plus la taille des populations effectivement prises en main par chaque secteur, il est possible d'apprécier une forte segmentation dont les origines se trouvent « dans la capacité de paiement » des familles (p. 42). Ceci en dépit du fait que les dépenses publiques se concentrent davantage dans la population la moins favorisée et sachant que la subvention par élève ne représente, au mieux, qu'un tiers des ressources par élève dont dispose une école Sur des données 2007 de l'OCDE, Kremerman (2008) note 31% en moyenne de dépenses privées pour les niveaux primaire et secondaire. privée payante (Mizala et al., 2005).415 Enfin, notons que la segmentation sociale semble augmenter au fur et à mesure que l'on avance dans le parcours scolaire et elle donc plus forte dans le secondaire que dans le primaire (Mizala et Romaguera, 2000a).416 Finalement, côté rendement, Beyer (2000b) indique que l'impact de l'éducation sur les salaires ne se fait noter qu'à partir du supérieur (>12 ans d'études) et que pour les niveaux préalables il y a une forte similitude en termes de rendement : en moyenne, respectivement 6% et 10% pour le primaire et secondaire contre 22% pour le supérieur, ce qui est largement différent des pays développés. D'après lui, ceci expliquerait en partie la persistance des inégalités distributives du pays. Sapelli (2003b)417 rejoint ces résultats mais trouve un rendement sur les salaires de tendance croissante au fur et à mesure que le niveau de scolarité atteint est plus élevé, quoi qu'avec un très fort impact des diplômes du supérieur. Finalement, Nuñez et Gutierrez (2004)418 démontrent que l'origine sociale constitue un facteur très puissant pour expliquer les différences de salaires sur le marché du travail local. Ceci en analysant un échantillon de diplômés universitaires en commerce et économie dont les différences de salaire pouvaient aller de 25% à 35%, à niveau de qualification et de compétences équivalent, voire supérieur. Les auteurs indiquent pourtant qu'il reste à expliquer les mécanismes de cette forte discrimination sociale, mais que si elle est présente chez les plus diplômés, il y a des fortes suspicions qu'elle le soit partout. 415 Mizala, A. ; Romaguera, P. ; Ostoic, C. ; 2005 ; Equity and Achievement in the Chilean School Choice System ; Centro de Economía Aplicada, Departamento de Ingeniería Industrial, Universidad de Chile ; 28 pp 416 Mizala, A. ; Romaguera P. ; 2000 (a) ; Determinación de Factores Explicativos de los Resultados Escolares en Educación Media en Chile ; Centro de Economía Aplicada, Departamento de Ingeniería Industrial, Universidad de Chile, Serie Economía no 85 ; 32 pp. 417 Sapelli, C. ; 2003 (b) ; Ecuaciones de Mincer y Tasas de Retorno a la Educación en Chile: 1990-1998 ; PUC ; Instituto de Economía, Pontificia Universidad Católica de Chile, Documento de Trabajo n°254 ; 30 pp. 418 Núñez, J. ; Gutiérrez, R. ; 2004 ; Classism, Discrimination and Meritocracy in the Labor Market: The Case of Chile ; Departamento de Economía, Facultad de Economía y Negocios, Universidad de Chile, Documento de Trabajo no 208 ; 22 pp. 217 6.2.4 Les enseignants : statut, qualité, salaires, des sujets en plein débat Avec l'arrivée de la démocratie, le statut des enseignants a été encadré par une loi nationale (Estatuto Docente) qui régule leur contrat et leur salaire pour tous les établissements municipaux. A l'origine de cette loi, se trouvent les accords et les négociations, à partir de 1990, entre le grand syndicat enseignant (Colegio de Profesores) et le gouvernement de l'époque. Il s'agit d'un cadre législatif qui cherchait, entre autres, à restituer une certaine dignité de la profession qui avait été fortement bafouée par la Dictature (Reyes et Cornejo, 2008).419 Mais il s'agit aussi d'un cadre qui reprend une partie des privilèges historiques associés à ce secteur (Belleï, 2005).420 Bien que ce « Estatuto Docente » demeure un vaste sujet de polémique, le gouvernement et le syndicat enseignant ont, en parallèle, négocié la mise en place d'autres mesures touchant au statut des maîtres.421 Parmi elles, l'instauration des systèmes d'incitations salariales, l'augmentation de l'offre de formation professionnelle ; et enfin, un système d'évaluation de l'activité des enseignants mis en place en 2003 et censé permettre d'identifier et de licencier les plus déficients (Evaluación del Desempeño Profesional Docente). Bien entendu, ces aspects ont été abordés par différents travaux de recherche (e.g. Mizala et Romaguera, 2004 422 ; Bravo et al., 2008 423 ; Contreras et al., 2005 ; Carnoy, 2007). En même temps, consignons que le nombre moyen d'élèves par enseignant est presque le double de la moyenne des pays de l'OCDE (33 contre 17), mais aussi, qu'il est supérieur à ce que l'on observe dans les pays voisins. D'ailleurs ce chiffre est très semblable entre le primaire et le secondaire, ce qui apparait comme une spécificité 419 Reyes, L ; Cornejo, R. ; 2008 ; La cuestión docente en América Latina. Estudio de caso: Chile ; Foro Latinoamericano de Políticas Educativas (FLAPE) ; 103 pp. 420 Belleï, C. ; 2005 ; The Private-Public School Controversy: The Case of Chile ; Program on Education Policy and Governance (PEPG), Harvard University, n°05 ; 48 pp. 421 Notons que, dans le secteur privé subventionné, c'est le Code du T ravail qui encadre les relations entre administration et enseignants, sauf pour certains aspects qui renvoient à la loi déjà citée : les jours fériés ou le nombre d'heure s de travail he bdoma daire (Mizala et Romaguera, 2002). 422 Mizala, A. ; Romaguera P. ; 2004 ; School and Teacher Performance Incentives: The Latin American Experience ; Centro de Economía Aplicada, Departamento de Ingeniería Industrial, Universidad de Chile ; 32 pp. 423 Bravo, D. ; Falck, D. ; González, R. ; Manzi, J. ; Peirano, C. ; 2008 ; La relación entre la evaluación docente y el rendimiento de los alumnos: Evidencia para el caso de Chile ; Centro de Microdatos, Departamento de Economía, Universidad de Chile ; 31 pp. 218 chilienne (MINEDUC, 2005).424 En outre, il faut dire que les salaires moyen et minimum des enseignants ont été multipliés par deux en termes réels, entre 1990 et 2000 (Belleï, 2000),425 et par trois, entre 1990 et 2005 dans le cas du salaire moyen. Le salaire annuel moyen d'un enseignant avec 15 ans d'expérience a ainsi atteint en 2008 13.579 dollars américains, mesuré en PPA (parité du pouvoir d'achat) contre 40.295 dollars pour les pays OCDE (Kremerman, 2008). En revanche, en comparaison avec l'Amérique latine et dans le cas du primaire, ce salaire est plus bas qu'au Mexique mais supérieur à ceux de l'Argentine, le Brésil ou le Paraguay et beaucoup plus haut qu'au Pérou et à l'Uruguay (MINEDUC, 2005). Pourtant, il n'est pas sans intérêt de noter qu'à l'intérieur du pays, parmi les diplômés de soixante professions universitaires considérées cinq ans après sa sortie (cohorte 2000-2001), les salaires moyens des enseignants de diverses disciplines se trouvent tout en bas de la distribution. En effet, ils sont tous parmi le tiers inférieur. Plus encore, sur les dix diplômés universitaires les moins rémunérés au pays, huit correspondent à des enseignants 426 (Meller et Brunner, 2009).427 Sans rentrer au fond du sujet, nous souhaiterons juste souligner que ces informations ne sont pas sans rapport avec la perception des enseignants sur euxmêmes, sur leur position sociale et sur leur travail. Finalement, remarquons que la stabilité des enseignants au travail (dans le secteur municipale) est fortement critiquée et signalée comme source de non-efficacité et d'abaissement de la qualité (e.g. Mizala et Romaguera, 2002).428 Parfois, celle-ci est directement rendue coupable des échecs du système entier (e.g. Sapelli, 2006 429 ; Eguiguren, 2009). De plus, les enseignants sont souvent perçus par la population et les médias comme « les responsables de la mauvaise qualité » de l'éducation au Chili (e.g. 424 MINEDUC ; 2005 ; Una Mirada a la Educación : Resultados del Programa Mundial de Indicadores WEI 2004 ; Departamento de Estudios y Desarrollo, División de Planificación y Presupuesto ; 43 pp. 425 Belleï, C., ; 2000 ; El talón de Aquiles de la Reforma. Análisis sociológico de la política de los 90 hacia los docentes en Chile ; Ponencia al Seminario Internacional Reformas Educativas y Política en América Latina ; CIDEPREAL ; 18 pp . 426 Seulement la pédagogie en mathématiques se détache notoirement du sous-groupe, et se place au 38ème rang sur 60, suivie de la pédagogie en religion à la 44ème place. 427 Meller, P. ; Brunner ; J.J. ; 2009 ; Futuro Laboral 2009/2010: Profesionales y Técnicos en Chile: Información Fundamental ; DII-UCH y CPCE-UDP ; 38 pp. 428 Mizala, A. ; Romaguera P. ; 2002 ; Regulación, incentivos y remuneraciones de los profesores en Chile ; Centro de Economía Aplicada, Departamento de Ingeniería Industrial, Universidad de Chile ; 41 pp. 429 Sapelli, C. ; "La municipalización no funcionó porque el Estatuto Docente la neutralizó." Entrevista, Diario La Tercera, 04-06-2006 [Trad.: « La municipalisation n'a pas fonctionné parce que l'Estatuto D l'a neutralisée.»]. ),431 mais ils sont aussi fortement culpabilisés et stigmatisés, principalement, de par leur stabilité au travail. Ainsi, les trois logiques salariales notées par Belleï (2000) - i.e. dignité minimale du travail enseignant, statut de fonctionnaire public et incitations à la productivité - expriment aujourd'hui les tensions existantes vis-à-vis de la politique d'Etat envers les enseignants. Au coeur de cette problématique, se trouve l'arbitrage entre le rôle des incitations et celui de la construction d'une identité et d'une éthique pour soutenir l'engagement et le sens du travail enseignant. Tout ceci appareillé d'une adéquate valorisation sociale du métier, qui semble pourtant s'enfuir. Comme le note Belleï (2004)432 on ne peut pas méconnaitre le rôle cardinal du professorat dans les réformes et dans les politiques visant la qualité et l'équité au sein du système. De fait, un sujet très sensible à cet égard - pourtant beaucoup moins présent dans l'opinion publique et les médias - est la formation initiale des professeurs (e.g. Cox, 2007 433; Avalos, 2003 434; Belleï, 2004), sachant qu'elle reste encore fortement soumise à la loi de l'offre et la demande 2006 Estudio Nacional de Opinión Pública no Ter Serie Junio io 2006 Documento de Trabajo no 366 ; . 431 Par exemple, appréciations du type « ils ont une mauvaise préparation » passent de 47% à 64%, entre 2003 et 2006, avec 24% de la population déclarant que cela constitue le principal problème de l'éducation chilienne (3ème place après l'indiscipline (30%) et les moyens (28%)). Notons que selon ce sondage, les plus éduqués du pays seraient plus portés à déclarer ceci : 33% avec la 1ère place comme problème perçu (CEP, 2006). 432 Belleï, C. (Coord.) ; 2004 ; Equidad Educativa en Chile: un Debate Abierto ; Serie reflexiones: Infancia y Adolescencia n°2, UNICEF, Santiago ; 24 pp. 433 Cox, C. ; 2007 ; Niveles del sistema escolar y formación de profesores: fallas estructurales e implicancias de la inacción ; In La reforma al sistema escolar: aportes para el debate, Brunner, J.J., Peña, C. (Coords.) ; pp. 87-102 434 Avalos, B. ; 2003 ; La Formación Docente Inicial en Chile ; UNESCO ; 38 pp. Conforme aux c aractéristiques de l'enseignement supérieur chilien (après la réforme libér ale ), presque n'importe quel type d'Université et d'Institut peut délivrer le titre d'enseignant à différents niveaux et pour diverses disciplines. Des mesures correctives à cet égard ne commencent qu'à être débattues. 6.2.5 Résultats scolaires générales au Chili : un système médiocre et inégalitaire? Le test IALS de l'OCDE (International Adult Literacy Survey, 1994-1998) sur l'alphabétisation des adultes (functionnal literacy) montrait que 54% de chiliens agés de 15 à 65 ans seraient des véritables analphabètes fonctionnels puisqu'ils ne comprendraient pas ce qu'ils lissent (Bravo et al., 2002).436 En effet, les résultats du Chili étaient les plus mauvais de l'échantillon de vingt pays. Plus encore, les pourcentages signalés se répartissent d'une manière assez inégale selon le type d'emploi des adultes, allant de 21% jusqu'à 67% selon qu'il s'agisse, respectivement, des cadres ou des agriculteurs (Huidobro et Belleï, 2003).437 Ceci nous donne déjà un premier aperçu des problèmes du système scolaire chilien, mais aussi, de son inégalité sociale. Toutefois il aurait une tendance positive vers plus d'équité entre générations, due notamment à l'augmentation de la scolarité (Huidobro et Belleï, 2003). En même temps, la comparaison internationale n'est guère encourageante, même avec des pays à plus faible revenu (Larrañaga, 2004) ou avec des pays avec un Indice de Développement Humain semblable (Medrano, 2008 438). En effet, les résultats des tests internationaux PISA et TIMSS laissent voir que la brèche entre le Chili et d'autres pays ne tient pas seulement à un problème de dépenses ou de richesse. En outre, DuruBellat et al. (2004b)439 ont mesuré l'impact des inégalités sociales sur les performances à l'écrit des élèves de 15 ans aux tests PISA 2000 et PISA+. Pour chacune des variables considérées par ces auteurs, le Chili se classe toujours au-dessus de la moyenne (i.e. il est plus inégal que la moyenne des pays), et l'indicateur synthétique d'impact des inégalités sociales sur les résultats scolaires que ces auteurs ont construit place le Chili 10ème sur 40 dans l'échelle d'inégalité. Tout ceci sachant que la variance entre établissements au sein des pays (i.e. la dispersion de résultats associée à des 436 Bravo , D. ; Contreras, D. ; Larrañaga, O. ; 2002 ; Functional Literacy and Job Opportunities ; Departamento de Economía, Universidad de Chile, Documento de Trabajo n°195 ; 29 pp. 437 García-Huidobro, J.E. ; Belleï, C. ; 2003 ; Desigualdad Educativa en Chile ; In La educación en Chile, hoy, Hevia, R. (Ed.). Universidad Diego Portales ; 465 pp. 438 Medrano, P. ; 2008 ; Social interactions and education performance: evidence from neighborhood effects in a school voucher system ; Centro de Microdatos, Departamento de Economía, Universidad de Chile ; 23 pp. 439 Duru-Bellat, M. ; Mons, N. ; Suchaut, B. ; 2004 (b) ; Caractéristiques des systèmes éducatifs et compétences des jeunes de 15 ans. L'éclairage des comparaisons entre pays ; Cahiers de l'IREDU, n°66 ; 158 pp. 221 différentiations socio-scolaires) est négativement corrélée avec la performance des systèmes (Duru-Bellat et al., 2004b). D'autres comparaisons de ce genre faites sur TIMSS 1995-1999 (Woessmann et al., 2005 440 ; García-Huidobro et Belleï, 2003) et TIMSS 2003 (MINEDUC, 2004),441 objectivent des réalités semblables utilisant d'autres indicateurs. Bref, le Chili est davantage inégalitaire parmi les pays étudiés, tout en montrant à la fois, de mauvaises performances à des conditions, disons, comparables.442 Toujours est-il que les résultats chiliens sont au-dessus de la moyenne des pays d'Amérique latine participant à PISA, ce qui est reconfirmé par l'enquête PISA en 2006.443 De plus, un rapport officiel fait noter que les élèves défavorisés chiliens réussissent comparativement mieux, à conditions contrôlées, que des élèves semblables d'autres pays de la région. Pourtant, cette situation tend à s'inverser quand il s'agit des élèves de milieu aisé (MINEDUC, 2003b).444 Le rapport note aussi qu'une partie importante des différences constatées entre scores moyens se trouve entre écoles, ce qui renforce les constats d'un système fortement stratifié (OCDE, 2004). Des comparaisons plus récentes et ne portant que sur des pays de l'Amérique latine et les Caraïbes sont illustrées dans le graphique n°2. Réalisés en 2006, les tests SERCE (LLECE, 2008) montraient que le Chili était au-dessus des moyennes régionales, avec 13,5% de ses élèves de 6ème grade dans le niveau 440 Woessmann, L. ; Schütz, G. ; Ursprung, H.W. ; 2005 ; Education Policy and Equality of Opportunity ; IZA, Discussion Paper n°1906 ; 28 pp. 441 MINEDUC ; 2004 ; Resumen Ejecutivo. Chile y el aprendizaje de matemáticas y ciencias según TIMSS ; Unidad de Currículum y Evaluación ; 26 pp. 442 Duru-Bellat et al. (2004b) notent aussi que moins de 1% des élèves chiliens de 15 ans arrivaient en 2001 à se classer dans le niveau le plus élevé de compétences en lecture pour PISA+. En même temps, un élève chilien sur cinq se classait au niveau Zéro, indiquant une défaillance grave dans son niveau de compétences langagières. De plus, au delà de la moyenne du pays, la proportion d'élèves des établissements privés payants atteignant le niveau Cinq n'étaient que de 6%. De même, García-Huidobro et Belleï (2003) notent qu'en maths (TIMSS, 1999) le pourcentage d'élèves chiliens placé au quartile supérieur de résultats n'était que de 3% contre 75% pour Singapour. Au total, ces chiffres semblent démentir la possibilité d'un système qui favorise, au moins, la formation d'une élite très performante. Autrement dit, même ceux qui dépensent d'importantes sommes par mois - en moyenne près de deux fois le salaire minimum du pays - n'obtiendraient pas non plus une formation d'une grande qualité. 443 L'Argentine, le Brésil, le Mexique, le Pérou et le Chili en 2000-2001, et les mêmes pays en 2006 plus l'Uruguay et la Colombie ( sans le Pérou). Notons que les élèves chiliens ont significativement amélioré leurs résultats en lecture entre 2000 et 2006, ce qui constitue un fait doublement positif si nous ajoutons le fait que la scolarité secondaire est devenue obligatoire en 2003. 444 MINEDUC ; 2003 (b) ; Desempeño de los Estudiantes Chilenos: Resultados de PISA+. Nota técnica ; División de Planificación y Presupuesto. Departamento de Estudios y Estadísticas ; 46 pp. 222 supérieur des résultats en mathématique (Niveau IV), tandis que 1,4% était en bas du Niveau I, avec des moyennes respectives pour la région de 11,4% et 1,5%. En lecture, la situation était de 29,3% d'élèves chiliens au niveau supérieur et de 0,3% au niveau défaillant, contre respectivement 20,3% et 0,93% pour l'ensemble des dix-sept pays concernés. En termes de scores, tant pour le 6ème que pour le 3ème grade, le Chili se classe à la troisième place de la région en lecture et à la cinquième en mathématique.445 Cela ne constitue pas un mauvais résultat mais il faut dire que des pays qui ont fait d'autres choix politiques obtiennent des résultats semblables ou supérieurs. Plus encore, un point non négligeable est que le discours largement dominant au Chili chez les dirigeants aspire explicitement à se détacher de la région, souvent qualifiée comme « le mauvais quartier ». Par ailleurs, les indicateurs éducatifs chiliens étaient déjà meilleurs que la moyenne régionale dans les années soixante (Beyer, 2000b).446 Toutefois, García-Huidobro et Belleï (2003) font noter que pour les générations les plus jeunes, le Chili est le moins inégal d'entre tous les pays d'Amérique Latine dans la distribution d'espérances de scolarité entre déciles de revenu extrêmes. Les résultats de cette étude montrent d'abord qu'il existe une importante diversité dans la région. Puis, le revenu par tête de chaque pays est corrélé de façon positive et significative avec les résultats moyens des pays - par exemple, en mathématique le R2 est de 0,28 pour le 3ème grade et de 0,41 pour le 6ème grade -. Enfin, le coefficient de Gini, pris comme mesure d'inégalité au sein des pays, est corrélé négativement et significativement avec les résultats scolaires (LLECE, 2008 ; pp. 133-136). Parmi d'autres résultats importants de cette étude, notons que le genre des élèves montre des effets différenciateurs sur les résultats individuels, ce qui est particulièrement fort au Chili, de même que les différences dérivées de l'emplacement rural-urbain des écoles. D'ailleurs, le rapport indique qu'un message encourageant pour tous les systèmes éducatifs de la région est que les caractéristiques des écoles peuvent apporter une importante contribution aux apprentissages des élèves et à la 445 Pour le test réalisé en 1997 (LLECE, 2000) le Chili atteignait, sur un total de 11 pays, la 3ème et la 5ème place respectivement en langage et mathématique. 446 Beyer, H. ; 2000 (b) ; Educación y Desigualdad de Ingresos: Una Nueva Mirada ; Estudios Públicos n°77 ; pp. 97130 223 diminution des inégalités sociales associées (p. 178), même si l'influence des facteurs socioéconomiques reste puissante au niveau individuel. Graphique n°2 Pourcentage d'élèves de grade selon ré sultats absolus (niveaux défaillant et élevé ) en Lecture et Mathématique , par pays d 'Amérique Latin e et Caraï bes. Evaluation SERCE 2006 (ordonné par niveau supérieur). 6ème Source : construit à partir des données LLECE (2008 ; pp. 193-195). Lecture : le TOTAL ALC correspond au résultat pour l'ensemble des pays. D'une manière concordante avec la première étude de ce type en Amérique latine datant de 1997 (LLECE, 2000),447 le climat scolaire est indiqué comme la variable qu'exerce le plus d'influence sur les résultats scolaires au niveau école. Le rapport insiste sur le fait que la génération d'un climat de respect, accueillant et positif, est essentiel pour promouvoir les apprentissages parmi les élèves (p. 178). Puis, il ajoute que les ressources, bien qu'ayant un impact, sont moins importantes pour expliquer les résultats aux tests.448 6.3 Les principaux débats et résultats de recherche en éducation au Chili 6.3.1 La prégnante discussion sur l'efficacité différentielle entre le privé et le public La plupart de la littérature en économie et en sociologie portant sur des données chiliennes en éducation s'est centrée sur les différences de performance privé/public et sur l'impact de la concurrence entre établissements sur la qualité globale du système (Sapelli, 2002 ; Larrañaga, 2004 ; Belleï, 2009), dont les résultats ne sont pas tout à fait concluants. Parfois et à un certain niveau, il semblerait que tout se passe comme si cet aspect était le plus important des politiques du pays et qu'il fallait démontrer que les réformes de 1981 ont visé juste ou faux. Selon Sapelli (2002), il existerait trois différentes phases de recherche qui se seraient penchés sur la première question et qui se distinguent par les spécificités méthodologiques utilisées dans les études, mais aussi, par les conclusions. Si la première vague concluait à une meilleure efficacité comparée des écoles privées subventionnées par rapport aux municipales (e.g. Aedo, 1998 cité par Sapelli, 2002), la 447 LLECE ; 2000 ; Primer Estudio Comparativo sobre Lenguaje, Matemática y factores asociados, para alumnos del tercer y cuarto grado de educación básica. Segundo Informe ; UNESCO, Oficina Regional de Educación para América Latina y el Caribe ; 48 pp. 448 D'ailleurs, la ségrégation scolaire constitue la deuxième variable explicative en importance en tant que variable contextuelle (p. 169, LLECE, 2008). Son incidence parmi les scores moyens des établissements, mesurée à l'aide d'un indice socio-économique et culturel moyen des écoles, serait majeure en lecture (près d'un tiers d'écart-type) qu'en maths et en sciences (entre 15% et 25% d'écart-type). Au niveau des élèves, l'impact de cet indice oscille entre 6% et 8% d'écart-type selon la matière et le grade. 225 deuxième pointait une diminution, voire une tendance à l'élimination de la brèche de résultats entre typologies d'établissement (e.g. Bravo et al., 1999 449 sur la période 19821997 ; Mizala et Romaguera, 2000b 450 sur des élèves de 4ème grade en 1996). Cela notamment quand on tient compte du niveau socioéconomique moyen des élèves, précisant néanmoins que cette tendance à la diminution de la brèche jusqu'à sa disparition pourrait aussi être expliquée par une amélioration des écoles municipales, due, par exemple, aux politiques entreprises depuis 1990 (Bravo et al., 1999). Notons toutefois que ces études ont travaillé sur des données agrégées. Enfin, selon Sapelli, la troisième génération d'études (e.g. Sapelli et Vial, 2002 451 ; Sapelli et Vial, 2005 452 ; Mizala et al., 2005) montrerait à nouveau une supériorité statistiquement significative du privé subventionné en travaillant sur des données individuelles et notamment, en prenant en compte du choix d'établissement comme une fonction du niveau socioéconomique des familles.453 Le sociologue Belleï (2009) souligne que les différences méthodologiques ainsi que la disponibilité d'information significative ont limité les réponses à la question de l'efficacité différentielle entre le privé et le public financés par l'Etat. Parmi les sources qui impliquent le principal problème d'analyse (le biais de sélection), se trouvent 449 Bravo, D . ; Contreras, D. ; Sanhueza, C. ; 1999 ; Rendimiento Educacional, Desigualdad, y Brecha de Desempeño Privado/Público: Chile 1982-1997 ; Departamento de Economía, Universidad de Chile ; 57 pp. 450 Mizala, A. ; Romaguera, P. ; 2000 (b) ; School Performance and Choice: The Chilean Experience ; Journal of Human Resources, Vol.35, n°2 ; pp 392-417 451 Sapelli, C. ; Vial, B. ; 2002 ; The Performance of Private and Public Schools in the Chilean Voucher System ; Cuadernos de Economía, Año 39, n°118 ; pp. 424-453 452 Sapelli, C. ; Vial, B. ; 2005 ; Private v/s Public voucher schools in Chile: new evidence on Efficiency and Peer Effects ; PUC ; Instituto de Economía, Universidad Católica de Chile, Documento de Trabajo n°289 ; 31 pp. En effet, il est difficile de supposer que le niveau socioéconomique explique seulement les performances aux tests et non pas, en même temps, un meilleur choix d'établissement (Contreras et al. 2005 ; Aedo et Sapelli, 2001). Dans ce cas une partie des différences entre types d'établissements passerait par la qualité offerte par ceux-ci. Mizala et al. (2009a) analysent le choix d'école dans la transition du primaire au secondaire et trouvent que les parents assignant plus d'importance aux valeurs promues et aux caractéristiques du public accueilli par les écoles, vont significativement plus chez le privé subventionné ; tandis que ceux moins intéressés par les résultats académiques des établissements envoient plus souvent leurs enfants chez le public. De même, Elacqua et Fabrega (2006) trouvent que la seule différence significative à cet égard est que les parents du public font davantage leur choix pour des raisons pratiques et ceux du privé le font en regardant l'offre curriculaire et les valeurs promues. De plus, le niveau d'information et de recherche des familles à cet égard est fonction du niveau socioéconomique de celles-ci. Ainsi, la quête d'établissement pour leurs enfants serait polluée par l'absence d'information précise, la rareté de réseaux, la mauvaise qualité de sources, le nombre limité d'options et les considérations d'ordre pratique avant tout. A partir d'analyses qualitatives Raczinsky et al. (2009) tendent à conforter ces résultats et notent que le rational choice prôné comme base du système de vouchers est loin d'être satisfait, en partie parce que la valorisation de la part des familles de ce qui est « qualité en éducation » dépasserait la vision d'excellence dans les domaines cognitifs. Enfin, Elacqua et al. (2006, cité par Elacqua, 2009b) montreraient que, finalement, les parents accordent beaucoup d'importance au public des écoles ( ondo et al., 2004). l'auto-sélection, la composition sociogéographique de l'offre, ainsi que les différences dans les politiques d'admission et d'expulsion pratiquées par les établissements. Ces biais n'auraient pas été contrôlés, ni toujours ni totalement, par les recherches réalisées. Il insiste aussi sur le fait que les résultats obtenus jusqu'à présent sont très sensibles aux choix méthodologiques et qu'ils peuvent être divergents (Larrañaga, 2004 ; González, 2002 454). De fait, cet auteur rappelle que la littérature au Chili montre des effets nets entre +0.05ǔ et +0.27ǔ mais, qu'ils peuvent aller en faveur du privé ou à l'avantage du public (Belleï, 2009 ; p. 170). Il ajoute que si l'on tient compte que le biais de sélection favorise les écoles privées (i.e. les meilleurs élèves en termes absolus les préfèrent)455 il est possible d'espérer une efficacité plus grande de la part du secteur public (i.e. qui fait progresser davantage ses élèves, mais qui sont en moyenne moins performants) (Carnoy, 2007 ; Hsieh et Urquiola, 2003). 6.3.1.1 Des approfondissements dans l'analyse de l'efficacité scolaire du public et du privé Sur des élèves de 4ème grade (2002), Elacqua et al. (2007)456 ont analysé l'impact sur la différence public/privé mais ajoutant le fait « d'être en réseau » de la part des écoles privées subventionnées (i.e. le fait d'avoir un même sostenedor ou propriétaire/administrateur pour plusieurs établissements à la fois). Ils trouvent que la supériorité des écoles privées sur les municipales ne serait que valable dans le cas où les premières ne sont pas isolées, ce qui confirme l'étude d'Elacqua (2009a). En effet, quand ils contrôlent par la composition des écoles cet vantage n'est présent que pour des écoles privées subventionnées regroupées au moins par groupes de trois. Dans une ligne semblable, Elacqua (2009a) analyse la sous-problématique des écoles privées subventionnées ayant pour but de générer des profits. Ceci, en plus d'une 454 González, P. ; 2002 ; Lecciones de la investigación económica sobre el rol del sector privado en educación ; In Educación privada y pública en América Latina, Wolf, L. ; González, P. ; Navarro, J.C. (Eds.) ; Programa de Promoción de la Reforma Educativa en América Latina y el Caribe (PREAL) y Banco Interamericano del Desarrollo (BID) ; LOM Ediciones, Santiago ; pp. 51-85 455 Notons que ce constat semble être assez généralisable selon Cullen et al. (2005) : c'est-à-dire que les élèves qui choisissent le privé, sous des programmes ou politiques explicites pour ce faire, « are both more able and more advantaged » (p. 732). 456 Elacqua, G. ; Contreras, D. ; Salazar, F. ; 2007 ; The Effectiveness of Private School Franchises in Chile's National Voucher Program ; World Bank Conference: Private-Public Partnership (June 7-8, Washington, DC) ; 30 pp. 227 classification selon l'orientation religieuse (nous y reviendront). Dans l'ensemble des écoles chiliennes, il chiffre à 31% la proportion d'écoles for-profit et à 16% les non-profit, les deux catégories appartenant au sous-ensemble du privé subventionné. Quand il compare les résultats académiques en maths et en langage de ces catégories, il trouve des résultats mixés. Pour le 4ème grade, il y aurait un léger avantage net dans les scores des élèves allant aux écoles for-profit sur les écoles publiques, mais une infériorité sur ceux des écoles non-profit tout en contrôlant par biais de sélection et par composition du public (peer attributes). Pour le 8ème grade il ne trouve pas de différence significative entre le secteur public et le privé subventionné for-profit ou non-profit, sauf quand il s'agit des écoles en réseaux importants d'établissements, tels que ceux correspondant aux branches de l'église Catholique ou à des grands organisations et/ou entrepreneurs de l'éducation. Il pointe enfin que certaines écoles des églises Protestantes sont audessous du secteur municipal. Ces résultats complémentent ceux de McEwan et Carnoy (2000)457 qui trouvent aussi une moins bonne performance de ce sous-secteur. Finalement, notons que plusieurs recherches nous parlent d'une diversité croissante du système en termes d'offre (McEwan et Carnoy, 2000 ; Elacqua et al., 2007 ; Elacqua, 2009) et qui semble dépasser les clivages initiaux en trois secteurs, et axés sur la dichotomie public/privé. En effet, la « () description of the Chilean system suggests a lot of heterogeneity in schools in terms of characteristics, price, participation in public programs, selection policies, and the incentives and the input choice freedom they have.» (p. 7 ; Gallego et Hernando, 2009). Ainsi, il semble recommandable de ne pas traiter chaque grand secteur comme étant homogène (Elacqua, 2009b). De même, l'hétérogénéité des résultats par établissement qui demeure après avoir contrôlé les caractéristiques des individus permet de supposer qu'il existe une grande variété de fonctions de production ainsi que des facteurs non observés ou mal mesurés (e.g. leadership, climat scolaire, etc.), soit dans le public, soit dans le privé (Contreras et al., 2005).458 De fait, Tokman (2002)459 souligne qu'il n'est pas nécessaire d'éliminer les écoles publiques comme certains le proposent, justement parce qu'il existe cette très grande non 457 McEwan, P. J. ; Carnoy, M. ; 2000 ; The Effectiveness and Efficiency of Private Schools in Chile's Voucher System ; Educational Evaluation and Policy Analysis, Vol.22, n°3 ; pp. 213-239 458 Contreras, D. ; Larrañaga, O. ; Flores, L. ; Lobato, F. ; Macías, V. ; 2005 ; Políticas educacionales en Chile: Vouchers, concentración, incentivos y rendimiento ; In Uso e impacto de la información educativa en América Latina, Cueto, S. (Ed.) ; PREAL ; pp. 61-110 459 man, A. ; 2002 ; Is private education better? Evidence From Chile ; Banco Central de Chile, Documento de Trabajo n°147 ; 44 pp. uniformité en termes d'efficacité dans les deux secteurs. Ceci, sachant que le public s'avérerait plus performant pour les élèves les plus défavorisés (Tokman, 2002 ; Mizala et al., 2005). Pourtant et malgré ces constats, peu d'attention effective aurait été donnée à l'analyse d'une efficacité différentielle du privé ou du public selon le contexte, qu'il soit géographique, de niveau scolaire (i.e. différents grades), ou enfin, selon le niveau de compétences initiales des élèves (Belleï, 2009 ; p. 172). 6.3.2 La sélectivité des écoles : un facteur ne mis en examen que réc emment Belleï (2009) pointe qu'un biais fondament al d'analyse, largement omis dans la recherche locale , a été celui de la sélection d'élèves à l'entrée des écoles et lycées, mais aussi à la sortie, compte tenu que plusieurs d'entre elles se défont des élèves dits difficiles et/ou peu performants (González, 2004). Ce chantier de recherche a été touché par Contreras et al. (2007)460 en estimant l'impact sur les résultats académiques de la sélection à l'entrée faite par les établissements en 2005 (4ème grade). Ils trouvent, d'une part, que le fait de contrôler cette variable effacerait les différences nettes privé/public constatées auparavant par d'autres études. Et d'autre part, ils estiment que les élèves qui atteignent des écoles sélectives obtiennent des scores supérieurs en maths et en langage par rapport à d'autres élèves comparables (entre +0.06ǔ et +0.14ǔ).461 Ils estiment aussi la contribution directe de ces pratiques sur les scores aux tests ainsi que l'effet indirect (i.e. du aux pairs résultants du fait d'être sélectionné). A cet égard, ils trouvent en maths un impact net total de la sélection par capacités équivalent à +0,078ǔ, décomposé en +0,046ǔ et +0,028ǔ entre effet indirect et direct 460 Contreras, D. ; Bustos, S. ; Sepúlveda, P. ; 2007 ; When Schools Are the Ones That Choose: The Effect of Screening in Chile ; Departamento de Economía, Universidad de Chile ; Serie Documentos de Trabajo, n°242 ; 28 pp. Ils considèrent quatre types de sélection : par interview, par revenu, par capacités ou religieuse (dont la première ne montre aucun impact net). Puis, ils corrigent par biais de sélection/choix d'école au niveau d'individus. Notons qu'ils utilisent deux règles de classification de la sélectivité des écoles : 50% et 75% de parents par école déclarant avoir subi au moins l'une de ces pratiques. Ils trouvent pourtant de résultats semblables pour les deux spécifications. Ils combinent aussi ces quatre types de sélectivité. Toutefois, nous croyons que l'apport principal de l'article en termes d'explication des acquis scolaire est de quantifier l'impact de la sélection par capacités. La propriété additive de l'impact de ces types de sélection, que les auteurs disent démontrer, reste à notre avis un sujet qu'il faudrait explorer davantage avant d'en tirer des conclusions. Entre autres, parce que les caractéristiques utilisées pour sélectionner de la part des écoles, se recouvrent les unes et les autres. Des études qualitatives et des données administratives semblent nécessaires pour qualifier et comprendre mieux ces pratiques et leurs relations.
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Certains auteurs de comics ont ainsi choisis de dénoncer la propagande et ses méthodes par le biais même des super-héros de comics, dans un retournement de situation plutôt ironique. Le comics Superman : Red Son31, publié en 2003 par DC Comics, en est un bon exemple puisqu’il s’agit d’une uchronie32 où Superman ne serait pas arrivé en Amérique, mais en URSS. On a ainsi un aperçu de ce qu’aurait pu donner le symbole de l’Amérique s’il avait grandit sous Statine au sein d’un kolkhoze, puis en servant de symbole au communisme et de rempart à l’avidité des 30. Paulin e Croquet, « Angoulême 2019 : Batman, reflet des peurs de l’Amérique », Le Monde, 25 janvier 2019. 31. Superman : Red Son, scénarisé par Mark Millar, dessiné par Dave Johnson et Kilian Plunkett, (2003). 32. L’uchronie est un genre qui repose sur le principe de la réécriture d’une histoire à partir de la modification d’un événement du passé, parfois désignée par l’anglicisme « histoire alternative » (alternate history) américains capitalistes. Progressivement amené au pouvoir devant la réussite indiscutable du modèle communiste qu’il incarne, Superman va ainsi mettre en place une tyrannie mondiale pour le bien de tous. Qu’il s’agisse de la critique de l’idéologie politique (des deux côtés) de la Guerre Froide ou du renversement de symbole qu’incarne le « Red Son » face au Superman classique que l’on connaît, la mise en perspective qu’offre ce comics interroge et laisse songeur. Ce renversement des idéologies est visuellement mis en avant par de multiples caricatures et représentations qui reprennent l’esthétique soviétique (le réalisme socialiste33) pour l’ er à ce Red Son et à son univers communiste, notamment aux bâtiments et aux monuments (Fig.33). Fig.33. Extraits du comics Superman : Red Son (2003) On peut aussi citer un exemple issu de l’écurie Marvel, en particulier la période « Dark Reign » des comics (2008-2009). Il s’agit d’un embranchement particulier de l’histoire du comics où, à l’issue d’une guerre contre une race extraterrestre invasive, Norman Osborn (alias le Bouffon Vert, principal antagoniste de Spider-man) se voit attribuer les pleins pouvoirs pour son rôle-clé dans la défense de la planète. Ce dernier va alors s’emparer des organisations existantes et les reforger à son image, remplacer les héros par d’anciens criminels, et surtout constamment jouer la carte de la médiatisation pour s’attirer la bienveillance du public, en cherchant toujours à manipuler l’opinion à son profit. Là encore, le comics choisit de mettre en œuvre les principes et le style de la communication politique américaine (Fig.34) : discours sur la liberté et la sécurité, la défense du mode de vie (« American Way of life »), et slogans de propagande à la Big Brother 34... Norman Osborn lui-même revêt l’armure d’Iron Man, repeinte aux couleurs de l’Amérique, et s’affuble du nom « d’Iron Patriot ». Les méthodes de manipulation politique et médiatique de cet Iron Patriot 33. Le réalisme socialiste est une doctrine littéraire et artistique du XXe siècle inspirée du réalisme visant à promouvoir les principes du communisme de type soviétique. Le réalisme soviétique est établi à la fois comme doctrine et forme d'art officielle de l'Union Soviétique entre 1932 et 1934. 34. Big Brother est un personnage de fiction du roman 1984 de George Orwell (1949). L'expression « Big Brother » est depuis utilisée pour qualifier les institutions et pratiques portant atteinte aux libertés fondamentales et à la vie privée des populations ou des individus. sont intéressantes, puisqu’elles semblent curieusement en lien avec la politique américaine de son époque, jouant autant que la fibre patriotique que sur la peur de l’opinion publique de la menace terroriste. Ainsi dans le comics American Son (Amazing Spider-man, toujours durant la période Dark Reign) Norman Osborn dévoile son plan : créer de toute pièce une figure représentative du cœur de l’Amérique, un super-héros nommé « American Son » et interprété par son fils. Si jamais celui-ci devait décevoir ses attentes, il en ferait un martyr en planifiant une attaque terroriste qui lui ôterait la vie. Légitimé par cette perte aux yeux de l’opinion publique, il pourrait alors politiquement se tout se permettre (Fig.35). On pourrait voir dans ce comics une critique du patriotisme américain exacerbé par la menace terroriste, et plus précisément des répercussions du 11 septembre 2001, qui font débuter plus de quinze ans de mesures sécuritaires et liberticides (dont le « USA Patriot Act »35), dont les dérives ont depuis été révélées. Fig.34. Extraits de différents comics de la période « Dark Reign » de Marvel Comics (2008-2009) « Je suis le Patriote d’Acier. Je mènerais ces nouveaux Vengeurs contre quiconque menacerais notre mode de vie. Mon nom est Norman Osborn, et j’approuve ces Vengeurs! » Fig.35. Extraits du Comics American Son 4/5, 2009 (Amazing Spider-man, Dark Reign) 35. Le USA Patriot Act est une loi antiterroriste qui a été votée par le Congrès des États-Unis et signée par George W. Bush le 26 octobre 2001. Elle permet (entre autre) de renforcer le pouvoir des agences de renseignement (CIA) et d’enquêtes (FBI), et de détenir sans limite et sans inculpation toute personne soupçonnée de projet terroriste. Plus qu’une critique politique, les super-héros peuvent aussi être adaptés pour critiquer la production super-héroïque elle même, dont nous avons vu qu’elle s’était généralisée jusqu’à devenir une part (trop?) importante de notre consommation culturelle, tous supports confondus. En effet cette production et consommation massive de personnages super-héroïques sur quasiment tous les supports de diffusion fait elle-même débat depuis quelques années maintenant. À ceux qui critiquaient déjà l’aspect « décérébré » du genre (critique qui trouve son origine dans le rejet des comics), s’ajoute désormais les voix de ceux qui s’estiment noyés sous le poids de cette accumulation, voire même inondation de productions super-héroïques, une critique qui provient aussi bien du public spectateur que des producteurs d’autres genres cinématographiques. Paradoxalement, cette surenchère de super-héros est elle même critiquée par le biais de ces personnages, à l’image des deux films d’animation Les Indestructibles, sorti en 2004 pour le premier, et en 2018 pour le deuxième volet. À chaque fois, l’action prend place dans un univers où les super-héros sont une normalité bien établie : combats contre des super-vilains, sauvetages et catastrophes urbaines... tout cela fait partie du quotidien, le genre super-héroïque est une composante de la normalité. Et à chaque fois, l’antagoniste se doit donc de se démarquer du cliché du super-vilain qui veut « simplement dominer le monde ». Ainsi le premier opposant « Syndrome36 », est un fan hystérique sans super-pouvoirs dont le rejet lui a inculqué une haine des « supers ». Il cherche à les détruire, mais plus encore à les remplacer pour en devenir un lui-même, pour ensuite effacer jusqu’à la notion même de super-héros (Fig.36). Et le meilleur moyen de détruire une chose extraordinaire, n’est-il pas de la rendre ordinaire? Dans son raisonnement, le personnage antagoniste de Syndrome touche du doigt quelque chose d’assez significatif : la grande popularité des super-héros, et la volonté de chacun d’en devenir un, dont l’illusion est permise par des merchandising sans scrupules (costumes, gadgets...), permettrait à tout le monde de devenir un super, une personne hors-norme, faisant ainsi disparaître la notion même de véritable héros, et son sens premier. « C’est comme dans un film! [...] Ils veulent de l'héroïsme, et bien, je vais leur en donner. Ils vont en avoir pour leur argent! Et quand je serais vieux, et que je me serais bien marré, je revendrais mes inventions pour que tout le monde puisse devenir un super-héros, n'importe qui peut devenir super! Et lorsque tout le monde sera super... plus personne ne le sera. » Syndrome exposant son plan final. Fig.36. Extrait de dialogue du film d’animation Les Inde struct ibles (2004) L’antagoniste du deuxième film est quant à lui un personnage nommé « l’Hypnotiseur »37, et dont le discours et les motivations reposent sur la critique de cette consommation apathique de superhéros, qu’il dénonce comme un moyen d’asservissement des spectateurs dépossédés de leurs volontés. C’est donc cette fois une critique de cette consommation effrénée de super-héros par les 36. Dont le nom serait lié au « syndrome du sauveur », soit un phénomène qui touche les personnes qui recherchent l'héroïsme ou la reconnaissance, généralement en créant une situation désespérée qu'elles peuvent résoudre, ce qui correspond mot pour mot au scénario du film. 37. Dont le nom en Version Originale, « The Screenslaver », est encore plus explicite. films de super-héros, qui interroge son propre modèle. On y dénonce notamment l’apathie des consommateurs, et surtout la dépendance qu’entraînerait ces super-héros, de par cette volonté de vouloir se projeter dans des personnages fantasmés, en refusant de vivre pleinement sa propre vie (Fig.37). Les super-héros, en voulant nous inspirer, nous rendent-ils faibles? C’est également un moyen d’interroger ces icônes culturelles que l’on a prouvé être de nouvelles figures mythologiques, et dont on peut finalement remettre en cause l’adoration à outrance. « Ne vous embêtez pas à regarder la suite. Ce n’est pas Elastigirl [l’héroïne] qui a triomphé, elle n’a fait que reporter sa défaite. Et pendant ce temps, vous mangiez des chips en la regardant se confronter à des problèmes que vous négligez par paresse. Les super-héros c’est bon pour les faibles d’esprit qui aiment vivre par procuration. Vous ne parlez pas, vous regardez des gens parler à la télévision. Vous ne jouez pas, vous regardez des jeux télévisés. Voyager, communiquer, prendre des risques... toutes les expériences humaines doivent arriver chez vous bien emballées pour être observées à distance. Afin que vous restiez éternellement enfermés, éternellement passifs, éternellement consommateurs voraces, incapables de quitter les canapés dans lesquels vous êtes vautrés, incapables de vous mouvoir et de participer à la vraie vie. Vous voulez que les super-héros vous protègent, et vous rendent encore plus faibles par la même occasion. Vous pensez que vous êtes protégés. Que l’on sert vos intérêts. Que vos droits sont défendus. Mais le système continue de vous spolier, et avec le sourire. Alors allez-y, envoyez vos Supers pour m’arrêter. Sortez vos chips, allumez vos écrans et regardez ce qui va se passer. Ce n’est plus vous qui avez le contrôle. C’est moi . » Le discours télévisé de l’ Hypno t iseur , ré vél ant l’idéologie de son combat . Fig.37. Extrait du film d’animation Les Indestructibles 2 (2018) Nous avons donc pu voir à travers différents exemples que les super-héros sont désormais des entités culturelles à multiples facettes. Il sont sont également devenus des œuvres culturelles majeures, faisant partie d’une nouvelle mythologie moderne trouvant leurs racines et leurs inspirations dans le passé historique. Ces nouvelles figures sont toutefois parfaitement intégrées aux logiques de notre société de consommation (culturelle) de masse, et sont même en voie de patrimonialisation. Et bien que ces icônes culturelles aient été historiquement utilisées à des fins politiques, nous avons également pu observer que ces personnages super-héroïques savent en jouer, pour mieux interroger a société qui nous entoure et notre sens critique. De leurs débuts sur format papier puis à leur hégémonie dans les comic-books, en passant par leurs adaptations au cinéma, chacune de ces étapes a été marquée par des évolutions de concept, d’esthétique et d’environnements pour ces personnages super-héroïques. Ces évolutions ont également toujours été en lien avec l’espace urbain des super-héros, espace de référence majoritaire pour la plupart d’entre eux. Si aujourd’hui ces cités diégétiques (ou non) semblent harmonisées à ces personnages super-héroïques, on peut toutefois s’interroger sur l’évidence et les particularités de ce lien. II – La « ville-miroir » : L’organisation de la ville par rapport au super-héros et les valeurs qu’il représente. Peu après la mort de Stan Lee le 12 novembre 2018, paraît dans le journal Le Monde un article faisant un bref résumé de la vie et de l’œuvre de cette figure du proue du monde superhéroïque. La journaliste Pauline Croquet, s’appuyant sur l’avis de Xavier Fournier (que nous avons déjà cité précédemment) s’arrête également sur la construction de l’univers Marvel, en grande partie centré sur la mégapole de New-York : 38 « L’écrin de cet univers : New York, la ville de la rédaction de Marvel et que ses auteurs connaissent comme leur poche. "La décision de poser les héros à New York est indépendante de Stan Lee, elle vient avec la naissance de Captain America en 1940, précise Xavier Fournier, journaliste spécialiste du comics. Mais c’est lui qui va représenter la ville de façon plus réelle et urbaine avec ses spécificités de quartier, des personnages qui emploient l’argot de la ville", ajoute-t-il ». Cette polarisation et cette attraction pour l’environnement urbain montre bien que pour des auteurs comme Stan Lee ou Jack Kirby, qui sont nés et ont longtemps vécus à New-York, la ville n’est pas un simple décor, c’est véritablement l’âme de ses habitants et de leurs super-héros.  A - Des super-héros en fort lien avec leur environnement urbain : est-ce la ville qui crée le super-héros ou l’inverse? Ce sont ces différentes relations qu’entretiennent les personnages super héroïques avec leur ville, différentes elles aussi selon les cas, que nous allons à présent observer et tenter de comprendre à travers la présentation de différents modèles urbains. Ces modèles pourront aussi bien être des représentations utopiques, fantastiques ou alternatives de l’environnement urbain dans lequel interagissent les super-héros. 38. Pauline Croquet , « Comment Stan Lee a révolutionné l’industrie du comics », Le Monde, 13 novembre 2018. • Gotham et Metropolis, la création de deux modèles dichotomiques. Fig.38. Fanart39 des villes de Gotham (à gauche) et de Metropolis (à droite). Par bien des aspects, aussi bien en terme méthode de création, de choix artistiques ou même de modèle urbain, la ville de Gotham-City (souvent abrégée Gotham) où Batman agit, et la ville de Metropolis dévolue à Superman, sont souvent érigées en modèle différents, voire opposés. On reviendra moins ici sur le modèle de la ville dystopique de Gotham en lui même, que l’on a déjà abordé précédemment, pour plutôt choisir de l’utiliser comparativement au modèle de la ville de Metropolis. L’origine du nom de Metropolis est autant liée à l’inspiration du film de Fritz Lang (déjà évoqué précédemment) que du contexte même de la création de Superman. Il faut pour cela faire le lien avec le premier support de parution de Superman, à savoir la presse quotidienne, et non pas encore comic book (où ce nom n’apparaît toutefois qu’au 16 e numéro40). Les auteurs avaient en fait tout intérêt à ne pas préciser le lieu de l’action, pour que les lecteurs de différentes villes américaines puissent s’imaginer que l’action se déroulait chez eux. Mais cette omission était aussi une mesure préventive pour éviter de désigner clairement l’espace diégétique, c’est à dire une ville gangrenée par la criminalité, et de la lier à une ville préexistante qui aurait pu se sentir dénigrée. On rappellera que ces comics parurent à une époque où la bande dessinée était très mal considérée, et où l’autorité des pouvoirs municipaux était assez étendue pour interdire facilement une publication41. Oublier le nom de la ville ou bien lui attribuer un nom fictif permet donc de ne pas se brouiller avec les autorités. Dans la même logique, on crée de toute pièce l’espace 39. Le fanart ou fan art désigne, en anglais, toute œuvre réalisée par un fan et s’inspirant d'un ou de plusieurs personnages, ou de l’univers d’une œuvre existante. Ce fan art est disponible à l’adresse suivante. 40. Jerry Siegel, Action Comics #16, 1939 41. Au début du XXe siècle, tous les nouveaux loisirs (cinéma, dessins animés, bande dessinées) sont observés avec suspicion par les pouvoirs publics, qui redoutent leur influence. Le phénomène s’étend durant tout le siècle, et par bien des aspects perdure encore de nos jours sous différentes formes (notamment autour des jeux vidéos). diégétique de la ville de Gotham, car il est impensable d’attribuer cet environnement urbain dystopique grouillant de criminels et de monstres, à une ville préexistante qui ne pourrait que contester cette représentation. De même, la création des deux villes a été parsemée d’étapes, autant de preuves que l’environnement urbain évolue tout comme (voire en même temps que) ses personnages, selon la réflexion des auteurs. La Metropolis de Superman en est un bon exemple, car au départ il est très difficile de voir clairement où se déroule l’action. Le décor urbain lui-même reste en effet à définir, et si l’on aperçoit bien quelques immeubles, on a également des plans avec des maisons très espacées, presque du péri-urbain voire même du rural : nous ne sommes pas initialement et complètement immergés dans la ville. La création de l’espace diégétique urbain est tout simplement le signe d’une évolution. Dans les premiers numéros le lieu de l’action n’est pas un enjeu en lui-même, mais avec le temps les lecteurs s’interrogent et se posent la question, et les auteurs se doivent d’apporter des réponses et de détailler davantage leur univers. Avec des publications ultérieures et l’expansion de l’univers, on implante donc davantage de détails et on décrit davantage la ville, de façon aussi à crédibiliser davantage la présence du super-héros. On travaille également davantage la localisation, ou l’histoire même du lieu, à l’image de Gotham dont on précise qu’elle a été fondée au XVIIe siècle 42. Qu’il s’agisse de Metropolis ou de Gotham, la ville du super-héros est donc une création empirique. Comme nous venons de le voir, elle est un véritable personnage en tant que tel, et possède des origines mais aussi des caractéristiques qui lui sont propres. Fig.39. Metropolis, la cité de demain. À l’inverse de la ténébreuse et néo-gothique Gotham, la ville de Metropolis n’est pas une cité dystopique, bien au contraire. Surnommée la « ville de demain », elle se veut résolument optimiste, jusque dans son architecture qui se veut à la fois lumineuse et moderne, là où Gotham est sombre et ancienne. Contrairement à Gotham, son super-héros tutélaire n’est pas un justicier vengeur qui intimide les criminels depuis les ombres, mais un ange gardien 43 qui sauve les innocents des accidents, le tout en pleine lumière. Les représentations de Metropolis ont pu variés selon ses différentes adaptations, mais on considère que son modèle se fonde sur plusieurs particularités précises. Tout d’abord la verticalité, propre à toute ville d’importance, et qui nous apparaît désormais à la fois comme symbole de modernité et de puissance. On retrouve également la lumière, elle aussi symbole contemporain de modernité, qui est omniprésente dans cette cité étincelante, et qui même de nuit paraît infiniment plus lumineuse que Gotham ne semblerait jamais pouvoir l’être. Contrairement encore aux noirs immeubles de Gotham, recouverts de gargouilles et d’ornements néo-gothiques anciens, les grattes-ciels de Metropolis expose une architecture dénudée, lisse et droite, à base de béton, d’acier et de verre (Fig.39 et Fig.40). À travers toutes ces caractéristiques, on peut deviner que c’est bien une cité qui se veut résolument moderne, et qui est en fait représentative du mouvement architectural dit moderniste, et plus particulièrement du style international. Ce style architectural est l’un des premiers à s’exporter par dans le monde à partir du XXe siècle, aidé en cela par l’influence de l’école allemande de Bauhaus (fuyant le nazisme à partir de 1933), et incorporé dès lors à la culture américaine, en particulier pour la période des Trente Glorieuses. Le monumental de certains des immeubles de Metropolis, et leur géométrie esthétique peuvent également être rapproché du style Art Déco (abréviation « d’Arts décoratifs »), dont peuvent témoigner des constructions célèbres comme l’Empire State Building ou encore le Chrysler Building, tous deux à New-York. Sur la partie gauche de la Figure 43, on peut d’ailleurs observer Batman qui (tout en critiquant le style Art Déco) se tient sur un ornement urbain qui rappelle les aigles d’acier ornant le Chrysler Building. Fig.40. La ville étincelante de Metro City, sous la protection de Metro Man, est l’espace urbain diégétique du film Megamind (2010) clairement inspirée de la Metropolis de Superman. 43. Superman : L’ange de Metropolis est le nom en Version française de la série d’animation Superman (1996-2000). Ce n’est que l’une des nombreuses références qui érige ce super-héros en sauveur quasi-christique, tout comme l’interprétation de Zack Synder depuis 2013. Il est d’ailleurs à noter que l’architecture de Metropolis, tout comme la prospérité dont elle semble bénéficier sous la protection d’un super héros tout-puissant, est également devenu un modèle en soi, et réutilisé en tant que tel par d’autres œuvres. Toujours au sein d’univers super-héroïque, ce modèle est ainsi repris, voire parodié, pour le film d’animation Megamind (2010) et sa ville de « Metrocity » (Fig.40), ou dans une moindre mesure pour le film d’animation Les Indestructibles (2004), dont la scène finale se déroule dans la ville de « Metroville ». Plus qu’une ville utopique, Metropolis est en fait devenue l’archétype, voire la caricature, de la « ville parfaite », technologique et propre, où chaque individu semble être un notable, sans ouvriers ni pauvreté, et encore moins de cette criminalité qui caractérise viscéralement Gotham. Superman n’y combat pas des milliers de criminels symptomatiques de la folie de sa ville, il s’oppose généralement à des titans, des conquérants de mondes et à des invasions extraterrestres, des adversaires dont la dimension colossale renforcent encore l’image olympienne de la ville et de son super-héros. Des deux villes de gangsters sans caractéristiques visibles qu’étaient Metropolis et Gotham à leurs origines, ces deux cités ont en fait évolu pour devenir des modèles différents, voire même opposés, tout comme leurs super-héros respectifs. L’opposition entre Superman et Batman est un thème, sinon récurent, au moins courant dans l’univers de DC Comics. Ces deux personnages incarnent tous deux beaucoup de choses différentes, voire opposées, dans leurs méthodes, idéologies et messages. C’est pourquoi leur opposition concrète (par le discours ou le combat) est parfois également une opposition mise en scène au niveau urbain. Cette opposition est au cœur (et est littéralement le titre) du film Batman V Superman : L’Aube de la justice, paru en 2017. Si le long-métrage lui-même n’oppose guère les plan urbains des deux cités, ce n’est pas le cas de sa campagne de publicité. En effet ce film utilise l’univers des deux super-héros et de leurs villes pour sa propre promotion (Fig.41), notamment en mettant en scène les lieux identifiables de l’univers des personnages (le Daily Planet, la tour de Lex Corp, Ace Chemicals...) et en présentant la ville comme une destination réaliste et à portée de main. Il est intéressant de noter qu’on tente ici de séduire l’audience, non pas en mettant en avant les super-héros, mais bien leurs univers urbains que l’on juge aussi mythiques et attractifs que ces derniers. Fig.41. Deux spots (TV) promotionnels du film Batman V Superman : Dawn of Justice (2017) sponsorisé par la compagnie aérienne Turkish Airlines44 44. Les deux spots « Fly to Gotham City with Turkish Airlines! » et « Fly to Metropolis with Turkish Airlines! » sont également disponibles dans le dossier « Extraits Vidéo ». Ces deux spots TV définissent et différencient parfaitement l'ambiance de ces deux métropoles que tout oppose. La première illustre la ville-lumière moderne, ouverte vers le ciel et (toujours) remplie de lumière, avec d'immenses tours et gratte-ciels d'affaires qui s'élancent harmonieusement et des monuments à la gloire des dieux. Et la deuxième représente la vieille ville américaine, dont l’industrie décline, et qui met en avant son passé et son héritage historique et industriel pour se redonner un second souffle, à travers l’image nouvelle d’une ville culturelle, nocturne et festive. Mais pourquoi cette opposition? Au delà du combat de gladiateur que représente l’affrontement de Batman et de Superman, l’opposition de ces deux modèles, chacun représentatifs de valeurs et de symboles, permet de questionner la notion d’altérité et même d’approfondir ces identités. En effet grâce à la différenciation de ces modèles, on peut détailler davantage ces derniers. On peut ainsi donner l’exemple du comic Batman/Superman (#54) où Batman et Superman se retrouvent chacun dans la ville de l’autre (Fig.43). Cet extrait démontre bien, avec humour, que ces deux super-héros sont bel et bien perdus hors de leur propre environnement urbain, mais aussi que ces derniers sont donc plus que de simples décors, ce sont des univers familiers que ces héros peuvent comprendre et avec lesquels ils s’identifient et sont en harmonie. Hors le comique de la situation repose sur le fait que les identités de ces deux personnages et de ces deux univers sont tellement dissemblables qu’ils semblent incongrus de vouloir les mélanger et échanger ainsi leurs superhéros. Fig.42. Extrait du comics Gotham Central, (2002 – 2006) L’ officier de police Renee Montoya lutte tant bien que mal contre les criminels de Gotham, dans l’ombre du Batman. Le développement des univers super-héroïque tend également à développer leurs personnages annexes, et leurs propres réflexions sur leur environnement urbain. En (re)prenant l’exemple du comic Gotham Central (Fig.42), on comprend que l’opposition de ces deux modèles urbains n’est pas uniquement ressentie par leurs super-héros tutélaires, mais aussi par leurs habitants qui les pratiquent au quotidien, et qui eux aussi sont influencés par ce modèle jusque dans leurs propres identités. L’opposition, que l’on a facilement tendance à assimiler à la destruction et au conflit chez les super-héros, peut ainsi être un remarquable outil pour questionner l’altérité de ces différents modèles urbains et dichotomiques. Fig.43. La dichotomie de Metropolis (gauche) et de Gotham (droite) illustrée par un extrait du comic Superman/Batman Vol.1 #54 (décembre 2008), dont nous proposons une traduction personnelle : Batman : « Je hais Metropolis » Superman : « Je ne suis pas particulièrement fan de Gotham » Batman : « C’est un cauchemar d ’ Art Deco . Tout en lumières et en angles arrondis ». Superman : « C ’ est comme si quelqu’un avait bâti un cauchemar de métal et de pierre ». Batman : « Impossible d’avoir une prise avec le bat- grappin sur tous ces gratte-ciels clinquants » Superman : « Impossible de voir à travers tout le plomb de ces vieux bâtiments ». Batman : « Mais chaque fois que je passe la nuit à Metropolis pour affaires, Clark insiste pour me remplacer à Gotham. Et il me demande de faire la même chose pour lui ». Superman : « Je pense qu’il est bénéfique de voir les choses du point de vue de Bruce de temps en temps. Et lui du mien. C’est bon exercice ». Batman : « C’est un vrai casse-tête ». • Redéfini r la ville grâce : ». Fig.44. Le royaume utopique du Wakanda. Image extraite du film Black Panther (2018) Le modèle utopique de la ville, c’est à dire la représentation d’une cité idéale et sans défaut (contrairement à la réalité), n’est pas une représentation unique au sein des univers superhéroïques. Au contraire, la diversité de ces super-héros et de leurs univers, sans parler de leurs différentes adaptations, permet une pluralité de modèles différents, que nous pouvons observer et analyser à travers quelques exemples, principalement cinématographiques. • Black Panther et le Wakanda. Sorti en salle en février 2018 et réalisé par Ryan Coogler, Black Panther est le dix-huitième film de Marvel Comics, mais qui se distingue nettement des nombreux films qui l’on précédé sur plusieurs points. La réussite et la reconnaissance mondiale de la critique démontre le tour de force de R.Coogler qui a réussi à créer et à rendre crédible le monde fantastique et caché du Wakanda africain, mais dont les logiques, problématiques et scénario s’inscrivent dans des questionnements actuels et bien réels. Précisions que nous allons également évoquer et utiliser des plans qui concernent le Wakanda dans la suite de la chronologie Marvel, en particulier Avengers : Infinity War (2018) qui suit le film Black Panther de quelques mois seulement. Fig.45. La présentation du royaume du Wakanda, à travers une séquence animée par ce qui semble être des particules de sable. Image extraite du film Black Panther (2018) 45. Jules Michelet cité par Walter Benjamin, « Sur le concept d’histoire », Écrits français, Paris, Gallimard, Folio essais, 2003, p. 449. Dans une scène d’introduction (Fig.45) magnifiquement animée, on nous présente le Wankanda, petit pays fictif d’Afrique centrale et d’apparence rurale, qui cache sa véritable nature et son avance technologique au reste du monde depuis toujours. Ce développement est permis par un minerai extraterrestre exclusivement présent au Wakanda, le vibranium, dont l’application technologique permet entre autre au peuple wakandais de dissimuler sa plus grande (et apparemment unique) ville. Cette cité n’est jamais explicitement nommée, on la mentionne uniquement comme « la capitale ». En revanche, elle est nommée Birnin Zana dans les comics, et est créditée comme « Golden City » (la Cité d’Or) dans le générique du film, en référence à la légende de la ville d’Eldorado évoquée au cours du récit. Cette ville nous est présentée une première fois à travers l’arrivée aérienne du personnage principal (le prince T’Challa), qui nous permet d’observer ladite cité avec des plans larges ( 46), puis de plus en plus détaillés à mesure que le véhicule atterri. Cette première scène nous permet de visualiser l’architecture des principaux immeubles et bâtiments de la cité : à première vue, cette ville ressemble à une métropole classique, avec seulement quelques buildings massifs qui se distinguent en s’élevant vers le ciel, mais aussi beaucoup de bâtiments de dimensions beaucoup plus réduites. Ce qui peut d’abord détonner c’est surtout une végétation très présente, aussi bien autour que dans la ville même, mais aussi également sur les façades des bâtiments. Mais plus la caméra s’approche de la ville, plus les différences architecturales sautent aux yeux. Les imposants buildings qui parsèment la cité sont d’apparences et de formes singulières, mais aussi composés de matériaux insolites, surtout pour des spectateurs habitués à interpréter la ville comme une inconditionnelle jungle de béton, d’acier, et de verre (sur le modèle de la ville « Brutaliste » de New-York, à la fois tant admiré et détesté par Le Corbusier). Si on observe bien quelques éléments de béton et de verre, ils sont toujours nuancés par des éléments des bois, des toits de chaumes, et des jardins suspendus (Fig.46). Fig.46. Les toits de chaumes couvrant les grattes-ciels Image extraite du film Black Panther (2018) Fig.47. Les madriers hérissant les façades des immeubles Image extraite du film Black Panther (2018) 46. Voir l’extrait vidéo « Extrait 4 - Black Panther - Présentation de la ville » dans le dossier « Extraits Vidéo ». Les sources d’inspiration architecturales de la cheffe décoratrice Hannah Beachler 47 sont aussi nombreuses que variées, en effet elles puisent à la fois dans les traditions anciennes de l’Afrique (surtout d’Afrique australe), mais aussi dans des formes plus modernes. Ainsi on observe que plusieurs bâtiments, dont le palais royal (Fig.47), ont des façades hérissées de poutres, évoquant ainsi la mosquée Djingareyber (Fig.48) de la ville malienne de Tombouctou, où certaines des mosquées construites aux XIVe et XVe siècles sont faites de briques de terre renforcées de madriers en palmier. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si plusieurs bâtiments sont directement des reproductions plus massives de cette même référence architecturale (Fig.48). Cet aspect pyramidal est également repris pour d’autres bâtiments, ainsi pour des formes d’inspiration plus modernes, comme pour la ressemblance de certains bâtiments avec la pyramide d’Abidjan (Fig.49), édifice témoignant du patrimoine de la capitale ivoirienne et de la période de prospérité économique (le miracle ivoirien) du pays durant les décennies 1960-1970. Fig.48. Comparatif entre certains bâtiments et la mosquée Djingareyber (Tombouctou, Mali). Image extraite du film Black Panther (2018) Fig.49. La pyramide d’Abidjan (Côte d’Ivoire) fait également une apparition discrète dans le décor urbain. Image extraite du film Black Panther (2018) 47. Pour sa conception afrofuturiste du film Black Panther, elle remporte l'Oscar des meilleurs décors et direction artistique (2019) et devient ainsi à la fois la première afro-américaine à être nominée dans cette catégorie, et la première à la gagner. Une scène de promenade et de dialogue entre deux personnages (T’Challa et Nakia) permet d’observer à nouveau la ville48, mais d’un point de vue piéton cette fois. Il ne s’agit toutefois pas de la représentation classique et piétonne de la ville mondiale, saturée de visiteurs et de travailleurs pressés, envahissant des trottoirs entourant des routes encombrées par les automobiles. Il ne s’agit pas non plus à l’inverse d’une ville idéale où les piétons peu nombreux flâneraient en toute quiétude dans des environnements qui paraîtraient irréels et déconnectés de la réalité. Ici le réalisateur fait le choix de nous montrer le dynamisme d’une ville africaine atypique : le grouillement des piétons, la présence de nombreux étals et boutiques, et surtout l’absence de voitures (déconcertante pour un occidental). Il s’agit aussi pour la cheffe décoratrice d’une volonté de décrire une société autant qu’une ville, et de le faire sans évoquer uniquement la technologie : « Technology is there to serve our lives, not for us to serve technology »49. Mais la dimension hightech reste bel et bien présente et visible, notamment grâce à des trains magnétiques surplombant les rues, ou encore avec un tram se frayant un chemin à travers les badauds qui s’écartent. La multiplicité des costumes, accessoires, mais aussi la musique d’ambiance de cette scène y sont pour beaucoup dans ce sentiment dépaysant d’avoir effectivement en face de soi un modèle à la fois utopique et crédible, mais aussi alternatif au modèle de la grande métropole occidentale. Par quasiment tous ses aspects, la ville du Wakanda reprend ainsi les codes de la ville utopique et les réadaptent à l’esthétique africaine, et aux ambitions plus contemporaines, par exemple en ant un développement technologique mais durable. L’opposition avec ce modèle se fait particulièrement bien sentir dans une autre scène, dont le décor scénographique et diégétique correspond à la métropole portuaire de Busan en Corée du Sud. C’est avant tout une scène visant à mettre en opposition à la fois les héros et leurs adversaires, mais aussi indirectement le Wakanda et le reste du monde. Le choix d’une métropole asiatique n’est pas tout à fait neuf pour un film Marvel, la série ayant par exemple déjà visité une ville coréenne, la capitale de Séoul (dans Avengers : l’Ère d’Ultron). Ainsi on peut utiliser le modèle de la métropole pour l’opposer à celui proposé par le Wakanda, tout en dépaysant légèrement le spectateur en lui proposant une destination plus originale que l’éternel NewYork/Londres/Washington, et en jouant sur les particularités urbaines asiatiques, notamment les néons et les couleurs omniprésentes durant la course-poursuite de Busan. 48. Voir l’extrait vidéo « Extrait 5 - Black Panther - Promenade piétonne » dans le dossier « Extraits vidéo ». 49. Extrait de l’interview d’Hannah Beachler à la Conférence CityLab de Détroit en 2018 : Nicole Flatow, « The Social Responsibility of Wakanda’s Golden City », CityLab.com, le 5 novembre 2018. Fig.50. La cité montagneuse et enneigée de la tribu des Jabaris. Image extraite du film Black Panther (2018) Fig.51. Les paysages enneigés du Wakanda, territoire de la tribu Jabari, délimité par la statue de leur divinité-gorille Hanuman 50 Image extraite du film Black Panther (2018) Une autre vision alternative de la ville africaine de demain est présentée rapidement à travers quelques scènes dévoilant la demeure montagneuse et recluse de la tribu exilée des Jabaris, volontairement isolée du reste du Wakanda dans ce qui semble être des tendues de neiges éternelles ( Fig.50 et 51). 50 « Hanuman » est une référence à la mythologie hindoue, où celui-ci est un singe divin issu du Ramayana, l’un des textes fondamentaux de cette mythologie. Ce poème raconte l’histoire de Râma (un roi de l’Inde antique) qui charge l’animal de récupérer le sanjeevani, une herbe légendaire cachée au fin fond d’une montagne de l’Himalaya et capable de ressusciter les morts. On voit ainsi de très nombreux points communs avec l’intrigue des scènes de cet environnement. Toutefois la partie du film mentionnant Hanuman a été censurée lors des projections indiennes. 56 /111 Fig.52. La cité des Jabaris, une construction de bois enchevêtrée dans la montagne, dans laquelle trône le palais de M’Baku. Image extraite du film Black Panther (2018) Fig.53. Il s’ agit du même plan, mais avec un autre angle, et de jour cette fois. Image extraite du film Black Panther (2018) La ville des Jabaris, dont le nom n’est pas mention né 51, peut être vue comme la continuité du modèle Wakandais, mais adapté au style de vie et à l’idéologie particulière de cette tribu : le respect de la force et de la survie dans un environnement hostile, mais aussi à leur divinité tribale tutélaire prenant la forme d’un gorille (Fig.51,52,53), au lieu de la panthère wakandaise, et qui est visible à travers leurs statues, titres et costumes. La salle du trône de M’Baku (Fig.54), chef de la tribu et adversaire du Black Panther, est une très intéressante création artistique mélangeant art contemporain et africain, magnifiée par la puissance du paysage enneigé et la mise en scène martiale des guerriers tribaux. 51. Elle est toutefois mentionnée comme « Gorilla City » dans les comics. L’architecture de la ville repose en grande partie sur de complexes constructions en bois, et pour ce faire le département artistique52 s’est inspiré de méthodes de construction de yachts de haute technologie, utilisant des bois coûteux et un savoir-faire artisanal pour donner lui un aspect à la fois naturel et élégant, l’aspect futuriste étant manifesté par les formes utilisées et la manière dont la ville semble avoir été incorporée, voire sculptée, dans la montagne. Fig.54. La salle du trône de M’Baku, « Grand Gorille » des Jabaris. Image extraite du film Black Panther (2018) Cette autre ville permet surtout de faire varier les paysages montrés par le récit. Car à l’image du reste du film, les paysages du Wakanda semblent faire la synthèse du contient en une « Afrique miniature », en évoquant autant les savanes de l’Afrique de l’Est, l’écosystème tropical des pays d’Afrique centrale et du golfe de Guinée (de la capitale wakandaise), et ici les neiges éternelles du Kilimandjaro à travers la cité des Jabaris. Si les personnages ne s’attardent guère sur ces paysages, cela ne veut pas pour autant dire que les espaces diégétiques de ce film ne pas tous systématiquement urbains. En effet, les différents lieuxclés du récit sont quasiment tous situés en dehors de l’espace urbain, qu’il s’agisse de la cascade du défi, du temple de l’herbe-cœur, de la montagne-laboratoire... Tous ces lieux sont toujours liés à des fonctions particulières et précises, aussi bien pour faire varier les décors du film, que dans une optique de sacralisation voire de sanctuarisation de ces lieux, toujours dans une logique traditionaliste (le sanctuaire sacré étant par essence un espace impraticable au quotidi ). 52. Vincent Frei, « BLACK PANTHER: Jonathan Weber - VFX Supervisor - RISE », Arts of VFX.com, 02/03/2018. Ainsi, le modèle utopique proposé par le Wakanda de Black Panther est un symbole d’un genre encore peu connu, voir oublié), l’afrofuturisme. Pour reprendre la définition du philosophe camerounais Achille Mbembe53, il s’agit d’un mouvement littéraire, esthétique et culturel qui émerge au cours de la deuxième moitié du XX e siècle. Il combine science-fiction, techno-culture, réalisme magique et cosmologies non-européennes, dans le but d’interroger le passé des peuples dits de couleur et leur condition dans le présent mais aussi (et c’est ce qui nous intéresse) dans le futur. Si ce courant s’est principalement diffusé aux États-Unis d’Amérique (d’où est originaire le film), il s’est aussi plus récemment fait reconnaître dans divers pays d’Afrique à travers différents supports et artistes. Nous pouvons donner comme exemple les travaux de Nnedi Okorafor, romancière américano-nigérienne de science fiction et de fantasy (qui a notamment participé à la réalisation de comics Black Panther), et qui défends l’afrofuturisme comme un genre propre à l’Afrique. Elle avait particulièrement (et de manière virulente) réagi contre le film District 9 qui se voulait un symbole du genre afrofuturiste, et qui avait (entre autre) à la fois sous-représenté les africains noirs, et représenté les nigériens comme des criminels cannibales et superstitieux. Pour revenir à Black Panther, la diffusion mondiale du film a également concernée le contient africain, où les chiffres annoncés au Box-office sont plutôt bons 54 : 5,3 millions d’euros de recettes en Afrique du Sud et dans les pays voisins, 823 000 euros pour le bloc oriental Kenya-OugandaTanzanie-Rwanda. Au Nigeria, au Ghana et au Liberia, il a engendré près de 1,4 million d’euros. Soit 7,42 millions d’euros au total, ce qui est loin d’être majoritaire (1,3 milliard au box-office mondial) mais qui au vu du peu d’équipements et de diffusions à l‘échelle nationale voire du contient, est déjà un exploit qui témoigne aussi du succès du genre afrofuturiste en Afrique. Ainsi dans un article parut le 28 février 2018 dans le blog Carnets de Terrain55, Emilie Guitard considère Black Panther comme la « première superproduction afrofuturiste de l’histoire », se basant à la fois sur la dimension massive et mondiale de ce film et sur la réussite de ce modèle afrofuturiste. Toutefois malgré cette réussite apparente, on peut essayer de nuancer cette vision à la fois utopique et afrofuturiste apportée par Black Panther. Certaines critiques, parfois africaines, ont reprochées à l’œuvre et au modèle Wakandais leur manque de représentativité de la réalité urbaine africaine. Effectivement, la capitale du Wakanda se veut une cité idéale et utopique, et la pauvreté semble en être absente, tout comme les inégalités de développement. On peut opposer à ce modèle très utopique des modèles futuristes plus crédibles, à l’image des travaux de l’architecte et artiste nigérien Olalekan Jeyifous, qui avait crée une vision futuriste, high-tech et végétale de la ville de Lagos56. Cet exemple est justement en lien avec les écarts de développement dont souffre le continent, puisque cette vision dystopique montre une métropole (Lagos) ayant grandie trop vite, et dont les bidonvilles recouverts par la végétation ont été construits à la verticale. Si cette vidéo est avant tout une création artistique ayant pour but de dénoncer les 53. Achille Mbembe , « Afrofuturisme et devenir-nègre du monde », Politique africaine, 2014, (N°136), pages 121 à 133. 54. Lynsey Chutel « Black Panther is now the highest grossing film ever in East, West and southern Africa », Quartz Africa, 21/03/2018. 55. Emilie GUITARD, « Le Wakanda de « Black Panther » : une Afrique du futur en miniature? », Carnets de Terrain, 28/02/2018. 56. Olalekan Jeyifous, « Shanty-Megastructures. », Youtube, 8 avril 2016. difficultés des populations et le manque d’accès aux besoins de base (dans le pays le plus peuplé d’Afrique), elle a aussi le mérite de prédire un avenir plus probable pour l’Afrique, et sur tout de nuancer l’afrofuturisme, qui est donc un genre pouvant à la fois s’adapter en tant qu’utopie mais aussi en tant que dystopie. Si les inégalités ou les problèmes géopolitiques ne semblent pas exister au sein du Wakanda, c’est tout simplement parce qu’elles sont extérieures au pays et à la ville. Elles sont montrées à travers différentes scènes, rapidement en Afrique même avec les jeunes femmes kidnappées en début de film (faisant référence aux enlèvements de Boko Haram), mais aussi et surtout avec les conditions de vie des afro-américains à travers plusieurs scènes clés dans un quartier d’Oakland (États-Unis, Californie, Fig.55). Cet espace diégétique correspond à la réputation de la ville (et de sa « Killing zone »), déchirée à long terme par les trafics, la criminalité et les homicides. Si les scènes nous montrant ce décor urbain se contentent de nous en illustrer la pauvreté qui y réside, en passant sous silence la-dite violence, celle-ci se retrouve incarnée par le principal antagoniste du film, « Killmonger » (« qui répand la tuerie »). Ce « vilain » est ainsi fortement lié à cet espace, puisqu’il est l’expression de la violence afro-américaine, cette fois quasi-nihiliste, et qui cherche à brûler le monde face à l’injustice de sa condition. Cette volonté de vengeance, d’utilisation de violence contre la violence, est apportée par cet antagoniste au sein de la ville utopique du Wakanda, alors menacée. On pourrait donc à juste titre penser que les inégalités sont uniquement extérieures à ce modèle utopique qu’est le Wakanda. Fig.55. La ville d’Oakland, aux États-Unis, tristement célèbre pour sa violence et la paupérisation de sa population. Image extraite du film Black Panther (2018) Pour autant, on comprend au fil de l’avancée du scénario que tout n’est pas aussi idyllique qu’on voudrait nous le faire croire dans le royaume du Wakanda. Les personnages nous révèlent, durant la scène de promenade déjà évoquée précédemment, que cette cité idéale qui fait la synthèse architecturale, esthétique et traditionnelle de toute l’Afrique, tourne ostensiblement le dos au reste du continent et du monde : « Le Wakanda est un cri de ralliement qui parle à tous, mais qui n’accueille personne »57. Cet éden se refuse à accueillir des réfugiés, ou a s’impliquer de quelque manière que ce soit dans le monde, et cette autarcie tant fantasmée fait aussi figure d’isolation à tout prix. Cette situation entraîne un débat parmi les personnages : Doit-on, et si oui comment, s’ouvrir au monde et risquer de perdre notre mode de vie? Deux visions du Wakanda et du monde s’affrontent. 57. Guillaume Pajot, « Birnin Zana, l’utopie africaine », Libération, 17 juillet 2018. « Tu laisses entrer les étrangers, ils amènent leur problèmes avec eux, et le Wakanda sera un pays comme les autres... Maintenant si tu me demandes de prendre mes hommes, et d’aller rétablir l’ordre dans le monde, là je fonce tête baissée. » W'Kabi (Daniel Kaluuya) « Partageons ce que nous avons. [...] D’autres le pays le font, on pourrait faire mieux. Le Wakanda est assez fort pour aider les autres tout en protégeant également son peuple. » Nakia (Lupita Nyong'o) On peut ainsi, selon la définition de la ville utopique que l’on a donnée précédemment, remettre en cause la perfection de cette cité. On peut aussi remettre directement en cause ce modèle utopique : ce modèle de la ville idéale n’est il plus forcément synonyme d’autarcie? Les deux partis sont au moins d’accord sur une chose, le temps de d’isolation est fini, la véritable question repose sur la façon d’intervenir dans le monde. À partir de ce consensus, on peut donc aussi se demander si c’est une volonté de l’œuvre de montrer que le phénomène de mondialisation, apparemment irrémédiable, rend obsolète ce modèle autarcique. L’ouverture finale de la cité cachée au reste du monde, dans la conclusion du réc it , semble montrer que l’utopie peut (et doit) s ’ouvrir au monde , et ne peut se contenter de vivre par et pour elle-même. C’ est donc bien un nouvel autre aspect de ce nouveau m odèle utopique : à la fois afrofuturiste, durable, et technologique, mais également humain et ouvert sur le monde. Dans la continuité de l’univers cinématographique Marvel (MCU), le film Infinity war (2018) nous permet de constater que le pays, paradoxalement dissimulé durant des siècles, s’ouvre enfin au monde. La ville en elle-même devient un enjeu (le lieu de la bataille finale) et un lieu de centralité pour tous les personnages, elle qui était paradoxalement sensée être une marge inaccessible. On peut toutefois souligner les faiblesses du scénario voire de la vision afrofuturiste de Ryan Coogler. Il faut reconnaître que malgré tous ces questionnements pertinents et ces inspirations plurielles venues d’Afrique, le film est (et reste) avant tout un divertissement pour grand public. Il n’est pas un film clairement militant, malgré les liens avec le parti qui porte son nom, ni une œuvre prenant en compte des problématiques et des enjeux africains. Le tournage a été en grande majorité réalisé en studio avec des décors de synthèses et sur des sites de tournages américains (en Géorgie et à Atlanta), en ne posant pas un seul pied sur le contient africain. Le public visé reste malgré tout américain, cela étant visible à travers la scène de fin. On peut y voir le roi T’Challa, dirigeant d’un pays d’Afrique, soit le contient qui véhicule le plus grand nombre de clichés misérabilistes, qui choisit d’ouvrir son pays au monde et de combattre la pauvreté et l’inégalité grâce à l’éducation et à l’humanitaire... aux États-Unis d’Amérique. Bien sur il s’agit avant tout d’un symbole, de réinventer l’avenir à partir du lieu même où l’histoire a (mal) débutée, mais le paradoxe et l’ironie reste palpable. Ce film et son modèle utopique représentent néanmoins un grand pas dans la représentation des individus et des cultures noires et/ou africaines, au sein d’une industrie cinématographique d’envergure mondiale dont l’influence culturelle est désormais certaine. • Aquaman et Atlantis. Toujours dans l’objectif d’interroger le modèle utopique de la ville, le film Aquaman sorti en décembre 2018 et réalisé par James Wan, est un exemple que l’on peut associer à celui de Panther de l’univers Marvel Comics, mais qui cette fois est produit par son éternel rival DC Comics.
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AML-MRC M0 AML no no ND 46,XY,del(7)(q36)[8]/46,XY[12] AML with M0 mutated AML RUNX1 AML with M0 BM mutated AML RUNX1 AML with M0 BM mutated AML RUNX1 AML with KMT2A(MLL) M0 BM rearrangement AML and mutated RUNX1 AML with M0 PB mutated AML RUNX1 ND CD34- no anomaly CD34detected no anomaly CD34detected no anomaly CD34+ detected no N20 71 M no no ND 45,X,-Y[20] no no ND 46,XX[20] no yes/ cutaneous AML 46,XY[20] rearranged CD34- no no ND 47,XX,+13[13]/46,XX[7] no anomaly CD34+ detected Neutropenia and Therapeutic M0 thrombocytopenia, abstention, AML granulocytic monitoring dysplasia£ yes/ cutaneous pDCs 46,X,-Y,+13[11]/46,XY[23] M0 AML no yes/ cutaneous pDCs 47,XY,+13[21]/46,XY[11] M0 AML no yes/lymph nodes ND 46,XY M0 AML no no ND 46,XY[30] AML without M1 maturation AML no no ND 46,XY[28] N8 64 M N1 82 F N9$ 70 M BM N11 68 M BM N7 79 M BM N12 55 M BM N36 52 M BM AML-MRC AML with mutated RUNX1 AML with mutated RUNX1 AML with mutated RUNX1 46,XY no anomaly CD34detected N2 77 M BM N19 70 F yes/cutaneous AML pDC contingent Anatomopathology of extramedullar lesions N16* 59 M BM 46,XX[20] FISH KMT2A (11q23) Extramedullar lesions ND Karyotype Secondary (yes/no) no Prior therapy FAB classification no Gender M0 AML Material AML with mutated RUNX1 Age (y) N13 87 F PB Patient number WHO classification Table 1. Clinical and biological features of the cohort. ND CD34+ no anomaly CD34+ detected ND CD34- no anomaly CD34+ detected no anomaly CD34+ detected N14 85 M BM AML-MRC M4 AML CMML Therapeutic abstention, monitoring no ND 46,XY,-7,+mar[18]/46,XY[4] ND CD34+ N34¤ 73 M PB AML-MRC M4 AML CMML Hydroxyurea no ND 46,XY[20] ND CD34- MDS/MPN Therapeutic abstention, monitoring no ND 46,XY[20] AML with mutated M5 N35 65 M BM NPM1 and AML KMT2A(MLL) rearrangement rearranged CD34- BM: Bone marrow; PB: Peripheral blood; AML-MRC: AML with myelodysplasia-related changes; WHO classification: World Health Organisation classification; FAB: French-American-British classification; FISH: Fluorescent In Situ Hybridization; ND: not done. $pDC nodules were described on BM biopsy. £diagnosis of SMD was not clearly affirmed before AML state. ¤Only patient N34 experienced a prior history of solid tumor with prostatic neoplasm treated by hormonotherapy. Figure Legends Figure 1. Morphologies and immunophenotypes of populations of interest. A,B,C. Representative morphologic aspects of peripheral blood smears from patient N1 (Magnification x1000). A: blast cells are medium sized with a high nuclear cytoplasmic ratio, fine chromatin with proeminent nucleoli. Cytoplasm is basophilic with some rare azurophilic granulations. B. pDC are smaller with more mature chromatin. The cytoplasm is less basophilic without granulation but sometimes pseudopodia and small vacuoles under the cytoplasmic membrane. C. A blast cell (top), a pDC with pseudopodia (center) and a monocyte (bottom). D,E. Representative immunophenotype after gating on FSC-A versus FSC-H plus SSC vs FSC to select singlets, leucocytes and exclude debris (not shown). Lymphocytes in blue (CD bright /SSCdim cells); immature blasts in black (CD34+ cells); pDCs in pink (CD123bright); monocytes in green (CD123dim, CD33bright, CD64bright); cDCs in orange (CD123+, CD33+ CD64dim). D. Patient N8: M0-AML with a continuum of phenotypic acquisition of markers (arrows) from the immature blasts: downregulation of CD13 and CD33 to pDCs or upregulation to monocytes and cDCs; downregulation of CD117 and CD34 to pDCs/monocytes/cDCs. E. Patient N12: M0-AML with Tdt+, HLA-DRbright, CD33-, cCD13+ immature blasts; CD7+ CD4+ CD 56- pDCs. Figure 2. Immunophenotypic features of pDC-AML. Positive high on 100% of cells in red (>10^4), positive on 100% of cells in orange (10^2 to 10^4), partially positive in light yellow, negative (<20%) in green, not done in grey. CD15 and CD65 are both labelled by FITC in the same tube of our panel. ¤Percentage of cells corresponds to flow cytometry, quantification on the sample used for phenotyping, possibly diluted by PB. 122 Figure 3. Expression of CD123 and cTCL1 on pDCs from pDC-AML. A. Comparison of Mean Fluorescence Intensity Ratio (MFIR) of CD123 between pDCs and immature CD34+ blasts in pDC-AML. B. Comparison of MFI of CD123 between pDCs and immature CD34+ blasts in pDC-AML. C. Comparison of MFIR of cTCL1 between pDCs from pDC-AML, BPDCN and non-neoplastic pDCs from healthy donors. D. Comparison of MFI of cTCL1 between pDCs from pDC-AML, BPDCN and non-neoplastic pDCs from healthy donors. P-values (unpaired Mann-Whitney test) are marked above. 123 Figure 4. Mutation profile of pDC-AML. Mutations detected by NGS with VAF, or Sanger sequencing (especially for ASXL1). Abnormalities in pDC-AML and BPDCN are depicted in: bright blue (monoallelic mutation); dark blue (biallelic mutation); white (absence of mutation); grey (not available). ¤Percentage of cells corresponds to flow cytometry, quantification on the sample used for phenotyping, possibly diluted by PB (all cases exhibited more than 20% of blasts on BM smears). $Analyses performed on sample obtained after induction of chemotherapy, 70 days after diagnosis. £ FISH 7q36 on case N16: loss of EZH2 in 91/200 nuclei. ***VAF not available because ASXL1 c.1934dupG;p.Gly646TrpfsX12 was confirmed by Sanger sequencing. 124 Figure 5. Maturation model in pDC-AML. A. Representative CD45/SSC dot plot of pDC-AML, with 4 populations identified: immature CD34+ blasts in black, pDCs in pink, monocytes in green and lymphocyte in blue, with morphologies of these populations depicted above. B. The maturation model: immature blast cells are mainly proliferative without maturation, but at least part of them conserved M (Macrophage-DC Progenitor)-like potential of maturation leading to variable amounts of clonal pDCs, monocytes and cDCs. Discussion A. Profil phénotypique et potentiel de maturation Les PPDCM ne sont pas formellement reconnues dans la classification OMS 2016. Notre étude apporte des données importantes afin de mieux différencier les PPDCM correspondant aux LAM-pDC, des LPDC. La présentation clinique peut être confondante, chez des hommes âgés avec lésions cutanées, cependant moins fréquentes que dans les LPDC (25% contre 90% dans les LPDC). Le phénotype CD34+ CD117+ TdT+ des myéloblastes les distingue des blastes de LPDC, ainsi que l'expression de marqueurs myéloïdes, une plus faible expression du CD123 et l'absence de marqueurs spécifiques de pDCs. L'excès de pDC présente un phénotype CD56- CD303fort cTCL-1faible CD34+/- alors que les blastes de LPDC sont classiquement CD56+ CD303faible/- cTCL-1fort CD34- 89,92,97,98. Ce phénotype est plus proche des pDCs physiologiques, avec cependant des caractéristiques d'immaturité en fonction des cas (33% CD34+), évoquant un stade II de maturation selon Martín-Martín et al. (CD34+, CD303+, CD304+/-, CD123+)46. L'apparente maturation des blastes CD34+ en pDCs confirme les données de la littérature et indiquerait que ces pDCs sont d'origine myéloïde169,170. Nous ne pensons pas que ces cas devraient être considérés comme un sous-type de LPDC, comme précédemment suggéré101,279, mais comme une hémopathie différente. En effet, l'ensemble des cas décrits jusqu'à présent rentrent dans le cadre de ces LAM avec potentiel de maturation vers la lignée pDC. L'excès de pDCs est alors plus ou moins mature et le terme de prolifération de pDCs « matures » est impropre, car il peut s'agir de pDCs de stade II de ation. En fait, ce terme « mature » ne doit pas être compris stricto sensu, mais en opposition aux pDCs « blastiques » des LPDC. Les myéloblastes CD34+ conserveraient des capacités de maturation vers des monocytes, pDCs et même cDCs et correspondraient a minima à des progéniteurs bipotents à potentiel DC et monocytaire comme les MDP (Figure 37). Le progéniteur impliqué pourrait aussi être plus en aval dans la différenciation hématopoïétique et conserver des potentialités d'engagement dans les lignées lymphoïdes B ou T, comme suggéré par certains cas de notre cohorte, de LAL-T ou de LAL-B avec excès de pDCs non présentés ici. C'est également le cas d'un patient avec LA biphénotypique myéloïde et lymphoïde B dans l'étude de Hamadeh et al.170. 127 B. Mutations de RUNX1 De manière concomittante à notre étude, l'équipe de Ross Levine, au Memorial Sloan Kettering Cancer Center a également publié des données primordiales pour mieux comprendre ces LAM-pDC. En effet, ils retrouvent également une fréquence élevée des mutations de RUNX1280. Cependant, cette étude ne s'est pas appuyée sur la classification FAB, et n'évoque pas d'association forte avec les LAM0, comme retrouvé pour nos patients. Dans notre étude, ces LAM0-pDC mutées pour RUNX1 présentent des caractéristiques cliniques en tout point similaires à celles de l'entité provisoire des LAM avec mutation de RUNX1 (71 ans d'âge moyen, sex ratio M/F = 2,67)83. Ces anomalies sont aussi fréquemment associées à des trisomies 13 et à des mutations d'ASXL1, comme dans notre étude281,282. En revanche, nous ne retrouvons pas de trisomie 21, comme dans la littérature283. D'origine somatique, car absentes des lymphocytes T, elles n'entrent donc pas dans le cadre des mutations ou délétions germinales de RUNX1 responsables de thrombopénies familiales avec prédisposition aux hémopathies malignes (FPD/AML pour Familial platelet disorder with predisposition to AML)284. Alors que la fréquence des mutations somatiques de RUNX1 serait comprise entre 5 et 15% dans les LAM, avec une fréquence plus élevée de l'ordre de 25 à 30% dans les LAM0, les 11 LAM0 que nous avons étudiées sont toutes mutées283,285. Ces invalidations de RUNX1 méritent des investigations plus poussées. En effet, le nombre de copies de RUNX1 n'a pas pu être pleinement exploité dans notre étude, mais des anomalies biall liques de RUNX1 sont très probables, comme suggéré par les fréquences alléliques et la présence de doubles mutations. Sur le plan mécanistique, RUNX1 forme avec CBFβ le core binding factor (CBF)286, un complexe hétérodimérique clé pour l'hématopoïèse, interagissant avec CEBPA, PU.1 et MYB. Ainsi, alors que MYB pourrait constituer un gène clé dans la leucémogenèse des LPDC, RUNX1 apparait impliqué dans celle des LAM-pDC. De plus, parmi les cibles transcriptionnelles de RUNX1, on retrouve l'interleukine-3 et le récepteur du macrophage-colony stimulating factor, qui font écho à la différenciation myéloïde MDP des pDCs287. Enfin, l'invalidation de RUNX1 conduirait à une augmentation d'expression des protéines RUNX2 et RUNX3, car le niveau global de la famille RUNX est réputé constant et suit un mécanisme compensatoire en cas de baisse de niveau d'une des 3 protéines (Figure 38)288,289. Figure 38 : Mécanisme de compensation génétique du niveau global de la famille RUNX, d'après Kamikubo et al.,2018289 Un niveau diminué d'expression de RUNX1 induit une surexpression de RUNX2 et RUNX3 dans certaines cellules leucémiques, tandis qu'une surexpression de RUNX1 diminue l'expression de RUNX2 et RUNX3 par des mécanisme d'inhibition réciproques. 128 C. Ontogénie pDCs canoniques ou AS-DCs Comme dans les LPDC, la question de la nature pDC canonique ou AS-DC de cet excès de DCs est en suspens. Un élément de réponse a été apporté par l'étude de Lucas et al. où les pDCs en excès dans les LMMC présentent des profils d'expression génique proches des pDCs canoniques, et non des AS-DCs55 (Figure 39). Ces pDCs en excès n'apparaissent ni différents des pDCs de moelles normales, ni différents des pDCs résiduels de LMMC sans excès de pDC. Figure 39 : Les pDCs dans les LMMC-pDC sont des pDCs canoniques et pas des AS-DCs, d'après Lucas et al., 38ème Congrès de la Société Française d'Hématologie, 2018 D. Impact clinique et pronostique Notre étude de 15 cas de LAM-pDC présente un biais de recrutement, lié à la porte d'entrée que représente l'exclusion diagnostique d'une LPDC. Par conséquent, il est impossible de déterminer la fréquence de ces LAM-pDC et des LAM0-pDC avec mutations RUNX1 au sein des LAM. Dans l'étude de Xiao et al., partant d'une cohorte conséquente de LAM, cette fréquence a pu être estimée à 5% des LAM (42/850), avec un excès de pDCs supérieur à 2%, allant jusqu'à 35,9%. Egalement, cette étude impute un pronostic défavorable à ces LAM-pDC par rapport autres LAM, en se basant sur la stratification pronostique ELN (p<0,0001), et des médianes de survie potentiellement raccourcies280. Malheureusement, nous ne sommes pas en mesure de confirmer ou infirmer ces données, compte tenu des faibles effectifs que nous avons pu inclure, et de l'âge avancé des patients, ayant conduit à une prise en charge uniquement palliative pour une partie d'entre eux. E. Dérégulation immunitaire Comme dans la LPDC, les pDCs étant des cellules immunitaires régulatrices des lymphocytes T, elles peuvent avoir une fonction régulatrice du micro-environnement tumoral dans les LAM-pDC. Des données ont été obtenues dans les LMMC-pDC et dans les LMC-pDC afin d'étayer cette hypothèse55,174. Dans la LMC, un excès de pDCs serait associé à l'accumulation de lymphocytes T régulateurs, induisant une réponse anti-tumorale compromise, et un risque accru d'évolution en LA55. Les pDCs joueraient un rôle régulateur de l'activité anti-tumorale, avec un impact sur la réponse au traitement. La taille du contingent pDC serait déterminante. En cas d'un nombre limité de pDCs inflammatoires, elles stimuleraient l'immunité anti-leucémique au cours des phases précoces de LMC et sous traitement avec réponse moléculaire profonde. En cas d'excès de pDCs, celles-ci entretiendraient une inflammation chronique, qui stimulerait la persistance des cellules souches leucémiques et encouragerait l'épuisement des lymphocytes T et l'immunosuppression (Figure 40)174. Figure 40 : Rôle présumé des pDCs dans la LMC d'après Inselmann et al., 2018174 Les cellules souches leucémiques BCR-ABL+ (BCR-ABL+ SCs) conservent la capacité de se différencier en pDCs tumorales. Ces pDCs (CML-pDCs), comme les pDCs normales sécrètent du TGF-β et du TNF-α, protecteurs pour les cellules leucémiques, favorisant leur persistance. Elles sécrètent aussi des cytokines pro-inflammatoires capables de promouvoir une immunité anti-leucémique (CML-immunity) lors des phases précoces pré-leucémiques de LMC, ou en rémission sous traitement. A l'inverse, ces mêmes cytokines vont promouvoir l'échappement immunitaire en phase leucémique par épuisement et tolérance des LT. 130 F. Nouvelles approches thérapeutiques L'expression du CD123 à la fois sur les myéloblastes et les pDCs ouvre la possibilité d'utiliser des thérapies ciblant le CD123, et notamment le tagraxofusp118,290, IMGN632265 ou les CAR-T cells CD123291. Xiao et al., sont parvenus à amplifier les blastes tumoraux issus de patient par xénogreffe dans des modèles murins de souris NSG irradiées (PDX pour Patient Derived Xenograft). Après transfert à une 2ème souris irradiée, les essais avec tagraxogfusp ont montré une élimination des pDCs, mais pas des blastes CD34+, malgré une baisse de la masse tumorale totale. Ainsi, l'usage isolé d'une thérapie ciblant le CD123 n'apparait pas suffisant pour éradiquer les cellules leucémiques. D'autre part, les anomalies de RUNX1 pourraient également constituer une piste thérapeutique, comme démontré dans les LAM mutées pour RUNX1, notamment avec les inhibiteurs de BET292. G. Perspectives Compte tenu de l'ensemble de ces données, plusieurs voies vont être explorées par notre équipe. D'une part, il s'agit de déterminer si toutes les LAM-0 RUNX1-mutées présentent un excès de pDCs, et si au sein des LAM-0, seules celles avec excès de pDCs sont RUNX1-mutés. Afin de répondre à ces problématiques, nous nous sommes rapprochés du groupe collaboratif ALFA (Acute Leukemia French Association), afin d'analyser des cohortes conséquentes de LAM protocolaires (ALFA-0701, ALFA-0702 et ALFA-1200) afin de comparer les LAM-0 RUNX1 mutées et les LAM-0 RUNX1 non mutées, notamment leur profil phénotypique, à la recherche d'un excès de pDCs, et leur moléculaire. L'objectif est de disposer d'un effectif d'une cinquantaine de LAM-0 et d'une cinquantaine de LAM RUNX1 mutées, puis de recouper ces deux entités, avec une évaluation de l'impact pronostic dans ces cohortes (Figure 41). LAM0 LAM0 LAM RUNX1-mutées RUNX1-mutées Excès de pDCs? Profil moléculaire? Excès de pDCs? Profil moléculaire? Figure 41 : Etude conjointe des LAM0 et des LAM mutées pour RUNX1 à la recherche de LAM-pDC D'autre part , les thématiques de l'équipe concernant le développement de nouvelles approches thérapeutiques dans les LPDC nous amènent naturellement à adapter ces concepts aux LAM-pDC, notamment par combinaison de chimiothérapies, de thérapies ciblées et de CAR-T cells. Pour cela, nous envisageons des études in vitro après obtention de lignées cellulaires dérivées de ces LAM-pDC et in vivo sur modèle murins NSG et NSGS, avec amplification de cellules de patients par xénogreffe (PDX). Ces travaux sont en cours Conclusion Au final, la contrepartie physiologique des blastes de LPDC n'est pas certaine entre les pDCs canoniques et les AS-DCs. Les LPDC se caractérisent par une hétérogénéité phénotypique, génétique et transcriptomique qui entraine des difficultés diagnostiques, illustrées ici par une LAL-T reclassée a posteriori en LPDC. Les LPDC dérégulent le cycle cellulaire et la voie NF-κB, mais également certains facteurs de transcriptions clés tels que SOX4, ETV6 et IKZF1, ainsi que les voies de l'IFN. Divers marqueurs évoquent une origine AS-DC mais certaines anomalies génétiques acquises par la cellule tumorale pourraient mimer un profil AS-DC. En particulier, les capacités réduites de sécrétion en IFN-I des AS-DCs sont retrouvées dans certains cas de LPDC, mais elles peuvent s'expliquer par une délétion 9p impliquant les gènes de l'IFN-I, ce qui entraine une expression génique diminuée. De plus , le profil AS-DC n'est pas retrouvé dans l'intégralité des LPDC, mais uniquement dans certains cas. L'hypothèse de plusieurs types de LPDC, d'origines cellulaires différentes reste ouverte, même si les sous-types envisagés pourraient être liés à des réarrangements géniques différents, de MYB et MYC par exemple, et pas à l'ontogénie. Ces hypothèses doivent être explorées sur une cohorte plus conséquente, et nous visons actuellement un tel objectif par RNA-seq (projet FreGATE-pDC). Cette étude permettra également d'étuider le microenvironnement tumoral des LPDC, qui est encore méconnu, bien que la cellule tumorale soit dérivée d'une CPA régulatrice de la réponse lymphocytaire T. Ces dernières années, de nombreuses équipes de renommée internationale ont concentré leurs efforts sur une meilleure caractérisation des LPDC, avec une dynamique de publications croissante, illustant l'intérêt porté par la communauté scientifique pour ces hémopathies. Concernant les LAM-pDC, notre travail a permis de préciser leur présentation biologique, à savoir un excès de blastes myéloïdes n'exprimant pas de marqueurs pDC, associé à un excès de pDCs plus ou moins important présentant un phénotype CD4+ CD56- systématique et un profil différent de celui des LPDC. L'expression du CD34 dans certains cas, les images phénotypiques de maturation à partir de blastes immatures et la communauté du profil mutationnel arguent pour une origine commune aux blastes, aux pDCs ainsi qu'aux monocytes et cDCs retrouvés dans ces MO. Toutes ces cellules seraient issues d'un progéniteur commun à différenciation monocytaires et dendritiques, telle que le MDP. La présence de mutations de RUNX1 dans tous les cas de LAM0-pDC suggère qu'une entité de LAM0-pDC RUNX1-mutées pourrait être isolée, dont le pronostic reste à définir. Plus généralement, l'impact clinique de cet excès de pDC reste à préciser, ainsi que les dérégulations immunitaires qui pourraient découler d'un excès de CPA telles que les pDCs. ographie 1. Ziegler-Heitbrock L, Ancuta P, Crowe S, et al. Nomenclature of monocytes and dendritic cells in blood. Blood 2010;116(16):e74-80. 2. Katsura Y. Redefinition of lymphoid progenitors. Nat Rev Immunol 2002;2(2):127–132. 3. Kondo M, Wagers AJ, Manz MG, et al. Biology of hematopoietic stem cells and progenitors: implications for clinical application. Annu Rev Immunol 2003;21759–806. 4. Faustman DL, Steinman RM, Gebel HM, Hauptfeld V, Davie JM, Lacy PE. Prevention of rejection of murine islet allografts by pretreatment with anti-dendritic cell antibody. Proc Natl Acad Sci U S A 1984;81 :3864–3868. 5. Knight SC, Hunt R, Dore C, Medawar PB. Influence of dendritic cells on tumor growth. Proc Natl Acad Sci U S A 1985;82(13):4495–4497. 6. Steinman RM, Cohn ZA. 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Modélisation discrète et étude expérimentale du comportement de matériaux sandwichs à peaux minces architecturées sous impact basse vitesse. Autre. ISAE-ENSMA Ecole Nationale Supérieure de Mécanique et d'Aérotechique - Poitiers, 2022. Français. &#x27E8;NNT : 2022ESMA0021&#x27E9;. &#x27E8;tel-03976787&#x27E9;
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6,689
11,601
Critère de lésion de la tête GOT 1978 a3max Cérébrale focale Expérimental Valeur absolue de l’accélération maximale pendant 3 ms GENNARELLI 1981 ETS (Experimental Trauma Score) Cérébrale diffuse Expérimental Relation entre le niveau de contusion et l’accélération angulaire NEWMAN 2000 GAMBIT (Generalized Acceleration Model for Brain Injury Threshold) Cérébrale diffuse Expérimental Valeur maximale de : 2 12 2 a + ααcr acr NEWMAN 2000 HIP (Head Power Threshold) Cérébrale diffuse Théorique Valeur de R P maximale P: R m i ai ai dt + Iii i αi αi dt TAKHOUNTS 2003 RMDM (Relative Motion Damage Measure) Cérébrale focale Numérique (Modèle SIMon) Basé sur la valeur du déplacement relatif du cerveau par rapport au crâne TAK HOUNTS 2003 SFC (Skull Fracture Criterion) Fracture Numérique (Modèle SIMon) R t2 1 Valeur de : t2 −t a (t) dt, t1 1 avec l’intervalle de temps fixé d’après le HIC KLEIVIN 2007 KVC (Kleiven’s Linear Combination ) Cérébrale diffuse Numérique Valeur de : β1 ωmax + β2 HIC36 GREENWALD 2008 PCS (Principal Component Score) Cérébrale diffuse Expérimental Valeur de : β0 + β1 GSI + β2 HIC15 + β3 αmax KIMPARA 2011 PRHIC (Power Rotationnal Head Injury Criterion) Cérébrale diffuse Expérimental Valeur maximale de : 2,5 R t2 1 HIP dt (t2 − t1 ) t2 −t, rot 1 t1 avec : R P HIProt = Iii i αi αi dt et : t2 − t1 ≤ 36 ms TAKHOUNTS 2011 BRIC (kinematic rotationnal BRain Injury Criterio deformable skull Type de blessure Origine Cérébrale focale Numérique (Modèle SUFEHM – Strasbourg University Finite Element Head Model) Valeur maximale de l’énergie de déformation interne globale des éléments entre le crâne et le cerveau Fracture Numérique (Modèle SUFEHM – Strasbourg University Finite Element Head Model) Valeur maximale de l’énergie de déformation interne globale des éléments constituant le crâne Description Annexe A. Critère de lésion de la tête TABLEAU A.7 – Critères de lésion de la tête en déformation. Étude Nom Type de blessure Origine Description STALNAKER 1971 MSC (Mean Strain Criterion) Cérébrale focale Théorique Valeur de la déformation (vue comme le rapport du déplacement relatif d’une masse par rapport à l’autre et de leur distance initiale modélisant la longueur du crâne, modélisation masse / ressort / amortisseur) STALNAKER 1985 NMSC (New Mean Strain Criterion) Cérébrale focale Théorique Similaire au MSC avec l’ajout d’un amortisseur supplémentaire Cérébrale focale Théorique (Modèle BCM – Brain Compliance Model) Valeur du produit de la déformation des tissus par le taux de déformation, le modèle est similaire au MSC avec l ’ajout d ’un ressort supplémentaire et l’utilisation d’un amortisseur visqueux STALNAKER 1987 TEC (Translationnal Energy Criteria) Cérébrale focale Théorique (Modèle THIM – Translational Head Injury Model) Valeur d’énergie dissipée ou emmagasinée par les divers éléments représentatifs du crâne, le modèle est dans la lignée de celui du MSC et du NMSC THIBAULT 1993 MPS (Maximal Principal Strain) Cérébrale diffuse Expérimental Valeur de la contrainte principale de déformation maximale TAKHOUNTS 2003 CSDM (Cumulative Strain Damage Measure) Cérébrale diffuse Numérique (Modèle SIMon) Valeur de la proportion cumulée de tissu cérébral qui dépasse un seuil critque de déformation en tension VIANO 1986 VC (Viscous Criterion) Une première étude (M C E LHANEY 1977) a tenté de comparer les critères existants en 1976. Les cas étudiés sont des impacts airbags et pare-brise sur mannequins, ainsi que des essais volontaires. Annexe A. Critère de lésion de la tête Accélération amax Taux de rotation ωmax Rotation αmax 1960 WSTC 1966 (G)SI Déplacement Δlmax Contrainte σmax Énergie E Déformation εmax Corrected SI 1971 HIC 1975 IHI 1978 a3ms 1980 EDI JTI ETS RBM MSC P 1985 NMSC 1986 Gambit VC 1987 TEC 1993 MPS 2000 HIP 2001 2003 SFC 2007 KLC 2008 PCS 2011 MVMS GISE RMDM DDM CSDM PRHIC BRIC 2012 2013 2015 GISE Skull RIC CP BrIC RCVI F IGURE A.6 – Historique des criètres de lésion de la tête par date et catégorie. La figure A.7 présente les valeurs adimmensionnées de ces critères pour chacun des cas. Les critères HIC et SI étant deux critères en accélération (dont l’un découle de l’autre), il est attendu d’obtenir des résultats similaires entre ces deux métriques. De la même façon, les critères EDI, RBM, JTI sont comparables dans la mesure où ils reposent tousles trois sur une modélisation mécanique de la tête par des systèmes masse/ressort (avec éventuellement des amortisseurs). Bien que le dernier de ces critères, le MSC, soit une mesure de déformation, elle est comparable aux trois autres métriques en déplacement, puisque la déformation correspond au déplacement pondéré par la longueur initial e du cr âne . Annexe A. Critère de lésion de la tête 2,5 2 1,5 1 0,5 0 0 SI 1 HIC 2 JTI 3 RBM EDI 4 5 MSC 6 7 F IGURE A.7 – Comparaison des critères de lésion de la tête adimmensionnés. Adapté de : M C E LHANEY 1977. Une seconde étude (M ARJOUX et al. 2008b) a consisté en la comparaison de différents critères de blessure de la tête à l’aide de reconstitutions d’accidents réels (61 cas) de façon expérimentale et numérique. Les critères utilisés sont le HIC (critère en accélération linéaire et qui est basé sur des essais menant à la fracture crânienne), le HIP (qui prend en plus en compte l’accélération angulaire et qui est normalement plus adaptée pour les blessures diffuses), ainsi que des critères spécifiques à deux modèles numériques (ULP et SIMon). La particularité de cette comparaison est que les deux métriques que sont le HIC et le HIP vont être utilisées indépendamment du type de blessure. Au contraire, les modèles numériques disposent de critères particuliers selon le type de blessures envisagées. Pour ce qui est du modèle SIMon, le critère de fracture osseuse est un dérivé du HIC, le RMDM permet de rendre compte des hémorragies sous-durales et enfin le CSDM permet de rendre compte des blessures diffuses (telles que les blessures neurologiques). Pour ce qui est du modèle ULP, le critère de fracture osseuse est un critère en énergie interne du crâne déformable, l’énergie interne du liquide cérébro-spinal (entre le cerveau et le crâne) permet de rendre compte des hémorragies sous-durales, enfin le critère de Von Mises sur le cerveau permet de rendre compte des blessures diffuses. Ces comparaisons ont reposé sur les paramètres de régression logistique des courbes risque–critère qui sont présentées dans la figure A.8 (une valeur proche de 0 signifie que le critère est mieux adapté). Une première observation est que les critères HIC et HIP (non spécifiques en comparaison) permettent de bien représenter un grand panel de scénarii de blessure. Par ailleurs, lorsque le modèle ULP est utilisé avec des métriques adaptées au cas par cas, la prévision du risque de blessure est plus précise. Le rôle de l’accélération angulaire apparaît également de manière claire dans ces résultats, puisqu’il est précisé qu’elle était bien plus importante dans le cas des blessures cérébrales diffuses modérées en comparaison avec celles plus sévères (ce qui explique en partie que le HIP est un meilleur critère dans ce cas). Une troisème étude (H ERNANDEZ et al. 2014) repose sur la comparaison de 18 critères de blessure de la tête (expérimentaux et numériques). Un nombre de 31 sujets (28 joueurs de football américain, 2 boxeurs professionnels et 1 pratiquant de MMA) lors de 19 évènements sportifs ont été équipés de dispositifs de mesure au niveau de la tête. Un total de 513 impacts (421 au football américain, 73 à la boxe et 19 en MMA) ont été enregistrés. Pour l’étude, seuls 110 cas ont été considérés (50 choisis aléatoirement, 58 avec au moins une des composantes de l’accélération angulaire ou linéaire au-dessus de la limite admissible et 2 cas de blessure constatée). La déviance des régressions logarithmiques risque-critère a permis de quantifier la pertinence des différents critères, comme cela est visible dans la figure A.9 (plus la valeur est basse et meilleur est le critère). Plusieurs points sont mis en évidence, les 4 métriques qui aboutissent à une déviance minimale sont toutes calculées uniquement ou en partie à partir de données de rotation. Pour chaque critère en translation uniquement, il existe un critère des autres catégories qui parvient à mieux prédire le risque de blessure. Par ailleurs, cette étude visait à étudier les lésions cérébrales traumatiques 219 VM HIC HIP VM CSDM CSDM HIC HIP HIC HIP RMDM GISE 0 -1 -2 -3 -4 -5 -6 -7 HIC HIP SFC GISE Skull Qualité du critère de lésion(-) Annexe A. Critère de lésion de la tête Fracture Hémorragie Blessure Blessure osseuse sous-durale neurologique neurologique modérée sévère F IGURE A.8 – Comparaison de la pertinence des coefficients de regression des critères de lésion de la tête. Adapté de : M ARJOUX et (LCT) légères, classifiées comme blessure diffuse, et ces dernières sont donc plus aptes à être détectées par des critères en rotation ou en déformation. Il est à noter que le nombre de blessures est très limité. 16 εmax,all CSDM15 CSDM25 Pmin Pmax εmax,cc 19 αmax RIC ωmax BrIC PRHIC HIP GAMBIT PCS 22 amax HIC36 HIC15 SI Déviance (-) 25 13 Translation Rotation Couplé Complexe F IGURE A.9 – Comparaison de la déviance des regressions des critères de lésion de la tête. Adapté de : H ERNANDEZ et al. 2014. Une quatrième étude (G ABLER et al. 2016) a eu pour but de comparer plusieurs critères cinématiques avec les deux critères en déformation que sont le MPS et le CSDM (les critères en déformation étant adaptés pour les blessures diffuses). Cette étude comprend 660 accidents (chocs frontal, oblique, latéral et piéton) dans diverses configurations (essais ceinture, crashs test, impacts pendulaire). Les accidents ont tous été modélisés avec deux modèles numériques différents (GHBMS et SIMon). La figure A.7 présente pour les deux modèles numériques la corrélations entre les critères en déformation et les autres critères. Ces deux modèles numériques donnent les mêmes résultats de corrélations, même s’il peut être noté que les corrélations entre paramètres cinématique et de déformation sont légèrement meilleures avec le modèle SIMon. Au cas par cas, une tendance apparaît, à savoir que les critères en rotation sont plus corrélés aux mesures de déformation (MPS et CSDM) que les critères couplés ou en translation. Pour ce qui est de la confrontation des critères couplés ou en translation uniquement, cela dépend grandement des critères considérés. Annexe A. Critère de lésion de la tête KLC RVCI CP 0,2 HIP GAMBIT PCS 0,4 amax HIC SI 0,6 BRIC PRHIC αmax RIC ωmax BrIC 0,8 0 1 0,8 0,6 0,4 0,2 0 Translation αmax RIC ωmax BrIC BRIC PRHIC RVCI HIP GAMBIT PCS KLC CP Corrélation avec les critères en déformation (-) b) 1 amax HIC SI Corrélation avec les critères en déformation (-) a) Rotation Couplé MPS CSDM F IGURE A.10 – Comparaison entre les critères en déformation et les autres critères de lésion de la tête, en utilisant le modèle numérique SIMon a) ou du GHBMS b). Adapté de : G ABLER et al. 2016. Annexe B Moyens de mesure du risque de blessure de la tête B.1 Concepts existants Différents types de moyens d’essai ont été envisagés dans plusieurs secteurs, dans le but d’évaluer le HIC pendant l’impact (Novel apparatus for evaluation of head and neck injury). Ces multiples solutions sont listées ci-après. — Essai sur mannequin complet (FSST) : Ces tests sont effectués avec des mannequins Hybrid III (anciennement Hybrid II) et les conditions de vol réelles, en déplaçant le siège sur des rails. — Concept du piston : Ce type de conception vise à propulser la tête d’impact grâce à un réservoir à haute pression (par exemple avec de l’azote). Il est nécessaire de contrôler le flux de gaz afin d’adapter la vitesse d’impact. — Concept du lâcher de masse : Cette fois, le mouvement de l’impacteur ne dépend que de la gravité. Plus la tête est haute, plus la vitesse et l’accélération sont élevées. — Concept du pendule : La tête factice est accélérée par la gravité et soumise à une vitesse angulaire. La hauteur de chute détermine les paramètres de l’impact. Deux configurations peuvent être réalisées, la tête de l’ATD peut être fixée et une surface attachée au pendule, et inversement. — Concept de la poulie : Un mécanisme constitué de poids et de poulies est utilisé pour déplacer l’impacteur. 223 Annexe B. Moyens de mesure du risque de blessure de la tête B.2 Bancs d’essai existants La figure B.1 et le tableau B.1 présentent une solution de lâcher de masse afin de mesurer le HIC. F IGURE B.1 – Dispositif de mesure du HIC par lâcher de masse. Source : Deltec Equipment. TABLEAU B.1 – Caractéristiques du dispositif de mesure du HIC par lâcher de masse. 224 Concept Lâcher de masse / poulie Naissance Secteur aéronautique Source du mouvement Gravité Projectile Boule de bowling instrumentée Description La boule de bowlig est lâchée d’une hauteur spécifique afin de reproduire un impact de la tête sur la surface souhaitée Avantages Large gamme de vitesses / d’accélérations incidentes Grande répétabilité de part la simplicité de l’essai Essais peu coûteux Inconvénients Pas de prise en compte de l’inertie du corps Pas de prise en compte des caratéristiques du visage Limitation aux impacts normaux Exemples d’application Certification des aires de jeux pour enfants Annexe B. Moyens de mesure du risque de blessure de la tête La figure B.2 et le tableau B.2 présentent une solution pendulaire afin de mesurer le HIC. F IG URE B.2 – Dispositif de mesure du HIC pendulaire . Source : B. R OWSON, S. R OWSON et al. 2015. TABLEAU B.2 – Caractéristiques du dispositif de mesure du HIC pendulaire. Concept Pendule Naissance Secteur du sport Source du mouvement Gravité Projectile Marteau ou autre tête d’impact Description Le bras pendulaire est lâché d’une hauteur spécifique afin de reproduire un impact de la tête sur le projectile Avantages Large gamme de vitesses / d’accélérations incidentes Prise en compte des caractéristiques du visage Grande répétabilité de part la simplicité de l’essai Essais peu coûteux Possibilité de mouvoir la tête ou la surface étudiée Accélération angulaire Inconvénients Pas de prise en compte de l’inertie du corps Mauvaise corrélation du HIC dans le cas de panneaux rigides Exemples d’application Equipements de protection sportifs (casques de football américain) 225 Annexe B. Moyens de mesure du risque de blessure de la tête La figure B.3 et le tableau B.3 présentent une solution utilisant des poulies afin de mesurer le HIC. F IGURE B.3 – Dispositif de mesure du HIC par un système masse/poulie. Source : Novel apparatus for evaluation of head and neck injury. TABLEAU B.3 – Caractéristiques du dispositif de mesure du HIC par un système masse/poulie. 226 Concept Naissance Poulie Secteur aéronautique Source du mouvement Gravité et tension des câbles Projectile Tête de mannequin fabriquée en acier Description Le pendule inversé est mis en mouvement à l’aide d’un mécanisme constitué de masses et de poulies Avantages Large gamme de vitesses / d’accélérations incidentes Répétabilité des essais Essais peu coûteux Inconvénients Pas de prise en compte de l’inertie du corps Pas de prise en compte des caratéristiques du visage Pas d’étude sur la corrélation avec un essai mannequin complet Exemples d’application Sécurité aéronautique des passagers (mobilier cabine) Annexe B. Moyens de mesure du risque de blessure de la tête La figure B.4 et le tableau B.4 présentent une solution d’impacteur linéaire afin mesurer le HIC. F IGURE B.4 – Dispositif de mesure du HIC par impact li néaire . Source : B. R OWSON et D UMA 2020. TABLEAU B.4 – Caractéristiques du dispositif de mesure du HIC par impact linéaire. Concept Piston Naissance Secteur du sport Source du mouvement Azote haute pression Projectile Personnalisable, hémi-sphérique le plus souvent Description La tête de mannequin est fixée à l’extrémité d’un bras qui est mis en mouvement de translation à l’aide d’un gaz sous pression Avantages Large gamme de vitesses / d’accélérations incidentes Inconvénients Pas de prise en compte de l’inertie du corps Pas d’étude sur la corrélation avec un essai mannequin complet Pas d’accélération angulaire Exemples d’application Equipements de protection sportifs (casques de football américain) 227 Annexe B. Moyens de mesure du risque de blessure de la tête La figure B.5 et le tableau B.5 présentent une solution par projection afin de mesurer le HIC. F IGURE B.5 – Dispositif de mesure du HIC par projection. Source : Aries. TABLEAU B.5 – Caractéristiques du dispositif de mesure du HIC par projection. Concept Piston Na issance Source du mouvement Secteur automobile Projectile Tête de mannequin Hybrid III (sans nez ) Description La tête de mannequin est fixée à l’aide d’un aimant permanent à un cylindre de projection, durant la phase d’accélération, ce lien est rompu dans le but d’impacter le projectile sur la surface désirée en vol libre Avantages Large gamme de vitesses / d’accélérations incidentes Possibilité de choisir l’angle d’incidence Prise en compte des caractéristiques du visage Inconvénients Pas de prise en compte de l’inertie du corps Le HIC réel est plus élevé dans le cas d’un impact réel L’accélération maximale est plus élevée dans le cas d’un impact réel Exemples d’application Sécurité automobile des passagers (intérieur habitacle) Sécurité automobile des piétons (carrosserie, pare-brise) Sécurité aéronautique des passagers (mobilier cabine) Système hydraulique Annexe B. Moyens de mesure du risque de blessure de la tête La figure B.6 et le tableau B.6 présentent une solution pendulaire inversée avec maintien afin de mesurer le HIC. F IGURE B.6 – Dispositif de mesure du HIC pendulaire inversée avec maintien. Source : FAA 1998. TABLEAU B.6 – Caractéristiques du dispositif de mesure du HIC pendulaire inversée avec maintien. Concept Piston / pendule Naissance Secteur aéronautique Source du mouvement Azote haute pression Projectile Tête de mannequin et cou Hybrid III Description La tête de mannequin est fixée à l’extrémité d’un bras pendulaire inversé qui est mis en mouvement de rotation à l’aide d’un gaz sous pression Avantages Large gamme de vitesses / d ’ ac célérations incidentes Possibilité de choisir l’angle d’incidence Prise en compte des caractéristiques du visage Adapté pour les courtes distances d’accélération Adapté pour les cloisons impactées rigides Inc onvénients Pas de prise en compte de l’inertie du corps Le HIC réel est plus élevé dans le cas d’un impact réel L’accélération maximale est plus élevée dans le cas d’un impact réel Exemples d’application S écurité aéron autique des passagers (mobilier cabine ) Annexe B. Moyens de mesure du risque de blessure de la tête La figure B.7 et le tableau B.7 présentent une solution pendulaire inversée avec projection afin de mesurer le HIC. F IGURE B.7 – Dispositif de mesure du HIC pendulaire inversée avec projection. Source : FAA 1999. TABLEAU B.7 – Caractéristiques du dispositif de mesure du HIC pendulaire inversée avec projection. Concept Piston / pendule Naissance Secteur aéronautique Source du mouvement Azote haute pression Projectile Tête de mannequin Hybrid III et cou rigide / souple Description La tête de mannequin est fixée à l’extrémité d’un bras pendulaire inversé qui est mis en mouvement de rotation à l’aide d’un gaz sous pression Avantages Large gamme de vitesses / d’accélérations incidentes Possibilité de choisir l’angle d’incidence Prise en compte des caractéristiques du visage Répétabilité Possibilité de déplacer la base du pendule Résultats conservatifs proches des essais mannequin complet Inconvénients Pas de prise en compte de l’inertie du corps Exemples d’application Sécurité aéronautique des passagers (mobilier cabine) Annexe B. Moyens de mesure du risque de blessure de la tête La figure B.8 et le tableau B.8 présentent une solution avec mannequin complet afin de mesurer le HIC. F IGURE B.8 – Dispositif de mesure du HIC avec mannequin complet. Source : FAA 2004. TABLEAU B.8 – Caractéristiques du dispositif de mesure du HIC avec mannequin complet. Concept Essai sur mannequin complet Naissance Source du mouvement Secteur automobile Projectile Mannequin Hybrid III Description Le mannequin de crash est utilisé pour reproduire les conditions réelles d’impact Avantages Large gamme de vitesses / d’accélérations incidentes Prise en compte de l’inertie du corps Pris e en compte des caratéristiques du vi sage Biofidélité des essais Inconvénients Essais très coûteux Difficulté de la répétabilité Pré sence de nombreux couplages complexes Mau vaise corrélation du HIC dans le cas de panneaux rigides Exemples d’application Sécurité aéronautique des passagers (mobilier cabine) Translation sur rail 231 Annexe C Méthode des éléments finis Les formules, les démonstrations et les raisonnements qui seront présentés dans cette annexe s’appuient sur des cours (Cours élément finis, ISAE ENSMA, S IDOROFF 1982) et ouvrages (B ATHE 2014, B ATOZ 2014) qui ont été d’une grande aide pour une meilleure compréhension du vaste domaine qu’est la résolution numérique par éléments finis. Cette annexe vise à donner les outils principaux permettant d’appréhender le principe de la démarche. C.1 Rappels d’algèbre tensorielle Des rappels mathématiques succins sur les définitions et propriétés des tenseurs et des opérations associées sont menés dans le but d’introduire les outils nécessaires aux démonstrations ultérieures. C.1.1 Produit simplement contracté Le produit contracté de deux tenseurs d’ordres n et m est un tenseur d’ordre n + m − 2. Cela revient à effectuer une sommation sur un indice. Dans le cas de vecteurs v⃗1 et v⃗2, le résultat est équivalent au produit scalaire et donne donc un scalaire s. Dans le cas de tenseurs d’ordre deux T1 et T2, le résultat est équivalent au produit matriciel et donne donc un nouveau tenseur d’ordre deux T3. Enfin, dans le cas de tenseurs d’ordre deux T et d’un vecteur v⃗1, un nouveau vecteur v⃗2 est obtenu. Ces résultats sont explicités dans l’équation C.1, l’équation C.2 et l’équation C.3. s = v⃗1.v⃗2 avec s= X v1k v2k = v1k v2k (C.1) T1ik T2kj = T1ik T2kj (C.2) k T3 = T1.T2 avec T3ij = X k C.1.2  v⃗ = v⃗1.T   2 avec   v⃗2 = T.v⃗1 avec v2i = X v1k T2ki = v1k T2ki k v2i = X (C.3) T2ik v1k = T2ik v1k k Produit doublement contracté Le produit doublement contracté de deux tenseurs d’ordres n et m est un tenseur d’ordre n + m − 4. Cela revient à effectuer une sommation sur deux indices. Dans le cas de tenseurs d’ordre deux T1 et T2, le résultat donne donc un scalaire s, comme dans l’équation C.4. s = T1 : T2 = X T T1lk T2kl = tr T1.T2 (C.4) k,l C.1.3 Opérateur gradient Soit un repère 3D de coordonnées cartésienne (x1, x2, x3 ). L’opérateur gradient d’un tenseur d’ordre n est un tenseur d’ordre n+1. Dans le cas d’un scalaire s, le résultat est un vecteur ⃗v. Dans le cas d’un vecteur ⃗v, le résultat est un tenseur d’ordre deux T. Ces résultats sont explicités dans l’équation C.5 et l’équation C.6. C.1.4 −−→ grad (s) = ⃗v avec vi = ∂s ∂xi (C.5) grad (⃗v ) = T avec Tij = ∂vi ∂xj ( C .6) Op érateur div ergence Soit un repère 3D de coordonnées cartésienne (x1, x2, x3 ). L’opérateur divergence d’un tenseur d’ordre n est un tenseur d’ordre n−1. Dans le cas d’un vecteur ⃗v, le résultat est un scalaire s. Dans le cas d’un tenseur d’ordre deux T, le résultat est un vecteur ⃗v. Ces résultats sont explicités dans l’équation C.7 et l’équation C.8. div (⃗v ) = s avec s= X ∂vk k −→ div T = ⃗v avec = X ∂Tik vi = k C.1.5 ∂xk ∂xk ∂vk ∂xk (C.7) ∂Tik ∂xk (C.8) = Théorème de la divergence Soient un domaine volumique matériel Ω de frontière ∂Ω et ⃗n le champ de vecteurs normal en tout point à cette frontière. Pour tout champ vectoriel ⃗n, le théorème de la divergence (ou de flux-divergence ou de Green Ostrogradski) est donné dans l’équation C.9. Z Z div (⃗v ) dV = Ω C.1.6 ⃗v.⃗n dS (C.9) ∂Ω Relations remarquables D’après les définitions précédentes, certaines relations remarquables peuvent être obtenues. En introduisant un vecteur ⃗v et un tenseur d’ordre deux T quelconques, ainsi qu’un tenseur symétrique d’ordre deux Ts, l’équation C.10, l’équation C.10 et l’équation C.10 sont déduites. T −→ div ⃗v. T̄ ̄ = ⃗v.div T̄ ̄ + T̄ ̄ : grad (⃗v ) (C.10) T 1 ̄ ̄ tr Ts.grad (⃗v ) = tr Ts. grad (⃗v ) + grad (⃗v ) 2 (C.11) T T̄ ̄ : T ̄s = tr T̄ ̄.T ̄s = Tlk Tskl = Tlk Tslk = T⃗.T⃗s T avec T⃗ = (T11, T22, T33, 2T12, 2T13, 2T23 ) (C.12) 234 Annexe C. Méthode des éléments finis C.2 Formulation variationnelle de l’équilibre mécanique Soit un domaine matériel Ω. Pour tout point matériel du domaine considéré, en notant σ le tenseur des contraintes de Cauchy (c’est à dire le tenseur dont les contraintes sont rapportées aux sections actuelles déformées), f⃗v le vecteur des efforts volumiques extérieurs appliqués au point, ρ la masse volumique et ⃗γ l’accélération de ce point, l’équation fondamentale locale de l’équilibre mécanique peut être obtenue par l’équation C.13. Cet équilibre est une équation vectorielle locale. −→ ̄ + f⃗v = ρ⃗γ div σ̄ (C.13) ⃗ qui est une fonction test vectorielle quelconque satisfaisant Soit un champ vectoriel virtuel δu, les conditions aux limites du problème considéré, en imposant que des champs virtuels nuls pour éliminer les réactions aux appuis inconnues dans la formulation (champ virtuel qui peut donc être vu comme une vitesse qui vient perturber un « équilibre stable »). En multipliant la relation précédente par cette fonction test, puis en réalisant l’intégrale sur le domaine d’étude considéré, il vient l’équation C.14. Cette expression scalaire est appelée formulation faible ou formulation variationnelle du problème. Z Z Z → ⃗ − ⃗ f⃗v dV = ⃗ γ dV ∀δu ⃗ compatible à zéro ̄ dV + δu. div σ̄ δu. δu.ρ⃗ (C.14) Ω Ω Ω D’après le théorème de la divergence et les relations remarquables précédemment établies, le premier terme de cette expression peut être modifié comme présenté dans l’équation C.15. Le tenseur des déformations ε (dont la notation est abusive et dont les gradients dépendent des coordonnées actuelles) associé au tenseur des contraintes σ, le champ vectoriel des efforts surfaciques f⃗s ainsi que la partie de la surface externe où l’on impose les efforts ∂ΩF sont introduits. Z Ω Z Z ⃗ dV ̄ T : grad δu dV − σ̄ Ω Ω Z Z ⃗ σ̄ ⃗ ̄.⃗n dS − ̄.grad δu = δu. tr σ̄ dV ∂Ω Ω Z Z ̄ dV ∀δu ⃗ f⃗s dS − ⃗ compatible à zéro ̄.δε = δu. tr σ̄ ⃗ div ⃗ σ̄ ̄ dV = δu. ⃗ σ̄ ̄ div δu. ∂ΩF (C.15) Ω Ainsi, la relation équation C.14 devient équation C.16. Cette expression est plus connue sous le nom de Principe des Puissances Virtuelles (PPV). Cette équation décrit l’équilibre des puissances qui doit être vérifié lorsqu’un état d’équilibre est perturbé par un champ vectoriel virtuel de variation de déplacement quelconque admissible. Les différents termes présents dans cette expression peuvent être attribués à différentes puissances, provenant chacune d’une contribution spécifique. La puissance développée par les efforts intérieurs Pint, la puissance développée par les efforts extérieurs Pext et la puissance développée par les effets d’inerties, liés à l’accélération, Pacc sont indiquées dans l’équation C.16. Z Z Z ⃗ f⃗v dV + ⃗ f⃗s dS = ⃗ γ dV ⃗ σ dV + δu. δu. δu.ρ⃗ δε.⃗ Ω ∂ΩF Ω Ω {z } | {z } {z } | Pint Pacc Pext Z − | C.3 ⃗ compatible à zéro ∀δu (C.16) Formulation élément fini de l’équilibre mécanique La MEF consiste à résoudre le PPV scalaire en utilisant les notations matricielles et vectorielles, afin d’obtenir une équation vectorielle discrète. En conservant les notations introduites précédemment, il faut donc vérifier à tout instant t la relation équation C.17. Annexe C. Méthode des éléments finis t Pint +t Pext =t Pacc ∀t (C.17) Or, la contrainte de Cauchy, qui fait référence à la configuration courante, n’est pas additive et la mesure du volume actuel est inconnue. Il est donc impossible de calculer l’intégrale de la puissance des efforts intérieurs. C’est la raison pour laquelle il faut se placer dans le domaine de référence en utilisant le second tenseur des contraintes de Piola Kirchhoff (c’est à dire le tenseur dont les contraintes sont rapportées aux sections initiales et qui sera aussi noté abusivement σ) et le tenseur des déformations de Green Lagrange ε (dont les gradients dépendent des coordonnées initiales). La puissance virtuelle des efforts intérieurs peut donc être réécrite comme dans l’équation C.18. t Z Pint = − ⃗ σ 0 dV δε.⃗ (C.18) 0Ω Afin de formuler le problème éléments finis, les informations relatives au champ de déplacement vectoriel ⃗u continu sont rapportées à la connaissance du déplacement uniquement en certains points, appelé nœuds. Cela permet de découper un domaine matériel continu en un domaine discret composé par un nombre fini de points. Il est alors possible de paver l’espace par des sous-domaines polygonaux (en 2D) ou polyédriques (en 3D), appelés éléments, dont les sommets correspondent à ces nœuds. Toutes les intégrales précédemment établies peuvent donc être divisées sur chacun des différents éléments, comme cela est indiqué dans l’équation C.19, en désignant les domaines et volumes des éléments par un exposant e. Z s dV = Ω X éléments Z s dV e (C.19) Ωe En introduisant le vecteur des déplacements aux nœuds pour un élément donné ⃗qe, et une matrice N appelée matrice de fonction de forme, il est ainsi possible de déterminer le vecteur déplacement en tout point du domaine par la relation donnée par l’équation C.20. Dans le but de formuler le PPV en fonction de ce nouveau vecteur ⃗qe, il faut alors introduire des matrices permettant de décrire les différents termes mis en jeu. La matrice des déformations B est introduite pour exprimer la relation qui lie le vecteur des déplacements ⃗u au vecteur des déformations ⃗ε, comme indiqué dans l’équation C.21. La matrice de loi de comportement L est introduite pour exprimer la relation qui lie le vecteur des déformations ⃗ε au vecteur des contraintes ⃗σ, comme indiqué dans l’équation C.22. De plus, le vecteur accélération ⃗γ peut également être réécrit, comme explicité dans l’équation C.23. ⃗γ = ⃗u = N ⃗qe (C.20) ⃗ε = B⃗qe (C.21) ⃗σ = L⃗ε (C.22) d2 ⃗u d2 N q⃗e d2 q⃗e = = N dt2 dt2 dt2 (C.23) En, injectant ces relations dans les expressions précédemment établies, les nouvelles formulations des puissances mises en jeu peuvent être déterminées, comme indiqué dans équation C.24. Dans ces expressions, le produit scalaire est remplacé par le produit matriciel équivalent, ce qui justifie la présence de vecteurs et matrices transposés. Annexe C. Méthode des éléments finis  X Z  ⃗ e T B T LB q⃗e 0 dV e  Pint = − δq   0 Ωe   éléments    Z Z  X ⃗ e T N T f⃗v dV e + ⃗ e T N T f⃗s dS e Pext = δq δq e e ∂ΩF  éléments Ω     Z  2 ⃗e X    ⃗ e T N T N d q dV e ρ δq  Pacc = dt2 Ωe ⃗ compatible à zéro ∀δu (C.24) éléments Ces équations d’équilibre sont donc en particulier vérifiées sur chacun des éléments composant le domaine. De plus, comme ces expressions sont vraies pour toute distribution ⃗ compatible, l’équilibre mécanique devient donc pour chacun nodale de déplacement virtuel δq des éléments l’expression donnée en équation C.25. Dans ces notations, K e représente la matrice ⃗ e le vecteur des efforts extérieurs de rigidité élémentaire, M e la matrice de masse élémentaire et R élémentaire. Des forces ponctuelles nodales sont également ajoutées. En introduisant de plus le vecteur ⃗q des déplacements de tous les nœuds du domaine, il est possible de réaliser une opération de sommation sur l’ensemble des éléments, appelé assemblage, ce qui permet d’obtenir l’équation mécanique d’équilibre des éléments finis globale présentée dans l’équation C.26.  X Z  ⃗ e T B T LB q⃗e 0 dV e  Pint = − δq   0 e  Ω  éléments    Z Z  X ⃗ e T N T f⃗v dV e + ⃗ e T N T f⃗s dS e Pext = δq δq e ∂ΩeF  éléments Ω     Z  2 ⃗e X    ⃗ e T N T N d q dV e P = ρ δq  acc dt2 Ωe ⃗ compatible à zéro ∀δu (C.25) éléments K⃗q + M C.4 d2 ⃗q ⃗ =R dt2 (C.26) Formulation du problème quasi-statique en résolution implicite Dans le cas d’une résolution quasi-statique, les effets d’inerties sont négligés, ainsi l’équation globale qui régit le problème est de la forme présentée en équation C.27, avec F⃗ le vecteur des ⃗ le vecteur des efforts extérieurs. Par ailleurs, la méthode de résolution efforts intérieurs et R utilisée dans le logiciel ABAQUS® est incrémentale en déplacement, c’est-à-dire que connaissant la solution à l’instant t, il faut déterminer le vecteur incrément de déplacement ∆⃗q qui permet de retrouver l’équilibre à t + dt. Pour ce faire, il est possible de décomposer le vecteur des efforts intérieurs inconnu à t + dt comme indiqué dans l’équation C.28, en introduisant la matrice de rigidité tangente t K à l’instant t. Or, le vecteur des efforts extérieurs étant par hypothèse connu à t + dt, la relation d’équilibre mécanique à t + dt peut être réécrite sous la forme renseignée dans l’équation C.29. Il s’agit ensuite d’inverser la matrice de rigidité tangente, étape caractéristique de la résolution implicite, pour trouver l’incrément de déplacement, et donc le déplacement total à t + dt, qui satisfont l’équilibre. ⃗ F⃗ = K⃗q = R t+dt ⃗ F = t F⃗ + ∆F⃗ = t F⃗ + t K∆⃗q avec t+dt ⃗ R = t+dt F⃗ = t F⃗ + t K∆⃗q (C.27) t K= ∂ F⃗ ∂⃗q t (C.28) (C.29) Annexe C. Méthode des éléments finis Dans le cas d’une réponse mécanique parfaitement linéaire, ces calculs permettent de retrouver directement l’incrément de déplacement inconnu qui permet de vérifier l’équilibre, puisque la matrice de rigidité tangente est constante. Par ailleurs, dans le cas d’une réponse mécanique plus complexe, par exemple avec une loi de comportement non linéaire, il faut mettre en place un processus itératif de résolution par convergence. Pour illustrer le principe de résolution, un état d’équilibre mécanique est considéré connu à l’instant t, tout comme le vecteur des efforts extérieurs à t + dt, les conditions initiales du problème sont donc celles indiquées dans l’équation C.30. Le processus itératif repose ensuite sur la détermination de l’incrément de déplacement ∆⃗q, et donc du déplacement total ⃗q, en utilisant les relations de récurrence fournies dans l’équation C.31. Il ne reste alors plus qu’à itérer jusqu’à ⃗ appelé résidu est donc introduit dans ce but, et permet de un critère de convergence. Un terme ψ trouver la solution recherchée. L’expression du résidu est fournie dans l’équation C.32. Dans ces formulations, il apparaît que la détermination des grandeurs à l’instant actuel repose à la fois sur la connaissance de l’instant précédent et de l’instant courant, c’est une des caractéristiques de la résolution temporelle implicite. t ⃗q = t+dt ⃗q(0) ; t⃗ R = t F⃗ = t+dt F⃗ (0) et t K = t+dt K(0) connus  ⃗ − t+dt F⃗(n) t+dt K(n) ∆⃗q(n+1) = t+dt R t+dt ⃗q(n+1) = t+dt ⃗q(n) + ∆⃗q(n+1) ⃗ = t+dt R ⃗ − t+dt F⃗ (n) ψ C.5 (C.30) (C.31) (C.32) Formulation du problème dynamique en résolution explicite Dans le cas d’une résolution dynamique, les effets d’inertie ne sont plus négligés, ainsi l’expression de l’équilibre mécanique est complète et fait intervenir le terme en accélération. Le schéma d’intégration temporelle utilisé est alors le plus généralement explicite. En effet, dans le cas précédent, le cadre quasi-statique impliquait que l’évolution de la réponse mécanique pouvait être assimilée à une succession d’états d’équilibre. Puisqu’aucun effet transitoire, vibratoire ou dynamique n’était présent, la convergence de l’algorithme pouvait se produire même en considérant de larges incréments de temps. C’est pourquoi l’inversion de la matrice de raideur, bien que coûteuse, est utilisée. Dans le cas actuel par contre, le cadre dynamique, tous les effets d’inertie ont lieu, et cela nécessite des pas de temps bien plus petits. Le coût de l’inversion de la matrice de raideur serait alors trop élevé, ce qui justifie le choix d’une résolution temporelle explicite. Cette résolution nécessite également une formulation incrémentale basée sur une relation de récurrence, mais cette-fois ci sans considération de convergence. Par ailleurs, un terme supplémentaire d’accélération (et de vitesse si des amortissements sont considérés) impose de définir des équations aux différences finies pour expliciter les relations de dérivation. Dans le logiciel ABAQUS®, la méthode de résolution explicite pour les problèmes dynamiques repose sur la représentation de la dérivation par un schéma aux différences finies centré d’ordre 1. De plus, des demi-incréments de temps sont introduits dans le but d’exprimer le déplacement et l’accélération aux incréments entiers et la vitesse aux incréments demi-entiers, ce qui permet avec uniquement deux incréments successifs de réaliser une dérivation double. Ainsi, toute fonction f du temps admet une dérivée définie par la relation équation C.33. Dans ces expressions, il faut pouvoir introduire l’incrément de temps correspondant aux demi-incréments, ainsi que la vitesse aux incréments entiers (pour par exemple écrire cette information dans les sorties). Dans ce cas, les formulations utilisées sont présentées en équation C.34. La vitesse est alors interpolée de manière linéaire en utilisant l’expression de la vitesse moyenne entre t + dt/2 et t + dt. Annexe C. Méthode des éléments finis t+ dt 2 t ̇ f= dt f − t− 2 f soit t+ dt 2 ∆t (t+ dt 2 dt dt f = t− 2 f + t+ 2 ∆tt f ̇ t+dt f = t f + t+dt ∆tt+ 2 f ̇ dt (C.33)  t dt ∆t + t+dt ∆t   t+ 2 ∆t = 2 (C.34) t+dt  dt ∆t t+dt ⃗  t+dt ⃗q̇ = t+ 2 ⃗q̇ + q̈ 2 Pour illustrer le principe de résolution, un état d’équilibre mécanique est considéré connu à l’instant t, tout comme le vecteur des efforts extérieurs à t+dt, les conditions initiales du problème sont donc celles indiquées dans l’équation C.35. Le processus itératif repose ensuite sur le calcul du déplacement t+dt ⃗q en utilisant les relations de récurrence fournies dans l’équation C.36. Il ne reste alors plus qu’à déterminer la matrice de rigidité tangente et le vecteur des efforts intérieurs pour trouver l’expression de l’accélération inconnue, comme indiqué dans l’équation C.37. A première vue, il semble que cette opération nécessite l’inversion de la matrice de masse, mais dans les faits, cette dernière est approximée par une matrice diagonale, ce qui permet un coût numérique très faible pour chaque incrément. Dans ces formulations, il apparaît que la détermination des grandeurs à l’instant actuel repose uniquement sur la connaissance de l’instant précédent, c’est une des caractéristiques de la résolution temporelle explicite. t− dt 2 ⃗ t⃗ C.6 t q̇; q̈; ⃗q; t⃗ R; t⃗ F et t K (t+ dt 2 ⃗q̇ = t− dt2 ⃗q̇ + t+ dt2 ∆tt ⃗q̈ t+dt ⃗q = t ⃗q + t+dt ∆tt+ 2 ⃗q̇ (C.35) connus dt (C.36) ⃗ − t+dt F⃗ M t+dt ⃗q̈ = t+dt R (C.37) Formulation du problème quasi-statique non linéaire Dans le cadre de la non linéarité géométrique, les expressions précédentes sont plus complexes, puisque la matrice de rigidité tangente ainsi que le vecteur des efforts extérieurs dépendant de la déformée courante du domaine matériel étudié, c’est-à-dire de l’incrément de déplacement. De plus, dans le cadre des grandes déformations, les termes du second ordre en déplacement doivent être ajoutés dans la résolution numérique. Le but est alors de formuler les expressions matricielles du problème incrémental de façon à obtenir le problème linéarisé en incrément de déplacement. Pour ce faire, les déplacements, déformation et contraintes sont décomposés comme présenté dans l’équation C.38. D’après l’expression du tenseur de Green Lagrange, les déformations peuvent être exprimées, comme dans l’équation C.39, ce qui permet d’en déduire l’incrément de déplacement associé, présenté en équation C.40.
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De la contrainte à l'institution ré inventive ou comment renforcer les compétences par l'organisation du processus démocratique : analyse des interactions dans trois groupes d'expression en protection de l'enfance. Gestion et management. Université Panthéon-Sorbonne - Paris I, 2021. Français. &#x27E8;NNT : 2021PA01E028&#x27E9;. &#x27E8;tel-03651053&#x27E9;
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Les associations forment la partie principale de la structure de la société civile en facilitant la délibération et la formation d’opinions publiques capables de critiquer les politiques publiques. Notre objet de recherche trouve plus facilement sa place dans une volonté de gouvernance 43 participative inscrite dans les projets des institutions qui le plus souvent se réfèrent à la transmission de valeurs et à l’enseignement de compétences psychosociales (CPS). 1.4.1 Le rôle des associations dans l’apprentissage de la démocratie Toujours selon Fung, l’un des éléments essentiels porte sur la capacité des associations à affecter les attitudes, les compétences et les comportements des individus, d’une manière qui profite à la démocratie. Elles inculquent ainsi des vertus civiques et de réciprocité à leurs membres, telles que l’attention au bien public, la coopération, la tolérance, le respect de la primauté du droit, la volonté de participer à la vie publique, la confiance en soi et l’efficacité (Warren, 2001). Par cet enseignement vertueux de CPS, les associations améliorent la démocratie et renforcent la participation politique. En cela, les projets des associations propices à la démocratie sont vecteurs de principes démocratiques qui forgent leur stratégie. C’est cette stratégie qui irrigue à son tour les projets des IT inscrites dans un processus de réinvention. 1.4.2 La représentation d’intérêts Par la place particulière qu’elles occupent, les associations offrent à la société civile, un pouvoir de représentation autre que le vote. Pour certains auteurs (Warren, 2001) la qualité d’expert qu’elles acquièrent au contact de leurs adhérents ou des usagers qu’elles accompagnent leur offre la possibilité de transmettre aux pouvoirs publics des informations plus riches et plus précises que le vote. Vis-à-vis de notre objet de recherche, cette proximité devrait favoriser une réponse adaptée besoins des usagers, ne serait-ce que par leur retranscription aux autorités de contrôle. Selon Cohen et Rogers, l’augmentation du rôle des associations dans des fonctions étatiques introduirait des informations de meilleures qualités dans la formulation des politiques et renforcerait le niveau de coopération entre représentants associatifs considérés comme acteurs profondément indépendants. La société civile, composée d’associations apparaît plus sensible aux problèmes sociétaux de la sphère privée et amplifie les réactions au cœur de la sphère publique. Skocpol (1999) relève par ailleurs leur capacité à englober à la fois les travailleurs et les élites rendant ainsi la sphère publique plus saine. Elles concourent de fait au fonctionnement démocratique et renforcent l’égalité de représentation. 1.4.3 La délibération publique Au-delà de la représentation des intérêts, Habermas (1994), Cohen et Arato (1994) ont soutenu qu’une contribution démocratique majeure des associations est de faciliter la délibération publique. Dans leur fonctionnement, les associations favorisent la prise de décision publique résultant d’un processus de communication excluant toute force, sauf celle du meilleur argument (Habermas, 1984). Chambers (2002) parle du passage d’une démocratie centrée sur le vote, à une démocratie centrée sur le discours. Les associations favorisent ainsi la confrontation de cadres à la fois participatif et délibératif. C’est en cela que nous appréhendons les assemblées générales comme le lieu d’assimilation d’espaces discursifs multiples qui favorisent la médiatisation du point de vue de chaque individu. La compréhension du fonctionnement de ces espaces discursifs au nombre desquels figurent les groupes d’expression des usagers, constituent un intérêt non négligeable pour le chercheur. 1.4.4 Appréhender la qualité du processus démocratique Si l’intérêt des associations réside dans la participation des usagers au processus démocratique, l’un des buts réside avant tout dans la construction d’un commun en perpétuelle évolution, plutôt que d’un collectif. Le commun est le fruit de l’association des parties prenantes attentives à l’expression de la participation des usagers (Zask, 2011). En cela, chacun est appelé à prendre part en tant qu’individu, sans renoncer à ses convictions et sans accord préalable au sens de Dewey. Prendre part conduit à contribuer, c’est à dire à façonner le commun qui se modifie sur la base d’un fondement démocratique. L’interaction symbolique donne à la vie de groupe le caractère d’un processus en cours (on going process), c’est à dire une question continue d’adaptation mutuelle de lignes de conduite en développement (Blumer – 1966). De l’interaction avec l’autre, naît le public de la participation. Le sentiment d’appartenance et de reconnaissance de l’autre qui constitue le bénéfice restitué à chaque individu répond aux besoins de développement et de réalisation de chacun. Le bénéfice émerge dans la reconnaissance de la part qu’a amenée l’autre. Un tel exercice ne se décrète pas et ses modalités peuvent s’étendre sur une échelle allant de la non-participation, à la coopération et jusqu’au pouvoir citoyen. Pour Arnstein (1969), certaines formes d’organisation sont plus vertueuses que d’autres. Cependant elles n’en demeurent pas moins fragiles et sujettes au détournement. Observer le fonctionnement des processus participatifs permet de mieux en identifier les processus de cadrage pour identifier la qualité de leur organisation et faire émerger les bonnes pratiques. 1.5 Conclusion La littérature renvoie souvent à une opposition entre démocratie directe, participative et démocratie représentative, comme si ces deux systèmes étaient voués à s’affronter plutôt qu’à se compléter. L’évolution des sociétés modernes vers le système représentatif présente des garanties de stabilité et de progrès de la démocratie même si la modernité semble avoir selon Arendt emporté avec elle le « libre arbitre » du citoyen. La recherche de consensus limitant les conflits ne peut cependant se substituer à une démocratie agonistique que Mouffe appelle de ses vœux et qui apparaît indissociable du débat public. En cela, la règle de la discussion et le droit prémunissent de dérives qui délégitiment le politique. Si le pouvoir n’apparaît pas contradictoire quand « il inclut la simple capacité d’agir », il n’en est pas de même pour le pouvoir coercitif défini comme la menace de sanction ou l’usage de la force contre les intérêts particuliers d’autrui (Mansbridge et al., 2011 ; p. 66). La discussion est appréhendée comme un préalable à la démocratie. On peut, pour s’en convaincre, retenir la pensée de Dewey (1927) qui s’exprime ainsi : « Tout obstacle à une communication libre et complète dresse des barrières qui séparent les individus en cercles et en cliques, en sectes et en factions antagonistes, et mine par le fait même le mode de vie démocratique. Les lois garantissant les libertés civiles telles, la liberté de conscience, la liberté d’expression ou la liberté de réunion ne sont guère utiles si, dans la vie courante, la liberté de communiquer, la circulation des idées, des faits, des expériences sont étouffées par le soupçon, l’injure, la peur et la haine. » Le discrédit qui pèse sur les représentants du uple naît du sentiment de déconnexion entre la réalité à laquelle sont confrontés les citoyens et la sphère politique considérée aujourd’hui comme « hors sol ». Le processus discursif du parlement conceptualisé par Habermas s’est estompé au profit d’une forme de démocratie du public donnant naissance à l’instabilité politique. C’est pour prévenir ce risque de perte de légitimité des régimes contemporains que çà et là naissent des initiatives de démocratie directe, non pas en contrepoint, mais en complément de la démocratie représentative. Nous intéressant particulièrement aux associations, nous retenons la pensée de Laville (2001) rappelant que les ambivalences du fait associatif ne peuvent pleinement se mesurer qu’à condition d’envisager ces organisations au sein d’une démocratie plurielle. De par leurs modes de fonctionnement, elles génèrent des espaces publics de délibérations contradictoires pour d’Habermas (1997). Autrement dit, les associations réalisent une articulation qui leur est propre entre démocraties représentatives et participatives. C’est donc peut-être en leur sein qu’il est possible d’imaginer des espaces de démocratie hybride, s’appuyant sur la technique pour favoriser le partage de l’information à l’ensemble des parties prenantes. Une forme de démocratie liquide conceptualisée par Bryan Ford pourrait associer largement les partisans de la participation en leur déléguant un véritable rôle d’influence sur les choix des élus de la démocratie représentative garants du fonctionnement statutaire et stratégique de l’organisation. Revenant à notre sujet de thèse, l’observation des cadrages d’interaction qui donnent corps au processus démocratique des groupes d’expression des usagers devrait nous renseigner sur l’organisation de la participation en milieu contraint, sur les initiatives qui peuvent voir ça et là le jour pour laisser coexister représentation et participation, sur l’influence réelle des groupes d’expression sur la décision. Les compétences acquises dans la mise en pratique de ces lieux de délibération devraient trouver leur traduction opérationnelle au prisme de l’échelle graduée imaginée par Arnstein. 2 La démocratie comme cadre d’actualisation des compétences Historiquement, le mot compétence vient du terme latin competens, participe présent de competer : aller (petere), avec (cum) signifiant, convenir, être adapté à... (Aubret et al., 1993). Il s’agit donc d’une capacité à aller vers ’adaptation, à s’engager dans un processus ou un apprentissage. La notion de compétence est apparue dans la littérature dans les années 60 en se substituant à la qualification. Cependant la notion de compétence semble difficile à appréhender. Elle n’est en effet pas directement observable en tant qu’objet. Comme la compétence n’existe qu’au travers de ses manifestations, il est nécessaire de recourir à l’interprétation pour lui donner une forme intelligible, compréhensible (Merck, Sutter, 2009). Ce concept s’est imposé au cours des dernières décennies comme « central dans un grand nombre de pratiques sociales » (Coulet, 2016 ; p. 8). Il traverse à la fois l’école, la formation pour adultes 47 et/ou professionnelle ou encore les organisations. Le capital de compétence favoriserait une adaptation aux mutations des organisations. Dans le champ de l’éducation et de la formation, la compétence apparaît essentielle à la détermination d’objectifs pédagogiques, à l’élaboration de programmes ou à l’évaluation des élèves (Carette, 2007 ; Crahay, 2006 ; Jonnaert, 2006 ; Perrenoud, 1999). Dans le champ professionnel, l’employabilité des salariés placés en situation de responsabilité est aujourd’hui définie sur la base des compétences à acquérir, à perfectionner ou à multiplier (Tallard, 2001). 2.1 Définir la compétence, notion et concept 2.1.1 Les différents niveaux de compétence Plusieurs auteurs s’accordent sur la définition de trois niveaux distincts de compétence (Nordhaug, 1994 ; Dejoux, 2000 ; Sanchez, 2001) : le niveau individuel, composé de la « compétence individuelle » d’une personne quel que soit l’endroit où elle est mise en action (interactions dans différents cadres de la vie courante professionnelle ou non) et de la « compétence professionnelle » exercée dans une situation de travail par exemple (savoir-faire) ; le niveau collectif, en référence à la notion de « compétence collective ». Ce sont les compétences attribuées à un collectif de travail, à une équipe. Dès lors, elles apparaissent très souvent dans le cadre de la gestion de projet, des équipes autonomes ou semiautonomes, des cercles qualité ou de façon informelle lorsque des groupes émergent autour d’un objectif professionnel ; le niveau organisationnel, faisant référence aux « compétences organisationnelles », nommées également « compétences d’entreprise ». Ce sont les compétences appréhendées au niveau de l’entreprise dans sa globalité. De manière simplifiée, elles correspondent à ce que l’entreprise sait faire (Loufrani Fedida, 2012). 2.1.2 Des domaines et des définitions multiples de la compétence La revue de littérature permet de mettre en évidence les domaines multiples qui se sont emparés de la compétence. On retrouve ainsi la notion de compétences dans des champs aussi divers que la linguistique, l’ergonomie, les sciences de l’éducation et de la formation, la sociologie au travail et bien entendu la gestion des ressources humaines. Cette multiplicité des champs d’interprétation rend périlleuse la tentative d’une définition de la notion de compétence. Pour Aubret & al. (1993 ; p. 222, 2002), la diversité des approches scientifiques de la notion de compétence laisse peu d’espoir à ceux qui souhaiteraient disposer d’une définition simple, immédiatement intelligible, permettant de concilier le caractère social de la compétence, ses fondements, et son aspect cognitif. Defélix & al., (2001) précisent qu’il n’existe pas, à l’heure actuelle, de définition unique de la compétence individuelle. Dans le traité des sciences et des techniques de la formation, on définit la compétence comme permettant d’agir, de résoudre des problèmes professionnels dans un contexte singulier grâce à la mobilisation de capacités spécifiques (Carre, Capsar, 1999). La compétence peut s’aborder au travers d’une approche par les savoirs, par les savoir-faire, par le comportement et les savoir-être, par les compétences cognitives. Une autre définition de Guy Le Boterf (1995, 1997) postule que la compétence est la mobilisation ou l’activation de plusieurs savoirs, dans une situation ou un contexte donné. Les savoirs peuvent être théoriques (comprendre, interpréter), procéduraux (procéder et savoir opérer), expérientiels (savoir y faire et savoir se conduire), sociaux, cognitifs (traiter l’information raisonner, nommer ce que l’on fait, apprendre). Pour Montmollin (1984), la compétence est un ensemble stabilisé de savoirs et de savoir-faire, de conduites types, de procédures standard, de types de raisonnements que l’on peut mettre en œuvre sans apprentissage nouveau et qui structurent les acquis de l’histoire professionnelle. Elles facilitent l’anticipation de phénomènes, la variabilité dans la tâche. Pour Samurcay et al. (1995), la compétence est le lien qui unit performance et organisation de connaissances construites dans et pour le travail. Les compétences sont classées de la manière suivante : finalisées : on est compétent pour une classe de tâches déterminées, opérationnelles : il s'agit de connaissances mobilisables et mobilisées dans l'action et efficaces pour cette action, apprises, soit à travers des formations explicites, soit par l'exercice d'une activité. 49 elles peuvent être aussi bien explicites que tacites : le sujet n'est pas toujours en mesure d'expliciter les connaissances opérationnelles qu'il met en œuvre dans l'action. Parmi toutes ces définitions on peut encore en retenir deux opposées émises par De Romainville (1995) : celle behavioriste, synonyme de conduites, de comportements structurés en fonction d'un but, d’une action, d’une tâche spécifique, observable qui repose plus sur des savoirs et contenus de programme, celle qui est synonyme d’une potentialité intérieure, invisible, une capacité générative susceptible d'engendrer une infinité de conduites adéquates à une infinité de situations nouvelles. Cette notion de compétence traduit dans les politiques éducatives le choix de mettre l'accent sur les actions du sujet, voire sur son fonctionnement cognitif interne plus que sur les savoirs et les contenus de programme. La compétence est avant tout synonyme d’une capacité à s’engager dans un processus d’apprentissage qui par la mobilisation de savoirs et de savoir-faire dans un cadre donné, s’organise le plus souvent dans un but de performance. Cependant cette performance apparaît difficilement atteignable par un « individu » au sens strict et la compétence présente le plus souvent un caractère éminemment collectif. Plus précisément, plutôt que collective, la compétence est organisationnelle : elle met en jeu un collectif d’acteurs situé dans un cadre organisationnel. Par organisation, on entendra ici non une entité juridique ou institutionnelle, mais une structure sociale qui agence une activité collective définie par le projet de l’IT, en distribuant des rôles (division horizontale et verticale) et en coordonnant et contrôlant les opérations. « Même des activités qui paraissent essentiellement individuelles relèvent peu ou prou de normes d’organisation » (Lorino, 2014 ; p. 209). Le projet de l’IT distribue les rôles qui s’organisent au travers du cadre organisationnel. Il est fréquent de mettre en avant comme données de l’expérience les compétences d’individus, puis de tenter d’en déduire – en intégrant l’environnement organisationnel comme facteur conditionnant – des compétences organisationnelles, construites comme des assemblages... La capacité de faire en produisant un résultat est contingente à des caractéristiques organisationnelles – division fonctionnelle et hiérarchique du travail, utilisation d’outils, respect de règles. Ce qu’un collectif donné est capable de faire dans une situation organisationnelle A, il ne sera peut-être pas capable de le faire dans la situation organisationnelle B. Si la compétence se situe dans l’organisation, réciproquement « l’organisation est présente au cœur de la 50 compétence » (Lorino, 2014 ; p. 210). Dans les différents groupes d’expression que nous proposons d’observer dans cette recherche, il nous faut garder à l’esprit que les compétences, celles des professionnels ou celles des usagers, sont d’abord individuelles, liées au contexte de leur propre histoire. Ce n’est qu’une fois réunis dans le contexte du placement et celui du projet de l’IT que le collectif placé en situation d’expression, devrait pouvoir par cette alchimie unique développer une compétence organisationnelle repérable. Pour Rouby et al. (2004 ; p. 54), la compétence organisationnelle présente les caractéristiques suivantes : Elle est le résultat d’une mise en action combinée de ressources portée par des individus et des processus organisationnels (principe d’action) ; Elle est un facteur stratégique de l’entreprise, le résultat d’une intention stratégique (principe de finalité) ; Elle est une combinaison de ressources, de compétences individuelles et collectives, et de capacités (principe systémique) ; Elle est la réponse à un besoin de marché (principe de lisibilité et de reconnaissance) et est donc évaluée en termes de performance sur le marché ; L’exploitation, le développement et le renouvellement de la compétence supposent une accumulation de savoirs et un apprentissage collectif qui doivent garantir leur déploiement et leur renouvellement dans le temps et dans l’espace (principe dynamique et cumulatif). 2.2 Le groupe d’expression des usagers comme vecteur du processus démocratique Les animateurs des groupes d’expression, en mettant en scène leurs savoir-être et savoir-faire, utilisent consciemment ou non, l’interaction spécifique avec les usagers, comme un espace de gestion collective propre au processus démocratique. L’expression des usagers, par la mobilisation ou l’acquisition de compétences individuelles et collectives, permet d’évaluer l’impact de la mission éducative en référence au projet de l’institution. La mise en scène du groupe d’expression donne à voir le processus cognitif par lequel l’animateur va s’adapter aux situations en transformant ses perspectives au moyen de la pensée critique. 2.2.1 Le groupe d’expression comme un espace de gestion Le groupe d’expression représente avant tout un espace de gestion dans lequel une animation ou une coordination peut se jouer. Pour réaliser cette gestion, les acteurs ont recours à des outils différents selon le contexte de l’échange. Le premier de ces outils est bien sûr l’interaction que 51 chaque acteur fait évoluer en fonction de la reconnaissance qu’il obtient ou non de l’autre ou d’une ratification mutuelle de la face. « En décevant les attentes de l’autre, je n’honore pas sa face, et par là même, je fais vaciller la mienne. Le contrôle social s’exerce par cette menace qui pèse sur ma dignité, je suis soucieux de rétablir une bonne image de moi et pour cela, je dois rassurer les attentes de l’autre en montrant que mon manquement n’est que ponctuel » (Bonicco, 2007 ; p. 41). En cela, les interactions diffèrent et les cadrages qui s’observent dans une même scène qui se joue sont différents entre jeunes et professionnels, entre jeunes entre eux ou entre professionnels entre eux. Au-delà de l’interaction, toutes les techniques ou modes opératoires mobilisés dans le contexte du groupe d’expression pour parvenir à ses fins (ex : intervention du directeur pour renforcer la crédibilité du discours, prise de notes et cahier répertoriant les points importants à aborder,...) peuvent être appréhendées comme des instruments de gestion. Pour Patrick Gilbert, les moyens matériels ou conceptuels, par lesquels le gestionnaire (ou le dirigeant associatif) met en œuvre une technique de gestion relève de l’instrumentation en gestion. « Un instrument de gestion n’existe pas en soi ; il s’insère toujours dans un environnement organisationnel, donc social, qui le valide en amont et en aval. Ce choix n’est jamais totalement neutre, en amont, du fait de la décision des gestionnaires de le créer ou de le déployer dans telle organisation, tel contexte et tel corps social et, en aval, du fait de l’interaction entre les acteurs qui s’en trouve affectée » (Merck, Sutter, 2009 ; p. 52). « L’instrument de gestion est un moyen, conceptuel ou matériel, doté de propriétés structurantes, par lequel une personne, engagée dans un processus de gestion, à la fois acteur social et sujet psychologique, poursuivant certains buts organisationnels, dans un contexte donné, met en œuvre une technique de gestion. « Par lequel une personne engagée dans un processus de gestion, à la fois acteur social et sujet psychologique. L’utilisateur n’est pas un agent passif, un simple actionneur de l’instrument, mais un acteur social porteur d’enjeux. De plus, il est aussi un sujet psychologique, doté d’émotions, de motivations, d’attitudes qui orientent l’usage de l’instrument pour l’individu dans sa propre activité ainsi que dans ses rapports à autrui. » Pris pour un espace de gestion mobilisant une variété complexe de techniques et d’instruments, le groupe d’expression devrait pouvoir être observé comme directement influant sur le processus interactionnel qui retient particulièrement notre attention dans le décryptage des scènes de vie quotidienne qui fondent notre terrain de recherche. « Poursuivant certains buts organisationnels. (Assumant un rôle professionnel, l’utilisateur mobilise l’instrument afin d’atteindre les objectifs que lui a assigné l’organisation et qui peuvent représenter pour lui tantôt des enjeux positifs, tantôt des contraintes). » Dans cette acceptation, le groupe d’expression s’appréhende comme une contrainte légale et associative qui s’impose au projet des l’IT qui composent notre terrain de recherche. Cependant, nous devrons rester attentif à la façon qu’ont les acteurs de s’en saisir, pour atteindre des objectifs précis qui peuvent influencer les dynamiques de groupe. « Dans un contexte donné. (Il faut tenir compte des éléments contextuels tels que le type de structure de l’organisation, le degré de formalisation de ses fonctionnements, son environnement externe,...). » C’est l’approche contextuelle et processuelle des cadres d’interaction que nous développerons dans la partie méthodologique qui pourrait nous donner un faisceau de preuves complémentaires sur la réalité des instruments de gestion matérialisés dans le groupe d’expression. « Met en œuvre une technique de gestion. (Derrière tout instrument de gestion, il y a un ensemble de modes opératoires conçu en vue d’atteindre un certain résultat, une performance. Ce « faire », inscrit dans la technique, véhicule un « savoir », mais aussi des croyances, des valeurs, des normes, des représentations sociales, qui méritent d’être questionnées). » Enfin, la réalité du groupe d’expression comme espace de gestion devrait nous permettre de mettre en lien les scènes du quotidien des IT avec les valeurs du projet associatif lui-même. Peut-être que se situe ici le lien entre le projet associatif et les projets des IT. Le premier rédigé par les administrateurs dirigeants véhicule les valeurs, tandis que le second, rédigé par le directeur de l’établissement, décline l’opérationnalisation des accompagnements. 53 Le groupe d’expression des usagers est un exercice imposé par la loi de 2002-2 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Ainsi, pour l’Agence Nationale de l’Évaluation des Établissements Sociaux et Médico -Sociaux, le droit à la participation et à l’expression ne se traduit pas par une « bonne pratique exigible » de l’usager. Il relève plutôt de « bonnes pratiques professionnelles » facilitant les conditions d’émergence de la parole de l’usager (ANESM, 2008)11. L’organisation de cette instance nécessite donc son inscription dans le projet de l’institution et sa conceptualisation en amont. Ce groupe d’expression devient le lieu d’interactions où les adultes vont donner du sens à leur action, renforcer leur jeu, puis promouvoir les compétences nécessaires au processus démocratique. Le cadre du groupe d’expression est fait d’artéfacts, de procédures, d’outils, de comportements pensés et organisés qui sont autant de représentations sociales. Morrione (1998) appréhende « l’acteur et l’environnement socio-physique comme co-déterminants, chacun influençant et formant l’autre, les deux étant inextricablement liés l’un à l’autre dans l’action. À ce niveau, on saisit l’aspect dialectique du processus quand la réalité ou les situations influencent les acteurs ou les artéfacts qui sont en retour influencés par elles ». Ces situations sont socialement élaborées et partagées, car elles se forment à partir des expériences, mais aussi en fonction des informations, des savoirs et des modèles de pensée reçus et transmis par la tradition ; elles ont une visée pratique d’organisation, de maîtrise de l’environnement (matériel, social, idéal) et d’orientation des conduites de communication sociale ; elles concourent à l’établissement d’une vision de la réalité commune à un ensemble social (groupe, classe,...) ou culturel (Jodelet, 1989). « Un cadre de référence fiable est celui qui est plus inclusif, différenciant, perméable (ouvert à d'autres points de vue), reflétant de manière critique les hypothèses, émotionnellement capable de changer et intégrant l'expérience. Dans la mesure où l'expérience et les circonstances le permettent, nous nous dirigeons vers des cadres de référence plus fiables pour mieux comprendre notre expérience. » (Mezirow, 2000 ; p. 18). « Les cadres de référence changent et se modifient au fil de l’apprentissage de nouvelles compétences par l’ajout constant d’informations aux perspectives déjà existantes. » (Duschene, 2010 ; p. 46). 11 ANESM (2008), Recommandation de bonnes pratiques professionnelles, Expression et participation des usagers dans les établissements relevant du secteur de l’inclusion sociale, ANESM. 2.2.2 L’apprentissage par transformation (transformative learning) dans le cadre du groupe d’expression Pour Mezirow (2001), la capacité à participer à l'activité communicationnelle exige un constant d'attitudes fondamentales, une acceptation tacite des normes, valeurs et règles fondamentales c'est-à-dire sur les perspectives des sens qu'il est nécessaire de maîtriser pour comprendre et parler un langage. La maîtrise de ces prérequis, conduit l’auteur à diriger sa théorie vers le seul public adulte. Nous pensons cependant que notre terrain de recherche pourrait mettre en évidence des capacités partagées suffisantes entre les usagers et les professionnels, pour que nous regardions les exercices de participation sous l’angle du transformative learning. La diversité de représentations et de croyances des professionnels comme des usagers, est source de divergences dans les moyens mis en œuvre pour la formalisation du groupe d’expression, même si l’objectif à atteindre de gestion collective reste le même. Pour Cranton (1990 12 ), l'apprentissage transformationnel se définit comme le processus par lequel nous remettons en question nos cadres de références (perspectives de sens de l’interaction et du processus discursif) jusque là considérés comme allant de soi (habitudes de pensée, mentalités) pour les rendre plus larges (inclusifs), plus différenciés, ouverts et réflexifs, de façon à ce qu'ils puissent produire des convictions et des points de vue qui s'avèreront plus vrais ou justifiés pour guider notre action. Pour Mezirow, la théorie de la transformation est une description d'un processus d'apprentissage par lequel le sujet passe d'une manière de penser non examinée à une manière plus réfléchie et plus critique et tend vers une manière plus fiable d'interpréter le sens. Sur un plan pédagogique, c’est à dire du point de vue de l’enseignant, la théorie de transformation traite de la façon dont les individus peuvent être autorisés à apprendre, à se libérer de modes de pensée non examinés qui entravent un jugement et une action efficaces. Nous complétons cette définition de processus en reprenant les dix étapes identifiées par le même auteur et nous les mettons en lien avec notre sujet de recherche : 1. une situation insatisfaisante, un dilemme perturbateur, correspondant par exemple à une désorientation face à des informations contradictoires, des injonctions paradoxales (ex : nécessité d’appliquer le projet de l’IT et de se plier à la loi garantissant l’expression des usagers), 12 Actes du 8ème colloque international du Transformative learning, New-York, Columbia University. 2. des sentiments négatifs : culpabilité, honte de ne pas arriver à en sortir ou même à comprendre (ex : doutes des professionnels sur la capacité des usagers à prendre part au processus démocratique), 3. évaluation critique (réflexive) de ses croyances, de ce qu'on admettait comme acquis (d'ordre épistémique, socio-culturel), de certaines attitudes (recherche action permettant de recenser les pratiques de l’organisation et de les évaluer), 4. reconnaissance que l'insatisfaction et les changements entamés sont partagés par d'autres (récriminations des familles, des usagers ou de professionnels qui s’opposent au projet initial de l’IT), 5. exploration des possibilités de nouvelles postures, de nouvelles relations et manières d'agir (boucles itératives et essais – erreurs dans les groupes d’expression mis en œuvre par l’IT qui devient peu à peu IR), 6. élaboration d'une ligne de conduite : projets, décision d'agir (modalisation de nouveaux cadres conceptuels de l’expression), 7. acquisition de savoirs et savoir-faire nécessaires pour mettre en œuvre les projets décidés (le groupe d’expression est un lieu apprenant où les compétences sociales s’enrichissent), 8. essai de nouveaux rôles, nouvelles attitudes ou postures (l’organisation se transforme par la somme des compétences individuelles qui deviennent collectives), 9. élaboration de la compétence, de la confiance en soi nécessaires pour les nouveaux rôles, attitudes, etc. (montée en compétences des acteurs de l’institution et réassurance. En cela l’institution répond à la mission de réhabilitation qui lui est confiée par la société), 10. réappropriation de sa propre vie sur la base des nouvelles perspectives (empowerment, pouvoir d'agir lié à la transformation de perspectives le projet de l’institution lui-même ou dans le cadre de sa vie personnelle future). 2.2.3 Mise en œuvre du groupe d’expression Comme nous venons de le souligner, les difficultés rencontrées parfois dans la mise en œuvre d’un véritable processus de participation (Jeager, 2017) peuvent trouver leur origine dans le décalage entre deux visions de l’expression. L’une promue par un cadre légal et l’autre opérationnalisée par les professionnels. Ces derniers peuvent éprouver le « sentiment de subir un 56 rapport de domination de la part des promoteurs (les dirigeants associatifs, les financeurs des politiques publiques,...) ce qui n’est pas neutre dans l’acceptation et l’utilisation optimale d’un instrument de gestion » (Merck, Sutter, 2009 ; p. 54). Pris comme des espaces de gestion où s’éprouvent des techniques et instruments, les groupes d’expression pourraient s’appréhender comme une des clés d’une gestion collective inscrite dans un processus démocratique. Cependant, pour Gilbert, l’absence d’une vision claire sur l’outil de gestion et des applications qui en découlent, conduisent à adopter les positions de celui qui interagit. Le détail que propose cette recherche, des effets induits par l’implication de chacun, professionnels comme usagers devrait pouvoir bénéficier au collectif. Le groupe d’expression est un espace de médiation par lequel transite des informations sur le monde et sur la manière de penser ce monde dans un processus cognitif favorable à l’émergence de compétences, ce qui contribue à construire « les représentations sociales, et plus particulièrement celle sur la compétence » (Merck, Sutter, 2009 ; p. 131). Le concept de compétence et la représentation méritent d’être distingués. On ne se préoccupe pas de ce qui est ontologiquement vrai, mais de ce qui est perçu comme « vérité » par les personnes qui partagent la même expérience de vécu dans des cadres de compétences issus de leurs expériences passées et actuelles. On considère la compétence comme une manifestation de l’esprit via son véhicule oral, qui est sa mise en représentation par les mots. Nous voulons montrer dans notre travail de recherche que cela s’incarne également dans une forme de « cognition incarnée, c’est-à-dire lorsque l’esprit est compris dans le contexte de son corps (le « contexte sensorimoteur »), et de l’interaction de ce dernier avec l’environnement. » (Dutriaux et al., 2016 ; p. 420). La compétence s’acquiert dans un cadre d’interactions qui prend la forme du groupe d’expression des usagers et qui s’inscrit dans un processus démocratique intrinsèque aux valeurs associatives. Mises en œuvre et renforcées par le groupe d’expression, les compétences favorisent l’émergence d’un cadre d’apprentissage formateur pour l’exercice démocratique. Ce cadre représente la liaison entre le projet associatif et celui de chaque institution. Son opérationnalisation favorise l’exercice de gestion collective. La constitution de groupes d’expression conduit à l’émergence de compétences mobilisables au cœur de l’institution qui se réinvente. Le groupe d’expression des usagers comme lieu de mobilisation des compétences psychosociales (CPS) Le groupe d’expression des usagers, nous apparaît comme une combinaison de techniques professionnelles mise en œuvre par les animateurs en réponse aux objectifs de développement des compétences, qui caractérise leur mission éducative et leur apprentissage continu des gestes professionnels. En retour, il est le lieu où les usagers font l’expérience du processus démocratique. De cette expérience, naissent des savoir-faire et savoir-être qui génèrent de la compétence en une situation donnée. 2.3.1 Les compétences psychosociales Au début des années 90, l’Organisation Mondiale de Santé (OMS) introduit le concept de compétence psychosociale (CPS) globale. Les CPS sont des compétences individuelles de nature psychologiques qui sont indispensables à toute vie sociale (Lamboy et al., 2014). Les CPS sont « la capacité d’une personne à répondre avec efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne. C’est la capacité d’une personne à maintenir un état de bien-être subjectif qui lui permet d’adopter un comportement approprié et positif à l’occasion d’interactions avec les autres, sa culture et environnement. La compétence psychosociale joue un rôle important dans la promotion de la santé dans son acception large renvoyant au bien-être physique, psychique et social » 13. Les CPS se composent de 3 types de compétences : 1. Les compétences sociales (ou inter- personnelles ou de communication) les capacités de résistance et de négociation : gestion des conflits, capacité́ d’affirmation, résistance à la pression d’autrui. L’empathie, c’est-à-dire la capacité́ à écouter et comprendre les besoins et le point de vue d’autrui et à exprimer cette compréhension ; les compétences de communication verbale et non verbale : écoute active, expression des émotions, capacité à donner et recevoir des feedbacks ; les compétences de coopération et de collaboration en groupe ; les compétences de plaidoyer (advocacy), qui s’appuient sur les compétences de persuasion et d’influence. 48. 58 2. Les compétences cognitives les compétences de prise de décision et de résolution de problème ; la pensée critique et l’auto-évaluation, qui impliquent de pouvoir analyser l’influence des médias et des pairs, d’avoir conscience des valeurs, attitudes, normes, croyances et facteurs qui nous affectent, de pouvoir identifier les (sources d’) informations pertinentes. 3. Les compétences émotionnelles (ou d’autorégulation) les compétences de régulation émotionnelle : gestion de la colère et de l’anxiété, capacité à faire face à la perte, à l’abus et aux traumatismes ; les compétences de gestion du stress, qui impliquent la gestion du temps, la pensée positive et la maîtrise des techniques de relaxation ; les compétences favorisant la confiance et l’estime de soi, l’auto-évaluation et l’autorégulation. 2.3.2 Processus d’apprentissages des compétences psychosociales Le développement des CPS se fait principalement par la mise en place d’ateliers expérientiels. Il s agit d’interventions inscrites dans une démarche de psychoéducation, qui sont réalisées en groupe et qui permettent aux participants d’explorer et d’accroître leurs propres compétences. Ainsi, les groupes d’expression constituent par eux-mêmes des ateliers expérientiels pour les participants. Pour les animateurs des groupes d’expression, Lamboy et Guillermont listent certains grands principes à respecter. Il convient en premier lieu d’entrer en résonance avec les besoins des participants au travers de l’interaction et de l’expérience vécue. Une approche humaniste, participative et non descendante est recommandée. La capacité même de cette technique semble être une compétence requise pour la conduite de la participation. Les ateliers de développement des compétences psychosociales nécessitent tant des animateurs que des usagers, diverses compétences personnelles et professionnelles (Mangrulkar et al., 2001) constituées de savoir-être et de savoir-faire complexes. Dans le cadre d’interventions expérientielles, les acteurs du groupe d’expression, dans leurs façons d’être et de faire, représentent la première source d’apprentissage pour tous les participants prenant part à l’interaction. C’est en enseignant « comment » penser plutôt que « quoi » penser, en fournissant les outils pour résoudre les problèmes, prendre des décisions et réguler ses émotions, et en permettant l’engagement d’une démarche participative, que le développement des CPS peut 59 devenir un moyen d’empowerment » (Mangrulkar et al., 2001 ; p. 61) dont bénéficient l’ensemble parties prenantes. L’empowerment articule deux dimensions, celle du pouvoir, qui constitue la racine du mot et celle du processus d’apprentissage pour y accéder. Il peut désigner autant un état qu’un processus. Cet état et ce processus peuvent être à la fois individuels, collectifs et sociaux ou politiques (Bacqué, et al., 2013). C ompétences sociales cognitives, émotionnelles : De quoi parle-t on? Tableau 1 : Les CPS : définition et état des connaissances - Lamboy & Luis - 2015 Compétences sociales (ou interpersonnelles ou de communication Compétences de communication verbale et non verbale : écoute active, expression des émotions, capacité à donner et recevoir des feedbacks. Compétences cognitives Compétences émotionnelles Compétences de prise de décision et de résolution de problème. L’empathie, c’est-à-dire la capacité à écouter et comprendre les besoins et le point de vue d’autrui et exprimer cette compréhension. Pensée critique et auto-évaluation qui impliquent de pouvoir analyser l’influence des médias et des pairs, d’avoir conscience des facteurs qui nous affectent, de pouvoir identifier les (sources d’) informations pertinentes. Compétences de régulation émotionnelle : gestion de la colère et de l’anxiété, capacité à faire face à la perte, à l’abus et aux traumatismes. Compétences de gestion du stress qui impliquent la gestion du temps, la pensée positive et la maîtrise des techniques de relaxation. Compétences d’auto-évaluation et d’autorégulation qui favorisent la confiance et l’image de soi. Capacités de résistance et de négociation : gestion des conflits, capacité d’affirmation, résistance à la pression d’autrui. Compétences de coopération et de collaboration en groupe. Compétences de plaidoyer qui s’appuient sur des compétences de persuasion et d’influence Les CPS regroupent les capacités de négociation, la communication, la collaboration et le plaidoyer. Les compétences cognitives quant à elles, sont celles qui favorisent la prise de décision et la pensée critique. Elles se complètent de compétences émotionnelles permettant de gérer l’impulsivité, le stress et la confiance en soi dans une situation donnée. L’apprentissage des CPS relève principalement de l’expérience acquise au travers de l’exercice. Dans les groupes d’expression que nous observerons, nous serons attentifs à une forme de coproduction de la compétence entre jeunes et professionnels au travers d’interactions dans les discours éducatifs (Davidson, 2008) et à de la dynamique sociale de l’apprentissage (Fa 2.4 Compétences sociales et cognitives 2.4.1 L’importance des compétences sociales dans l’apprentissage du processus démocratique La « compétence sociale renvoie à un certain savoir-faire social. Il s’agit de la capacité dans un contexte social donné, à interagir avec autrui de manière socialement acceptable, à adopter des comportements socialement adaptés et entretenir des relations sociales satisfaisantes » (Dépret et al., 2001 ; p. 11). Pour Weinstein (1969), la compétence sociale est définie comme la capacité à accomplir des tâches interpersonnelles qui visent à accomplir des objectifs sociaux dans un contexte social spécifique, à décoder correctement l'information sociale afin d'adapter son comportement en conséquence (Walker et al., 1973), à se comporter de manière adaptée, efficace, socialement acceptable c’est à dire perçue comme telle, dans une situation donnée (Combs et al., 1977), à adopter des comportements sociaux qui soient positivement renforcés par l'entourage social, en ne collaborant pas avec ceux qui sont mis au ban (Libet et al., 1973). On comprend donc aisément que chaque participant au groupe (usager comme adulte) d’expression devra posséder une capacité sociale, voire émotionnelle et qu’à défaut ces compétences devront être renforcées. Trois facteurs sous-tendent le savoir-faire social que doit posséder le participant aux groupes d’expression : Le degré de compréhension de l’autre, du sens de l’interaction et de l’événement social, qui implique le décodage et l’analyse de l’information sociale (empathie, sensibilité, écoute,...). On parle alors de conscience sociale, Le degré d’adhésion ou de respect des règles, normes et rôles sociaux au sein d’un groupe social. On parle cette fois de responsabilité sociale (Wentzel, 1991), Le degré de retenue et de contrôle de soi. La compétence sociale s’évalue à l’aune du jugement de l’entourage social constitué au cœur de l’espace discursif. De la capacité de chacun à engendrer les jugements favorables de ses interactants dépend le niveau de compétence sociale. Savoir interagir avec l’autre, être apprécié pour son interaction sociale et sa participation induit un confort émotionnel qui favorise à son tour l’adaptation et l’expression. On considère la compétence sociale au sens général comme savoir-faire social et capacité relationnelle ou au sens plus spécifique comme « capacité à faire bonne impression, à susciter approbation sociale et affection, la compétence sociale de la cible 61 dans sa relation à la source du jugement est un facteur déterminant du jugement social » (Dépret, et al., 2001 ; p. 12). 2.4.2 La notion de compétence politique au cœur des compétences cognitives La compétence politique que nous définissons comme les actions et réflexions ayant pour objet l’organisation et la participation du gouvernement d’une société requiert des compétences cognitives qui rappelons le, sont nécessaires à la prise de décision et de résolution de problème, à la pensée critique, aux capacités d’analyse de l’influence des médias et des pairs, à l’identification de sources d’informations pertinentes, nécessitent un apprentissage. Pour Blondiaux (2007 ; p. 761), la compétence politique repose sur trois niveaux : « Le niveau de connaissance de l’univers politique par les citoyens ordinaires, Le niveau de cohérence de leurs attitudes, Le niveau de stabilité de leurs opinions dans le temps. » Qui reposent eux-mêmes sur quatre postulats : « La compétence politique est pensée comme un attribut individuel performatif dont on peut mesurer la stabilité dans le temps. La somme des compétences individuelles détermine le niveau de performance collective, La compétence politique est une donnée mesurable, évaluable, qui peut être classifiée, La compétence politique est une propriété individuelle qui varie peu selon les contextes. L’activité de l’individu compte peu, au regard de ce qu’il sait. L’individu peut se révéler compétent mais totalement passif politiquement, La connaissance savante (informations factuelles, concepts idéologiques) de l’univers politique joue un rôle central. » En France comme dans les pays anglo-saxons, le fonctionnement de la démocratie apparaît directement lié à celui de la compétence politique des citoyens. Ricci (1987) y voit le fondement de ce qu’il désigne comme la tragédie de la science politique américaine, tant les recherches menées en ce domaine, soulignent les écarts entre les compétences du citoyen idéal et celles véritablement détenues dans la réalité. Berelson (1952) parle de théorie classique de la démocratie comme un projet utopique qui impose aux citoyens d’être pleinement informés des affaires publiques. « Du niveau de compétence politique d’une société, dépend son système démocratique et conduit à s’interroger sur la légitimité d’un peuple non sachant, à se gouverner 62 lui-même. « Que vaut politiquement une opinion publique qui ne serait fondée sur aucun savoir digne de ce nom? Nul hasard si, avant Bourdieu (1989), Converse (1970), à travers la notion de pseudo-opinion et de non-attitudes, fait le lien entre le débat sur la compétence et celui sur les sondages » (Blondiaux, 2007 ; p. 763). Pour aborder les notions contemporaines de compétence politique, nous reprenons ici une typologie établie par le même auteur. Dans leur grande majorité, les citoyens ordinaires ne possèdent qu’une connaissance faible et fragmentaire de l’univers politique, Il faut se résoudre à cet état de fait. Toutes les études conduites sur le sujet ont confirmé le faible niveau de compétence politique et d’information de la population. Une attention renouvelée au contexte dans lequel s’observe et s’étudie la compétence politique, Dès les années 1960, Converse met en évidence l’instabilité des opinions politiques dans un espace-temps. Les travaux de Zaller (1992) qui portent davantage sur la formation des opinions que sur les compétences politiques vont mettre en évidence le rôle du contexte dans l’attitude qu’un sujet va observer alors même qu’il est évalué sur ses compétences politiques. Les émotions, le nombre d’informations reçues (médias, réseaux sociaux,...), la posture de l’interviewer sont autant d’éléments susceptibles d’induire une opinion changeante chez la plupart des citoyens. On saisit alors l’importance du rôle de l’animateur du groupe d’expression. Le rôle de la connaissance factuelle dans la production des opinions politiques. Considérant la théorie du choix rationnel ou la psychologie politique, un individu faiblement informé peut être amené à se servir de son expérience personnelle, de raccourcis (shortcuts), de schémas ou de signaux transmis par les élites pour produire des opinions à moindre frais. L’individu ne ressent pas le besoin de stocker de multiples informations pour produire des jugements. L’individu garde en mémoire des représentations pour produire ses jugements. Ces raccourcis d’interprétation expliquent ainsi le faible niveau de connaissance politique des citoyens ordinaires. James Kuklinski (2002 ; p. 2) résume : Les gens font du mieux qu’ils peuvent avec les ressources et les connaissances qu’ils possèdent. Cette affirmation revient à dire que peu importe le niveau de ressources, si le peu que possède les individus leur suffit à défendre leurs intérêts. Se pose alors la question d’une véritable nécessité d’accès à la connaissance pour chacun des individus d’un collectif. La théorie de la délibération postule que la compétence politique doit être pensée comme une œuvre politique du jugement résultant de l’interaction entre plusieurs intelligences (Blondiaux, 200414). L’opinion résulte d’un construit social pour lequel la compétence individuelle n’apparaît pas déterminante. On retrouve ici l’idée de « commun » avancée par Joëlle Zask (2011). Pour y parvenir, les citoyens doivent échanger en petits groupes, tout en recevant un niveau d’information nécessaire à la discussion. C’est donc le double produit de l’information et de l’interaction qui produit l’opinion légitime et démocratique (Fishkin, 1995). En ce sens, Bourdieu (1989) pense que pour échapper à l’opinion publique générale contestataire, il est nécessaire de penser la construction d’une véritable démocratie, en créant les conditions sociales qui favorisent une forme de volonté véritablement collective. Celle-ci suppose selon lui des échanges réglés d’une confrontation dialectique induisant la concertation sur les instruments de communication permettant de requérir l’accord ou le désaccord et avec la capacité de transformer les contenus communiqués et ceux qui communiquent. Pour certains auteurs et notamment chez Fraser (2001), les compétences savantes détenues par les seuls experts sont des instruments de pouvoir conduisant à dominer et à réduire au silence les groupes non experts. Ces auteures plaident davantage pour la réhabilitation de répertoires fondés sur le témoignage, l’émotion et la narration que nous classons plus volontiers dans des compétences déjà acquises mais qui méritent d’être renforcées. Ainsi, selon Blondiaux (2007) la compétence politique s’appréhende au travers d’un élément cognitif (être compétent, c’est avoir une connaissance approfondie des réalités politiques) et d’un élément politique ou que (être compétent, c’est avoir le droit de juger ou de décider en certaines matières).
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L'édification de chacune des langues n'est en fait que le prolongement d'une langue primitive commune. La métaphore naturelle de l'arbre comme « berceau de la parole humaine » souligne l'harmonie de l'homme et de la nature : le microcosme (le langage ) trouve un écho dans le macrocosme (la nature) par l'intermédiaire du langage poétique. Le terme « fraternité » évoque l'harmonie et la coexistence de ces différentes formes et des évolutions du langage primitif. James 327 Comme le précise G.Bachelard, le langage poétique et ses réseaux d'images permettent de traduire de façon indirecte mais néanmoins efficace les mystères du monde absolu : «notons d'ailleurs qu'une rêverie, à la différence du rêve, ne se raconte pas. Pour la communiquer, il faut l'écrire, l'écrire avec émotion, avec goût, en la revivant, d'autant mieux qu'on la récrit. Nous touchons là au domaine de l'amour écrit. », op.cit, p.7. 328 La Divine Épopée, tome I, p.178, chant V. 283 Dauphiné remarque d'ailleurs la double signification329 du mythe de Babel, l'une est associée au chaos et à la révolte contre Dieu, l'autre est liée à l'histoire de la communication. Ici, c'est la seconde acception qui est privilégiée. Toutefois, la révolte contre Dieu gronde également dans l'esprit orgueilleux et tourmenté du personnage. Cette référence au mythe de Babel, signe d'une harmonie première cache, en fait, une colère envers le divin. Son « désir curieux » se muera en une quête avide et vaine de la connaissance. La richesse étymologique de Babel permet donc de rendre compte de la complexité de la nature d'Idaméel. Le mythe par ses différentes acceptions est à même de suggérer la psychologie de l'homme de façon précise. Il met à jour les invisibles méandres du coeur humain. De plus, le langage poétique dont l'essence est symbolique affirme également sa supériorité quant à l'histoire. Ainsi, lorsqu'Idaméel entreprend d'élargir ses connaissances, il voyage autour du globe comme pour en saisir la totalité. Il effectue également un périple au sein de l'histoire. A travers le symbole, Idaméel semble être parvenu à rompre toute forme de frontières temporelles. L'image permet la mise en place d'une atemporalité qui renoue, là aussi avec la poésie primitive. Á ses temps fabuleux Cécrops m'invite à croire. Le symbole est partout frère aîné de l'histoire! Partout l'allégorie aux voiles transparents, A conduit par la main ses Alcides errants. Le symbole est « frère aîné » de l'histoire : il permet de déplacer l'événement historique, soumis au règne du monde visible et sensible au sein de l'atemporalité : il devient mythe, symbole et son sens s'agrandit, accède à un univers métaphysique. L'histoire échappe ainsi aux contingences et se libère des affres du sensible et de sa temporalité. Les « sept rois fictifs » imaginés par Idaméel « sculptent l'avenir » : la transfiguration de l'histoire en mythe permet l'émergence du futur. Le symbole permet le retour aux temps primitifs et l'apparition d'une temporalité autre qui se dégage des affres du présent. La référence à Cécrops, fondateur d'Athènes invite le lecteur à se plonger au sein des temps primitifs. L'allégorie « aux voiles transparents » donne accès à une connaissance accessible indirectement mais de façon efficace. L'image des « Alcides errants » à qui l'allégorie tient la main indique bien le rôle de guide que tient l'imagination. Elle est ainsi supérieure à la politique. La rime « croire »/ « histoire » souligne la suprématie de l'imagination et de « ses temps fabuleux » et primitifs. Toutefois, pour Idaméel, la poésie primitive est d'origine païenne : l'avenir ainsi établi est créé sous le « ciseau des dieux » (je souligne). Le héros poursuit ensuite son périple et s'arrête devant l'esprit du moyen-âge qui fait l'objet, là encore, d'une allégorie : Une autre ère refait les héros homériques. Je suivais, aux lueurs des flambeaux historiques, Ces coups réparateurs de la société Que la hache du temps porte à l'humanité. L'esprit du moyen-âge, aux s imposantes, Plein d'amoureux rayons, d'extases renaissantes, 330 La Divine Épopée, tome I, p.173, chant V. 285 Sous mon oeil ironique un moment s'arrêtait. La fée aux cheveux d'or dans ses rêves chantait, L'honneur brûlait son sein ; mais des lois fanatiques L'environnaient partout de terreurs fantastiques. C'était la cathédrale aux pilastres puissants, Qui renferme des feux, des hymnes, de l'encens, De suaves tableaux dans ses tours octogones, Et porte sur ses murs des réseaux de gorgones331. Le moyen-âge est perçu dans sa réalité historique mais, par l'intervention du symbole, il entre dans l'univers mythique. Tout comme Idaméel, il devient un personnage homérique et le langage poétique entend en retranscrire la nature. L'allégorie du moyen-âge, par la concentration de son réseau d'images, entend à donner à voir ce qui n'est plus et à faire entrer le moyen-âge dans l'atemporalité. Le mode de pensée de l'époque est ainsi retranscrit. Le personnage onirique de la fée vient évoquer le monde des superstitions qui s'oppose à celui de la religion représentée par l'imposante cathédrale. La fée « aux cheveux d'or » se définit par son chant et par sa légèreté induite par le rêve. Au contraire, la cathédrale « aux pilastres puissants » fait référence aux « forces imposantes » du moyen-âge. L'époque est donc saisie dans sa totalité par la superposition de deux métonymies contrastées : la fée et la cathédrale. Les « flambeaux historiques » sont relayés par ceux de la création littéraire et permettent de rendre la vie à une époque révolue. Le caractère imposant de la cathédrale par opposition à l'onirisme de la fée vient signifier l'incapacité de la religion à construire des images aériennes : le catholicisme semble devoir s'éloigner des ostentations du monde sensible et vivre à travers l'image. La force de suggestion de l'allégorie du moyen-âge permet donc d'accéder à l'invisible et de donner à voir au lecteur l'essence de cette époque. De plus, la figure de Napoléon, personnage historique, verse dans l'atemporalité mythique. Dans une courbe ascendante, le réel peut ainsi prétendre au sacré. Lors du chant « l'enfer », suite aux treize visions infernales, le poète se livre à une description de sa défaite en Russie. Par une allégorie, Moscou prend vie, Napoléon se mue en géant : le combat se place alors sous le signe du mythique. Tel, quand Moscou levant sa torche indépendante, Se faisait, pour sa mort, une chapelle ardente, Un géant, qu'ombrageaient cent drapeaux frémissants, Dans le cercle embrasé tordait ses bras puissants. Il explore en fureur le réseau de ses murailles, Où son aigle, surpris dans les brûlantes mailles, Interrompait ce vol dont l'arc universel S'appuyant sur Cadix, penchait vers Archangel. Il a vu contre lui s'allumer sa conquête. Tout labouré de feux, de sa base à son faîte, Il lutte ; et le Kremlin, du sol déraciné, Tombe, heurté par lui, sur Moscou calciné. Mais ce combat éteint, un autre le remplace ; La mer de feux le jette à l'ouragan de glace. [ ] O chute d'un héros! Fatidique naufrage! L'âme de l'avenir gémit dans cet orage. A force d'augmenter son poids de demi-dieu, Du char de la victoire, il a rompu l'essieu ; Et comme cette neige au vent glacé du pôle, Le monde qu'il créait en poussière s'envole332. Ici, le cadre réel est maintenu avec la mention à Moscou et à Cadix. Cependant, peu à peu, on glisse dans le monde mythique et symbolique. Les deux adversaires sont un géant et Moscou personnifiée. La défaite de Napoléon contre les Russes se mue en l'écriture d'une scène mythologique. Deux véritables colosses sont en train de lutter. La désignation de l'empereur par le terme « géant » et l'usage de la personnification de Moscou qui fait figure d'adversaire, tendent à faire de ce combat un affrontement grandiose, à la hauteur de la démesure des conquêtes du personnage. Ainsi, il n'est pas question de canons ni de poudre qui replaceraient le combat au sein de son caractère événementiel et historique : le combat devient cosmogonique et déchaîne tous les éléments. Napoléon doit d'abord lutter contre le feu, puis contre l'eau et la glace, enfin, son aigle échoue à maîtriser les airs. Cette perte de contrôle des divers éléments qui se retourne un à un contre lui va amener à la défaite contre le dernier élément : la terre, le monde qu'il avait créé devient poussière. Toutefois, Napoléon perd son statut de simple mortel : il devient un demi-dieu dont l'essieu se brise. Cette image manifestant sa soif de grandeur et de puissance replonge le lecteur à l'époque gréco-romaine des courses de char. La chute du personnage dont l'aigle ne peut poursuivre son vol renoue avec Icare. De plus, cette image de l'aigle emprisonné par les murailles reprend celle du condor aveugle commenté précédemment : aux prises avec les mailles d'un filet, il ne peut éder à l'absolu. De la même façon, Napoléon voit son orgueil et ses rêves démesurés se briser. Au contraire, Moscou est perçue comme un phoenix renaissant toujours de ses cendres (« mais ce combat éteint, un autre le remplace »). On retrouve donc la symbolique de l'oiseau : d'un côté Moscou est associée à un oiseau qui vole de victoire en victoire, de l'autre, le géant est affublé d'un aigle dont la défaite est clairement affichée. Le géant, nouveau Goliath, trouve un adversaire à sa taille. La multitude des références mythologiques permet donc d'effacer l'historicité de l'événement raconté. Le poète retrouve le souffle primitif et la poésie des anciens pour magnifier le réel. Même s'il s'agit du récit de la défaite historique de l'empereur, elle devient mythe. Il ne s'agit pas d'un énième récit historique. Les 288 deux adversaires sont aussi grandioses l'un que l'autre. L'incarnation de Napoléon en géant permet de signifier à la fois la grandeur de ses conquêtes mais aussi celle de son ambition et de son orgueil. Il représente cependant l'homme qui se heurte aux limites de la société et, nouveau Prométhée, il sera puni par l'exil et la mort. Cependant, il s'agit ici d'un Prométhée à qui on refuse la flamme que Moscou contrôle. L'épopée napoléonienne devient mythe. Elle témoigne ainsi d'une ouverture à plusieurs niveau de sens : le passage cité peut être dans un premier temps « une histoire pour enfant », c'est-à-dire la lutte entre deux personnages mythologiques, à un second niveau, par sa référence à Prométhée et au feu dérobé (dont Napoléon ne parvient pas à se saisir), elle devient « une théorie de la connaissance 333» qui se mue en malédiction si elle est motivée par l'orgueil (on accède alors à un sens ontologique et moral du mythe). De façon analogue, La Divine Épopée, vaste récit aux innombrables références mythiques, peut se lire selon divers niveaux de lecture. La lecture littérale invite à suivre le parcours de Sémida et d'Idaméel porteurs d'une passion amoureuse d'ordre tragique qui déclenche une vive opposition entre le ciel et l'enfer. Dans un second temps, l'oeuvre invite à s'attacher au dévoilement de son langage symbolique. Il y a alors une fusion entre le personnage d'Idaméel qui se lance dans une quête eff ée de la connaissance et le lecteur qui part à la conquête du sens du texte. L'épopée peut ensuite évoquer l'homme aux prises avec la société privée d'idéal. Elle raconterait alors l'histoire de l'homme et des relations entretenues avec le sacré : elle adopterait là une perspective ontologique. Enfin, ce récit a aussi une vocation métatextuelle. Il réfléchit sur la création littéraire, en lien étroit avec le 333 Michel Tournier évoque le mythe de la caverne de Platon pour lequel il reconnait plusieurs acceptions : « le mythe, c'est tout d'abord un édifice à plusieurs étages qui reproduisent tous le même schéma, mais à des niveaux d'abstraction différents. [ ] Raconté de cette façon, le mythe n'est qu'une histoire pour enfant, la description d'un guignol qui serait aussi théâtre d'ombres chinoises. Mais à un niveau supérieur, c'est toute une théorie de la connaissance, à un étage plus élevé encore cela devient morale, puis métaphysique, puis ontologique, etc. sans cesser d'être la même histoire », Le vent Paraclet, Paris, Gallimard, 1977, p. 188, cité par Marie Christine Huet Brichard, Littérature et mythe, éd. Hachette supérieur, p. 9. 289 divin et accède à son sens métaphysique. L'oeuvre de Soumet reprend donc les différents paliers de significations du mythe pour construire celui du poète-créateur. Le dernier chant de son oeuvre ouvre en effet sur une adresse à la poésie. Elle reprend le mouvement ascensionnel suggéré par l'ensemble de l'oeuvre. L'aigle foudroyé par l'orage présent dès le prologue du texte, est à présent en mesure de contempler l'absolu sans être foudroyé. La quête initiatique du poète lui a permis d'accéder à l'éternité et de retrouver « la flamme première » : Poésie, aigle immense, oh! Dérobe à la terre De ton vol infini l'éblouissant mystère ; Ravis- moi, contemplons de la hauteur des airs, Ce monde mis à nu sous un de tes éclairs. Traversons tous les deux sur tes ailes de flamme, Sans être foudroyés, l'orage ardent de l'âme. Trompons les pas du temps, et viens fixer mes yeux Sur l'immortalité, ce soleil de tes cieux334!! L'aigle du texte préliminaire qui se brisait sous l'orage et qui était rattaché au monde sensible, se demandant s'il pourrait en être le roi, prend son envol et devient l'emblème de la poésie. Loin des conquêtes napoléoniennes qui ont signé la chute de l'empereur, l'aigle est ici le signe d'une élévation spirituelle et métaphysique que permet la poésie. L'animal n'est plus présenté comme une victime de l'orage du monde sensible, il accède à un monde plus vaste dont sa quête initiatique lui a permis de supporter le regard. L'âme « aux flancs de la tempête » du départ s'est ouverte au poète qui a pu faire de l'orage de son âme un objet de création littéraire. La symbolique du vol de l'aigle en tant qu'élévation spirituelle et le regard du poète qui peut contempler l'absolu sans se brûler les ailes témoignent d'une quête platonicienne de la connaissance. Avec la poésie, le poète s'est détaché peu à peu du monde sensible qu'il peut alors saisir dans sa totalité par une vision 334 La Divine Épopée, tome II, p.292, chant XII. La personnification de la poésie en jeune amante traduit son appartenance au monde sensible et fait référence à la poésie primitive de l'idylle. Les cheveux qu'elle dénoue, charment le poète tout comme Sémida lorsqu'elle défait ses tresses devant Idaméel. Cependant, Idaméel demeure dans une création marquée par la fatalité de « l'âge du fer » alors que le poète aboutit à une rêverie d'or. Cela traduit bien la réussite de la quête initiatique du poète. L'amour et ses voluptés sont donc l'une des sources de l'inspiration poétique mais elles ne sont efficaces qu'après être passées par une idéalisation. On remarque alors la présence d'un double mouvement : vers le bas pour sonder l'âme humaine, puis vers le haut pour renouer avec le divin. C'est exactement le plan suivi par la Divine épopée. L'aigle au vol 335 Op.cit., p.292, chant XII. 291 désorganisé du départ, symbolise l'homme (et le poète) aux prises avec l'orgueil, sa volonté de puissance et ses illusions. Peu à peu, le poète sonde son âme à travers sa création, il se détache du monde sensible en parvenant à le sonder : il en acquiert la connaissance. Puis, « l'aile de flamme » de la poésie emporte le poète vers une atemporalité, loin des orages de l'univers visible. Il est à présent en mesure de contempler le divin, de même que son lecteur. L'acte poétique est donc bien vécu par Soumet comme un sacerdoce comme en témoigne la suite du passage cité précédemment : Poésie, ô bel arbre! Arbre aux feuilles sacrées! Verse sur mes langueurs tes ombres inspirées. [] Que mes jours, grain par grain, rosaire d'espérance, tes visions et tes songes flottants, Se suspendent légers à tes rameaux chantants. Poésie, ange saint, force, flamme première! De la foi qui nous luit fraternelle lumière ; Illumine ma nuit à ton regard vainqueur ; Sois le buisson ardent rallumé dans mon coeur, La parole éternelle, et viens à ton oracle De ma création contempler le miracle336. L'arbre biblique de la connaissance est donc devenu celui du langage (et donne accès au langage primitif) pour ensuite devenir celui de la poésie. L'imaginaire biblique est largement mis à contribution et permet l'accès au monde du beau et du sublime pour la poésie de Soumet qui est alors sacralisée. L'image du coeur du poète qui se mue en buisson ardent, ses journées symbolisées par les grains d'un rosaire tendent à détacher le poète du monde sensible. Il accède à une nature d'ordre divin. Les racines de l'arbre puisent dans la terre (le monde sensible) mais ses branches contemplent le ciel (l'absolu). L'image retranscrit donc les liens que la poésie tisse 336 La Divine Épopée, tome II, p.293, chant XII. 292 entre le monde visible et invisible. Elle est une vision totale du monde. La dialectique platonicienne de l'ombre et de la nuit se mue ici en une image de la création, soulignant toutefois le rapport intrinsèque entre la connaissance et Dieu. L'arbre, contemplant les rayons de Dieu de façon directe, transmet dans un premier temps au poète le souffle divin à travers son ombre bienfaisante. Cela correspond à la situation initiale du poète dont le regard ne pouvait soutenir la contemplation de l'absolu. Puis, le mouvement ascensionnel des jours du poète qui viennent se suspendre à ses branches traduit la quête initiatique esthétique et métaphysique subie par le poète. Ses jours assimilés aux fruits de l'arbre de la poésie traduisent le dévouement et l'activité créatrice du poète. La création ne peut alors que se muer en une « flamme première » : la poésie a retrouvé son souffle primitif et s'est détachée des contingences du monde réel. L'obscurité première dans laquelle se trouvait le poète s'est muée en une mière mystique et divine (« buisson ardent », « lumière fraternelle »). La « parole éternelle » était donc à rechercher dans le détournement du mythe des origines. Par la multitude des significations données à chaque symbole (celui de l'aigle, du cygne, de la perle par exemple), l'écriture poétique pourrait suggérer l'édification d'une Babel littéraire, chaque sens différent étant le signe d'une confusion supplémentaire. Or il n'en est rien. La multiplicité des acceptions associées à chaque symbole converge en fait vers un sens unique qui ouvre les portes de l'absolu au poète et au lecteur. L'édification d'un monde régénéré Ainsi, le mythe permet d'abolir les distances temporelles, de faire coexister le passé, le présent et le futur. En effet, il est un récit primordial qui fait référence au monde des origines. Il est le centre autour duquel gravite une signification première. Puis, cette histoire est réactivée au cours d'époques diverses et variées ce qui peut entraîner une modification du sens premier du mythe. Enfin, par cette modification, émerge un récit autre qui conserve les thématiques essentielles du mythe de départ mais qui, dans le même temps lui assigne une signification symbolique sensiblement autre339. La littérature s'en trouve ainsi régénérée. Chez 338 « [Gilbert Durand in Structures anthropologiques de l'imaginaire] souligne le caractère problématique du mythe en postulant qu'il est un « être hybride », relève tout à la fois de la « diachronie », qui est le lot du récit, et de la « synchronie » qui est le propre du symbole. Ainsi, conclut Gilbert Durand, « le mythe apparaît toujours comme un effort pour adapter le diachronisme du discours au synchronisme des emboîtements symboliques », en sorte que sa structure « tente d'organiser dans le temps l'intemporalité des symboles », Mythes et littérature, textes recueillis par Pierre Brunel, Presse de l'université de Paris-Sorbonne, Recherches actuelles en littérature comparée, 1994, « Á propos de l'Atlantide de Gerhart Hauptmann (1912) : récit mythique, récit symbolique »,Chantal Foucrier, p.120. 339 On peut renvoyer à ce sujet à l'article de Régis Boyer « Existe-t-il un mythe qui ne soit pas littéraire. Il note la présence d'une image « magnétique, phosphorescente » qui constitue le sens premier du mythe. Puis, il évoque le récit et enfin interprétation symbolique qui, selon l'époque considérée s'en trouve modifiée. Il souligne ainsi la composition tripartite du mythe : « un mythe, pour moi, se fonde sur trois éléments, en vérité indissociables []. Il tient d'abord à une image comme magnétique ou phosphorescente [] puissamment symbolique ou synthétique []. Cette image, à son tour, repose sur, est engendrée par ou engendre une histoire exemplaire, paradigmatique []. Cette histoire est de nature toujours symbolique, elle appelle des 294 Soumet, nous avons pu constater et analyser les deux versants de la création littéraire. 295 façon résiduelle et seules certaines caractéristiques inhérentes à la psychologie humaine ont été conservées. La régénération de l'écriture passe également chez Soumet par la réactivation et le prolongement de certains mythes d'origine littéraire. Ainsi, si le Don Juan de Molière évoque la destinée du personnage aux multiples conquêtes et à l'esprit libertin (dans le sens de libre penseur), Soumet modifie la fin de ce récit mythologique. En effet, Don Juan ne meurt pas au cours du festin de pierre du commandeur : Don Juan au coeur noble, à l'ardente paupière, N'a pas trouvé la mort entre deux bras de pierre ; Et Satan sut choisir un autre ambassadeur Plus digne de mon nom que ce froid commandeur340. Les « deux bras de pierre » et le « froid commandeur » symbolisant la présence d'un dieu vengeur sont remplacés par une figure féminine, image de la femme fatale. L'opposition entre la pierre et la volupté qu'inspire le personnage féminin traduit un déplacement du sens de la punition de Don Juan. Ce n'est pas Dieu qui punit son sujet mais Satan qui le tente. L'accent est donc mis sur le goût de Don Juan concernant les conquêtes féminines. Soumet imagine alors le personnage d'Esméralflor, qui causera la perte du séducteur. Attiré par la réputation de la beauté de la jeune femme et de ses chants, il arrive dans sa ville, pensant la rencontrer. Elle est cependant décédée depuis la veille. Au cours de la nuit, il est frappé par l'étonnante rencontre avec une femme à la beauté prodigieuse en train de tisser. Elle laissait flotter la tunique azurée Qu'attachait mollement sa ceinture nacrée. Sous ses agiles doigts venaient s'entremêler 340 Divine , I, .154, V De longs fils transparents qu'elle faisait voler : Et comme un tisserand, sans s'incliner à peine, Elle trainait le lin sur un métier d'ébène341. Soumet imagine donc la rencontre de Don Juan avec son destin de séducteur. La jeune femme qu'il se met à suivre fait ici référence aux mythes des Parques, représentées avec un métier à tisser, symbole du destin des hommes. Le caractère évanescent de cette rencontre mystique apparaît avec la présence d'un vocabulaire aérien (« flottant », « mollement ») et d'une allitération en [l] donnant une certaine fluidité au texte : cela contribue à donner au personnage son caractère éthéré. Puis, la jeune femme disparaît de façon mystérieuse ce qui contribue à donner à ce récit une dimension onirique. La régénération de l'écriture émerge donc de la rencontre improbable entre deux mythes : l'un est littéraire et la fin a dû en être modifiée, l'autre, appartenant à la mythologie grecque, a donné lieu à une métamorphose : les Parques ont été réduites à l'existence d'un seul personnage qui est de nature humaine, du moins en apparence. La réécriture du mythe de Don Juan se poursuit et se confronte au mythe biblique du jardin d'Éden. J'allai, je m'enfonçai de jardin en jardin, Dans un bois tout rempli des songes de l'Éden. Mille arbres toujours verts y versaient en ombrage Leur immortalité de fleurs et de feuillages. Sous des rameaux penchés, de leurs vagues concerts D'invisibles oiseaux alanguissaient les airs342. Le trajet de Don Juan qui s'apparente finalement à une échappée belle au sein de la mythologie, le conduit aux portes de ce qu'il prend pour le paradis. Le 341 342 La divine Épopée, tome I, p.155, chant V. Op.cit, p. 157, chant V. 297 mythe des Parques se poursuit. Il semble être passé de « l'autre côté » et faire l'expérience d'une temporalité autre : les termes « toujours verts », « immortalité » signalent clairement le détachement vis-à-vis du monde des hommes. L'onirisme du récit (« invisibles oiseaux », « songes d'Éden ») tend également à signifier le départ de Don Juan du monde sensible. S'il pense être parvenu dans le jardin d'Éden, la présence du bois à la profondeur manifeste (« mille arbres », « ombrages ») vient signaler l'existence d'un danger diffus que souligne également la multitude des jardins qui donnent l'impression que Don Juan se perd : le jardin se mue en labyrinthe. Il continue de poursuivre la jeune femme jusqu'à parvenir à lui parler. Là, il découvre avec stupéfaction qu'il s'agit du spectre d'Esméralflor qui a toutefois gardé les charmes de son corps d'autrefois. On découvre en elle un double féminin du séducteur : « Contraindre mes désirs n'étaient pas ma vertu ; Cette heure m'appartient, me la demandes-tu? Es-tu ce Don Juan, dont l'ardente inconstance Donne à la volupté ce qu'il a d'existence, Et qui, parmi les fleurs couronne de son front, Doit un jour voir éclore un hymne de Byron? Regarde! je suis belle, et sous ses doigts difformes La mort n'a point blessé le pur contour des formes : Elle a laissé leur charme à mes embrasements. Mon oeil avait des feux qui tuaient mes amants ; Et, fièvre de mes sens, cette lave embrasée En passant aux enfers ne s'est pas apaisée! » Je ne répondis pointJe baisai ses genoux, Et mon trépas ne fut qu'un dernier rendez-vous343!! 343 Op.cit, p. 159, chant V. 298 La référence métatextuelle au Don Juan de Byron témoigne d'une écriture consciente de sa volonté de donner au mythe littéraire un souffle nouveau. Don Juan semble ici être confronté à son double féminin. Un mythe autre de l'androgyne est sous-jacent et désigne cette fois un amour maléfique. Á l'« ardente inconstance » de Don Juan répond « le charme de[s] embrasements d'Esméralflor. Ils sont tous deux incapables de « contraindre [leur] désir ». Les références au corps de la jeune femme abondent (« je suis belle », «le pur contour des formes », « leur charme ») et soulignent le rattachement des deux amants maudits au monde sensible, à la terre. Toute idée de transcendance est écartée. Esméralflor est également une figure de Méduse puisque « [son] oeil avait des feux qui tuait [ses] amants ». Toutefois, face à l'évidence de cet amour fatal et rattaché à la volupté, émergent des traces d'un amour relié à la tradition pétrarquiste et à l'amour courtois. En effet, Don Juan n'a jamais vu Esméralflor auparavant et, sa motivation à la rencontrer naît uniquement de sa réputation. Lorsqu'il la rencontre dans cet étrange jardin il lui lance « mon regard t'a révélé mon nom ». On retrouve là l'influence de la tradition pétrarquiste (qui se nourrit des textes de Platon) et de l'amour courtois qui privilégiaient une relation platonique. Don Juan se contente de baiser les genoux de sa conquête en signe d'acceptation de son sort. Il accepte la mort mais avec une certaine ironie puisqu'il l'assimile à un rendez-vous. Il est donc un personnage maudit mais dépourvu de tragique. En poussant Don Juan « de l'autre côté » Esméralflor renoue avec le mythe des Parques mais elle peut également être perçue comme une allégorie de la mort elle-même. La réécriture du mythe de Don Juan passe donc par la mise en relation de deux conceptions complètements différentes de l'amour : les références platoniciennes et bibliques (le jardin d'Éden) sont gangrénées par l'émergence d'un amour charnel qui assimile les ants à des personnages maudits. Cependant, la concomitance des mythes païens (les Parques, Méduse), platonicien (l'androgyne) et biblique (le jardin d'Éden) concourent à la régénération du mythe littéraire de Don Juan. Soumet fait à son 299 tour office de tisserand : il noue ensemble des mythes de natures diverses pour voir émerger une oeuvre autre. Il fait de Don Juan non une victime de Dieu mais un adepte de Satan. De plus, le mythe du paradis perdu est, à de nombreuses reprises modifié et détourné dans l'épopée de Soumet. En effet, dès le départ, Sémida se trouvant dans le ciel et ayant obtenu son salut, se met à regretter les bienfaits de la terre qu'elle assimile au jardin d'Éden. On assiste à une relecture luciférienne du mythe. Le sens en est déplacé voire perverti. La chute d'Ève dans le monde des hommes est valorisée et est perçue comme un bienfait : elle gagne sa liberté. La vie au sein du jardin est assimilée à un « esclavage », le bonheur primitif n'est qu'ennui et l'arrivée du serpent est présentée comme providentielle pour sortir de cet asservissement et de cet enlisement. Idaméel voit en Ève son double féminin avec qui il partage un vif désir de connaissance. Il ne la présente pas comme coupable. Il réécrit le mythe du jardin d'Éden dans le but de pervertir Sémida. Il se place de façon astucieuse et stratégique du point de vue d'Ève qu'il excuse. Il est en fait plutôt dans la position du serpent qui vient ici tenter Sémida, seconde Ève. Par cette réinterprétation du mythe biblique, Idaméel somme Sémida de choisir la liberté, comme Ève et de le suivre dans sa soif de puissance. Le mythe réactivé est ici la source d'une parole destinée à pervertir l'innocence de la jeune femme. Idaméel se présente ensuite à elle sous son vrai visage : celui d'un démiurge qui veut rivaliser avec Dieu. Il compare en effet le monde qu'il a crée au fruit du jardin d'Éden, qui a perdu Ève. Sémida se voit accusée d'avoir « livr[er] le fruit de [s]on génie » à la tyrannie divine. Il se présente comme une victime de la jeune femme. Le réprouvé perçoit la décision de la jeune femme de mourir dans les bras d'Éloïm comme une réécriture avilie du mythe biblique. La rivalité originelle entre Adam et le serpent (Lucifer) qui supposait un combat d'une certaine ampleur se mue ici en un affrontement qu'Idaméel commun. Il aurait souhaité se mesurer à Dieu lui-même et non à un « vulgaire archange ». Cette relecture luciférienne du mythe du jardin d'Éden permet en fait une réécriture, biblique cette fois, du mythe : Sémida se trouve face au serpent pour lequel Ève a succombé. Cependant, la jeune femme refuse de reproduire la faute originelle de sa mère et demeure pure. On assiste alors à la rédemption de la femme qui, par l'écriture de Soumet est délivrée du poids du mal. 344 La Divin e Épopée, tome II, p.44, chant VII. Cette réactivation du mythe, luciférienne au départ, donne finalement l'occasion à Sémida de racheter les fautes passées et d'obtenir le salut d'Ève. Elle est un miroir de la femme fautive mais elle est en même temps l'objet d'une réécriture mythique qui régénère le personnage féminin et qui l'expie de ses péchés. La femme porte donc pour Soumet l'espoir d'une régénération d'un monde duquel le péché originel serait banni. Elle est l'emblème d'un nouveau monde, pur et en harmonie avec le divin. L'objectif sera confirmé dès lors que Satan, en reconnaissant le Christ, entamera sa rédemption et obtiendra son salut. Cela aboutira finalement à une régénération des enfers. La réécriture des mythes littéraires permet à l'imagination de Soumet de s'élargir et de donner naissance à un récit à la fois autre et identique. Cependant cette thématique apparaît également de façon plus large et concerne La divine épopée dans son ensemble. En effet, le texte s'appuie sur le courant idéaliste d'Origène qui voyait en l'écriture de l'Apocalypse345 de Saint Jean, l'arrivée du jugement dernier, l'expiation des péchés des hommes et l'édification d'une nouvelle Jérusalem. Dans sa préface Soumet ne dément pas cette filiation entre ce texte et son épopée mais il a la prudence d'indiquer que cela ne reflète pas sa pensée : cela agit comme une stimulation pour son imaginaire346. Il prône une liberté totale de l'imagination contre laquelle les catholiques dogmatiques ne doivent pas s'insurger. Il se projette donc dans une période toute autre qui voit le monde s'éteindre pour qu'un nouvel envol soit possible pour la terre. Cette régénération fait également des pensées de l'illuminisme qui concevait le destin de l'homme selon trois étapes successives : ses fautes devaient être expiées par l'intermédiaire de la souffrance et de l'amour, la mort finalisait l'expiation des péchés, puis, s'édifiait alors un monde nouveau et pur. Cet espoir d'un univers dont le mal serait banni se combine avec la présence d'une 345 La thématique de la régénération est présente à travers l'étymologie du terme Apocalypse qui veut dire révélation. 346 : « Je n'ignore pas que les paroles de Saint Chrysosthome ont été différemment interprétées par l'Église ; je n'ignore pas qu'une opinion d'Origène, puisée dans les théogonies indiennes, s'anéantit devant le jugement des Conciles, et je hasarde comme une simple fiction ce qu'il enseignait comme une vérité », La Divine Épopée, préface, p.17. quête initiatique de la connaissance : l'homme doit avoir été l'objet d'une révélation divine intérieure puis, peu à peu les mystères voilés du monde qui l'entoure se révèlent à lui : c'est aussi le sens étymologique du mot « apocalypse » qui s'entend comme un dévoilement des mystères de Dieu. Un parallèle peut alors se tisser avec le mythe d'Isis, la déesse voilée. Si l'on en croit l'ouvrage Les Métamorphoses d'Apulée, le héros Lucius après avoir dérobé un onguent à une sorcière est transformé en âne (alors qu'il pensait devenir un oiseau). Tout comme Idaméel, il est sujet à un vif désir de savoir, de connaître. Il est cependant ici puni de sa curiosité. Il doit manger une rose pour pouvoir retrouver sa forme humaine. Au début du onzième livre, après un certain nombre d'aventures, il contemple la lune qui émerge au dessus de la mer. Il s'agit en fait d'Isis, qui lui annonce qu'au cours d'une cérémonie rituelle auprès d'un prêtre, il mangerait la rose qui lui permettrait de retrouver son apparence. Elle lui jure protection dans ce monde et dans l'au-delà pourvu qu'il s'engage à se livrer à un rituel initiatique. Plutarque signale également la présence d'une inscription sous une statue assimilée à Isis au sein du temple de Saïs : « Moi, je suis tout ce qui a été, ce qui est et sera, et aucun mortel n'a encore soulevé mon voile »347. L'origine du mythe et de la célébration de la déesse Isis inscrit donc la nécessité d'un parcours initiatique et la présence d'un voile sur les choses : la vérité n'est pas accessible de çon immédiate. Soumet exploite largement le mythe d'Isis dans son oeuvre. Si au niveau de la structure de La divine épopée, il reprend le schéma des philosophes illuminés (faute-expiation-rédemption), la trajectoire d'Idaméel se lit comme un parcours initiatique qui, comme nous l'avons vu précédemment, lui permet de comprendre le sens des hiéroglyphes et des mystères du monde. On retrouve la métaphore du voile, attribut de la déesse qui s'est conservé dans les évocations successives du mythe. Les mots surgissent de l'obscurité et se muent en « mots 347 Concernant les origines et l'évolution du traitement littéraire du mythe d'Isis, on se réfère à l'article de Stéphanie Jacques « Isis, Métamorphose littéraire », in Métamorphoses du mythe, sous la direction de Peter Schnyder, éd Orisons, 2008, pp. 217-229. La « nouvelle Saïs » d'Idaméel est en fait l'édification d'une nouvelle Babel à l'image de la soif de grandeur et de l'orgueil démesuré du personnage. La régénération est en fait un prétexte pour assouvir sa soif de puissance. Les multiples références à la terre (« roc », « bloc », « colonnes hautaines ») la place sous le signe du monde sensible : il ne s'agit pas de la nouvelle Jérusalem attendue dans les textes de l'Apocalypse. L'immensité de la cité (« enceinte immense », « arc de ses voûtes ») aux « plans inouïs » ne manifeste que la soif de puissance d'Idaméel qui est 348 La Divine Épopée, tome I, p.241. 304 dépourvu de vertu morale. Il ne s'agit pas d'édifier une ville purifiée dans laquelle les hommes auraient expié leur faute, mais de défier Dieu, de construire une ville dont les temples et les colonnes seraient en mesure de toucher le ciel. De plus, le désir de puissance d'Idaméel ne se fait pas sans violence. On peut relever les termes « forçons » et « profane » qui indiquent que la volonté du personnage entre en collision avec le divin. Il ne s'agit pas d'une régénération étique et morale du monde mais au contraire de la réaffirmation de sa déchéance. Stéphanie Jacques349 souligne d'ailleurs en se référant à Pascale Auraix-Jonchière que le mythe lié à la « déesse voilée » peut conduire à « une révélation négative ». C'est ainsi que s'est terminé la quête de la connaissance du personnage : elle n'a fait qu'exacerber son orgueil et nourrir son envie de mettre dieu au défi. On comprend alors que cette régénération qui prend naissance suite à « révélation négative » conduise la création d'Idaméel à une éternelle stérilité : son « germe défaillant », le mal et l'orgueil, se renouvellent sans cesse et ne peuvent conduire le personnage à une réelle recréation du monde. L'évocation de « la nouvelle Saïs » ne donne lieu qu'à une régénération mortifère établie sous les débris des siècles passés : « chaque siècle fournit son débris triomphal de bronze ou de granit ». La référence au bronze et au granit présente l'édification du nouveau monde comme un vaste tombeau : cet univers ainsi créé par la force et par la profanation des voiles d'Isis semble donc placé sous le signe d'une malédiction. La référence à l'illuminisme (« merveille illuminée ») ne conduit pas à une révélation divine qui consacrerait une connaissance du sens caché du monde obtenue grâce à une élévation morale. Elle est au contraire le signe et la réactivation de l'orgueil d'Idaméel et donc des péchés de l'homme. Cette assimilation des voiles d'Isis à « une révélation négative » se 349 «On remarque d'ores et déjà un premier trait, à savoir qu'Isis évolue dans un clair obscur illustrant son mystère et sa complexité, clair obscur qui étend le voile jusqu'à envelopper l'identité même de la déesse. Les labyrinthes préfigurant les épreuves de l'initiation, les pyramides, les hiéroglyphes, l'Égypte monumentale étendant ses ombres sont autant d'éléments caractérisant positivement ou négativement les ténèbres entourant Isis. [ ] L'importance de ce voile et la réduction topique ultérieure de la figure isiaque à cette opacité parfois ambiguë, le paradoxe d'une quête qui culmine dans une révélation en négatif ont été abondamment analysés », op.cit., p.221222. 305 retrouve également dans La divine épopée, lorsque la déesse voilée vient personnifier la mort elle-même. En effet, dans l'extrait précédemment cité et évoquant la réécriture du mythe de Don Juan, le personnage d'Esméralflor tisse un voile, ce qui est en fait, nous l'avons vu, une évocation du mythe des Parques. Cependant, ce voile qu'elle lève devant Don Juan peut également faire référence à celui d'Isis même si elle affirme qu'il s'agit d'un voile d'hymen. En effet, la jeune femme lève finalement le voile et le mystère quant au sort qui sera réservé au séducteur. Il ne s'agit plus de connaître les merveilles voilées du monde mais de découvrir ce qu'il se passe ensuite, dans « l'autre monde ». Esméralflor, figure diaboliquement isiaque, dévoile à Don Juan les mystères liés à la mort. Se perdant dans les jardins successifs qu'il doit traverser avant de pouvoir lui parler, Don Juan s'égare en fait dans les méandres des mystères isiaques. De plus, la représentation d'Isis comme déesse de la mort350 est également présente au début de la description des enfers. La mort est tout d'abord allégorisée. Elle raconte ses exactions et son opposition avec le Christ. L'opposition entre la lumière du jour, symbole de la vie, et l'obscurité, témoin du passage dans « l'autre monde » réitère le motif des mystères isiaques. Cependant, on observe un déplacement quant à la nature des connaissances en jeu : il ne s'agit plus de connaître le monde mais de faire l'expérience certes, mystérieuse, mais 350 Cette assimilation d'Isis à la mort se retrouve également dans La fin de Satan d'Hugo qui assimile d'ailleurs l'Égypte à un pays mortuaire. 351 La Divine Épopée, tome I, p. 77, chant III. 306 également tragique, de la mort. On comprend qu'ici, les mourants préfèrent que la mort demeure « voilée » : ils se montrent peu pressés d'en dévoiler les mystères. Ainsi, la référence à Isis met ici en jeu « une révélation négative ». Le dévoilement des connaissances que la déesse cache dans son antre est associé à une malédiction. De plus, elle est rattachée à une régénération illusoire. Si la nouvelle Saïs dont le créateur est Idaméel s'apparente à une régénération, elle n'est en fait que la réaffirmation de son orgueil et de son caractère de proscrit. Cependant, on voit se dessiner en filigrane la présence diffuse d'une régénération véritable associée à une révélation cette fois « positive ». En effet, le chant « le ciel » fait lui aussi état du caractère symbolique des mots dont la puissance n'est pas démentie. Toutefois, c'est sous le patronage d'Hermès que l'on se place dans ce texte, déjà cité, mais qui peut susciter des commentaires supplémentaires : Ces mots sont virtuels, ces mots sont tout-puissants, De la création germes phosphorescents, Types mystérieux où la nature existe [] L'antique hiéroglyphe, oracle du passé, De la voix fugitive éternelle peinture Nous montre sur la forte et calme architecture, [] Les constellations dont les feux protecteurs Guidaient dans le désert la marche des pasteurs ; Hermès, roi des beaux-arts ; le soleil roi du monde, Qui pleure en larmes d'or, sur le sol qu'il féconde ; Et prêtant un langage à tant d'objets divers, L'alphabet créateur a pour voix l'univers352. Ici, la régénération est induite par le langage lui-même : le mot retrouve sa puissance originelle et est véritablement Verbe. La référence à Hermès est beaucoup plus positive que celle en lien avec Isis. En effet, même s'il peut faire office de guide au sein des enfers, il est aussi le messager et l'interprète de Zeus : il permet ici d'assurer symboliquement un va-et-vient entre le monde sensible et l'univers divin. De plus, certaines interprétations font de lui le détenteur d'une science cachée ; les alchimistes du moyen-âge s'en remettaient d'ailleurs à lui quand il s'agissait de mettre à jour des vérités cachées. La révélation est ici positive et amène à une véritable recréation du monde. L'alphabet est « créateur », le soleil « féconde » le sol. La connaissance n'est pas issue d'une profanation comme dans l'extrait précédent, elle est volontairement montrée à l'initié et permet une régénération positive ce qui est suggéré par l'usage du champ lexical de la lumière. Ce nécessaire dévoilement des mots entre dans la poétique de Soumet. On lui a souvent reproché son hermétisme ou la gratuité de l'emploi de mots savants ou inventés : cette pratique est à rapprocher d'une initiation à laquelle le lecteur doit se livrer. On peut par exemple penser au chant « le ciel » qui abonde en « trouvailles » langagières. La faune et la flore ainsi décrites par des mots techniques ou issus de l'imagination de Soumet lui permettent d'édifier un monde nouveau, « incréé » qui fait place au monde sensible et borné dans lequel l'homme évolue. 308 Le mythe de la transfiguration Oui, en écoutant certains mots, comme l'enfant écoute la mer en un coquillage, un rêveur de mots entend les rumeurs d'un monde de songes353. L'imaginaire d'Alexandre Soumet se présente comme un édifice protéiforme qui emprunte tantôt les sentiers du merveilleux chrétien, tantôt ceux du merveilleux païen. Fidèle à l'idéologie développée dans Le génie du christianisme, l'imaginaire grec ou romain n'est pas employé à titre ornemental. Au sein de certaines tragédies, la tension entre les deux univers est même l'objet d'une tension dramatique et constitue l'un des ressorts de l'intrigue. Dans la tragédie Saül, le sujet biblique est annoncé dès le titre. Le roi déchu sera aux prises avec le mal qui trouve sa source dans son orgueil et sa soif de pouvoir. David vit quant à lui selon les préceptes de Dieu. Cependant, la pièce ne s'en tient pas à un pur sujet biblique. Le personnage shakespearien de la Pythonisse d'Endor s'immisce et ramène l'écriture du poète sur les chemins de l'univers païen. Associée à Saül dont elle est un double, la Pythonisse est le symbole du mal, de l'exacerbation des travers, voire des vices du personnage. Son incursion dans le monde païen répond à la révolte, au désir ardent de vengeance de Saül qui redoute plus que tout d'être détrôné. L'opposition entre l'imaginaire biblique et païen au sein de la pièce se traduit en fait par la présence d'un combat d'ordre moral entre le bien et le mal. L'univers biblique reste la norme et la présence de la Pythonisse d'Endor est le signe de la transgression de cette norme qui sera fatale 353 Gaston Bachelard, La poétique de la rêverie, éd. PUF, 1960, p. 43. 309 En outre, la tragédie Norma, dont le sujet, d'après son titre, s'inscrit dans l'univers païen, fait toutefois appel à un personnage chrétien quoique fort discret : celui de la nourrice chrétienne Clotilde. La religion de la jeune femme figure dès la présentation des personnages et permet de l'identifier et de la définir. Cette présence en filigrane de la religion chrétienne au sein d'un univers gaulois et romain peut sembler étrange et l'on pourrait s'interroger quant à l'utilité de cette caractéristique du personnage. Néanmoins, au fil de l'histoire, lorsque Clodomir et Agénor entrevoient dans un songe oraculaire, l'infanticide de Norma, Agénor va ensuite trouver refuge auprès de la servante chrétienne : Agénor Dans ta religion est-il des dieux amis Qui protègent le soir les enfants endormis? Clothilde Non pas des dieux mon fils, mais des anges fidèles. Ils placent les berceaux à l'ombre de leurs ailes. [ ] Ils ne sont pas pareils aux dieux que tu vois. Notre coeur devant eux brûle comme une flamme ; Mais l'on ne peut les voir qu'avec les yeux de l'âme : Pour soutenir nos pas, ils avancent la main, Et nous montrent du ciel l'invisible chemin354. Les propos de Clotilde soulignent l'existence d'un dieu bienveillant dont les anges sont chargés de protéger les hommes. Cela s'oppose au déchaînement des passions sanguinaires d'Irminsul. Elle met également à jour la présence d'un monde invisible, qui se détache du monde sensible dans lequel l'homme évolue. Une vision autre est évoquée, peut-être celle dont Agénor et Clodomir sont capables puisqu'ils entrevoient le futur. Toutefois, ils ne sont pas en mesure d'interpréter leur rêve et d'en comprendre la portée : ils ne sont pas chrétiens comme le regrette d'ailleurs 354 Norma, III, 1. 310 Agénor355. Deux types de mystère sont alors à l'oeuvre : il y a d'une part le monde invisible et transcendant qui surplombe l'univers humain et d'autre part, le mystère de leur mort future qu'entrevoient les enfants avec horreur. Les religions chrétienne et païenne sont mises dos à dos mais chaque personnage conserve sa croyance initiale. Finalement, cette illusion tragique va provoquer la chute et la mort des enfants de Norma : l'opposition entre la religion chrétienne et païenne devient ainsi l'un des ressorts de l'intrigue et mène, finalement à une intensification de l'effet dramatique. Le personnage de Norma, gouvernée par la passion, qu'il s'agisse de l'amour ou de la haine envers Pollion, est à l'image du dieu qu'elle sert : elle ne peut réfréner la violence qui l'assaille. La religion chrétienne se présente alors comme le garant d'une certaine morale. Comme le précise Clotilde, Que sont près de ce Dieu tes dieux imaginaires? Lui ne réclame pas d'offrandes sanguinaires356. Le passage du singulier « Dieu », affublé d'une majuscule, au pluriel « dieux », avec une minuscule, témoigne de la supériorité de la religion chrétienne : la scène se mue alors en une sorte de plaidoyer tacite en faveur de la religion chrétienne. Cette croyance en des dieux païens semble avoir précipité la chute des fils de Norma et avoir permis l'accomplissement du songe funeste des deux enfants. Au lieu de se trouver entre les mains de la Providence, ils n'ont pu que subir les affres de la fatalité. La présence de cette servante chrétienne qui n'a pas un rôle véritablement déterminant au sein de l'intrigue a, par conséquent, une consonance symbolique. Elle est une sorte d'îlot auprès duquel Agénor peut se réfugier, elle est porteuse d'un univers autre, gouverné par la morale chrétienne et qui refuse la violence omniprésente dans l'univers païen. Cependant, les personnages demeurent fidèles à Irminsul et sont entraînés à leur perte. Le monde chrétien, apparaissant en filigrane, serait alors une solution alternative qu'ils n'auraient pas choisie : le maintien de leur 355 « Pourquoi ma mère, hélas! n'est-elle pas chrétienne?/ J'aurais besoin d'un dieu qui rassure et soutienne », ibid. 356 Ibid. 311 immersion dans la culture païenne déclenche l'engrenage de la fatalité et conduit à la scène d'horreur finale. L'opposition entre l'univers païen et chrétien est également largement exploitée dans la tragédie Le Gladiateur. Ces deux idéologies mises en présence permettent d'ailleurs à la pièce d'élargir l'espace dramatique et de faire place à l'épopée. L'action a une portée symbolique ce qui aboutit à un agrandissement du sens. Elle met en scène des personnages issus du monde païen et romain comme Faustine, mue par l'orgueil, le pouvoir et la cruauté, Flavien qui, par l'intermédiaire de Néodémie s'ouvre à une forme d'amour chrétien, néanmoins on note la présence d'Origène, qui témoigne des prémices du christianisme, qui a converti Néomidie et lui a servi de père. Les violences et la déchéance du monde romain sont mises à jour. Faustine a fait appel à l'Émonide pour devenir mère. Cette dernière exige que Faustine arrache dans le ventre de sa mère l'enfant dont le gladiateur est le père, Néomidie. Elle s'exécute et son fils César vivra autant de jours que Néomidie. La jeune fille est ensuite enlevée à son père et devient esclave mais conserve une marque sur le front, témoin de l'horreur vécue enfant. « Le théâtre représente de vastes jardins au bord du Tibre. Des statues de marbre de Paros, les plus rares arbustes de l'Orient les décorent. Sous les ombrages à gauche des spectateurs s'élèvent des lits de bronze et de nacre incrustés d'or et d'écailles de tortue. Une table de lapis, supportée par trois sphinx d'ivoire, est couverte de fruits, de fleurs et de coupes précieuses. Six jeunes esclaves portent des urnes d'albâtre et de vermeil servent les convives ». 312 Octavius Je bois à Flore Lucius Je bois à tous les dieux. Flavius Oui, même à l'Euménide? Lucius Et pourquoi pas rebelle? Á l'Euménide encor, si l'Euménide est belle. Flavien Tu ne la crains donc pas? Lucius Non, même chez les morts. Ma coupe peut suffire à noyer mes remords358. La répétition de « Je bois » qui scande les propos des convives et la référence à la beauté de l'Euménide témoignent des préoccupations purement matérielles voire blasphématoires des convives. Flavien ne semble toutefois pas partager (ou plutôt il ne semble plus partager) leur position décadente. Il évoque alors son amour pour Néodémie : L'amour qu'on a pour elle enseigne la vertu! J'ai livré tout mon coeur à son charme suprême ; Je ne suis libre, moi que depuis que je l'aime! Autrefois, d'un désir vers un autre emportés, Mes sens avaient subi le joug des voluptés ; [] Rome avait moins de dieux que je n'avais d'amours! Mais aujourd'hui l'amour sous sa puissante flamme A changé mes destins, m'a révélé mon âme. [ ] 358 Le gladiateur, II, 1. 313 C'est l'amour plus réel et plus beau que la gloire! Néodémie en moi a fait naître cette ardeur : Son front mélancolique et voilé de pudeur Brille comme une étoile aux mortels inconnue ; C'est Vesta tutélaire en mon palais venue359. L'évocation de l'amour de Flavien pour Néodémie ouvre une brèche dans ce décor bachique. L'opulence et le luxe, apanage du monde sensible mais illusoire, passent au second plan et se trouvent supplantés par le spirituel. Dès lors que Flavien témoigne de son amour pour la jeune chrétienne, la scène se détache du monde matériel et met à jour l'intimité du personnage. Son âme (c'est-à-dire Dieu?) lui a été révélé. Loin des préoccupations prosaïques, il semble entrer en contact avec l'essentiel, avec son propre coeur, avec lui-même. Par ce détachement du monde visible, il acquiert la véritable liberté qu'il ne manque d'ailleurs pas d'évoquer et d'associer à son amour pour Néodémie. Il lui oppose celle, illusoire, qui naît de la volupté. Conformément aux invectives de l'illuminisme, on reconnaît les vertus de l'amour salvateur, en mesure d'expier les fautes et les péchés. De plus, la liberté qui sera d'ailleurs envisagée à de nombreuses reprises dans le courant de la pièce, est ici comprise comme une donnée spirituelle et morale. Elle est associée à la vertu et ne correspond pas à une valeur sociale. Loin d'être une simple poétique, le christianisme est donc pour Soumet l'occasion de formuler les idéaux moraux qui doivent permettre l'élaboration d'un univers autre. Le monde païen dans lequel la violence et la décadence déferlent, lui rappellent peut-être celui de l'après révolution : un monde détaché de Dieu et donc privé, selon lui de valeurs morales. Toutefois, concernant le personnage de Flavien, on peut se demander si sa « conversion » est totale et durable. Si une comparaison aérienne (« son front brille comme un étoile » ) matérialise l'élévation spirituelle de Flavien, la métaphore de la Vesta vient rappeler son appartenance à l'univers païen. Et, Faustine désirant 359 Ibid. 314 l'épouser ne manquera pas de flatter son orgueil et sa soif de pouvoir en lui proposant de partager le trône avec elle. La présence du christianisme permet aussi le grandissement du caractère des personnages et les apparente ainsi à de véritable héros. Néodémie, esclave affranchie par Flavien, a la possibilité de voir son espérance comblée : elle est sur le point d'épouser son amant. Afin de déjouer les plans machiavéliques de Faustine pour empêcher ce mariage, Flavien en avance la date d'un jour et se retrouve avec sa promise au sein du temple.
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2004ENSL0302_2
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Open Science
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Décompositions algorithmiques des graphes
None
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Soient a et b respectivement dans VΩ1 S et VΩ2 S et μab une chaîne (x1,..., xp ) de a à b dans H. La réunion des sous-arbres de T correspondant aux sommets xi induit un sous-arbre Tμab de T. Comme a appartient à VΩ1 S, le sous-arbre Ta est inclus dans TΩ1. De même, Tb est inclus dans TΩ2. Par conséquent, Tμab contient l’arête Ω1 Ω2 ce qui implique qu’un des sous-arbres Txi passe par l’arête Ω1 Ω2. La chaîne μab rencontre donc S ce qui prouve bien que S sépare a de b. Nous pouvons revenir à la démonstration du théorème 2.28. Montrons tout d’abord que si Ω1 et Ω2 sont deux cliques adjacentes dans T, leur intersection S est un séparateur minimal. Soient a dans Ω1 Ω2 et b dans Ω2 Ω1. D’après le lemme 2.29, S est un a, b-séparateur. Comme S est inclus à la fois dans le voisinage de a et dans celui de b, les composantes a (S) et C b (S) sont pleines ce qui prouve que S est un a,b-séparateur CG G minimal. Réciproquement, soient S un a, b-séparateur minimal et Ta et Tb les sousarbres de T induits respectivement par les étiquettes contenant a et b. Les sommets a et b n’étant pas adjacents, les arbres Ta et Tb sont disjoints. Soient Ωa un nœud de Ta et Ωb un nœud de Tb tels que la chaîne (Ω1,..., Ωp ) de Ωa à Ωb soit la plus courte possible. Notons Si le séparateur Ωi ∩ Ωi+1 et montrons que S appartient à l’ensemble S des sépar ateurs Si. Il existe un séparateur Si de S qui est inclus dans S. Supposons que ce ne soit pas le cas, pour chaque i dans [1, p−1], il existe un sommet xi dans Si S. Comme xi et xi+1 appartiennent à Ωi+1, ils sont incidents. Nous pouvons donc construire une chaîne μab égale à (a, x1,..., xp−1, b). Cette chaîne relie a et b et évite S, ce qui contredit le fait que S soit un a, b-séparateur. Il 20 Chapitre 2. Préliminaires existe un séparateur Si inclus dans S. Mais d’après le lemme 2.29, Si sépare a et b. Comme S est un a, b-séparateur minimal et qu’il contient Si, il est égal à Si ce qui achève la démonstration. 2.3.3 Cliques maximales des hyper-graphes triangulés Le théorème de Lundquist, Ho et Lee permet de caractériser les séparateurs minimaux d’un hyper-graphe triangulé H à partir des cliques maximales de H. Il est aussi possible de donner une caractérisation des cliques maximales de H à l’aide des séparateurs minimaux de H. Ce sont ces liens que nous étudions dans cette partie. Propriété 2.30 Soit Ω une clique maximale d’un hyper-graphe triangulé H. Aucune composante connexe de HΩ n’est pleine par rapport à Ω. Nous allons démontrer cette propriété en raisonnant par l’absurde. Supposons qu’il existe une clique maximale Ω d’un hyper-graphe triangulé H qui admette une composante pleine C de HΩ. Notons NΩ (x) le voisinage de x dans Ω, c’est-à-dire l’ensemble N (x) ∩ Ω et montrons qu’il existe μ une chaîne (x1,..., xp ) de C telle que les voisinages dans Ω des sommets de l’intérieur de la chaîne ne contiennent strictement ni NΩ (x1 ) ni NΩ (xp ) et telle que NΩ (x1 )NΩ (xp ) et NΩ (xp )NΩ (x1 ) ne soient pas vides. À l’aide d’une telle chaîne de longeur minimale, nous allons construire un cycle sans corde de longueur au moins quatre. Soit x dans C dont le voisinage dans Ω est maximal. Comme Ω est une clique maximale, Ω ∪ {x} n’admet pas de clique. Il existe donc un sommet u dans ΩNΩ (x). Soient y un voisin de u dans C dont le voisinage dans Ω est maximal et μxy une chaîne entre x et y dans C. La maximalité de NΩ (x) et NΩ (y) assure qu’aucun voisinage NΩ (xi ) ne les contient strictement. De plus, par construction, NΩ (x)NΩ (y) et NΩ (y)NΩ (x) sont non vides. Considérons une telle chaîne μ la plus courte possible et un sommet xi de l’intérieur de μ. Si NΩ (xi ) est égal à NΩ (x1 ), alors en considérant la souschaîne (xi,..., xp ), nous obtenons une chaîne strictement plus courte que μ vérifiant les hypothèses requises. Les voisinages dans Ω des sommets de l’intérieur de μ ne contiennent pas NΩ (x1 ). De même, ils ne contiennent pas NΩ (xp ). De plus, ils sont inclus dans NΩ (x1 )∩NΩ (xp ). En effet, si ce n’est pas le cas, quitte à « retourner » μ, nous pouvons supposer que NΩ (xi ) n’est pas inclus dans NΩ (x1 ). Il existe donc un premier sommet xi0 le long de μ dont le voisinage dans Ω n’est pas inclus dans NΩ (x1 ). La chaîne (x1,..., xi0 ) est strictement plus courte que μ et vérifie les conditions requises contredisant ainsi le fait que μ soit la plus courte possible. Soient u dans NΩ (x1 )NΩ (xp ) et v dans NΩ (xp )NΩ (x1 ). À l’aide de u, v et μ, nous pouvons définir le cycle λ égal à (x1,..., xp, v, u, x1 ). Par construction, il n’y a pas de corde entre deux sommets xi et xj de μ. De 2.3. Graphes et hyper-graphes triangulés 21 plus, comme u n’appartient pas à NΩ (xp ) et que NΩ (xp ) contient chaque NΩ (xi ) pour i ≥ 2, u n’est adjacent à aucun sommet xi pour i ≥ 2. De même, v n’est adjacent à aucun sommet xi pour i < p. Le cycle λ n’a donc pas de corde. Or sa longueur est au moins quatre ce qui est absurde car H est triangulé. Lemme 2.31 Soit H un hyper-graphe triangulé et S un séparateur minimal de H. Pour toute clique maximale Ω de H, il existe une composante C de CH (S) telle que C ∪ S contienne Ω. Comme un séparateur minimal ne peut pas séparer deux sommets adjacents, Ω n’intersecte qu’une composante connexe C dans CH (S). La clique est donc incluse dans C ∪ S. Remarque 2.32 Le lemme 2.31 montre que si Ω est une clique maximale d’un hyper-graphe triangulé H et si, pour chaque séparateur minimal S, nous choisissons une composante connexe CS telle que Ω soit inclus dans CS ∪ S, alros la clique Ω est incluse dans l’intersection des ensembles CS ∪ S. Ceci nous conduit à introduire les notions de famille de séparateurs voisins et de partie entre séparateurs voisins définies par Bouchitté et Todinca. Définitions 2.33 ( Famille de séparateurs voisins, bloc) Soient G = (V, E) un hyper-graphe et Ω inclus dans V. Un séparateur minimal S inclus dans Ω borde Ω s’il existe une com∗ (S) telle que C ∪ S contienne Ω. Nous notons posante connexe C dans CG ΓG (Ω) le sous-ensemble de ∆G (Ω) des séparateurs minimaux qui bordent Ω. Une famille S de séparateurs minimaux de G est une famille de séparateurs voisins3 si pour chaque séparateur S dans S, il existe une composante ∗ (S) telle que C ∪ S contienne tous les séparateurs miconnexe CS dans CG S nimaux de S. Si aucun séparateur minimal de S ne contient les autres, la partie entre la famille S de séparateurs voisins est l’ensemble PG (S) égal à T S∈S CS ∪ S. Un bloc de G est soit une partie entre séparateurs voisins, soit un en∗ (S). semble de la forme C ∪ S avec C un élément de CG Lemme 2.34 Soient H un hyper-graphe triangulé et Ω une clique maximale de H. Les ensembles ΓH (Ω) et ∆H (Ω) sont égaux. Comme nous l’avons déjà dit, ΓH (Ω) est un sous-ensemble de ∆H (Ω). Inversement, si S est un séparateur minimal de ∆H (Ω), le lemme 2.31 montre qu’il existe une composante connexe C de CH (S) telle que C ∪ S contienne 3 Bien qu’elle soit mal choisie, nous gardons cette dénomination pour des raisons historiques. 22 Chapitre 2. Préliminaires Ω. De plus, comme Ω est une clique, et que S est strictement inclus dans Ω, il existe un sommet de ΩS dont le voisinage contient S. Par conséquent, la composante C est pleine ce qui prouve que S borde Ω. La propriété suivante précise la remarque 2.32. Théorème 2.35 ([Tod99]) Soient H un hyper-graphe triangulé et Ω une clique maximale de H. Si tous les éléments de ΓH (Ω) sont inclus dans un séparateur minimal S de ΓH (Ω), ∗ (S). Dans alors Ω est un bloc C ∪ S oùC est une composante connexe de CH le cas contraire, PH ΓH (Ω) existe et est égal à Ω. D’après le lemme 2.34, les ensembles ∆H (Ω) et ΓH (Ω) sont égaux. Plaçons-nous dans le premier cas, c’est-à-dire celui où un séparateur minimal S de ΓH (Ω) contient tous les autres. D’après le lemme 2.31, il existe une composante connexe C de CH (S) telle que C ∪ S contienne Ω. De plus, comme S est inclus dans Ω, la composante C est pleine par rapport à S. Supposons que Ω ne soit pas égal à C ∪S et qu’il existe un sommet x dans CΩ. Considérons dans un arbre des cliques de H une chaîne Ω, Ω1,..., Ωp de cliques adjacentes de sorte que x appartienne à Ωp. Alors l’ensemble T égal à Ω ∩ Ω1 est un séparateur minimal inclus dans Ω. Le séparateur T est donc un élément de ΓH (Ω) et par hypothèse, T est inclus dans S. Puisque x n’appartient pas à Ω, le lemme 2.29 permet d’affirmer que T sépare x de ΩT. Comme T est inclus dans S, S sépare x de ΩS qui n’est pas vide (prop 2.30) contredisant le fait que Ω et x soient tous les deux inclus dans C ∪ S. L’ensemble Ω est donc bien égal à C ∪ S. Plaçons-nous dans le second cas et supposons qu’aucun élément de ΓH (Ω) ne contient tous les autres. Pour chaque séparateur minimal S de ΓH (Ω), il existe d’après le lemme 2.31 une composante connexe CS de CH (S) telle que CS ∪ S contienne Ω. L’ensemble Ω est donc inclus dans P ΓH (Ω). Supposons que cette inclusion soit stricte et qu’il existe un sommet x dans P ΓH (Ω) Ω. Comme dans le premier cas, considérons une chaîne Ω, Ω1,..., Ωp de cliques maximales adjacentes d’un arbre des cliques de H telle que x appartienne à Ωp. Le séparateur T égal à Ω∩Ω1 est un élément de ΓH (Ω). D’après la propriété 2.30, ΩT est non vide. Le lemme 2.29 montre que T sépare x de ΩT, ce qui contredit le fait que Ω et x soient inclus dans P ΓH (Ω). L’ensemble Ω est donc bien égal à P ΓH (Ω). Chapitre 3 Énumération des séparateurs minimaux Sommaire 3.1 3.2 3.3 3.4 Le treillis des a,b-séparateurs minimaux... Comment produi re des séparateurs minimaux L’algorithme d’énumér ation de Berry et col. Un second algorithme............. 24 25 28 30 L’étude des triangulations des hyper-graphes et des décompositions arborescentes est étroitement liée à celle des séparateurs minimaux. Ceux-ci apparaissent en effet dans nombre de résultats sur les hyper-graphes triangulés, les triangulations ou le calcul effectif de la largeur arborescente. Nous pouvons citer, par exemple, le théorème 2.22 de Dirac, le théorème 5.3 de Parra et Scheffler ou les résultats de Bouchitté et Todinca [BT01a, BT01b ]. Énumérer efficacement les séparateurs minimaux nous conduit à approfondir notre connaissance de ces objets. En outre, ceci constitue la première étape de l’algorithme de calcul de largeur arborescente de Bouchitté et Todinca [BT01a, BT01b]. Cet algorithme est polynomial pour une classe de graphes ayant un nombre polynomial de séparateurs minimaux. Nous montrons aux chapitres 6 et 7 que les séparateurs minimaux jouent aussi un rôle important dans l’étude des décompositions en branches. Escalante [Esc72] montre que l’ensemble des séparateurs minimaux peut être muni d’une structure de treillis 4. En utilisant cette structure, Kloks et Kratsch [KK98] obtiennent un algorithme d’énumération des séparateurs minimaux dont la complexité en temps est en O(n5 ) par séparateur. Cet algorithme ainsi que des versions ultérieures [SL97, KK98] énumèrent les a, b-séparateurs minimaux pour tous les couples de sommets (a, b). La propriété 2.10 montre qu’un séparateur minimal est un a, b-séparateur minimal pour un nombre important de couples (a, b). Ces algorithmes calculent donc un séparateur minimal un nombre important de fois. Berry et col. [BBC00] présentent un algorithme qui énumère de façon globale les séparateurs minimaux. Ils obtiennent ainsi une complexité en temps O(nm) par séparateur, ce qui constitue un gain important. Néanmoins, ils notent que leur algorithme peut encore obtenir un même séparateur minimal n fois. 4 C’est-à-dire d’une structure d’ordre où l’ensemble des éléments plus grands (resp. plus petits) que deux éléments x et y admet un plus petit (resp. plus grand) élément. 24 Chapitre 3. Énumération des séparateurs minimaux Nous commençons ce chapitre en présentant la structure de treillis des a, b-séparateurs minimaux et en montrant comment obtenir certains séparateurs minimaux à partir d’autres [KK98, KK98]. À l’aide de ces processus de production, nous présentons l’algorithme de Berry et col. puis un nouvel algorithme qui calcule l’ensemble des a, b-séparateurs minimaux pour a fixé. La stratégie employée par l’algorithme de Berry consiste à produire des séparateurs minimaux le plus vite possible quitte à les obtenir plusieurs fois ; il confie la détection de ces réapparitions à une structure de données généraliste. À l’inverse, notre algorithme s’attache à produire un séparateur minimal une seule fois quitte à ce que cela prenne plus de temps. Pour cela, il maintient des informations supplémentaires qui lui permettent de détecter et donc d’éviter d’éventuelles réapparitions de séparateurs. De cette façon, il peut être adapté à certaines classes d’hyper-graphes. Nous en déduisons au chapitre 8 un algorithme d’énumération des séparateurs minimaux des hyper-graphes planaires en O(n) par séparateur. 3.1 Le treillis des a,b-séparateurs minimaux Si nous fixons un ensemble H et deux éléments distincts x et y dans H, l’ensemble des parties de H contenant x mais pas y est un treillis pour la relation d’inclusion : l’inf de deux ensembles est leur intersection et leur sup est leur union. Pour les a, b-séparateurs minimaux, la situation est comparable. Définition 3.1 Soient S et T deux a, b-séparateurs minimaux d’un hyper-graphe G = (V, E). a (S) est inclus Le séparateur S est plus proche de a que T (noté 4a T ) si CG a dans CG (T ). Propriété 3.2 ([KK98]) L’ensemble des a, b-séparateurs minimaux d’un hyper-graphe G forme un treillis pour la relation d’ordre 4a. Soient S et T deux a, b-séparateurs minimaux, CU la composante cona (S) ∩ C a (T ) contenant a et U le voisinage dans G de cette nexe de CG G composante. Par construction, tout a, b-séparateur minimal plus proche de a que S et T est plus proche de a que U. Nous allons maintenant prouver que U est un a, b-séparateur minimal et donc que l’inf de S et T existe. a (U ) est égale à C ; elle est pleine par Par construction, la composante CG U b rapport à U. Montrons que CG (U ) l’est aussi. Pour cela, fixons un sommet x de U. Les séparateurs S et T jouant des rôles symétriques, nous pouvons b (S) étant pleine, il existe supposer que x appartient à S. La composante CG b une chaîne Pxb de x à b contenue dans CG (S) ∪ {b}. Les sommets de U sont a (S), dans le voisinage de CU. Par conséquent ce sont soit des sommets de CG soit des sommets de S. La chaîne Pxb ne rencontre donc pas l’ensemble 3.2. Comment produire des séparateurs minimaux S a U 25 T V b a Le séparateur U = NG CG (S ∪ T ) est l’inf de S et T. b De même, V = NG CG (S ∪ T ) est le sup de S et T. Fig. 3.1 – L’inf et le sup de deux séparateurs minimaux b (U ). Le sommet x U {x} ce qui prouve que x est dans le voisinage de CG b étant quelconque, la composante connexe CG (U ) est pleine. L’ensemble U est donc un a, b-séparateur minimal. L’ensemble des a, b-séparateurs minimaux est un inf-demi-treillis pour la relation 4a. a (S) est inclus dans Si S est plus proche de a que T, par définition, CG b b et donc CG (T ) est inclus dans CG (S), c’est-à-dire T est plus proche de b que S. Ceci prouve que sup4a (S, T ) est égal à inf 4b (S, T ) ce qui achève la démonstration. a (T ) CG 3.2 Comment produire des séparateurs minimaux La caractérisation des séparateurs minimaux à l’aide de composantes pleines (prop. 2.10) permet de construire certains a, b-séparateurs minimal à partir de a, b-séparateurs. Lemme 3.3 Soit R un a, b-séparateur d’un hyper-graphe G tel que la com- a (R) soit pleine par rapport à R. L’ensemble N C b (R) posante connexe CG G est un a, b-séparateur minimal S. Comme a et b ne sont pas dans la même composante connexe de GR, b (R). Par conséquent, l’ensemble S toute chaîne de a à b doit sortir de CG est un a, b-séparateur. De plus, celui-ci possède au moins une composante pleine : celle contenant b. a (R) est incluse Comme S est inclus dans R, la composante connexe CG a (S). Par conséquent, tout sommet de S est voisin d’un sommet de dans CG 26 Chapitre 3. Énumération des séparateurs minimaux a (R) et donc de C a (S). La composante C a (S) est pleine par rapport à S CG G G et donc S est un a, b-séparateur minimal. En utilisant ce lemme, nous pouvons construire facilement certains séparateurs minimaux. Pour cela, il faut partir d’un a, b-séparateur dont la composante contenant a est pleine : c’est le cas du voisinage de a con vient. Nous obtenons ainsi la première classe de séparateurs minimaux de Kloks et Kratsch . Corollaire et définition 3.4 (Séparateurs proches d’un sommet) Soient G un hyper-graphe et x un sommet de G. Les voisinages dans G des composantes connexes de G N (x) ∪ {x} sont des séparateurs minimaux. Nous disons qu’un tel séparateur est proche de x. Lemme 3.5 Soient a et b deux sommets non adjacents d’un hyper-graphe G. Le voisinage de la composante connexe de GN (a) contenant b est le plus petit a, b-séparateur minimal pour la relation 4a. Soient S le a, b-séparateur minimal inclus dans le voisinage de a et T b (T ) n’est adjacent à un autre a, b-séparateur minimal. Aucun sommet de CG a sans quoi nous pourrions construire une chaîne de a à b dans l’ensemble b (T ) ∪ {a}. Une telle chaîne éviterait T contredisant le fait que T soit CG b (T ) est inclus dans C b (S) donc un a, b-séparateur. Nous déduisons que CG G a a CG (S) est inclus dans CG (T ) ; S est plus proche de a que T. Le séparateur T étant quelconque, S est le plus petit élément du treillis des a, b-séparateurs minimaux. Nous pouvons aussi utiliser le lemme 3.3 pour obtenir de nouveaux séparateurs minimaux à partir d’un séparateur minimal S donné. Pour cela, nous allons « pousser » un sommet de S en dehors du séparateur et ainsi obtenir le second type de séparateurs minimaux de Kloks et Kratsh. Corollaire et définition 3.6 (Séparateur proche d’un autre) Soient S un a, b-séparateur minimal d’un hyper-graphe G et x un sommet de S non adjacent à a. Le voisinage Sa:x dans G de la composante connexe a S ∪ N (x) est un séparateur minimal. Le séparateur S CG a:x est obtenu en poussant x loin de a. Nous dirons qu’il est proche de S. a (S Par construction, Sa:x est inclus dans S ∪ N (x), CG a:x ) est donc a b b (S inclus dans CG (S). Ceci implique que CG (S) est inclus dans CG a:x ). Comme de plus, x ne fait pas partie de Sa:x et qu’il est voisin d’un sommet b (S), le sommet x appartient à C b (S de CG G a:x ). Pour résumer : b (S) donc ils – tous les sommets de S sont adjacents à un sommet de CG b sont adjacents à un sommet de CG (Sa:x ) ; – tous les sommets de N (x) sont adjacents à x donc ils sont adjacents à b (S un sommet de CG a:x ). 3.2. Comment produire des séparateurs minimaux c c a S ⊆ N (a) b 27 U a b T b Le séparateur S = NG CG (N (a)) est proche de a. c (S ∪ N (a)) est proche de T. Le séparateur U = NG CG Fig. 3.2 – Séparateurs proches d’un sommet ou d’un autre séparateur b (S La composante connexe CG a:x) est pleine. Comme, par construction, a CG (Sa:x) l’est aussi et qu’elles sont distinctes, Sa:x est bien un séparateur minimal. Lemm e 3.7 Soient S un a, b-séparateur minimal d’un hyper-graphe G et x dans SN (b). Le séparateur Sb:x obtenu en poussant x loin de b est le plus petit a, b-séparateur minimal plus grand que S et ne contenant pas x pour la relation 4a. Soient Sb:x le séparateur minimal obtenu en poussant x loin de b et T un autre a, b-séparateur minimal plus grand que S et ne contenant pas b (T ) n’est adjacent à S ni à N (x) sans quoi nous x. Aucun sommet de CG a (S) ∪ {x} ∪ C b (T ). Une pourrions construire une chaîne de a à b dans CG G telle chaîne éviterait T contredisant le fait que T soit un a, b-séparateur. De b (T ) est inclus dans C b (S ceci nous déduisons que CG G b:x ) et donc que Sb:x est plus proche de a que T. Le séparateur T étant quelconque, Sb:x est le plus petit élément du treillis des a, b-séparateurs minimaux plus grand que S et ne contenant pas x. Intuitivement, le séparateur Sb:x ne devrait pas être très éloigné de S dans le treillis des a, b-séparateurs minimaux ; le lemme 3.7 va d’ailleurs dans ce sens. Malheureusement, comme l’illustre la figure 3.3, le séparateur Sb:x peut être arbitrairement éloigné de S dans ce treillis. 28 Chapitre 3. Énumération des séparateurs minimaux x a S Sb:x→ b Le séparateur Sb:x est obtenu en poussant x loin de b. Il est donc proche de S. Pourtant, dans le treillis des a, b-séparateurs minimaux, tous les séparateurs représentés en pointillés sont entre S et Sb:x. Le séparateur Sb:x peut donc être arbitrairement loin de S. Fig. 3.3 – Si proche et pourtant si loin. 3.3 L’algorithme d’énumération de Berry et col. Si nous cherchons à énumérer les séparateurs minimaux d’un hypergraphe et que nous disposons d’un séparateur minimal S, nous pouvons essayer de pousser un sommet x de S dans toutes les directions pour obtenir d’autres séparateurs minimaux. Les séparateursainsi obtenus sont les voisinages des composantes connexes de G S ∪ N (x). En systématisant ce procédé à tous les sommets de S et à chaque nouveau séparateur obtenu, nous obtenons l’algorithme 3.1 [BBC00] dû à Berry, Bordat et Cogis. Les corollaires 3.4 et 3.6 certifient que cet algorithme calcule bien des séparateurs minimaux. La propriété 3.8 prouve la correction de cet algorithme. Propriété 3.8 L’algorithme enumeration calcule tous les séparateurs minimaux d’un hyper-graphe donné. Supposons par l’absurde que l’algorithme enumeration ne produit pas un a, b-séparateur minimal S. Dans la phase d’initialisation, enumeration calcule tous les séparateurs minimaux inclus dans les voisinages des sommets de l’hyper-graphe. En particulier, il calcule le a, b-séparateur minimal inclus dans le voisinage de a. L’algorithme calcule donc au moins un a, b-séparateur minimal. De plus, d’après le lemme 3.5, celui-ci est plus proche de a que S. Parmi les a, b-séparateurs minimaux plus proches de a que S produits par l’algorithme, considérons Sc le a, b-séparateur minimal le plus loin de a possible. Si Sc et S sont distincts, il existe un sommet x de Sc S appartenant a (S). Si nous poussons le sommet x de b vers a, à la composante connexe CG nous obtenons un nouveau séparateur minimal plus grand que Sc. Or d’après le lemme 3.7, celui-ci est plus petit que S ce qui contredit la maximalité de 3.3. L’algorithme d’énumération de Berry et col. Algorithme 3.1 29 enumeration entrée : G = (V, E) un hyper-graphe sortie : S : l’ensemble des séparateurs minimaux de G début S←∅ L←∅ // liste desséparateurs non traités pour chaque x ∈ V et C ∈ CG x ∪ N (x) faire si N (C) 6∈ S alors L ← L ∪ N (C) S ← S ∪ N (C) tant que L 6= ∅ faire soit S ∈ L L ← L{S}. pour chaque x ∈ S et C ∈ CG S ∪ N (x) faire si N (C) 6∈ S alors L ← L ∪ N (C) S ← S ∪ N (C) rendre S fin 30 Chapitre 3. Énumération des séparateurs minimaux Sc. L’algorithme a donc bien calculé le séparateur minimal S. Propriété 3.9 L’algorithme enumeration peut être implémenté de façon à avoir une complexité en temps O(nm) par séparateur. Pour atteindre la complexité annoncée, nous avons besoin, pour les ensembles L et S, de structures de données permettant des insertions, des suppressions et des tests d’appartenance à un ensemble S en temps O(|S|). Pour plus de précisions sur ce type de structures de données (en particulier les arbres AVL et les files), nous renvoyons le lecteur à [BBC92] ou à [CLR01]. Soit S un séparateur minimal testé dans la boucle de production. Pour chaque sommet x de S, nous calculons le voisinage dans G des composantes connexes de G S ∪ N (x) ; chacun de ces calculs de voisinage peut se faire en faisant un parcours de G. Cette étape coûte au total O(nm). Pour chaque séparateur S 0 ainsi trouvé, il faut tester si S 0 appartient déjà à S, ce qui coûte |S 0 | puis, le cas échéant, l’insérer dans S et L ce qui coûte aussi |S 0 |. Chaque séparateur S 0 trouvé en poussant le sommet x est le voisinage d’une composante connexe CS 0 de G S ∪ N (x). Par conséquent, à chaque sommet de S 0 nous pouvons associer une hyper-arête qui le relie à CS 0. En faisant cela pour chaque sommet, il apparaît que la somme des tailles des séparateurs minimaux obtenus en poussant x est au plus m ; le coût induit par la poussée sur x est O(m). L’algorithme effectue au plus n poussées par séparateur ce qui coûte O(nm) par séparateur. Remarque 3.10 Dans le cas des graphes planaires, l’algorithme enumeration fonctionne en O(n2 ) par séparateur. En effet, comme le degré moyen d’un sommet d’un graphe planaire est strictement inférieur à six, le nombre d’arêtes d’un tel graphe est inférieur à trois fois le nombre de sommets5. 3.4 Un second algorithme Nous allons présenter un second algorithme général qui calcule un sousensemble des séparateurs minimaux d’un hyper-graphe. Avant de le présenter, nous allons définir quelques classes de séparateurs minimaux. Définitions 3.11 Soient G = (V, E) un hyper-graphe, a un sommet de V et B inclus dans V. L’ensemble Sa,B désigne l’ensemble des a, b-séparateurs minimaux avec 12 Plus précisément, le degré moyen est au plus égal à 6 − et le nombre maximal n d’arêtes est 3n − 6. Pour une démonstration de ces résultats, nous renvoyons le lecteur à [Die00]. 5 3.4. Un second algorithme 31 b dans B. L’ensemble Sa,V est noté Sa. Les éléments de Sa sont appelés des a, ∗-séparateurs minimaux. Nous ordonnons Sa par la relation 4a. Si S est un a, ∗-séparateur minimal, nous notons BS l’ensemble des sommets b de V tels que S soit un a, b-séparateur minimal. Soit x dans S et O inclus dans S. L’ensemble Sa,B (S, O) désigne le sous-ensemble de Sa,B constitué des séparateurs contenant O plus éloignés de a que S et Sxa,B (S, O) le sousensemble de Sa,B (S, O) constitué des séparateurs minimaux ne contenant pas x. La notation BS est légèrement ambiguë. Il serait plus juste de noter cet ensemble BSa mais il n’y aura jamais de doute sur le sommet a auquel la notation fait implicitement référence. D’après la propriété 2.10, si S est un a, b-séparateur minimal, S est un b (S) ; C b (S) est a, c-séparateur minimal pour n’importe quel sommet c de CG G donc inclus dans BS. Cependant, BS n’est pas forcément réduit à une unique composante connexe de GS : c’est la réunion des composantes connexes pleines de GS ne contenant pas a. L’algorithme que nous allons présenter énumère les séparateurs minimaux de l’ ensemble Sa. Pour cela, il le décompose récursivement en ensembles de la forme Sa,B (S, O) en utilisant la propriété suivante. Propri été 3.12 Soient S un a, ∗-séparateur minimal, x dans S, O inclus dans V et (Si )i∈I les voisinages dans G des composantes connexes de BS N (x). Les ensembles Si sont des a, ∗-séparateurs minimaux et, en notant t l’union disjointe : G x Sa,BS (S, O) Sa,BS (S, O) = Sa,BS S, O ∪ {x} G Sxa,BS (S, O) = Sa,BSi (Si, O). i∈I La première égalité est claire. En effet, si S 0 est un séparateur minimal de Sa,BS S, O, soit x est dans S 0 auquel cas S 0 appartient à Sa,BS S, O ∪ {x}, soit x n’appartient pas à S 0 auquel cas S 0 appartient à Sxa,BS (S, O). F L’ensemble T = i∈I Sa,BSi(Si, O) est un sous-ensemble de Sxa,BS(S, O). Le lemme 3.7 justifie l’inclusion réciproque. En effet, soit T un a, b-séparateur minimal de Sxa,BS (S, O). D’après le lemme 3.7, le voisinage de la composante connexe de G S ∪ N (x) contenant b est le a, b-séparateur minimal ne contenant pas x le plus proche de a parmi ceux qui sont plus loin de a que S. Ce séparateur minimal est l’un des Si. Par conséquent, T appartient à l’un des ensembles Sa,BSi (Si, O). Les ensembles Sxa,BS (S, O) et T sont donc égaux. F Prouvons que l’union i∈I Sa,BSi(Si, O) est disjointe. Pour cela, supposons qu’il existe un séparateur minimal S 0 dans Sa,BSi(Si, O) ∩ Sa,BSj(Sj, O). Comme BS 0 est inclus dans BSi et dans BSj, les ensembles BSi et BSj ont au 32 Chapitre 3. Énumération des séparateurs minimaux moins un sommet b en commun. Soit C la composante connexe de Bs ∩N (x) contenant b. Cette composante connexe est pleine à la fois par rapport à Si et par rapport à Sj donc Si = N (C) = Sj ce qui est absurde. Les ensembles Sa,BSi (Si, O) et Sa,BSj (Sj, O) sont donc disjoints. Algorithme 3.2 calc_a*_aux : Énumération de Sa ,BS (S , O ) entrée : G = (V, E) un hyper-graph e a∈V S un a, ∗-sépar ateur minimal O⊆S sortie : Sa,BS (S , O ) début S← ∅ pour chaque x ∈ SO faire si Sxa,BS (S, O) 6= ∅ alors pour chaque Si élément minimal de Sxa,BS (S, O) faire S ← S∪ calc_a*_aux (G, a, Si, O) O ← O ∪ {x} rendre S ∪ {S} fin Propriété 3.13 Les algorithmes calc_a*_aux et calc_a* sont corrects. Étudions tout d’abord l’algorithme calc_a*_aux. La boucle pour chaque peut s’écrire sous une forme récursive : Soit x ∈ SO si Sxa,BS (S, O) 6= ∅ alors pour chaque Si élément minimal de Sxa,BS (S, O) faire S ← S∪ calc_a*_aux (G, a, Si, O) S ← S∪ calc_a*_aux G, a, S, O ∪ {x} rendre S Sous cette forme, la boucle devient une transcription exacte de la propriété 3.12 qui assure que si les séparateurs minimaux Si sont les voisinages dans G des composantes connexes de BS N (x), nous avons les égalités sui- 3.4. Un second algorithme 33 vantes : Sa,BS (S, O) = Sa,BS S, O ∪ {x} G Sxa,BS (S, O) = Sa, BS i ( Si , O ). G Sxa,BS (S, O) i∈I En ce qui concerne l’algorithme calc_a*, le lemme 3.5 justifie que les séparateurs minimaux Si inclus dans N (a) sont les éléments minimaux pour la relation 4a et comme tout a, ∗-séparateur minimal S est plus éloigné de a que l’un des Si, S appartient à l’un des ensembles Sa,BSi (Si, ∅). Algorithme 3.3 calc_a* : Énumération de l’ensemble Sa entrée : G = (V, E) : un hyper-graphe a∈V sortie : Sa : l’ensemble des a, ∗-séparateurs minimaux de G début S←∅ pour chaque S séparateur minimal inclus dans N (a) faire S ← S∪calc_a*_aux(G, a, S, ∅) rendre S fin Propriété 3.14 Les algorithmes calc_a*_aux et calc_a* peuvent être implémentés de façon à avoir une complexité en temps O(nm) par séparateur. Considérons tout d’abord l’algorithme calc_a*_aux. – Un élément minimal Si de Sxa,BS (S, O) est le voisinage dans G d’une composante connexe de Bs N (x). De plus, Si doit contenir O. Par conséquent, ces séparateurs peuvent être obtenus grâce à un parcours de G. Chacune de ces exécutions coûte donc O(m) ; – Pour tester si l’ensemble Sxa,BS (S, O) est vide ou non, nous pouvons naïvement calculer ses éléments minimaux. Ce faisant, nous sommes ramenés au problème précédent qui se résoud donc en O(m) ; – Si l’ensemble S est implémenté grâce à une liste, chaque insertion dans S se fait en temps constant. Chaque passage dans la boucle coûte donc O(m). Il y a |SO| passages dans cette boucle donc au plus n passages. Le temps de calcul pour un séparateur minimal S donné est donc O(nm). 34 Chapitre 3. Énumération des séparateurs minimaux En ce qui concerne l’algorithme calc_a*, le lemme 3.5 justifie que les séparateurs minimaux inclus dans N (a) sont les voisinages des composantes connexes de GN (a). Ils peuvent donc être calculés grâce à un parcours de l’hyper-graphe. Comme l’algorithme calc_a*_aux peut être implémenté de façon à avoir une complexité en temps O(nm) par séparateur, nous obtenons une complexité totale en O(nm) par séparateur pour calc_a*. Nous revenons sur ce second algorithme au chapitre 8 et nous montrons comment, dans le cas des hyper-graphes planaires 3-connexes, le spécialiser pour de façon à ce qu’il fonctionne en O(n) par séparateur. Dans ce cas particulier, notre algorithme est plus efficace que l’algorithme enumeration. Chapitre 4 Diviser pour régner Sommaire 4.1 4.2 4.3 Décompositions arborescentes......... Décompositions en branches.......... Matriochkas et arbres de matriochkas..... 4.3.1 Matriochkas................. 4.3.2 Arbres de matriochkas........... 4.3.3 Extensions d’arbres de matriochkas.... 4.4 Quelques liens entre ces deux décompositions....... 35 40 43 44 45 47 50 Le principe d’un schéma « diviser pour régner » est de diviser un problème de façon récursive en sous-problèmes, de résoudre chacun des sousproblèmes puis de fusionner les résultats partiels pour obtenir une solution générale. Un exemple d’une telle technique est le « tri fusion » : pour trier une liste l, la découper en deux listes l1 et l2 de tailles équivalentes ; trier chacune des deux listes puis fusionner les deux sous-listes triées. Pour qu’une telle technique soit efficace, il faut s’arranger pour que les sous-problèmes se résolvent bien de façon inductive et pour que l’opération de fusion se fasse bien. Ainsi, la façon dont le problème principal est découpé est très importante. Dans le cas du tri fusion, si la liste est découpée de façon totalement déséquilibrée en formant une liste de taille 1 et une seconde de taille n−1, nous obtenons le tri par insertion dont la complexité en moyenne 2 est O(n ) alors qu’elle est O n ln(n) pour le tri fusion6. 4.1 Décompositions arborescentes Dé finition 4.1 (Décomposition arborescente) Soit G = (V, E) un hyper-graphe. Une décomposition arborescente Tθ de G est un arbre T muni d’une fonction θ d’étiquetage des nœuds de T de telle sorte que : (i) les étiquettes de T soient des ensembles de sommets de G ; (ii) chaque sommet de G apparaît dans au moins une étiquette ; (iii) les extrémités de chaque hyper-arête de G apparaissent simultanément dans au moins une étiquette de T ; 6 Pour une présentation plus précise de ces algorithmes de tri, voir [BBC92] ou [CLR01]. 36 Chapitre 4. Diviser pour régner (iv) si un sommet apparaît dans les étiquettes de deux nœuds u et v de T, alors il apparaît dans les étiquettes de tous les nœuds de la chaîne de T de u à v. La figure 4.2 est une décomposition arborescente du graphe G de la figure 4.1. Cette définition ressemble beaucoup à celle d’arbre des cliques (déf. 2.24). Effectivement, si Tθ est une décomposition arborescente d’un hyper-graphe G et que nous ajoutons à G des arêtes de telle sorte que chacune des étiquettes de Tθ induise une clique de G, le sur-hyper-graphe H ainsi défini est une triangulation de G. Un certain nombre de problèmes comme celui de la clique maximale ou de la coloration se résolvent bien sur les hyper-graphes triangulés. Il semble naturel qu’une « bonne » décomposition arborescente et donc une « bonne » triangulation de G puisse aider à résouder un problème sur G. Cependant, il n’est pas clair que cette intuition se confirme de façon générale. Nous allons montrer comment certaines approches « diviser pour régner » sur des graphes mènent à des décompositions arborescentes. Afin d’utiliser ce type de techniques, il faut choisir comment « découper » le graphe en morceaux plus petits tout en conservant une trace de la structure de G pour pouvoir combiner les solutions particulières en une solution globale. Une approche possible est celle de l’algorithme 4.1 ; elle consiste à utiliser un a, b-séparateur minimal S de G. Ce séparateur minimal induit plusieurs composantes connexes (Ci )i∈I de GS. Pour construire des « morceaux », nous allons successivement porter notre attention sur chacune des composantes Ci en supprimant les autres. Si la composante Ci n’est pas pleine, nous supprimons aussi les sommets de S qui ne sont pas voisins d’un sommet de Ci. Néanmoins, nous complétons S en une clique pour garder la trace du fait que deux sommets quelconques de S sont reliés par une chaîne dont l’intérieur est dans une composante pleine de S. Nous définissons ainsi le graphe Gi correspondant au sous-graphe G Ci ∪ N (Ci ) dans lequel nous avons complété N (Ci ) en une clique. Pour obtenir une décomposition complète de G, nous utilisons récursivement la même méthode sur les graphes (Gi )i∈I. La figure 4.1 illustre un tel découpage récursif. Compléter les sommets de S en une clique de Ga et de Gb présente un autre intérêt. En effet, les sommets de S ne peuvent pas être séparés lors des découpages successifs de Ga et de Gb. Ils apparaissent donc dans au moins une des cliques irréductibles que nous obtenons à l’issue de ces découpages successifs. Par conséquent, nous pouvons extraire une structure arborescente représentant l’ordre des découpages : – si G est une clique, nous définissons un arbre Tθ ne contenant qu’un seul nœud x et donc l’étiquette est V ; 4.1. Décompositions arborescentes 37 g G1 f f e g d e e b i f c h f j a g g G2 h f i b c S G g c b b g d g d G3 f i a f i j e g f i f i j j a a j e e e i g Pour décomposer le graphe G, – on complète un séparateur S en une clique; i – on considère les composantes connexes Ci de GS pour construire les graphes Gi ; – on décompose les graphes Gi. f a e e Fig. 4.1 – Une décomposition récursive d’un graphe G 38 Chapitre 4. Diviser pour régner – sinon, nous obtenons récursivement plusieurs décompositions (Ti )θi correspondant aux graphes Gi. La clique S ne pouvant être subdivisée, l’étiquette d’un nœud yi de Ti contient N (Ci ). Nous obtenons alors un arbre Tθ en reliant les nœuds yi à un nœud x dont l’étiquette est S. Algorithm e 4.1 decomposition_arborescente entrée : G = (V, E) un graphe connexe. sortie : T : une décomposition arborescente de G début si G est une clique alors T ← l’arbre réduit à un nœud contenant V sinon S ← un a, b-séparateur minimal de G Compléter G[S] en une clique T ← l’arbre réduit à un nœud x contenant S pour chaque composante connexe Ci de GS faire Ti ←decomposition_arborescente G[Ci ∪ N (Ci ) yi ← un nœud de Ti dont l’étiquette contient N (Ci ) attacher Ti à T en reliant x et yi rendre (T ) fin L’algorithme decomposition_arborescente formalise le processus que nous venons de décrire. Il est aisé de se convaincre qu’il produit bien des décompositions arborescentes. Nous avons vu comment certaines décompositions arborescentes peuvent correspondre à des schémas généraux « diviser pour régner » sur des graphes. Pour évaluer l’efficacité d’un tel schéma, il faut prendre en compte deux paramètres. D’une part, la taille des séparateurs minimaux conditionne l’opération de fusion des solutions partielles ; nous devons donc chercher à utiliser des séparateurs minimaux les plus petits possibles. D’autre part, la taille des cliques irréductibles conditionne le calcul des solutions partielles initiales. Celles-ci correspondant aux étiquettes de la décomposition, nous devons donc aussi chercher à minimiser leur taille. Comme les séparateurs minimaux considérés sont tous inclus dans une étiquette de la décomposition, le paramètre naturel à minimiser est la taille d’une plus grosse étiquette. Plus formellement, nous définissons la largeur arborescente : 4.1. Décompositions arborescentes 39 {a, e, i} {e , i} {d, f, g, i} {e, f, i, j} {f, g, i} {e, f, i} {e, f, g, i} {e, f, g} {f, g, h} {b, e, f, g} {b, g} {b, c, g} Cet arbre correspond à la décomposition de la figure 4.1. Les nœuds elliptiques correspondent aux séparateurs minimaux utilisés et les autres aux cliques irréductibles. Fig. 4.2 – L’arbre de décomposition de la figure 4.1 40 Chapitre 4. Diviser pour régner Définition 4.2 (Largeur arborescente) Soit G un hyper-graphe. La largeur d’une décomposition arborescente Tθ de G est la taille d’une plus grosse étiquette de Tθ moins un. La largeur arborescente de G notée tw(G)7 est la plus petite largeur d’une de ses décompositions arborescentes. Le « moins un » sert à ce que les arbres et les forêts aient une largeur arborescente de un. 4.2 Décompositions en branches Dans une optique « diviser pour régner », seules les opérations de découpe et de fusion devraient être coûteuses. Obtenir une solution sur un cas de base devrait se faire rapidement sinon ce cas de base devrait pouvoir se redécouper. De ce point de vue, les décompositions arborescentes ne sont pas optimales. En effet, la taille du plus grand séparateur minimal utilisé pour diviser le graphe dans une telle décomposition peut être arbitrairement plus petite que la largeur de cette décomposition. De ce point de vue, les décompositions en branches sont plus satisfaisantes. Définitions 4.3 (Décomposition en branches, largeur de branches) Soit G un hyper-graphe. Une décomposition en branches Tτ de G est un arbre T muni d’une fontion τ d’étiquetage des feuilles de T de telle sorte que : (i) les nœuds internes de T soient de degré trois ; (ii) la fonction τ soit une bijection de l’ensemble des feuilles de T vers les hyper-arêtes de G. À chaque arête e de T correspond une séparation E = {E1, E2 } où E1 et E2 sont les ensembles d’arêtes étiquetant les feuilles des deux composantes connexes de T {e}. La frontière de l’arête e est celle de la séparation E. La largeur de la décomposition notée bw(T ) est la plus grosse taille d’une frontière de ses arêtes et la largeur de branches de G notée bw(G)8 est la plus petite largeur d’une décomposition de G. La figure 4.4 donne un graphe et une de ses décompositions en branches. Pour « découper » le graphe G, les décompositions en branches utilisent une partition {E1, E2 } de l’ensemble de ses arêtes. Nous obtenons alors deux graphes G[E1 ] et G[E2 ]. Mais, comme ce mode de « découpage » permet de diviser des cliques, nous ne pouvons plus compléter la frontière entre ces deux graphes en une clique pour respecter la structure du graphe initial. Nous sommes donc amenés à considérer les deux hyper-graphes contractés G/E2 et G/E1. 7 8 Le terme anglo-saxon est treewidth ce qui explique la notation tw(G). Le terme anglo-saxon est branchwidth ce qui explique la notation bw(G). 4.2. Décompositions en branches 41 Définition 4.4 (Hyper-graphe contracté ) Soient G = (V, E) un hyper-graphe et E 0 un ensemble d ’hyper-arêtes de G.
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Figure I : Affiche de promotion de Rome par HBO Affiche de promotion de Rome par HBO UFR Humanités et sciences sociales Département d'Histoire, Archéologie et Patrimoines Année 2017- 2018 Mémoire de Master 2 Histoire Sous la direction de Mme Caroline BLONCE et M. François ROUQUET Victor FAINGNAERT Remerciements Je tiens tout d'abord à remercier le personnel de la Bibliothèque Pierre SINEUX (DroitLettres) de permettre à des étudiants comme moi de travailler pour poursuivre leurs études. Pour leur flexibilité sur les horaires, et pour permettre à leurs moniteurs étudiants d'avancer dans leur rédaction pendant leurs horaires de travail. Le service du Prêt entre Bibliothèque, pour la gestion de mon dossier et mes très nombreuses demandes. Valentin NOBLET pour ses discussions avisées, de la Licence au Master, qui ont permis de formuler ce sujet et confirmer mon objet de recherche. M Thomas HIPPLER et Mme Hélène VALMARY, pour leurs conseils tout au long l'année, pour leur intérêt porté à ce sujet, ainsi que pour leur volonté d'encadrer la suite de ce travail lors d'une thèse. M François ROUQUET, pour ses cours lors de la Licence qui ont confirmé mon intérêt, pour avoir accepté de diriger ce travail et sa poursuite lors d'une thèse, pour avoir facilité les démarches avec le laboratoire HisTeMé afin d'établir la prise en charge d'une partie de mes frais d'emprunts. Mme Caroline BLONCE pour avoir dirigé ce travail tout au long de ces deux années, pour son encadrement remarquable, son soutien, ainsi que pour ses nombreuses relectures et conseils avisés qui ont permis à ce mémoire d'être pertinent et complet. Que lui soit signifiée ma gratitude. Enfin, et ces remerciements ne seraient pas complets si elle n'était pas mentionnée, ma compagne Leïla GOUBET, pour son soutien indéfectible lors de ses deux années, sa motivation, ses contributions et son aide à chaque difficulté rencontrée. Que lui soient exprimées ici ma tendresse et mon affection. Pour Yves-Marie « Trop d'Histoire tue la fiction Trop de fiction efface l'Histoire. » Hervé DUMONT Introduction « Une fiction nécessaire » (A Necessary Fiction 1 ). Ce titre d'épisode illustre parfaitement, à lui seul, le paradigme de la série Rome. Il explique comment une série, qui se veut être historique, et qui s'appuie donc sur des événements historiques, sourcés et documentés, peut s'illustrer parmi les productions sérielles auprès du public et réussir s'imposer comme un feuilleton que les téléspectateurs ont envie de suivre semaine après semaine. Elle se construit comme une proposition historique et cela explique comment la série est parvenue à fidéliser une audience autour d'une histoire connue et déjà représentée. C'est avec un habile mélange entre événements et éléments historiques, décors et costumes plausibles, et faits vraisemblables que la série parvient à réaliser ce tour de force. Elle se transforme alors en une fiction historique. La série s'intègre dans une continuité de récits antiques, de chroniqueurs anciens, comme Suétone, Plutarque, Appien ou Dion Cassius. La période représentée est probablement celle pour laquelle l'historien dispose le plus de sources. Mais la série s'intègre également dans toute une histoire de productions culturelles, comme des pièces de théâtre, telles que Jules César 2 ou Antoine et Cléopâtre 3 de Shakespeare, mais également leurs adaptations et mises à S2E8 « A sary Fiction » VO/« Secrets et Trahisons » VF SHAKESPEARE William, Julius Caesar [pièce de théâtre]. Probablement écrite en 1599 et publiée pour la première fois en 1623. 3 SHAKESPEARE William, Antony and Cleopatra [pièce de théâtre]. Donnée en représentation à partir de 1606 ou 1608, et publiée pour la première fois en 1623. Elle connaît moins d'adaptations cinématographiques que Jules César mais inspire tout de même grandement les réalisateurs montrant Cléopâtre à l'écran. Dans la série, cela ne correspond toutefois qu'aux deux derniers épisodes de la saison 2. 1 2 9 l'écran, notamment avec les films de Mankiewicz 4, pour ne citer que les plus célèbres et ceux qui ont le plus marqué l'histoire 5 du péplum 6, dont la série se veut l'héritière. À propos des péplums et de leurs rapports avec les séries, Vivien BESSIÈRES explique et pose cette question : « Les rapports entre cinéma et télévision furent très tôt conflictuels. Et le péplum est au centre du conflit. En effet, l'âge d'or du péplum fut ouvertement initié par les majors pour contrer la concurrence de la télévision qui, dans les années 50 et 60, grignote l'audience du cinéma jusqu'à devenir le média populaire par excellence. Les péplums sont une réponse à la télévision. La télévision est un petit écran lové dans le foyer. Elle vient à nous. Mais nous devons aller au cinéma. Pour inciter le spectateur à se déplacer, les majors vont employer les grands moyens : grands écrans, grandes salles, innovations technologiques, prouesses budgétaires, événements spectaculaires - voilà ce que la télévision ne peut pas fournir, voilà pourquoi il faut aller au cinéma. Or, quoi de mieux que le péplum pour porter la spécificité du cinéma, avec ses grands monuments, ses grands héros, ses grands hommes, ses grandes batailles, ses grands spectacles, ses grandes civilisations, etc. La télévision, elle, propose autre chose, non plus de l'événement, avec un début et une fin, un noeud et un dénouement, mais un La pièce Jules César de Shakespeare est plusieurs fois adaptée au cinéma, son adaptation la plus célèbre est sans doute celle de MANKIEWICZ Joseph Leo, Julius Caesar [film], 1953, avec James MASON dans le rôle de Brutus et Marlon BRANDO dans le rôle de Marc Antoine. Mais nous pouvons également citer deux adaptations avec Charlton HESTON dans le rôle de Marc Antoine : BRADLEY David, Julius Caesar [film], 1950 et BURGE Stuart, Julius Caesar [film], 1970 La pièce a également connu deux adaptations contemporaines : HAMILTON Adam Lee, MONTEGRANDE John, Julius Caesar [film], 2011 et TAVIANI Paolo, TAVIANI Vittorio, Cesare deve morire [film], 2012. Dans la série, on peut considérer qu'une grande partie des saisons 1 et 2 reprend la même période que la pièce. 5 Le film Cléopâtre de Joseph MANKIEWICZ signe en effet l'arrêt des films péplum pour une trentaine d'années. Le studio est au bord de la faillite lors de la sortie du film, pour un budget prévu de 2 millions de dollars le film dépasse très rapidement les 35 millions. Le tournage est également émaillé de l'idylle entre les deux acteurs principaux, Elizabeth TAYLOR et Richard BURTON, chacun respectivement marié à l'époque. - Plausible : « Qui semble pouvoir être admis, accepté, tenu pour vrai » 9. - Vraisemblable : « Se dit d'une fiction qui pourrait être vraie, conforme à une situation réelle possible »10. Si l'on devait lier ces définitions, on pourrait dire que ces trois mots touchent à différents « degrés » de vérité. Ils vont de la réalité vérifiable et documentée, dite historique, à une vérité plus intangible et hypothétique, dite vraisemblable. Cette deuxième vérité est hypothétique principalement à cause du manque de sources, mais elle reste cependant vraisemblable parce que l'on peut l'admettre comme une hypothèse cohérente, au vu des informations dont nous disposons. Ces degrés de « vérité » sont également présents, souvent dans une moindre mesure, dans toutes les oeuvres de fiction non historique. Ces fictions proposent souvent une échelle, moins importante, de degré de vérité. Très souvent cela est résumé entre deux pôles : vraisemblable BESSIÈRES Vivien, Le péplum, et après? : l'Antiquité gréco-romaine dans les récits contemporains, Paris, Classiques Garnier, 2016, p. 103. 8 Dictionnaire Larousse en ligne. Date de consultation : 09/05/2017 9 Dictionnaire Larousse en ligne. Date de consultation : 09/05/2017 10 Dictionnaire Larousse en ligne. Date de consultation : 09/05/2017 7 11 ou non. Plus souvent encore, la vraisemblance se définit uniquement par la scientificité de la fiction 11. Par exemple on explique désormais l'origine des superhéros scientifiquement et celle de leurs pouvoirs. Pourtant, dans ce type de fiction, les réactions des personnages sont rarement crédibles ou cohérentes. Mais c'est à ce moment qu'intervient la « suspension consentie de l'incrédulité » 12, qui décrit l'opération mentale qu'un spectateur ou qu'un lecteur d'une oeuvre de fiction effectue le temps de sa consultation de l'oeuvre. Lorsqu'un spectateur regarde un film de fiction, il consent, le temps du visionnage, à accepter les règles de l'univers de la fiction. Si c'est un univers de superhéros, il consent à reconnaître leur existence dans l'univers du film. Mais ce n'est pas seulement un état d'esprit du spectateur, l'oeuvre de fiction doit, en retour, présenter un univers cohérent et vraisemblable au vu des règles qu'elle a établies. Ainsi on ne demande pas aux oeuvres de fiction d'être réalistes, ou même réelles, mais d'être vraisemblables, « vraies », dans leurs univers. Quand il s'agit d'une oeuvre de fiction historique, le maniement de ce concept doit être beaucoup plus précis, parce que le spectateur connaît les règles de l'univers, et même souvent les faits sur lesquels elle s'appuie. Nous pouvons alors parler d'une attente de réalisme, et même de réel, chez le spectateur, puisque cela est censé avoir existé (en partie) 13. Ainsi les scénaristes doivent jongler entre les événements historiques, des décors et des costumes plausibles et « vrais » qui accentuent le degré de réalisme de l'oeuvre. C'est pour cela que des consultants historiques travaillent sur ce genre de fiction. Ils sont là pour apporter le degré d'authenticité qui rendra la série crédible. Ils doivent vérifier chaque élément de décor ou chaque fait. Le problème est que la relation du réalisateur et du scénariste avec le consultant historique est DUFOUR Éric, Le cinéma de science-fiction : histoire et philosophie, Paris, Armand Colin, 2011. Dans ce livre, Éric DUFOUR met en lumière la vague d'explication qui s'est abattue sur le cinéma. À partir des années 1990, le spectateur a le désir de comprendre, d'avoir des explications. L'auteur montre cela à travers l'exemple de la « force » dans Star Wars. La première trilogie montrait cela comme une énergie magique et mystique. Tandis que la seconde, à partir de 2000, a introduit le concept des « midichloriens ». On est alors capable de mesurer ce taux de midichloriens pour connaître l'affinité d'un individu avec la force. Cette tendance s'est appliquée sur tout le cinéma, laissant maintenant beaucoup moins de place à l'interprétation personnelle du spectateur, au profit d'une explication « scientifique » de tout. 12 De l'anglais willing suspension of disbelief. Ce concept aurait été inventé par Samuel Taylor COLERIDGE en 1817. Bien que sa paternité soit hypothétique, ce concept est aujourd'hui très largement admis parmi les spécialistes de ces sujets. est très souvent employé par les vulgarisateurs de cinéma ou par les critiques plus scientifiques. 13 On peut ici se référer à l'article de HALL Stuart, « Codage/Décodage », trad. par ALBARET Michèle et GAMBERINI Marie-Christine, dans Réseaux, vol. 12, n° 68, 1994 (1973), P27-39. Qui décrit le processus de création de sens des messages médiatiques. Que l'on peut résumer en une structure de sens 1, effectué par des producteurs oeuvrant dans des industries culturelles au fonctionnement complexe et une structure de sens 2 à l'autre bout de la chaîne, consistant en une action de décodage du spectateur. 11 12 très souvent problématique. Priska MORRISSEY a consacré un livre à cette question, en menant de nombreuses interviews d'historiens qui ont collaboré à des films 14. La conclusion principale qui ressort du livre est que le consultant historique est uniquement une sorte de gage de qualité et d'authenticité, alors que dans les faits ses réserves et ses recherches ne sont que rarement utilisées et écoutées. Le nombre d'historiens qui ont demandé à être retirés des crédits des films historiques est bien trop grand pour en faire une liste. Dans les exemples marquants, nous pouvons toutefois citer le cas de l'équipe d'historiens médiévistes consultants, menés par Jacques LE GOFF, pour Le nom de la Rose 15, qui ont décidé d'un commun accord de ne pas figurer dans les crédits. Mais encore le cas de Kathleen COLEMAN, pour Gladiator 16, qui a trouvé que son travail comme consultante historique avait si peu d'impact sur le film, qu'elle a demandé à ne pas être mentionnée. Finalement, elle a tout de même été remerciée par la production dans les crédits, mais sans aucune mention de son rôle dans la production. Les deux principaux sujets de dissensions entre la production et le consultant sont les décors, pour des raisons qu'il est facile d'imaginer, et les personnages. Les personnages sont les éléments principaux qui permettent à un spectateur de rentrer dans une oeuvre de fiction, ce sont eux qui agissent dans le monde. Ils doivent donc être cohérents et crédibles dans l'époque et la société représentées ou racontées. Ainsi, la « vérité » d'une série, et de Rome en particulier, ne repose pas seulement sur ses éléments factuels et visibles, mais également dans la cohérence des personnages, de leurs comportements et de leurs actions. Comme le dit Jeffrey W. TATUM « les scènes de sexe ou de violences brutales sont représentées dans un environnement historique dans tous ses éléments. Cela rend ces scènes plausibles, voire même imaginables » 17. Une fois ces pré cisions apportées sur la fiction en général, il faut donner des informations sur la série elle-même, son développement, ses conditions de diffusion, son MORRISSEY Priska, Historiens et cinéastes : rencontre de deux écritures, Paris, l'Harmattan, 2004. ANNAUD Jean-Jacques, Le nom de la Rose [film], 1986. 16 SCOTT Ridley, Gladiator [film], 2000. 17 TATUM Jeffrey W., « Chapter 2: Making History in Rome: Ancient vs. Modern Perspectives », dans Rome, season one: history makes television, CYRINO Monica Silveira (dir.), Malden, Blackwell, 2008, p. 29. Traduction personnelle du passage. succès et sa reconnaissance, avant de développer ce qui forme le coeur de notre sujet, à savoir les références et les liens avec la recherche et la production historique. Rome est une série télévisée diffusée entre 2005 et 2007. Elle comprend vingt-deux épisodes, répartis en deux saisons, une première de douze et une seconde de dix. Trois hommes sont à l'origine du projet. Le premier, John MILIUS, scénariste notamment des Dents de la mer 18, d'Apocalypse Now 19, est également réalisateur et scénariste de Conan le Barbare 20, pour ne citer que son travail le plus connu. Une précision à apporter également est qu'il est un vétéran de la guerre du Vietnam, et toute une partie de son travail est très marquée par la question des vétérans et du retour à la vie civile. Le second est William J. MACDONALD, qui commence réellement sa carrière avec Rome. Enfin, le troisième homme est Bruno HELLER, showrunner 21 de Rome, puis créateur et showrunner de Mentalist 22 et enfin de Gotham 23. Il commence donc sa carrière sur la série Rome, mais contrairement à William J. MACDONALD il parvient à profiter du succès sur la série pour poursuivre son travail et se voit confier la responsabilité de plusieurs projets par la suite. John MILIUS et William J. MACDONALD proposent en 2000 à la chaîne HBO une mini-série sur l'Antiquité romaine 24. HBO leur adjoint alors Bruno HELLER en tant que scénariste, et décide très rapidement de transformer le projet en véritable série. C'est une co-production américano-britannico-italienne. En effet, la chaîne américaine payante HBO et la chaîne britannique BBC Two co-produisent la série, et elle a été en grande partie tournée en Italie. Rome est la première série anglophone tournée exclusivement dans un pays-non anglophone. Cela peut paraître odin, mais le choix des producteurs de tourner la série dans les studios Cinecittà, à Rome, montre l'ambition du projet et sa nouveauté. De plus, les figurants et figurantes dans les scènes de foules ainsi que tous les personnages en arrière-plan, sont de « véritables Romains et Romaines ». Les producteurs et les réalisateurs trouvaient que les Italiens avaient une façon de marcher et de se tenir qui ajoutait quelque chose aux scènes, que cela rapprochait les séquences tournées de la Rome Antique et de ce à SPIELBERG Steven, Jaws [film], 1975. FORD COPPOLA Francis, Apocalypse Now [film], 1979. 20 MILIUS John, Conan the Barbarian [film], 1982. 21 Le showrunner est, dans l'univers de la série, la personne responsable du travail quotidien sur une production. C'est à lui qu'il incombe de superviser le scénario, qui est généralement en cours d'écriture pendant le tournage. Il est l'équivalent du réalisateur au cinéma . 22 HELLER Bruno (showrunner), The Mentalist [série télévisée], 2008 – 2015. 23 HELLER Bruno (showrunner), Gotham [série télévisée], 2014 - en production. 24 « Epic Roman drama unveiled », sur bbc.com [en ligne], 27 octobre 2003, consulté le 09/05/17. URL : http://news.bbc.co.uk/2/hi/entertainment/3216925.stm. 18 quoi elle aurait pu ressembler. Rome n'est pas une simple descendante de la série documentaire I, Claudius 25. Cette dernière est probablement la première véritable série télévisée, au sens contemporain du terme, sur l'Antiquité. Les autres productions sur ce sujet étaient soit des films, soit des documentaires en plusieurs parties, et pensées pour être diffusées en une seule ou deux soirées en totalité. I, Claudius est donc la première production sur l'antiquité avec des enjeux de suspens et un nouveau mode de diffusion. La série est d'ailleurs une précédente production de la chaîne BBC Two et était un modèle pour Bruno HELLER, le showrunner de Rome. Il voulait s'inspirer de la série de 1976, en dépassant complètement le cadre, la réalisation, avec plus de budgets et plus de moyens. L'autre référence, ou tout du moins base de la série, est le film Gladiator 26. En 2000, Ridley SCOTT redéfinit le péplum et le spectacle « epic 27 » sur grand écran et redonne un souffle épique sur Hollywood qui produira une série de films dans les 5 années suivantes. Encore cité aujourd'hui dans de nombreuses listes des 100 meilleurs films de l'histoire du cinéma, le film, et son envergure jouent forcément un rôle dans la réalisation et la diffusion d'une série sur l'Antiquité quelques années après sa sortie en salle. Nous utiliserons régulièrement ce film comme comparaison. Il servira de référence pour comparer la série au cinéma, mais également pour comparer les différentes représentations de l'Antiquité. La série est également produite dans la lignée de plusieurs films épiques tels La passion du Christ 28, Alexandre 29, King Arthur 30, Troie 31 et Kingdom of Heaven 32. Nous ne mentionnons ici que ceux présentant un passé élargi à la période médiévale. LISEMORE Martin (producteur), WISE Herbert, PULMAN Jack (scénariste), I, Claudius [série télévisée], 1976. SCOTT Ridley, Gladiator [film], 2000. 27 Terme anglo-saxon pour l'épopée, mais qui correspond également à notre terme de péplum. Derrière l'epic se cache donc également des films comme SCOTT Ridley, Kingdom of Heaven [film], 2005, qui représente la troisième croisade, ZWICK Edward, The Last Samurai [film], 2004, qui prend place à la fin du XIXème siècle, ou des westerns . 28 GIBSON Mel, The Passion of the Christ [film], 2004. 29 STONE Oliver, Alexander [film], 2004. 30 FUQUA Antoine, King Arthur [film], 2004. Ce film est d'ailleurs très intéressant sur son rapport avec la recherche historique, proposant une version du roi Arthur se situant à la fin de l'Antiquité, le plus proche des propositions historiques, pour essayer de trouver la fondation de ce mythe. Période que choisira également Alexandre ASTIER pour Kaamelott, qui débute sa diffusion en 2005. 31 PETERSEN Wolfgang, Troy [film], 2004. 32 SCOTT Ridley, Kingdom of Heaven [film], 2005. 25 26 Rome est la seconde collaboration entre la chaîne américaine et la chaîne britannique, la précédente étant la mini-série historique de dix épisodes Band of Brothers 33, tirée du livre de l'historien Stephen AMBROSE. Cette première mini-série a reçu de nombreuses récompenses, et était, jusqu'à sa suite en 2010, la mini-série la plus chère de l'histoire. La collaboration pour cette première mini-série n'était pas une co-production, mais son succès a posé les jalons de la co-production pour Rome. Ainsi, la deuxième collaboration entre les deux chaînes, Rome, est la série la plus chère au moment de sa production, avec un budget de 100 millions de dollars. Pour donner un équivalent, il s'agit là du budget de Gladiator. Ce sera d'ailleurs une des raisons de son arrêt brutal en 2007 malgré un succès critique et commercial. La série devait en effet, originellement, comporter cinq saisons, et se terminer par l'arrivée au principat d'Auguste. À sa sortie, il s'agissait des décors les plus grands de l'histoire 34 pour n'importe quelle production cinématographique, même plus grands que le plateau de décors de Troie. Mais, après l'incendie qui a ravagé une partie des studios, et en raison des coûts de production trop élevés pour chaque épisode, la décision fut prise d'arrêter la série. On peut cependant encore voir une partie des décors de la série à Cinecittà, et Alexandre ASTIER, pour la saison 6 de Kaamelott 35, les a d'ailleurs utilisés36. Les décors reprenaient par exemple le Forum, à 60 % de sa véritable taille, et c'est un des décors qui a malheureusement brûlé, impossible de véritablement s'en passer. La série se termine donc en 2 saisons, tout de même par l'arrivée d'Octavien au principat. On sent une très nette accélération du rythme à partir de l'épisode 5 de la Saison 2, où désormais plusieurs années peuvent être condensées en un seul épisode et l'on sent les coupures de scénario dans pratiquement toutes les scènes. Rome est diffusée à partir d'août 2005 sur HBO, le premier épisode réunit 3 800 000 spectateurs devant la chaîne payante. En novembre 2005, c'est la Grande-Bretagne qui suit avec la diffusion sur la chaîne BBC. En France, la première saison fut diffusée sur Canal+ HANKS Tom (producteur délégué), SPIELBERG Steven (producteur délégué), AMBROSE Stephen (producteur co-délégué), Band of Brothers [série télévisée], 2001. 34 Stan WLODKOWSKI, un des producteurs exécutifs de la série, l'explique à Kristina MILNOR. Elle relate ce passage dans « Chapter 3: What I Learned as an Historical Consultant for Rome », dans CYRINO Monica Silveira (dir.), Rome, season one : history makes television, Malden, Blackwell, 2008, p. 44. 35 ASTIER Alexandre (showrunner), Kaamelott, 2005 – 2009. 36 C'est une chose très courante pour les films et séries, et à plus forte raison lorsqu'ils sont historiques, de réutiliser les décors. Les fictions et les films historiques nécessitent de nombreuses constructions par souci de reconstitution et d'authenticité, les décors ne sont alors pas détruits par souci de rentabilité. On pourrait faire une liste de tous les décors réutilisés dans les films, mais cela serait bien trop long. La nuance est que rarement les décors réutilisés ont été aussi visibles que lors de la série Kaamelott. à partir de juin 2006, avant d'être rediffusée sur plusieurs autres chaînes entre 2007 et 2012. Nous nous concentrerons uniquement sur les conditions de diffusion des deux chaînes à l'origine du projet. Elles adoptent chacune un modèle de diffusion différent. La chaîne britannique n'a diffusé que onze épisodes sur les douze réalisés pour la saison 1, en remaniant les trois premiers épisodes. CYRINO Monica Silveira (dir.), Rome, season one : history makes television, Malden, Blackwell, 2008, p. 3. La grève de la Writers Guild of America est une grève à laquelle ont participé près de 12 000 scénaristes entre le 5 novembre 2007 et le 3 février 2008. Le mouvement a eu pour conséquence majeure le non-respect du nombre d'épisodes prévus pour les saisons en cours. De nombreuses séries ont ainsi eu des saisons amputées de moitié, ou leur diffusion a tout simplement été reportée à l'année suivante. Depuis cette grève, on a pu assister à une diminution conséquente du nombre d'épisodes par saison. Ainsi les séries HBO, dont Rome fait partie, n'ont pas la formule traditionnelle « dans l'épisode précédent » en préambule d'épisodes. Ce modèle HBO fait la part belle aux épisodes suivis et à une histoire plus longue. La chaîne arrive alors à fidéliser une audience sans devoir abuser de « cliffhanger 39 » à chaque fin d'épisode pour s'assurer que le téléspectateur ne ratera pas le prochain la semaine d'après. C'est une façon un peu artificielle de s'assurer la fidélité d'un audimat, à laquelle HBO n'a que très peu, voire pas, recours. Comment de toute façon réussir à faire de véritables cliffhanger en fin d'épisodes quand l'on parle de véritable Histoire et que celle-ci est connue? Peut-on imaginer un épisode portant le suspense sur la mort de César dans ses dernières secondes? On peut ainsi retrouver les prémices du « Binge-watching 40 » dans le modèle de série de la chaîne. Et les téléspectateurs sont ainsi nombreux à acheter la série en DVD pour pouvoir la regarder d'une traite, ou tout du moins en quelques jours, sans les interruptions hebdomadaires. Le mode de diffusion de la série, et plus précisément son scénario, a donc été conditionné pour répondre à la politique des chaînes, cela expliquera plusieurs choix, et plusieurs aspects dont nous parlerons plus tard. Mais il est important de garder en tête qu'une série répond à de nombreux impératifs, et que ceux-ci influent sur la série, et dans notre cas, sur ses liens avec l'Histoire académique 41. Nous allons maintenant présenter le sujet et le scénario de la série Rome, ainsi que ses personnages principaux. Au cours des deux saisons, 6 personnages seulement sont présents dans chacun des vingt-deux épisodes. Certains d'entre eux seulement pour quelques scènes. Il est alors assez difficile de définir quels sont les personnages qui portent le récit, car la série est une série chorale, et les personnages interviennent à tour de rôle pour former l'histoire. Certains qui sont présents au cours des 22 épisodes ne sont peut-être pas ceux qui influencent le plus le récit, mais ils l'influencent plus durablement, par leur présence. Et inversement, Le « cliffhanger » est une expression anglophone qui désigne, plus particulièrement dans les oeuvres de fiction, un type de fin ouverte destiné à créer une forte attente. Il y a cliffhanger quand un récit s'achève avant son dénouement, à un point crucial de l'intrigue, quitte à laisser un personnage dans une situation difficile, voire périlleuse. 40 Le « binge-watching » est une expression américaine que l'on pourrait traduire par « visionnage boulimique ». Sous ce terme se cache la pratique qui consiste à regarder la télévision ou tout autre écran pendant de longues périodes de temps, le plus souvent en visionnant à la suite les épisodes d'une même série. Pratique qui s'est démocratisée avec Netflix (une plateforme de visionnage de films et séries en ligne), sur laquelle tous les épisodes d'une série sortent le même jour. 41 Dans le sens de la recherche et de la production historique universitaires. 39 18 certains personnages ont quelques apparitions d'éclat, qui influencent les deux saisons. Pour ne citer qu'un exemple, le lecteur de nouvelles est présent dans chacun des 22 épisodes de la série, pourtant il n'a aucun impact sur les événements ou sur le récit, il est simplement là comme un moyen d'information, pas vraiment pour les personnages, mais principalement pour le spectateur. Le synopsis de la série sur le site allociné.fr indique : Les destins de deux soldats romains et de leurs familles alors que la République romaine est en train de s'effondrer en laissant peu à peu la place à un Empire » 42. Rome sur « Allociné.fr », consulté le 18/05/2017. « In this British historical drama, the turbulent transition from Roman republic to autocratic empire, which changed world history through civil war and wars of conquest, is sketched both from the aristocratic viewpoint of Julius Caesar, his family, his adopted successor Octavian Augustus, and their political allies and adversaries, and from the politically naive viewpoint of a few ordinary Romans, notably the soldiers Lucius Vorenus and Titus Pullo and their families. » Dans Rome sur « imdb.com », consulté le 18/05/17, traduction personnelle du passage. L'histoire ordinaire de la ville et des habitants suit l'histoire événementielle. Le découpage des deux saisons est structuré, de la même façon, par les grands événements44. La première saison commence probablement en 54 av. J.-C. avec la mort de Julia lors de l'épisode 1, fille unique de César et épouse de Pompée depuis 59. Au cours de ce même épisode est également montrée la défaite de Vercingétorix à Alésia, qui elle, devrait prendre place en 52 av. J.-C. La première saison illustre ensuite la guerre civile entre César et Pompée, la Guerre d'Afrique, la dictature de César entre 47 et 44 av. J.-C. et se clôture, comme nous l'avons mentionné, par la mort de César aux Ides de Mars le 15 mars 44 av. J.-C. La deuxième saison reprend directement après l'assassinat de César, à la minute près, et finit en 30 av. J.-C. avec le suicide d'Antoine et de Cléopâtre. La saison illustre donc les différents accords et conflits entre Octave et Antoine, la bataille de Philippes a également son épisode, c'est d'ailleurs la plus grande scène de bataille de la série. Tandis que la bataille d'Actium, à la suite de l'incendie des studios et à la décision d'arrêter la série, est évacuée par une ellipse afin de conclure plus rapidement. De toute façon, et c'est un des coeurs de notre analyse sur la série, Rome ne fait pas grand intérêt des batailles et des armées s'entrechoquant, elle préfère le temps long et l'évolution de ses personnages aux chocs éphémères des batailles. Après ce résumé expéditif des événements, proposés par Allociné et Imdb, il faut maintenant approfondir et expliciter bien davantage le context . Il faut définir d'un point de vue historique quelle est la période représentée dans la série ainsi que les sources utilisées. Nous ne reviendrons pas sur la trame événementielle ici, la série la suit assez scrupuleusement. Mais plutôt le climat et l'ambiance qui régnaient à cette époque à Rome. Il convient dans un premier temps de présenter les sources antiques que nous utiliserons dans ce travail, elles sont principalement composées de : César, Suétone, Plutarque, Appien ou encore Dion Cassius. César a écrit les Commentaires sur la Guerre des Gaules, un ouvrage en sept volumes, un par année de la guerre des Gaules. 20 premiers dirigeants de Rome ayant porté le nom et le titre de César. Il intègre Jules-César dans ses biographies même si ce dernier n'était pas princeps. Ses biographies s'organisent de façon chronologique, mais il fonctionne également par rubrique. Il fait la part belle aux rumeurs et calomnies, et n'hésite pas à brosser des portraits composés d'énormément d'anecdotes des premiers empereurs romains. Plutarque est quant à lui né vers 46 ap. J.-C. et mort vers 125. Il est un philosophe et moralisateur grec, probablement le fils d'une riche famille. Il rédige la somme des Vies parallèles des hommes illustres entre 100 et 120. Ces 46 biographies sont mises par pairs, mettant en parallèle un Grec et un Romain. Tout comme Suétone, Plutarque s'attarde sur certaines anecdotes et rumeurs sur les personnages dont il raconte la vie. Ce sont ses biographies de César et de Marc Antoine, mais également dans une moindre mesure celles de Pompée, Brutus et Caton, qui sont à l'origine des principales représentations culturelles de la période. Appien est né à la fin du Ier siècle, et mort après 160. Il rédige une Histoire romaine. Organisé géographiquement, l'ouvrage se concentre sur les guerres de conquête et les guerres civiles, notamment de la fin de la République. Enfin, Dion Cassius est un consul et homme politique romain, lui aussi d'expression grecque. Il est né vers 155 et meurt après 235. Très proche des empereurs Septime Sévère et Sévère Alexandre, il rédige une Histoire romaine, un ouvrage composé de 80 tomes qui retrace les 973 années de la ville de Rome, de sa fondation jusqu'en 229. Bien que postérieurs, ses écrits sur la période tardo-républicaine permettent de revenir des faits, notamment d'auteurs précédents, dont une partie des sources ne nous sont pas parvenues. Concernant le contexte représenté dans la série : Rome est une ville en proie aux tensions et aux affrontements sous le triumvirat de César, Crassus et Pompée. Crassus meurt en 53 av. J.C. et déséquilibre le triumvirat. Désormais, les deux amis, César et Pompée, luttent politiquement l'un contre l'autre. La ville est en proie aux bandes armées. Clodius, qui a rétabli le droit d'association, en 52, et ordonné ses bandes armées grâce à l'organisation des collèges existants.45 En 52 il est tué lors d'un affrontement contre la bande de Milon. Bien que la série « La deuxième loi constituait la pierre d'angle de toute la politique de Clodius : la restauration des associations de toute nature, mais surtout professionnelles, les collegia, supprimés en 64 par le Sénat, devait lui permettre de disposer d'une armée privée - Cicéron parle de Clodiana seditio ou multitudo mais aussi d'exercitus Clodianus - apte à lui assurer le contrôle de la rue. En effet, les collèges étaient organisés territorialement, quadrillaient la ville et étaient susceptibles de mobiliser rapidement leurs membres - c'est-à-dire aussi bien des hommes 45 21 ne mentionne ni Clodius ni Milon à aucun moment, et que dans son carton d'introduction elle ne mentionne pas les bandes armées ou les collèges, c'est un fait qui martèle la série. Les collèges et bandes armées structurent la vie à Rome dans la Saison 2, et définissent la trajectoire des deux personnages principaux dans les 5 derniers épisodes de la saison 1. « Vers les années 50, les bandes de Clodius, recrutées dans les associations de la plèbe urbaine, et les troupes adverses de Milon, un optimas, sans doute issues de la campagne, firent régner la terreur dans la ville. Les soldats expérimentés et les vétérans des grands généraux étaient encore plus efficaces que les bandes privées. Leur présence suffisait souvent à faire des élections un artifice et un simulacre. » 46 Les conflits entre imperatores et entre les imperatores et le sénat sont multiples, et la fracture politique se manifeste également parmi le peuple et dans l'organisation de la ville. On peut voir cela dans les différentes élections et la corruption généralisée de nombreuses institutions ou membres de ces institutions. La violence se manifeste également au coeur de la ville, et s'appuie sur un esprit partisan issu des luttes syllaniennes et iennes. Les chefs politiques se constituent alors de véritables bandes partisanes, qui leurs permettent de contrôler une partie de la ville et certains quartiers. Les vétérans jouent un rôle très important dans ce climat politique. De retour de la guerre ils restent attachés à leur imperator, leur gestion devient alors un enjeu crucial dans la période. Leur installation dans des provinces de l'empire permet de contrôler et d'administrer des régions entières. Tout en pouvant être appelé et soulevé si la situation le nécessite. La question de la proximité avec la Ville est alors à prendre en compte. 22 apparaît. Selon César, Pullo est lui aussi un centurion. L'écart de rang entre les deux personnages permet à la série de toucher deux univers : celui du simple légionnaire et celui du gradé. Cela est également un ressort scénaristique, puisque la différence de rang sera un des ressorts principaux de la relation entre Pullo et Vorenus tout au long de la série. Les deux personnages évolueront dans la société au cours des événements. Un unique passage de quelques centaines de mots mentionne ces personnages dans la Guerre des Gaules et est à l'origine de la série : « Il y avait dans cette légion deux centurions d'une grande bravoure, qui approchaient des premiers grades, T. Pullo et L. Vorenus. C'était entre eux une perpétuelle rivalité à qui passerait avant l'autre, et chaque année la question de l'avancement les mettait en violent conflit. Pullo, au moment où l'on se battait avec le plus d'acharnement au rempart, s'écria : "Qu'attends-tu, Vorenus? de quelle promotion comptes-tu donc voir récompenser l'éclat de ta valeur? c'est ce jour qui décidera entre nous." À ces mots, il s'avance hors du retranchement, et choisissant l'endroit le plus dense de la ligne ennemie, il fonce. Vorenus ne reste pas davantage derrière le rempart, mais, craignant de passer pour moins brave, il suit de près son rival. Quand il n'est plus qu'à peu de distance de l'ennemi, Pullo jette son javelot et atteint un Gaulois qui s'était détaché du gros de l'ennemi pour courir en avant ; transpercé, mourant, ses compagnons le couvrent de leurs boucliers, cependant que tous à la fois ils lancent leurs traits contre le Roma in et l'empêchent d'avancer. Il a son bouclier traversé d'un javelot qui se plante dans le baudrier de l'épée : du coup, celle-ci n'est plus en place, et tandis que sa main droite cherche à la sortir du fourreau, il perd du temps, s'embarrasse, et l'ennemi l'enveloppe. Son rival, Vorenus, accourt à son aide. Aussitôt, toute la multitude des ennemis se tourne contre lui et laisse là Pullo, croyant que le javelot l'a percé de part en part. Vorenus, l'épée au poing, lutte corps à corps, en tue un, écarte un peu les autres ; mais emporté par son ardeur, il se jette dans un creux, et tombe. C'est à son tour d'être enveloppé ; mais Pullo lui porte secours, et ils rentrent tous deux au camp, sains et saufs, ayant tué beaucoup d'ennemis et s'étant couverts de gloire. La Fortune traita de telle sorte ces guerriers rivaux, qu'ils se secoururent l'un l'autre et se sauvèrent mutuellement la vie, et qu'il fut impossible de décider à qui revenait le prix de la bravoure. » 47 CÉSAR, Guerre des Gaules, Livre V, XLIV : « Erant in ea legione fortissimi uiri centuriones qui primis ordinibus adpropinquarent, T. Pullo et L. Vorenus. Hi perpetuas inter se controuersias habebant, quinam anteferretur, 47 23 Bien que la Guerre des Gaules appartienne plus au genre des commentaires qu'à celui de l'Histoire, on peut se dire qu'a priori ces deux personnages ont existé. Et même s'ils n'ont pas existé, la fiction de la série Rome leur donne une histoire, des objectifs et une personnalité à partir d'un simple nom. Ray STEVENSON, l'acteur incarnant Pullo, a d'ailleurs expliqué que de savoir que son personnage était historique lui a facilité le tournage, il avait le sentiment d'être légitime et n'avait pas l'impression de frauder l'Histoire 48. C'est une spécificité de scénario qu'avait déjà utilisée HBO pour une série précédente, Deadwood 49, dans laquelle elle mélangeait personnages historiques, souvent de passage, et personnages fictionnels. Cela permet d'entrer dans l'intimité des « grands », soumis à une vérité historique, et dans l'intimité de gens ordinaires, purement ou partiellement fictionnels. De plus, faire de Vorenus et Pullo des vétérans facilite l'entrée dans la série. Les vétérans sont une figure connue du public, qui permet très rapidement d'entrer en empathie avec les personnages. Cela permet d'éviter un passé trouble ou incompréhensible par le spectateur. On sait ici qu'ils sont depuis plusieurs années au front, et c'est là la seule information qui compte vraiment pour définir les personnages au début de la série. Plusieurs personnages subissent le même traitement, ce sont des figures « vierges d'histoire », ou tout simplement avec des zones d'inconnus sur leur histoire. Comme Atia, la mère d'Octave, dont on ne connaît presque rien de la vie si ce n'est qu'elle incarnerait la femme romaine parfaite, elle devient une figure centrale de la série, à l'origine de nombreuses manipulations politiques. 24 « oubliés » mais pour être regroupés en un seul. Par exemple, Servilia comprend également le personnage de Porcia, la femme de Brutus, qui est absente de la série. On a tendance à assumer généralement que Porcia était la seule femme au courant de la conjuration. Ici, Servilia garde cette spécificité, elle est la seule femme au courant puisque Porcia n'est pas présente dans la série. De plus, Michel ÉLOY affirme que les scénaristes de la série assument qu'Atia reprend également le personnage de Clodia 50. N'ayant pas trouvé de confirmation de cela, nous allons lui faire confiance. On retrouve donc ces personnages fusionnés 51, mais également les grandes figures comme Pompée, César, Octave, Marc Antoine, Cicéron, Scipion, Caton, etc. 52 Pour Octave, il semble important de préciser quelque chose. Après la mort de César et l'ouverture de son testament en 44 av. J.-C. son nom change en Octavien César, il change ensuite en 27 av. J.-C. pour Auguste. Dans la série, le changement de nom en Octavien César apparaît par moment. Les officiels l'appellent parfois Octavien, parfois César, parfois les deux, et les personnages comme Pullo gardent le nom d'Octave. Cela provient principalement d'un souci de traduction, en anglais Octave se dit Octavian, et Octavien se dit également Octavian. Ainsi, la traduction oscille entre ces deux noms puisqu'en anglais le nom choisi n'est pas explicite. Nous utiliserons donc, dans notre travail, le nom historique d'Octavien, lorsqu'il s'agira d'Octave postérieur à 44 av. J.-C. Par ailleurs, pour tous les personnages, lorsque nous ferons la différence entre les personnages historiques et leurs représentations fictionnelles nous ajouterons la mention « le person nage » pour qualifier celui de la série. Dans la série, il faut également mentionner qu'il y a une composition de personnages en duo. Un premier, le duo principal : Vorenus – Pullo, un second : César – Pompée, auxquels « Fille de la soeur de César, Julia, Atia Balba Caesonia nous est connue comme une matrone honnête et discrète qui, à en croire Suétone, n'osait paraître nue aux bains à cause d'une marque en forme de serpent apparue sur son ventre lorsqu'elle était enceinte d'Octave. Bonne fille, la nièce de César, se prodigue si volontiers que d'une séquence à l'autre, elle n'a guère le temps de rajuster son péplum, persifle un journaliste! De l'aveu même des scénaristes, c'est le sulfureux personnage de Clodia qui a été décalqué pour camper ce personnage de "méchante", amorale et égocentrique. De Steven SAYLOR à John MADDOX ROBERTS, Clodia - la "Lesbie" de Catulle - a fait le bonheur des auteurs de polars en péplum. Atia symbolise un nouveau type de Romaine émancipée, qui apparut parallèlement au déclin de la république patriarcale, vertueuse et grincheuse, caricaturée à travers l'austère Caton le Jeune. » Michel ÉLOY fait ici référence à Clodia l'ainée, la soeur de Clodius. Mais comme nous l'expliquons nous n'avons pas retrouvé d'information confirmant cela, ni l'article du journaliste persiflant qu'Atia n'a pas le temps de rajuster son péplum. ÉLOY Michel, dans « Rome, unique objet de mon assentiment », au chapitre « 2.2.1. Raccourcis » [en ligne] URL : http://www.peplums.info/pep39a.htm#intro. 51 Principalement des femmes comme nous pouvons le remarquer. 52 Voir l'annexe « La distribution » p. 380. 50 25 s'ajoutent les personnages d'Atia - Servilia, et d'Octave – Marc Antoine. Puis après la mort de César et de Pompée dans la Saison 1, on a un basculement pour arriver au second duo principal : Octavien – Marc Antoine. Plutôt que de revenir sur la personnalité des personnages célèbres, qui feront l'office d'un développement sur leur degré de vérité historique, ce sont surtout les personnalités des deux soldats qui vont nous intéresser, et qui guideront notre travail et notre plan. La série prend en effet pour parti de démythifier les grands personnages et de réhabiliter le peuple ordinaire. Lucius Vorenus est ainsi un centurion, un « véritable catonien 53 ». Et pas simplement dans le sens contemporain du terme, un homme sage, sévère et rigide, mais également au sens idéologique premier, un partisan de Caton, un homme qui croit très fortement dans les vertus de la République et qui souhaite la protéger 54. Lors de son retour à Rome, il sera tout d'abord désoeuvré, retournera dans l'armée comme préfet evocati, puis deviendra commerçant, magistrat, et grimpera les rangs auprès de César jusqu'à devenir Consul. Il poursuivra son parcours aux côtés de Marc Antoine et ira avec lui jusqu'en Égypte. S1E2, 9 h. Octave : « Vorenus est strictement catonien », Vorenus : « Je crois en la divinité de la République ». « Peut-être César se rendait-il mieux compte que les sénateurs du pouvoir moral de Caton. Ce dernier s'était joint à ses collègues optimates pour confier la défense de l'État à Pompée. Cependant, dévoué tout entier à l'État, il demeurait isolé, chef, comme le dit Sénèque, d'un troisième parti dont l'autre membre était la Res Publica. » ROSS-TAYLOR Lily, La politique et les partis à Rome au temps de César, traduit par MORIN Élisabeth et MORIN Jean-Claude, Paris, F. Maspero, 1977, p. 284. 55 Tami COWDEN définit sur son site internet tamicowden.com 8 archétypes de héros, 8 archétypes d'héroïnes, 8 archétypes de méchants et 8 archétypes de méchantes. Chacun des personnages de films ou de séries correspond à 1 ou 2 catégories, 3 dans de très rares cas avec un personnage basculant d'une catégorie à une autre. Nous ferons plusieurs fois référence à ces archétypes puisqu'ils expliquent le comportement de plusieurs personnages de fiction. 53 Il faut ensuite définir le type de la série, car cela joue un rôle dans ces degrés de vérité que nous avons établis dans un premier temps. Jean-Pierre ESQUENAZI définit ainsi deux types de séries, les séries immobiles, dans lequel l'univers de la série n'évolue pas, et les séries évolutives. Bien entendu, comme pour les films, il est rare qu'une série s'illustre parfaitement dans une ou l'autre catégorie, il parle donc de série « plutôt évolutive » ou « plutôt immobile » 56. Rome est très clairement « plutôt évolutive », au vu des changements que traversent les personnages, la société, et le monde de la série. Dans les séries évolutives, JeanPierre ESQUENAZI définit ensuite trois types de formes : « 1 : le feuilleton "pur", l'action y dépend étroitement de celle qui précède et le suspense laissé à la fin de chaque épisode constitue le motif principal du désir du téléspectateur de continuer à regarder la série (cliffhanger). 2 : La série à énigme : un mystère posé au départ devient l'enjeu du récit et chaque avancée constitue un jalon dans la résolution du mystère. La causalité n'est pas aussi immédiate que dans le feuilleton pur : personnages et publics de la série à énigmes doivent faire le tri entre indices véritables et fausses pistes en vue d'une résolution globale du mystère. 3. Enfin, certaines séries feuilletonesques semblent marquées par une fatalité ou un poids : un événement déterminant pèse sur l'ensemble de la série » 57. Rome pourrait correspondre à la troisième catégorie, être marquée par un poids qui plane au-dessus des événements relatés, à la façon d'une pièce de Shakespeare, et illustrer tout simplement les derniers temps de la République, avec une fin annoncée, « Voilà comment finit la République romaine ». Mais elle correspond, en réalité, beaucoup plus à la première catégorie définie de série évolutive. Elle est un feuilleton « pur ». Celle-ci parvient à établir un suspens et des rebondissements dans un monde « fini ». Elle parvient à donner envie aux téléspectateurs de continuer à regarder la série alors que les événements relatés sont connus de nombre d'entre eux. Les scénaristes et la série se sont accaparé cette idée, résumée par Paul RICOEUR : « Coupé de tout futur, le passé paraît clos, achevé, inéluctable. Les choses apparaissent autrement si l'historien, se replaçant dans le présent de ses personnages, retrouve la situation d'incertitude, d'ouverture, d'agents ignorant la suite de l'histoire qui nous est connue et tombe dans le passé de l'historien. » 58 ESQUENAZI Jean-Pierre, Les séries télévisées : l'avenir du cinéma?, Paris, Armand Colin, 2014. p. 104. Id., Ibid., p. 129 – 130. 58 RICOEUR Paul, « Histoire et mémoire », dans BAECQUE Antoine de (dir. ), DELAGE Christian (dir.), De l'histoire au cinéma, Bruxelles, Complexe, 1998, p. 27. 56 57 Les producteurs et surtout les showrunners de la série ont ainsi fait le choix de ne pas prendre les figures emblématiques de cette période comme véritables personnages principaux, mais comme personnages secondaires. Les personnages principaux sont alors ceux dont historiquement on ne sait rien, ou tout du moins, très peu de choses, ce qui laisse alors plus de liberté aux scénaristes pour écrire l'histoire. La « grande » histoire de Rome n'est pas le sujet principal, c'est la « petite » histoire de quelques personnages, pendant les grands événements de la fin de la République, qui forme le coeur du récit. « S'il y a une formule DE MILLE dans les films historiques, elle est très simple : raconter une passionnante histoire personnelle sur la toile de fond de grands événements historiques. » 59 La série Rome apparaît comme une véritable héritière des historiens antiques, qui accentuaient les côtés sensationnels pour faciliter la lecture. Elle fait d'ailleurs de nombreuses références et de nombreuses citations de ces mêmes historiens et chroniqueurs antiques. Mais elle apparaît également comme la digne héritière des grands réalisateurs de péplums de la seconde moitié du XIXème siècle. La série, de la même manière, malgré la véracité de la plupart des faits qu'elle raconte, accentue certains faits fictionnels, ou certains personnages, afin de favoriser le visionnage pour le public non averti, ou pour répondre aux critères des séries actuelles, devant fidéliser leur public. 60 Elle doit également répondre aux critères des films historiques et des péplums, auxquels sont habitués les spectateurs. En effet, la série est un langage historique comme l'est un livre d'histoire ou un roman historique. Robert A. ROSENSTONE a posé les bases de l'intérêt pour l'historien de s'intéresser aux films dans son livre History on Film/Film on History 61 publié en 2006, mais il s'était également intéressé à la question dans de nombreux articles ou communications dès les années 1990. Il résume ainsi cette question du langage historique et de l'importance des films et des séries dans cette problématique : « "Dans le futur, notre relation au passé devra moins se concentrer sur l'acquisition de nouvelles informations sur le passé lui-même mais davantage sur le langage que nous Cecil B. DEMILLE, cité par MOURLET Michel, dans Cecil B. DeMille : Le fondateur de Hollywood, Paris, Éditions Seghers, 1968, p 81. 60 TATUM William J. « Chapter 2: Making History in Rome: Ancient vs. Modern perspectives », dans Rome, season one : history makes television, CYRINO Monica Silveira (dir.), Malden, Blackwell, 2008, p. 40. 61 ROSENSTONE Robert A., History on film/Film on History, Harlow, Pearson Longman, 2018, 3. 59 28 utilisons pour parler du passé". 62 M ême si ANKERS MIT ne dit rien à propos des médiums visuels, il semble clair qu'un des langages pour parler du passé peut-être le langage filmique. C'est un langage que nous devrions (devons?) apprendre à lire, un langage qui comprend (au minimum) à la fois les possibilités inhérentes aux médiums visuels et à leurs pratiques (la fiction est l'un d'entre eux) que ceux qui utilisent ce média ont fait évoluer. » 63 Il ne mentionne dans son ouvrage que les films, mais si l'on prend cette question de la transmission historique et du langage employé pour le faire nous pensons que la série, et les séries en général ont également un grand rôle à jouer dans cette question. Hayden WHITE en 1988 a ainsi proposé le terme de « Historiophotie », qui serait l'écriture en image de l'histoire, opposé à l'historiographie, restant l'écriture graphologique 64. Les relations entre le cinéma et l'histoire ont évolué au cours du temps, passant d'une source et d'un média populaires et peu sérieux, à un sujet d'étude progressivement reconnu. Néanmoins, il est encore courant d'entendre que le cinéma est un média ou une source peu historique ou peu sérieuse à étudier. Encore maintenant, les sources « dures » comme les sources archéologiques ou les sources écrites forment le coeur du travail de l'historien. Plusieurs visions s'opposent encore : « Le cinéma apparaît dès lors comme un art capable d'exprimer l'historicité plutôt que de représenter l'Histoire. ». 65 « La fiction offre en effet au cinéaste une énorme liberté narrative, mais, comme j'essaierai de le démontrer, elle peut aussi reposer sur une recherche rigoureuse du Frank ANKERSMIT, History and Tropology. The Rise and Fall of Metaphor, Berkeley, University of California Press, 1994, p. 162 – 181. 63 "In the future, our relationship to the past should focus less on the acquisition of new data on the past itself and more on the language we use for speaking about the past" (ANKERSMIT 1994b: 162 – 181). Though ANKERSMIT does not say anything about the visual media, it seems clear that one of the languages for talking about the past can be the language of film. It is a language we should (must?) learn how to read, a language which consists (at the very least) of both the possibilities inherent in the visual media and the practices (drama is one of them) which those who utilize the media have evolved." ROSENSTONE Robert A., History on film/Film on History, Harlow, Pearson Longman, 2018, 3, p. 32. Traduction personnelle du passage. 63 ERÖSS Gábor, L'art de l'Histoire : construction sociale de l'authenticité et de la vraisemblance historiques au cinéma, Paris, l'Harmattan, 2016, p. 25. 64 Hayden WHITE, « Historiography and Historiophoty », dans The American Historical Review, 93-5, 1 décembre 1988, p. 1193‐1199. 65 ERÖSS Gábor, L'art de l'Histoire : construction sociale de l'authenticité et de la vraisemblance historiques au cinéma, Paris, l'Harmattan, 2016, p. 25. 62 29 passé et être l'objet d'une quête qui ne diffère pas tellement de celle de l'historien conventionnel. » 66 Mais débattre sur la capacité du cinéma à représenter l'histoire est un débat sans fin, et qui ne résoudra rien. Le cinéma doit être étudié selon un autre prisme, résumé par Hervé DUMONT encore une fois : « Le représenté et sa représentation nous donnent une triple leçon d'histoire : on peut y décrypter (du moins en partie) le passé tel qu'il est rapporté par les anciens, le passé tel qu'il est conçu par le présent et le présent tel qu'il se reflète dans cette interprétation du passé. ». 67 L'étude historique du cinéma et les liens avec l'Histoire ont finalement réussi à s'imposer progressivement et à devenir un véritable champ de recherche grâce à certains universitaires. Claude AZIZA, maître de conférences honoraire de langue et littératures latines à la Sorbonne, Hervé DUMONT, historien du cinéma et directeur de la cinémathèque suisse de 1996 à 2008, et Michel ÉLOY, érudit et passionné, sont ainsi les spécialistes des péplums et de l'Antiquité au cinéma. De la même façon, l'étude des séries en histoire de l art est arrivée progressivement. Elle est arrivée principalement à la suite de la véritable explosion du nombre et de la qualité des séries télévisées à partir des années 1990, puis après 2000 68, dont HBO est d'ailleurs un des principaux acteurs 69. Le nombre d'ouvrages traitant artistiquement des séries télévisées a considérablement augmenté au cours des cinq dernières années, si bien qu'une grande majorité des ouvrages sur ces questions datent d'après 2012. En France, la collection Série des Presses Universitaires de France contribue grandement à la publication d'ouvrages sur ces questions. La grande majorité de ces nouveaux ouvrages s'attardent cependant sur une seule série et ne les mettent pas en comparaison 70. De plus, un seul ouvrage est consacré à une RAMIREZ Bruno, L'histoire à l'écran, Montréal, les Presses de l'Université de Montréal, 2014, p. 76. DUMONT Hervé, L'Antiquité au cinéma : vérités, légendes et manipulations, Paris, Nouveau Monde, 2009, p. XXI. 68 Cela correspond au topos anglo-saxon de Quality Show. 69 On appelle d'ailleurs cette période le troisième âge d'or HBO. Avec des séries comme FONTANA Tom (showrunner), OZ [série télévisée], 1997 – 2003, STAR Darren (showrunner), Sex and the City [série télévisée], 1998 – 2004, CHASE David (showrunner), The Sopranos [série télévisée], 1999 – 2007, BALL Alan (showrunner) Six Feet Under [série télévisée], 2001 – 2005, SIMON David (showrunner), The Wire [série télévisée], 2002 – 2008. Rome s'intègre parfaitement dans cette chronologie de séries. 70 Les ouvrages de la collection Série parus aux Presses Universitaires de France en 2012 sont ainsi : MARCUCCI Virginie, Desperate Housewives, un plaisir coupable. WAJCMAN Gérard, Les Experts, la police des morts. PERREUR 66 67 30 série historique 71. D'ailleurs, il s'agit probablement du seul ouvrage de la collection écrit par un non-spécialiste d'histoire du cinéma, Yann LE BOHEC, spécialiste d'histoire romaine. L'ouvrage est très clairement destiné au plus grand nombre et accumule les clichés, les erreurs, et les raccourcis sur la série. Le livre est un simple exposé de quelques événements présents, sans aucune analyse des images ou de ce que la série apporte sur la compréhension des événements. À défaut d'être utilisable pour le travail qui nous intéresse ici, le livre nous a permis de définir le modèle duquel nous voulions nous éloigner. Ces monographies sur des séries sont très souvent consacrées à des séries de la chaîne HBO. Néanmoins, toujours du point de vue artistique, deux séries semblent avoir échappé à cette gue, la série Rome et la mini-série Band of Brothers dont nous avons parlé. Il faut se poser la question de savoir si cela a un lien avec les relations qu'entretiennent ces deux séries avec l'Histoire. Leur caractère « historique » les exclut peut-être des analyses artistiques. De la même façon, les séries sont également épargnées par les analyses purement historiques. Pourtant, leur ambivalence suggèrerait des études à cheval sur les différentes disciplines. Des travaux historiques universitaires, notamment ceux de Marjolaine BOUTET, sur la série Un village français 72, commencent à émerger. Mais son livre, Un village français : Une histoire de l'Occupation, saisons 1 à 7, n'a été publié que début octobre 2017, pour coïncider avec la fin de la série. 31 réalité de la vie des Français pendant l'Occupation. L'intérêt d'une série par rapport à un film c'est qu'on rentre dans le quotidien des personnages, dans le temps long. » 73 Une idée que rejoint très clairement Hervé DUMONT dans l'introduction de son encyclopédie : « En transcrivant une vision particulière en mode dramatique à l'écran, il arrive même que le cinéma de fiction parvienne mieux à s'approcher d'une forme de véracité qu'un documentaire ou une docu-fiction télévisée déroulant arguments et simulacres didactiques. » 74 Ce serait donc parce que la série est une fiction qu'elle devient historique. Dans le cas d'Un Village Français cela vient probablement de la relation entre la série et son consultant historique, Jean-Pierre AZÉMA, qui est restée très bonne tout au long de la production. Et son travail est d'ailleurs régulièrement mis en avant, tant par la production que par les historiens spécialistes de la période. Pour ce qui est du domaine des études historiques, les séries n'ont pas encore réussi à s'imposer comme un véritable champ de recherche. Cela vient sans doute des relations complexes entre le cinéma, et maintenant les séries, avec les historiens. Très souvent, lorsqu'un historien est consulté pour un projet de fiction historique, il n'a pas vraiment d'avis à apporter, ni de véritable poids sur la production. Il se contente de valider des choix déjà pris par les créateurs et les scénaristes. Pour ce qui est de la série Rome, les décors ont même été construits avant qu'un consultant historique soit appelé sur le projet. Cela a d'ailleurs donné lieu à un chapitre, dans le livre de Monica S. CYRINO, sur lequel nous reviendrons, d'une historienne qui a refusé la fonction de consultante historique sur la série Rome 75. En effet, série a bénéficié de conditions de production jusqu'alors jamais mises en place à la télévision, mais les relations entre la production et les historiens sont restées les mêmes qu'avant. Pourtant, comme le rappelle à juste titre Priska MORRISSEY : « Le récit de fiction et le récit historique ont des caractères structurels communs. Pour les deux types de récits, il y a composition et figuration, au sens du muthos BOUTET Marjolaine dans « Un Village Français LE LIVRE | Entretien avec Marjolaine Boutet », sur YouTube. URL : https://www.youtube.com/watch?v=UggIafKOTLE. 01:45 – 02:10. Consulté le 07/12/17. - Elle compose des facteurs très hétérogènes (agents, buts, interactions, circonstances) - Elle possède ses caractères temporels propres, le point final ayant une fonction structurelle et éclairante (la clôture du récit historique ou fictionnel permet de comprendre ce qui a été raconté dans sa totalité). « L'histoire, tout comme le dramaturge, le poète, le réalisateur va donc effectuer un travail de re-écriture du monde. Comme le récit historique, le récit fictionnel décrit les évènements comme s'ils avaient réellement eu lieu, comme si les personnages avaient vraiment existé et l'illusion cinématographique rentre pleinement dans cette optique. C'est ce croisement référentiel qui pousse Paul Ricoeur à supposer que "la fiction emprunterait autant à l'histoire que l'histoire emprunte à la fiction". Ce rapprochement de type structurel facilite bien évidemment les échanges entre l'historien et le cinéaste. » 76 Jonathan STAMP, le consultant historique de la série, était le directeur du service historique de la BBC depuis 1990. Il a produit plus de vingt documentaires pour la chaîne. Pendant son travail pour la BBC, il a continué son travail de recherche et il est resté attaché à l'École britannique de Rome. C'est un historien qui a fait ses études à Oxford, qui a un Master en études antiques (classical studies), il a ensuite bénéficié d'une bourse de l'UNESCO pour voyager dans le monde méditerranéen. Pourtant, comme il le dit dans les commentaires DVD et les interviews, « les personnages sont dramatisés, toutefois le monde dans lequel ils évoluent, le contexte dans lequel ils existent, sont des éléments que nous pouvions étoffer à l'aide de détails historiques 77 ». Son travail de consultant historique a donc été, plus que de rendre la série exacte et parfaite historiquement, un travail d'enrichissement de la mise en scène, par des détails qui sonnent vrai. Il devient d'ailleurs coproducteur sur la saison 2, et est un des premiers de l'équipe technique crédité dans le générique de chaque épisode. Il est également présent dans une majeure partie des 13 commentaires audios d'épisodes. MORRISSEY Priska, Historiens et cinéastes : rencontre de deux écritures, Paris, l'Harmattan, 2004, p. 91 – 92. Dossier de presse de la BBC sur Rome, publié le 26/08/05, consulté le 15/03/17. URL : http://www.bbc.co.uk/pressoffice/pressreleases/stories/2005/08_ /26/rome.shtml. Ces relations conflictuelles, ou tout du moins tendues, entre les historiens et la production de films et de séries, sont problématiques. En effet, le cinéma et les séries télévisées sont un des principaux médias de transmission actuellement, si ce n'est le plus grand : « Le succès extraordinaire de la "fiction populaire", dont la dimension dépasse tout autre phénomène culturel de notre histoire (de l'histoire de l'humanité?). ». 78 Pour une majorité de la population, certaines périodes de l'histoire sont identiques ou similaires à ce qui est présenté dans les films. Si l'on demande ce qu'est l'Antiquité romaine à plusieurs personnes, il y a de très fortes chances pour que certaines représentations et certains aspects des péplums leur viennent en tête et que ce soit comme cela qu'elles conçoivent la période. Comment ces moyens sont-ils investis par l'histoire, ou pourquoi ne le sont-ils pas? Ce sont ces questions qui sont à l'origine de ce travail. Pourquoi la conception du grand public de l'Histoire n'évolue-t-elle pas, et pourquoi les travaux majeurs des chercheurs ne sont-ils pas connus du public? Pourquoi la connaissance de l'histoire n'évoluet-elle pas en même temps qu'elle est écrite par les universitaires et les chercheurs? La série Rome semblait un bon sujet d'étude, car elle nous est conseillée pendant les cours de Licence et a eu un grand succès critique et commercial, également auprès du public non averti. C'est la question de la transmission du travail universitaire, animée d'une certaine cinéphilie et sériephilie, qui animent ce travail. Comment une série qui se veut une fiction peut-elle être conseillée à des étudiants en histoire? Quel degré de vérité parvient-elle à toucher, à illustrer, à mettre sur écran, qu'un cours ne puisse pas suffire à illustrer? Quel est le langage d'une série pour parler d'Histoire? Nous nous concentrerons sur les questions des références aux films et aux livres, présentes dans la série, et des rapports avec la recherche historique, notamment ceux portant sur les collèges et sur la violence politique. Les collèges sont des associations ou des regroupements de personnes, dans l'Antiquité romaine, portant des noms divers 79.
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Développement d'un nouveau coeur numérique pour le code de calcul Salammbô de modélisation des ceintures de radiation terrestres Développement d'un nouveau coeur numérique pour le code de calcul Salammbô de modélisation des ceintures de radiation terrestres Ecole doctorale : AA - Aéronautique, Astronautique Spécialité : Mathématiques et Applications Unité de recherche : ISAE-ONERA PSI Physique Spatiale et Instrumentation Thèse dirigée par Vincent MAGET et François ROGIER Jury Mme Hélène BARUCQ, Rapporteure Mme Viviane PIERRARD, Rapporteure M. Philippe HELLUY, Examinateur M. Vincent MAGET, Directeur de thèse M. François ROGIER, Co-directeur de thèse M. Pierre-Louis BLELLY, Président M. Jérôme DRONIOU, Invité M. Nicolas BALCON, Invité "La totalité est plus que la somme des parties." Aristote Remerciements Nietzsche avait dit que " si on regardait longtemps au fond des abysses , ces derniers pouvaient voir au fond de nous-même ". La thèse aura été pour moi un abysse de la taille de la fosse des Mariannes ! Ça aura été 3 années, deux mois, 15 jours, 2 heures et 30 minutes d'émotions intenses pendant lesquelles je jonglais entre un doute permanent teinté de nihil isme ( c'est fou ce qu'un schéma numérique peut vous faire quand il ne converge pas) et un optimisme sans (c' plus fou ce que peut vous faire un schéma numérique quand il converge). Ça aura été un chapitre de vie palpitant, pendant lequel j'aurai exploré les tréfonds de mon existence pour trouver l'énergie nécessaire a mon combat contre le bruit de fond destructeur du syndrome de l'imposteur! Vous connaissez sûrement ce maudit parasite qui fait des ravages dans la population des doctorants chétifs, qui vous suit partout et tel un anti Jiminy Cricket vous pourrit la vie à coup de « Comment ont-ils pu donner ce travail à un incompétent comme toi. » ou encore « Ton entourloupe n'a fait que trop durer! » Malheureusement, je ne suis pas en mesure de donner aux futures générations de doctorants une recette de vaccin miracle pour combattre ce fléau (cc Pfizer TM ) pour autant, je peux vous assurer qu'avoir de merveilleux êtres humains autour de vous peut être une partie de la solution. Gladys Bronwyn Stern avait dit que "la reconnaissance silencieuse ne servait à personne". Je pense aussi que quand on est reconnaissant envers quelqu'un, il faut le lui faire savoir. Voyez-en cela un corollaire social du principe d'action réaction. C'est à cela que sert la rubrique de remerciements dans un manuscrit de thèse (merci pour l'info) dont j'appréhendais la rédaction plus que celle de mon dernier chapitre de résultats. Je vais donc essayer, avec mes mots, de témoigner ma gratitude aux personnes qui m'auront été, pendant la thèse et dans ma vie en général, d'un mentorat académique et intellectuel exemplaire, d'un soutien moral et émotionnel infaillible. Baaaaan, trêve de mondanité Je commence par Vincent, mon directeur de thèse, l'éternel trentenaire, qui m'a ouvert la porte du monde fantastique du Space Physics, à qui je dois ma première entorse de la cheville, ainsi que d'innombrables "remontada" de moral inespérées (maudit confinement) grâce à sa gentillesse et sa bienveillance inégalée (Le détecteur de phrases longues de Vincent a sûrement explosé il y a un bon moment). Il aura amplement mérité le titre du meilleur directeur de thèse du 1er étage du DPHY au moins et sans doute celui de meilleur directeur de thèse du monde. À François, mon co-directeur de thèse, le saint patron des sché mas numériques, qui a su depuis les premiers jours de la thèse, placer en moi une confiance totale en mes capacités et qui a toujours su me parler avec les mots justes et vrais aux moments fatidiques. Nous n'aurons hélas pas réussi à établir un théorème ensemble François, mais je me contenterai tout de même de l'axiome qui établit à quel point travailler avec toi était enrichissant. À Jérôme, le meilleur coach du "mercato" des volumes finis, qui m'a abondé de son hospitalité et de son temps quand j'ai eu le privilège de le visiter dans son unité de recherche en Australie et dont l'intervention dans mes travaux de thèse fut cruciale. 3 Mon séjour en Australie n'aura pas été possible sans l'appui matériel du Centre National d'études spatiales - CNES, co-financeur de ma thèse et véritable institution de dégustation culinaire inégalée (e.g. les buffets des JC1,JC2,TTVS. ) représentée par mes correspondant Denis Standarovski qui m'a suivi durant les 2 premières années et Nicolas Balcon qui m'a suivi pendant la dernière année. Je tiens également à remercier chaleureusement Hèlène Barucq et Vivianne Pierrard pour avoir accepté d'être rapporteures de ma thèse et pour leurs précieuses corrections et rectifications sur le manuscrit. Je remercie aussi Philippe Helluy et Pierre-Louis Blelly pour m'avoir honoré de leurs présence en tant que membre du jury et pour leurs retours très encourageants sur mes travaux. Aux ERSiens, et tout particulièrement, au patriarche de la tribu Sébastien pour son dévouement à l'équipe et sa disponibilité quand j'avais des questions aussi bêtes soient-elles, Angélica pour la bonne humeur qu'elle installe avec ses éclats de rire que j'entendais depuis le couloir, Didier pour ses encouragements et son aide inestimable lors des répéts de la soutenance, Antoine le futur récipiendaire du Nobel d'informatique (il faut lui en créer un si il n'existe pas) qui n'hésitait pas à m'aider quand le maillage Salammbô me faisait tourner la tête, Pablo le farceur du bureau 206 qui m'a rendu caféinomane. Grâce à vous, je me sens encore plus chanceux et comblé de pouvoir continuer l'aventure à l'ONERA. Aux membres du DPHY, véritable ruche humaine, constituée de femmes et d'hommes d'une excellence académique sans équivoque avec de grandes s humaines rendant le travail avec eux très convivial. Je tiens en particulier à remercier Christine pour m'avoir accompagné durant la thèse dans toutes mes démarches administratives et pour m'avoir épaulé pendant l'organisation des JDD en 2ème année. Évidement qui dit DPHY dit forcément Les Bonny and Clyde des détecteurs, les Chevallier et Laspales de l'irradiation, les Daft Punk des expériences à savoir Claude et Stéphane ou Stéphane et Claude (à vous de décider de l'ordre). Merci pour toutes vos farces hilarantes, vos passages inopinés au bureau, sacrément efficaces pour me réchauffer le coeur lors d'un énième bug de Salammbô VF, et de me rappeler la futilité de la vie. Vous êtes l'incarnation humaine de la citation de Spinoza : "Si vous voulez que la vie vous sourit, apportez-lui d'abord votre bonne humeur". Mention spéciale pour les tentatives ratées de Claude pour parler en arabe (parfois ça virait involontairement vers un mélange entre du kurde et de l'albanais) et pour les discussions passionnantes avec Stéphane sur la beauté de l'Australie. Aux doctorants et post-doc que j'ai pu rencontrer pendant cette aventure, et qui ont été de sacrés compagnons de route avec qui j'ai partagé de super moments de convivialité comme la bande du DTIS : Emanuele (avec qui j'ai enterré la hache de guerre carthago-romaine. ou pas?), Mathieu, Nadir, César, Jeanne (Bonne année!), Konstantinos, Paul, Ronan. mais aussi la bande du DPHY : Marine et Kevin (mes premiers co-bureaux avec qui on formait les pépites de l'ONERA, toujours copié, jamais égalé), Eudes, Adrien, Guilhem, Guillaume, Pauline (compère du dessous des cartes version ONERA), Hector (Viva Zapata! ), Abdess (l'écriture de ce pavé m'a trop fatigué, ça te dit une pause-café?), Maxime et Guillerme, en espérant revoir un de ces quatre ceux qui sont passés à d'autres batailles de la vie et en souhaitant pleins de courage et de ténacité pour tous ceux qui ont encore le nez dans le guidon (le paragraphe 1 pourrait vous être utile). À la clique de "jeunes cadres dynamiques" que je fréquente depuis 8 ans déjà, dont les rangs se sont renforcées d'année en année par des personnes remarquables, qui porte le glorieux patronyme des howm (initialement en référence au fameux morceau "Lil' homies" de 2pac) mais dont l'homophonie avec le mot anglais home, rappelle à quel point je me sens "chez moi" quand je suis avec eux : Les 4 inébranlables fondateurs Fet et Hachem (to ze moon), mon éternel coloc Houcem, la rayonnante Bochra, l'humble seigneur du Gémini 209 Adnane, mon double compatriote Med Azri, the best Bestie Ainsley, Mehdi l'érudit, Alexandre le marabout de la clio (et futur confrère), Nick le magnifique, Rizck le « Rzouga », Nour mon homonyme préférée, Skander l'inventif, Akshara la joyeuse et Fatima la sage (Bon courage pour ta thèse!). À mes acolytes de la prépa Tarek et Raed, qui derrière leurs carapaces de brutes conservent un fond aussi pur qu'un diamant. Petite pensée à Rourou le doctorant, à qui je rappelle que "la rouille ne pourra jamais dégrader, son immense coeur d'acier!". À l'indétrônable, l'incomparable (et probablement indéfendable) « groupe BEHIA » et son univers étendu, un patchwork hétéroclite d'êtres humains (faudra vérifier quand même) aussi déjantés qu'exceptionnels, qui pendant mes phases d'apnées dans les océans des doutes aura été mon réservoir d'oxygène, et qui m'auront fait tenir débout par une thérapie d'intox (sacrément efficace) un certain été 2019, j'ai nommé : Le couple mythique Sélim (mon tournevis préféré) et Mariem (le rayon de soleil incarné), à qui je conseille vivement de breveter le concept Sloumita, Les Tghaanks ou mes chères mélancoliques anonymes et mon premier rempart contre la déprime : Mourad l'empereur généreux (sosie officiel de Spinoza), Sabrina ma jumelle ex utero et le Don quichotte de Oued Ellil Ghassen, mais aussi Fares le baron du fonfon, Les Maalejettes guillerettes Marwa et Safa, la douce Zeineb, mon complice intellectuel Ismail (à qui je dois ma première rencontre avec un astronaute!) et le légendaire Houssem. On dit que le choix fait les amitiés et que le sort fait les parents. Pour ma part, le sort ne pouvait mieux m'offrir qu'une famille aussi aimante et généreuse comme la mienne : À mon père, Omar, ce personnage avec une carrure digne d'une divinité de l'Olympe et qui m'aura divulgué et transmis au fil du temps, ses meilleures qualités humaines. À ma mère, Latifa, qui incarne au mieux avec sa délicatesse la signification de son nom en arabe et qui fut, est et restera toujours ma boussole dans les tempêtes de la vie. À mes soeurs Mariem et Aicha pour qui je témoignes mon immense fierté envers les accomplissements qu'elles ont réalisés et ceux qui restent à venir et qui peuvent être sûr que je serais toujours à leurs côtés (Hélas je suis tenu par le sermon de la Pomme). À ma défunte grand-mère, Hamida, une battante admirable, simple dans sa grandeur et grande dans sa simplicité, qui a mon grand dam n'aura pas été présente parmi nous dans ce monde pour assister à ma consécration mais qui est partie avec la sérénité que j'allais y parvenir. II Caractérisation du nouveau coeur numérique de Salammbô-Électron II.1 É léments d'analyse fonctionnelle et algébrique....................... II.1.1 Notations, définitions et espaces fonctionnels................... II.1.2 Formulation mathématique du problème diffusif étudié.............. II.2 Représentativité physique de la solution numérique de l'équation de diffusion..... II.2.1 Formulations continues des principes du maximum, du minimum et de la positivité II.2.2 Formulations discrètes des principes du maximum, du minimum et de la positivité II.2.3 Préliminaires algébriques : M -matrice, matrice monotone et Weakly regular splitting II.2.4 Préserver le principe du maximum et la positivité par la monotonie du schéma II.2.5 Exemples de perte de la monotonie du schéma par perte de la structure M -matrice II.3 La méthode des volumes finis comme alternative pour la discrétisation spatiale.... II.3.1 Principe de la méthode des volumes finis...................... II.3.2 Les différentes familles de schémas aux volumes finis............... 53 54 54 54 55 55 56 56 59 59 61 61 64 7 30 33 34 36 36 37 38 40 43 43 45 50 52 II.4 Conditions de monotonie alternatives pour un schéma aux volumes finis : les conditions de Nordbotten......................................... II.5 Mise en place du socle de la nouvelle ré solution numérique................ II.5.1 Application de la méthode des volumes finis au problème de diffusion avec la formulation (y, E, L∗ ) de l'équation de diffusion.................. II.5.2 Construction du nouveau maillage aux volumes finis (y, E, L∗ ).......... II.5.3 Sélection des schémas pour l'étude numérique................... II.5.4 Une intégration inconditionnellement stable.................... III Développement d'un nouveau coeur numérique pour Salammbô-Électron 81 III.1 Notations adoptées dans les tests numériques. 82 III.2 La méthode des volumes finis comme alternative pour le traitement de la forte inhomogénéité. 83 III.2.1 Étude comparative de la précision des méthodes DF et VF en situation de diffusion stationnaire 1D raide. 83 III.2.2 Étude comparative de la gestion des conditions aux limites réalistes par les méthodes DF et VF. 86 III.2.3 Étude comparative de l'effet du raffinement du maillage sur les méthodes DF et VF. 87 III.2.4 Étude comparative des méthodes DF et VF sur la précision numérique en situation de diffusion analytique 2D raide. 89 III.2.5 Application de la méthode VF à un problème de diffusion transitoire réelle. 90 III.2.6 Conclusion. 92 III.3 La méthode des volumes finis comme alternative pour le traitement de la forte anisotropie 92 III.3.1 Analyse de la monotonie d'un schéma VF linéaire vues par les conditions de Nordbotten dans le cadre diffusif réel. 92 III.3.2 Construction d'un nouveau schéma non-linéaire monotone sur la base des conditions de Nordbotten. 102 III.3.3 Études des performances des schémas non-linéaires. 104 III.3.4 Application des schémas non-linéaires sur un problème de diffusion 2D réelle transitoire. 112 III.3.5 Obtient-on la monotonie du schéma LIN 2 si on généralise sa construction?. 117 III.3.6 Conclusion. 120 III.4 Mise en oeuvre d'un schéma numérique dédié à la diffusion radiale. 122 III.4.1 Logique de discrétisation de la diffusion radiale dans le coeur numérique actuel de Salammbô. 122 III.4.2 Construction et propriétés numériques du nouveau schéma radial. 123 III.4.3 Application du nouveau schéma sur un problème de diffusion radiale transitoire réelle. 124 III.5 Récapitulatifs des améliorations apportées par le nouveau coeur numérique à la port du nouveau dans les simulations s IV.1 Respect de la dynamique radiale seule : mesure de l'effet transitoire. 129 IV.2 Respect de l'équilibre entre la diffusion locale et radiale : mesure de l'effet du raffinement de grille spatiale. 133 IV.3 Simulation de la période étudiée en présence de la diffusion croisée. 139 IV.3.1 Caractérisation du rôle de la diffusion croisée dans un cas physique simple. 139 IV.3.2 Observation du rôle de la diffusion croisée dans l'orage magnétique de Septembre 2017. 144 8 IV.4 Comparaison de la restitution de l'ancien et du nouveau coeur avec les mesures de la sonde RBSP-B. 151 A Construction du schéma NLMPFA sur une grille cartésienne 155 B Conditions de Nordbotten : conditions nécessaires et suffisantes de monotonie? 157 C Termes mk du schéma LIN 2 quand Dxy < 0 159 D Contruction du schéma NLMONOT sur une grille cartésienne et identification des (c1, c2 ) 161 D.1 Construction du schéma NLMONOT. 161 D.2 Identification d'un couple (c1, c2 ). 161 Bibliographie 165 Introduction Les ceintures de radiation sont des structures physiques très dynamiques de l'environnement spatial terrestre. De formes toroïdales et étendues sur la majorité des orbites satellites, elles sont constituées d'électrons et de protons très énergétiques piégés par le champ magnétique terrestre. Ces particules décrivent des mouvements quasi-périodiques, qui induisent des périodes de vie de quelques semaines à plusieurs années et on observe des variations de leurs flux très intenses essentiellement dues à un fort couplage avec le vent solaire. Cette dynamique très variable et intense représente une contrainte très forte pour les missions spatiales. En effet, ces flux peuvent provoquer différents types de dommages sur les revêtements et les équipements électroniques des satellites, ce qui peut les dégrader et les rendre inopérants. Ce fut le cas en 1994 pour le satellite Anik E2, dont le contrôle total n'a été repris que 8 mois après sa défaillance initiale. Au vu des enjeux actuels de l'industrie spatiale, en forte croissance (revenus estimés à 307 Md en 2016) avec des applications critiques dans plusieurs domaines (dans la télécommunication, l'observation de la Terre, la navigation et la défense), il devient indispensable de bien comprendre le fonctionnement de cet environnement agressif et de spécifier le plus précisément possible ses contraintes. C'est dans ce contexte que l'un Environnement Radiatif Spatial (ERS) du département Physique, Instrumentation, Environnement et Espace (DPHY) de l'ONERA développe depuis de nombreuses années le code physique Salammbô de restitution de la dynamique des ceintures de radiation des électrons et des protons. Formulé à partir d'un modèle d'équation de diffusion, ce code pionnier a acquis une forte maturité dans sa représentation physique. Véritable laboratoire de recherche et de compréhension des processus d'interactions, Salammbô a récemment été intégré à des outils de prévisions et d'anticipation des risques encourus par les satellites, s'inscrivant dans le cadre de la météorologie de l'Espace. Pour pouvoir remplir ce travail, la résolution numérique du code Salammbô doit être précise, robuste et rapide. Le coeur numérique actuel de Salammbô, discrétisé en différences finies–Euler explicite, n'a pratiquement pas subi d'évolution depuis sa toute première version. Comme les processus mis en jeu dans l'équation de diffusion sont multi-échelles et multi-physiques, le code est de plus en plus contraint numériquement, en particulier pour sa version électron. De plus, il ne permet pas la prise en compte de processus physiques représentés dans l'équation par des termes de diffusion croisés, dont le rôle dans la dynamique des électrons piégés est de plus en plus reconnu. C'est dans cette optique que s'inscrit mon travail de thèse, dont l'objectif est d'identifier et élaborer une nouvelle stratégie de résolution pour le code Salammbô afin de lever ses verrous numériques. Cela permettrait de réaliser un pas en avant important vers un code de calcul plus précis dans sa prise en compte de la physique mise en jeu, plus robuste vis-à-vis des artefacts numériques et plus flexible dans le choix de ses paramètres de résolution. Ainsi, je vais introduire dans le premier chapitre le cadre physique de ce travail de thèse. Je présente d'abord les spécificités physiques des ceintures de radiation et j'aborde la théorie des invariants adiabatiques qui modélise le mouvement quasi-périodique des particules piégées. Ensuite, après avoir rappelé quelques aspects de l'activité du Soleil, je m'intéresse à son impact sur la magnétosphère interne et je détaille les différents processus qu'elle induit sur l'équilibre de la dynamique des ceintures de 11 radiation. Suite à cela, je détaille la problématique de la modélisation de cet environnement hostile en rappelant les besoins des acteurs du spatial. Ensuite, j'établis le cadre de sa modélisation théorique par une équation de diffusion 3D issue d'un modèle d'équation de Fo -Planck. Je termine ce chapitre par la synthèse des contraintes imposées par ce cadre physique sur la résolution numérique associée, puis je précise les pistes identifiées pour les surmonter dans le cadre de ma thèse. Le second chapitre sert à l'établissement du socle de la nouvelle résolution numérique à adopter dans le code Salammbô. Pour cela, je reviens dans un premier temps sur le cadre mathématique de l'équation de diffusion étudiée et je rappelle les différents principes mathématiques qui s'appliquent à la solution de l'équation et qui lui procurent une représentativité physique. Ensuite, je décris en détails la méthode des volumes finis, ma principale piste d'amélioration pour la discrétisation spatiale. 14 17 23 23 30 33 34 36 36 37 38 43 43 Nous allons présenter dans ce chapitre, le contexte général de la thèse, relatif à la modélisation de la dynamique des ceintures de radiation électrons. En premier lieu, nous allons aborder le cadre physique de notre étude en rappelant les spécificités du champ magnétique terrestre, les caractéristiques des ceintures de radiations et la matérialisation de l'interaction Soleil-Terre sur l'environnement radiatif terrestre. Après avoir rappelé les besoins pressants des acteurs du spatial pour une modélisation fiable de cet environnement hostile, nous présenterons sa modélisation théorique sur laquelle se base le modèle de restitution Salammbô, développé par l'ONERA. On finira par relater les contraintes imposées par la physique étudiée sur la résolution numérique et les pistes envisagées pour les surmonter. I.1 I.1.1 Présentation des ceintures de radiation Le champ magnétique terrestre à l'origine des ceintures de radiation La Terre possède un champ magnétique dynamique, en constante interaction avec son environnement. Son origine est interne, liée au mouvement des courants de métaux liquides de son noyau (Théorie de la dynamo terrestre) [1]. A la surface de la Terre, son intensité varie entre 30 et 60 μT, soit 3 à 4 ordres de grandeur de moins que le champ magnétique du Soleil à sa surface (environ 0.1 T) [2]. En première approximation, il est possible de le modéliser par un champ magnétique dipolaire incliné de 11.6◦ de l'axe de rotation de la terre et décentré de 500 km de cet axe. Du fait de ce tilt et de ce décentrement, une région, centrée au dessus de l'Atlantique Sud, présente (pour une altitude donnée) un champ magnétique plus faible, c'est l'anomalie de l'Atlantique Sud (ou SAA pour South Atlantic Anomaly). Le modèle dipolaire é dans la figure I.1 illustre cette asymétrie. Ainsi, dans la SAA, l'intensité du champ magnétique est plus faible (≈ 24μT ) qu'au point qui lui est opposé par rapport à l'axe du dipôle (≈ 400μT ) [2]. Le champ magnétique interne de la Terre n'est pas constant, il varie lentement dans le temps (variations séculaires). Actuellement, son intensité décroît globalement, avec une variation annuelle de l'ordre de 0.06%, combinée à une dérive de son axe vers l'Ouest [3]. D'autres irrégularités secondaires sont observées dans ce champ, limitant l'utilisation d'une modélisation dipolaire simple pour le représenter. Figure I.1 – Représentation du modèle dipolaire du champ magnétique terrestre. A ce champ magnétique d'origine interne vient s'ajouter une contribution qui provient du fait que la Terre et son environnement baignent dans le vent solaire (présenté avec plus de détails la partie I.2.1.2). Un fort couplage magnéto-hydrodynamique est induit entre ces deux composantes, comprimant le champ magnétique terrestre côté jour et l'étirant côté nuit, comme illustré sur la figure I.2 [3]. La modélisation du champ terrestre globale nécessite donc de combiner une composante interne basée sur le modèle IGRF, et une composante externe décrivant les interactions induites par le vent solaire [2]. I.1.2 Caractéristiques physiques des ceintures de radiation terrestres La découverte des ceintures de radiation est attribuée au physicien américain James Van Allen en 1958, après l'analyse des mesures de compteurs Geiger embarqués sur la sonde américaine Explorer 14 Figure I.2 – Champ magnétique magnétosphérique terrestre. III. Sa découverte a été popularisée par sa fameuse citation "Space is radioactive" [5]. Pour l'anecdote, on sait maintenant que les radiations émises par les ceintures avaient déjà été observées par le satellite soviétique Spoutnik 2 quelques mois auparavant (en 1957) [6]. Cependant, les mauvaises interprétations de l'équipe de recherche soviétique dirigée par Sergei Vernov, et le secret entourant les projets spatiaux soviétiques de l'époque lui ont sans doute fait perdre la primeur de la découverte [7]. Les ceintures de Van Allen ont une forme toroïdale et s'étendent à plus de 6 rayons terrestres. Elles englobent ainsi la plupart des orbites satellites scientifiques et commerciaux, de l'orbite basse (≈ 700 km) et au-delà de l'orbite géostationnaire (voir figure I.3). Elles sont peuplées de protons et d'électrons piégés par le champ magnétique terrestre. Leurs structures sont stables dans le temps et la durée de vie des particules piégées peut atteindre le mois voire l'année en fonction de la région où elles évoluent [2]. Figure I.3 – Étendue des ceintures de radiation électron relativement aux différentes orbites satellites. Crédit NASA. Généralement, on observe une seule ceinture peuplée de protons, dont l'énergie s'étale de quelques keV à plusieurs centaines de MeV (un maximum d'énergie de 2 GeV a même été observé pour des protons piégés à basse altitude, par un instrument embarqué sur le satellite Resours-DK1 [8]). A basse énergie (en deçà du MeV), la ceinture proton s'étend jusqu'à environ 7 rayons terrestres. Mais plus l'énergie des protons piégés est importante et plus leur région de piégeage est resserrée autour de la Terre. Par exemple, les protons d'énergie supérieure à 10 MeV ont un maximum de flux se situant en moyenne entre 1.5 et 2 rayons terrestres (voir figure I.4) et il est de l'ordre de 106 particules cm−2 s−1 en moyenne [2][9]. Le maximum de flux des protons de 100 MeV est situé encore plus bas, comme à cette énergie, les protons ne sont piégés qu'en-dessous de 2.5 rayons terrestres [10][11]. En période de fortes perturbations électromagnétiques, on observe parfois la création d'une seconde ceinture éphémère de protons d'énergies comprises entre 10 à 50 MeV, au dessus de la ceinture principale et pour une durée de temps variable. Les données du satellite Combined Release and Radiation Effects Satellite (CRRES ) ont par exemple montré la formation en Mars 1991 d'une seconde ceinture protons entre 1.8 et 2.6 rayons terrestres, pour des énergies de plus de 20 MeV et ayant persisté plusieurs mois [12]. Les ceintures de radiation électrons s'étendent quant à elles jusqu'à environ 10 rayons terrestres (voir figure I.4) et elles sont au nombre de deux : - Une ceinture interne de basse altitude où la distribution en électrons est assez stable. Les énergies des ons qui y sont piégés sont la plupart du temps inférieures au MeV. Les mesures des sondes Van Allen Probes ont toutefois démontré une persistance occasionnelle (T ≥ une année et demie) dans cette zone d'électrons avec une énergie de l'ordre du MeV [13]. Pour les électrons d'énergie supérieure à 0.5 MeV, le maximum de flux se situe en-dessous de 2 rayons terrestres et peut dépasser 106 cm−2 s−1 (voir figure I.4). - Une ceinture externe de haute altitude où les flux d'électrons sont beaucoup plus variables et très sensibles à la dynamique du vent solaire et aux perturbations électromagnétiques. Figure I.4 – Contours isoflux sur une coupe méridionale des ceintures de radiation protons et électrons. Figure extraite de [10]. Planète Terre Jupiter Saturne Particule e− p+ e− p+ e− p+ Énergie 1 keV - 10 MeV 1 keV - 300 MeV 1 keV - 300 MeV 1 keV - environ 100 MeV 1 keV - 10 MeV 1 keV - 100 MeV Extension (rayons planétaires) 1-10 1-7 1-quelques dizaines 1-quelques dizaines 1-10 1-10 TABLEAU I.1 – Propriétés des ceintures de radiation des planètes magnétisées du système solaire. I.1.3 Le mouvement des particules piégées des ceintures de radiation Comme introduit précédemment, les ceintures de radiation sont peuplées de particules dont la cinétique est pilotée par le champ magnétique. Bien que ce dernier ait une structure complexe, il est possible de décrire théoriquement le mouvement des particules piégées en le décomposant en trois mouvements élémentaires [18] : - Un mouvement de giration autour d'une ligne de champ magnétique. - Un mouvement de rebond le long d'une ligne de champ, entre deux points miroirs. - Un mouvement de dérive à travers les lignes de champ magnétique, autour de la Terre. Dans les paragraphes suivants, on va présenter chacun de ces trois mouvements afin de poser les bases de la modélisation des ceintures de radiation terrestres. On va s'appuyer en particulier sur une approximation dipolaire du champ magnétique terrestre pour présenter ces mouvements quasipériodiques à l'origine du piégeage magnétique. Bien que "simplistes", ces résultats théoriques restent 17 valides dans le cas d'une modélisation plus réaliste du champ, mais les formulations analytiques ne sont plus directes, et des calculs numériques sont alors nécessaires, comme décrit dans [19]. I.1.3.1 Le mouvement de giration Une particule chargée soumise à un champ magnétique subit la force de Lorentz : ~ ∧B ~ + qE ~ F~ = q × V (I.1) ~ son vecteur vitesse, B ~ et E ~ respectivement le champ magnétique q est la charge de la particule, V et électrique dans lesquels la particule évolue. Pour un champ magnétique homogène et plan, la force ~ (voir figure de Lorentz impose à la particule un mouvement circulaire dans le plan perpendiculaire à B I.5). Ce mouvement est caractérisé par un rayon de giration ou rayon de Larmor noté rc, et une période de giration/cyclotron notée τc tel que : p⊥ rc = q B (I. 2) 2πm τc = |q|B avec m la masse de la particule, p⊥ = mV⊥ sa quantité de mouvement perpendiculaire et α l'angle ~ = ~0), la force de Lorentz ne travaille pas. L'énergie cid'attaque local. Sans contribution électrique (E nétique de la particule est conservée. Figure I.5 – Mouvement de giration d'une particule autour d'une ligne de champ magnétique. Figure extraite de [21] . On démontre que quand le champ magnétique varie lentement, c'est à dire : B ∇⊥ B B τc << ∂B rc << (I.4) ∂t alors, le moment magnétique μ reste constant [18][19]. Autrement dit, dans les conditions (I.4), la particule s'adapte naturellement et graduellement au changement d'environnement magnétique et conserve 18 son moment magnétique. On parle alors de μ en tant qu'invariant adiabatique de giration. La notion d'adiabaticité est utilisée pour illustrer un retour de la particule dans son état de giration initial si elle est soumise à la perturbation inverse équivalente. Si on considère maintenant que le champ magnétique B subit des fluctuations temporelles et spatiales supérieures à ∂B respectivement ∇B, alors le moment ⊥B ∂t magnétique n'est plus conservé. On parle dans ce cas de violation de l'invariant adiabatique [18]. Pour ~ respectant (I.4), on simplifier la description du mouvement d'une particule évoluant dans un champ B utilise l'approximation du centre-guide [22]. Au lieu de suivre la trajectoire exacte de la particule, on s'intéresse plutôt à la trajectoire instantanée de son centre de giration, dont la grandeur caractéristique associée est μ (voir figure I.6). ~ alors Si la particule s'engage avec une composante de vitesse parallèle au même champ uniforme B, son mouvement sera hélicoïdal autour de la ligne de champ rectiligne. Pour un champ magnétique plus complexe et respectant les conditions (I.4), le mouvement parallèle s'adapte instantanément pour accompagner la conservation de la giration. C'est ce qu'on va voir dans le paragraphe suivant. I.1.3.2 Mouvement de rebond Dans son approximation dipolaire, l 'intensité du champ magnétique le long d'une de ses lignes de champ n'est pas uniforme. Elle est minimale à l'équateur et maximale aux pôles. En restant dans le ~ et le resserrement des lignes de cadre des conditions d'adiabaticité (I.4), ce gradient longitudinal de B champ imposent sur le centre guide d'une particule piégée une force de rappel bien décrite dans [22] et qui s'écrit : ∂B(s) F~ = −μ u~s (I.5) ∂s avec s l'abscisse curviligne du centre guide sur la ligne de champ considérée et u~s le vecteur unitaire ~ tangent à B. Respectant (I.4), μ est conservé. A mesure que la particule s'approche des pôles, p⊥ doit augmenter ~ ne travaille pas, l'énergie cinétique de la particule est donc conser(équation (I.3)). Figure I.6 – Trajectoire d'une particule le long d'une ligne de champ magnétique et mouvement de son centre guide. Pour une ligne de champ dipolaire, on peut exprimer Bm à partir de l'intensité du champ à l'équateur, notée Beq. Pour cela, on part de la conservation du moment magnétique entre le point miroir et 19 l'équateur : μ= m2 V sin(αeq )2 m2 V sin(αm )2 = 2m0 Beq 2m0 Bm avec αeq l'angle d'attaque à l'équateur et αm l'angle d'attaque au point miroir égale à y = sin(αeq ) et on obtient : Beq Bm = 2 y (I.6) π 2. On pose (I.7) La formule (I.7) montre une dépendance entre l'intensité du point miroir avec l'angle d'attaque à l'équateur αeq. Plus αeq est faible, plus Bm est grand et plus le point miroir sera proche du pied de la ligne de champ et donc de la Terre. S'il devient trop petit, i.e., si la particule a une vitesse parallèle à B importante, alors le point miroir peut se trouver dans l'atmosphère, voire même dans la Terre ellemême. En conséquence, la particule n'est pas viable et n'est pas piégée, puisqu'au bout d'un rebond, elle sera perdue par précipitation dans l'atmosphère. On définit ainsi un angle d'attaque équatorial limite noté αc, en deçà duquel, le point miroir sera situé dans l'atmosphère. L'ensemble des angles d'attaque équatoriaux inférieurs à αc forment le cône de perte, comme illustré sur la figure I.7. A l'image du mouvement de giration, le mouvement quasi-périodique de rebond est associé lui aussi à un invariant adiabatique noté J. Il est souvent interprété comme la rigidité élastique d'une corde magnétique limitée par les deux points miroirs et s'écrit : I Z 0 s 1 p sm B(s) J= pk ds = 1− ds (I.8) 2π π sm Bm sm et s0m les abcisses curvilignes des points miroirs. Figure I.7 – Mouvement de rebond d'une particule le long d'une ligne de champ magnétique entre les points miroirs. Figure extraite de [21]. I.1.3.3 Mouvement de dérive Toujours dans l'approximation dipolaire, on sait que B admet un gradient radial positif quand on s'approche de la Terre. Ainsi, rc varie d'une ligne de champ à une autre en fonction de la distance radiale de la particule piégée (équation (I.2)). Au cours de sa giration, une particule chargée verra donc un champ magnétique plus fort (resp. plus faible) quand elle s'approchera (resp. s'éloignera) de la Terre, diminuant (resp. augmentant) son rayon de Larmor instantané rc (voir figure I.8). La particule décrit ainsi un mouvement cycloïdal autour de la Terre, lui aussi quasi-périodique, appelée mouvement de dérive. Les contours de dérive définis par les positions successives équatoriales de la particule et 20 Figure I.8 – À gauche : Illustration du gradient radial du champ magnetique de la Terre. À droite : Le mouvement de dérive des particules chargées autour de la Terre. Figures extraites de [21]. celles des deux points miroirs permettent de définir une surface que l'on nomme coquille de dérive (voir I.9). Cette dernière capture le flux magnétique Φ : ZZ ~ S ~ Φ= Bd (I.9) Ce flux magnétique caractérise la troisième caractéristique du mouvement quasi-périodique ou 3ème invariant adiabatique, associé au mouvement de dérive. ZZ 2|q| ~ = |q| Φ ~ dS J3 = B (I . 10) π 2π On associe à une coquille de dérive donnée, le paramètre de Roederer, noté L∗ : L∗ = 2πB0 a2 Φ (I.11) a est le rayon terrestre moyen et B0 l'intensité du champ à la surface de la Terre au niveau de l'équateur magnétique [18]. L∗ est très utilisé pour décrire des topologies magnétiques complex (notamment dans le cas d'une asymétrie entre le côté jour et le côté nuit). Dans le cas d'une modélisation dipolaire, L∗ devient équivalent à L, le paramètre de McIlwain [23]. Il est égal à la distance adimensionnée en rayons terrestres entre l'apex de la ligne de champ à l'équateur et le centre du dipôle magnétique. Figure I.9 – Coquille de dérive qui illustre l'apport des trois mouvements élémentaires de giration, de rebond et de dérive. Figure extraite de [21]. 21 I.1.3.4 Finesse de la représentation du mouvement des particules piégées L'hypothèse dipolaire adoptée dans les développements précédents permet de simplifier la représentation des mouvements de giration, de rebond et de dérive. Ce modèle de décomposition en mouvements élémentaires reste pertinent et valide dans le cadre d'un champ réel [19]. Si les variations temporelles du champ magnétique sont plus lentes que le temps caractéristique de dérive, les particules girant, rebondissant et dérivant, restent "accrochées" à leurs coquilles de dérive. De plus, comme on le verra dans la section I.3, on a accès a différentes finesses de représentation du mouvement des particules piégées, et ce, selon le degré de précision et la simplicité du modèle de représentation (voir figure I.10) : - La trajectoire exacte d'une particule piégée, filamentaire et hélicoïdale, associant les trois mouvements quasi-périodiques (à gauche de la figure I.10). - La trajectoire moyennée sur la giration du centre-guide, rectiligne courbée (au centre de la figure I.10 ) - La trajectoire moyennée sur la giration et le rebond du centre-guide, s'opérant simplement dans le plan équatorial et décrivant l'intersection du plan avec la coquille de dérive (à droite de la figure I.10 ) Figure I.10 – À gauche : Trajectoire exacte d'une particule piégée des ceintures de radiation. Au centre : Trajectoire de son centre-guide qui décrit la coquille de dérive. À doite : Trajectoire du centreguide moyennée sur le mouvement de rebond, reportée au niveau de l'équateur magnétique. Figures extraites I.1.3.5 Temps caractéristiques des mouvements élémentaires Le tableau I.2 rassemble quelques temps caractéristiques des mouvements de giration τc, de rebond τr et de dérive τd pour des électrons et des protons piégés à différentes énergies et altitudes. On constate une grande disparité entre les temps caractéristiques de dérive, de rebond et de giration. Les trois mouvements sont donc décorrélés. 2000 km Électron 50 keV Électron 1 MeV Proton 1 MeV Proton 10 MeV L =2 Électron 1 MeV Protons 1 MeV rc (m) 50 320 104 3 * 104 rc (m) 1000 25000 τ1 (s) 2.5 * 10−6 7 * 7−6 4 * 10−3 4.2 * 10−3 τ1 (s) 10−2 10−2 τ2 (s) 0.25 0.1 2.2 0.65 τ2 (s) 1 1 τ3 (s) 41400 3180 1920 192 τ3 (s) 1000 1000 TABLEAU I.2 – Temps caractéristiques des mouvements de giration, rebond et de dérive et rayon de Larmor pour des électrons et des protons piégées à différentes énergies et altitudes, autour de la Terre. I.2 I.2.1 I.2.1.1 La dynamique des ceintures de radiation terrestres Une dynamique pilotée par les interactions Soleil - Terre L'activité solaire Le Soleil est une étoile active. Sa dynamique interne complexe combine des réactions nucléaires et des mécanismes de convection du plasma à grande échelle. Il en résulte une libération d'énergie à l'extérieur du Soleil, qui va se propager dans l'espace interplanétaire sous forme de rayonnements énergétiques et particulaires. Sans rentrer dans les détails des mécanismes physiques, on va décrire succinctement les différentes formes que peut prendre l'activité du Soleil (schématisée dans la figure I.11), qui influe sur l'environnement spatial terrestre et en particulier sur les ceintures de radiation. Ainsi, l'activité solaire peut être décomposée en deux formes : - le vent solaire, composante continue de plasma émis par le Soleil, dont les énergies sont de l'ordre du keV. - les éruptions solaires, bouffées de particules de très hautes énergies, de la dizaine à la centaine de MeV (protons et ions), émises sporadiquement. Figure I.11 – Activité du soleil et interaction avec la magnétosphère terrestre. Crédit NASA. En premier lieu, le vent solaire est la composante particulaire continue émise par le Soleil, qui vient affecter l'environnement spatial terrestre. Il est composé principalement d'électrons et de protons d'énergies de l'ordre du keV, expulsé en continu depuis la couronne solaire [24]. En s'échappant de l'atmosphère solaire vers l'espace interplanétaire, le vent solaire décrit une spirale due à la rotation du Soleil. Figeant le champ magnétique émergeant du Soleil, il le transporte jusqu'à l'orbite de la Terre en quelques jours. Le vent solaire possède deux composantes. La première est lente et continue (de l'ordre de quelques centaines de km/s). Elle correspond à l'échappement des électrons sous l'effet de leur agitation thermique. La différence de charges locale induit l'échappement combiné des protons lourds dans le vent solaire également. Elle est davantage observable dans le plan équatorial du Soleil et reste confinée entre les lignes du champ magnétique qui émergent d'un hémisphère solaire et se referment de l'autre. La seconde composante du vent solaire est dite rapide (V ∼ 1000 km/s). Elle tire son origine principalement des trous coronaux polaires, régions où les lignes du champ magnétique solaire sont ouvertes. La seconde composante du vent solaire est lente (V ∼ 400 km/s). Lors du déclin cyclique de l'activité du soleil, les deux composantes se rejoignent quand les trous coronaux se déplacent vers l'équateur, 23 formant alors dans le vent solaire, sus-jacent, une région d'interaction en corotation entre les vents solaires rapide et lent, la Corotating Interaction Region (CIR) [25]. Une deuxième source du vent solaire rapide, mais cette fois-ci sporadique, provient des éjections de masses coronales ou Coronal Mass Ejection (CME). Il s'agit d'un phénomène de relâchement de plasma à grande échelle. Une boucle magnétique dense en gaz ionisé est relâchée, suite à la déstabilisation de l'équilibre entre force de pression magnétique qui la confinait près de la surface du Soleil, et force de pression liée à l'agitation thermique. Cette "boule de plasma" se propage ensuite dans le vent solaire environnant, avec une vitesse pouvant dépasser 600 km/s [26]. L'éjection du plasma est généralement devancée par une onde de choc qui atteint la Terre au bout de quelques jours comprimant alors notablement le champ magnétosphérique. Figure I.12 – Évolution annuelle du nombre de tâches solaires répertoriées et disparité entre les différents cycles solaires. En rouge les observations sporadiques, en bleu les observations mensuelles régulières, en noir les observations lissées sur l'année, Crédit NASA. I.2.1.2 La magnétosphère, cavité protectrice de la Terre Établissement de la magnétosphère : Lorsque le vent solaire atteint l'orbite de la Terre, il se trouve confronté au champ magnétique terrestre. Comme illustré sur la figure I.13, un équilibre de type magnéto-hydrodynamique s'établit entre la pression magnétique du champ magnétique et la pression du vent solaire, formant une cavité magnétique autour de la Terre, la magnétosphère [30]. Une onde de choc se forme en amont de la magnétopause, nom donné à la frontière de la magnétosphère. Le champ magnétique parvient ainsi à réduire drastiquement la vitesse du plasma solaire et le force à la contourner en s'écoulant le long de ses flancs. La localisation de la magnétopause est très variable. Elle est fortement liée aux fluctuations de la pression du vent solaire côté jour (en direction du Soleil) et au cisaillement de vitesse côté aube et crépuscule [31][32]. Cette interaction dynamique est responsable de la génération d'ondes électromagnétiques Ultra Low Frequency (ULF) qui vont se propager à l'intérieur de la magnétosphère et participer à sa dynamique interne et en particulier à celle des ceintures de radiation terrestres, comme on le verra dans le paragraphe I.2.2.1. Comme elle ne laisse pénétrer qu'une faible partie des particules et de l'énergie du vent solaire (∼ 2%) [33], la magnétosphère représente une véritable enveloppe protectrice pour la Terre et encapsule la zone d'influence du champ magnétique de la Terre. Elle s'étend sur environ 16 rayons terrestres en moyenne [34]. Elle est asymétrique, comprimée côté jour et s'étend en moyenne jusqu'à 10 rayons terrestres. Elle est étirée côté nuit, pouvant s'étendre au-delà de l'orbite ire. La magnétosphère est un système complexe, composé de différentes régions aux caractéristiques très différentes. On citera en particulier deux régions en lien direct avec la dynamique des ceintures de radiation : - la magnétosphère interne, région de la magnétosphère proche de la Terre (en-dessous de 10 rayons terrestres côté nuit) dont on décrira la composition succinctement dans le paragraphe suivant. - le feuillet de plasma, au-delà de 8 rayons terrestres côté nuit, confiné au niveau de l'équateur magnétique. Figure I.13 – Coupe méridienne de la magnétosphère de la Terre. Figure extraite de [35]. 25 Composition de la magnétosphère interne : La magnétosphère interne est peuplée de particules (e−, p+ et ions) issues du vent solaire et de l'ionosphère terrestre. Ces particules peuvent être mues par des courants de convection ou rassemblées sous forme de plasmas de différentes énergies. Comme le montre la figure I.14, on y trouve aussi différentes familles d'ondes électromagnétiques, distribuées d'une manière hétérogène autour de la Terre. Figure I.14 – Composition interne de la magnétosphère et disposition des ondes magnétosphériques autour de la Terre. Figure extraite de [36]. Partant de l'atmosphère terrestre et du sommet de l'ionosphère (environ 1000 km d'altitude), on distingue une première zone importante : la plasmasphère. Elle est composée d'un plasma froid et dense (électrons et protons d'énergie inférieure à ∼ 100 eV et une densité pouvant atteindre ∼ 1000 particules/cm3 [2]). L'apport en particules chargées de la plasmashère se fait grâce à l'ionisation des particules neutres de la haute atmosphère par le rayonnement ultraviolet solaire. Ces particules chargées sont ensuite confinées autour de la Terre par l'effet combiné du champ électrique de corotation et de la gravité terrestre, donnant à la plasmasphère sa forme de "beignet" en période calme et une forme de "goutte" étirée côté jour en période perturbée comme le montre la figure I.14. En réalité, la densité interne de la plasmasphère n'est pas uniforme et elle présente souvent des irrégularités locales dont la caractérisation est encore incomplète [37]. Néanmoins, les observations des satellites CLUSTER et THEMIS ont permis une nette amélioration de la compréhension de ces structures ainsi que ses différents processus de remplissage et d'érosion [37]. La frontière externe de la plasmasphère nommée plasmapause, est caractérisée par une baisse drastique de la densité des particules de plusieurs ordres de grandeur (voir figure I.15). L'emplacement de la plasmapause n'est pas statique. L'analyse des observations du satellite IMAGE rapportée dans [38] a permis de lier la dynamique de cette frontière externe à la zone d'influence du champ de corotation ainsi qu'à l'activité géomagnétique ainsi qu'aux caractéristiques vent solaire [39][40]. Ainsi, la plasmapause peut se situer au-delà de 5 rayons terrestres en période de calme géomagnétique. En période de forte activité, elle peut être réduite très fortement, atteignant un rayon terrestre et demi comme observé par le satellite CRRES durant l'intense orage géomagnétique de Mars 1991 [2]. On verra par la suite que la plasmasphère constitue une région privilégiée pour le développement d'une famille d'ondes électromagnétiques particulièrement influente dans la dynamique des ceintures de radiation électron, à savoir les ondes de types Hiss et lightning whistler. Figure I.15 – Profil de densité électronique de part et d'autre de la plasmapause, en fonction de la distance adimensionnée en rayons terrestres. Figure reproduite à partir de [41]. Les ceintures de radiation terrestres partagent aussi cette région et ces deux populations de plasma ("froid" pour la plasmasphère et "chaud" pour les ceintures de radiation) se côtoient et peuvent interagir entre elles comme on le verra dans le paragraphe I.2.2.1. Le feuillet neutre, source de plasma "frais" pour la magnétosphère interne : Du côté nuit de la magné tosphère, et au-delà de 8 rayons terrestres, se trouve le feuillet neutre (appelé "couche de plasma" dans la figure I.13). Il est constitué d'un plasma de basses énergies (∼ keV) [42] évoluant dans le plan équatorial magnétique. Les particules du feuillet neutre proviennent du vent solaire et elles sont soumises à un champ magnétique d'intensité plus faible. Lors des perturbations électromagnétiques dues à l'interaction de la magnétosphère avec le vent solaire, les particules du feuillet neutre sont accélérées vers la Terre et leurs énergies peuvent atteindre la centaine de keV. Comme le champ magnétique au voisinage de la Terre est plus fort, une séparation de charge s'opère et la structure du courant annulaire se forme. Ce dernier s'étend entre 3 et 5 rayons terrestres et produit un champ magnétique opposé à celui de la Terre, capable d'altérer sa structure dipolaire [43] [44]. Le feuillet neutre joue un rôle crucial dans la mécanique de remplissage des ceintures de radiation. En effet, on sait maintenant que les particules de basses énergies des ceintures de radiation prennent source principalement au feuillet neutre et sont injectées lors des perturbations géomagnétiques accompagnées d'épisodes de convection tenus. Ces particules seront aussi responsables de la génération de différents types d'ondes électromagnétiques à l'origine d'interactions responsables d'énergisation et de pertes dans les ceintures de radiation [44]. Focus sur les ondes électromagnétiques évoluant dans la magnétosphère interne : Comme mentionné précédemment, la magnétosphère est peuplée de plusieurs familles d'ondes électromagnétiques. Distribuées de manière inhomogène (voir figure I.14), ces ondes ont des caractéristiques très différentes les unes des autres en terme de temps de vie, d'intensité et de fréquences. On distingue en particulier deux types d'ondes primordiales pour la compréhension de la dynamique des ceintures de radiation à savoir : - Les ondes de type Ultra Low Frequency (ULF), dont la fréquence est 1 mHz ≤ f ≤ 10 Hz[45]. Elles sont principalement excitées au niveau de la magnétopause à cause des fluctuations de la pression exercée par le vent solaire [36]. Elles peuvent aussi provenir d'instabilités naturelles du plasma magnétosphérique. - Les ondes de type Very Low Frequency (VLF), dont la fréquence est de l'ordre du kHz[46]. Les ondes VLF sont excitées par des inhomogénéités ou perturbations des plasmas. Le mode privilégié de propagation des ondes VLF dans la magnétosphère est le mode Whistler. Ce mode de propagation, analogue à celui des ondes atmosphériques issues de la foudre, se caractérise par une gamme de fréquence inférieure à la fréquence du plasma électronique et à la fréquence cyclotron du milieu [47]. Elles jouent un rôle crucial dans la dynamique des ceintures de radiation électrons à travers le phénomène de résonance entre la fréquence de giration des électrons et la fréquence de l'onde [48]. On y distingue les principales sous-familles d'ondes suivantes : - Les ondes cohérentes de type Chorus. Elles sont générées sur deux bandes de fréquences autour de la moitié de la fréquence de giration des électrons du plasma fce [49]. Situées à l'extérieur de la plasmasphère, elles sont excitées par le phénomène d'injection des électrons du feuillet neutre vers les ceintures de radiation[36] et se propagent en mode Whistler. Elles sont en particulier responsables de la précipitation des électrons à l'origine des aurores boréales. De plus, leur intensité est très liée à l'activité géomagnétique et, comme on le verra dans le paragraphe I.2.2.1, elles sont à l'origine de l'intensification des flux à hautes énergies dans la ceinture externe des électrons [50]. - Les ondes incohérentes de type Hiss (10 Hz - kHz), confinées dans la plasmaphère [51].
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Entretien CDS F5 L'entretien avec cette personne a été plus difficile à réaliser pour cause d'emploi du temps chargé. Il nous a été difficile de trouver une plage horaire de libre en commun. L'entretien s'est déroulé de manière cordiale avec cette formatrice investie dans l'accompagnement et dans le projet pédagogique de l'accompagnement de l'étudiant pendant le parcours de formation à l'IFSI. Nous n'avons pas été dérangées au cours de l'entretien, cette formatrice avait pris soin de prévenir de son indisponibilité. Nous nous sommes installées dans une salle de réunion non occupée. 2.4 Analyse thématique des entretiens Pour effectuer l'analyse qualitative de ces entretiens, nous prendrons appui sur la méthode d'analyse de R. L'Écuyer (1987). Nous avons donc procédé à une « lecture préliminaire » qui nous a permis de mettre en évidence un certain nombre de thématiques que nous regrouperons par la suite sous des catégories restreintes. 29 Afin de ne pas lasser le lecteur avec des redondances, nous ferons une analyse croisée des trois entretiens, en regroupant, mais aussi parfois en confrontant les idées de chaque interviewées. Il apparaît une grande catégorie retrouvée en fil rouge qui est l'accompagnement puisque c'était la base du guide d'entretien avec les thèmes suivants :  L'accompagnement avec ses méthodes, ses postures et l'éthique.  La construction identitaire de soignant notamment par le biais du projet professionnel  2.4.1 Le changement lié à la réforme du référentiel L'accompagnement Le guide d'entretien abordant plusieurs fois l'accompagnement, il semble logique de retrouver cette thématique en toile de fond du discours des interviewées. Différents sous-thèmes apparaissent dans le discours des cadres de santé formateurs interrogés. L'accompagnement est décliné avec les méthodes employées, les postures de l'accompagnant. Chacune l'accompagnement des et personnes ce quelle interrogées sous-entend donne son spontanément approche sous le de mot accompagnement. Pour la CDSF3, L'accompagnement a plusieurs objectifs : « donner envie d'apprendre » « travailler ensemble, avoir envie d'apprendre ». Au cours de l'accompagnement « tu vas les amener à dire ». Alors que pour la CDSF4 c'est permettre à l'étudiant d'avoir conscience de sa situation et des évolutions par, notamment, une réflexion avec lui : « une analyse de l'ensemble de la situation en essayant d'être le plus objectif possible. Enfin la CDSF5 indique que l'accompagnement c'est « les valoriser » et que « l'important c'est de leur donner confiance ». Pour elle, l'accompagnement est en fil rouge au cours du parcours de l'étudiant : « l'accompagnement est quasi prégnant à tous niveaux. » 30 Toutes les trois pensent que l'accompagnement évolue avec l'étudiant au cours des années de formation. La relation Dans les trois entretiens, il est retrouvé que l'accompagnement est basé sur une relation avec l'étudiant. Cette relation s'établit autour de l'échange et donne lieu à une relation de confiance. Celle-ci semble indispensable au bon déroulement du suivi pédagogique de l'étudiant sur les trois années de formation :  La CDSF3 : « cette relation de confiance et d'égalité fait qu'ils vont accepter la remarque que tu vas leur faire »  La CDSF4 : « à la base il faut qu'il y ait une bonne relation avec l'étudiant, [] il se sente en confiance. »  La CDSF5 parle de « relation pédagogique ». Il s'avère que dans les deux instituts de formations où travaillent les cadres de santé formateurs interrogés, les référents pédagogiques accompagnent les étudiants durant les trois années d'études, c'est-à-dire durant tout le parcours de formation. Une place prépondérante est accordée au premier entretien pour créer cette relation de confiance entre les deux parties. Cette relation dans le temps permet une meilleure connaissance de chacun et un accompagnement plus adapté. La posture du formateur À la question « sur quoi bases-tu ton accompagnement? » la CDSF3 répond sans hésitation « sur la posture ». Elle précise cependant plus tard dans l'entretien « qu'il y a plusieurs choses pour moi dans l'accompagnement », même si la posture a une place prépondérante dans son accompagnement elle n'en néglige pas les autres aspects. En effet, au cours de l'entretien, la posture prend une part importante de son discours. Pour elle, la posture prise lors de l'accompagnement « c'est permettre à ». Elle précise à plusieurs reprises que cette posture reste la même en général lors d'accompagnement individuel ou collectif « il faut toujours partir d'eux que ce soit le groupe ou pour l'individu. ». Cependant elle nous exprime la nécessité de 31 s'adapter au groupe. Le travail en groupe permet d'aborder le travail en équipe « tu induis le sens du travail en équipe ». Cette posture semble différente selon les situations rencontrées chez certains formateurs, mais l'une des formatrices met l'accent sur le fait que celle-ci ne change pas en fonction des situations d'accompagnement (individuel, collectif, TD, stage) mais plutôt de la situation dans laquelle se retrouve l'étudiant. On peut passer de la posture dirigeante voir d'autorité à la posture d'animation. Pour la CDSF5 la posture évolue en fonction de la situation et du contexte : « on peut avoir une posture d'aide, de conseil, parfois on dirige un peu » La CDSF3 précise que « Il y a des fois où on va exiger. » mais aussi que « Ta posture reste la même, par contre l'accompagnement peut changer [] il y a des fois où effectivement, tu vas changer ton mode. » On peut constater que certaines parlent de posture quand d'autres parlent de mode d' accompagnement. Les différentes formes que peut prendre l'accompagnement Selon les formatrices les termes employés pour caractériser l'accompagnement sont différents. La CDSF5 énumère un certains nombres de mode d'accompagnement qu'elle peut utiliser, à savoir « l'aide, tutorat, conseil » et ceci en fonction du contexte rencontré. Elle précise même qu'elle se situe plus dans le conseil dans le « coaching ». Ces propos sont confortés par la CDSF3 pour qui il y a aussi différents modes « l'accompagnement peut changer [] il y a des fois où tu vas passer sur un mode directoire parce que l'étudiant il a besoin de ça [] des fois tu vas suivre ». Elle mentionne le fait qu'elle adopte des « stratégies » pour s'adapter au changement ou à la relation de groupe et à son management. L'éthique Les différentes personnes interviewées pensent qu'il n'y a pas d'accompagnement sans éthique. La CDSF4 dit « l'éthique est partout ». Nous avons pu remarquer que le mot « éthique » fait peur à certaines personnes. Il a semble-t-il perturbé la CDSF3. Pour la suite de cette analyse, il est important de définir ce que nous entendons par éthique. Étymologiquement « éthique » vient du grec « ethikos » qui signifie moeurs (L.-M. Morfaux, J. Lefranc, 2007, p. 176). Philosophiquement, le terme d'éthique est mis en lien avec la morale. G. Le Bouëdec (2001, p. 167) compare l'accompagnement en éducation avec l'accompagnement des soignants. Le discours de la CSDF3 rejoint cette idée quand elle évoque le prendre soin « si j'accompagne ça veut dire que je prends soin, puisque prendre soin pour moi c'est pas faire à la place, c'est bien permettre à l'autre de faire. ». L'éthique est l'une des valeurs professionnelles. Elle parle d'une « éthique professionnelle », mais aussi de « bienveillance » que l'on peut rapprocher d'un des trois principes qui est celui de la bienfaisance dont nous faire part G. Le Bouëdec pour définir l'éthique. Il repose sur la recherche du bien pour l'autre et est en lien avec l'autorité. Cette autorité est évoquée par la CDSF5 qui précise son positionnement aux étudiants lors de certaines rencontres « on n'est pas de maître à élève [] c'est des échanges. ». Le second principe évoqué par G. Le Bouëdec (Ibid., p. 171) est le principe d'autonomie avec la notion de contrat et l'importance de laisser l' responsable de ses choix. Pour la CDSF4 l'accompagnement permet à l'étudiant de s'autonomiser, il est important pour elle de ne pas juger l'attitude des étudiants en formation « un étudiant peut ne pas être impliqué dans sa formation, [] il y a obligatoirement de l'éthique, ce n'est pas à nous de juger, c'est sa situation ». On peut le rapprocher du principe de responsabilité de M. Beauvais (2004, p. 107) pour qui accompagner l'autre dans son développement, c'est l'accompagner vers l'autonomie et la responsabilité. Accompagner les étudiants dans leur formation c'est surtout les laisser acteurs de leurs projets et responsables de leurs choix. La CDSF4 parle de « la juste distance ». Celle-ci est expliquée par M. Beauvais (Ibid., p. 108) dans le principe de retenue. La retenue permettant de laisser la place à l'autre pour construire. 2.4.2 La construction identitaire en lien avec l'évolution du projet professionnel Dans certains instituts de formation, les CDSF suivent le même groupe d'étudiants de l'entrée en formation jusqu'à l'obtention du diplôme. L'intérêt de garder le même groupe d'étudiants en tant que référent pédagogique permet d'accompagner l'étudiant dans l'évolution et la progression de son projet professionnel et de sa construction d'identité de soignant. Pour la CDSF4, le projet professionnel de l'étudiant est déjà réfléchi, en partie, avant l'arrivée en formation « le projet professionnel, pour moi, il se construit dès le départ, il est déjà ébauché quand ils arrivent. ». L'accompagnement va, pour certains, leur permettre de passer certaines étapes clés de la formation. La CDSF5 met en lien l'accompagnement individuel de l'étudiant avec son projet professionnel et avec son identité professionnelle. Elle précise que ce sont eux qui font le chemin au cours de leur formation et qu'il est important de les laisser évoluer à leur rythme : « ils évoluent différemment d'un individu à l'autre. » Elle 34 pense que le rôle de l'accompagnateur est de confronter les représentations de l'étudiant à la réalité par l'intermédiaire de stages ou de rencontres de professionnels choisis. La CDSF3 parle aussi de confronter les représentations parfois idéalisées à la réalité par le biais notamment des stages. Par contre, elle ne pense pas que l'accompagnement les influence, mais qu'il permet de les aider à clarifier leur choix et à donner du sens à leur projet : « comment eux ils vont pouvoir donner du sens à ce qu'ils veulent faire ». L'identité professionnelle se construit et évolue avec le projet professionnel. Le formateur va pouvoir adapter le parcours de stage pour donner les ressources et les moyens à l'étudiant de confronter ses représentations à la réalité de terrain. L'objectif pour l'étudiant est d'affirmer ou d'infirmer ses choix et de faire évoluer son projet personnel. C'est notamment par la confrontation à la réalité de terrain que l'étudiant va se construire. Le formateur va alors accompagner l'étudiant dans l'acceptation du changement lorsque celui-ci modifie ses choix suite à une modification de ses représentations. La CDSF3 relate que c'est lors d'échanges au moment du rendu des résultats que l'étudiant est parfois confronté à son manque de connaissances. Celui-ci est d'après elle touché dans sa représentation en tant que soignant. Pour elle c'est les mettre face à leurs responsabilités en leur rappelant la finalité de leurs études. Elle n'hésite pas à les interpeller pour les faire réagir : « par contre moi je ne veux pas que vous me soigniez. Ça les touche. » Toujours selon la CDFS3, les étudiants infirmiers sont en majorité jeunes et ont besoin de reconnaissance et notamment socialement, cette reconnaissance, ils souhaitent l'obtenir grâce à leur identité de soignant et la représentation qu'elle a aux yeux des autres. Pour conclure, elle pense qu'il faut les accompagner dans leur choix et la place qu'ils obtiendront grâce à ce choix. La construction identitaire des étudiants en formation est vécue parfois de manières différentes. Le rapport à l'autre dans l'accompagnement va se modifier selon le stade de l'avancé du projet professionnel et de l'évolution de son identité professionnelle. 2.4.3 Le changement lié à la réforme La CDSF4 trouve que la réforme implique le changement. Le temps de présence des formateurs en face à face pédagogique étant devenu plus conséquent, il engendrerait un manque de disponibilité. Elle pense aussi que les temps de suivi pédagogique sont moins formalisés et que cela a un impact sur la relation avec l'étudiant. Elle se questionne sur le contenu de l'accompagnement pédagogique et le temps à y dédier : « combien d'heures octroyées au suivi [] qu'est-ce qu'on met dedans qu'est-ce qu'on y fait, c'est un questionnement à voir en équipe. » La CDSF3 considère, au contraire, qu'il n'y a pas eu de changement dans sa manière de faire, car elle utilise cette méthodologie depuis son arrivée à l'IFSI. La CDSF5 met l'accent sur le changement de l'enseignement clinique avec la déception de ne plus pouvoir accompagner l'étudiant sur le terrain en lien avec un choix stratégique désormais différent de l'établissement dans lequel elle travaille. Elle déplore la rupture dans l'accompagnement ou la césure entre le terrain et les lieux de formation notamment dans l'évaluation de l'acquisition des compétences : « dans l'accompagnement par rapport à cette feuille de stage, il nous manque du lien aussi avec les tuteurs et les maitres de stage. » Pour elle, pouvoir observer l'étudiant dans sa posture de soignant auprès du patient semble être un maillon important pour adapter son mode d'accompagnement. Celui-ci va être modulé en fonction de la progression de l'étudiant dans sa construction identitaire et dans sa professionnalisation. Cela implique la formalisation du projet professionnel. Il est à noter que, suite à la réforme du référentiel, dans les deux établissements dans lesquels travaillent les cadres de sant formatrices interviewées, l'accompagnement des étudiants fait l'objet d'une réflexion au sein d'un groupe projet. La finalité de ce travail sur l'accompagnement pédagogique des étudiants est d'harmoniser les pratiques de chaque formateur afin que les étudiants puissent bénéficier d'une certaine équité dans leur accompagnement. 2.5 Synthèse de l'analyse des entretiens Cette analyse a mis en exergue trois thématiques :  L'accompagnement avec ses méthodes, ses postures et son éthique.  La construction identitaire de soignant notamment par le biais du projet professionnel  Le changement lié à la réforme du référentiel. Au cours de ces trois entretiens, nous retrouvons des points communs sur la conception que se font les trois cadres de santé formatrices de l'accompagnement des étudiants dans leur construction identitaire ainsi que dans l'évolution de leur projet professionnel. Nous retiendrons que leur accompagnement repose sur la relation de confiance avec l'étudiant. Elles attachent une importance à les suivre sur un laps de temps plus ou moins long et à aider l'autre à cheminer, tout en cheminant avec lui. La base de l'accompagnement dépend de la relation de confiance qui va s'installer entre les deux personnes. L'écoute, la disponibilité et le respect des besoins de l'étudiant sont des critères non négligeables. La posture de l'accompagnant apparaît un élément qui va déterminer la manière dont l'accompagnement va se dérouler. Elle va être différente selon les circonstances et notamment si l'accompagnement est collectif ou individuel. Cet accompagnement ne se fait pas sans éthique qui peut être mise en lien avec les valeurs et l'éthique professionnelles. L'une des CDSF fait le parallèle entre le prendre soin du patient et le prendre soin de l'étudiant en exprimant le fait que l'accompagnement n'est pas faire à la place de l'autre, mais amener l'autre à faire. Les CDSF interrogées soulignent que la prise en compte de l'individu dans sa singularité permet d'évoluer dans le respect de son projet individuel et dans sa construction identitaire de soignant. Il est remarqué que le projet professionnel de l'étudiant est en construction avant son entrée en formation et qu'il est confirmé par les différentes phases d'apprentissage. Il va, néanmoins, se préciser et l'identité professionnelle de soignant évoluera en lien avec ce projet. La réforme a apporté son lot de changements dans les méthodes d'accompagnement et notamment dans certaines situations. Cependant, l'étudiant et 37 l'individu restent au centre de la formation et le formateur s'adapte aux besoins de l'étudiant pour l'amener à développer des capacités. Pour conclure cette analyse, nous retiendrons que pour la CDSF4, l'accompagnement est « la mission principale du formateur ». Il semble intéressant de confronter les propos des cadres de santé formateurs à ce qu'ont pu percevoir et retenir les étudiants de leur accompagnement lors de leur formation. Pour ce faire, nous avons fait le choix d'interroger des infirmiers nouvellement diplômés. 38 III. CHAPITRE 3 : LA TROISIEME SERIE D'ENTRETIENS : CROISEMENT D'EXPRESSIONS 3.1 Choix de la population interrogée Dans les deux premières séries, nous avons interrogé des cadres de santé formateurs. Afin de confronter leurs paroles au vécu des étudiants et à leurs actes, nous souhaitons interroger des infirmiers (IDE) nouvellement diplômés (diplômés en 2013 de préférence). Notre choix se porte sur des infirmiers diplômés depuis la mise en place du référentiel de 2009 pour parler du même accompagnement dans la réglementation de la formation. Nous préférons qu'ils soient récemment diplômés afin qu'ils se souviennent de l'accompagnement dont ils ont pu bénéficier d'une manière optimale. Notre souhait est de connaître leur ressenti par rapport à cet accompagnement, et si cet accompagnement les a aidés dans leur construction identitaire de soignant. Nous souhaitons préciser la perception de la posture des formateurs au cours de ces accompagnements, l'impact de l'accompagnement sur l'évolution du projet professionnel, la transformation du projet professionnel en concrétisation. 39 Récapitulatif de la population interrogée pour cette série d'entretien : Infirmiers Diplôme interrogés précédent Bac IDE 1 Établissement C professionn el hôtellerie Mutation entre la 1ère et la 2ème année. Diplôme Durée de infirmier l'entretien Juillet 2013 35 min Juillet 2013 35 min Mars 2013 36 min Mars 2013 41 min Une année de formation IDE 2 Établissements aucun D en Belgique avant ère d'entrer en 1 année en France Auxiliaire IDE 3 Etablissement A IDE 4 Etablissement A de puériculture Non précisé Promotion professionnelle Non précisé 3.2 Modalité de réalisation des entretiens Nous faisons le choix d'entretiens semi-directifs pour orienter le propos et la réflexion des interviewés sur l'objet de recherche. Les personnes interrogées ont peu d'expérience en la matière. Nous pensons que les orienter à l'aide de questions principales puis de relances prévues leur permettra d'être plus loquaces, mais aussi d'être plus en confiance avec la thématique abordée. Les entretiens sont réalisés sur un temps restreint, trois sont effectués le même jour. Guide d'entretien Ce guide d'entretien est élaboré à partir des thématiques relevées grâce à l'analyse des entretiens précédents. Pour commencer, nous souhaitons connaître les attentes des étudiants avant leur entrée en formation, avant d'évoquer l'accompagnement pendant la formation. Nous conclurons par l'accompagnement 40 lors de la prise de fonction et les questionnements identitaires que cela a pu engendrer.  Quelles étaient vos attentes en termes d'accompagnement au début de votre formation? puis pendant votre parcours?  Comment avez-vous été accompagné au cours de votre parcours d'étudiant infirmier?  Comment cet accompagnement vous a-t-il aidé à construire votre identité de soignant?  Comment votre projet professionnel a-t-il évolué?  Qu'est-ce qui vous a permis de faire évoluer votre projet professionnel au cours de votre formation infirmière?  Qui vous a permis d'évoluer? Y a-t-il eu des rencontres qui ont donné une impulsion, une tournure à votre projet, à votre identité de soignant?  Comment s'est passée votre prise de poste en tant qu'infirmier?  Vous êtes-vous senti en difficulté lors de votre prise de poste en tant qu'infirmier?  Quels ont été vos questionnements lors de votre prise de fonction en tant infirmier?  Avez-vous eu des questionnements sur votre identité professionnelle de soignant? 3.3 Ressenti lors des entretiens Les quatre infirmiers interrogés ont été contactés par l'un de leurs formateurs pour leur disponibilité, leur facilité de communication et leur attrait pour la relation humaine et l'échange. Ils ont su se rendre disponibles pour les rendezvous fixés. Les entretiens se sont déroulés dans un bureau pour lequel nous avions pris soin de nous assurer de la disponibilité. Nous étions donc au calme sans risque d'être perturbés ou dérangés pendant tout le temps des entretiens. Les entretiens ont tous été enregistrés par le biais d'un dictaphone après accord des personnes interviewées. Cela n'a pas semblé les gêner. 41 Nous avons pris le soin de nous présenter, de décrire le contexte de l'entretien et la démarche de recherche avec chaque personne. Les échanges ont été cordiaux et les questions du guide d'entretien n'ont pas semblé mettre en difficulté les interviewés. Les IDE 2 et 3 nous ont semblé tendus et intimidés au début de l'entretien puis, ont su se détendre au fur et à mesure que l'échange s'est installé pour mieux répondre aux questions par la suite. 3.4 Analyse thématique des entretiens Pour effectuer l'analyse qualitative de ces entretiens, nous reprendrons la même méthodologie que pour la deuxième série d'entretiens, nous prendrons appui sur la méthode d'analyse de R. L'Écuyer (1987). Nous avons donc procédé à une « lecture préliminaire » qui nous a permis de mettre en évidence un certain nombre de thématiques que nous regrouperons par la suite sous des catégories restreintes. Afin de ne pas lasser le lecteur avec des redondances, nous ferons une analyse croisée des quatre entretiens, en regroupant, mais aussi parfois en confrontant les idées de chaque interviewé. Il apparait plusieurs thématiques : 3.4.1   La construction identitaire de soignant  Le projet professionnel  La prise de fonction L'accompagnement Quand nous abordons le thème de l'accompagnement avec les infirmiers, nous retrouvons deux sous thèmes :  L'accompagnement par les formateurs 42  L'accompagnement par les soignants en stage Nous avons souhaité aborder cette thématique dans le guide d'entretien en partant des attentes des étudiants (désormais devenus infirmiers) en terme d'accompagnement avant leur entrée en formation. Nous constatons que si certains avaient des attentes précises d'autres n'en avaient aucune. En effet, l'IDE1 exprime clairement qu'il n'avait aucune attente, mais que l'attribution d'un formateur référent lui a permis de savoir vers qui se tourner si besoin « j'avais pas réellement d'attentes ». A contrario, l'IDE 3 en promotion professionnelle et ayant quitté le circuit des études avait des attentes précises en termes d'accompagnement méthodologique et de construction identitaire « un accompagnement au niveau de mon identité de ma construction identitaire, par rapport au fait que j'étais déjà professionnelle de santé, mais dans une autre atégorie et là, me construire à devenir infirmière. ». Quand à l'IDE 4, il souhaitait un accompagnement pour faire le lien avec le métier de soignant « une personne sur qui je pouvais compter lorsque j'avais des questions, aussi bien en lien avec le métier [] et un accompagnement aussi bien sur les savoirs théoriques infirmiers. » En arrivant en formation les étudiants ont des attentes divergentes, et c'est à chaque binôme accompagnant-accompagné de trouver le bon accompagnement à réaliser pour répondre à ces besoins. Nous constatons aussi que l'accompagnement par les pairs n'est pas évoqué significativement, seul l'IDE 1 en fait écho. L'accompagnement par les formateurs L'accompagnement par les formateurs est ressenti différemment selon les personnes. Certains ne ressentent cet accompagnement que pendant le stage avec une nuance lors des rendez-vous pédagogiques à la fin de chaque semestre comme l'IDE 2 « en dehors des stages on avait des rendez-vous pédagogiques pour faire le point sur le semestre qui venait de se passer. ». L'IDE 1 et l'IDE 3 parlent d'un accompagnement qui pouvait être collectif :  Pour l'IDE 1, il peut être réalisé par un formateur de l'équipe d'année en relais du formateur référent si besoin : « si mon référent 43 n'était pas là on pouvait aller voir un autre formateur qui nous suivait »  L'IDE 3 parle d'un accompagnement qui a répondu à ses attentes « ça a répondu à mes attentes en sachant qu'on a un référent pédagogique qui nous suit » elle précise aussi que cela pouvait être un autre formateur « j'ai trouvé des personnes ressources au sein de l'IFSI. » L'IDE 1 précise que l'accompagnement restera fonction de l'approche du formateur. L'ensemble des infirmiers interrogés parle d'une relation de confiance et d'une disponibilité des formateurs avec une prise en considération singulière de chacun. Ils expriment le besoin d'avoir une écoute et la possibilité de communiquer aisément avec leur formateur et d'obtenir une réponse à leurs questionnements. Ils parlent aussi d'un accompagnement réflexif qui leur permet d'élaborer un cheminement pour évoluer dans leur manière d'appréhender les choses. L'IDE 2 modère l'accompagnement par les formateurs en faveur de l'accompagnement par les soignants. L'accompagnement par les soignants Pour l'IDE 2, l'accompagnement s'est effectué essentiellement en stage par les visites des formateurs et par les soignants : « on avait des visites pendant les stages » notamment pour la réalisation de travaux. Il met plus particulièrement en relief l'accompagnement par les professionnels de proximité et parfois selon les lieux de stage par le tuteur « il [le tuteur] n'était pas forcément présent ». Les autres infirmiers évoquent eux aussi cet accompagnement, mais dans une moindre mesure. Pour eux, il venait en complément de l'accompagnement par les formateurs. Cependant, il reste essentiel pour la construction de leur identité de soignant. L'IDE 4 stipule qu'il a pu bénéficier d'accompagnements différents selon les terrains de stage et les soignants rencontrés « côté stage, du côté du tuteur ou référent de proximité, j'ai beaucoup d'expériences très différentes. » 44 L'accompagnement par les formateurs se complète avec l'accompagnement par les soignants en stage pour permettre une construction de l'identité professionnelle. 3.4.2 L'identité professionnelle La construction de l'identité professionnelle s'est faite au regard de plusieurs éléments. Pour l'IDE 3, cette construction a été, semble-t-il, plus complexe à trouver en termes de positionnement infirmier en lien avec ses anciennes fonctions. « ils ont pu m'amener, par un questionnement [] à me poser les bonnes questions, à savoir me positionner par rapport aux autres professionnels de santé et à m'affirmer. » Pour les autres infirmiers, cette identité s'est construite au regard des situations et des rencontres effectuées notamment pendant les stages, mais aussi lors d'échanges avec les formateurs et parfois avec les pairs. Certains se sont plus ou moins identifiés à un certain type de soignants qu'ils ont pu rencontrer lors de leurs stages comme l'IDE 2 « en général, sur chaque terrain de stage il y avait un type de soignant qui correspondait un peu à l'image que je me faisais de moi en tant que professionnel. ». L'IDE 4 parle de « particularités de prises en charge qu'ils peuvent avoir [] pour essayer de se forger sa propre identité ». La prise de recul au retour de stage avec les formateurs permettait d'identifier les pratiques professionnelles auxquelles les étudiants pouvaient se référer pour se construire professionnellement, ceci en référence aux propos de l'IDE 4 « cette mise à distance, prise de recul, permet aussi d'analyser une situation donnée [] et à force on se construit professionnellement. » Ils formulent tous le fait que leur identité est encore en construction. Les difficultés rencontrées lors de leur prise de fonction ont parfois remis en cause cette identité et leur permet de conscientiser que celle-ci n'est pas acquise définitivement. Certains infirmiers précisent que l'évolution de la construction de l'identité professionnelle est aussi e de l'investissement et de l'implication de l'étudiant. Certains expriment le fait que cette identité a évolué voire s'est affirmée en lien avec leur projet professionnel. 3.4.3 Le projet professionnel Il a évolué au cours des trois ans de formation, grâce aux cours dispensés et aux divers lieux de stages. Pour certains, le projet professionnel d'infirmier a été confirmé par le premier stage, puis le secteur dans lequel ils souhaitaient exercer cette profession s'est précisé. En début de formation, certains avaient le projet de travailler dans différents secteurs d'activité par exemple la chirurgie ou le libéral. 3.4.4 La prise de fonction et son accompagnement La prise de fonction dans le premier poste a été généralement génératrice de stress et d'angoisse. Ces sentiments ont été engendrés par la responsabilité ainsi que l'autonomie qui allaient de pair avec l'obtention du diplôme d'état et l'embauche qui s'en suivait : L'IDE 1 qualifie d'énorme le poids des responsabilités : « c'était une très grande appréhension. [] par rapport au fait que j'étais le seul infirmier. [], On est le seul responsable en fait, et c'est là qu'on sent tout le poids des responsabilités, mais alors c'est énorme ». L'IDE 2 évoque les erreurs possibles et de mise en danger du patient : « Ce qui me faisait peur, c'était de mal prendre en charge les patients en fait, de faire des erreurs, déjà par rapport à mon diplôme et ensuite par rapport au patient, mettre en danger le patient ». L'IDE 3 exprime la peur tout comme l'IDE 2 : « je pense, on prend son poste, nouveau poste n'importe où que ça soit, ça fait peur, on se dit ça y est on est tout seul c'est notre responsabilité. » Tous ont pu bénéficier à leur arrivée d'un encadrement qu'ils qualifient d'accompagnement. Certains soulignent l'importance du travail d'équipe dans leur prise de fonction et l'aide qu'ils ont trouvée auprès de leurs collègues. Pour l'IDE 1, l'équipe lui a permis de gérer certaines difficultés « quand c'était les anciennes, elles me guidaient » « l'accompagnement continu par rapport au personnel avec qui je travaille ». Pour l'IDE 4, la transition entre la position d'étudiant et d'infirmier diplômé s'est faite grâce à l'encadrement dont il a bénéficié à arrivée « mais au début, on m'a vraiment doublé en tant que plutôt étudiant qu'infirmier diplômé » puis les rapports professionnels se sont installés avec une relation de confiance entre collègues. Pour d'autre, la prise de fonction a été difficile due au contexte dans lequel ils ont été embauchés. L'IDE 3 note que si l'accompagnement n'a pas été simple ni optimal dû au nombre de nouvelles embauches simultanées, cet accompagnement a tout de même été présent pendant deux mois : « c'est qu'on était trop à accompagner en même temps et du coup on n'a pas eu une qualité d'accompagnement []Au bout de deux mois, j'ai été lâchée » Par contre, ils s'accordent tous pour dire que les formateurs des IFSI les ont accompagnés et les accompagnent encore dès qu'ils en ressentent le besoin ou qu'ils en font la demande. Ils reconnaissent la disponibilité des équipes pédagogiques. Ils notent l'intérêt que leur portent les formateurs lors de leurs visites dans les locaux de l'IFSI ou de leurs rencontres. L'IDE 1 remarque que les formateurs sont toujours disponibles lorsqu'il les sollicite : « les formateurs répondent aux différentes questions malgré le fait qu'on n'est plus à l'IFSI » ; ainsi que l'IDE 3 : « l'accompagnement est toujours là et je pense qu'ils seront, quel que soit le formateur, il sera toujours là pour nous, même un an après ». La relation établie avec les formateurs pendant les trois années d'études permet une continuité de cet accompagnement après l'obtention du diplôme lorsque le nouvel infirmier en exprime le besoin. Nous remarquerons qu'aucun des infirmiers n'a évoqué l'accompagnement par le cadre de santé de proximité. 3.5 Synthèse de l'analyse des entretiens Au regard de cette analyse, quatre thématiques ressortent :   La construction identitaire de soignant  Le projet professionnel  La prise de fonction Les attentes étaient différentes selon les parcours de vie des étudiants. Nous avons pu constater que selon la singularité de chacun, l'accompagnement est perçu différemment. De même, la construction de l'identité professionnelle de soignant se réalise différemment selon le parcours de vie et le projet professionnel de la personne en formation. L'accompagnement a été partagé par les formateurs et les professionnels de proximité lors des stages. Les infirmiers constatent une disponibilité des CDSF et des autres personnes qui ont pu les accompagner. Ils parlent tous d'une écoute et parfois aussi d'une bienveillance. On relève que l'accompagnement des professionnels de proximité et des tuteurs de stage occupe une place importante dans l'évolution de leur projet et aussi de leur construction identitaire. L'accompagnement par les soignants a permis à certains d'identifier le type de soignant auquel il souhaitait ressembler à titre de référence, dans la manière de travailler et dans la relation entretenue avec le patient. L'identité professionnelle de soignant s'est construite au fil des apports théoriques et des stages en parallèle de l'évolution du projet professionnel. Pour les IDE c'est ce double apprentissage qui leur a permis de se positionner sur le secteur d'activité dans lequel ils souhaitaient travailler. Le développement de l'accompagnement réflexif et du questionnement par les formateurs est souligné. Il a permis une prise de recul au cours de la formation. Cependant, malgré cet accompagnement, la prise de poste a été source de peurs et d'angoisses liées au fait de se retrouver seul face aux responsabilités engendrées par l'autonomie dans la gestion d'un service de soins. La relation instaurée avec le CDSF leur permet de toujours bénéficier de cet accompagnement après leur prise de fonction. Les quatre infirmiers interviewés s'accordent à dire après huit à douze mois d'exercice, que leur identité évolue toujours et que leur prise de fonction en tant 'infirmier n'est pas la fin de leur projet professionnel. À court, moyen ou long terme, ils souhaitent tous continuer à apprendre et évoluer dans leur fonction, certains le marquent par de la polyvalence, d'autres par une spécialisation. SYNTHESE CROISEE DES TROIS SERIES D'ENTRETIENS Pour réaliser cette synthèse, il nous semble important de rappeler les grandes thématiques abordées au cours des trois séries d'entretiens :  L'accompagnement et la relation de confiance.  L'éthique de l'accompagnement.  Les postures de l'accompagnement, nous soulignerons que seules les CDSF ont abordé cette thématique.  La construction de l'identité professionnelle.  Le projet professionnel.  Le changement lié au référentiel de 2009 La synthèse de ces trois séries d'entretiens montre que les propos des cadres de santé formateurs peuvent parfois être nuancés avec la perception qu'ont eue les étudiants de l'accompagnement pendant leur formation. Les formateurs entendus ont tous évoqué le fait que l'accompagnement permet à l'étudiant d'évoluer pendant son parcours de formation. L'accompagnant respecte les besoins de l'étudiant et reste à ses côtés pour cheminer avec lui dans sa progression. Il est présent et disponible, mais n'impose pas sauf dans certaines situations où il va diriger. Nous pouvons constater que la relation de confiance apparait comme base de l'accompagnement. La relation de confiance est évoquée aussi bien par les formateurs que par les infirmiers. Elle est nécessaire au bon fonctionnement du duo accompagnant-accompagné. Cette relation est basée sur le respect mutuel et le respect des limites fixées par le cadre de l'institution. Les CDSF expriment que les valeurs professionnelles et l'éthique sont des points importants de l'accompagnement avec la prise en compte de l'étudiant en tant qu'individu responsable et autonome dans ses choix. L'influence de l'accompagnement dans la construction de l'identité de soignant est perçue différemment selon les personnalités individuelles. 50 Majoritairement, il apparaît que l'identité de soignant commence à se forger lors des apprentissages théoriques et est confirmée par les apprentissages cliniques ainsi que les diverses rencontres au cours de la formation. Les cadres de santé formateurs pensent tous que leur accompagnement a une incidence sur la construction identitaire de soignant de l'étudiant pendant son parcours. Or les infirmiers ne l'ont pas tous ressenti et l'expriment parfois différemment. L'un d'entre eux exprime clairement que les formateurs sont peu intervenus dans l'évolution de sa construction identitaire au regard de son projet professionnel. Au fil de ces entretiens et de leur analyse, nous nous apercevons aussi que nous ne pouvons pas dissocier la construction identitaire de soignant et l'évolution du projet professionnel. En effet l'identité est souvent évoquée en lien avec le projet professionnel. Tous s'accordent à dire que celui-ci est présent avant l'entrée en formation et est confirmé lors de la première année de formation. Il va s'affiner et se préciser lors des stages et de l'avancée dans la formation. Les infirmiers disent qu'il évolue encore après l'obtention du diplôme et motive parfois une reprise des études par le biais notamment de promotions professionnelles. D'après les propos des infirmiers, il s'avère que nous ne pouvons pas dissocier l'accompagnement par les formateurs et par les soignants dans la construction de l'identité professionnelle de soignant. Peut-on alors parler de coconstruction? 51 CONCLUSION PARTIELLE Pour conclure, il nous paraît nécessaire de revenir sur la méthodologie employée et notre cheminement. C'est la première fois que nous menions des entretiens de ce type. Il nous a fallu nous mettre dans la posture de chercheur et accepter que les réponses données au cours des entretiens ne soient pas obligato irement celles attendues. Ces réponses nous ont parfois surprises. Elles nous ont permis de nous orienter pour la suite de notre réflexion de recherche. Les entretiens exploratoires non directifs nous ont d'abord mis dans la difficulté de ne pouvoir intervenir lors des échanges ou uniquement par le biais de relances ou de reformulations. La difficulté résidait dans le fait que nous ne pouvions pas échanger sur notre point de vue qui était parfois divergent. Il nous a fallu nous satisfaire des réponses apportées par l'interviewée. L'expérience des premiers entretiens nous a aidé par la suite à adopter plus facilement cette posture. Cette première étape de notre travail nous a permis de cheminer sur le concept de l'accompagnement. Tout d'abord les entretiens exploratoires nous ont permis de valider notre questionnement auprès de cadres de santé formateurs. Ils ont mis en exergues les thématiques en lien avec l'accompagnement comme la place de l'accompagné et celle de l'accompagnant, l'étudiant dans sa singularité, l'éthique et l'identité professionnelle. Cette première série d'entretiens nous a permis de faire le choix entre la professionnalisation de l'étudiant et sa construction identitaire. Notre questionnement qui est à l'origine de ce travail : « Dans quelle mesure l'accompagnement de l'étudiant participe-t-il à sa professionnalisation? » a alors évolué vers un nouveau questionnement et une question repensée : « En quoi l'accompagnement, par le formateur, aide l'étudiant dans sa construction identitaire? ». La deuxième série d'entretiens nous a permis d'approfondir les points identifiés auparavant. De plus, ils ont mis en relief que la construction identitaire est 52 singulière et qu'elle évolue en lien avec le projet professionnel. Il s'avère alors important de confronter ce recueil d'informations et de données au vécu des étudiants devenus infirmiers et à ce qu'ils ont retenu de cet accompagnement et de son rôle dans leur construction singulière de soignant. Les thématiques ont été confortées et confirmées pour ces nouveaux entretiens. Au regard de la synthèse croisée des trois séries d'entretiens et de notre questionnement repensé au cours de ce travail « En quoi l'accompagnement, par le formateur, aide l'étudiant dans sa construction identitaire? », il nous semble nécessaire d'approfondir certains concepts ou notions afin de mieux les comprendre et nous les approprier. Notre choix s' est porté sur l'accompagnement, l'identité professionnelle et le projet en vue de comprendre l'évolution de la construction identitaire en lien avec le projet professionnel. 53 DEUXIEME PARTIE, PARTIE CONTEXTUELLE ET THEORIQUE 54 Au sortir des entretiens et de la partie empirique, des concepts et des notions qu'il est nécessaire de clarifier se dégagent. Les concepts de l'accompagnement et de l'identité s'imposent comme les principaux. Le choix des auteurs s'est fait au regard de notre perception de ces notions. Ceux-ci viennent confirmer notre conception. Nous commençons par définir le concept d'accompagnement. Celui-ci s'est imposé dès le début de ce travail et est la base de notre questionnement. Nous le déclinons principalement au travers de deux auteurs à savoir Martine Beauvais dans ses travaux de 2004 à 2009, et Guy Le Bouëdec dans des travaux datant de 2001 et 2007. À l'intérieur de ce concept, nous abordons la notion de relation et de relation de confiance pour ensuite faire le lien avec l'accompagnement en institut de formation et les postures éducatives. Ensuite, nous développons le concept d'identité, celui-ci étant le second concept d'importance dans ce travail. Nous approfondissons la notion de l'identité professionnelle. Nous nous sommes appuyés sur les travaux de Mokhtar Kaddouri datant de 2006, des ouvrages de Claude Dubar datant de 2009 et 2010, et des écrits d'Edmond-Marc Lipiansky datant de 2002. Puis, nous abordons la notion de projet et de projet professionnel, cette notion est arrivée dans un second temps au regard de l'identité professionnelle. Nous l'étudions au travers des écrits de Jean-Pierre Boutinet datant de 1999. Pour finir, nous faisons le lien entre la construction identitaire de soignant et l'évolution du projet professionnel de l'étudiant. Mais avant l'étude de ces concepts nous allons revenir sur l'évolution de la formation infirmière pour établir le contexte. IV. CHAPITRE 4 : LE CONTEXTE DE LA FORMATION Afin de mieux comprendre le contexte, il nous semble important de faire un point sur la formation paramédicale en France. 4.1 La formation paramédicale en France : Regard synoptique Depuis plus d'un siècle, les métiers paramédicaux ont connu une grande évolution avec un nombre croissant de professions paramédicales et des mutations importantes dans les formations. Au fil des années, les professions paramédicales se sont spécialisées et ont recentré leurs champs de compétences dans le but de mieux les approfondir et d'avoir une réponse plus adaptée à la demande du patient. C'est ainsi que nombre d'instituts de formation se sont créés en rapport à chaque formation professionnelle. Chaque institut paramédical délivre une formation spécifique en lien avec une profession donnée et réglementée au regard des décrets de compétences professionnelles requises pour l'exercice de ce métier. Il existe, de ce fait, de multiples instituts de formation avec des identités et des cultures différentes. À l'aube de l'universitarisation, plusieurs hypothèses sont mises en avant pour un partage de compétences et la naissance de passerelles entre les formations. C'est en cela que parmi les dix compétences des référentiels de formation nous pouvons identifier cinq compétences communes aux différentes professions. Il s'agit toujours d'améliorer la performance de la formation et des enseignements dispensés pour garantir des soins de qualité pour le patient. À ce jour, les politiques de santé semblent vouloir s'appuyer sur les compétences des paramédicaux pour pallier les besoins en santé publique. Il conviendra alors de valoriser les professions paramédicales et leurs formations. 4.2 La formation infirmière Pour relater l'évolution de la formation infirmière, je me suis appuyée sur deux articles parus dans le périodique « Soins » n° 732, janvier/février 2009 de M. Chaboissier et, n°733, mars 2009 de M.T. Weber. Résumons. Jusqu'au XVIIème siècle, les soins sont, en dehors des médecins, globalement dispensés par la population des ordres chrétiens. C'est en 1633 que Louise de Marillac commence les enseignements. Vers 1642, l'appellation « infirmier » apparait. La laïcisation et les progrès de Pasteur font naitre le besoin de formation. À la fin du XIXème siècle, des écoles privées et publiques sont créées. Mais il faut attendre le début du XXème siècle pour que les notions d'anatomie et de physiologie soient enseignées. C'est après la 1ère guerre mondiale que le 1er programme officiel de formation voit le jour. Depuis de nombreuses réformes se sont succédées. Il y a eu la création du diplôme d'assistante sociale avec une année commune puis deux diplômes distincts. En 1961, apparait le rôle infirmier et la capacité de décision. L'éthique professionnelle est aussi introduite. Le programme de 1972 équilibre les temps de formation en stage et les enseignements théoriques, apparait le plan de soins. La loi du 31 mai 1978, reconnaît le « rôle propre » infirmier et du même coup la responsabilité professionnelle des infirmières. En 1979, est incluse la démarche de soins infirmiers pour la première fois avec la déclinaison de problème de santé. Les instituts de formation sont créés en 1992. Le programme regroupe les enseignements de soins généraux et psychiatriques pour l'obtention d'un même diplôme pour tous. Le diagnostic infirmier apparait. En 1999, les accords de Bologne insufflent une dynamique de forme et notamment d'universitarisation des formations paramédicales avec l'inscription dans un cursus licence/master/doctorat. En 2009, sont créés les différents référentiels infirmiers pour aboutir au référentiel de formation et une organisation de la formation sur six semestres universitaires. Nous entrons alors dans une logique de compétences. On parle maintenant d'unités d'enseignements et l'obtention du diplôme se fait au travers de la validation des évaluations successives qui permet l'attribution des European Crédits Transfer System (ECTS). On distingue des enseignements contributifs et des enseignements constitutifs au coeur de métier ainsi qu'une unité d'intégration permettant de faire le lien entre tous ces enseignements par l'intermédiaire de situations singulières. Les stages sont plus longs pour faciliter l'intégration de l'étudiant au sein du service de soins. Ils doivent lui permettre d'acquérir des savoirs et des méthodes de travail transférables. Une approche réflexive de la pratique soignante est également développée. Le but est toujours de former un infirmier polyvalent, autonome, responsable, et dorénavant réflexif. 58 V. CHAPITRE 5 : DE LA RELATION A AUTRUI A L'ACCOMPAGNEMENT L'accompagnement étant le thème phare de notre travail, il nous paraît judicieux de débuter notre approche théorique par ce concept. 5.1 La relation Selon le dictionnaire Le Petit Robert de la langue française, l'étymologie du terme relation vient du latin relatio « récit » et « rapport, lien », famille de referre « reporter » et « rapporter » : relater, référer et référendum. La relation entre les personnes est nommée comme telle en 1657. Elle est décrite comme le lien de dépendance ou d'influence réciproque. On parle de relation entre les hommes, de relations humaines. On parle aussi de lien moral entre les groupes. En formation, nous constatons l'installation d'une relation entre le formateur et l'apprenant. Dans la majorité de nos entretiens la relation est évoquée sous différent aspects. 5.1.1 Les différents types de relations formateur-étudiant La relation va s'établir dès la prise de contact. Cette prise de contact peut avoir lieu de diverses manières : lors d'un cours, travaux dirigés, suivi pédagogique Du premier contact va souvent dépendre la qualité de la relation qui va suivre. La première impression est souvent celle qui persiste au fil du temps. La relation s'établit grâce à une communication adaptée à la situation présente ou rencontrée. Dans le domaine psycho-social, la relation humaine repose sur des interactions et des rapports interpersonnels fondés sur la communication (L.-M. Morfaux, J. Lefranc, 2007, p. 482). Cette communication peut se faire de diverses manières (orale, mail, téléphone). L'IDE 1 nous dit avoir pu contacter son formateur référent aussi bien par mail, téléphone, ou directement selon les situations. 59 Cette relation est notamment évoquée par la CDSF 2. Elle stipule que de connaître les étudiants lui permet d'avoir une communication plus adaptée. Elle évoque l'évolution de sa relation avec les étudiants depuis le début de sa carrière avec un questionnement sur la génération actuelle et son rapport à l'autre. À ce jour, elle est obligée de fixer des limites et reste vigilante pour que les rapports restent professionnels. De même, nous veillerons à éviter les biais de la relation comme par exemple la manipulation ou le transfert. L'absence de communication peut aussi traduire une stratégie de l'étudiant pour éviter, voire fuir la rencontre et la relation avec le formateur. Selon M. Crozier et E. Friedberg (1977, p. 65), cela peut s'apparenter à une certaine forme de pouvoir « le pouvoir implique toujours la possibilité pour certains individus ou groupes d'agir sur d'autres individus ou groupes. ». Ils nous précisent aussi le caractère relationnel du pouvoir « pouvoir est une relation » « Agir sur autrui, c'est entrer en relation avec lui » L'étudiant qui ne souhaite pas répondre aux sollicitations du formateur garde le pouvoir de la suite de la relation et donc de l'accompagnement dont il souhaite bénéficier. Le formateur n'a alors pas d'autre choix que de se conformer aux besoins exprimés de l'étudiant. La CDSF1 constate que des étudiants adoptent des stratégies et des mécanismes de défense face à certaines situations et dans certains contextes. On peut concevoir la relation comme uniquement une relation de travail, ou une relation de formateur à étudiant, une relation de professionnel à futur professionnel. 5.1.2 La relation de confiance La relation de confiance facilite un accompagnement de l'apprenant, de se laisser accompagner au mieux. Sans relation de confiance il ne peut y avoir d'échanges constructifs. La relation de confiance s'établit par le respect mutuel des individus et se crée au fur et mesure des diverses rencontres. Selon les situations, cette relation va s'établir rapidement et permettre un travail en collaboration avec les différentes parties prenantes. Toutes les CDSF interviewées expriment la nécessité d'avoir confiance en l'autre pour construire et travailler avec l'étudiant. Selon la CDSF 3, cette relation de confiance permet une meilleure acceptation des diverses remarques. Selon S. Biemar, J. Castin (2012, p. 31), « l'attention portée à la construction d'une relation [] est indispensable pour entamer un accompagnement. [] c'est la relation qui permettra à l'accompagnement de se poursuivre et d'aboutir. » L'accompagnement est qualifié « d'ordre relationnel » par la CDSF 1. Nous pouvons dire que la relation entre en jeu dans l'accompagnement de l'étudiant dans tous types de situation et qu'elle est le point de départ de l'accompagnement.
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Auto-assemblage moléculaire Ce type de fonctionnalisation de surface va être ici développé très succinctement car il a fait l'objet d'une partie importante du travail et du manuscrit de thèse de Nathalie Bassil [89], autre doctorante de l'équipe de recherche MOIC [90], dirigée par Yves Lévy, ayant effectué sa thèse parallèlement à la mienne. De plus, cet auto-assemblage moléculaire a été développé en collaboration avec l'équipe de recherche « assemblages macromoléculaires » [91] dirigée par Marie-Claude Millot du Laboratoire de Recherche sur les Polymères (LRP, CNRS UMR C7581, Thiais (94), France). Comme de très nombreux procédés de fonctionnalisation de surface [92,93], celui-ci consiste à tapisser la surface d'avidine (ou streptavidine ou extravidine, molécules très voisines) afin de pouvoir fixer des sondes biotinylées à certains endroits de la surface. Ce type 90 de fonctionnalisation profite de la relative facilité de greffage de la biotine à de nombreuses molécules biologiques ainsi que de la très forte affinité entre l'avidine et la biotine (KA = 1015 M-1) [94]. La plupart des molécules biologiques (un brin d'ADN par exemple) peuvent même être commandées directement avec une biotine à une de leurs extrémités pour un prix très voisin d'une molécule non greffée. Les molécules d'avidine, chargées négativement, sont liées à la surface par un assemblage électrostatique de couches chargées positivement puis négativement de façon alternative. La première couche, chargée positivement dans notre cas, est fixée sur l'or via une fonction thiol (–SH), connue pour interagir fortement sur l'or [95,96]. En résumé, nous fixons sur une lame d'or propre, selon un protocole approprié pour respecter les s électriques de chaque réactif [89], une couche d'Acide 11MercaptoUndécanoïque (MUA, pKa = 6,5) comprenant un groupe thiol à une extrémité et chargé négativement à l'autre, puis une couche de PolyEthylènImine (PEI) chargée positivement grâce à ses fonctions NH3+ et, pour finir, les molécules d'extravidine (pI = 6,5), chargées négativement. Une fois la lame uniformément recouverte d'extravidine, elle est insérée dans un appareil commercial de « microarraying » (QArray [97] de Genetix), c'est-à-dire un appareil capable, grâce à un système de micropositionnement, de déposer des volumes très faibles (quelques dizaines de nanolitres) de liquide à un endroit prédéfini. Ce type de fonctionnalisation MUA/PEI/Avidine a ensuite été testé lors d'applications liées à la mucoviscidose et a fait l'objet d'une publication dans Sensors and Actuators B : chemical [98]. II.1.2.2. Pyrrole La fonctionnalisation de surface par des polymères conducteurs (polypyrroles) a été développée au sein du groupe CREAB (Chimie de la Reconnaissance et Etude des Assemblages Biologiques) faisant partie du CEA/DSM/DRFMC/SI3M [99] (Commissariat à l'Energie Atomique / Direction des Sciences de la Matière / Département de Recherche 92 Fondamentale sur la Matière Condensée / Service des Interfaces et des Matériaux Moléculaires et Macromoléculaires) situé à Grenoble. Durant ma thèse, la plupart des applications que j'ai étudiées ont utilisé cette fonctionnalisation, ce qui a contribué à la caractérisation et à l'optimisation de cette technique que nous allons maintenant décrire. II.1.2.2.1. Electrocopolymérisation L'électropolymérisation du pyrrole a été décrite dès 1979 par Diaz et al. [100]. Nous allons maintenant en résumer le principe. – Contre-électrode en platine Solution de pyrrole en tampon + I Electrode de travail eFigure 46 : Principe du dispositif d'électrocopolymérisation. Une source de tension oxyde, entre les deux électrodes métalliques, les pyrroles présents dans la solution tampon. Les molécules de pyrrole vont alors polymériser au niveau de la surface de contact entre l'or et le liquide. L'électropolymérisation implique l'application d'un potentiel approprié dans une solution aqueuse contenant les monomères. Au niveau de la contre-électrode en platine, polarisée négativement, l'eau est réduite, ce qui se traduit par un dégagement de dihydrogène. Au niveau de l'électrode de travail, polarisée positivement, le pyrrole est oxydé puis polymérisé. L'oxydation est un phénomène qui se produit à l'anode (électrode positive) dont l'équation chimique, en ce qui concerne le pyrrole est : C4 H 5 N → C4 H 5 N + + e − (II-2) 93 Par contre, pour qu'il y ait conduction, il faut que le pyrrole soit dopé avec un anion (ion chargé négativement) qui va pouvoir s'insérer dans le polymère et assurer sa conduction. La nature des anions va influer sur les propriétés du film de polypyrrole formé [101]. Nous pouvons, par exemple, utiliser le perchlorate (ClO4–) provenant du perchlorate de lithium [102]. Les concentrations utilisées ont été optimisées à 20 mM de pyrrole et 100 mM de LiClO4 [64, 103, 104 ]. Dans ces conditions, la réaction qui se passe alors au niveau de l'électrode de travail en or est la suivante : Figure 47 : Electropolymérisation du pyrrole. La première réaction est l'oxydation décrite dans l'équation (II-2). Au niveau de la surface d'or, les monomères de pyrrole positifs, instables, s'associent puis changent de conformation en libérant des protons. Deux molécules de pyrrole, au niveau de l'électrode d'or (anode), perdent chacune un électron pour assurer la conduction et forment deux radicaux chargés positivement. Ces deux radicaux, instables, s'assemblent en formant un dimère chargé deux fois positivement. Puis, ce dimère perd deux protons pour former un dimère de pyrrole. Après de multiples itérations de ce principe, nous nous retrouvons en présence de longs filaments de polypyrrole enchevêtrés. Mais, la structure exacte du polypyrrole, comme pour tout polymère en général, est difficile à déterminer. Il en résulte que la synthèse de films de polypyrrole ayant certaines propriétés spécifiques demeure un travail largement empirique [105]. Habituellement, l'électrolyte permettant l'électrocopolymérisation du pyrrole était le perchlorate de lithium (LiClO4). Cette molécule ne pose pas de problème pour synthétiser des biopolymères comportant des brins d'ADN, ces derniers étant très résistants, mais dénature les protéines (composé chaotropique). En effet, une protéine est une molécule composée d'acides aminés et repliée sur elle-même dans l'espace. La configuration tridimensionnelle d'une protéine est liée à son activité. Dans une protéine, se trouvent de petites cavités hydrophobes dues à ce repliement. Or, les ions perchlorate sont attirés par les zones hydrophobes et vont s'y fixer. Cette fixation va changer la configuration de la protéine et donc provoquer sa perte d'activité. De plus, la solution de perchlorate de lithium est non tamponnée. La libération de protons lors de la polymérisation (voir Figure 47) va donc acidifier le polypyrrole, ce qui entraîne une dénaturation de la protéine qui n'est plus à son pH optimum. Pour éviter ces problèmes liés au perchlorate de lithium, un nouveau milieu de dilution du pyrrole a été développé au sein du groupe CREAB du CEA Grenoble. Ce milieu est composé, entre autres, d'un tampon phosphate (H2PO4– / HPO42–) et de chlorure de sodium. Le pKa de ce couple acide/base vaut 7,2. C'est-à-dire que, lorsque le pH de la solution est inférieur à 7,2, nous sommes en présence d'une majorité de H2PO4–. Le domaine du pouvoir tampon de ce couple est situé entre pH = 6 et pH = 8,4. Une solution tampon phosphate basée sur ce couple doit donc avoir un pH compris entre ces deux valeurs. Sachant que le domaine d'activité des proté est généralement compris entre pH = 6 et pH = 7,5 et que le pyrrole polymérise mieux en milieu acide (en effet, quand le pH augmente, le pyrrole libère les anions dopant et devient moins conducteur). Le choix d'un tampon phosphate légèrement acide paraît judicieux. Le problème de l'acidification de la solution avec le perchlorate n'existe plus avec ce tampon. Le rôle du dopant est maintenant tenu majoritairement par l'anion H2PO4- et minoritairement par l'anion HPO42-. Pour finir, le tampon phosphate n'est pas chaotropique donc il ne dénature pas les protéines. Pour II.1.2.2.2. Couplage utiliser principe ce d'électrocopolymérisation dans le cadre de la fonctionnalisation de surface des biocapteurs, différents procédés de couplages entre une molécule biologique et une molécule de pyrrole ont été développé. Contrairement aux molécules biologiques greffées à une biotine qui sont disponibles commercialement, le 95 greffage de pyrrole sur une biomolécule est à réaliser en laboratoire. Nous pouvons utiliser des pyrroles biotinylés (exemple de structure décrit dans la Figure 48 obtenue selon le protocole décrit par A. Dupont-Filliard et al. [106]) et revenir dans le cas des SAM par la fixation d'avidine sur une couche de polypyrroles couplés à la biotine [107]. Cette couche d'avidine peut, par la suite, être fonctionnalisée par des molécules biotinylées comme des oligonucléotides. Figure 48 : Structure d'un dérivé de la biotine électropolymérisable composé d'un monomère de pyrrole (cycle de gauche) et d'une biotine (double cycle de droite) selon A. DupontFilliard et al. [107]. Nous pou vons aussi profiter de l'électropolymérisation du pyr role pour effect uer une fonctionnalisation de la surface en une seule éta pe. Il suffit pour cela de greffer directement de manière co valente sur la sonde une fonction pyr role. Aujourd'hui, le CREAB est capable de greffer un groupe pyrrole sur, entre autres, des oligonucléotides [108], des protéines, et des oligosaccharides. L'électrocopolymérisation de ces trois biomolécules différentes greffées à un pyrrole a fait l'objet d'études liées à différentes applications au cours de ma thèse, applications qui feront l'objet du chapitre III. 96 Figure 49 : Structure d'un dérivé d'oligonucléotide électropolymérisable composé d'un monomère de pyrrole (cycle de droite) lié de man covalente à un oligonucléotide via un groupe phosphoramidite selon T. Livache [102]. Un exemple de structure ODN/pyrrole est décrit dans la Figure 49 obtenue selon le protocole décrit par T. Livache et al. [102]. Cette structure particulière a été validée et a fait l'objet de nombreuses études [59,64,102,108] que ce soit en fluorescence, en SPR ou avec les microbalances à quartz. La faculté du pyrrole d'être électropolymérisable alliée avec la possibilité de lier de manière covalente un pyrrole avec diverses biomolécules vont nous permettre de structurer notre transducteur SPR par électrocopolymérisation de pyrrole et de pyrrole/biomolécule, ce qui veut dire que nous allons polymériser un mélange, dont les proportions restent à définir, de pyrrole et de pyrroles liés à une biomolécule. II.1.2.2.3. Structuration en plots Dérivé du procédé MICAM [104], le procédé propre au laboratoire CREAB du CEA Grenoble permet une fonctionnalisation simple d'une surface d'or homogène. Il est basé sur une électrocopolymérisation directe de pyrrole et de pyrrole fonctionnalisé sur un substrat d'or par l'utilisation d'une micro cellule électrochimique mobile décrite dans la Figure 50. Les spots de polypyrrole obtenus de cette façon sont caractérisés en terme d'épaisseur puis d'efficacité lors des réactions de reconnaissance biologique (hybridation de l'ADN ou reconnaissance protéine-ligand par exemple) [64]. Figure 50 : Microcellule électrochimique mobile. A : micropipette réglable de 200 μL munie de son cône contenant 10 μL de solution de pyrrole. B : Zoom sur le cône modifié traversé par une électrode de platine en contact avec le liquide. C : Zoom sur l'extrémité du cône prolongée par un ménisque de liquide. C'est ce ménisque qui sera en contact avec l'électrode de travail (surface d'or non représentée). La synthèse des plots de polymère, décrite par T. Livache et al. [109] est effectuée à l'aide du montage de la Figure 51. Ce montage se réalise avec un embout de pipette de 200μL (P200 Gilson) dont le cône forme la cellule électrochimique possédant la contre électrode formée d'un fil de platine, en contact avec la solution contenant le tampon phosphate, le pyrrole (20 mM) et les biomolécules pyrrolées. Le déplacement de la pipette par rapport à la surface d'or est piloté par trois moteurs permettant un positionnement micrométrique dans les trois dimensions de l'espace et dirigés par le logiciel Polypotter (logiciel développé au CEA Grenoble). Lorsque le contact est établi entre le ménisque en extrémité du cône et la surface d'or, une impulsion électrique de 2V et de 250 ms, (cf. le schéma de l'impulsion électrique de la Figure 51), généré par un potentiostat, permet la réaction de copolymérisation. Le cône est déplacé et rincé entre chaque greffage de molécules biologiques, afin d'éviter toute contamination d'échantillons entre les différents dépôts. 98 Figure 51 : principe de la microstructuration électrochimique en plots. Le graphe en haut à gauche montre l'impulsion électrique provoquant la copolymérisation. II.1.2.2.4. Avantages Les avantages de l'électrocopolymérisation du pyrrole sont nombreux. Un des principaux avantages de cette méthode est sa simplicité de mise en oeuvre : les films peuvent être préparés en une seule étape très rapide. Un autre avantage de la fonctionnalisation électrochimique sur d'autres méthodes est la possibilité de générer le polymère sur une petite surface correspondant à la partie mouillée de l'électrode de travail. Ensuite, la reproductibilité de l'électrocopolymérisation est très bonne car la surface est exactement délimitée par les électrodes et l'épaisseur contrôlée par la charge injectée selon la relation suivante [104] : l= M ⋅Q 2.2 ⋅ A ⋅ F ⋅ ρ (II-3) avec l l'épaisseur du polymère en mètres, M = 0,067 kg/mol-1 la masse molaire du pyrrole, Q la charge de synthèse en Coulombs, A l'aire de l'électrode en mètres carrés, F = 9,64.104 C.mol-1 la constante de Faraday, ρ = 1580 kg.m-3 la densité du polypyrrole. 99 De plus, la densité de fixation des biomolécules peut, elle aussi, être contrôlée par le choix du ratio, dans le tampon phosphate, entre la concentration en pyrroles et celle en biomolécules greffées à un pyrrole. Enfin, un avantage précieux pour les biocapteurs d'imagerie SPR est le contraste important de l'image acquise (Figure 52) lors de l'expérience entre les zones non fonctionnalisées du biocapteur (or nu) et les plots constitués du copolymère de pyrroles autorisant une localisation très simple des plots. Figure 52 : Image SPR en milieu liquide d'une lame d'or fonctionnalisée selon une matrice de 4x4 plots de polypyrrole. En résumé, la fonctionnalisation 2D par électrocopolymérisation de pyrroles et de biomolécules pyrrolées est une méthode simple, rapide, conduisant à la formation de plots très solidement fixés sur l'or dont de nombreux paramètres physiques (forme, épaisseur, densité de biomolécules) peuvent être contrôlés de manière reproductible. Nous sommes maintenant capables de fabriquer un biocapteur SPR, couplé par prisme, fonctionnel. Son utilisation pratique va nécessiter le développement d'un banc optique de mesure que nous allons décrire dans la partie suivante. II.2. OPTIMISATION ET CHOIX DES ELEMENTS DU BANC Dans cette partie, nous allons décrire le montage optique permettant la mesure des interactions biomoléculaires par imagerie SPR dont le principe général est décrit dans la Figure 21 (page 49). Cette description comprend plusieurs parties qui suivent le parcours du faisceau lumineux : la source, le système optique d'éclairage du capteur, le prisme et le 100 système d'injection des produits biologiques, le système optique d'imagerie et, pour finir, la caméra. Dans chaque partie, le choix des solutions sera justifié en fonction des performances envisagées. II.2.1. Une source de lumière est caractérisée par plusieurs paramètres : son spectre d'émission, sa divergence, sa cohérence (spatiale et temporelle) et l'intensité de son émission. Nous allons maintenant expliquer comment ces différents paramètres influent sur les performances du biocapteur SPR. II.2.1.1. Pour une source de lumière, le premier paramètre à choisir est la longueur d'onde. Pour l'imagerie SPR, ce choix résulte d'un compromis entre la sensibilité requise par le type d'interactions qui vont être mesurées, et la résolution latérale, liée à la longueur de propagation du plasmon (définie par l'équation (I-13)), requise pour imager les plots fonctionnalisés d'une taille donnée [110]. Une bonne sensibilité permet le suivi de petites molécules et de faibles concentrations tandis qu'une bonne résolution permet une plus grande densité d'informations (plots plus petits). Un exemple est donné dans la Figure 53 dans le cas de la fixation d'oligonucléotides de 20 bases (M = 6 kDa). Le taux de recouvrement (en fmol/mm2) représenté sur cette figure correspond à la densité de matière nécessaire pour provoquer une variation de réflectivité ∆R = 1 %, ce qui est suffisamment confortable pour une mesure. Dans le cas où une détection de 20 fmol/mm2 de ces brins d'ADN est requise, une longueur d'onde minimale λ = 665 nm sera nécessaire et va conduire à une résolution latérale, au mieux, de δx = 6,8 μm. 101 Figure 53 : Critères de choix de la longueur d'onde. La courbe rouge représente la valeur théorique de la longueur de propagation du plasmon de surface calculée d'après l'équation (I-13) dans le cas d'une interface entre un milieu métallique (nor = 0,13 + i⋅3,69) et un milieu d'indice n = 1,333. La courbe noire est le taux de recouvrement correspondant à une variation de réflectivité de 1 % créée par une molécule de masse molaire M = 6 kDa, d'indice de réfraction n = 1,41 et d'incrément d indice ∂n/∂C = 0,188 mL/g (typiquement un oligonucléotide de 20 bases). Sur notre montage, nous avons choisi une longueur d'onde autour de λ = 650 nm qui limite la résolution latérale à environ 5 μm et permet une mesure confortable d'environ 20 fmol/mm2 d'oligonucléotides de 20 bases, ce qui semble un bon compromis en vue des applications envisagées. II.2.1.2. Largeur spectrale, cohérence temporelle et divergence Une source n'est pas simplement caractérisée par sa longueur d'onde. Une source réelle est aussi caractérisée, en dehors des considérations d'intensité, par sa largeur spectrale définissant sa cohérence temporelle, ainsi que sa divergence. La largeur spectrale vient du fait qu'une source n'émet pas une longueur d'onde mais un intervalle de longueurs d'ondes ∆λ 102 autour d'une longueur d'onde centrale λ0. La cohérence temporelle sert à définir l'existence ou non d'une relation de phase entre les photons et donc d'interférences, et est caractérisée par la longueur de cohérence de la source L. Enfin la divergence, qui est plutôt une caractéristique du système comprenant la source et le système optique d'illumination, traduit le fait que la source n'émette pas un faisceau parfaitement parallèle mais un intervalle d'angles de largeur 2⋅∆α. La résonance des plasmons de surface étant définie pour un angle donné et une longueur d'onde donnée, le fait d'avoir plusieurs longueurs d'ondes et plusieurs angles d'incidence simultanément va influer sur la sensibilité du biocapteur. Pour finir, la troisième caractéristique, à savoir la cohérence temporelle, va, quant à elle, intervenir dans l'imagerie. La longueur de cohérence L est liée à la largeur spectrale par la relation suivante [15] : λ 02 c = L= ∆ν ∆λ (II -4) Plus la source va être monochromatique (largeur spectrale faible), plus la longueur de cohérence va être élevée, ce qui va faciliter l'apparition d'interférences, phénomène non désiré lors de l'imagerie des biocapteurs. La grande longueur de cohérence des lasers (L > quelques mètres) est à l'origine fourmillement lumineux observé dans les figures obtenues («speckle»); ce phénomène est provoqué par des interférences aléatoires, les différences de marche provenant de la diffusion de la lumière par les impuretés du milieu (poussières de l'air) ou des différences d'indice de réfraction des milieux traversés. Ce phénomène peut toutefois être limité par l'utilisation d'un verre dépoli tournant, juste après la source, qui va fortement diminuer la cohérence spatiale du faisceau. L'influence de la largeur spectrale et de la divergence du faisceau sur la sensibilité de la SPR a été étudiée dans le cas d'une source de longueur d'onde λ = 650 nm, incidente sur un prisme en SF11, d'angle au sommet Ap = 32 °, recouvert d'une couche d'1 nm de chrome et d'une couche de 48 nm d'or. Figure 54 : Influence de la largeur spectrale de la source sur la résonance des plasmons de surface illustré dans le cas de 3 largeurs spectrales (∆λ = 0 nm –> Noir, ∆λ = 20 nm –> Rouge, ∆λ = 50 nm –> Bleu). (A) Réflectivité, en polarisation TM et pour une longueur d'onde λ = 650 nm, entre un prisme en SF11 recouvert de 1 nm de chrome et de 48 nm d'or en contact avec un milieu liquide (nd = 1,333) et (B) variations de réflectivité provoquée par la fixation sur l'or d'une couche biologique d'indice n = 1,41 et d'épaisseur 1 nm. L'influence de la divergence du faisceau est globalement similaire, son augmentation provoquant une diminution de la sensibilité. Afin d'évaluer de manière plus quantitative l'effet de ces deux paramètres, la réponse du biocapteur dans le cas d'un faisceau idéal (monochromatique et parallèle) a été normalisée à 1, ce qui fait que nous allons pouvoir définir les réponses SPR dans les autres configurations relativement à cette réponse idéale. Dans le cas d'une largeur spectrale inférieure à ∆λ = 30 nm et d'une demi-divergence inférieure à ∆α = 12 mrad ou 41'd'arc (1 ° = 60 '), la réponse relative du biocapteur est représentée dans la figure suivante. ctuelle Figure 55 : Sensibilité théorique de la SPR en fonction de la largeur spectrale et de la divergence de la source. Ces valeurs ont été calculées à λ = 650 nm et normalisées à 1 pour une source monochromatique et parfaitement collimatée. Comme indiqué sur la Figure 55, une source de largeur spectrale ∆λ = 18 nm et de divergence 2⋅∆α = 4 mrad (soit 14 ') permet d'obtenir une réponse à 95 % de la réponse théorique. Cette source correspond à une diode LED à λ = 650 nm (dont nous avons mesuré le spectre, représenté dans la Figure 56) collimatée par deux objectifs de microscope. Cette source va donc permettre d'obtenir un biocapteur quasiment aussi sensible qu'un laser (5 % de perte en sensibilité) tout en ayant une longueur de cohérence L = 24 μm (d'après l'équation (II-4)), ce qui évite tout phénomène d'interférences parasites nuisibles pour l'imagerie. Figure 56 : Spectre de la diode LED sélectionnée pour le biocapteur SPR. 105 Une autre solution possible pour le choix de la source est un laser He-Ne, émettant à λ = 632,8 nm. A cela, il faut ajouter un verre dépoli tournant pour éviter les interférences parasites et un système optique d'élargissement du faisceau pour éclairer simultanément tout le biocapteur. La solution basée sur une diode LED collimatée, moins compliquée à mettre en place et moins onéreuse tout en ne dégradant quasiment pas la sensibilité du biocapteur, a donc été retenue. II.2.2. Balayage angulaire D'après le protocole d'utilisation du biocapteur par imagerie SPR décrit dans le paragraphe I.2.4.1, une expérience commence par la mesure de la réflectivité en fonction de l'angle d'incidence. En considérant la largeur angulaire du pic d'absorption dû à la résonance des plasmons de surface à λ = 650 nm, un balayage de 14° autour de l'angle de résonance est suffisant pour ensuite choisir l'angle de mesure de cinétique. Pour éviter de faire tourner tout le bras source autour du prisme, nous avons choisi d'utiliser un miroir tournant, c'est-à-dire un miroir monté sur une rotation contrôlée par un moteur pas à pas. Un système optique conjuguant le prisme et le miroir est alors nécessaire pour que le prisme soit toujours éclairé pour les différentes incidences. Nous allons décrire, dans ce paragraphe, les propriétés nécessaires du miroir tournant ainsi que du système optique pour finaliser la partie illumination du biocapteur SPR. S P Prisme M L1 L2 Figure 57 : Système optique d'illumination du biocapteur SPR couplé par prisme. (S) Diode LED (λ = 650 nm), collimatée par deux objectifs de microscopes, telle que présentée dans le paragraphe précédent. (P) Polariseur. (M) Miroir tournant. (L1, L2) Système afocal conjuguant le miroir et la base du Prisme, siège des interactions biomoléculaires. Pour que le faisceau incident reste collimaté, le système optique conjuguant le miroir et la base du prisme doit être afocal. Le faisceau issu de la LED collimatée (S dans la Figure 57), de diamètre φ = 10 mm, étant suffisamment large, nous avons choisi un système de grandissement Gy = -1 composé de deux doublets de même focale. Deux doublets de focale f' = 60 mm et de diamètre φ = 30 mm vont permettre d'accepter un débattement angulaire de ± 7 ° du faisceau incident tout en limitant l'encombrement du système. Le choix de cette focale de 60 mm résulte d'un compromis entre la volonté de diminuer l'encombrement total du système et la nécessité de ménager un peu d'espace pour le positionnement du prisme, de son système de fixation et du dispositif de circulation des fluides (voir les sous-parties suivantes). F'1 F2 C1 F1 C2 F'2 Figure 58 : Principe d'un système afocal tel que celui conjuguant le miroir tournant et la base du prisme. F1 et F'1 (F2 et F'2) sont les foyers de la 1ère lentille (2nde lentille, respectivement). Un système afocal transforme un faisceau parallèle en un faisceau parallèle et s'obtient en superposant F'1 et F2. Pour que les 2 lentilles aient la même focale, elles doivent être issues de la même série (sinon la focale est connue avec une précision de ± 2 % [111], ce qui donne une imprécision de ± 4 % sur le grandissement) ou les focales doivent être mesurées précisément afin de connaître précisément le grandissement du système (Gy = - f'2 / f'1). Nous allons maintenant nous concentrer sur le défaut de positionnement des 2 lentilles l'une par rapport à l'autre que nous appellerons δx. En effet, le système n'est plus afocal si F'1 et F2 de la Figure 58 ne sont plus superposés. Pour simplifier les calculs, nous allons utiliser les matrices de Jones (voir l'Annexe 2). Le système composé de L1 et de L2 avec un décalage δx entre F'1 et F2 équivaut donc, entre les plans passant par F1 et par F'2, à : 107  0   −1 f'f '  1 δ x   0 ∗ ∗ 0   0 1   −1 f'0 f'  −1 =    0   δ x f '2 −1 (II-5) Les rayons issus du miroir sont tous parallèles (la divergence de ± 2 mrad est négligée). Lorsque le miroir est en position θ0, les rayons sont parallèles à l'axe optique (α = 0). La source, non représentée ici, étant fixe, lorsque le miroir bouge d'un angle δθ, l'inclinaison α des rayons augmente de 2⋅δθ. Considérons un point A dans le plan focal objet de la première lentille de hauteur y et le rayon d'inclinaison α issu de ce point. Son image par le système optique étudié vaut : 0   y  −y   −1    ∗   =  2 2     δ x f'−1  α   −α + y⋅δ x f' (II-6) Puisque le système étudié n'est plus afocal, un faisceau collimaté ne sera plus parallèle en sortie de ce système, nous allons définir la grandeur G comme étant le rapport entre l'angle des rayons en sortie et l'angle des rayons incidents en fonction de la hauteur d'incidence y du rayon sur le plan focal objet. Ce rapport vaut alors : G = −1 + y ⋅δ x 2 ⋅ δθ ⋅ f '2 (II-7) Cette formule nous montre que, lorsque les foyers des deux lentilles ne sont pas superposés (δx ≠ 0), l'inclinaison des rayons en sortie dépend de la hauteur y du rayon sur le plan focal objet de la première lentille. Seuls les rayons passant par F1 (y = 0) sortiront avec une inclinaison - α comme dans le cas où le système est afocal. Dans tous les autres cas, l'inclinaison réelle du faisceau sera décalée par rapport à un système parfait de l'angle suivant : δα ( y ) = y ⋅δ x f '2 (II-8) Ce décalage va se traduire, lors de la mesure initiale de la réflectivité du film d'or en fonction de l'angle d'incidence, par une dispersion apparente des conditions de résonance d'une extrémité à l'autre de la partie éclairée de l'interface (Figure 59). Cette dispersion n'est qu'apparente, car, pour une position du miroir, nous faisons correspondre un seul angle 108 d'incidence extérieur alors qu'en réalité, chaque point du faisceau aura une incidence différente. Figure 59: Réflectivité de l'interface or/liquide en fonction de l'angle d'incidence externe, au centre et aux extrémités de la zone illuminée par la diode LED à λ = 650 nm (y = - 5 mm, 0, + 5 mm) dans le cas d'un décalage de 1mm entre les 2 lentilles. Cette dispersion des courbes de réflectivité pour une position donnée du miroir va induire dans l'é tape suivante de l' expérience ( cin étique ) une dispersion des variations de réf lectivité mes urée à angle fixe . En effet, si nous supposons que nous nous sommes placé à un angle de travail tel que la pente de la courbe de réflectivité, mesurée au centre de la zone éclairée, en fonction de l'angle d'incidence, soit maximale, cet angle ne correspond plus tout à fait à la pente maximale aux extrémités de la zone éclairée du fait du décalage illustré dans la Figure 59. Les variations de réflectivité mesurée sur ces extrémités, pour une même perturbation, seront donc nécessairement plus faibles. Dans la figure ci-dessous, nous avons illustré ce propos, dans le cas de la diode LED collimatée définie précédemment et illuminant une zone de 10 mm de diamètre, pour des défauts de positionnement des lentilles allant jusqu'à 2 mm (le défaut de positionnement réel restant bien inférieur à cette valeur). 109 Figure 60 : Sensibilité SPR de l'interrogation en réflectivité aux extrémités de la zone illuminée par la diode LED à λ = 650 nm (y = - 5 et + 5 mm) relativement à la sensibilité au centre de cette zone (y = 0 mm) en fonction du défaut de positionnement des lentilles. Comme illustré dans la Figure 60, pour une erreur de positionnement de ± 1 mm des lentilles, cela nous donne une imprécision sur l'angle de mesure de : ± 1,3 mrad entre la gauche et la droite du prisme conduisant à une dispersion des résultats de 0,5 %. Compte tenu de cette imprécision de l'ordre du milliradian introduite par le système afocal et de la demidivergence du faisceau ∆α = 2 mrad (sous-partie II.2.1.2), une précision de positionnement angulaire de ± 0,2 mrad du moteur pas-à-pas sur lequel est fixé le miroir est largement suffisante. Nous avons à présent défini les différents critères pratiques de conception de ce qui constitue le « bras source » de notre multicapteur SPR. Nous allons poursuivre la description du montage tout en suivant le faisceau lumineux, ce qui amène maintenant au capteur proprement dit, c'est-à-dire le prisme et le système fluidique. II.2.3. Fluidique Le système fluidique est le dispositif qui va permettre d'amener les cibles au contact des sondes fixées sur la surface d'or. Ce dispositif est constitué d'une pompe, de tubulures, de raccords et d'une cellule où vont se dérouler les interactions. Ce système doit être 110 biocompatible pour ne pas polluer les réactifs et le volume du circuit d'injection doit être le plus faible possible afin d'économiser les réactifs dont le prix de revient est assez élevé ou dont la disponibilité est limitée du fait qu'ils viennent de patients. II.2.3.1. Pompe Deux types de système d'injection sont couramment utilisés : ceux basés sur une pompe péristaltique et ceux basés sur une pompe pousse-seringue. Ces deux types de pompe, très différents, vont imposer le choix de la tubulure et des raccords. Une pompe péristaltique est une pompe dans laquelle le fluide est acheminé par compression dans des tuyaux souples où il circule. Cet « aplatissement », en se déplaçant le long de la courbe centrale de la piste de la pompe, entraîne devant lui le contenu du tuyau; en même temps, le tuyau reprend sa forme derrière chaque rouleau et la puissante aspiration ainsi créée attire le fluide qui sera poussé par le rouleau suivant (Figure 61). Figure 61 : Principe de fonctionnement d'une pompe péristaltique. Le fluide, contenant les analytes, se propage de la gauche vers la droite suite à la compression créée par le mouvement de rotation des rouleaux (3 à 12) de la pompe. Les différents produits nécessaires à l'expérience sont préparés dans de petits tubes à essai. L'injection se fait alors simplement en immergeant l'extrémité du tube dans le tube à essais adéquat. Les avantages de ce type de pompe sont les suivants : 111 - Aucune partie de la pompe n'est en contact direct avec les différents produits injectés. L'injection peut fonctionner en circuit fermé en réinjectant ce qui sort de la cellule d'interactions dans le tube à essais. Les tuyaux souples sont simples d'utilisation. Son prix de revient est relativement faible (< 1 500 €). Bien sûr, ce type de pompe a aussi des désavantages : - - La circulation du liquide se fait par à-coups résultants du passage d'un rouleau à l'autre sur le tube. Ces à-coups peuvent être plus ou moins prononcés suivant le nombre de rouleaux de la pompe. Le contrôle précis du débit dépend des réglages (pression des rouleaux sur le tuyau par exemple) et nécessite donc une calibration. Une pompe pousse-seringue, comme son nom l'indique, est constituée d'une seringue et d'une translation motorisée contrôlant le mouvement du piston de cette seringue. Le liquide est alors « poussé » dans des tuyaux rigides. Les avantages de ce type de pompe sont les suivants : - La circulation du liquide est sans à-coups, grâce à la translation continue du piston. La précision du débit est contrôlée très précisément grâce à la vitesse de translation du piston, ce qui permet une plus grande reproductibilité. Par contre, les pompes pousse-seringue ont aussi quelques désavantages : - - Les différentes solutions doivent remplir la seringue donc, pour éviter toute contamination, il est nécessaire d'utiliser autant de seringues différentes que de produits. Les produits sortant de la cellule d'interactions ne peuvent être réinjectés. Son prix de revient est un peu plus élevé (> 2 000 €). De plus, ces deux types d'injection ne sont pas facilement interchangeables car les tuyaux souples et leurs raccords sont conçus dans le système métrique tandis que les tuyaux rigides et leurs raccords sont conçus dans le système américain (en pouces). Notre choix s'est finalement porté sur les pompes péristaltiques car nous avions déjà à disposition dans l'équipe de recherche ce type de matériel. Notre pompe, de marque Gilson, pour des tuyaux de diamètre intérieur 0,19 mm, permet de faire varier le débit entre 8 μL/min et 120 μL/min. Nous verrons, dans la partie suivante, en quoi le choix du débit est très important pour l'étude des cinétiques d'interaction (sous-partie II.3.3). II.2.3.2. Injection des échantillons Nous allons maintenant expliquer comment les échantillons sont injectés grâce à la pompe péristaltique. L'injection des analytes se fait au moyen d'une vanne à boucle centrale d'injection [51]. Cette vanne, à 2 positions, permet de ne faire passer que du tampon par la pompe pendant toute la réaction. En position 1, le tampon sort directement de la vanne en laissant la boucle, de volume fixe, libre pour y insérer les réactifs à l'aide d'une seringue. Ensuite, en position 2, ce volume prédéfini est introduit dans le circuit d'injection en faisant passer le tampon dans cette boucle. Suivant la taille de la boucle, nous pouvons faire passer différentes quantités d'analytes (50 μL, 100 μL, 250 μL,). Le principe de fonctionnement d'une vanne d'injection est illustré dans la Figure 62. Ce système, comprenant une pompe et une vanne, est couramment utilisé et forme le principe de base des systèmes FIA (Flow Injection Analysis : analyse de petites quantités de réactifs insérées dans un flux continu de solution tampon) [112]. Bien sûr, l'utilisation d'une telle vanne nous empêche à présent d'utiliser notre pompe péristaltique en circuit fermé. Figure 62 : Principe de fonctionnement d'une vanne à boucle d'injection centrale. En position 1, le tampon (bleu clair) est injecté dans la cellule. Pendant ce temps, la boucle peut être chargée avec un réactif (vert foncé) grâce à une seringue. En position 2, le tampon passe par la boucle préalablement chargée avant d'atteindre la cellule. Cellule d'interactions Pour finir la description du système fluidique, nous allons maintenant décrire la cellule d'interactions. Elle est caractérisée par plusieurs propriétés : sa taille, sa forme ainsi que sa composition. Sa taille va définir le nombre maximal de plots que nous allons pouvoir analyser en parallèle, sa forme va définir l'écoulement des réactifs au niveau de l'interface tandis que le choix du matériau de composition de la cuve doit permettre une bonne biocompatibilité avec ces réactifs et une bonne étanchéité de la cellule. La cellule d'interactions doit être la plus grande possible afin de pouvoir intégrer un maximum de plots dans notre capteur, mais, dans le même temps, sa taille va définir le volume de la cellule et, par voie de conséquence, la quantité de réactifs nécessaire pour l'analyse des interactions. Le choix de cette taille résulte donc d'un compromis. Nous avons choisi d'analyser des matrices de plots carrées de 5 mm x 5 mm. Cela va nous permettre d'analyser simultanément suffisamment de plots dans le cadre des applications présentées dans le chapitre III. La diagonale d'une matrice de 5 mm de côté mesurant 7,1 mm, nous avons conçu une cellule d'interactions cylindrique de diamètre φ = 8 mm, ce qui nous laisse une tolérance suffisante pour placer la matrice de plots au centre de la cellule. Cette cellule mesure une hauteur h = 300 μm, ce qui fait un volume raisonnable de V = 15 μL. L'injection se fait alors par une ouverture de diamètre 400 μm en bas de la cellule et la sortie par une autre ouverture de même diamètre en haut de cette cuve. La validité de ce choix a ensuite été vérifiée en injectant successivement dans la cuve, au contact d'un prisme recouvert d'une couche mince d'or -fonctionnalisée, de l'eau et du PBS, une solution aqueuse contenant quelques solutés (NaCl, KCL, ). Les résultats de ce test sont représentés dans la Figure 63. Sur ces images, la cuve n'est pas circulaire à cause de l'anamorphose créée par le prisme et les images sont pivotées d'un quart de tour (le bas est à gauche de l'image tandis que le haut est à droite). Dans cette figure, sont représentées les images acquises au cours du temps lors de ces injections. A chaque image a été retirée l'image initiale du début de l'expérience. Sur cette figure, nous voyons d'abord que la réflectivité en dehors de la cuve reste constante tout au long de l'expérience. Ensuite, nous voyons que le passage d'un milieu à un autre se fait de manière assez homogène avec tout de même un léger retard sur les bords latéraux (haut et bas sur chaque image) de la cuve. Enfin, sur les 3 dernières images des deux lignes de la Figure 63, un filet sur le haut de la cuve (à droite sur les images, sombre sur la 1ère ligne, blanc sur la seconde) reste assez réfractaire au changement de milieu liquide. Cette partie de la cuve est une zone où le flux est quasiment nul, car située plus haut que le trou de sortie des liquides, et où les changements vont plutôt s'opérer par diffusion. Cette zone reste tout de même assez restreinte et ne perturbera pas une zone fonctionnalisée de 5 mm par 5 mm située au centre de la cuve. Cette cuve cylindrique permet donc une circulation homogène des réactifs. Par la suite, toutes les expériences présentées ont été réalisées dans une cuve de 8 mm de diamètre et de 300 μm de hauteur taillée dans un bloc de 10 mm x 15 mm x 25 mm de téflon. Le téflon a plusieurs avantages : il est biocompatible et il est assez souple, ce qui facilite son usinage et ce qui permet aux parois de la cuve d'épouser la forme du prisme afin d'assurer une bonne étanchéité. Le plan de cette cuve en téflon est représenté dans la Figure 64. La paroi de la cellule est constituée d'un anneau en téflon et son fond du bloc massif de téflon. Cette cellule est ensuite fermée en appliquant le bloc de la Figure 64 contre le prisme recouvert d'une couche mince d'or. Deux trous coniques traversant le bloc de téflon servent à rentrer à force aig de seringue qui, connectées aux tuyaux souples, vont permettre l'entrée et la sortie des réactifs. Figure 64 : Plan de la cuve en téflon servant de cellule d'interactions pour l'imagerie SPR. Cette cellule se résume à un anneau de téflon de diamètre intérieur 8 mm, de diamètre extérieur 10 mm et d'épaisseur 300 μm sur un bloc de 10 x 15 x 25 mm3 percé de 2 trous coniques de diamètre 400 μm au niveau de la cellule pour l'entrée et la sortie des réactifs. Le système fluid ique d ' injection des différents liquid es est maintenant complet. Il va permettre de faire circuler de manière homogène de faibles quantités de réactifs. Ce système va ensuite être adjoint au prisme que nous allons décrire dans la partie suivante. II.2.4. Prisme Le choix du prisme est très important pour notre système d'imagerie des plasmons de surface car c'est lui qui va déterminer la qualité de l'imagerie. Un prisme est défini par plusieurs paramètres : ses dimensions (l x L x H), ses angles et son matériau qui fixe l'indice de réfraction. Nous allons voir, dans cette partie, comment choisir ces différents paramètres. II.2.4.1. D'après ce que nous avons vu précédemment, plusieurs restrictions sur le choix de ces paramètres apparaissent déjà. Tout d'abord, les dimensions extérieures de la cellule d'interactions nous imposent une largeur et une hauteur du prisme supérieures à 10 mm pour conserver une bonne étanchéité (partie II.2.3.3). Ensuite, pour des raisons de simplicité de fixation du prisme contre la cellule d'interactions, nous nous sommes restreints à des prismes isocèles, ce qui va répartir plus uniformément les forces de pression du prisme sur la cuve et ne pas perturber l'étanchéité. Cette condition, non obligatoire, réduit le nombre de paramètres 116 angulaires à un seul, l'angle au sommet, appelé ainsi par opposition à la face du prisme recouverte d'or que nous nommons base du prisme (cette nomenclature sera conservée par la suite). Enfin, pour que l'excitation des plasmons de surface soit possible à la longueur d'onde λ = 650 nm, l'indice de réfraction du prisme np doit être supérieur à 1,435 (voir Figure 12, page 39). Par contre, une fois cette condition remplie, nous avons vu dans la partie I.2.5.1 que la sensibilité en réflectivité ne dépend pas de l'indice de réfraction du prisme. Le choix de ce paramètre reste alors libre. II.2.4.1.1. Simplicité du système optique Comme nous l'avons déjà expliqué plusieurs fois au cours de cette thèse, les différents capteurs sont placés sur la couche d'or au contact du prisme. Pour étudier simultanément et en temps réel les interactions se produisant sur ces différents plots, ces capteurs sont imagés sur une caméra CCD via un système optique adéquat. Ce système optique doit être le plus simple possible pour améliorer le confort de réglage et d'utilisation. Or, un système optique simple transforme un plan objet orthogonal à son axe optique en un plan image toujours orthogonal à son axe optique. Les rayons lumineux issus des capteurs fonctionnalisés sur la couche d'or traversent d'abord le prisme avant d'arriver sur le système optique. Une condition nécessaire à la simplicité du système optique est donc que le plan objet, c'est-à-dire l'image de la couche d'or par le prisme, soit perpendiculaire à l'axe optique (qui reste encore à définir) de ce système. Puisque le protocole expérimental d'une expérience de mesure d'interactions biomoléculaires par imagerie SPR consiste à mesurer la réflectivité du système autour de l'angle de résonance des plasmons de surface puis, de mesurer les variations de réflectivité en temps réel à un angle fixe correspondant à l'angle de pente maximale de la courbe précédente, l'axe optique doit donc être choisi au voisinage de l'angle de résonance des plasmons de surface. Par la suite, nous avons choisi d'aligner l'axe optique selon l'angle de résonance des plasmons de surface sur l'eau (qui par la même occasion correspond, à une faible différence près, à l'angle de mesure des interactions en tampon PBS, que nous utilisons beaucoup pour les interaction présentées dans le chapitre III). Si nous choisissons alors l'angle au sommet du prisme pour que la condition d'orthogonalité soit réalisée, un système afocal identique à celui du bras source suffit pour 117 l'imagerie. Les différents capteurs fonctionnalisant la couche d'or étant immobiles (seul le miroir tourne pour faire varier l'angle d'incidence des rayons), le système d'imagerie sera donc, par la même occasion, lui aussi immobile. Si nous considérons l'ouverture numérique du système optique choisi qui va définir l'angle maximal des rayons incidents avec l'axe optique (8 °) et le fait que nous mesurons la réflectivité sur une plage de 14° autour de l'angle de résonance des plasmon de surface (voir partie II.2.2), cela nous laisse une tolérance sur le choix de l'angle du prisme.
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Le principe juridique de confiance mutuelle entre États membres en droit de l’Union européenne
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14 : « La question piquante revient en définitive à déterminer si la confiance mutuelle est véritablement traitée comme un préalable à la reconnaissance mutuelle ou si on se contente d’espérer qu’elle en devienne une conséquence ». 1607 J-S. Bergé, « « Reconnaissance mutuelle » et « Confiance mutuelle » dans le discours de la Commission et de la Cour de justice (à propos de l’actualité récente) : entre posture et culture! », blog gdr-elsj.eu, 23 mars 2018, accessible en ligne : http://www.gdr-elsj.eu/2018/03/23/liberte-de-circulation/reconnaissance-mutuelle-etconfiance-mutuelle-dans-le-discours-de-la-commission-et-de-la-cour-de-justice-a-propos-de-lactualite-recenteentre-posture-et-cultur/ 1604 340 vertueuse « à trois têtes » dans laquelle la méthode de l’harmonisation œuvre, de manière centrale. Dès lors « la confiance mutuelle serait le corollaire, non pas du principe de reconnaissance mutuelle »1608 mais de la méthode de l’harmonisation1609 qui renforcerait le lien entre les deux autres. Cette relation tripartite est d’ailleurs perçue dès le début. Les premières directives évoquant le principe de confiance mutuelle s’y réfèrent indirectement. Le troisième texte ainsi adopté par le législateur européen vise à harmoniser l’acquisition de la détention d’armes au sein du marché intérieur. Conformément à ce qu’a indiqué la Commission européenne dans son « Livre blanc L'achèvement du marché intérieur », « cette réglementation fera naître une plus grande confiance mutuelle entre les États membres »1610 pour l’achèvement d’un marché intérieur dans lequel les libertés de circulation sont assurées, notamment, par le principe de reconnaissance mutuelle 1611. En droit de l’Union, les liens étroits qui unissent les principes de confiance et reconnaissance mutuelles sont indéniables. Le premier précède celui de la reconnaissance mutuelle et devient sa condition de faisabilité. Si bien que, selon l’Avocat général Yves Bot, la « confiance mutuelle s’exprime et se concrétise par l’application du principe de reconnaissance mutuelle » et opposer ces deux notions n’aurait pas de sens, « confiance mutuelle et reconnaissance mutuelle sont des sœurs jumelles »1612. Néanmoins, sans opposer les deux principes, il était devenu indispensable de les distinguer. Ceux-ci sont si fortement intriqués depuis leurs « naissances », qu’ils sont souvent confondus1613 et que ce doute met en cause le caractère autonome du principe de confiance mutuelle, empêchant son appréhension et sa compréhension pleine et entière. Comparer le principe de confiance mutuelle au principe la reconnaissance mutuelle du droit de l’UE a permis de s’assurer de son autonomie à son égard. La comparaison a également mis en valeur l’importance de la confiance mutuelle en tant que « principe fondement » et « principe objectif » ou, autrement dit, en tant que « principe existentiel » et « principe directeur » de l’ordre juridique de l’Union. D’ores et déjà, la commodité de la terminologie constitutionnelle se devine afin de répondre au défi de la qualification du principe. Mais il faut encore le distinguer d’un autre principe du G. Taupiac-Nouvel, Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions répressives dans l’Union européenne, op. cit., p 72. 1609 La notion de corollaire est ici entendue au sens strict de « conséquence, suite naturelle ». Dès lors si la reconnaissance mutuelle est le corollaire de la confiance mutuelle, l’inverse n’est pas vrai 1610 Directive 91/477/CEE du Conseil, du 18 juin 1991, relative au contrôle de l'acquisition et de la détention d'armes, JO L 256 du 13.9.1991, pp. 51–58, V. spéc. considérants 1 à 5. 1611 Pour rappel, le Livre blanc du 14 juin 1985, op. cit., consacre le principe de reconnaissance mutuelle dégagé par la Commission européenne dans sa communication interpr ét ative du 3 octobre 1980, op. cit., après l’ arrêt Cassis de Dijon, op. cit. 1612 Expression empruntée à l’Avocat général Y. Bot, lors d’une présentation du 14 mars 2018 à la CJUE, op. cit. 1613 V. par exemple, X. Groussot, G. T. Petursson, H. Wenander, « Regulatory trust in EU Free Mocement Law : Adopting the level of Protection of the other? », op. cit., p. 874.. 1608 341 droit de l’Union, le principe de coopération loyale, dont la « teneur constitutionnelle » a pu être affirmée1614 et qui l’accompagne souvent dans la jurisprudence. §2. La différenciation par rapport au principe de coopération loyale Le principe de coopération loyale a été régulièrement associé au principe de confiance mutuelle dans la jurisprudence de la Cour de Justice1615. Pourtant et contrairement à l’avis de certains auteurs, la confiance mutuelle ne découle pas « d’une élasticité du principe de coopération loyale »1616. Si leur association explicite ne s’apparente pas à la reconnaissance d’un seul et même principe (A), elle met en revanche en lumière l’existence d’un ensemble de « principes d’appartenance » liant les États membres au cœur duquel se trouve le principe de confiance mutuelle (B). A. Des similitudes limitées Le principe de coopération loyale semble parfois se confondre avec le principe de confiance mutuelle. Les conclusions générales et l’arrêt dans l’affaire Altun illustre particulièrement ce phénomène. L’Avocat général affirme qu’il est « impératif d’éviter que le principe de coopération loyale entre les États membres se transforme en une confiance aveugle qui faciliterait des comportements frauduleux »1617, avant que la Cour affirme plus directement que « le principe de coopération loyale implique également celui de confiance mutuelle »1618. Bien qu’ils soient étroitement liés, les principes de confiance mutuelle et de coopération loyale ne peuvent être assimilés comme un seul et même principe doté de deux facettes complémentaires. Une dissociation formelle (1) et substantielle (2) doit être opérée, sans qu’elle ne permette de clarifier quel principe est le corollaire de l’autre1619. 1614 L. Potvin-Solis, « Le principe de coopération loyale », in J. Andriantsimbazovina, C. Blumann, H. Gaudin, F. Picod (dirs.), ADE, vol. VI, Bruylant, 2011, pp. 165-210, spéc. p. 168. 1615 De nombreux arrêts de la CJUE ont été relevés précédemment, le dernier en date état l’arrêt du 2 avril 2020, CRPNPAC, op. cit . 1616 P. Corre-Dumoulin, « Reconnaissance et confiance mutuelles dans l’ordre juridique de l’Union européenne : la fraude des mots », op. cit., p. 179 ; E. Herlin-Karnell, « From mutual trust to the Full Effectiveness of EU Law : 10 years of the European Arrest Warrant », op. cit., p. 79. 1617 Conclusions présentées par l’Avocat général Henrik Saugmandsgaard Øe le 9 novembre 2017 dans l’affaire Altun, aff C-359/16, ECLI:EU:C:2017:850, pt 70. 1618 CJUE, 6 fév. 2018, Altun, aff. C-359/16, ECLI:EU:C:2018:63, pt 40. 1619 Autrement dit, la question qui reste est celle de savoir si c’est parce que l’on fait confiance que l’on coopère loyalement ou si c’est parce que l’on coopère loyalement que l’on fait confiance. 342 1. La dissociation Les principes de coopération loyale et de confiance mutuelle se dissocient d’abord formellement. D’une part parce que contrairement au principe de confiance mutuelle, le principe de coopération loyale, bien que d’origine prétorienne, est inscrit dans les traités. Les articles 4 §3 1620 et 13 §2 TUE actuels, qui trouvent source dans l’idée de fidélité et de loyauté communautaire des articles 5 CEE1621 et 10 CE1622 des traités précédents, consacrent en effet ledit principe en droit primaire. D’autre part parce que, à nouveau contrairement au principe de confiance mutuelle, le second trouve un équivalent en droit international dont il a pu s’inspirer le principe de bonne foi1623 et dans bons nombre de droit nationaux d’États fédéraux comme en Allemagne où la Budestreue1624, la fidélité fédérale, est profondément enracinée dans le modèle fédéral1625. Ensuite et surtout, les principes de coopération loyale et de confiance mutuelle sont substantiellement bien différents. D’une part, le champ d’application des deux principes n’est pas le même. Alors que la confiance mutuelle vise exclusivement les relations horizontales entre les États membres, le principe de coopération loyale implique des droits et obligations dans le cadre des relations horizontales entre les institutions européennes 1626 ainsi que des relations verticales ascendantes et descendantes entre les États et l’Union1627. Certes, la nouvelle formulation de l’article 4 TUE semble suffisamment ouverte pour également viser les relations étatiques horizontales1628. Mais les arrêts de la Cour de justice qui 1620 V. notamment, T. Roes, « Limits to loyalty : the relevance of article 4(3) TEU », CDE, 50ème anniversaire. Colloque 10 septembre 2015. Les princip es génér aux du droit de l'Union européenne, 2016, vol. 52, n° 1, pp. 253283 1621 M. Blanquet, L’article 5 du traité CEE : recherches sur les obligations de fidélité des États membres de la CEE, Paris, LGDJ, coll. « bibl. de droit international et communautaire », T. 108, 1994, 502 p. 1622 L. Potvin-Solis, « Le principe de coopération loyale », ibid., pp. 165-210. 1623 V. Constantinesco, « L’article 5 CEE, de la bonne foi à la loyauté communautaire », in Du droit interantional au droit de l’intégration Liber Amicorum Pierre Pescatore, Nomos Verlagsgesellschaft, Baden-Baden, 1987, pp. 97-114. 1624 H-A. Schwartz-Liebermann von Wahlendorf, « Une notion capitale en droit constitutionnel allemand : la Bundestreue (fidélité fédérale) », RDP, 1979, pp. 1979 et suiv. 1625 C. Blumann, L. Dubouis, Droit institutionnel de l’Union européenne, op. cit., p. 109. 1626 Article 13§ 2 TUE. V. notamment, C. Delcourt, « Le principe de coopération loyale entre les institutions dans le traité établissant une constitution pour l’Europe », in Liber amicorum en L’honneur de Jean Raux, op. cit., pp. 459-480. 1627 Article 4§ 3 TUE. Pour une approche globale, v. notamment X. Magnon, « La loyauté dans le droit institutionnel de l’Union européenne », R.A.E-L.E.A., n° 2, 2011, pp. 245 et suiv. 1628 M. Blanquet, « Acceptation et consécration d’un concept communautaire : la fidélité communautaire », in S. Poillot-Peruzzetto (dir.), Vers une culture juridique européenne? Paris, Monc hréstien, 1998, pp. 145-158, spec. pp. 155-157. 343 pourraient confirmer cette lecture sont sujets à une large interprétation1629, et surtout ils restent encore trop rares pour être significateurs. D’autre part, contrairement au principe de confiance mutuelle nous y reviendrons1630 -, la coopération loyale ne constituerait pas la base juridique d’obligations nouvelles dans le chef des États membres lorsqu’il est appliqué à ces derniers. En imposant aux États membres trois types d’obligation deux positives et une négative -1631 qui vont intéresser l’ordre institutionnel comme l’ordre matériel, l’article 4 TUE « donne (simplement) un sens dynamique à leur devoir d’exécution envers l’Union »1632. Mais alors de minces similitudes semblent apparaître avec le principe de confiance mutuelle. 2. Les parallèles L’examen de certaines analyses doctrinales du principe de coopération loyale invite à des parallèles analytiques à l’égard du principe de confiance mutuelle. Que leur verticité ou leur pertinence soient avérés ou non, ils restent intéressants à soulever. D’une part, ils peuvent traduire des logiques ou des dynamiques d’ensemble dans le travail d’analyse principielle des chercheurs. D’autre part, ils mettent en relief des aspects similaires chez les deux principes comparés, et expliquent dès lors, en partie, leur assimilation ponctuelle. Par exemple, Denys Simon voit dans le principe de coopération loyale « un instrument de renforcement d’une obligation préexistante, jouant le rôle d’une méthode d’interprétation 1629 Par exemple, Laurence Potvin-Solis déduit ce volet du principe, en interprétant la jurisprudence de la CJCE. Elle évoque notamment à l’arrêt du 27 octobre 2009 [Land Oberösterreich c. ČEZ as., op. cit.]. Pourtant dans cet arrêt, malgré la demande du Land autrichien qui s’oppose à ČEZ, une centrale nucléaire sur le territoire de la République tchèque et qui se fonde expressément sur le principe de coopération loyale (question 4 a) et b) ), la Cour de Justice s’appuie dans ses conclusions sur le principe de l’interdiction des discriminations en raison de la nationalité et ignore le principe de coopération loyale. L’auteure se réfère surtout à un arrêt de 2007 [CJCE, 18 juillet 2007, Commission c. Allemagne, C-490/04, ECLI:EU:C:2007:430], pour constater l’effet horizontal du principe de coopération loyale. Mais dans cet arrêt, la Cour affirme seulement que « le devoir de coopération loyale entre États membres dans les domaines couverts par le droit communautaire » impose « la conclusion d’accords administratifs visant à assurer la reconnaissance mutuelle de (...) régimes » différents. Elle vise l’obligation des États membres de respecter leurs engagements envers l’UE en concluant les accords nécessaires entre eux. A nouveau c’est donc l’obligation envers l’Union qui lie en même temps les États membres entre eux (sans qu’elle n’ouvre d’ailleurs de droits opposables entre États) et ce non pas dans l’étape seconde de la mise en œuvre « quotidienne » du droit mais dans l’étape initiale de la mise en uvre : adopter les actes nécessaires pour sa première mise en œuvre. Sur ces points v. L. PotvinSolis, « Le principe de coopération loyale », ibid., pp. 177-178. 1630 Le principe de confiance mutuelle entre États membres impose des obligations (présumer le respect de droits et de ne pas contrôler) et des exceptions. L’ensemble est traité dans la section suivante sur la définition du principe en substance [dernière section du premier Titre de la Partie 2]. 1631 Sur les obligations et la jurisprudence, v. notamment M. Vaerini Jensen, Exécution du droit communautaire par les États membres, Méthode communautaire et nouvelles formes de gouvernance, Bruxelles-Paris, Helbing & Lichtenhahn-Bruylant-LGDJ, Dossiers de droit européen, 2007, pp. 18 et suiv. 1632 C. Blumann, L. Dubouis, Droit institutionnel de l’Union européenne, op. cit., p. 110. 344 systémique »1633. En effet , les deux premières obligations positives de l’article 4 TUE, une de r ésultat et l’autre de moyen, supposent que les États doivent d’abord prendre toutes les mesures générales ou particulières pour assurer l’exécution des obligations résultant du traité1634 et ce, tout en facilitant à l’Union l’accomplissement de sa mission 1635. La troisième et dernière obligation, négative, interdit « simplement » aux États membres de violer leurs obligations au titre du droit de l’Union1636. Au sein de la jurisprudence, le principe de confiance mutuelle semble quasisystématiquement invoqué en soutien de l’exécution d’instruments de coopération fondés sur le principe de confiance mutuelle. L’usage que révèle la jurisprudence pourrait s’interpréter sur le même modèle que l’analyse de l’auteur concernant la coopération loyale. Le principe serait « un instrument de renforcement d’une obligation préexistante », l’obligation de reconnaître la décision émise par une autorité compétente d’un autre État membre. A travers son invocabilité d’interprétation 1637, le principe de confiance mutuelle jouerait-il « le rôle d’une méthode d’interprétation systémique »? Un second parallèle peut être fait dans l’analyse potentielle des principes avec les travaux de Timothy Roes sur le principe de coopération loyale1638. Ce n’est pas parce que l’article 4§3 ne crée pas vraiment d'obligations en soi qu’il ne peut être une source indépendante d'obligations1639. La disposition peut s’appliquer de manière autonome1640. Néanmoins, celle-ci exige toujours une « norme de jonction », car un État membre ne peut pas « être loyal », sans rien de plus. Il ne peut être loyal qu'à quelque chose. Toute application de la loyauté exige un intérêt de l'Union que la loyauté vise à sauvegarder1641. 1633 D. Simon, Le système juridique communautaire, op. cit., p. 157. CJCE, 6 mai 1982, Fromme c. BALM, aff. C-54/81, ECLI:EU:C:1982:142. 1635 CJCE, 2 février 1977, Amsterdam Bulb BV c. Produktschap voor siergewassen, aff. C-50/76, ECLI:EU:C:1977:13. 1636 CJCE, 16 novembre 1977, INNO c. ATB, aff. C-13/77, ECLI:EU :C:1977:185. 1637 V. notamment R. Kovar, « L’interprétation des droits nationaux en conformité avec le droit communautaire », in La France, l’Europe et le monde, Mélanges en l’honneur de J. charpentier, Paris, Pedone, 2008, pp. 381 et suiv. 1638 V. notamment, T. Roes, « Limits to loyalty : the relevance of article 4(3) TEU », op. cit., p. 262. 1639 Sur la position autrefois généralement acceptée selon laquelle l’article 4§3 TUE ne peut être une source indépendante d'obligations, v. notamment les conclusions présentées par l’Avocat général Sir Gordon Slynn le 31 mai 1988 dans l’affaire Ministère public c. Lambert, aff. C-308/86, ECLI:EU:C:1988:270. 1640 Il ne peut plus être soutenu que la disposition est toujours invoquée en combinaison avec une disposition plus précise du droit de l'Union dont il vise à amplifier les effets. V. not amment, M. Klamert, The Principle of Loyalty in EU Law, London, Oxford University Press, 2014, pp. 234 et suiv. Par exemple, l'affaire Mox Plant et Hurd. Lorsqu'elle donne lieu à des obligations d'information dans le cadre de procédures d'infraction, la loyauté semble s'appliquer de manière autonome. CJCE, 30 mai 2006, Commission c. Irlande, aff. C-459/03, ECLI:EU:C:2006:345. V. également, CJCE, 19 février 1991, Commission c. Belgique, aff . C-374/89, ECLI:EU:C:1991:60 ; CJCE, 13 juillet 2014, Commission c. Italie, aff. C-82/03, ECLI:EU:C:2004:433 ; CJCE, 15 janvier 1986, Hurd c. Jones, aff. C-44/84, ECLI:EU:C:1986:2. 1641 C’est pourquoi, les deuxième et troisième alinéas de l'article font référence soit à une « obligation » de mise en œuvre, soit à une « mission » de facilitation, soit à un « objectif » dont la réalisation ne peut être compromise. 1634 345 Au premier abord, un constat similaire pourrait être fait en ce qui concerne le principe de confiance mutuelle. Un État membre ne peut pas être confiant, sans rien de plus. Il ne peut faire confiance que pour quelque chose, confiance n’est pas foi. Le principe de confiance mutuelle est une source indépendante d'obligations à la charge des autorités nationales1642, mais exige-t-il une « norme de jonction »? Un dernier exemple. Le principe de coopération loyale peut également être présenté comme « une sorte de filet de sécurité qui permet d’impulser des actions ou de sanctionner les États dès lors qu’il n’existe pas d’autre disposition précise permettant de justifier une intervention de l’Union »1643. L’analyse semble faire écho à une certaine utilisation du principe de confiance mutuelle dans le cadre de la crise des valeurs opposant l’Union et des États membres comme la Pologne et la Hongrie1644. Il est certain que les deux principes comparés partagent un caractère supplétif 1645 semblable, et qu’ils garantissent le bon fonctionnement de l’Union « au quotidien ». S’ils sont de « principes opérationnels, rouages indispensables à son bon fonctionnement » 1646, ils possèdent une dimension qui dépasse le simple volet utilitaire. Les principes de coopération loyale et de confiance mutuelle sont tous deux des « principes de coopération » à dimension morale. Ils guident la conduite des États membres et, a priori, « lie(nt) toutes les autorités, législatives, exécutives, administratives et juridictionnelle de l’État »1647. En définitive, tandis qu’il « se trouvent à la jonction du droit institutionnel et du droit matériel », ces principes « cimentent les relations entre les États membres et l’Union et (...) »1648 Faisant écho au principe de confiance mutuelle, le principe de coopération loyale « tisse entre les institutions et les États membres un réseau d’obligations réciproques particulièrement denses 1642 Evoquées en introduction, les obligations du principe de confiance mutuelle seront développées dans la section suivante. 1643 C. Blumann, L . Dubouis, Droit institutionnel de l’Union européenne, op. cit., p . 110 . 1644 V. notamment, Irish High Court, 12 mars 2018, Minister for Justice and Equality vs . Cel mer, op . cit. ; CJUE, 5 novembre 2019, Commission c . Pologne, op . cit . 1645 Il ne faut cependant pas postuler « à tort le caractère « redondant » du principe de coopération loyale, qui ne ferait que conforter une obligation précisément identifiable sur la base d’un texte, nécessitant une action positive ou une abstention de la part des autorités étatiques ». Parfois justifiée, cette surabondance « ne doit pas pour autant faire oublier les hypothèses où le principe de coopération loyale, (...) viennent non pas confirmer mais bien plutôt renforcer ou compléter une obligation moins précise, plus diffuse. », M. Le Barbier-Le Bris, « Les principes d’autonomie institutionnelle et procédurale et de coopération loyale. Les États membres de l’Union européenne, États pas comme les autres », in Liber amicorum en L’honneur de Jean Raux, op. cit., pp. 441-442. 1646 M. Le Barbier-Le Bris, « Les principes d’autonomie institutionnelle et procédurale et de coopération loyale. Les États membres de l’Union européenne, des États pas comme les autres », ibid., p. 423. 1647 L. Potvin-Solis, « Le principe de coopération loyale », op. cit., p. 166. Concernant le principe de confiance mutuelle, nous reviendrons plus en détail sur cette question dans la section 2 suivante du présent chapitre. 1648 L. Potvin-Solis, « Le principe de coopération loyale », op. cit., p. 166. 346 qui traduisent leur appartenance à un ensemble commun »1649. Et ainsi, ils semblent (se) traduire (de) l’appartenance même des États à l’Union. B. Deux « principes d’appartenance » liant les États membres Principes distincts, confiance mutu elle et coopération loyale n’en restent pas moins liés par l’ensemble auquel ils prennent part : ils sont des principes d’appartenance à l’Union (1). Ces principes forment des droits et des obligations qui se déduisent et traduisent l’adhésion volontaire des États à la construction européenne. Ils peuvent en constituer le fondement identitaire (2) . 1. Les principes d’appartenance à l’Union Des principes d’appartenance à l’Union lient les États membres entre eux et ces derniers à l’Union. Le principe de coopération loyale viserait la seconde hypothèse, le rattachement des États à l’Union tandis que le principe de confiance mutuelle viserait la première, le rattachement horizontal. Les deux principes étudiés ici sont loin d’être les seuls « principes d’appartenance » à l’Union liant les États membres. En effet, devenus membres, les États ne doivent pas être considérés comme des tiers, « satellites » de l’Union 1650. Ils ne gravitent pas seulement autour d’elle pour en subir régulièrement les contraintes, ils en sont les membres. Déjà aux premiers temps de la construction de l’Union, P. Pescatore rappelait que « les États membres ne sont pas tiers pas rapport à la Communauté ; ils sont dans la communauté, ils sont de la Communauté »1651. En tant que tels, « investis d’une mission collective finalisée » 1652 à laquelle ils ont librement adhéré mais en veillant à garder un contrôle, des liens les unissent à l’Union et dans leurs relations réciproques dans un jeu d’ « autonomie collective ». A l’heure actuelle, l’idée d’appartenance à la Communauté et aujourd’hui à l’Union, serait « appréhendée par référence aux principes d’autonomie institutionnelle et procédurale et de coopération loyale »1653 qui « intrinsèquement liés, semblent à la fois se conforter et se limiter H . Gaud in, « L ’exercice en commun des compétences comme fond ement d’un ordre constitutionnel commun », in Le commun dans l’ Union européenne , P - Y . Monjal, E. Neframi (dirs.), Bruxelles, Bruylant, 2009, p. 211. 1650 M. Le Barbier-Le Bris, « Les principes d’autonomie institutionnelle et procédurale et de coopération loyale. Les États membres de l’Union européenne, des États pas comme les autres », op. cit., p. 440. 1651 P. Pescatore, in La communauté et ses États membres, Actes du VIè Colloque de l’IEJE, Liège, Nijhoff, La Haye, 1973, p. 78. 1652 M. Le Barbier-Le Bris, « Les principes d’autonomie institutionnelle et procédura le et de coopération loyale. Les États membres de l’Union européenne , des États pas comme les autres », op. cit., p. 444. 1653 M. Le Barbier-Le Bris, « Les principes d’autonomie institutionnelle et procédurale et de coopération loyale. Les États membr es de l’ Union européenne , des É tats pas comme les autres », op. cit., p. 440. 1649 347 mutuellement » 1654 alors même que, « ni l’un, ni l’autre, ne peuvent être cernés dans leur substance indépendamment des exigences de la primauté, de l’effet direct, du principe de subsidiarité et de la compétence d’attribution de l’Union »1655. A notre sens, à ces deux principes s’ajoutent trois principes : le principe d’égalité des États membres devant le droit de l’Union, de solidarité et de confiance mutuelle. De la même manière que les premiers, ces trois principes se conforteraient et se limiteraient mutuellement1656 tout en étant intrinsèquement liés aux exigences précédemment énoncées de la primauté, de l’effet direct, etc. Il nous semble que « chacun d’eux [chacun des cinq principes d’appartenance] présente des droits et des obligations de nature constitutionnelle » 1657. Solidarité, loyauté et confiance constituent un triptyque de « principes d’appartenance »1658 visant l’unité1659 de « membres qui acceptent les risques inhérents à leur projet commun »1660. Et ce triptyque est contrebalancé par le duo des principes d’égalité des États membres et de l’autonomie institutionnelle et procédurale garantissant l’autonomie de chacun. 2. Un fondement identitaire principiel L’ensemble des principes pourrait constituer le « fondement identitaire » 1661 de l’appartenance des États membres à l’Union. Ils fondent la spécificité du système de l’Union et cimentent les relations réciproques au sein de l’ordre juridique. La « coopération loyale (est) inscrite dans l’appartenance des États à un tout » qui est le résultat d’un acte de confiance, l’ adhésion ; « un tout dont ils doivent être solidaires1662 » et qui reste dépendant d’une confiance 1654 L. Potvin-Solis, « Le principe de coopération loyale », op. cit., p. 188. L. Potvin-Solis, op. cit. 1656 Le président de la CJUE insiste d’ailleurs sur le lien entre le principe de confiance mutuelle et l’égalité des États membres en droit de l’UE. K. Lenaerts, « La vie après l’avis : exploring the principle of mutual (yet not blind) trust », op. cit., pp. 807 et suiv. 1657 L. Potvin-Solis, op. cit. 1658 V . notamment, H. Gaudin, op. cit. ; M. Blanquet, op. cit. 1659 L’idée doit s’entendre conformément à la devise de l’UE, « Unis dans la diversité ». Les principes visent l’unité du groupe hier la Communauté, aujourd’hui l’Union mais dans le respect de la différence des membres de ce groupe les États qui présentent des particularités identitaires et organisationnelles propres. 1660 P. Corre-Dumoulin, « Reconnaissance et confiance mutuelles dans l’ ordre juridique de l’Union européenne : la fraud e des mots », op. cit., p. 189. Dès lors, solidarité, loyauté et confiance pourraient chacun être une déclinaison de l’affectio communitatis suggéré dans sa thèse par M. Blanquet, L’article 5 du traité CEE. Recherche sur les obligations de fidélité des États membres de la communauté, op. cit. p. 393. 1661 E. Nefrani, « Le principe de coopération loyale comme fondement identitaire de l’Union européenne », RUE, 2012, n° 556, pp. 197-209. 1662 « En permettant aux États membres de profiter des avantages de la Communauté, le Traité leur fait aussi l’obligation d’en respecter les règles ; le fait, pour un État, de rompre unilatéralement, selon la conception qu’il se fait de son intérêt national, l’équilibre entre les avantages et les charges découlant de son appartenance à la auté, met en cause l’égalité des États membres devant le droit communautaire et crée des discriminations 1655 348 que les États membres doivent renouveler continuellement, au quotidien, « même s’ils n’entendent pas perdre le contrôle de leur création »1663. Chacun des principes du triptyque « loyauté, solidarité et confiance » est un « principe de fonctionnement » servant la cohérence du système, sans lequel le système ne peut fonctionner. Comme l’affirme Muriel Le Barbier-Le Bris au sujet du principe de coopération loyale, ils sont des « concept régulateurs » dans la mise en œuvre du droit de l’Union et « un code général de comportement inhérent à la condition même de membre de l’Union européenne » présentant une « teneur constitutionnelle »1664. Cependant, alors que le système ne peut fonctionner sans aucun des trois principes, celui de la confiance mutuelle semble se distinguer des deux autres sur un point : avant même de fonctionner, le système ne peut exister sans lui. « Principe existentiel originel », il les précède, les « surplombe » et les accompagne. Une précédente affirmation, résultat d’une adaptation personnelle des propos de Laurence Potvins-Solis, laissait déjà percevoir le rôle privilégié du principe de confiance mutuelle au sein de la catégorie des principes d’appartenance. La « coopération loyale (est) inscrite dans l’appartenance des États à un tout » qui est le résultat d’un acte de confiance, l’adhésion. « Un tout dont ils doivent être solidaires » et qui reste dépendant d’une confiance que les États membres doivent renouveler continuellement, au quotidien1665. En résumé, la comparaison de la confiance mutuelle à la coopération loyale ou même à la reconnaissance mutuelle prouve les qualificatifs ne manquent pas pour caractériser le principe étudié : principe de fonctionnement, principe d’appartenance, principe régulateur, principe de cohérence, principe de nature constitutionnelle, etc. A défaut de typologie claire, unanime et définitive des principes en droit de l’UE, des choix doivent être effectués afin d’apporter une réponse claire et complète à la recherche de qualification du principe de confiance mutuelle entre États membres dans le cadre de l’étude de sa valeur juridique. Il reste que le travail de comparaison du principe de confiance mutuelle aux autres principes du droit de l’UE1666 se révèle doublement profitable. En plus de confirmer le caractère « autonome » du principe de confiance mutuelle sur le plan interne de l’Union, il a mis en lumière à charge de leurs ressortissants et, en tout premier lieu, de ceux de l’État même qui se place en dehors de la règle communautaire ; ce manquement aux devoirs de solidarité acceptés par les États membres du fait de leur adhésion à la Communauté affecte jusqu’aux bases essentielles de l’ordre juridique communautaire ». CJCE, 7 février 1973, Commission c. Italie, aff. C-39/72, ECLI:EU:C:1973:13. 1663 L. Potvin-Solis, « Le principe de coopération loyale », op. cit., p. 189. 1664 M. Le Barbier-Le Bris, « Les principes d’autonomie institutionnelle et procédurale et de coopération loyale. Les États membres de l’Union européenne, des États pas comme les autres », in Liber amicorum en l’honneur de Jean Raux, op. cit., p. 423. 1665 L. Potvin-Solis, « Le principe de coopération loyale », op. cit., p. 189. 1666 V. la Section précédente portant sur l’autonomie interne du principe de confiance mutuelle, au regard du principe de reconnaissance mutuelle et du principe de coopération loyale du droit de l’Union. 349 sa place élevée dans la hiérarchie des principes de l’ordre juridique étudié1667. Il serait « principe fondement » et « principe objectif » ou, autrement dit, « principe existentiel » et « principe directeur » 1668. La pertinence de la terminologie constitutionnelle se confirme pour répondre au défi de la qualification du principe. Section 2. La valeur constitutionnelle Si la CJUE n’a jamais ouvertement affirmé la valeur constitutionnelle du principe de confiance mutuelle1669, elle se devine clairement à la lecture de l’avis 2/13. Visant la nature spécifique de l’Union, la Cour de justice se réfère à « un cadre constitutionnel et des principes fondateurs qui lui sont propres »1670 ou une « structure constitutionnelle »1671 tout en se référant au principe de confiance mutuelle entre États membre d’une « importance fondamentale » en droit de l’Union1672. 1667 Si connaître la place dans la hiérarchie des principes précieuse pour le chercheur qui mène un travail de qualification, car elle va lui permettre de tirer ses propres conclusions et de procéder au classement du principe étudié à partir de classifications existantes ; l’information est également est utile à l’office du juge, de plus en plus souvent amené à opérer à une mise en balance des principes. 1668 La comparaison au principe de reconnaissance mutuelle mis en lumière un principe « existentiel » et « directeur », tandis que la comparaison au principe de coopération loyale a révélé l’aisance du parallèle analytique avec ce principe souvent qualifié « de nature constitutionnelle ». V. sur ce point supra, la démonstration de la précédente Section. 1669 L’utilisation du lexique constitutionnel en droit européen fait encore l’objet d’un débat, ancien, au sein de la doctrine comme en politique alors que projet de doter l’UE d’une Constitution propre a été rejeté en 2005par les États et leurs ressortissants. V. not amment, M. Waelbroek, « Peut-on parler d’un droit constitutionnel européen? », travaux et conférences de la Faculté de droit de l’ULSB, Bruxelles, 1964, II, 875 p. ; J-F. Flauss (dir.), « Vers un droit constitutionnel européen, quel droit constitutionnel européen? », Colloque des 18 et 19 juin 1993, RUDH, 1995, p. 357 ; J. Gerkrath, L’émergence d’un droit constitutionnel pour l’Europe, Presses Universitaires de Bruxelles, 1997, 425 p. ; C. Gouaut, Le projet de constitution européenne, RFDC, 1995, pp. 287 et suiv. ; J-C. Piris, L’Union européenne a-t-elle une Constitution? Lui en faut-il une?, RTD Eur., 1999, pp. 599 et suiv. ; D. Rousseau, Pour une Constitution européenne, Le Débat, 2000, n° 108, pp. 54 et suiv. ; Weiler, Eisgruber (dirs.), Altneuland: The EU Constitution in a Contextual Perspective, Jean Monnet Working Paper 5/04, http://www.jeanmonnetprogram.org/papers/04/040501.html. V. notamment, les projets de fédération européenne : J. Fischer, « De la confédération à la fédération : réflexions sur la finalité de l’intégration européenne », ; C. Joerges, Y. Meny, J. H. H. Weiler (dirs.), « What kind of Constitution for what kind of policy », Institut Universitaire de Florence, 2000, pp. 31 et suiv. ; les projets de constitution européenne : en France, du Président Chirac, de l’UDF ou du RPR et au sein de l’UE, de la Commission institutionnelle du Parlement européen de 1994, ou du projet de TECE. 1670 CJUE, Avis 2/13, op. cit., pt 158. 1671 CJUE, Avis 2/13, op. cit., pt 165. 1672 V. notamment K. Lenaerts, « La vie après l’avis : Exploring the principle of mutual ( yet not blind ) trust », op. cit., pp. 805-840, spéc. pp. 805 et 813. L’auteur, juge à la CJUE depuis le 23 juillet 2003 et président de la Cour depuis le 8 octobre 2015, écrit ainsi que « l'autonomie de l'ordre juridique de l'UE exige que le principe de la confiance mutuelle ait un statut constitutionnel, comme cela a été affirmé dans l'avis 2/13 » puis que « le principe de confiance mutuelle est un principe constitutionnel qui imprègne l'ensemble de l'ELSJ » [traduction personnelle] 350 Pour autant, l’essence de sa signification échappe toujours alors que justement, sa qualification aurait pour but de l’éclairer. Or, s’intéresser à la signification, au sens d’un principe, pour sa compréhension globale, consiste essentiellement à s’intéresser à sa fonction. La méthode fonctionnelle s’avère être un point de passage nécessaire à la qualification du principe de confiance mutuelle. Les qualificatifs à retenir doivent retranscrire adéquatement les qualités du principe, et seule l’étude de sa fonction, ce à quoi il sert, permet d’identifier ceux qui semblent les plus pertinents pour remplir ce rôle. « La doctrine est presque unanime sur les fonctions généralement associées aux principes en droit public » 1673, car des auteurs comme Jean-Louis Bergel, Norberto Bobbio ou encore Benoît Jeanneau reconnaissent tous1674 que les principes remplissent « à la fois un rôle directeur, un rôle correcteur et un rôle régulateur des transformations des institutions juridiques »1675 tandis qu’ils sont « la base de toute construction juridique » et qu’ils « constituent l’armature de la pensée juridique et jouent un rôle important dans l’interprétation de la loi » 1676. Mais à visée didactique, l’effort de qualification du principe de confiance mutuelle suppose de prendre de la hauteur et d’aller plus loin encore pour une approche méthodique. Dans les sciences juridiques, la signification fonctionnelle de tout principe juridique est l’« héritière des interrogations ontologiques » 1677 de la pensée philosophique, pour laquelle le principe est un axiome expliquant ce qui est, ou autrement dit, décrivant « l’être ». Si la signification du principe juridique s’est détachée de sa matrice métaphysique1678, elle ne l’a pas pour autant renié1679. Il n’est pas devenu qu’un « principe normatif », c’est-à-dire principe à dimension prescriptive exprimant ce qui doit être. Comme le démontre Patrick Morvan dans sa thèse de droit privé, il est également « principe logique » c’est-à-dire principe à dimension 1673 M. Boumghar, Une approche de la notion de principe dans le système de la Convention européenne des droits de l’Homme, op. cit., pp. 241 et suiv. 1674 J-L. Bergel, Théorie générale du droit, op. cit., pp. 106-109 ; N. Bobbio, « Principi generali di diritto », in N. Bobbio, Contributi ad un dizionario giuridico, Turin, Giappichelli, 1994, pp. 278 et suiv. ; B. Jeanneau, Les principes généraux du droit dans la jurisprudence administrative, Paris, Sirey, 1954, pp. 278 et suiv. 1675 M. Boumghar, Une approche de la notion de principe dans le système de la Convention européenne des droits de l’Homme, op. cit., p. 243. 1676 J-L. Bergé, Théorie générale du droit, op. cit., p. 107. V. également, F. Gény, Méthode d’interprétation et sources en droit privé positif, Paris, LGDJ, 1919, T. 1, n° 20 et suiv., pp. 40 et suiv. ; M. Virally, « Le rôle des principes dans le développement du droit international », op. cit., pp. 542-542. 1677 P. Morvan, Le principe de droit privé, op. cit., pp. 4 et 11. 1678 La quête de la connaissance de ce qu’il y au-delà de la physique et du sensible d’Aristote, Descartes ou encore Pascal, « se traduit par une science des axiomes premiers de toute démonstration, de ces propositions premières que le scientifique adopte comme postulat de tout raisonnement » et qui décrivent simplement « ce qui est ». P . Morvan , Le principe de droit privé, op. cit., p. 4. Ainsi, toujours selon le même auteur, « acte de connaissance supérieure » au sein de la pensée philosophique, le principe est également « l’objet essentiel et premier de cette connaissance ». P . Morvan, Le principe de droit privé , op. cit . , pp . 11 et suiv. 1679 Contrairement à Patrick Morvan qui semble opérer à une rupture totale entre Droit privé et philosophie (p. 34), les principes juridiques de Droit public semblent conserver une forte influence de leur matrice dans le domaine de la métaphysique. Sans s’y limiter, ils peuvent être des « principe d’ontologie » qui expriment « ce qui est » dans les sphères de la philosophie. En tant que principe constitutionnel, la démocratie « est » et « t ». 351 descriptive exprimant ce qu’impose la raison. Les deux dimensions se perçoivent aisément chez des principes constitutionnels comme, par exemple, chez le principe de la démocratie1680. Le principe de confiance mutuelle entre États membres possède une dimension descriptive (§1) alors qu’il exprime ce qu’observe la raison. La confiance que partage les États est ce qui constitue l’Union. Dans le même temps, le principe tire des conséquences de l’état de fait institutionnel qu’il résume. Le principe détient alors une dimension prescriptive (§2). Exprimant ce qui doit être, il prescrit des obligations dans le champ matériel du droit de l’Union. §1. La dimension descriptive Conformément à la logique juridique rationnelle, le principe de confiance mutuelle décrit les liens de confiance qui doivent unir des États souverains lorsqu’ils s’engagent ensemble dans un processus d’intégration1681. Il s’agit d’une description existentielle alors que l’existence de l’UE est intrinsèquement liée à l’existence de rapports et liens de confiance. Mais dans le « processus évolutif » 1682 qu’est l’Union, les relations de confiance sont nécessairement complexes car elles évoluent tandis que ses membres fluctuent et se différencient. Reflet juridique de cette réalité, le principe décrit une confiance qui doit rester ouverte afin de s’adapter1683. Il s’agit d’une confiance à géométrie variable1684. Dynamique dans le temps (A), le principe de confiance mutuelle est ainsi graduel dans l’espace et les domaines visés par la coopération européenne (B). A. La confiance existentielle dynamique Le principe de confiance mutuelle décrit une confiance entre États membres dynamique, car le projet européen est en perpétuelle évolution. Elle évolue au regard de ses membres, de sa nature et de sa substance. cessairement, la confiance qui cimente1685 l’ensemble se transforme. C. Castor, Le principe démocratique dans le droit de l’Union européenne, op. cit., pp. 4 et suiv. L. Azoulai, « Appartenir à l’Union Liens institutionnels et liens de confiance dans les relations entre États membres », op. cit. 1682 D. Flore, « La notion de confiance mutuelle : l’ « alpha » ou l’ « oméga » d’une justice pénale européenne? », op. cit., p. 19. 1683 La confiance ne peut pas être entendue comme un concept absolu, un concept qui ne supporte pas la nuance, comme pourrait l’être la foi. 1684 E. Brouwer, « Mutual trust and judicial control in the Area of Freedom, Security and Justice : an anatomy of trust », op. cit., p. 64. 1685 Pour faire le parallèle avec la confiance comme ciment social. M. Marzano, « Qu’est-ce que la confiance? », op. cit., p. 1680 1681 352 Si elle peut se nourrir lentement de l’expérience commune, elle doit être maintenue alors que les membres augmentent et aujourd’hui, diminuent (1). Son maintien au niveau initial ou originaire ne peut cependant suffire alors que, d’exclusivement économique et sectoriel, le projet devient politique et global. La confiance doit donc également s’accroître afin de suivre l’approfondissement du projet (2). 1. Les variations de membres Le principe de confiance mutuelle entre les États membres de l’Union est nécessairement un principe dynamique puisqu’il se réfère à une confiance que s’accordent et partagent les membres d’un projet commun alors qu’ils sont amenés à varier dans le temps. Dès l’origine, le projet européen affiche son ouverture avec une vocation d’expansion et de réunion, si bien que depuis sa création, ses membres n’ont cessé de croître1686. Entre 1957 et 2013, l’Union européenne a connu sept vagues d’élargissement en passant progressivement de 6 à 28 États membres. Celles-ci peuvent être distinguées en deux blocs séparés. Les quatre premières visent majoritairement l’adhésion des pays de l’Ouest, traditionnellement perçus comme les « anciens États membres »1687. Les trois dernières vagues visent l’élargissement de l’UE à des États de l’Est avec l’adhésion « récente » d’anciens pays communiste appartenant au bloc soviétique avant son effondrement1688. Nécessairement à mesure que les États membres augmentent, la confiance que ceux-ci s’accordent mutuellement au sein de l’Union évolue. Elle s’étend en s’ouvrant à de nouveaux membres. Le dynamisme de la confiance est un dynamisme existentiel, il intrinsèquement lié au Pour la première fois, un État membre a exercé son droit au retrait prévu à l’article 50 TUE. À minuit le 31 janvier 2020, le Royaume-Uni a quitté l’Union. Très tendues, les négociations autour du Brexit et concernant la future relation R-U/UE se poursuivent. V. notamment, F. Fines, « Les négociations sur le Brexit : de quelques enjeux pour la survie de l’Union européenne », op. cit., pp. 57-63 1687 En 1973, les six pays fondateurs de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) la France, la République fédérale d’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg sont rejoint par le Danemark, l’Irlande et le Royaume-Uni. Puis en 1981, la Grèce devient le dixième État membre. Cinq ans plus tard, la troisième vague d’élargissement se réalise avec l’intégration du Portugal et de l’Espagne à l’Union. Et finalement en 1995, les États membres de l’UE passent de douze à quinze lorsque l’Autriche, la Suède et la Finlande rejoignent le projet européen. Leur nombre reste alors constant pendant près de dix ans. La République Démocratique Allemande (RDA) a intégré l’Union européenne lors de la réunification de l’Allemagne le 3 octobre 1990. 1688 À partir des années 2000, l’UE connaît de nouvelles vagues d’adhésions. En 2004, dix États intègrent l’Union : la Pologne, la République Tchèque, la Hongrie, la Slovaquie, la Slovénie, la Lettonie, la Lituanie, l'Estonie, Malte et Chypre. Cette vague d’élargissement sans précédent n’est pas la dernière. Rejoint par la Roumanie et la Bulgarie en 2007, le projet européen connaît sa dernière adhésion en 2013 avec la Croatie. L’Islande, qui avait posé sa candidature en 2009, la retire en 2015 tandis que le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, annonce tout juste élu que durant son mandat, de 2014 à 2020, « il n’y aura pas de nouveaux élargissements de l’Union européenne ». 1686 353 projet même de l’Union, ayant par essence une vocation évolutive et englobante 1689. Ce dynamisme pose néanmoins des difficultés. Les différences entre États s’accroissent à mesure que les élargissements s’opèrent. Par exemple, contrairement aux États fondateurs comme la France ou le Benelux par exemple, la Grèce, le Portugal et l’Espagne qui intègrent l’Union en 1981 et 1986 n’ont pas une tradition démocratique profondément ancrée dans leur fonctionnement constitutionnel ou administratif. Anciens régimes dictatoriaux, ces États viennent de connaître une transition démocratique de dix ans lorsque les négociations aboutissent et que leur adhésion est acceptée1690. De la même manière dans les années 2000, le grand élargissement réunit au sein de l’Union des États qui appartenaient à des blocs s’opposant durant la guerre froide entre l’Ouest capitaliste et l’Est communiste. En principe, ils ne connaissent donc pas exactement les mêmes traditions constitutionnelles et administrativ es Dès lors, le fondement de cette confiance (a dû) évolue(r)1691. Le dynamisme avancé de la confiance soulève également des interrogations. D’abord, le principe de confiance mutuelle vise exclusivement les relations entre États membres. La Cour de justice l’a récemment rappelé avec l’avis 1/171692, le principe de confiance mutuelle ne joue pas entre États membres et États tiers. Toutefois, la confiance ne s’affirme pas du jour au lendemain. L’ouverture du principe à d’éventuels nouveaux États présuppose donc a priori l’existence de relations de confiance avec des États tiers. Ensuite et par ricochet, l’ouverture du principe à de nouveaux États soulève la question complexe de la différence de degrés qui existe(rait) entre, d’une part, la confiance que partagent les États membres entre eux et, d’autre part, celles que ces derniers partagent avec des États tiers, qu’ils soient États candidats 1693, États potentiels candidats 1694 ou encore les différents pays partenaires commerciaux traditionnels 1695, ou des États dits « voisins » 1696. Aujourd’hui, la question vise même des États tiers anciens États membres 1689 V. la déclaration Schuman du 9 mai 1950, op. cit. En 1974, la chute du régime des colonels marque le retour de la démocratie pour la République hellénique. Elle dépose sa candidature en 1975 avant de devenir membre des Communautés européennes le 1er janvier 1981. Le Portugal et l’Espagne n’entrent en voie de démocratisation qu’après, réciproquement, la chute de Salazar en 1974 et la mort de Franco en 1975. Ils rejoindront les Communautés européennes en janvier 1986. 1691 La question du fondement de la confiance mutuelle est traitée supra, dans la première partie de la thèse . 1692 CJUE, 30 avril 2019, Accord ECG UE-Canada, Avis 1/17, ECLI:EU:C:2019:341, pt 129. 1693 La Serbie, le Monténégro , l 'Albanie et la Macédoine. 1694 La Bosnie-Herzégovine et le Kosovo.
23,727
2012PA066536_4
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,012
Réactions de cycloisomérisation d'ènynes en présence de complexes d'or, de platine et d'ions halogéniums : approche combinatoire en présence de complexes de platine : réactions d'acyloxylation par activation C-H d'aromatiques en présence de complexes d'or
None
French
Spoken
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Les différents exemples de réactions de cycloisomérisation en version racémique et énantiosélective décrites dans la partie précédente donnent accès à des composés cycliques de structure complexe hautement fonctionnalisés en l’absence ou en présence d’un nucléophile supplémentaire. L’emploi de complexes d’or permet de réaliser ces transformations dans des conditions douces. Nous nous sommes intéressés à l’optimisation de réactions stéréosélectives déjà développées au laboratoire : la synthèse de bicyclo[4.1.0]heptènes en l’absence d’un nucléophile supplémentaire et les réactions d’hydroxy-, d’alcoxycyclisation et d’hydroarylation/cyclisation en présence d’un nucléophile externe. Une application à la synthèse formelle d’une molécule aux propriétés antidépressives sera discutée dans le cadre de la formation des bicyclo[4.1.0]heptènes. I. Synthèse des ènynes-1,6 utilisés pour les réactions de cycloisomérisation. 1. Synthèse d’ènynes-1,6 de type éther et amine. 1.1. Synthèse d’è nynes-1,6 de type éther. Des ènynes-1,6 de type éther et amine ont été synthétisés en peu d’étapes grâce à des procédures classiques.133 La voie la plus simple pour la synthèse des ènynes-1,6 de type éther consiste dans une première étape en une réaction de Williamson entre le bromure de propargyle et un alcool allylique comme l’alcool cinnamique, le 2-méthyl-3-phénylprop-2-èn-1-ol ou le 3anisylprop-2-èn-1-ol (Figure 94). Les ènynes-1,6 178, 329 et 330 ont pu être isolés avec de très bons rendements respectivement de 77%, 79% et 79%. Br + R1 HO R2 R3 R1 KOH (2,5 éq.) n-Bu4NBr (0,4 éq.) NaI ( éq.) THF, t.a. Williamson Ph R2 O O R3 178/330-331 Ph O O 178, 77% OMe 329, 79% 330, 79% Figure 94 Il est ensuite possible de greffer un noyau aromatique sur l’alcyne terminal de ces ènynes dans une seconde étape. Grâce à une réaction de couplage de Sonogashira134 selon deux jeux de conditions réactionnelles différentes et utilisant un catalyseur de palladium, les composés 331, 332, 333, 334 et 335 sont obtenus respectivement avec des rendements de 73%, 51%, 75%, 85% et 71% (Tableau 1, entrées 1, 2, 3, 4 et 5 gauche) en utilisant des iodures aromatiques comme le 3-bromo-1iodobenzène, le 4-méthoxyiodobenzène, le 4-iodobenzoate de méthyle, le 4-nitroiodobenzène et le 1-iodo-3,5-diméthylbenzène. Le substrat 329 est substitué par des noyaux 3-bromophényle et 4méthoxyphényle et conduit aux molécules 336 et 337 avec des rendements respectifs de 76% et 57% (Tableau 1, entrées 1 et 2 droite). 133 (a) L. Charruault, Thèse de doctorat de l’université Pierre et Marie Curie, 2003. (b) E. Genin, Thèse de doctorat de l’université Pierre et Marie Curie, 2006. (c) C.-M. Chao, Thèse de doctorat de l’université Pierre et Marie Curie, 2009. 134 (a) K. Sonogashira, Y. Tohda, N. Hagihara, Tetrahedron Lett., 1975, 4467. Pour des revues sur les réactions de couplage de Sonogashira, voir : (b) R. Chinchilla, C. Nájera, Chem. Rev., 2007, 107, 874. (c) H. Doucet, J.-C. Hierso, Angew. Chem. Int. Ed., 2007, 46, 834. 48 R1 O R3 R1 R R 2 R2 I O Conditions A ou B R3 R A : PdCl2 (5 %), CuI (10 mol%), PPh3 (10 mol%), Et3N, THF, 60°C B : PdCl2(PPh3)2 (5 mol%), CuI (10 mol%), i-Pr2NH, t.a. Ph Ph O entrée 1 2 3 4 5 R 3-Br 4-MeO 4-CO2Me 4-NO2 3,5-(CH3)2 331 332 333 334 335 O R conditions B A B A B a rdt (%)a 73 51 75 85 71 R conditions 336 B 337 B rdt (%)a 76 57 rendement isolé. Table au 1 Le substrat 330 est aussi substitué par le 3-bromo-1-iodobenzène par réaction de couplage de Sonogashira dans les conditions B. L’ènyne-1,6 338 est alors obtenu avec un rendement de 58% (Figure 95). OMe Br Pd(PPh3)2Cl2, CuI OMe i-Pr2NH, t.a. O O I 338, 58% 330 Br Figure 95 Un ènyne-1,6 possédant un noyau benzodioxolane sur l’alcyne a été préparé en trois étapes grâce à une autre méthode à partir du pipéronal et selon une procédure décrite dans la littérature.135 L’alcène dibromé 339 est obtenu par réaction de Corey-Fuchs avec un rendement de 92%. L’addition de paraformal déhyde en présence de deux équivalents de n-butyllithium sur le composé 339 conduit à l’alcool propargylique 340 avec un rendement de 70%. Dans les conditions de Williamson, l’alcool 340 réagit avec le bromure de cinnamyle pour conduire à l’ènyne 341 avec un rendement de 90% (Figure 96). O OH O O pipéronal ( i) Br O Br Ph (ii) O (iii) O O O 339, 92% 340, 70% O O 341, 90% (i ) CB r4, PP h3, CH2Cl2, 0°C-t.a. (ii) n-BuLi (2,2 éq.), p-formaldéhyde, THF, -78°C-t.a. (iii) NaI, nBu4NHSO4, KOH, bromure de cinnamyle, THF, t.a. Figure 96 Un ènyne-1,6 pour lequel l’alcène est substitué par un benzodioxolane a été synthétisé en trois étapes selon une procédure décrite dans la littérature.88 La pre mière étape consiste en la 135 (a) H. Sai, T. Ogiku, T. Nishitani, H. Hiramatsu, H. Horikawa, T. Iwasaki, Synthesis, 1994, 582. (b) A. Auffrant, F. Diederich, C. Bourdon, J.-P. Gisselbrecht, M. Gross, Helv. Chim. Acta, 2004, 87, 3085. 49 réaction de Wittig entre le pipéronal et un ylure de phosphore possédant un groupement ester électroattracteur. L’alcène 342 de stéréochimie (E) est obtenu avec avec un rendement de 85%. Dans une seconde étape, l’ester est réduit en alcool primaire 343 en présence d’hydrure de di-isobutylaluminium dans le THF avec un rendement quantitatif. Le substrat de cyloisomérisation final 187 est alors obtenu avec un bon rendement de 79% par synthèse de Williamson avec le bromure de propargyle (Figure 97). O O O (i) EtO2C O O (ii) O HO O O O pipéronal O (iii) 343, 100% 342, 85% 187, 79% (i) Ph3P=CH-CO2Et, THF, reflux, 16h. (ii) DIBAL-H (4 éq.), THF, -78°C-t.a., nuit. (iii) NaI, n-Bu4NHSO4, KOH, bromure de propargyle, THF, t.a . Figure 97 1.2. Synthèse d’ènynes - 1,6 de type amine. Des substrats possédant un lien azoté ont également été synthétisés en deux ou trois étapes. La première étape consiste en une monoprotection de la propargylamine par un groupement tosyle ou nosyle en présence de pyridine.136 La propargylamine réagit avec le chlorure de tosyle ou le chlorure de nosyle pour générer respectivement les composés 344 et 345 avec des rendements de 93% et 91% (Figure 98). H2N RCl, pyridine RHN TsHN NsHN R 0°C-t.a. 344, 93% 345, 91% O S O Ts, R = Me N s , R = NO2 Figure 98 Une réaction d’allylation est ensuite menée avec du bromure d’allyle, du 2-bromoprop ène, du 1- bromo -3-mé thyl -but-2-ène et du bromure de cinn amyle pour conduire à des è ny nes-1,6 246, 346- 349 possédant une fonction alcyne terminale avec des rendements allant de 25% à 98% (Figure 99 ). R2 R1 RHN + Br R1 NaH (60 w t%) R 2 R 3 THF /D MF (2/1) 0° C -t.a. R N R3 Ph TsN 346, 85% TsN 347, 50% NsN TsN 348, 25% 349, 76% T sN 246, 98% Figure 99 Il est également possible de substituer l’alcyne avec un noyau aromatique grâce à une réaction de couplage de Sonogashira en présence d’un complexe de palladium.134b Le substrat 346 est substitué par un noyau phényle pour conduire au composé 350 avec un rendement de 61% selon la procédure B (Tableau 1) employée pour la synthèse des ènynes-1,6 oxygénés (Figure 100). L’ènyne 136 (a) E. Genin, L. Leseurre, P. Y. Toullec, J.-P. Genêt, V. Michelet, Synlett, 2007, 11, 1780. (b) T. Masquelin, D. Obrecht, Synthesis, 1995, 3, 276. 50 azoté 347 est engagé dans une réaction de couplage de Sonogashira dans les mêmes conditions avec le 4-iodoanisole et le produit 351 est isolé avec un rendement de 57% (Figure 100). Grâce aux conditions A (Tableau 1), l’ènyne 347 est converti en molécule 352 avec un rendement de 87% (Figure 100). Le couplage de Sonogashira de l’ènyne azoté 348 protégé par un groupement nosyle avec l’iodobenzène dans les conditions B conduit au compos 353 avec un rendement de 51% (Figure 100). R N conditions R' R N R' R'' R'' 346-349 Ts N I 350-353 Ts N Ts N Ns N OMe conditions B 350, 61% NO2 conditions B 351, 57% conditions A 352, 87% conditions B 353, 51% Conditions A : PdCl 2 (5 mol %), CuI (10 mol %), PPh3 (10 mol%), Et3N, THF, 60°C. Conditions B : PdCl2(PPh3)2 (5 mol%), CuI (10 mol%), i-Pr2NH, t.a. Figure 100 L’ènyne 91 a été synthétisé selon une autre voie en deux étapes à partir de l’allylamine . La première étape consiste en une protection de l’allylamine par un groupement tosyle conduisant au composé 354 avec un rendement de 88%. La propargylation de cette amine par le bromure de phénylpropargyle permet finalement d’accéder au dérivé 91 avec un rendement de 74% (Figure 101). NH2 allylamine Ph TsCl, Et3N CH2Cl2, 0°C Br Ts N H Ts N 354, 88% K2CO3, MeCN 60°C Ph 91, 74% Figure 101 2. Synthèse des ènynes-1,6 à chaîne principale carbonée. Les ènynes-1,6 avec un lien carboné en position C-4 sont synthétisés en deux étapes à partir de malonates de dialkyle ou à partir de bis(phénylsulfonyl)méthane commerciaux selon des procédures décrites dans la littérature.137 La première étape consiste en la déprotonation du malonate de dialkyle ou de la disulfone suivie de l’addition nucléophile du carbanion formé sur le bromure de propargyle. Différents malonates comme le malonate de diméthyle,137a de dibenzyle, de di-isopropyle138 et de di-tert-butyle ont été employés pour la synthèse d’ènynes-1,6 à chaîne carbonée. La monopropargylation de ces malonates en présence d’hydrure de sodium conduit aux composés 355358 avec des rendements compris entre 41% et 55% (Figure 102). La propargylation du bis(phénylsulfonyl)méthane conduit au composé 359 avec un bon rendement de 67% (Figure 102). La seconde étape consiste à nouveau en la déprotonation du propargylmalonate de dialkyle ou du propargyldisulfonylméthane suivie de l’addition nucléophile sur le bromure d’allyle substitué souhaité.139 Deux bromures d’allyle distincts ont été utilisés : le bromure de prényle et le bromure de cinnamyle. Les substrats 355-359 sont allylés par le bromure de cinnamyle en présence d’hydrure de 137 (a) K. H. Dötz, M. Popall, Tetrahedron, 1985, 41, 5797. (b) D. Llerena, O. Buisine, C. Aubert, M. Malacria, Tetrahedron, 1998, 54, 9373. (c) J. R. Rodriguez, L. Castedo, J. L. Mascareñas, J. Org. Chem., 2000, 65, 2528. 138 C. Czekelius, J. Hafer, Z. J. Tonzetich, R. R. Schrock R. L. Christiansen, P. Müller, J. Am. Chem. Soc., 2006, 128, 16664. 139 B. M. Trost, Y. Shi, J. Am. Chem. Soc., 1993, 115, 12491. 51 sodium et permettent de générer les ènynes-1,6 7/360-363 avec des rendements compris entre 40% et 99% (Figure 102). 139 Les composés 355 et 359 sont allylés par le 1-bromo-3-méthylbut-2-ène dans les mêmes conditions avec des rendements de 80% et 96% (Figure 102). La position terminale de la fonction alcyne peut être substituée par un groupement aryle par l’intermédiaire d’une réaction de couplage de Sonogashira dans des conditions décrites précédemment (Tableau 1, conditions A ou B). Ainsi, en présence d’iodobenzène et de 4-iodoanisole, les ènynes 363, 313 et 308 sont isolés avec des rendements respectifs de 66%, 39% et 91%. R1 E E 1) NaH (60 wt%), THF, 0°C R2 E H 1) NaH (60 wt%), THF, 0°C E R1 2) Br 355-359 R2 355, E = CO2Me, 41% THF ou DMF , 0° C-t . a . 356 , E = CO2B n, 44% 357, E = CO2i-Pr, 55% E 358, E = CO2t-Bu, 53% 359, E = SO2Ph, 67% E 2) bromure de propargyle THF ou DMF, 0°C-t.a. E E Ph E E 7, E = CO2Me, 96% 242, E = CO2Me, 80% 360, E = CO2Bn, 96% 181, E = SO2Ph, 96% 361, E = CO2i-Pr, 99% 362, E = CO2t-Bu, 96% 306, E = SO2Ph, 82% R1 R1 R2 R2 MeO2C conditions MeO2C MeO2C A ou B MeO2C Ar Ph MeO2C MeO2C MeO2C MeO2C Ph 363, 66% (conditions A) Ar 313, Ar = Ph, 39%(conditions B) 308, Ar = 4-MeO-C6H4, 91%(conditions B) Figure 102 La synthèse d’un ènyne avec lien carboné mais sans fonctionnalité malonate de dialkyle sur la chaîne principale a été réalisée afin d’étudier l’influence de la substitution en position C-4 sur la réaction de cycloisomérisation. Dans une première approche, cet ènyne a été synthétisé en six étapes à partir du hex-1-yn-6ol. L’alcool est tout d’abord protégé par un groupement tetrahydropyrane en présence d’une quantité catalytique d’acide p-toluènesulfonique (APTS).140 Le composé 364 est alors obtenu de manière quantitative. L’alcyne est ensuite protégé par un groupement tert-butyldiméthylsilyle per déprotonation de l’alcyne vrai par du n-butyllithium à -78°C puis addition du chlorure de tertbutyldiméthylsilyle à 0°C pour conduire à l’alcyne protégé 365 avec un rendement de 54%. La fonction alcool est ensuite déprotégée par une quantité catalytique d’APTS au reflux du méthanol pour générer le composé 366 avec un rendement quantitatif. L’alcool formé est alors oxydé en aldéhyde 367 avec du chlorochromate de pyridinium au reflux du dichlorométhane. Ce dernier est engagé sans purification par chromatographie sur colonne dans une réaction de Wittig-Horner avec 140 (a) M. E. Fox, A. B. Holmes, I. T. Forbes, M. Thompson, J. Chem. Soc. Perkin Trans. 1, 1994, 3379. (b) A. G. Myers, B. Zheng, Org. Synth., 1999, 76, 718. 52 l’ylure préformé du benzylphosphonate de diéthyle.141 Seule l’oléfine 368 de stéréochimie (E) est obtenue lors de cette réaction. La dernière étape de cette synthèse consiste en la déprotection de l’alcyne terminal par le fluorure de tétrabutylammonium. L’ènyne 369 est alors obtenue avec un rendement non optimisé de 5% sur trois étapes (Figure 103). OH OTHP OH (i) Ph (ii) OTHP hex-1-yn-6-ol (iii (vi) 366, 100% (v) O EtO P EtO TBDMS 369, 5%(sur 3 étapes) TBDMS TBDMS 365, 54% O 364, 100% Ph 368 (iv) TBDMS 367 Ph (i) DHP, APTS, CH2Cl2, 0°C. (ii) n-BuLi, THF, -78°C puis TBDMSCl, THF, 0°C-t.a. (iii) APTS, MeOH, reflux. (iv) PCC, CH2Cl2, 40°C. (v) benzylphosphonate de diéthyle, n-BuLi, THF, -78°C-t.a., nuit. (vi) TBAF, THF, t.a. Figure 103 Il est cependant possible de s’affranchir de deux étapes en réalisant la protection de l’alcyne terminal et de l’alcool par un groupement triméthylsilyle dont la fonction alcool serait immédiatement déprotégée lors du traitement de la réaction en milieu acide.142 Le composé 370 est alors obtenu avec un rendement quantitatif. La suite de la synthèse reste la même que précédemment et l’ènyne final est obtenu avec un rendement global de 20% sur trois étapes (Figure 104). OH OH hex-1-yn-6-ol O (i) (ii) Ph (iii) TMS (iv) TMS 370, quant. 371, 98% O X EtO P EtO TMS Ph 372, 22% Ph (v) 369, 93% (i) n-BuLi (2 éq.), THF, -78°C puis TMSCl, THF, 0°C-t.a. (ii) HCl, EtOH/H2O. (iii) PCC, CH2Cl2, 40°C. (iv) benzylphosphonate de diéthyle, n-BuLi, THF, -78°C-t.a., nuit. (v) TBAF, THF, t.a. Figure 104 3. Synthèse des complexes bimétalliques d’or(I). La préparation de ces complexes s’effectue à partir de deux équivalents du précurseur monomérique d’or (I) (tht)AuCl synthétisé à partir du complexe d’or (III) HAuCl4 commercial (Figure 105, Eq. 1)143 et d’un équivalent du ligand bidente. La réaction a lieu dans le dichlorométhane à température ambiante et fournit, après une simple filtration sur silice, les complexes bimétalliques d’or (I) avec de bons rendements (Figure 105, Eq. 2).144 141 F. X . Felpin , K. Bou be keur , J. Lebreton, J. Org. Chem., 2004, 69, 1497. (a ) J. ssy, J. P. Pete, C. Portella, Tetrahedron Lett., 1989, 30, 7361. (b) J.-N. Téné Ghomsi, O. Goureau, M. Treilhou, Tetrahedron Lett., 2005, 46, 1537. 143 R. Usón, A. Laguna, Inorg. Synth., 1989, 26, 322. 144 C. Liu, R. A. Widenhoefer, Org. Lett., 2007, 9, 1935. 142 53 EtOH/H2O (5/1) H(AuCl4) + H2O + 2 S t.a., 15 min. 2 (tht)AuCl (tht)AuCl + 3 HCl + 2 tht PAr2 (Eq. 1) Ar2 P AuCl PAr2 * S O (Eq. 2) * CH2Cl2, t.a. P AuCl Ar2 Figure 105 Suite aux résultats précédents obtenus au laboratoire,133b-c des complexes chiraux d’or (I) mettant en jeu des diphosphines chirales par atropoisomérie de structures différentes ont pu être synthétisés avec de bons rendements grâce à cette méthode (Figure 106). Des spirodiphosphines substituées par des groupements phényles ((R)-SDP, (R)-373) et p-tolyles ((R)-TolSDP, (R)-374)145 sont employées pour synthétiser des complexes bimétalliques chiraux d’or (I). Chacun de ces complexes est isolé avec un bon rendement de 67% (Figure 106). Les diphosphines à chiralité plane de la famille des PhanePhos, (S)-Phanephos ((S)-375) et (S)-XylylPhanePhos ((S)-376) ont permis de former des complexes bimétalliques d’or (I) correspondants avec des rendements respectifs de 94% et 63% (Figure 106). Des complexes portant des phosphines de la famille des DuPhos, efficaces pour les réactions d’hydrogénation asymmétrique catalysées par des complexes d’or,146 ont également été synthétisées et ont conduit dans le cas du (R,R)-MeDuPhos ((R,R)-377) et du (R,R)-EtDuPhos ((R,R)378) aux complexes souhaités avec des rendements plus modestes de 54% et 43% (Figure 106). Des diphosphines chirales par atropoisomérie de la famille du MeOBIPHEP, du BINAP et du SEGPHOS ont été finalement employées pour former des complexes binucléaires d’or (I L’utilisation du (R)MeOPIPHEP ((R)-379) et du (R)-4-MeO-3,5-t-Bu2C6H2MeOBIPHEP ((R)-380)109,147 ont conduit aux complexes d’or souhaités avec d’excellents rendements de 95% et 87% (Figure 106). De la même manière le (R)-BINAP ((R)-382) conduit au complexe souhaité avec un rendement de 75% (Figure 106). Finalement, la diphosphine (R)-DTBM-SEGPHOS ((R)-383)148 a été utilisée pour synthtétiser un complexe bimétallique d’or (I), ce dernier a pu être isolé avec un rendement de 80% (Figure 106). PAr2 PAr2 PAr2 R PAr2 R (R)-373 : Ar = Ph, 67% (R)-374 : Ar = Xyl, 67% R P (S)-375 : Ar = Ph, 94% (S)-376 : Ar = Xyl, 63% P R (R,R)-377 : Ar = Me, 54% (R,R)-378 : Ar = Et, 47% O MeO MeO PAr2 PAr2 O PAr2 PAr2 O PPh2 PPh2 O (R)-379 : Ar = Ph, 95% t-Bu OMe (R)-382, 75% t-Bu OMe Ar = Ar = t-Bu t -Bu (R)-381, 80% (R)-380, 87% Figure 106 145 Ligands offerts par le Prof. Q.-L. Zhou. C. González-Arellano, A. Corma, M. Iglesias, F. Sánchez, Chem. Commun., 2005, 3451. 147 Ce ligand a été gracieusement offert par la société Hoffmann-LaRoche. 148 Ligand offert par le Dr. T. Saito (Takasago International Corporation). 146 54 II. Synthèse st éréosé lective de bicyclo[4.1.0]heptènes. Dans un premier temps, nous avons voulu optimiser le système catalytique développé au laboratoire pour les réactions de cycloisomérisation d’ènynes-1,6 azotés et oxygénés catalysées par des complexes d’or (I) pour la synthèse de bicyclo[4.1.0]heptènes de manière stéréosélective. 64,133 En effet, la méthodologie développée conduisait à de faibles énantiosélectivités dans le cas de dérivés azotés (à l’exception d’un substrat) et à des rendements très modestes dans le cas des ènynes oxygénés. Nous avons également envisagé la synthèse de la molécule GSK1360707F (propriétés antidépressives) selon des processus de yse asymétrique à l’or. 1. Cycloisomérisation stéréosélective d’ènynes-1,6 de type éther et amine. 1.1. Cycloisomérisation d’ènynes-1,6 de type amine. Les ènynes-1,6 azotés sont engagés dans un premier temps dans des réactions de cycloisomérisation stéréosélectives en présence du complexe bimétallique d’or (I) (R)-380 et de triflate d’argent. Les ènynes-1,6 91/346/350-353 sont transformés en bicyclo[4.1.0]heptènes 92/383-387 avec des rendements faibles à modestes et des excès énantiomériques compris entre 13 et 98% (Tableau 2). Le substrat 346 non substitué ni sur l’alcène, ni sur l’alcyne est engagé dans une réaction de cycloisomérisation et fournit le composé 383 avec un faible rendement de 23% et un excès énantiomérique peu élevé de 22% (Tableau 2, entrée 1). Le faible rendement observé est dû à la présence de deux produits secondaires dièniques 388 et 389, obtenus avec des rendements respectifs de 10% et 5% et issus de réarrangements différents de l’intermédiaire cyclopropylcarbène (Figure 12). Le composé 350 portant un groupement méthyle sur le carbone interne de l’alcène a également été employé pour la synthèse de bicyclo[4.1.0]heptènes par cycloisomérisation d’ènynes1,6. Il conduit après cycloisomérisation 6-endo au composé 384 avec un rendement de 61% et un excès énantiomérique de 13% (Tableau 2, entrée 2). L’ènyne N-tosylé 91 subtitué par un groupement phényle en position propargylique permet en revanche de générer l’azabicyclo[4.1.0]heptène 92 avec un meilleur rendement de 74% et un excellent excès énantiomérique de 98% (Tableau 2, entrée 3). Les substrats 351-352 substitués sur l’aryle par des groupements électrodonneurs (p-méthoxy) ou électroattracteurs (p-nitro) sont convertis en bicyclo[4. ]heptènes 385-386 avec des rendements et des excès énantiomériques plus faibles. Le substrat 351 possédant un noyau anisyle riche en électrons sur l’alcyne est transformé en composé bicyclique 385 avec un rendement de 8% et un bon excès énantiomérique de 77% (Tableau 2, entrée 4). De la même manière avec un noyau aromatique désactivé nitré, le substrat 352 se réarrange pour conduire au composé 386 avec un rendement de 7% et un excès énantiomérique de 35% (Tableau 2, entrée 5). Cette observation est en accord avec celles du groupe de Marinetti pour la même transformation en présence de complexe chiraux de platine,63b bien que dans le cas du platine la diminution du rendement ne soit pas aussi spectaculaire. Notre système catalytique à base d’or semble être plus sensible aux propriétés électroniques du substrat que le complexe de platine du groupe de Marinetti. Les propriétés électroniques du complexe d’or ne sont peut-être pas compatibles avec une triple liaison carbone-carbone enrichie ou appauvrie en électrons, ce qui pourrait expliquer la diminution du rendement observé dans notre cas. On ne peut pas expliquer la différence d’évolution des valeurs d’excès énantiomériques dans le cas d’une substitution d’un noyau aromatique entre notre système et celui utilisant des complexes de platine (pour lesquels les excès énantiomériques sont similaires quelque soit la substitution sur l’aryle) car ces derniers ne possèdent pas du tout la même structure spatiale, l’occupation des ligands dans l’espace n’étant pas la même puisque l’or forme des complexes linéaires et le platine des complexes plan carré (Figure 128). La présence de groupements sur le noyau aromatique semble donc avoir une influence sur la sélectivité. L’ènyne à chaîne azotée 353 protégée par un groupement nosyle est engagé dans une réaction de cycloisomérisation et a conduit dans les mêmes conditions au composé bicyclique 387 55 avec un rendement de 36% et un excès énantiomérique de 73% (Tableau 2, entrée 5 et 6). En comparant avec la transformation du même substrat protégé par un groupement tosyle (Tableau 2, entrée 3), on observe une diminution à la fois du rendement et de l’excès énantiomérique. Cette observation n’est pas en accord avec celle du groupe de Malacria concernant la synthèse d’azabicyclo[4.1.0]heptènes en présence d’un complexe d’iridium et d’un sel d’argent chiral, dans laquelle des rendements et des excès énantiomériques similaires sont obtenus quelque soit le groupement protecteur.61 La baisse de rendement peut éventuellement s’expliquer par la température de réaction appliquée au milieu réactionnel, le groupe de Malacria réalisant ses réactions à 90°C, ce qui rend probablement la réaction du substrat nosylé plus efficace en présence d’un complexe d’iridium. On ne peut pas comparer la différence d’évolution des valeurs d’excès énantiomériques selon le groupement protecteur de l’amine entre notre système et celui utilisant des complexes d’iridium car les stratégies employées dans chacun des cas sont distinctes : dans un cas, l’information chirale est portée par le métal et dans l’autre cas, elle est portée par le contre-ion. R N (R)-380(AuCl)2 (3 mol%) AgOTf (6 mol%) R N R' R'' a 346 350 91 351 352 353 MeO MeO R'' Toluène, 60°C PAr2 PAr2 R Ts Ts Ts Ts Ts Ns R ’ H Me H H H H R’’ H Ph Ph 4-MeOC6H4 4-NO2C6H4 Ph OMe Ar = t-Bu 92/383-387 91/346/350-353 entrée 1 2 3 4 5 6 t-Bu R' (R)-380 Rdt (%)a 23b 61 74 8 7 36 t (h) 17 14 95 84 84 116 382 384 92 385 386 387 ee (%) 22 13 98 77 35 73 b rendement isolé. les diènes 388 et 389 provenant des cyclisation 6-endo et 5-exo sont isolées avec des c 1 rendements respectifs de 10% et 5%. conversion 60% évaluée par RMN H. n.d. : non déterminé. TsN TsN 389 388 Tableau 2 Nous avons également testé l’effet du sel AgNTf2, qui comme nous le verrons dans le paragraphe suivant a conduit a de meilleurs résultats dans le cas des ènynes oxygénés. L’ènyne 346 réagit en présence du complexe d’or (R)-380(AuCl)2 et de AgNTf2 et conduit au bicyclo[4.1.0]heptène 383 avec un rendement plus faible de 14% et un excès énantiomérique similaire de 18% (Figure 107). L’emploi du bistriflimidate d’argent à la place du triflate d’argent dans le cas des ènynes azotés ne permet pas d’améliorer la réactivité et l’énantiosélectivité e la réaction. En revanche, deux diènes 388 et 389 provenant de modes de cyclisation 6-endo et 5-exo sont isolés avec des rendements respectifs de 23% et 7%, l’emploi de bistriflimidate d’argent semblant favoriser la formation du diène 388 issu ’un mode de cyclisation 6-endo. H (R)-380(AuCl)2 (3 mol%) TsN H AgX (6 mol%), Toluène, 60°C H H TsN 347 346 AgOTf, 60°C AgNTf2, t.a. 23%, ee 22% 14%, ee 18% Figure 107 56 + TsN + H 388 10% 23% TsN 389 5% 7% Le système catalytique développé pour la synthèse stéréosélective d’oxabicyclo[4.1.0]heptènes par cycloisomérisation62 n’est donc pas compatible avec l’emploi d’ènynes-1,6 de type amine car les rendements obtenus dans chacun des cas sont très variables et les excès énantiomériques des produits isolés ne sont pas très élevés. D’autres systèmes comme celui développé par le groupe de Marinetti avec des complexes de platine (II),63b celui décrit par le groupe d’Hayashi avec des complexes de rhodium,62 celui employant des complexes d’iridium61 ou bien en présence de complexes d’or (I)149 sont plus adaptés pour la cycloisomérisation d’ènynes-1,6 de type amine. Nous nous sommes donc intéressés plus en détail à la cycloisomérisation d’ènynes-1,6 de type éther pour laquelle de très bonnes stéréosélectivités avaient été observées dans l’étude menée précédemment au laboratoire. 1.2. Cycloisomérisation d’ènynes-1,6 de type éther. D’autres ènynes-1,6 de type éther ont été transformés en bicyclo[4.1.0]heptènes dans les mêmes conditions que celles décrites précédemment au laboratoire. Les substrats substitués sur l’alcyne par des noyaux aromatiques différents comme des noyaux 3,5-diméythylphényle, 4benzoate de méthyle, 4-nitrophényle, 4-méthoxyphényle et 3-bromophényle et possédant une chaîne cinnamyle en guise d’alcène nucléophile sont convertis en composés bicycliques 110/390-393 avec des rendements modestes compris entre 25% et 59% et d’ s excès énantiomériques compris entre 93% et 96% (Figure 108). L’ènyne 338 substitué sur l’alcyne par un groupement 3bromophényle et sur l’alcène par un groupement anisyle est transformé en bicyclo[4.1.0]heptène 394 avec un rendement modeste de 37% et un excès énantiomérique de 95% (Figure 108).150 H R1 (R)-380(AuCl) (3 mol%) 2 AgOTf (6 mol%) O O H H Ph O R2 Toluène, t.a. R2 H Ph O 390, 54%, ee 93% R1 Ph O CO2Me 391, 25%, ee 94% NO2 392, 32%, ee 96% OMe H H Ph O OMe 110, 47%, ee 96% H Ph O Br 393, 59%, ee 95% O Br 394, 37%, ee 95% Figure 108 En se basant sur les observations de Gagné concernant la cycloisomérisation de diènes151 ainsi que sur les CCM de contrôle de l’avancement de la réaction, nous avons pensé que les rendements faibles à modestes observés étaient dus à la dégradation du produit de cyclisation au fur et à mesure qu’il se forme. Nous avons fait l’hypothèse que cette dégradation serait due à la 149 H. Teller, A. Fürstner, Chem. Eur. J., 2011, 17, 7764. A. Pradal, C.-M. Chao, P. Y. Toullec, V. Michelet, Beilstein. J. Org. Chem., 2011, 7, 1021. 151 En milieu acide, les auteurs observent la formation de cyclopentènes ou de cyclohexènes par réarrangement des motifs cyclopropane, voir : J. A. Feducia, A. N. Campbell, M. Q. Doherty, M. R. Gagné, J. Am. Chem. Soc., 2006, 128, 13290. 150 57 présence de traces d’acide152,153 provenant de l’hygroscopicité du triflate d’argent employé pour rendre le complexe chiral cationique. Pour résoudre ce problème, l’influence de l’ajout de base a été étudiée. En partant du substrat standard 341, différentes bases non nucléophiles organiques ou inorganiques ont été employées pour cette réaction de cycloisomérisation conduisant au bicyclo[4.1.0]heptène 395 (Tableau 3). Nous avons choisi d’utiliser la même quantité de base que de sel d’argent introduit en considérant que chaque contre-ion libéré pouvait former une molécule d’acide. Dans les conditions n’employant pas de base, le bicyclo[4.1.0]heptène 395 est obtenu avec un rendement de 55% et un excès énantiomérique de 96% (Tableau 3, entrée 1). En ajoutant de la triphénylamine dans le milieu réactionnel, le même composé est obtenu avec un rendement plus faible de 38% mais avec la même stéréosélectivité (Tableau 3, entrée 2). L’emploi de 1,8bis(diméthylamino)naphtalène, appelé aussi « éponge à protons », a permis de former le composé 395 avec un meilleur rendement de 66%. L’énantiosélectivité de la réaction reste inchangée, en revanche, la cinétique devient plus lente puisque trois jours sont nécessaires pour convertir la totalité du substrat, ceci étant probablement dû à une complexation de l’amine introduite sur la lacune électronique du complexe d’or (Tableau 3, entrée 3). Une chute de réactivité est observée avec l’introduction de pentaméthylpipéridine puisque seulement 9% de substrat a réagi au bout de soixante-douze heures. Le composé 395 est alors isolé avec un rendement de 5% et avec un excès énantio supérieur à 99% (Tableau 3, entrée 4). Par ajout d’une base inorganique comme le carbonate de potassium, le substrat 341 est transformé en molécule bicyclique 395 en seulement trois heures avec un rendement de 54% et un excès énantiomérique de 97% (Tableau 3, entrée 5). Lors du contrôle de cette réaction, moins de dégradation est observée par CCM. L’emploi de carbonate de potassium a donc été conservé et son efficacité testée sur d’autres substrats. H Ph O O (R)-380(AuCl)2 (3mol%), AgOTf (6mol%) O Ph O O Base (6 mol%), Toluène, t.a. O 395 341 Entrée 1 2 3 Base Ph3N N N 4 t (h) 1 1 72 Conv. (%) 100 100 100 rdt (%)a 55 38 66 ee (%)b 96 97 97 72 9 5 > 99 3 100 54 97 N 5 K2CO3 a b rendement isolé. mesuré par HPLC sur phase chirale. Table au 3 En présence de carbonate de potassium, le substrat 333 est transformé en molécule bicyclique 391 avec un meilleur rendement de 59% par rapport aux 46% obtenus sans base. 152 Les triflates métalliques peuvent être employés comme source d’acide triflique, voir : (a) M. J.-L. Tschan, C. M. Thomas, H. Strub, J.-F. Carpentier, Adv. Synth. Catal., 2009, 351, 2496. (b) T. T. Dang, F. Boeck, L. Hintermann, J. Org. Chem., 2011, 76, 9353. 153 L’acide triflique sert de catalyseur dans des réactions d’addition de nucléophiles sur des alcènes, voir : (a) Z. Li, J. Zhang, C. Brouwer, C.-G. Yang, N. W. Reich, C. He, Org. Lett., 2006, 8, 4175. (b) D. C. Rosenfeld, S. Shekhar, A. Takemiya, M. Utsunomiya, J. F. Hartwig, Org. Lett., 2006, 8, 4179. (c) G. Kovács, A. Lledós, G. Ujaque, Organometallics, 2010, 29, 3252. (d) G. Kovács, A. Lledós, G. Ujaque, ometallics, 2010, 29, 5919. (d) J. G. Taylor, L. A. Adrio, K. K. Hii, Dalton Trans., 2010, 39, 1171. 58 L’énantiosélectivité de cette réaction est similaire en présence de carbonate de potassium avec une valeur d’excès énantiomérique de 92% (Figure 109). H Ph O H H (R)-380(AuCl)2 (3 mol%) Ph O O H Ph O CO2Me AgX (6 mol%), Toluène, t.a. 333 CO2Me 391 395 O AgOTf : 55%, ee 96% AgOTf : 46%, ee 94% AgOTf, K2CO3 : 59%, ee 92% AgOTf, K2CO3 : 54%, ee 97% Figure 109 L’obtention de meilleurs rendements avec cette méthode semble donc très substratdépendant puisqu’un rendement identique est obtenu lors de la cycloisomérisation donnant 395 en présence ou en l’absence de carbonate de potassium (Figure 109). L’influence de la nature du sel d’argent a ensuite été engagée : le triflate d’argent étant hygroscopique, un autre sel d’argent stable à l’air, le bistriflimidate d’argent AgNTf2,154 a été employé et a donné de bien meilleurs résultats en terme de rendement tout en conservant la même stéréosélectivité. Changer le triflate d’argent par le bistriflimidate d’argent a permis d’isoler les produits souhaités avec des rendements d’environ 20% supérieurs. Les composés 391, 393, et 392, sont obtenus avec des rendements respectifs de 64%, 34% et 63% avec AgNTf2 au lieu de 46%, 9% et 41% avec AgOTf (Figure 110). La stéréosélectivité reste inchangée puisque les produits 391, 393 et 392 sont isolés avec des excès énantiosélectifs compris entre 94% et 99%. H Ph ( R) -380(AuCl)2 (3 mol%) O R H O AgX (6 mol%), Toluène, t.a. H Ph O R H Ph O Br CO2Me 391 393 AgOTf : 9%, ee 98% AgOTf : 46%, ee 94% AgNTf2 : 34%, ee 99% AgNTf2 : 64%, ee 94% Ph Ph O NO2 392 AgOTf : 41%, ee 96% AgNTf2 : 63%, ee 98% Figure 110 Des ènynes-1,6 de type éther possédant un motif alcène trisubstitué ont été engagés dans des réactions de cycloisomérisation stéréosélective et conduisent à des bicyclo[4.1.0]heptènes pentasusbtitués. En utillisant le triflate d’argent, le composé 396 possédant un noyau 3bromophényle est synthétisé avec un rendement de 40% et un excès énantiomérique de 73% (Figure 111). Dans les mêmes conditions, le bicyclo[4.1.0]heptène 397 possédant un noyau anisyle est isolé avec un faible rendement de 5% et un excès énantiomérique de 91%. En changeant de sel d’argent pour AgNTf2, ce même composé 397 est isolé après réaction à température ambiante avec un meilleur rendement de 27% et avec un meilleur excès énantiomérique de 97% (Figure 111). Lorsque la réaction est réalisée à 0°C, le composé 397 est obtenu avec un rendement de 36% et avec un excellent excès énantiomérique de 99% (Figure 111). Même si les rendements restent modestes, il est important de noter que cette méthodologie est l’une des rares permettant d’obtenir des cyclopropanes pentasubstitués avec des excès énantiomériques aussi élevés. 155 154 Pour une revue sur la meilleure efficacité des bistriflimidates métalliques par rapport aux triflates métalliques, voir : S. Antoniotti, V. Dalla, E. Duñach, Angew. . Int. Ed., 2010, 49, 7860. 155 Pour des revues sur les méthodes de cyclopropanation stéréosélectives, voir : (a) H. Lebel, J.-F. Marcoux, C. Molinaro, A. B. Charrette, Chem. Rev., 2003, 103, 977. (b) H. Pellissier, Tetrahedron, 2008, 64, 7041. 59 Ph (R)-380(AuCl)2 (3mol%) AgX(6mol%) O R CH3 Ph O R Toluène, t.a. CH3 O CH3 Ph Br 396 AgOTf : 40%, ee 73% Ph O OMe 397 AgOTf : 5%, ee 91% AgNTf2, t.a. : 27%, ee 97% AgNTf2, 0°C : 36%, ee 99% Figure 111 2. Application : synthèse formelle de l ’ ant idépress eur GSK1360707F. La molécule GSK1360707F (-)-398 (Figure 112), développée par le groupe pharmaceutique GlaxoSmithKline, est un inhibiteur efficace de recapture des neurotransmetteurs sérotonine, noradrénaline et dopamine. En empêchant leur recapture par des récepteurs présynaptiques, ces derniers ne sont pas métabolisés et leur quantité dans l’organisme augmente, ce qui entraîne une amélioration de l’état dépressif du patient.156 Au moment où nous avons commencé notre étude, trois synthèses de ce composé de la famille des bicyclo[4.1.0]heptanes avaient déjà été décrites dans la littérature,157 toutes utilisant des méthodes différentes pour la formation du motif cyclopropane. La première synthèse, développée par le groupe Glaxo, est réalisée en treize étapes avec 5% de rendement global, l’étape-clé de cette synthèse étant la réaction de cyclopropanation du dérivé 399 (obtenu en cinq étapes à partir du but3-yn-1-ol) catalysée par un le dimère de rhodium [Rh(OAc)2]2 conduisant au composé 400 avec un rendement de 98% (Figure 112).157a Cette synthèse n’est pas envisageable à l’échelle industrielle car elle nécessite l’emploi de diazomalonate de méthyle qui est assez dangereux et l’étape de dédoublement du mélange racémique à la fin de la synthèse est réalisée avec un rendement faible. La seconde synthèse, décrite par le groupe de Tabet, est réalisée en huit étapes avec un rendement global de 21%.157c L’étape-clé de cette synthèse consiste en une cyclopropanation intramoléculaire de l’intermédiaire 402 (obtenu en trois étapes) par déprotonation en α de l’azote puis par addition nucléophile de la double liaison sur le carbone portant l’atome de chlore (Figure 112). Cette dernière a été réalisée à l’échelle du kilogramme conduit au composé souhaité 403 avec un rendement de 84% sur trois étapes. Cependant, cette synthèse n’est pas optimale car les produits de départ sont coûteux, l’étape de couplage de Suzuki-Miyaura génère des dérivés biphényls polychlorés et le composé chiral est purifié sur colonne dans les dernières étapes ce qui engendre une perte de produit. La troisième synthèse, décrite pour la première fois par le groupe d’Elitzin (GSK), est réalisée en six étapes avec un rendement global de 58%.157b L’étape-clé de cette synthèse consiste en une réaction de cycloisomérisation d’ènyne stéréosélective catalysée par un complexe chiral d’or (I) (Figure 112). En présence d’un complexe bimétallique chiral d’or formé in situ avec un ligand (R)-Tol156 a ) M. L. Wong, J. Licinio, Nat. Rev. Drug. Discov., 2004, 3, 136. b) C. B. Nemeroff, J. Psychiatr. Res., 2007, 41, 189. c) R. H. Belmaker, G. Agam, N. Engl. J. Med., 2008, 358, 55. d) M. Scubert-Zsilavecz, H. Stark, Pharm. Unserer Zeit, 2004, 33, 282. 157 a) B. Bertani, R. Di Fabio, F. Micheli, G. Tedesco, S Terreni (Glaxo group) WO 2008031772A1, 2008. b) V. I. Elitzin, K. A. Harvey, H. Kim, M. Salmons, M. J. Sharp, E. A. Tabet, M. A. Toczko, Org. Process. Res. Dev., 2010, 14, 912. c) N. M. Deschamps, V. I. Elitzin, B. Liu, M. B. Mitchell, M. J. Sharp, E. A. Tabet, J. Org. Chem., 2011, 76, 712. 60 BINAP, l’ènyne-1,6 de type amine 404 est transformé en bicyclo[4.1.0]heptène 405 précurseur du composé GSK1360707F avec un excès énantiomérique de 59%. Le groupe de Fürstner a très récemment décrit la synthèse de ce composé pharmaceutique selon la même stratégie que la synthèse d’Elitzin mais en utilisant un complexe d’or (I) mononucléaire portant un ligand dérivé du TADDOL. 65,149 La cycloisomérisation de l’ènyne 406 donne accès au composé bicyclique 407 dans ces conditions avec un bon rendement de 88% et un excès énantiomérique de 95% (Figure 112). Cl Cl Cl MeO2C Cl Cl CO2Me N2 [Rh(OAc)2]2 cat., 65°C CO2Me CO2Me OMs OMs N Boc 401 Cl CO2Et 2) CH2ICl LiOt-Bu, NMP N Boc 400, 98% 399 Cl réactif 401 préparé en 1 étape réactif 399 préparé en 5 étapes Elitzin, Tabet et al. 4 étapes Glaxo résolution racémique LiOt-Bu 402 CO2Et N Boc 403, 84% (3 étapes) Tabet et al. 4 étapes résolution racémique Cl Cl Cl 1) ArB(OH)2 Pd(OAc)2, PPh3 OTf CO2Et i-Pr2NH, DMF toluène/eau Cl O N H H3PO4 (-)-398 3 étapes Cl Cl Cl AuCl(SMe2) N Ns Cl Cl Cl Cl P(Tol)2 P(Tol)2 (R)-TolBINAP (R)-102 2 étapes OMe AgBF4, (R)-102 Toluène, t.a. 404 OMe N Ns 405, 100%, ee 59% réactif 404 préparé en 3 étapes Cl Ar Ar Ph O P N L* = O MeO OMe Ar Ar Ph MeO OMe L*AuCl AgBF4 N Toluène, 0°C N 406 Cbz Cb réactif 406 préparé en 4 étapes407, 88%, ee 95% Ar = Fürstner et al. Elitzin et al. Figure 112 Ayant en main un proc édé de cycloisomérisation asymétrique pour la synthèse st éréosé lective de bicyclo [4.1.0] hep t ènes et compte tenu des résultats obtenus par l’équipe d’Elitzin (ee 59%), nous avons voulu réaliser la synthèse de cet intermédiaire pharmaceutique. Nous avons alors repris la synthèse décrite par le groupe d’Elitzin pour tester le substrat dans nos conditions de cycloisomérisation. L’ènyne-1,6 azoté précurseur du composé bicyclique peut être synthétisé en quatre étapes à partir de la propargylamine (Figure 113). La première étape consiste en la monoprotection de la propargylamine par le chlorure de nosyle, groupement qui sera plus facile à déprotéger qu’un tosyle à la fin de la synthèse. Cette réaction, déjà réalisée lors de la synthèse des substrats de cycloisomérisation conduit au produit 345 avec 91% de rendement. Le composé 345 obtenu est ensuite engagé dans une réaction de couplage de Sonogashira en présence de 3,4dichloroiodobenzène pour conduire au produit de couplage 408 avec un rendement isolé de 54%. 61 (i) NsHN H2N ( iii) Cl Cl N s N 408 , 54% 345, 91% pro pargylamine OMe NsHN (ii) Cl Cl Cl Cl (iv) 411 Cl OMe 410 409 (i) NsCl, pyridine, 0°C. (ii) (Ph3P)2PdCl2, CuI, i-Pr2NH, 3,4-dichloroiodobenzène, t.a. (iii) NaH, THF/DMF (1:1), 0°C-t.a. (iv) NaH, Me OH, t . a . Figure 113 L’ènyne 411 peut ensuite être obtenue après alkylation du produit de couplage 408 en présence de 1-chloroéthyl-1-méthoxyprop-2-ène non commercial. Ce dernier peut être préparé à partir de 1-chloro-1-chloroéthylprop-2-ène par substitution nucléophile d’un atome de chlore par un groupement méthoxyle.158 Cette réaction , décrite avec un rendement faible de 22% , n’a pas pu être reproduite au laboratoire. Ce problème de reproductibilité a également été soulevé par le groupe de stner,149 mais au moment où nous travaillions sur cette synthèse, aucune alternative n’était proposée. Deux voies d’accès alternatives à l’ènyne 411 ont été envisagées. La première alternative consiste au couplage d’un fragment alcène facilement transformable sur le composé 408. En réalisant la substitution nucléophile de la molécule 408 en présence d’un dérivé acrylate, il suffira de réduire l’ester en alcool puis de former l’éther méthylique (Figure 114, voie A). La seconde alternative consiste en la synthèse du réactif d’alkylation 414 à partir de l’alcool 416 pour pouvoir le greffer par la suite sur la nosylpropargylamine substituée 408. Le dérivé bromé serait obtenu à partir de l’alcool correspondant par bromation et cet alcool serait obtenu par réduction de l’ester après formation de l’éther méthylique (Figure 114, voie B). Cl CO2Me CO2Me NsHN Cl Cl NsN 408 Cl voie A + Br 413 412 OMe Cl NsN Cl Cl NsHN 411 Cl 408 voie B + Br OMe HO 414 OMe 415 MeO2C OH 416 Figure 114 Le produit d’alkylation peut être synthétisé en une étape à partir de l’alcool 416 par bromation en présence de tribromure de phosphore (Figure 115).159 Le dérivé bromé 413 est isolé avec un rendement de 69%. Ce dernier est ensuite greffé sur l’amine 408 déprotonée par de l’hydrure de sodium pour conduire à l’ènyne 412 avec un rendement de 70%. Différentes méthodes 158 R. M. Wilson, R. K. Thal ji , R. G. Bergman, J. A. Ellman, Org. Lett., 2006, 8, 1745. J. I. Bornell, J. Teixidó, B. Martinez-Teipel, J. L. Mata llana , M. T. Copete , A . Llimargas, E . García, J. Med. Chem., 1998, 41, 3539. 159 62 de réduction utilisant de l’hydrure de di-isobutylaluminium (DIBAL-H)160 ont été étudiées mais n’ont conduit ’à une dégradation du composé de départ. CO2Me HO PBr3, Et2O CO2Me Br Cl NsN -20°C-t.a. Cl 413, 69% 416 CO2Me NaH, THF/DMF (2:1), 0°C-t.a. Cl NsHN 412, 70% Cl 408 1) Réduction 2) NaH, MeI, THF, 0°C OMe Cl NsN Cl 411 Figure 115 Selon l’autre voie de synthèse envisagée (voie B), deux tentatives de méthylation de l’alcool ont été réalisées au laboratoire : la première en déprotonant l’alcool avec de l’hydrure de sodium (Figure 116, conditions A) et la seconde en présence d’une quantité catalytique de palladium (Figure 116, conditions B).161 Cependant ces deux méthodes n’ont conduit qu’à des produits de dégradation. MeO2C OH conditions A ou B MeO2C 416 OMe 417 conditions A : 1) NaH, THF, 0°C 2) MeI, 0°C-t.a. conditions B : PdCl2 (10 mol%), MeOH (5 éq.), DME, 50°C Figure 116 Au vu de ces résultats, et compte tenu de l’alternative proposée par le groupe de Fürstner, nous avons repris les conditions décrites pour la synthèse du composé 410. Un mélange du composé souhaité et du composé disubstitué a pu être isolé (Figure 117, Eq. 1). La substitution nucléophile du composé 410 sur l’amine 408 conduit ensuite à l’ènyne 411 avec un rendement non optimisé de 19% sur deux étapes (Figure 117, Eq. 2). Cl Cl (i) Cl OMe 410 + MeO 410 409 Cl OMe OMe (Eq. 1) 418 OMe NsHN Cl + (ii) Cl (Eq. 2) NsN 408 Cl Cl 411 (i) MeONa/MeOH, 70°C. (ii) NaH, THF/DMF (1:1), 0°C-t.a., 19% (sur deux étapes). Figure 117 L’ènyne 411 est alors cycloisomérisé en présence de 2 mol% du complexe (R)-380(AuCl)2 et de 4 mol% de bistriflimidure d’argent et le bicyclo[4.1.0]heptène 419 alors obtenu avec un rendement de 50% et un excès énantiomérique de 60% (Figure 118). 160 161 M. Menges, R. Brückner, Liebigs Annalen, 1995, 365. T. Hosokawa, T. Sugafuji, T. Yamanaka, S.-I. Murahashi, J. Organomet. Chem., 1994, 470, 253. 63 OMe OMe (R)-380(AuCl)2 (2 mol%) AgNTf2 (4 mol%) Cl NsN NsN Cl Cl Toluène, 60°C Cl 419, 50%, ee 60% 411 Figure 118 De meilleurs excès énantiomériques peuvent peut-être être obtenus pour la cycloisomérisation en remplaçant le groupement méthoxy par un groupement plus volumineux comme un chlore ou un ester par exemple (Figure 119). Dans le cas d’un chlorure, il ne resterait plus qu’à réaliser la substitution nucléophile du chlorure par un ion méthanolate générant le dérivé 419. Dans le cas d’un ester, la réduction de ce dernier en alcool puis l’étherification157b peuvent être effectuées pour conduire au composé 419, précurseur de la molécule GSK1360707F. Cl Cl (R)-380(AuCl)2 (2 mol%) AgNTf2 (4 mol%) Cl NsN NsN Cl Cl Toluène, 60°C 420 421 O O OR Cl Substitution nucléophile OMe MeONsN OR (R)-380(AuCl)2 (2 mol%) AgNTf2 (4 mol%) Cl NsN 419 NsN Cl Cl Cl Toluène, 60°C 422 423 Cl 1) réduction 2) étherification Cl Figure 119 III. Réactions domino de cycloisomérisation fonctionnalisante d’ènynes en présence d’un second nucléophile. Nous nous sommes également intéressés aux réactions domino impliquant un nucléophile externe. En effet, les travaux précédemment décrits au laboratoire ont montré que les conditions réactionnelles étaient très substrat-dépendantes d’une part et d’autre part que les excès énantiomériques dépendaient du nucléophile. Nous avons envisagé deux stratégies : la première basée sur une optimisation des conditions et un design des subtrats en vue d’accéder à des meilleurs excès énantiomériques. Ceci a été réalisé en présence de complexes ’or. Une deuxième stratégie a été développée en présence de complexes de platine selon une approche combinatoire et sera présentée dans la partie suivante. Divers ènynes-1,6 ont été engagés dans des processus domino en présence de nucléophiles comme des alcools, l’eau ou bien des noyaux aromatiques. Dans un premier temps sera décrit la cycloisomérisation domino intermoléculaire d’ènynes-1,6 catalysée par des complexes chiraux d’or (I) en présence d’un nucléophile aromatique. Dans un second temps, les réactions d’hydroxyet d’alcoxycyclisation d’ènynes-1,6 stéréosélectives employant des complexes chiraux d’or (I) seront étudiées. 1. Cycloisomérisation domino fonctionnalisante en présence de dérivés aromatiques : Réaction d’hydroarylation/cyclisation stéréosélective. L’optimisation du système catalytique pour les réactions domino de cycloisomérisation/addition nucléophile stéréosélectives catalysées par des complexes d’or (I) a été réalisée en présence de 1-méthylindole jouant le rôle de nucléophile externe carboné . Les complexes 64 bimétalliques d’or (I) synthétisés précédemment (Chapitre 1 Partie B. I. 3.) ont été engagés dans des réactions d’hydroarylation/cyclisation énantiosélectives. Le substrat test 7 a donc été utilisé avec différents complexes d’or en présence de trois équivalents 1-méthylindole dans l’éther diéthylique à température ambiante. Les rendements et les valeurs d’excès énantiomériques sont reportés dans le tableau suivant (Tableau 4). Ph MeO2C [L*(AuCl)2] (3 mol%) + N MeO2C entrée 1 2 3 4 5 6 7c 8 9 10a Ph H H N MeO2C 1-méthylindole (3 éq.) 7 a AgOTf (6 mol%) Et2O, t.a. MeO2C 305 L* (R)-373 (R)-374 (S)-375 (S) 376 (R,R)-377 (R,R)-378 (R)-379 (R)-380 (R)-381 (R)-382 rdt (%)a 65 61 43 41 43 64 71 99 58 46 b ee (%)b 20 (+) 18 (+) 7 (-) 20 (+) 7 (/) 2 (/) 54 (+) 83 (+) 47 (+) 12 (+) c rendement isolé. mesuré par HPLC sur phase chirale. réaction réalisée à 0°C.
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Différences morphologiques entre Schistosoma bovis (souche de Karthoum) et Schistosoma curassoni (souche de Mauritanie)
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Retour au menu Rev. EJev. Med. vét. Pays trop., 1964, 17, 3 (429.432) Différences morphologiques entre Schistosoma bovis (souche de Karthoum) et Schistosoma curassoni (souche de Mauritanie) par S. GRÉTILLAT \Laboratoire National de Recherches vétérinaires de Dakar) RÉSUMÉ Une étude comparative est faite d'après l'examen morphologique et sur des· sins faits à la chambre claire de cinquante spécimens mâles et femelles de ces deux espèces. Les différences au point de vue dimensions générales, structure cuticulaire, dimensions des ventouses orales et ventrales et structure anatomique interne (appareils génitaux) sont données et discutées. En décembre 1963. le Docteur SHOHO nous chiffres fournis par KHALIL en 1924, au sujet de fait parvenir pour étude un important lot de Schistosama bovis. Schistosoma bovis (SONSI NO, 1876), mâles et En 1962, nous avons lors de la confirmation de femelles, prélevés aux abattoirs de KARTHOUM l'espèce décrite par BRUMPT en 1931, sous le (Soudan) dans les veines mésentériques d'ovins nom de Sch. curassoni, insisté sur quelques difféet de bovins. rences morphologiques permettant de le distinL'examen de ce matériel coloré au carmin guer de Sch. boVIS. chlorhydrique et monté au baume du Canada, Nous confirmons ces dernières, en signalons nous permet de confirmer un certrnn nombre de d'autres et discutons de leur valeur ta~onomique caractères morphologiques propres à cette relative à la diagnose des adultes de ces deux espèce et de les comparer à ceux que nous trou- espèces dont les cycles bio'logiques sont totalevons chez Sch1stosomo curassoni BRUMPT, 1931, ment différents (GRÉTILLAT, 1962). schistosome agent causal d'une bilharziose commune à l'homme et aux ruminants domestiques en Afrique Occidentale (GRÉTILLAT, 1962). DISCUSSION Dans les lignes qui suivent, nous donnons les dimensions moyennes et extrêmes de ces deux Nous comparerons séparément les mâles et helminthes, ainsi que celles de leurs principaux les femelles des deux espèces étudiées. organes externes. Les mensurations ont été effectuées sur dessins faits à la chambre claire de 37 spécimens mâles (*) Une partie de ce lravad a été réalisée grâce à une et 19 spécimens femelles. subvention de l'Organisation Mondiale de la Santé. Pour la clarté de l'exposé et pour éviter des ! (**) Nous remercions le docteur SHO!jO de nous avoir fmt parvenir cet intéressant matériel alors qu'il répétitions, nous donnons ces résultats sous élmt professeur à l'Institut Vétérinaire de Karlhoum forme de tableau en mettant en parallèle les (Soudan). 429 Retour au menu Sch1 bovis Sch1 bovis (d'après Khalil) Espèces (Kartboum) Sch, curassoni ~Mauritanie~ MALE S Longueur (Moyenne) 15 à 20,5 mm 9à17,5mm 13,3 mm 8 à 12 mm 8,6 mm Largeur max. (Moyenne) 1 à 1,6 mm 0,5 à 0,7 mm o,66 mm o,6 à o,a mm o,63 mm 220 à 315 u 270 u 220 à 260 u 252 u 350 à 380 u non pédonculée 236 à 382 u 307 u pédonculée 330 à 500 u 416 u 3 à 6 3 4 7,2 à 15,7 u 12 à 20 u 27à.67u 20à.25u 30 à 35 u très rapprochés 12à28mm 12 à 26,5 mm 19,5 mm 13à1Bmm 16 0,17 à 0,19 mm o, 16 à 0,21 mm O, 16 à 0,20 mm (avapt) 0,3à.0,4Jlllli. (arrière) O, 185 et 0,36 mm Diamètre ventouse orale 340 à 360 u (moyenne) Diamètre ventouse ventrale (moyenne) Testicules nombre Tubercules cutanés esi;:acement p- base - Ii'EMELLES Longueur moyenne Largeur maximum 0 1 185 mm (moyenne) = Diamètre ventouse orale (moyenne) 40 u 45 à 59 u 49 u 45 à 65 u 55 u Diamètre ventouse ventrale ( moyenne) 50 u 46 à 50 u 47 u 85 à 100 u 89 u Males. Les mensurations données par KHALIL en 1924 pour Sch1stosoma bovis sont sensiblement les mêmes que celles de la souche de KARTHOUM. Les mâles de Sch1stosoma bovis sorlt beaucoup plus grands et plus puissants que ceux de Schis- tosoma curassoni. Ils ont tous les deux, une cuticule recouverte par des tubercules épineux, mais Sch. curasson1 a des élevures cutanées beaucoup plus importantes et beaucoup plus denses que Sch. bovis. C'est un caractère différentiel très valable qui peut servir pour la dicgnose. Les dimensions des ventouses orale et ventrale (acetabulum) mises à part, car un peu trop variables suivant le degré de contraction du matériel (nature et concentration du milieu conservateur), l'acetabulum de Schistosoma curassoni est nettement pédonculé et placé au milieu d'une plage ventrale à bords légèrement ourlés, alors que celui de Schistosoma bovis beaucoup moins proéminent, est placé dans le fond d'une véritable gouttière dont les marges co mcident cvec les parois latérales de la partie du ver immédiatement postérieure à. la ventouse orale. C'est aussi un caractère très valable. 430 Retour au menu Les distances bord postérieur ventouse orale, bord antérieur acetabulum, ainsi que la longueur de l'œsophoge sont trop variables pour permettre une interprétation util,sable. La disposition des coeca et !eurs points d'anastomose ne sont pas des caractères valables car trop fluctuants. Sch. curassom a en général 4 testicules. Dans le lot de Sch. bovis que nous avons examiné, nous n'avons trouvé que des mdles avec 3 testicules, mais KHALIL en indique 3 à 6 pour cette espèce. C'est donc un caractère de va!eur médiocre. Femelles. La femelle de Sch. boVJS est en général beaucoup plus longue que celle de Sch. curasson, (rapport 1,25/1 à 1,5/1). Son calibre est sensiblement le même dans le tiers antérieur et dans la portion terminale du corps. Le corps de la femelle de Sch,stosomo curossom est renflé au niveau de l'ovaire (point milieu du ver) et présente dans sa partie postérieure une épaisseur double de celle de la partie antérieure. Les ventouses orale et ventrale de Sch. curassom sont plus développées que celles de Sch. bovis, La femelle de Sch. curassoni a une cuticule striée, celle de Sch. bovis o un tégument lisse. Lo présence de petites épines cut1cula1res, au niveau de la partie postérieure de Sch. curasson1 est un caractère qui paraît inconstar:it ou tout all moins difficile à mettre en évidence.· La forme de l'ovaire de Sch. curassom est torsadée ou hélicoïdale, alors que d'après KHALIL (1924) et A. PORTER (1938) celle de Sch. boVJS est ovale. Cependant, dans le lot de femelles de Sch. bovîs que nous avons étudié, l'ovaire est spiralé ou hél1coîdal chez un certain nombre d'exemplaires. La forme de cet organe peut donc difficilement servir à la diagnose des deux espèces, contrairement à ce que nous avions écrit en 1962. RÉSUMÉ ET CONCLUSION Un nombre relativement important de caractères morphologiques permettent de différencier les adultes de deux espèces de bilharzies : Schistosoma bov,s (SONSINO, 1876) et Sch1sJosoma curosson, (BRUMPT, 1931 ). Par leur habitus, les dimensions et la forme de certains organes, tels que les ventouses orale et ventrale ainsi que l'ornementation cuticulaire, il est possible, surtout avec les spécimens mâles de déterminer ces deux espèces. SUMMARY Morphological differences between Schislosoma bovis (Khartoum stroin) and Schistosoma curassom (Mouritanio stroin) A comparative study has been made of fifty males and females of these two species by means of morphological examino1ion and of drawings made by camera lucide. The differences as regards general dimensions structure of the cuticle, sizes of oral and ventral suckers, and internai anatomicol structure (gendalia) ore presented and d1scussed. RESUMEN Diferencios morfol6gicas entre Schîsfosomo bovis (cei>o de Khartoum) y Schisfosomo curassoni (cepa de Maurilonio). Se hace un estud10 çomparativo a partir del examen morfolôgico y con dîbujos hechos en céJ.mara clora de cincuenta muestras machos y hembros de estas dos especies. Se dan y se d1scuten los diferencios en cuonto a los dtmensiones generales, estrUctura de la cuticula, dimensiones de las ventosos orales y ventrales y estrUctura ana16mka interna (aparalos gen1tales). 431 REVUE D'ÉLEVAGE 7 Retour au menu BIBLIOÇRAPHIE BRUMPT (E.). - Description de deux Bilharzies de Mammifères africains: Schistosoma curassoni sp. inq. et Schistosoma rodhaini n. sp. Ann. Paras,/. hum. camp. (1931 ), IX, IV, p. 325. G RÉTI LLAT (S.). - Recherches sur le cycle évo- GRÉTILLAT (S.). - Etude du cycle évolutif du schistosome des ruminants domestiques de l'Ouest Africain et confirmation de l'espèce Schistosoma curassoni BRUMPT, 1931. Ann. Paras,t. hum. camp. (1962), XXXVII, (4), pp. 557-568. KHALIL (M.). - On the morphology of Schistesoma bovis JI. Helminth. (1924), Il (2), 81- lutif du schistosome des Ruminants domestiques de l'Ouest-Africain (Schistosoma curas- soni, BRUMPT 1931). C. R. Acod. Sc1. (1962), 255, pp. 1657-1659. séance du 1" octobre 1962. 86. PORTER (A). - The larval trematods found in certain South Africain Mollusca with special reference to Schistosomiasis (Bilharziasis). GRÉTILLAT (S.). Une nouvelle zoonose, la « Bilharziose Ouest Africaine» à Schistosoma curasson, BRUMPT, 1931, commune à l'Homme et aux Ruminants domestiques. C. R. Acod. Sei. (1962), 255, pp. 1805-1807, séance du 8 octobre 1962. Publications of the South African lnst,tute for Medical Research Johannesburg (1938), no XLII, v. VIII, 492 pag:es, 83 planches, 1 carte. 432.
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Chamanisme de la Cour européenne de justice et de la Cour européenne des droits de l'Homme, et sa publicité.. Droit. Univeristé Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2010. Français. &#x27E8;NNT : &#x27E9;. &#x27E8;tel-03741676&#x27E9;
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Dans l’affaire Butkevičius le gouvernement lituanien soutient que les déclarations du procureur général et du Président du Parlement lituanien relevant que la faute du requérant, a été prouvé faites avant la décision judiciaire ne pouvait pas donner à penser qu’il est coupable au sens judiciaire car le public connaissait le contexte : l’accusé a été arrêté pendant l’acceptation de pots-de-vin et ces déclarations n’affirmaient que la nécessité de commencer un procès judiciaire. Mais la « raison à penser » employé par l’esprit de la présomption d’innocence a tué l’esprit du contexte.968 4) La logique. 966 Goodwin, 28957/95, CEDH, §§ 73-74. Voyez également Matthews, 24833/94, CEDH, §§ 26, 34 ; Podkolzina, 46726/99, CEDH, §§ 34.1, 35 ; Ždanoka I, 58278/00, CEDH, §§ 119, 120, 122. Voyez également Chypre c. Turquie, 25781/94, CEDH, §§ 25, 128, 132, 134, 135. Voyez également Broniowski, 31443/96, CEDH, §§ 190, 194. Voyez également Affaire linguistique belge, 1474/62, CEDH, §§ A4.3, B.4 ; ibid., §§ A1.3, A4.3, B.5 ; Mamatkulov, 46827/99, CEDH, §§ 97, 100, 101, 102 ; ibid., §§ 109, 121. 967 Reynolds (pré-pourvoi), T-237/00, TPI, § 112. 968 Butkevičius, 48297/99, CEDH, §§ 26, 28, 47, 49, 50, 51, 53.3. Voyez également Hornsby, 18357/91, CEDH, §§ 7, 9, 10, 13, 15, 16, 19, 20, 21, 22, 36, 42 ; Ždanoka I, 58278/00, CEDH, §§ 80, 90. Voyez également Ždanoka II, 58278/00, CEDH, §§ 21, 23, 77, 123, 124. Voyez également Irlande c. Roya -Uni, 5310/71, CEDH, §§ 213.1, 213..3, 214.1 ; Broniowski, 31443/96, CEDH, §§ 160, 161, 178, 182, 184, 186. Voyez également Affaire linguistique belge, 1474/62, CEDH, §§ IB10.2, IIB7.9, IIB7.10. Voyez également Beard, 24882/94, CEDH, § 81. Voyez également Pretty, 2346/02, CEDH, §§ 88, 89 ; Goodwin, 28957/95, CEDH, §§ 73, 74. Voyez également Tolstoy Miloslavsky, 18139/91, CEDH, §§ 60, 64. « La logique » est la déclaration judiciaire selon laquelle l’application d’un principe ou d’une interprétation est logique. Cette épée de feu est détachable et remplaçable. Par exemple, dans Lechouritou les descendantes des 676 villageoises assassinées par les nazis à Kalavrita en Grèce pendant la deuxième guerre mondiale demandent à la Cour de justice de dire si leur souhait d’avoir une compensation de la part de l’Allemagne peut être considéré par la juridiction grecque sur base du paragraphe 1, article 1 de la Convention de Bruxelles concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. Mais les chamanes de Luxembourg donnent la priorité à une autre question : est-ce que cette Convention est applicable. Ensuite, elles déclarent qu’elle n’est pas applicable car un massacre collectif est une affaire de politique étrangère et de défense et non une affaire de nature civile, ce qui signifie que la compensation pour les massacres n’est pas couverte par la Convention de Bruxelles. Dans la lutte pour la priorité entre deux questions l’épée de feu nommée « logique » devient attribuée à la deuxième question, ce qui implique que, d’abord, on doit considérer la question sur l’applicabilité de la Convention et, ensuite, sur la juridiction grecque.969 Dans l’affaire Goodwin, la Cour de Strasbourg renforce l’esprit du droit à la vie privée par l’épée de feu en disant que la pratique administrative britannique où l’État autorise les opérations du changement du sexe et les opérations d’insémination artificielle pour les femmes qui vivent avec des hommes transsexuels, mais n’autorise pas le changement des documents des transsexuelles, est « illogique ».970 5) Objective. « Objective » est la déclaration judiciaire selon laquelle une interprétation est objective ou que quel chose est objectivement nécessaire. Cette épée de feu est détachable et remplaçable. Dans l’affaire linguistique belge, les requérantes font valoir qu’elles sont discriminées en tant que francophones en Flandre car là-bas les écoles secondaires publiques et gratuites de langue 969 Lechouritou, C-292/05, CEJ, §§ 9, 27, 37, 40-42. 970 Goodwin, 28957/95, CEDH, §§ 70, 73, 78. 266 d’instruction française sont interdites. Les chamanes strasbourgeoises prennent la décision de soutenir l’esprit de marge d’appréciation d’État en lui donnant l’épée de feu dans sa variante « objective ». Alors, elles déclarent que cette mesure des autorités flamandes est basée sur un « élément objectif ». 971 27. LE CHANGEMENT DE LANGUE Un changement de langue est la situation où les juges changent la version linguistique de l’acte juridique afin de rejeter la position de la partie perdante. C’est une technique typique pour les cours multilingues. Assez souvent, si l’on prend le même texte dans des langues différentes, on s’aperçoit que le sens n’est pas du tout le même. La Cour européenne des droits de l’homme a 2 langues officielles, tandis que la Cour européenne de justice travaille officiellement dans 23 langues. Chaque langue officielle est considérée comme ayant le même poids. La technique du changement de langue a été employée, par exemple, dans l’affaire EMU Tabac972 de la CEJ et dans l’affaire linguistique belge973 de la Cour européenne des droits de l’homme. 971 Affaire linguistique belge, 1474/62, CEDH, §§ II A4.4, IIB 7.9 . Voyez également Pretty , 2346 /02 , CEDH, §§ 88, 89. 972 EMU Tabac , op. cit. 973 L’affaire linguistique belge, 1474/62, CEDH. LE DON DES AILES « Le don des ailes » est la transposition d’un principe en provenance d’un système juridique particulier vers un autre système juridique. La transposition se déroule au moyen de la déclaration de la juge qu’elle se déroule. Dans la langue juridique classique, cette technique est appelée « cosmopolitisme juridique ». Les échanges des esprits sont très courants dans les sociétés chamaniques, y compris dans la nôtre. Par exemple, chez le grand chaman nganasan Tubyaku Kosterkin, l’esprit suprême est le cheval de fer Mikulushka, le grand-père, qui se présente en tant que « Tout le pouvoir soviétique ».974 Le cheval de fer est un symbole de la technologie occidentale. Mikulushka est considéré par la chamane Jacob Epstein, St Micael’s Victory over the Devil comme « le Dieu russe », mais, en fait, ce nom désigne Saint-Nicolas de l’Église chrétienne orthodoxe qui est une transposition de Jésus—Christ au temps de l’Empire russe. Et « Tout le pouvoir soviétique » est définitivement un esprit plus récent. 1) Le vol en provenance d’une branche du droit à destination d’une autre. « Le vol en provenance d’une branche du droit à destination d’une autre » est la transposition d’un principe pris dans une branche de droit particulier vers une autre. Dans WestLB le gouvernement allemand présente sa vision chamanique selon laquelle l’article 295 du TCE disposant que « le présent traité ne préjuge en rien du régime de la propriété dans les États » le protège contre l’application des règles de concurrence. La question est soulevée quand le land Rhénanie-Du-Nord-Westphalie prend la décision d’intégrer l’organisme de droit public Wohnungsbauförderungsanstalt, sa propriété à 100 %, s’occupant d’encourager la construction de logement, grâce à l’octroi de prêts sans intérêt, au sein du Westdeutsche Landesbank. Cette dernière est la banque d’État qui une détenue à 100 % par le secteur public (43,2 % pour le Land, 11,7 % pour chaque commune des régions de Rhénanie et de Westphalie-Lippe, 16,7 % pour les 974 Aado Lintrop, The incantations of Tubyaku Kosterkin, http://www.folklore.ee/Folklore/vol2/tubinc.htm, 14 04 2010. 268 associations des caisses d’épargne des régions de Rhénanie et de Westphalie-Lippe. L’argument allemand consiste en la fusion d’une propriété publique avec une autre propriété publique, donc c’est un mode de gestion de la propriété d’État. Mais les chamanes autorisent le vol des règles de concurrence à destination de la propriété par la constatation que l’article 86 autorise l’application de règles de concurrence à destination du domaine de gestion de la propriété publique.975 Dans Sporrong, le gouvernement suédois et la Cour européenne des droits de l’homme considèrent que le droit à la protection de propriété ne peut voler que dans le domaine de la détermination des droits civils. Par contre, l’émission des permis d’expropriation est une mesure administrative prise par une autorité publique compétente. Donc c’est un domaine différent de droit. Mais les chamanes donnent les ailes pour le vol droit de la propriété à destination du droit administratif.976 2) Le vol en provenance de l’Europe à destination du droit national. « Le vol en provenance de l’Europe à destination du droit national » est la transposition d’un principe en provenance du système juridique européen dans le système juridique national. Parfois cette variante couvrira les mêmes cas empiriques que le « vol en provenance d’une branche du droit à destination d’une autre ». Par exemple, dans ICI la Cour de Luxembourg reconnait que le domaine de la fiscalité directe relève de la compétence nationale. Par contre, il n’en reste pas moins que cette compétence doit être exercée dans le respect du droit communautaire.977 Mais parfois le « vol en provenance de l’Europe à destination du droit national » se déroulera dans les mêmes domaines de droit à deux niveaux. Par exemple, dans S.N. la Cour de Strasbourg indique que le concept de « témoin » est autonome et donné des ailes. Donc malgré le fait que les autorités suédoises ne pensent pas que M. M. était un « témoin » car il n’a pas été interrogé devant la Cour, il 975 WestLB, T-228/99, TPI, §§ 195, 196. 976 Sporrong, 7151/75, CEDH, § 80. 977 ICI, C-264/96, CEJ, § 19. Voyer également Brasserie du Pêcheur, C-46/93, CEJ, §§ 71- 73. Voyer également Marks & Spencer, C-446/03, CEJ, § 29. Voyer également De Lasteyrie, C-9/02, CEJ, § 44. Voyer également Francovich, C-6/90, CEJ, §§ 28, 31. Voyer également Lechouritou, C-292/05, CEJ, §§ 27-29. 269 doit être considéré comme un « témoin » car ses dépositions ont été faites au sein de la police et, ensuite, transmises à la Cour.978 3) Le vol en provenance du droit national à destination de l’Europe. « Le vol en provenance du droit national à destination de l’Europe » est la transposition d’ principe pris du système juridique national dans le système juridique européen. Dans Kaufring, le Tribunal de première instance remarque que la procédure au niveau national en Allemagne pour la remise des droits douaniers prévoit une consultation entre la demandeuse et l’administration nationale, ce qui garantit le droit d’être entendue. Par contre, au niveau européen un tel droit n’existe pas – la demandeuse n’a pas de contacts directs avec la Commission européenne. Pour cette raison, les chamanes donnent les ailes à l’esprit du droit national.979 La jurisprudence de la Cour suprême portugaise établit qu’un appel peut être rejeté pour un manquement purement formel comme, par exemple, l’absence du résumé des moyens sans au préalable demander à l’appelant de corriger ces vices. Par contre, la Cour constitutionnelle portugaise juge cette pratique anticonstitutionnelle. La Cour de Strasbourg transpose l’esprit de cette dernière juridiction nationale au niveau européen.980 4) Le vol en provenance des États membres à destination de l’Europe. « Le vol en provenance des États membres à destination de l’Europe » est la transposition d’un principe existant dans certains États membres au système juridique européen. 978 S. N., 342097/96, §§ 33, 45. Voyez également Pellegrin, 28541/95, CE DH, §§ 62, 63 ; Broniowski, 31443/96, CEDH, §§ 129, 130, 140. Voyez également Chypre c. Turquie, 25781/94, CEDH, §§ 59, 61. 979 Kaufring, T-186/97, TPI, § 160. Voyez également Nunes, C-186/98, CEJ, §§ 8-10. 980 Czekalla, 38830/97, CEDH, §§ 44, 48, 69, 70. Voyez également Vogt, 17851/91, CEDH, §§ 49, 51. Voyez également Banković, 52207/99, CEDH, §§ 49, 62 ; Mathieu-Mohin et Clerfayt, 9267/81, CEDH, §§ 39, 41, 45, 57.1 57.2 ; Nachova, 43577/98, CEDH, §§ 58.1-3, 59, 79, 128, 137, 138, 140, 141, 143, 147. Dans Brasserie du Pêcheur, le gouvernement allemand soutient qu’un droit général à réparation pour les particuliers en raison de la violation du droit communautaire par un État membre, ne pourrait être consacré que par voie législative et que la reconnaissance d’un tel droit par voie judiciaire serait incompatible avec la répartition des compétences entre les institutions de la Communauté et les États membres, et avec l’équilibre institutionnel instauré par le TCE. Les chamanes font la remarque que dans un grand nombre de systèmes juridiques nationaux le régime juridique de la responsabilité de l’État a été élaboré de façon déterminante par les Cours et donnent les ailes à l’esprit de réparation pour voler en provenance des États membres à destination de l’Europe.981 Les familles des victimes du bombardement de la Yougoslavie par les forces de l’OTAN soutiennent que le contrôle complet de l’espace aérien accompagné de la possibilité de faire des frappes précises détruisant la résistance doit être compris comme l’exercice de juridiction sur le territoire yougoslave par les États de l’OTAN. Les chamanes font référence au fait qu’aucune Haute Partie Contractante n’a jamais reconnu une telle responsabilité extraterritoriale et donnent les ailes pour le vol de l’esprit de la responsabilité en provenance des États membres à destination de l’Europe.982 5) Le vol en provenance des États membres à destination du droit national. « Le vol en provenance des États membres à destination du droit national » est la transposition d’un principe existant dans certains États membres au système juridique national par l’intermédiaire d’une cour européenne. On distingue cette variante de la variante le « vol en provenance des États membres à destination de l’Europe » pour mieux souligner son caractère restreint et l’exercice du pouvoir vantage appliqué à un État particulier. Par exemple, Monsieur F soufre de l’interdiction de se remarier durant 3 ans, l’interdiction imposée en vertu du Code civil suisse pour abus de mariage. Après deux divorces et adultère, il fait paraitre une petite annonce comme quoi il recherche une secrétaire et trouve Demoiselle N le 11 janvier 1983. Il la presse de se marier et 4 jours après leur cohabitation, le 26 février, ils se marient. 981 Brasserie du Pêcheur, C-46/93, CEJ, §§ 24, 30. 982 Banković, 52207/99, CEDH, §§ 49, 62. 271 Quelques jours après le mariage M. F déclare qu’il veut divorcer sans donner de motif valable et commence la procédure le 11 mars. Il commet également l’adultère et emploie la violence pour chasser sa femme hors de la maison. Par contre, les interdictions temporaires à se remarier sont déjà abandonnées dans les autres États : en Allemagne depuis 1976 et en Autriche depuis 1983. Les chamanes strasbourgeoises prennent la décision qu’il faut donner les ailes à l’esprit de remariage habitant dans les autres pays pour qu’il puisse voler en Suisse. Il est évident que la seule femme parmi les juges joigne l’opinion descendante.983 6) Le vol en provenance des États démocratiques à destination du droit national. « Le vol en provenance des États démocratiques à destination du droit national » est la transposition d’un principe existant dans les « É tats démocratiques » au système juridique national par l’intermédiaire d’une cour européenne. Si on revient encore une fois à l’affaire Guzzardi, il y a plusieurs esprits qui luttent pour savoir si le soupçonné a été privé de liberté par la mesure de supervision destinée à empêcher sa communication avec d’autres soupçonnés. Les uns esprits disent que c’est exactement une violation du droit à liberté parce qu’il était obligé de vivre pendant 16 mois sur une petite île d’Asinara d’environ 2,5 km2 réservés pour y habiter sur 50 km2 au total, et 20 km de longueur maximum, sans pouvoir avoir de contacts sociaux et dans des conditions de surveillance permanente. Les autres esprits disent que ce n’est pas une violation du droit à liberté puisque : il était libre de sortir n’importe où sur l’île de 7h00 à 22h00, il y avait beaucoup de circonscriptions ne dépassant pas 2,5 km2, sa femme et son enfant vivaient ensemble sur l’île, il profitait pleinement du droit à la famille et à la vie privée, il y avait 200 autres personnes libres pour faire des contacts sociaux, il pouvait écrire des lettres et télégrammes sans supervision, il pouvait appeler librement en informant la police à qui il appelait, il pouvait aller en dehors de l’île après avoir obtenu une autorisation de police. Les chamanes décident de résoudre l’affaire en faveur du soupçonné en renforçant les esprits-circonstances luttant pour la reconnaissance de la restriction de la liberté par le don des ailes 983 F, 11329/85, CEDH, §§ 9-13, 17.2, 33. Voyez également Aziz, 69949/01, CEDH, §§ 20, 21, 22, 24, 28. Voyez également Guzzardi, 7367/76, CEDH, §§ 65, 66, 80 ; Vogt, 17851/91, CEDH, §§ 54, 58, 59, 60. Voyez également Mamatkulov 46827/99, CEDH, §§ 97, 102, 106 ; Drozd, 12747/87, CEDH, §§ 34, 36, 46, 108, 52, 55, 68-72, 89.2, 96.1, 96.3 ; Goodwin, 28957/95, CEDH, § 81 ; Perez, 47287/99, CEDH, §§ 47-51, 54-56. 272 aux esprits-pratiques dans les autres « États démocratiques » pour qu’ils viennent afin d’aider à libérer les suspects de cette ile. 7) Le vol en provenance des États démocratiques à destination de l’Europe. « Le vol en provenance des États démocratiques à destination de l’Europe » est la transposition d’un principe existant dans les « États démocratiques » au système juridique européen. Dans l’affaire linguistique belge, la Cour de Strasbourg donne les ailes à l’esprit de l’égalité de traitement qui établit que la distinction doit être objective et raisonnablement justifiée, pour qu’il vole en provenance des « États démocratiques » à destination de l’Europe afin de justifier l’interdiction d’écoles publiques gratuites en Flandre dont la langue d’instruction serait le français.985 8) Le vol en provenance des États non-européens à destination du droit national. « Le vol en provenance des États non-européens à destination du droit national » est la transposition d’un principe existant dans certains États non-européens au système juridique d’un État européen par l’intermédiaire d’une cour européenne. Par exemple, les esprits de sexe qui habitent en Australie et en Nouvelle Zélande ne limitent pas l’attribution du sexe à la personne aux uniques données biologiques de la naissance, mais analysent la multitude de facteurs tels que la présence d’opération du changement de sexe, etc. en matière de mariage. Donc les chamanes strasbourgeoises donnent des ailes aux esprits pour qu’ils volent à destination du droit national britannique afin d’aider les transsexuelles locales à changer la mention de sexe sur leurs documents. 986 984 Guzzardi, 7367/76, CEDH, §§ 90-93, 95.1. Voyez également Affaire linguistique belge, 1474/62, CEDH, 986 Goodwin, 28957/95, CEDH, §§ 84, 85. Voyez également Goodwin, 28957/95, CEDH, §§ 56, 57, 74, 75. 9) Le vol en provenance d’États non-européens à destination de l’Europe « Le vol en provenance d’États non-européens à destination de l’Europe » est la transposition d’un principe existant dans certains États non-européens au système juridique européen. Dans l’affaire Microsoft concernant la suspension intérimaire de sanctions imposées par la Commission européenne pour abus de position dominante, la question se pose de savoir si le système opérationnel Windows et son lecteur média constituent deux marchandises ou une marchandise unique. Ici, le Président du Tribunal de première instance autorise un esprit habitant dans la jurisprudence étatsunienne à voler à destination de l’Europe afin de dire que quand il y a deux productrices séparées spécialisées dans la fabrication des produits liés, ce fait indique qu’il y a une demande séparée de la part des consommatrices et que les juges doivent constater qu’il y a un marché séparé pour chaque produit lié – pour le lecteur média et pour l’ordinateur en l’espèce.987 La Cour Suprême du Canada a considéré que l’interdiction de l’euthanasie causait à la partie perdante de la douleur physique et la privait de la gestion de sa mort, de son autonomie ; pour ces raisons, cette interdiction nécessite une justification sur base de justice fondamentale. Dans l’affaire Pretty, les chamanes strasbourgeoises donnent les ailes à cet esprit canadien pour qu’il vole à destination de l’Europe et justifie ce que les chamanes locales doivent également justifier à savoir pourquoi elles interdisent le suicide assisté.988 10) Le vol en provenance des Etats-Unis à destination du droit international. « Le vol en provenance des États-Unis à destination du droit international » est la transposition d’un principe existant dans les États-Unis au système juridique international fondé par un certain accord international, effectuée par l’intermédiaire d’une cour européenne. J’ai l’hypothèse qu’il serait faux d’assimiler le droit des États-Unis au droit d’un État non-européen puisque ce qui est traditionnellement appelé « droit des Etats-Unis » est quelque chose de beaucoup aire. Il se situe plus entre le droit national et le droit mondial. De plus, la reconnaissance de la pratique Étatsunienne en tant que standard de l’état du droit international est très symbolique dans le contexte que joue cet État dans les pratiques régulatrices internationales. Le groupe de travail de la Commission du droit international des Nations Unies considère que les États ne sont pas protégés par l’immunité dans les cas de graves violations des droits de l’homme. Par contre, aux Etats-Unis la réglementation introduite par l’amendement de 1996 à la Loi sur l’immunité étrangère souveraine est plus nuancée : l’immunité peut être levée dans les cas où, premièrement, l’État concerné est déclaré sponsor du terrorisme ; deuxièmement, la victime est une citoyenne étatsunienne. En outre, la Cour du District de Columbia a reconfirmé dans l’affaire Flatow v Iran que la propriété étrangère d’un État reste immune. Dans le procès Al-Adsani le requérant déclare être une victime de torture grave ordonné directement par Sheikh Jaber Al-Sabah al-Saud Al-Sabah, membre de la dynastie d’Émir du Koweït. La Cour de Strasbourg décide de maintenir la décision de la juridiction britannique de ne pas ouvrir d’affaire contre le Koweït, et pour cela accorde les ailes à l’esprit étatsunien de la protection d’immunité pour un vol à destination du droit international. Les chamanes disent que la portée limitée de l’exception à l’immunité d’un État étranger dans le droit étatsunien signifie que la règle générale du droit international reste l’immunité ne pouvant être levée même dans les cas de torture officielle. ) Le vol en provenance de l’Europe à destination des États non-européens. « Le vol en provenance de l’Europe à destination des États non-européens » est la transposition d’un principe existant dans le système juridique européen au système juridique d’un État noneuropéen par l’intermédiaire d’une cour européenne. Dans Soering, sur l’extradition du Royaume-Uni à destination des Etats-Unis, la partie perdante fait valoir qu’elle ne peut être extradeé puisque sinon l’État de Virginie violera son droit à l’assistance juridique gratuite garantie par l’article 6, paragraphe 3, sous c) de la Convention européenne des droits de l’homme. Les chamanes soulignent qu’une extradition peut soulever un problème où la personne aurait subi ou risquerait de subir un déni de justice flagrant. Dans ce cas empirique elles 989 Al-Adsani, 35763/97, CEDH, §§ 24, 64. 275 décident de ne pas défendre cette personne car il n’y a pas du déni de justice flagrant.990 Mais ce qui se passe ici, c’est le don des ailes à l’esprit de la protection contre un déni de justice flagrant pour voler à destination des États non-européens. 12) Le vol en proven ance de l’Union européenne à destination du Conseil de l’Europe . « Le vol en provenance de l’Union européenne à destination du Conseil de l’Europe » est la transposition d’un principe existant dans le système juridique de l’Union européenne au système juridique du Conseil de l’Europe par l’intermédiaire d’une cour européenne. La Cour européenne de justice a interprété par l’arrêt Commission c. Belgique, 149/79, CEJ, que les principes de libre circulation des travailleuses ne sont pas applicables aux emplois qui comportent une participation, directe ou indirecte, à l’exercice de la puissance publique et qui supposent ainsi, de la part de leurs titulaires, l’existence d’un rapport particulier de solidarité avec l’État. Les chamanes strasbourgeoises donnent les ailes à l’esprit habitant dans l’arrêt Commission c. Belgique pour qu’il vienne dans le droit du Conseil de l’Europe afin d’aider à détruire le droit des fonctionnaires ayant accès à l’exercice de la souveraineté d’État à leur protection sous l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.991 13) Le vol en provenance du Conseil de l’Europe à destination de l’Union européenne. « Le vol en provenance du Conseil de l’Europe à destination de l’Union européenne » est la transposition d’un principe existant dans le système juridique du Conseil de l’Europe au système juridique de l’Union européenne par l’intermédiaire d’une cour européenne. 990 Soering, 14038/88, CEDH, §§ 112, 113, Drozd, 12747/87, CEDH, §§ 46, 108, 110.1. 991 Pellegrin, 28541/95, CEDH, §§ 14, 38, 65, 66. Voyez également Goodwin, 28957/95, CEDH, § 92 ; ibid., §§ 58, 96, 100. Dans l’affaire K.B. la personne ne peut bénéficier de la pension de veuvage car elle n’était pas mariée avec R. qui était une femme avant l’opération. Le mariage ne pouvait être enregistré car le gouvernement britannique ne voulait pas changer les documents du transsexuel. La Cour de Luxembourg décide de donner les ailes à l’esprit de mariage avec une transsexuelle qui habite dans l’arrêt Goodwin de la Cour de Strasbourg afin qu’il vole en provenance du droit du Conseil de l’Europe à destination du droit de l’Union européenne et aide la veuve à obtenir sa pension.992 14) Le vol en provenance du droit international à destination de l’Europe. « Le vol en provenance du droit international à destination de l’Europe » est la transposition d’un principe existant dans un système juridique international au système juridique européen. Dans l’affaire Van Duyn une des leaders spirituelles scientologues souffre de l’interdiction d’entrer sur le territoire du Royaume-Uni car ses activités religieuses sont considérées comme dangereuses pour l’ordre public. Pour renforcer son raisonnement soutenant la personne concernée, la Cour de Luxembourg décide de transposer le principe de droit international consistant en ce qu’un État ne peut pas refuser à ses propres ressortissantes le droit d’avoir accès à son territoire.993 15) Le vol en provenance du droit international à destination du droit national. « Le vol en provenance du droit international à destination du droit national » est la transposition d’un principe existant dans un système juridique international au système juridique d’un État européen par l’intermédiaire d’une cour européenne. Nous plaçons dans ce genre de variantes les transferts de concepts d’importance plus grande pour l’État concerné que pour tout l’Europe. Par exemple, dans Ilaşcu, les chamanes donnent les ailes à l’esprit de la responsabilité d’État pour les actions de ses agentes même dans le cas où elles agissent de manière contraire aux instructions, habitant dans le droit international, ou spécifiquement dans les documents de la Commission du droit international des Nations Unies, pour qu’il vole à destination de la Russie afin de la 992 K.B., C-117/01, CEJ, §§ 20-23, 33. 993 Van Duyn, 41-74, CEJ, §§ 17, 21, 22, 24. 277 condamner pour la torture du requérant dans une prison de la République moldave de Transnistrie.994 16) Le vol en provenance de l’Europe à destination du droit international. « Le vol en provenance de l’Europe à destination du droit international » est la transposition d’un principe existant dans un système juridique européen au système juridique international par l’intermédiaire d’une cour européenne. Dans l’affaire Sürül sur le droit de recevoir les allocations familiales pour l’épouse d’un étudiant turc en Allemagne, laquelle ne possède qu’une autorisation accessoire de séjour (Aufenthaltsbewilligung) sans autorisation de travailler, on voit deux niveaux de droit : le droit européen qui régule le statut des travailleuses européennes et le droit de l’association CEE-Turquie qui régule le statut des travailleuses turques. Les gouvernements allemand, néerlandais, britannique, français et autrichien soutiennent que les ressortissantes turques sans autorisation de séjour (Aufenthalsberechtigung) ou permis de séjour (Aufenthaltserlaubnis) ne peuvent pas profiter du régime d’une travailleuse européenne. Le droit commun de l’association de la Communauté économique européenne et de la Turquie est beaucoup moins élaboré. Néanmoins, pour solutionner le litige, les juges prennent la décision d’autoriser la conception de travailleuse qui existe au niveau européen de voler à destination du niveau international, dans ce cas européen-turc, mais potentiellement pour n’importe quel pays en relations similaires avec l’Europe.995 29. LA LIBÉRATION SPIRITUELLE PAR LE DON DES AILES « La libération spirituelle par le don des ailes » est la déclaration judiciaire indiquant que la transposition d’un principe pris dans un autre système juridique est arrêtée puisque le système juridique, dans lequel la partie perdante veut transposer ce principe, est indépendant. 994 Ilaşcu, 48787/99, CEDH, § 319. Voyez également Guzzardi, 7367/76, CEDH, §§ 70, 72.1, 72.2. Voyez également Chypre c. Turquie, 25781/94, CEDH, §§ 83-85, 89, 86, 90 ; Irlande c. Royaume-Uni, 5310/71, CEDH, §§ 96, 110, 111, 115, 116, 167.5, 167.6, 174 ; Mamatkulov, 46827/99, CEDH, §§ - 45, 47, 48, 53, 107, 109, 111, 117 ; Goodwin, 28957/95, CEDH, § 81 ; Chypre c. Turquie, 25781/94, CEDH, § 59, 61. 995 Sürül, C-262/96, CEJ, §§ 31-33, 60, 62, 63. Il faut distinguer deux variantes de cette technique sous l’angle du niveau de l’indépendance proclamé et deux variantes dans la perspective de l’identité du système vis-à-vis duquel la résistance a eu lieu. I. Lumière : le niveau d’indépendance. « Le niveau d’indépendance » est la force avec laquelle la juge nie la possibilité de la transposition (du vol). 1) L’indépendance. L’ « indépendance » est la proclamation judiciaire indiquant que le système juridique particulier est indépendant. L’ « indépendance » présuppose plus de liberté et d’autosuffisance que l’ « autonomie ». L’entreprise Audi essaie d’enregistrer le signe verbal TDI auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur de l’UE. Ce signe est bien enregistré en tant que marque nationale en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas, en Luxembourg, en France et en Italie. Pour mieux rejeter ce genre d’arguments et pour refuser l’enregistrement, le Tribunal de première instance déclare que l’application de l’ensemble des règles communautaires est « indépendante de tout système national ».996 Dans Broniowski, la Cour de Strasbourg explique que le concept de « bien » employé dans l’article 1 du Protocole n° 1 de la Convention européenne des droits de l’homme est « indépendante de la classification formelle dans le droit domestique ». 997 2) L’autonomie. 996 Audi, T-16/02, CEJ, §§ 19, 40. Voyez également Lechouritou, C-292/05, CEJ, §§ 27-29. 997 Broniowski, 31443/96, CEDH, §§ 129, 130, 140. 279 L’ « autonomie » est la proclamation judiciaire indiquant que le système juridique particulier est autonome. L’ « autonomie » présuppose moins de liberté et d’autosuffisance que l’ « indépendance ». La Cour européenne de justice proclame la nécessité de sauvegarder effectivement l’ « autonomie du système juridique communautaire » afin de se libérer de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. Le gouvernement irlandais a voulu essayer de solutionner le problème de l’usine MOX implantée à Sellafield au bord de la mer irlandaise par la voie d’un recours au Tribunal arbitral constitué conformément à l’annexe VII de cette Convention, mais, selon les juges, un tel mouvement violerait les prérogatives de l’UE et le caractère autonome de son système juridique puisque l’Union a effectivement la compétence dans le domaine de sûreté nucléaire et environnemental. 998 La Cour européenne des droits de l’homme déclare l’autonomie de l’interprétation du terme « service public » afin de se libérer du terme « service public » des États contractants, et pour réunir sous ce même nom les fonctionnaires, les agentes contractuelles et les autres formes de gens employés par l’État qui ne sont pas toujours considérées comme travailleuses du service public par la pratique régulatrice nationale.999 II. Lumière : l’identité du système vis-à-vis duquel la résistance a eu lieu. « L’identité du système vis -à-vis duquel la résistance a eu lieu » est l’identité du système juridique, transposition d’un principe en provenance duquel, cette dernière est arrêtée par la juge. 1) Le vol au-dessus des esprits du droit national. « Le vol au-dessus des esprits du droit national » est l’interruption de la transposition d’un principe en provenance du droit national en raison de l’indépendance du système dans lequel la partie perdante veut transposer ce principe. 998 Commission c. Irlande, C-459/03, CEJ, §§ 14, 19, 72, 130 , 132 Voyez également Commission c. Irlande, C-459/03, CEJ, §§ 14, 19, 72, 123, 125 ; Audi, T-16/02, CEJ, §§ 19, 40. 999 Pellegrin, 28541/95, CEDH, §§ 62, 63. Voyez également Broniowski, 31443/96, CEDH, §§ 129, 130, 140. 280 Le principe régissant le marché intérieur dispose que les droits d’accise sont perçus dans l’État membre où les produits sont acquis. La société EMU Tabac a acquit sa marchandise au Luxembourg au moyen d’une société mandataire pour l’importer, ensuite, au Royaume-Uni. La question qui se pose est : peut-elle payer les droit d’accise au Luxembourg ou doit-elle le faire à Londres car ce qu’elle fait doit être qualifié comme une deuxième acquisition par une entreprise britannique? EMU Tabac invite l’esprit du droit romain qui facit per alium facit per se (qui agit par l’intermédiaire d’un mandataire doit être traité de la même façon que si elle avait agi elle-même) qui habite dans un certain nombre d’ordres juridiques et, notamment, dans l’ordre juridique anglais. De plus, ni la version anglaise de la directive concernée, ni les versions française, italienne, espagnole, allemande, néerlandaise ou portugaise n’excluent la possibilité de recourir à un mandataire. Les chamanes se libèrent de tous ces esprits en déclarant que l’ordre juridique communautaire n’entend pas définir ses qualifications en s’inspirant d’un ordre juridique national ou de plusieurs d’entre eux.1000 Dans Broniowski, la Cour de Strasbourg libère les esprits « droit de propriété » et « bien » mentionnés dans la Convention européenne des droits de l’homme de l’esprit de la classification formelle (« bien » en tant qu’objet matériel que l’on possède réellement) habitant dans le droit domestique.1001 2) Le vol au-dessus des esprits du droit international. « Le vol au-de ssus des esprits du droit international » est l’interruption de la transposition d’un principe en provenance du droit international en raison de l’indépendance du système dans lequel la partie perdante veut transposer ce principe. Dans l’affaire sur la volonté du gouvernement irlandais de lutter contre l’usine nucléaire MOX du Royaume-Uni devant le Tribunal arbitral constitué conformément à l’annexe VII de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, la Cour européenne de justice libère le droit européen de cette Convention par l’affirmation que l’article 282 de ladite Convention prévoit que les États 1000 EMU Tabac, C-296/95, CEJ, §§ 7, 28, 30. Voyer également Audi, T-16/02, CEJ, §§ 19, 40. 1001 Broniowski, 31443/96, CEDH, §§ 129, 130, 140. 281 peuvent choisir un instrument régional aboutissant à des décisions obligatoires au lieu du mécanisme des Nations Unies. Selon les chamanes luxembourgeoises, leur Cour est exactement cet instrument régional. La position irlandaise indiquant que son gouvernement ne l’a pas choisi et que l’article 4 de cette Convention prévoit qu’elle prime dans le cas de conflit avec les dispositions juridiques d’une autre organisation internationale, surtout ayant égard au fait que les règles européennes sont beaucoup moins favorables en matière d’environnement, est rejetée.1002 Dans Mamatkolov, les chamanes strasbourgeoises se libèrent du droit international, c’est-à-dire de l’esprit des traités internationaux classiques. Le gouvernement turc affirme que dans le droit international les Cours internationales ne peuvent faire que ce qui est prévu par un traité international. La Convention européenne des droits de l’homme ne prévoit pas que la Cour de Strasbourg ait le pouvoir d’imposer des mesures intérimaires. Les juges répondent que contrairement aux traités internationaux classiques, la Convention englobe plus d’engagements réciproques entre les États contractants. Elle crée un réseau d’obligations objectives, bilatérales et mutuelles qui bénéficie, selon le Préambule, de l’ « enfoncement collectif ».1003 30. L’AMPUTATION DES AILES « L’amputation des ailes » est le refus de la part de la juge de transposer un principe en provenance d’un système juridique particulier dans un autre système juridique. La transposition prend fin par la déclaration de la juge selon laquelle cette transposition s’arrête ou ne se déroule pas. Dans le champ empirique de notre recherche, nous avons trouvé neuf variantes de cette technique. 1) Le vol en provenance d’une branche du droit Ravi Varma, Ravana coupe les ailes de Jatayu à destination d’une autre. 1002 Commission c. Irlande, C-459 , CEJ, §§ 14, 19, 72, 123, 125. Voyez également Commission c. Irlande, C-459/03, CEJ, §§ 14, 19, 72, 130, 132. 1003 Mamatkulov, 46827/99, CEDH, §§ 97, 100. Voyez également Mamatkulov, 46827/99, CEDH, §§ 69, 82, 107, 109. 282 « Le vol en provenance d’une branche du droit à destination d’une autre » est le refus de transposer un principe pris dans une branche du droit particulier vers une autre. La société EMU Tabac a acquiert sa marchandise en Luxembourg via une société mandataire pour l’importer ensuite au Royaume-Uni. Selon la directive concernée régissant l’imposition dans le marché intérieur, les droits d’accise sont perçus dans l’État membre où les produits sont acquis. La question qui se pose est la suivante : peut-on payer les droits d’accise au Luxembourg ou doit-on le faire au Royaume-Uni car ce qu’on fait doit être qualifié comme deuxième acquisition par une entreprise britannique? EMU Tabac invite l’esprit du droit romain qui facit per alium facit per se (qui agit par l’intermédiaire d’un mandataire, doit être traité de la même façon que si elle avait agi elle-même. Les chamanes répondent que l’esprit qui facit per alium facit per se habite dans le domaine du droit civil et, plus particulièrement, dans le domaine du droit des obligations et lui coupent les ailes pour qu’il ne vole pas à destination du droit fiscal. 2) Le vol en provenance de l’Europe à destination du droit national. « Le vol en provenance de l’Europe à destination du droit national » est le refus de transposer un principe existant dans un système juridique d’une institution européenne vers un système juridique national par l’intermédiaire d’une cour européenne . Dans cette définition nous employons le concept de « système juridique d’une institution européenne » au lieu du concept de « système juridique européen » pour souligner toute la diversité des systèmes juridiques créés par chaque institution. Les institutions différentes peuvent facilement adopter des visions juridiques contradictoires ou ne pas reconnaître la vision d’une autre institution. Après une telle constatation empirique, il serait inexact de parler d’un système européen unifié, au moins avant une décision judiciaire et après une nouvelle déstabilisation spirituelle. Dans les cas où une telle distinction n’est pas pertinente, nous continuerons d’utiliser le concept de « système juridique européen ». Par exemple, dans Nachova les chamanes coupent les ailes de l’esprit de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance du Conseil de l’Europe qui exige que les autorités bulgares 1004 EMU Tabac, C-296/95, CEJ, §§ 7, 28, 31. 283 inscrivent dans son Code pénal un article sur la motivation raciste pour un crime. Cette motivation est supposée être interprétée comme une circonstance aggravante. De plus, l’esprit de cette Commission européenne est concerné par l’emploi excessif des armes par la police et demande que le gouvernement bulgare limite l’utilisation des armes strictement aux cas où un telle mesure est vraiment nécessaire.1005 3) Le vol en provenance des États membres à destination de l’Europe. « Le vol en provenance des États membres à destination de l’Europe » est le refus de transposer un principe existant dans certains systèmes juridiques des États membres au système juridique européen. Par exemple, dans Sheffield les chamanes strasbourgeoises coupent les ailes de l’esprit du droit d’une transsexuelle de changer ses documents en y inscrivant son nouveau sexe après l’opération, lequel veut voler en provenance des 33 États sur 37 du Conseil de l’Europe à destination du droit dudit Conseil. La raison donnée par les juges pour l’amputation est que la pratique de ces 33 États ne concerne que le changement des documents (ce que la partie perdante, en fait, veut), mais ne couvre pas les autres aspects du changement de sexe : le mariage, la filiation, la protection des données. Selon les chamanes, ce sont les situations où la transsexuelle peut être obligée de déclarer son sexe ancien même dans ces 33 États. Autrement dit, même ces 33 États ne donnent pas la possibilité complète de changer les documents. 1006 4) Le vol en provenance des États non-européens à destination de l’Europe. « Le vol en provenance des États non-européens à destination de l’Europe » est le refus de transposer un principe existant dans certains systèmes juridiques des États non-européens au système juridique européen . 1005 Nachova , 43577 /98, CEDH, §§ 35, 52, 58.1-3. Voyez également Yumak & Sadak, 10226/03, CEDH, §§ 34, 35, 38, 39, 45, 61, 72, 73, 76 ; Beard, 24882/94, CEDH, § 66 (art. 5.2), 70-75, 77, 100 , 105. 1006 Sheffield, 22985/93, CEDH, §§ 35, 50, 57. Voyez également Yumak & Sadak, 10226/03, CEDH, §§ 34, 35, 38, 39, 45, 61, 72, 73, 76 ; Pretty, 2346/02, CEDH, §§ 26, 27, 46, 73, 74 ; Nachova, 43577/98, CEDH, §§ 35, 52, 58.1-3, 59, 79, 128, 137, 138, 140, 141, 143, 147, 157. Dans l’affaire McVicar, la partie perdante invite l’esprit de diffamation habitant dans l’arrêt New York Times v Sullivan ((1964) 376 US 254) de la Cour suprême des Etats-Unis qui dit qu’un État ne peut imposer une réparation des préjudices à une diffamatrice en faveur d’une fonctionnaire publique sauf dans les cas où il est prouvé que la diffamatrice a agit en sachant que ses données étaient fausses. Mais les chamanes coupent les ailes de cet esprit en disant que l’article 10 sur la liberté d’expression de la Convention européenne des droits de l’homme est formulé dans des termes plus restrictifs.1007 5) Le vol en provenance de l’Union européenne à destination du Conseil de l’Europe. « Le vol en provenance de l’Union européenne à destination du Conseil de l’Europe » est le refus de transposer un principe existant dans le système juridique de l’Union européenne au système juridique du Conseil de l’Europe. Dans l’affaire Beard sur l’interdiction pour une famille de roms de vivre sur la terre qu’elles possèdent au titre de propriété privée pour des motifs environnementaux et de sécurité routière et sur l’impossibilité de trouver un auberge ailleurs, les roms font un rituel pour que les esprits d’intégration des roms et de la protection des minorités ethniques habitant dans la Résolution du Parlement européen sur la situation des roms dans la Communauté et dans les « Principes directeurs » de l’Union européenne pour l’amélioration de la situation des roms dans les pays candidats, viennent. L’esprit habitant dans cette Résolution demande aux États membres d’introduire des mesures juridiques, administratives et sociales pour améliorer la situation des roms et des peuples voyageant en Europe et recommande à la Commission européenne, au Conseil de l’UE et aux États membres de faire tout ce qui est dans leur pouvoir pour assister l’intégration économique, sociale et politique des roms avec l’objectif d’éliminer la pauvreté des roms. L’esprit en provenance des « Principes directeurs » demande aux États candidats d’améliorer la situation des roms en suivant les recommandations du Groupe des spécialistes sur les roms du Conseil de l’Europe et les recommandations du Haut Commissaire de l’Organisation pour la sécurité et la 1007 McVicar, 46311/99, CEDH, §§ 27, 64, 65, 72-75. Voyez également Nachova, 43577/98, CEDH, §§ 35, 52, 58.1-3, 59, 79, 128, 137, 138, 140, 141, 143, 147, 157. 285 coopération en Europe, en faisant une telle amélioration une condition d’adhésion à l’Union européenne. Les chamanes coupent les ailes de ces esprits en disant que le consensus international n’est pas suffisamment précis quant aux moyens d’achèvement de cette amélioration des conditions de vie des roms. en provenance du Conseil de l’Europe à destination de l’Union européenne. « Le vol en provenance du Conseil de l’Europe à destination de l’Union européenne » est le refus de transposer un principe existant dans le système juridique du Conseil de l’Europe au système juridique de l’Union européenne. Dans l’affaire sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme, la Commission européenne, le Parlement européen, les gouvernements belge, danois, finnois, allemand, grec, italien, suédois et autrichien veulent importer tous les esprits de cette Convention au droit communautaire. Ils font une liste de tous les cas où les gens ont vu l’apparition de ces esprits sur la planète du droit de l’UE pour autoriser leur présence légale et permanente :  le Préambule de l’Acte unique européen fait référence au respect des droits fondamentaux tels qu’ils sont reconnus dans la Convention ;  L’article F (2), après les amendements devenu 6 (2), du Traité sur l’EU de l’édition de 1992 établit que l’EU respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la Convention ;  l’article J.1(2) fait également référence aux droits de l’homme et les libertés fondamentales ;  l’article K.2(1) fait référence expresse à la Convention dans le domaine de la coopération en matière de justice et d’affaires intérieures ;  le Préambule du Traité parle de la nécessité de préserver la paix et la liberté ;  l’article 130u(2) du TCE, à la date, mentionne les droits de l’homme dans la coopération en développement ; 1008 Beard, 24882/94, CEDH, §§ 66 (article 5.2), 70-75, 77, 100, 105. Voyez également Nachova, 43577/98 CEDH, §§ 35, 52, 58.1-3, 59, 79, 128, 137, 138. 140, 141, 143, 147, 157 ; Sheffield, 22985/93, CEDH, §§ 33, 57.
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- le champ cristallin, qui peut dans certains cas lever la dégénérescence des états précédents, formant ainsi des niveaux Stark. Si J est entier, il y aura (2J+1) niveaux, et si J est demi-entier, il y aura (J+1/2) niveaux. Dans notre cas, les niveaux fondamental et excité possèdent 4 et 3 niveaux Stark respectivement. Par mesure de commodité, ces niveaux seront numérotés de 1 à 4 pour le niveau fondamental et de 5 à 7 pour le niveau excité par ordre d'énergie croissante. 7 6 5 F5/2 F ~ 10000cm-1 2 4 3 2 F7/2 ~ 100cm-1 1 Répulsion électronique (terme de l'ion libre) Figure II – 1 : Eclatement des niveaux d'énergie de l'ion ytterbium trivalent en sept niveaux Stark. Les transitions électroniques des électrons 4f ne modifient pas la longueur des liaisons avec les ligands. Les courbes des différents états en coordonnée de configuration sont donc superposées et donnent lieu à des raies d'absorption et d'émission très fines. L'existence uniquement de deux niveaux d'énergie présente des avantages et des inconvénients. Tout d'abord, cela simplifie l'étude spectroscopique comparativement à des matériaux dopés avec l'erbium ou le néodyme qui présentent de nombreuses raies sur une large gamme spectrale. Cependant, le décalage de Stokes étant nul, il y a recouvrement entre les spectres d'absorption et d'émission : un rayonnement émis peut alors être réabsorbé. Ce phénomène de réabsorption est gênant car il modifie l'allure des spectres ainsi que les durées de vie apparentes. Enfin l'écart d'énergie entre les niveaux Stark ne dépassant pas quelques centaines de cm-1, les niveaux sont peuplés thermiquement à température ambiante. Ainsi les spectres d'absorption et d'émission sont composés théoriquement des douze transitions électroniques possibles. L'attribution des niveaux d'énergie, utile pour le calcul de certains paramètres laser, va donc se révéler fastidieuse. En plus de la multiplication à température ambiante des transitions électroniques, le couplage électron – phonon peut augmenter la largeur des raies. Il est même possible, dans le cas d'un couplage électron – phonon important de voir apparaître de nouvelles raies appelées alors vibroniques. 2.2 Le couplage électron – phonon L'étude de l'élargissement des raies des transitions du chrome dans le rubis[5, 6] en fonction de la température a permis de révéler le mécanisme de couplage entre les modes de vibrations de la matrice et les transitions électroniques. Ce couplage électron – phonon est observé pour les terres rares alors que les électrons 4f sont écrantés et donc en partie isolés de l'influence du ligand et de la matrice. Son intensité, représentée par le paramètre α, varie le long de la série des lanthanides[7]. La figure II – 2 montre l'évolution de ce paramètre au sein de la matrice LiYF4. Figure II – 2 : Variation du paramètre de couplage électron – phonon le long de la série des lanthanides dans la matrice LiYF4[7]. L 'évolution de ce paramètre se rait la conséquence de deux contributions inverses [7, 8] : - la contraction lanthanidique qui a tendance à diminuer la distance entre les électrons 4f et le noyau lorsque Z augmente. Cet effet diminue les interactions entre électrons et phonons. - l'écrantage des électrons des couches externes (5s et 5p) de moins en moins effectif le long de la série, ce qui implique une interaction plus forte avec l'environnement de la terre rare. L'ion ytterbium possède donc un fort couplage électron – phonon. Ce couplage est responsable de l'élargissement des raies lorsque la température augmente et peut même donner lieu à des raies satellites appelées transitions vibroniques. Une possibilité pour s'affranchir de ces raies est d'effectuer les mesures d'absorption et d'émission à basse température, l'intensité des vibrations de la matrice étant alors limitée. Là encore, il reste parfois une ambiguïté pour l'attribution des niveaux d'énergie. La méthode couramment utilisée[9-11] afin de différencier les raies électroniques des répliques vibroniques est de superposer le spectre de modes de vibrations Raman avec les spectres d'absorption et d'émission, à basse température, tracés en énergie à partir d'une transition de référence, généralement la transition zéro – phonon. 2.3 Attribution des différents niveaux énergétiques : méthodes de vérification Deux méthodes sont utilisées pour la vérification de l'attribution des niveaux d'énergie de l'ytterbium : celle de l'éclatement maximum du niveau 2F7/2 introduite par F. Auzel[12, 13] et celle des barycentres introduite par E. Antic – Fidancev[14, 15]. La première méthode, bien que pertinente, ne sera pas utilisée car la synthèse de composés dopés au néodyme n'a pas été réalisée. Elle est basée sur la comparaison de l'éclatement de niveaux d'énergie entre différents ions lanthanides. En effet, l'auteur a démontré que la contraction lantanidique modifiait linéairement le paramètre du champ cristallin Nv donné en fonction des paramètres du champ cristallin Bqk par la relation suivante[16] : 1/ 2 Eq. II – 1 ⎡ 2 ⎛ 4π ⎞⎤ N v = ⎢ ∑ ( Bqk ) ⎜ ⎟⎥ ⎝ 2k + 1 ⎠ ⎦ ⎣ k,q Cette modification a lieu, pour une même matrice, avec une pente croissant lorsque l'intensité du champ cristallin augmente. Sachant que l'éclatement en sous-niveaux Stark par le champ cristallin est linéairement dépendant de l'intensité de celui-ci, il est alors possible d'établir une relation linéaire de cet éclatement entre différents ions. A cet effet, l'éclatement maximum du niveau 2F7/2 de l'ytterbium sera déduit de celui du niveau 4I9/2 du néodyme (qui possède un faible couplage électron – phonon et donc une faible incertitude sur les niveaux d'énergie). La deuxième méthode consiste à comparer le barycentre énergétique des deux niveaux 2 F7/2 et 2F5/2 de l'ytterbium. En effet l'éclatement en énergie dû au couplage spin - orbite est considéré comme constant au premier ordre. Les deux paramètres pouvant perturber cet éclatement (une variation de la constante du couplage spin – orbite ζ et le « J – mixing »[4] qui état F cristallin) sont alors négligés. Le premier se révèle être de faible intensité pour les lanthanides[17] et le second, qui tend à agrandir l'écart d'énergie entre les deux niveaux, peut être négligé compte tenu de la forte valeur de cet écart (environs 10200cm-1). 3 Dispositifs expérimentaux 3.1 Mesures Raman L'excitation est réalisée à l'aide d'un rayonnement à 514,5nm provenant d'un laser à Argon (Spectra Physics Modèle 2030). L'enregistrement a été réalisé sur le rayonnement diffusé à 180° par un spectromètre DILOR micro-Raman Labran confocal équipé d'objectifs x10, x50 et x100 et d'une caméra CCD en détection. La diffusion Rayleigh est éliminée à l'aide d'un filtre de Notch holographique. Les spectres ont été enregistrés pour différentes polarisations du rayonnement incident et diffusé et ce, à température ambiante. 3.2 Mesures en infrarouge lointain (400 – 3000cm-1) Les mesures ont été effectuées sur un spectromètre infrarouge à transformée de Fourier (IRTF) Equinox 55 (Bruker) avec comme séparatrice une lame multicouche de KBr. L'appareillage a été utilisé en réflexion diffuse sur un mélange de poudre et de KBr. 3.3 Mesures d'absorption Seul le borate Li6Y(BO3)3 a fait l'objet d'une croissance cristalline, nécessaire pour les mesures d'absorption en transmission (les conditions expérimentales seront données dans le chapitre IV). Ces mesures ont été réalisées sur un spectrophotomètre à double faisceau CARY 5000 UV-VIS-NIR. Une attention particulière a été portée au choix du pas de la mesure en fonction de la largeur de la bande passante en détection afin de ne pas élargir artificiellement les spectres. itre II spectroscop de l'ion Yb3+ dans l'infrarouge 3.4 Mesures d'émission - excitation Les spectres ont été réalisées sur les poudres dont la synthèse a été présentée précédemment (§ I – 3). Ils ont été enregistrés sur un spectrofluorimètre Edinburgh Instrument FL900CDT équipé d'un monochromateur M30 en émission suivi d'un détecteur au germanium AD 403L. Le rayonnement visible a été enregistré, quant à lui, sur un photomultiplicateur Hamamatsu R955. Deux sources d'excitation ont été utilisées : une lampe xénon pour une excitation dans la bande de transfert de charge ou un jeu de diodes fibrées Profile Laser 2000 permettant des excitations à 932nm et à 980nm. Pour les mesures à basse température, le spectrofluorimètre a été équipé d'un cryostat Oxford à hélium liquide pompé en dynamique sous vide secondaire. 3.5 Spectroscopie résolue en temps et durées de vie Un nouveau montage expérimental a été mis en oeuvre afin d'avoir la possibilité de réaliser de la spectroscopie résolue en temps dans l'infrarouge. Le principe de la manipulation est le suivant : le déclin de la fluorescence est enregistré à travers un monochromateur pour une longueur d'onde en émission. Le stockage de tous les déclins pour chaque longueur d'onde sur un ordinateur permet par la suite de recréer des spectres d'émission en prenant l'intensité mesurée à un temps donné pour chaque longueur d'onde. L'avantage de ce montage est de fournir deux informations pour une seule série de mesures : l'évolution des spectres d'émission dans le temps ainsi que la durée de vie pour plusieurs longueurs d'onde. La source excitatrice accordable est un laser YAG : Nd 10Hz (Continuum – Surelite) pompant un OPO (S/H 355, GWU Lasertechnik). La fluorescence est enregistrée à travers un monochromateur HR 640 (Jobin – Yvon) couplé à un détecteur germanium ADC 403 HS. Le signal est alors récupéré par un oscilloscope (Waverunner LT342 – LeCroy) relié à un ordinateur qui permet également de piloter tout le dispositif. Le détail de la mise en oeuvre de ce montage est décrit en annexe A2. 62 Chapitre II : Etude spectroscopique de l'ion Yb3+ dans l'infrarouge 4 Résultats expérimentaux 4.1 Etude par spectroscopie Raman et infrarouge lointain (400 – 3000cm-1) La spectroscopie Raman a été réalisée au LPCM en collaboration avec le Dr. M. Couzi. Cette technique d'analyse est basée sur l'excitation de modes de vibration de la matrice par interaction d'un rayonnement non absorbé avec la matière : il s'agit de la diffusion. Cette diffusion peut résulter de collisions élastiques avec conservation de l'énergie des photons et observation de la diffusion Rayleigh (cas le plus probable) ou de collisions inélastiques dans le cas de la diffusion Raman. Les photons incidents peuvent, dans ce cas, acquérir (processus Raman anti – Stokes) ou perdre (processus Raman Stokes) de l'énergie provenant ou étant cédée à la matrice sous forme de vibrations (figure II – 3). Niveau virtuel Niveau virtuel hν Niveau virtuel hν Raman anti - Stokes Rayleigh Raman Stokes Figure II – 3 : Représentation de la diffusion Rayleigh et de la diffusion Raman. Les spectres ont été réalisés sur un monocristal pour le Li6Y(BO3)3 orienté selon les axes principaux (X,Y,Z) dont la synthèse et la technique d'orientation seront développées dans le chapitre IV. La possession d'un cristal permet d'effectuer des mesures plus complètes et donc de mener une étude plus détaillée que dans le cas d'une poudre, comme c'est le cas pour les deux oxyborates. Les mesures de spectroscopie infrarouge ont été réalisées en réflexion diffuse à partir de cristal broyé pour le borate et de poudres dopées avec 1% d'ytterbium pour les deux oxyborates. 4.1.1 Dénombrement des modes de vibration 4.1.1.1 Le borate Li6Y(BO3)3 et l'oxyborate LiY6O5(BO3)3 La structure cristalline de ces deux composés est constituée de triangles (BO3)3- dont les liaisons O – B sont très covalentes. Lors du dénombrement des modes de vibrations, ces triangles sont donc considérés comme des entités à part entière, les ions lithium et yttrium étant considérés en tant que sphères. Le dénombrement est fait par étape : tout d'abord l'étude des modes internes des triangles (BO3)3- puis l'étude de leurs modes externes et ceux des ions lithium, yttrium et/ou oxygène. Les deux composés cristallisant selon le même groupe d'espace, les considérations de symétrie pour le dénombrement des modes de vibration des groupements (BO3)3- sont les mêmes et conduisent au même résultat. Le groupement (BO3)3- possède une symétrie D3h lorsqu'il est isolé dont seules les représentations irréductibles A1′, A2′′ et E ′ sont représentées par les modes de vibration ν1, ν2, ν3 et ν4 comme le montre la figure II – 4[18]. + + - + ν2 ( A2′′ ) Acti f en IR ν1 ( A1′ ) Actif en Raman ν3 ( E ′ ) Actif en IR et en Raman ν4 ( E ′ ) Actif en IR et en Raman Figure II – 4 : Modes de vibrations du groupement (BO3)3- isolé. Le nombre de vibrations de ce groupement est de 3N – 6 = 6 (N = 4), avec une seule vibration pour les modes ν1 et ν2 et deux pour chacun des modes ν3 et ν4 qui sont doublement dégénérés. La considération de ce groupement au sein du cristal abaisse la symétrie à C1 (à cause de légères déformations) avec une seule représentation irréductible A, mais multiplie par 3 le nombre de modes de vibrations (6x3=18) car il y a trois entités par unité formulaire pour chaque composé. L'abaissement de symétrie rend possible des transitions qui ne l'étaient pas selon la méthode de mesure. Ainsi en spectroscopie infrarouge et Raman, les quatre modes de vibration ν1, ν2, ν3 et ν4 sont observés. Cependant, du fait de leur caractère interdit, les modes ν1 et ν2 sont de faible intensité respectivement en spectroscopie infrarouge et Raman. Enfin, la symétrie de la maille étant C2h (car elle appartient au groupe d'espace P21/c), elle possède quatre représentations irréductibles : Ag, Bg, Au et Bu, dont seules les deux premières sont actives en spectroscopie Raman. Il y aura donc 18 modes de vibration pour chaque représentation irréductible. Ce raisonnement est repris dans le tableau II – 1. Tableau II – 1 : Dénombrement des modes de vibration du groupement (BO3)3- au sein des matrices Li6Y(BO3)3 et LiY6O5(BO3)3. Symétrie de (BO3)3isolé Symétrie de la maille D3 h C1 x 3 C2h A′1 ν1 A2′ E′ 3ν1, 3ν2, 6ν3, 6ν4 Bg 3ν1, 3ν2, 6ν3, 6ν4 Au 3ν1, 3ν2, 6ν3, 6ν4 Bu 3ν1, 3ν2, 6ν3, 6ν4 B 2ν3, 2ν4 A1′′ A′′2 Ag A (ν1, ν2, 2ν3, 2ν4) x 3 B ν2 E ′′ L'étude des modes externes consiste à considérer les translations et rotations des entités évoquées précédemment. Dans le cas du borate, il y a donc trois translations et trois rotations possibles pour les triangles (BO3)3- et seulement trois translations pour les ions lithium et yttrium car ils sont considérés de symétrie sphérique. Ces translations et rotations doivent être multipliées par le nombre d'entités par unité formulaire, c'est-à-dire 3 pour le groupements borate, 6 pour le lithium et 1 pour l'yttrium. Une fois tous ces modes pris en compte, il faut retrancher 3 modes correspondants aux modes acoustiques. De la même manière que précédemment, la considération de la symétrie de la maille conduit aux quatre représentations irréductibles Ag, Bg, Au et Bu (tableau II – 2). Au vu du nombre élevé de vibrations de ces modes externes (36) B il ne sera pas possible de les attribuer. Néanmoins, les vibrations de liaisons de type métal oxygène ont été indexées dans le cas de composés organo-métalliques entre 370cm-1 et 520cm-1[19]. Nous considèrerons donc que les modes de vibration présents au-dessous de l'infrarouge 500 cm-1 correspondent aux modes externes de translation de rotation des triangles (BO3)3et ceux des ions lithium, yttrium et/ou oxygène. Tableau II – 2 : Dénombrement des modes de vibration externes de la matrice Li6Y(BO3)3 (T : translation, R : rotation). Symétrie de la maille C1 C2h (BO3)3- x 3 Li x 6 Ag A (3T, 3R) x 3 3T x 6 (BO3)3- Li Y (9T, 9R) 18T 3T (9T, 9R) 18T 3T (9T, 9R) 18T 3T (9T, 9R) 18T 3T Y x1 3T x 1 Bg B Au Bu B Le même calcul peut être réalisé pour l'oxyborate et aboutit à 51 modes externes. De la même manière, nous ne tenterons pas de les attribuer. Enfin, pour le borate, les mesures ayant été effectuées sur un cristal orienté selon les axes principaux X,Y et Z, tous les spectres, avec les différentes polarisations du faisceau excitateur et diffusé, ont été enregistrés. Les deux représentations irréductibles Ag et Bg peuvent alors être discriminées suivant la mesure car elles ne sont actives que pour certaines valeurs du tenseur Raman (figure II – 5). En revanche le composé LiY6O5(BO3)3 n'ayant pas fait l'objet d'une synthèse cristalline, les mesures ont été effectuées sur poudre et aucune différentiation entre modes de type Ag et Bg ne peut donc être réalisée. ⎛ XX ⎜ ⎜ YX ⎜ ZX ⎝ XY YY ZY XZ ⎞ ⎟ YZ ⎟ ZZ ⎟⎠ Figure II – 5 : Tenseur Raman et polarisations correspondant aux représentations irréductibles Ag (en noir) et Bg (en rouge). 4.1.1.2 L'oxyborate Y17,33(BO3)4(B2O5)2O16 Ce matériau présente la particularité d'être composé de deux types de groupements borates : (BO3)3- et (B2O5)4- (ce dernier groupement est représenté par l'association de deux triangles reliés par un oxygène). Les spectres sont donc composés des modes de vibrations propres aux (BO3)3- et (B2O5)4-. Cependant, l'application du calcul précédent à ce composé, à savoir le nombre d'entités formulaires de chaque groupement multiplié par le nombre de modes internes, donne un total de 54 modes de vibration (24 pour le (BO3)3- et 30 pour le (B2O5)4-). Il est donc inutile d'effectuer un dénombrement précis, car l'attribution de ces modes de vibration va se révéler très complexe. D'autre part, il apparaît dans la littérature[20] que certains modes de vibration des groupements (BO3)3- et (B2O5)4- sont situés à la même énergie. Ainsi seule une étude qualitative, proche de celle déjà menée pour ce composé[21] est appliquée ici. 4.1.2 Résultats des mesures de spectroscopie vibrationnelle 4.1.2.1 Le borate Li6Y(BO3)3 Seuls les spectres Raman les plus représentatifs et présentant le meilleur rapport signal sur bruit sont présentés (figure II – 6). La dénomination des spectres se fait en plaçant entre parenthèses la direction de la polarisation du faisceau incident puis diffusé et de chaque coté de ces parenthèses la direction du faisceau incident et diffusé. Ainsi la mesure Y(ZX)-Y correspond à un faisceau excitateur se propageant selon l'axe Y et de polarisation selon Z et un faisceau diffusé selon le même axe Y (le moins signifie la mesure est faite en rétrodiffusion) et polarisé selon l'axe X. itre II l ion Yb3+ dans l'infrarouge ν1 Ag Z(XX)-Z 15000 7000 ν4 5000 ν3 ν2 I (U.A.) 10000 I (U.A.) I (U.A.) 0 50000 40000 30000 20000 10000 0 200 15000 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600 Bg Z(XY)-Z 6000 5000 4000 ν1 ν4 3000 2000 Ag Z(YY)-Z 0 5000 200 400 600 800 600 800 1000 1200 1400 1600 1000 1200 1400 1600 Bg X(ZY)-X 4000 400 ν3 1000 I (U.A.) I (U.A.) 20000 3000 2000 1000 10000 Ag X(ZZ)-X 0 200 5000 400 600 800 1000 1200 1400 1600 -1 Nombre d'onde (cm ) 0 200 400 600 800 1000 1200 -1 1400 1600 -1 Nombre d'onde Nom bre d'onde (cm(cm ) ) Figure II – 6 : Spectres Raman du composé Li6Y(BO3)3 : Yb3+ dopé 26%. L'attribution des différents modes internes des groupements borates a été réalisée par comparaison avec la position de ceux du composé LaBO3[20]. Il est apparu lors des mesures que, dans certains cas, toutes les transitions pouvaient être attribuées. Cependant, bien qu'au sein d'une même représentation irréductible tous les spectres ne présentent pas le même nombre de raies, leurs positions restent les mêmes. De fortes différences peuvent être observées entre les représentations Ag et Bg. L'intensité des modes de type ν2 est plus faible voire inexistante que celles des modes ν1, ν3 et ν4 car, comme il a été vu dans le dénombrement des modes de vibration, ceux-ci sont en théorie interdits en spectroscopie Raman. La spectroscopie infrarouge a été réalisée sur poudre par réflexion diffuse d'un mélange de KBr et de cristal broyé (figure II – 7). Chapitre II : Yb3+ dans l'infrarouge 100 Ré flexion (%) 80 60 ν1 40 0 1600 ν2 ν3 20 1400 1200 1000 800 600 400 -1 Figure II – 7 : Spectre infrarouge du composé Li6Y(BO3)3 : Yb3+ dopé 26%. Sur ce spectre, trois modes sont identifiés. L'intensité des modes de type ν1 est plus faible que celle des modes ν2 et ν3, ce qui était attendu comme dans le cas des modes de type ν2 en Raman. Les modes de type ν4 sont difficilement attribuables compte tenu de la présence des modes externes de la matrice. Les valeurs obtenues par les deux techniques sont résumées dans le tableau II – 3. Tableau II – 3 : Energie des modes de vibration des groupements (BO3)3- au sein de la matrice Li6Y(BO3)3. Energie des modes de vibration (cm-1) ν1 Raman ν2 IR 944 963 Bg B 967 Raman 939 766 1345 784 1400 752 781 968 944 IR ν4 IR 1295 917 Ag Raman ν3 751 1425 1214 1230 1300 Raman IR 625 1226 650 1280 670 1303 1344 636 580 655 69 Chapitre II : Etude spectroscopique de l'ion Yb3+ dans l'infrarouge 4.1.2.2 L'oxyborate LiY6O5(BO3)3 Les spectres Raman et infrarouge réalisés sur poudre avec un taux de dopage en ytter bium de 1% sont présentés sur la figure II – 8. 1600 1400 100 a) ν1 b) 80 Réflexion (%) ν3 ν2 ν4 400 60 ν1 40 20 0 200 400 600 800 0 1600 ν2 ν3 200 1400 1200 1000 800 ν4 ? 600 400 -1 -1 Figure II – 8 : Spectres Raman (a) et infrarouge (b) du composé LiY6O5(BO3)3 : Yb3+ dopé 1%. L'analyse des spectres est similaire au cas du borate. Les vibrations observées audessous de 500cm-1 sont propres aux modes externes de la matrice. Dans le cas du spectre Raman, les modes de type ν4 apparaissent clairement tandis que sur le spectre infrarouge, ils sont plus difficilement attribuables. Cependant, deux transitions associées à ce mode de vibration en Raman paraissent faibles en énergie (517cm-1 et 530cm-1), c'est pourquoi des réserves sont émises quant à leur attribution. Les modes de vibration de type ν1 et ν2, interdits respectivement en infrarouge et en Raman sont tout de même observés mais avec des intensités faibles de la même manière que pour le borate. Les valeurs obtenues sont reprises dans le tableau II – 4. Tableau II – 4 : Energie des modes de vibration des groupements (BO3)3- au sein de la matrice LiY6O5(BO3)3. ν1 70 Raman IR 935 950 937 Energie des modes de vibration (cm-1) ν2 ν3 Raman IR Raman IR 1197 746 1250 775 777 1292 1300 795 1360 ν4 Raman 517 (?) 530 (?) 570 593 IR 629 652 Chapitre II : Etude spectroscopique de l'ion Yb3+ dans l'infrarouge 4.1.2.3 L'oxyborate Y17,33(BO3)4(B2O5)2O16 De la même manière que pour l'autre oxyborate, les spectroscopies Raman et infrarouge ont été réalisées sur poudre avec un taux de dopage en ytterbium de 1% (figure II – 9). 1000 a) 100 b) 80 ν1 (BO3)3- 600 Réflexion (%) 800 νs (BO2)400 200 60 40 νs (BO2)- 20 0 200 400 600 800 0 1600 1400 1200 1000 νs (BOB) 800 600 400 -1 -1 Figure II – 9 : Spectres Raman (a) et infrarouge (b) du composé Y17,33(BO3)4(B2O5)2O16 Yb3+ dopé 1%. Les spectres Raman et infrarouge de ce composé présentent une vibration intense caractéristique des groupements (BO3)3- observée pour les deux autres composés (915cm-1 et 925cm-1 (ν1)). Des bandes d'absorption propres au groupement (B2O5)4- apparaissent, telles que la bande correspondant à l'étirement (B-O-B) à 858cm-1 sur le spectre infrarouge ainsi que celle des (BO2)2- à 1054cm-1 sur les deux spectres. Les transitions associées précédemment aux modes issus de ν2 (autour de 760cm-1), ν3 (autour de 1300cm-1) et ν4 (autour de 600cm-1) sont présentes mais superposées avec des modes liés au groupement (B2O5)4- et ne peuvent donc plus être attribuées avec précision. Pour conclure, le dénombrement et l'attribution des modes de vibration des groupements (BO3)3- ont pu être réalisés pour le borate Li6Y(BO3)3 et l'oxyborate LiY6O5(BO3)3. En revanche, le grand nombre de modes liés aux groupements (BO3)3- et (B2O5)4- dans l'oxyborate Y17,33(BO3)4(B2O5)2O16 et la superposition de ceux-ci en énergie nous a limité à une étude qualitative. Cette étude atteste néanmoins de la présence de ces deux groupements dans ce composé. 4.2 Etude de la luminescence 4.2.1 Spectres d'émission Les spectres d'émission des trois matrices ont été réalisés pour un taux de substitution de 1% en ytterbium à température ambiante en excitant dans le niveau 2F5/2 (figure II – 10). La plus faible concentration a été choisie pour tenter de s'affranchir de phénomènes parasites tels que la réabsorption. 1,0 1,0 a) 0,8 0,8 b) 0,6 0,4 0,6 0,4 0,2 0,2 0,0 960 980 1000 1020 1040 1060 1080 0,0 950 1,0 975 1000 1025 1050 1075 1100 1125 1150 c) 0,8 0,6 0,4 0,2 0,0 975 1000 1025 1050 1075 1100 1125 1150 Figure II – 10 : Spectres d'émission des composés Li6Y(BO3)3 : Yb3+ 1% (a), LiY6O5(BO3)3 : Yb3+ 1% (b), et Y17,33B8O38 : Yb3+ 1% (c) à température ambiante (λex=932nm). B Le borate possède une émission allant de 960nm à 1060nm. Une transition intense à 972nm est suivie par une émission d'intensité relativement constante sur le reste du spectre. Bien que les transitions électroniques ne soient pas définies, des modulations dans l'intensité du spectre sont toutefois visibles à 1025nm et 1040nm. L'oxyborate LiY6O5(BO3)3 présente le même type de spectre mais cette fois-ci, trois raies intenses sont observables à 972,3nm, 974,4nm et 976,5nm. A plus fortes longueurs d'onde, l'intensité d'émission décroît progressivement jusqu'à 1100nm avec toutefois la présence à 1030nm de transitions un peu plus intenses. Enfin, pour l'oxyborate Y17,33B8O38, la transition située autour de 983nm est B constituée d'une série de raies à 980nm, 983nm et 986nm. De la même manière que pour l'autre oxyborate, l'intensité au-delà de cette transition décroît jusqu'à 1110nm avec une transition plus intense à 1016nm. Des quatre transitions principales émanant du niveau 5 du multiplet 2F5/2 attendues, seule la transition la plus énergétique est réellement identifiable. Elle se situe autour de 975nm pour les trois composés. La multiplicité des transitions observées pour les deux oxyborates est le reflet de la présence de plusieurs sites d'accueil pour l'ytterbium dans ces matrices. En effet, les différences entre les champs cristallins locaux conduisent à un éclatement des niveaux Stark différent et donc à des transitions optiques légèrement décalées les unes par rapport aux autres. Le reste du spectre ne peut pour l'instant être interprété dû à l'élargissement des raies (couplage électron – phonon) et à la présence d'autres transition que celles du niveau 5 à température ambiante. 4.2.2 Le phénomène de réabsorption Comme il a été dit précédemment, il existe un recouvrement entre les spectres d'absorption et d'émission de l'ytterbium. En raison de la population thermique non négligeable des niveaux Stark (figure II – 11), un rayonnement émis peut alors être réabsorbé. Ce phénomène induit des modifications des spectres d'émission avec une diminution apparente de l'intensité des raies les plus sensibles (niveaux proches de l'énergie d'absorption) et par voie de conséquence une augmentation de celles à plus faible énergie (où l'absorption est minimale). Chapitre II : Etude spectroscopique de l'ion Yb3+ dans l'infrarouge 2 F5 2 F7/2 Yb 3+ Yb3+ Yb3+ Figure II – 11 : Représentation du phénomène de réabsorption entre ions Yb3+. Ce phénomène peut être mis en évidence de deux manières : par le choix de la longueur d'onde d'excitation et par la concentration. 4.2.2.1 Influence de la longueur d'onde d'excitation Il a été dit dans le chapitre précédent qu'une excitation à 230nm donnait lieu à une désexcitation non radiative sur le niveau 2F5/2 de l'ytterbium dans le cas du borate. Il est donc possible d'obtenir deux spectres d'émission en excitant soit dans la bande de transfert de charge (à 230nm) soit directement dans le niveau 2F5/2 de l'ytterbium. Le coefficient d'absorption étant beaucoup plus fort pour la bande de transfert de charge que pour les niveaux 4f, un rayonnement excitateur dans l'ultraviolet pénètrera moins dans le matériau qu'un rayonnement infrarouge. L'émission sera alors issue d'ions proches de la surface dans le cas d'une excitation à 230nm et sera moins sujette à la réabsorption par rapport à une excitation à 932nm. Pour bien mettre en évidence ce phénomène, une forte concentration en dopant a été choisie. Cependant, pour de fortes concentrations, le rapport signal sur bruit dans le cas des oxyborates sous excitation à 230nm devient faible et la comparaison perd de sa validité, c'est pourquoi seul le cas du borate est présenté (figure II – 12). 74 Chapitre II : Etude spectroscopique de l'ion Yb3+ dans l'infrarouge 1,0 λex = 230nm λex = 932nm 0,8 0,6 0,4 0,2 0,0 900 950 1000 1050 1100 Figure II – 12 : Spectres 'émission du borate Li6Y(BO3)3 : Yb3+ 20% en fonction de la longueur d'onde d'excitation. Une forte différence est observée entre ces deux spectres : à 972nm, l'intensité de l'émission infrarouge issue d'une excitation dans l'ETC est nettement plus intense que celle pour une excitation dans le niveau 2F5/2. A plus grande longueur d'onde (1040nm) c'est le phénomène inverse qui est observé. Ceci reflète bien que le rayonnement issu d'une excitation à 230nm (correspondant à une absorption de surface) est moins sujet à la réabsorption qu'un rayonnement issu d'une excitation à 932nm. Les spectres d'émission sont-ils donc plus proches de la réalité dans le cas d'une excitation dans l'ETC plutôt que dans le cas d'une excitation dans le niveau 2F5/2? La réponse dépend de l'information recherchée : dans le premier cas les spectres seront plus représentatifs d'ions isolés, dans le second cas, le rôle de l'environnement de cet ion est plus pris en compte. 4.2.2.2 Influence de la concentration Le phénomène de réabsorption est également sensible à la concentration. En effet, la probabilité pour un rayonnement émis au sein du matériau de rencontrer un ion ytterbium est plus grande lorsque leur concentration augmente. Ceci est illustré sur la figure II – 13 qui montre l'exemple du borate Li6Y(BO3)3 : Yb3+, sous excitation à 932nm. : ique de l'ion Yb3+ dans l'infrarouge 20% 50000 50% Intensité (U.A.) 40000 30000 2% 20000 1% 10000 0 960 980 1000 1020 1040 1060 1080 1100 Figure II – 13 : Influence de la réabsorption sur les spectres d'émission du borate Li6Y(BO3)3 : Yb3+ en fonction du taux de substitution (λex=932nm). Pour les oxyborates, une excitation dans l'ETC n'étant pas appropriée pour les fortes concentrations (faible rapport signal sur bruit), la même manipulation a été réalisée mais pour une excitation à 932nm. Cependant les spectres étant complexes (notamment à 980nm) la représentation directe des spectres d'émission n'est pas facilement interprétable. Nous avons donc préféré représenter le rapport de l'intensité de la transition à 980nm sur celle à 1030nm pour LiY6O5(BO3)3 : Yb3+ et celle à 1016nm pour Y17,33B8O38 : Yb3+ (figure II – 14). En effet B la transition autour de 980nm est plus sujette à la réabsorption que celles situées à plus fortes longueurs d'onde car il s'agit de la transition vers le niveau Stark fondamental (niveau le plus peuplé). Taux de substitution en Yb (%) Figure II – 14 : Evolution du rapport des intensités ⎛ I (980nm) ⎞ pour l'oxyborate ⎜ ⎟ ⎝ I (1030nm) ⎠ LiY6O5(BO3)3 : Yb3+ (■) et ⎛ I (980nm) ⎞ pour l'oxyborate Y17,33B8O38 : Yb3+ (▲) en fonction du ⎜ ⎟ ⎝ I (1016nm) ⎠ B taux de substitution (λex=932nm). L'augmentation de l'intensité des transitions situées aux fortes longueurs d'onde (et notamment à 1040nm) pour le borate lorsque la concentration en ytterbium augmente est très nette. Cette augmentation se fait au détriment de celle de la transition à 972nm, plus sujette à la réabsorption. Le même phénomène est mis en évidence dans le cas des oxyborates par la diminution du rapport des intensités de courtes longueurs d'onde sur celle de grandes longueurs d'onde. Nous avons donc étudié les deux paramètres (longueur d'onde d'excitation et concentration) jouant sur le phénomène de réabsorption. Celui-ci doit donc être pris en compte par la suite en fonction des conditions expérimentales. 4.2.3 Attribution des niveaux d'énergie 4.2.3.1 Le borate Li6Y(BO3)3 :Yb3+ Les spectres d'absorption et d'émission réalisés à basse température sur ce composé présentent des raies fines avec néanmoins quelques zones peu résolues (figure II – 15). Le spectre d'absorption a été réalisé sur un cristal avec un taux de dopage de 26% (voir synthèse 77 Chapitre II : Etude spectroscopique de l'ion Yb3+ dans l'infrarouge chapitre IV) et le spectre d'émission sur une poudre dopée avec 1% d'ytterbium. Il n'y a qu'un seul site d'accueil pour la terre rare. A maximum trois raies sont donc attendues en absorption et quatre en émission. 1,0 Absorption 0,8 0,6 1→5 0,4 0,2 0,0 1,0 0,8 Emission 900 925 950 975 1000 1025 1050 1075 1100 Figure II – 15 : Spectres d'absorption et d'émission du borate Li6Y(BO3)3 : Yb3+ à 12K et 10K respectivement. La transition à 972nm (10288cm-1) est attribuée à la transition 1 → 5 (pour l'absorption). Il s'agit de la raie « zéro – phonon » commune aux deux spectres d'absorption et d'émission à basse température. Elle est située à une valeur comparable à ce qui est reporté dans la littérature. Une fois cette transition identifiée, il est possible de comparer les spectres d'émission et d'absorption aux spectres Raman (figure II – 16). L'origine des énergies est prise à partir de cette transition et les spectres d'absorption et d'émission sont gradués en énergie croissante et décroissante respectivement. i. Attribution des raies à partir du spectre d'absorption à basse température La raie de plus forte énergie est attribuée à la transition 1 → 7 car elle ne correspond à aucun mode de vibration et qu'il s'agit de la transition la plus énergétique. L'attribution de la transition 1 → 6 est, quant à elle, moins évidente. En effet, bien qu'il y ait une raie à 194cm-1 au-dessus de la transition zéro – phonon, elle correspond à un mode de vibration intense de type Ag. De la même manière, l'épaulement situé à 290cm-1 correspond à une vibration de type Bg. Enfin, d'une manière plus générale, c'est toute la zone d'absorption entre 175cm-1 et 350cm-1 qui est sujette à caution car elle correspond à une série de vibrations Raman. Nous dans l'infrarouge dénommerons les deux positions proposées pour la transition 1 → 6 (194cm-1 et 290cm-1 respectivement) A et B. Ag : x(zz)-x Bg : z(yx)-z 0 200 Raman (290K) A 400 600 800 1→7 B 1→5 0 Absorption (10K) 200 400 600 800 Ag : x(zz)-x Bg : z(yx)-z 0 Raman (290K) 200 400 600 800 5→4 5→3 5→2 5→1 0 Emission (10K) 200 400 600 800 Figure II – 16 : Spectres d'absorption, d'émission et de diffusion Raman du borate Li6Y(BO3)3 : Yb3+. ii. Attribution des raies à partir des spectres d'émission à basse température L'attribution des niveaux d'énergie est, en revanche, beaucoup plus évidente pour le spectre d'émission (figure II – 16) : les trois raies les plus intenses ne correspondent à aucun mode de vibrations Raman. Elles sont donc attribuées aux transitions 5 → 2, 5 → 3 et 5 → 4 à des énergies plus faibles, respectivement de 367cm-1, 507cm-1 et 676cm-1, que la transition l'infrarouge → 1. De la même manière que pour le spectre d'absorption, toute la zone entre 175cm-1 et 350cm-1 présente des émissions vibroniques qui apparaissent même à 10K. L'étude des spectres d'absorption et d'émission du borate à basse température couplée à celle des modes de vibrations Raman a donc permis d'identifier pratiquement toutes les transitions électroniques de ce matériau. L'influence du couplage électron – phonon avec l'ytterbium apparaît clairement sur l'élargissement des raies des transitions dont l'énergie s'éloigne de celle de la zéro – phonon que ce soit à plus forte ou plus basse énergie. Il induit de plus des transitions vibroniques importantes sur une zone des spectres, rendant l'attribution d'une des transitions électroniques (1 → 6) plus délicate. Le calcul des niveaux d'énergie devrait donc nous permettre de trancher quant à la position A ou B de cette transition. iii. Simulation des niveaux d'énergie Une simulation des douze transitions associées aux spectres d'absorption et d'émission a été menée pour les deux positions A et B du niveau 6, l'idée étant que leur comparaison avec l'allure des spectres expérimentaux à température ambiante puisse nous permettre de trancher sur le choix de l'énergie du niveau 6. L'intensité des transitions d'un niveau Stark i a été affectée du facteur de population thermique de Boltzmann selon l'équation : ⎛ E − Ei ⎞ exp ⎜ 0 ⎟ ⎝ kT ⎠ fi = ⎛E −E ⎞ ∑i exp ⎜⎝ 0kT i ⎟⎠ Eq. II – 2 avec : - E0 (cm-1) l'énergie du niveau Stark fondamental du multiplet considéré (E0 = 0cm-1 pour le niveau 2F7/2 et 10288cm-1 pour 2F5/2), - Ei (cm-1) l'énergie du niveau Stark considéré, - k, la constante de Boltzmann, - T (K) la température. La somme est effectuée sur un même multiplet. La comparaison des positions des raies avec le spectre d'absorption n'étant pas révélatrice, elle ne sera pas présentée. Le résultat des deux calculs réalisé sur l'émission est représenté sur la figure II – 17. Le calcul associé à la proposition A est en bon accord avec l' observation. Les transitions associées sont reportées dans le tableau II – 5. En revanche, la simulation avec la position B 80 Chapitre II : Etude spectroscopique de l'ion Yb3+ dans l'infrarouge n'est pas totalement compatible avec le spectre d'émission expérimental. La population thermique du niveau 6 à température ambiante doit nécessairement donner lieu à des raies d'émission or la simulation de la transition → 2 dans le cas B est placée dans une zone de faible intensité, au pied de la transition zéro – phonon. Cette proposition a donc été écartée. 1,0 a) 10K 295K 2 7 10811 cm-1 F5/2 6 10482 cm-1 5 10288 cm-1 0,8 0,6 6→2 2 F7/2 0,4 4 3 2 1 0,2 0,0 900 950 1000 1050 1100 1,0 b) 10K 295K 2 0,8 7 10811 cm-1 F5/2 6 10578 cm-1 5 10288 cm-1 0,6 6→2 2 0,4 F7/2 4 3 2 1 0,2 0,0 900 950 1000 1050 1100 Figure II – 17 : Simulation de la position des transitions à partir du niveau 2F5/2, comparées aux spectres d'émission expérimentaux du borate Li6Y(BO3)3 : Yb3+ pour les deux propositions A (a) et B (b) du niveau 6. Un récapitulatif des niveaux d'énergie du borate est donné dans le tableau II – 5. Chapitre II : Etude spectroscopique de l'ion Yb3+ dans l'infrarouge Tableau II – 5 : Niveaux d'énergie de l'ytterbium dans Li6Y(BO3)3 : Yb3+ pour la position A du niveau 6. Energie (cm-1) Position A 2 2 iv. F5/2 F7/2 7 10811 6 10482 5 10288 4 676 3 507 2 367 1 0 Diagramme des barycentres A partir des valeurs déterminées précédemment le barycentre des deux multiplets a été calculé. Il est reporté sur la figure II – 18. Cette position est proche de la droite d'équation : y=10180+0,95x[9, 22] et située légèrement au-dessous. Néanmoins il ressort de ce graphique que l'attribution des niveaux d'énergie conduit à un rapport entre les barycentres qui est 10800 -1 Barycentre du niveau F5/2 (cm ) proche de la valeur théorique prédite par le modèle d'Antic – Fidancev. 10700 YAG Sc2O3 2 CGS YCOB 10600 S-FAP SLG 10500 10400 BaY2F8 CaWO4 KYW CsCdBr3 YLF 10300 100 Li6Y(BO3)3 : Yb3+ YAB Cs3Yb2Br9 200 300 400 2 500 600 -1 Barycentre du niveau F7/2 (cm ) Figure II – 18 : Positionnement dans le diagramme des barycentres du composé Li6Y(BO3)3 : Yb3+ ainsi que d'autres matrices[9, 23]. Chapitre II : Etude spectroscopique de l'ion Yb3+ dans l'infrarouge Le borate Li6Y(BO3)3 : Yb3+ se situe dans une zone du diagramme associée à l'effet du champ cristallin important comparativement à des halogénures. L'éclatement des composantes 4f est cependant plus faible que ce qui a été observé pour le YAG ou le YCOB. 4.2.3.2 Cas des oxyborates Les deux oxyborates n'ayant pas fait l'objet de synthèses par croissance cristalline, les spectres d'absorption en transmission sur cristal n'ont pu être réalisés. Les spectres de transmission effectués sur des pastilles de KBr n'ont pas donné d'informations suffisamment précises pour êtres exploitables. Seuls les spectres d'émission à basse température des deux composés dopés avec 1% d'ytterbium sont donc présentés (figure II – 19). Une étude moins poussée que dans le cas du borate a été menée car les informations disponibles sont moins nombreuses.
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1 0 11 0 7 0 1 2 0 0 1 72 24 1 0 56 0 60 0 0 4 3 3 11 43 19 12 0 54 0 48 0 3905A1016 IT0001069902 IT0003492391 IT0004249329 IT0001077780 IT0004711203 IT0004251689 IT0003127898 IT0001976403 IT0003690283 IT0001413837 IT0001237053 IT0004269327 IT0004147952 IT0003007728 IT0003676282 IT0001223277 IT0004240443 IT0001157020 IT0003025019 IT0004356751 25201020 15101030 35101010 25203010 20104010 30302010 20103010 20103010 25102010 20102010 2510 25201040 55104010 35202010 25203020 10102040 20104010 25203010 10102030 25203030 30302010 NATUZZI ISAGRO DIASORIN DAMIANI IRCE BIOERA MAIRE TECNIMONT VIANINI FIAT CERAMICHE RICHETTI IMMSI EMAK ACQUE POTABILI NEWRON TOD'S PREMUDA BEGHELLI PIQUADRO ERG CALEFFI ENERVIT 14 5 0 3 4 0 3 5 141 14 3 54 5 0 11 13 0 4 93 10 0 4 0 0 1 2 0 0 2 16 2 0 10 1 0 1 2 0 0 4 1 0 3 0 0 0 2 0 1 2 16 4 0 4 0 0 1 3 0 0 10 1 0 3 0 0 0 0 0 0 0 73 6 0 27 0 0 5 1 0 0 56 2 0 1 2 0 0 0 0 0 0 9 0 0 2 1 0 0 2 0 0 6 0 0 2 3 0 0 0 0 0 0 14 1 2 11 1 0 4 2 0 2 8 4 0 1 0 0 2 0 0 2 1 7 1 1 0 2 0 0 3 0 1 5 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 6 0 0 0 0 0 0 0 1 4 1 0 4 2 0 0 0 0 0 0 82 6 0 29 1 0 5 3 0 0 62 2 0 10 3 0 3 4 0 3 5 59 8 3 25 4 0 6 10 0 4 31 8 0 PTMFR0AM0003 PTORE0AM0002 PTSEM0AM0004 PTCOR0AE0006 PTS3P0AM0017 PTCDU0AE0003 20103010 20303010 15105020 15105010 15105010 20103010 MARTIFER OREY ANTUNES SEMAPA AMORIN SONAE CONDURIL 15 0 32 78 34 5 2 0 4 11 7 1 1 0 8 11 5 0 10 0 6 39 14 2 0 0 5 2 3 2 1 0 2 8 3 0 0 0 1 2 2 0 1 0 6 5 0 0 10 0 11 41 17 4 5 0 21 37 17 1 FR0000120321 FR0004048734 FR0000131757 FR0000036857 FR0011027143 30302010 25203010 15104020 15101010 20104020 L'OREAL MONTAIGNE ERAMET SIPH AREVA 105 1 94 5 88 12 0 12 0 10 17 0 13 1 11 56 0 40 2 39 1 0 10 0 2 11 1 10 1 12 2 0 2 1 3 6 0 7 0 11 57 0 50 2 41 48 1 44 3 47 FR0000051377 FR0000121725 FR0000032278 US3384881096 FR0010907956 FR0000071904 FR0010304402 FR0004152882 FR0000035164 FR0000130692 FR0000121014 FR0000033888 FR0000062994 FR0000050353 FR0004032746 FR0004186856 FR0000073272 FR0000125486 FR0010340406 FR0000053829 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3 13 9 2 7 0 6 5 10 6 8 13 12 16 12 6 3 0 10 3 2 3 3 0 2 0 3 0 2 2 2 3 3 3 0 4 3 4 1 2 3 4 7 6 4 0 2 2 2 3 9 4 0 0 0 1 0 6 0 13 5 0 5 0 6 7 11 4 6 8 11 9 9 2 2 2 4 2 29 40 26 1 2 27 4 3 27 35 57 24 1 32 0 26 32 44 10 37 59 62 45 49 10 3 18 54 14 16 42 20 0 4 8 8 4 33 17 60 25 6 29 0 23 27 52 16 34 50 49 61 52 17 8 11 31 18 ANNEXE 13 - SCORES EFFAS : TOTAUX, DETAILLES ISIN BE0003839561 BE0003877942 Secteur GICS Entreprise 25203010 VAN DE VELDE 35201010 ABLYNX SCORE EFFAS ISIN Total A3 A4 3 2 1 IT0001069902 0 0 0 IT0003492391 15103010 RESILUX 35201010 THROMBOGENICS 0 0 0 IT0004249329 0 0 0 IT0001077780 30201010 BROUWERIJ 35201010 MDX HEALTH 6 6 0 IT0004711203 0 0 0 IT0004251689 25203030 DIERIG DE000A1EMBS3 35202010 AFKEM 0 0 0 IT0003127898 0 0 0 IT0001976403 DE0006201106 3 3 0 IT0003690283 0 0 0 IT0001413837 0 IT0001237053 1 IT0004269327 3 IT0004147952 BE0003707214 BE0003846632 BE0003519270 BE0003844611 DE0005580005 DE0005773006 DE0007806002 DE0005261606 DE0006305006 DE0007257727 DE0005079909 DE0005066609 DE0007037129 DE000SYM9999 DE0005767909 DE000PAH0038 DE0006599905 DE0007474041 DE0005009708 DE0006757008 20104010 FRIWO 15105010 FORST 25202010 ZAPF 20305030 BLG 0 5 0 4 20106020 DEUTZ 20106020 R STAHL 6 1 0 1 IT0003007728 25201020 AS CREATION 35101010 AAP 0 0 0 IT0003676282 0 0 0 IT0001223277 55103010 RWE 15101050 SYMRISE 38 34 4 IT0004240443 31 31 0 IT0001157020 5 IT0003025019 3 Secteur GICS Entreprise 15101030 ISAGRO 35101010 DIASORIN SCORE EFFAS Total A3 A4 2 0 2 0 0 0 25203010 DAMIANI 20104010 IRCE 0 0 0 0 0 0 30302010 BIOERA 20103010 MAIRE TECNIMONT 0 0 0 0 0 20103010 VIANINI 25102010 FIAT 0 0 0 44 39 5 20102010 CERAMICHE RICHETTI 25102020 IMMSI 2 2 0 0 0 0 25201040 EMAK 55104010 ACQUE POTABILI 18 16 2 1 0 1 35202010 NEWRON 25203020 TOD'S 0 0 0 2 2 0 10102040 PREMUDA 20104010 BEGHELLI 2 0 2 0 0 0 25203010 PIQUADRO 10102030 ERG 0 0 0 34 30 4 0 0 0 0 0 0 55104010 FHW 25102010 PORSCHE 28 6 5 1 IT0004356751 35202010 MERCK 35101020 HARTMANN 42 35 7 8 8 0 13 12 1 PTMFR0AM0003 20103010 MARTIFER PTORE0AM0002 20303010 OREY ANTUNES 0 0 0 PTSEM0AM0004 15105020 SEMAPA PTCOR0AE0006 15105010 AMORIN 5 0 5 28 26 2 25203010 AHLERS 25102010 AUDI 23 0 0 0 16 16 0 25203030 CALEFFI 30302010 ENERVIT DE0005215107 DE0005654933 DE0005176903 DE0005313506 DE0007660821 DE0005254007 DE0005439004 DE0005081608 DE0006614720 DE000A0LR4P1 35101010 BALDA 25201040 EINHELL 3 3 0 PTS3P0AM0017 0 0 0 PTCDU0AE0003 25201020 SURTECO 55105010 ENERGY KONDOR 0 0 0 FR0000120321 0 0 0 FR0004048734 20103010 BAYWA 55101010 ELYKRAFT 1 1 0 FR0000131757 0 0 0 FR0000036857 25101010 CONTINENTAL 25101010 WET (GENTHERM) 28 24 4 FR0011027143 0 FR0000051377 0 FR0000121725 35201010 WILEX 25102010 HWA 0 0 0 0 0 0 0 FR0000032278 10102050 ACAZIS 55101010 LEW 0 0 0 US3384881096 1 0 1 FR0010907956 35101010 DRAGER 25202010 MIFA 25 25 0 FR0000071904 0 0 0 FR0010304402 20301010 DEUFOL DE000SKWM021 15104050 SKW 0 0 0 FR0004152882 0 0 0 FR0000035164 DK0060003556 0 0 0 FR0000130692 0 0 0 FR0000121014 0 FR0000033888 0 FR0000062994 0 FR0000050353 DE000A1C9YF1 DE0006458003 DE0005550636 DE000A0B95Y8 DE0005101505 DK0010272632 DK0010259027 DK0010303619 DK0015312474 35201010 TOPOTARGET 35101010 GN STORE NORD 20303010 DFDS 35101010 AMBU 6 0 6 0 15105010 SONAE 20103010 CONDURIL 10 7 3 4 2 2 30302010 L'OREAL 25203010 MONTAIGNE 33 32 1 0 0 0 15104020 ERAMET 15101010 SIPH 32 24 8 0 0 0 20104020 AREVA 15101010 PLASTIVALOIRE 29 27 2 23 20 3 20101010 DASSAULT 20101010 LATECOERE 26 20 6 16 16 0 35202010 FLAMEL 35101010 CARMAT 1 0 1 2 0 2 15103020 TFF 30302010 MILLET 14 14 0 4 1 3 20301010 CLASQUIN 25202010 BENETEAU 1 1 0 15 14 1 25203030 CHARGEURS 25203010 LVMH 22 21 1 36 30 6 15104050 GEVELOT 25202010 RODRIGUEZ 15 12 3 0 0 0 20106020 LISI 35201010 NEOVACS 21 17 4 0 DK0010025113 20106020 EXPEDIT 20103010 ARKIL 2 1 1 FR0004032746 0 0 0 FO000A0DN9X4 10102020 ATLANTIC PETROLEUM 0 0 0 FR0004186856 35202010 VETOQUINOL 18 16 2 IT0003115950 25201040 DELONGHI 25203010 FEDON 1 0 1 FR0000073272 20101010 SAFRAN 20103010 VINCI 23 20 3 27 23 4 7 6 1 27 22 5 IT0001210050 IT0001351383 IT0004210289 20103010 TREVI 25101010 LANDI 0 0 0 0 FR0000125486 0 0 0 FR0010340406 1 0 1 FR0000053829 20102010 GROUPE VIAL 30202030 LDC IT0003132476 IT0001178299 IT0003849244 IT0000084043 IT0000433307 IT0003217335 IT0003506190 10102010 ENI 15103020 RENO DE MEDI 46 38 8 FR0000121261 13 13 0 FR0000120693 30201020 CAMPARI 20305020 AUTOSTRADE 1 0 1 FR0000031122 0 FR0010307819 8 FR0000074072 0 FR0000120107 10102030 SARAS 25203030 BORGOSESIA 0 35 0 0 27 0 25101020 MICHELIN 30201020 PERNOD RICARD 38 33 5 36 29 7 20302010 AIR France KLM 20104010 LEGRAND 26 20 6 35 33 2 25201010 BIGBEN 30202030 BONGRAIN 9 8 1 0 0 0 12 12 0 33 29 4 12 12 0 35 29 6 FR0000064529 IT0004016504 20305020 ATLANTIA 25203010 ANTICHIPELLETIERI 0 0 0 FR0000130395 20106020 NSC 30201020 REMY COINTREAU IT0001481867 35101010 EL.EN 0 0 0 FR0000065450 20101010 TECNOFAN US63905A1016 25201020 NATUZZI 1 0 Impact de l'environnement réglementaire ANNEXE 14 - SCORES « GRENELLE » : TOTAUX, PAR CATEGORIES, QUANTITATIFS ET DECLARATIFS ISIN Secteur GICS Entreprise Total A1 A2 A3 SCORE Grenelle A4 A5 A6 A7 Quantitatif Déclaratif BE0003839561 BE0003877942 BE0003707214 BE0003846632 BE0003519270 BE0003844611 25203010 35201010 15103010 35201010 30201010 35201010 VAN DE VELDE ABLYNX RESILUX THROMBOGENICS BROUWERIJ MDX HEALTH 3 0 0 0 9 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 2 0 0 0 9 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 3 0 0 0 9 0 0 0 0 0 0 0 DE0005580005 DE000A1EMBS3 DE0006201106 DE0005773006 DE0007806002 DE0005261606 DE0006305006 DE0007257727 DE0005079909 DE0005066609 DE0007037129 DE000SYM9999 DE0005767909 DE000PAH0038 DE0006599905 DE0007474041 DE0005009708 DE0006757008 DE0005215107 DE0005654933 DE0005176903 DE0005313506 25203030 35202010 20104010 15105010 25202010 20305030 20106020 20106020 25201020 35101010 55103010 15101050 55104010 25102010 35202010 35101020 25203010 25102010 35101010 25201040 25201020 55105010 DIERIG AFKEM FRIWO FORST ZAPF BLG DEUTZ R STAHL AS CREATION AAP RWE SYMRISE FHW PORSCHE MERCK HARTMANN AHLERS AUDI BALDA EINHELL SURTECO ENERGY KONDOR 4 0 16 0 1 19 18 2 2 1 86 70 60 27 95 51 1 69 15 0 6 0 0 0 3 0 0 2 6 0 0 0 13 8 6 8 9 10 0 14 5 0 2 0 0 0 6 0 0 1 2 1 0 0 8 9 5 2 8 5 0 10 2 0 2 0 1 0 4 0 0 9 5 0 1 0 51 43 35 11 59 26 0 36 6 0 2 0 0 0 0 0 0 1 3 1 0 0 4 0 5 1 8 1 0 0 0 0 0 0 3 0 1 0 1 6 2 0 1 1 7 6 8 5 7 7 1 7 2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 2 0 0 0 0 0 0 0 3 4 1 0 3 2 0 2 0 0 0 0 1 0 4 0 0 10 8 1 1 0 55 43 40 12 67 27 0 36 6 0 2 0 3 0 12 0 1 9 10 1 1 1 31 27 20 15 28 24 1 33 9 0 4 0 DE0007660821 DE0005254007 DE0005439004 DE0005081608 DE0006614720 DE000A0LR4P1 DE000A1C9YF1 DE0006458003 DE0005550636 DE000A0B95Y8 DE0005101505 DE000SKWM021 20103010 55101010 25101010 25101010 35201010 25102010 10102050 55101010 35101010 25202010 20301010 15104050 BAYWA ELYKRAFT CONTINENTAL WET (GENTHERM) WILEX HWA ACAZIS LEW DRAGER MIFA DEUFOL SKW 14 0 76 4 1 0 3 7 39 1 0 7 1 0 12 2 0 0 0 2 2 0 0 1 2 0 8 2 0 0 0 3 2 0 0 0 6 0 42 0 0 0 0 0 30 0 0 4 0 0 5 0 0 0 0 1 0 0 0 0 7 0 1 0 3 1 5 1 0 2 0 0 2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 6 0 47 0 0 0 0 1 30 0 0 4 8 0 29 4 1 0 3 6 9 1 0 3 DK0060003556 DK0010272632 DK0010259027 DK0010303619 DK0015312474 DK0010025113 FO000A0DN9X4 35201010 35101010 20303010 35101010 20106020 20103010 10102020 TOPOTARGET GN STORE NORD DFDS AMBU EXPEDIT ARKIL ATLANTIC PETROLEUM 1 13 38 12 4 11 7 0 2 12 2 0 3 5 0 3 5 1 0 0 0 0 4 17 6 1 5 0 0 0 0 0 0 1 0 1 3 3 1 2 2 2 0 0 0 0 0 0 0 0 1 1 2 1 0 0 0 4 17 6 1 6 0 1 9 21 6 3 5 7 IT0003115950 IT0001210050 IT0001351383 IT0004210289 IT0003132476 IT0001178299 IT0003849244 IT0000084043 IT0000433307 IT0003217335 IT0003506190 IT0004016504 IT0001481867 25201040 25203010 20103010 25101010 10102010 15103020 30201020 20305020 10102030 25203030 20305020 25203010 35101010 DELONGHI FEDON TREVI LANDI ENI RENO DE MEDICI CAMPARI AUTOSTRADE SARAS BORGOSESIA ATLANTIA ANTICHIPELLETIERI EL.EN 4 2 1 11 101 38 10 0 88 0 88 0 2 0 0 0 5 11 5 5 0 15 0 11 0 0 0 0 0 3 8 5 0 0 4 0 7 0 0 1 0 0 0 61 24 0 0 48 0 53 0 0 1 0 0 1 10 0 1 0 8 0 6 0 0 2 2 1 2 6 4 4 0 8 0 7 0 1 0 0 0 0 2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 3 0 0 0 5 0 4 0 1 2 0 0 1 71 24 1 0 56 0 59 0 0 2 2 1 10 30 14 9 0 32 0 29 0 3905A1016 IT0001069902 IT0003492391 IT0004249329 IT0001077780 IT0004711203 IT0004251689 IT0003127898 IT0001976403 IT0003690283 IT0001413837 IT0001237053 IT0004269327 IT0004147952 IT0003007728 IT0003676282 IT0001223277 IT0004240443 IT0001157020 IT0003025019 IT0004356751 25201020 15101030 35101010 25203010 20104010 30302010 20103010 20103010 25102010 20102010 25102020 25201040 55104010 35202010 25203020 10102040 20104010 25203010 10102030 25203030 30302010 NATUZZI ISAGRO DIASORIN DAMIANI IRCE BIOERA MAIRE TECNIMONT VIANINI FIAT CERAMICHE RICHETTI IMMSI EMAK ACQUE POTABILI NEWRON TOD'S PREMUDA BEGHELLI PIQUADRO ERG CALEFFI ENERVIT 10 5 0 1 4 0 0 4 115 11 1 45 3 0 10 8 0 3 81 6 0 2 0 0 1 2 0 0 2 14 2 0 8 1 0 1 2 0 0 4 0 0 2 0 0 2 0 0 2 12 3 0 2 0 0 0 2 0 0 6 0 0 3 0 0 0 0 0 0 0 71 6 0 27 0 0 5 0 0 0 56 2 0 1 2 0 0 0 0 0 0 7 0 0 2 1 0 0 2 0 0 6 0 0 2 3 0 0 0 0 0 0 8 0 1 6 1 0 4 2 0 2 6 4 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 2 0 0 0 0 0 0 0 0 1 3 0 0 4 2 0 0 0 0 0 0 78 6 0 29 1 0 5 2 0 0 62 2 0 6 3 0 1 4 0 0 4 37 5 1 16 2 0 5 6 0 3 19 4 0 PTMFR0AM0003 PTORE0AM0002 PTSEM0AM0004 PTCOR0AE0006 PTS3P0AM0017 PTCDU0AE0003 20103010 20303010 15105020 15105010 15105010 20103010 MARTIFER OREY ANTUNES SEMAPA AMORIN SONAE CONDURIL 13 0 30 69 31 5 2 0 4 11 7 1 0 0 7 7 4 0 10 0 6 39 14 2 0 0 5 2 3 2 1 0 2 8 3 0 0 0 0 0 0 0 0 0 6 2 0 0 10 0 11 41 17 4 3 0 19 28 14 1 FR0000120321 FR0004048734 FR0000131757 FR0000036857 FR0011027143 30302010 25203010 15104020 15101010 20104020 L'OREAL MONTAIGNE ERAMET SIPH AREVA 90 1 76 3 69 10 0 10 0 9 13 0 11 0 8 56 0 38 2 38 1 0 8 0 2 6 1 5 1 6 0 0 0 0 0 4 0 4 0 6 57 0 46 2 40 33 1 30 1 29 FR0000051377 FR0000121725 FR0000032278 US3384881096 FR0010907956 FR0000071904 FR0010304402 FR0004152882 FR0000035164 FR0000130692 FR0000121014 FR0000033888 FR0000062994 FR0000050353 FR0004032746 FR0004186856 FR0000073272 FR0000125486 FR0010340406 FR0000053829 FR0000121261 FR0000120693 FR0000031122 FR0010307819 FR0000074072 FR0000120107 FR0000064529 FR0000130395 FR0000065450 15101010 20101010 20101010 35202010 35101010 15103020 30302010 20301010 25202010 25203030 25203010 15104050 25202010 20106020 35201010 35202010 20101010 20103010 20102010 30202030 25101020 30201020 20302010 20104010 25201010 30202030 20106020 30201020 20101010 PLASTIVALOIRE DASSAULT LATECOERE FLAMEL CARMAT TFF MILLET CLASQUIN BENETEAU CHARGEURS LVMH GEVELOT RODRIGUEZ LISI NEOVACS VETOQUINOL SAFRAN VINCI GROUPE VIAL LDC MICHELIN PERNOD RICARD AIR France KLM LEGRAND BIGBEN BONGRAIN NSC REMY COINTREAU TECNOFAN 36 67 37 1 3 30 7 6 48 46 99 34 3 49 0 36 49 78 19 62 92 93 82 79 17 9 21 72 25 2 5 4 0 0 2 0 1 6 5 12 4 0 8 0 4 4 10 0 8 9 6 13 10 2 1 2 5 5 3 7 2 0 0 1 0 0 6 3 15 2 0 3 0 0 4 12 2 8 12 11 10 10 0 0 1 5 3 26 34 26 0 0 25 1 3 26 34 51 20 1 27 0 29 38 9 32 54 53 38 45 9 3 18 50 14 3 6 0 1 2 0 3 0 1 1 6 3 0 4 0 3 3 4 1 5 5 9 7 3 1 0 0 4 0 2 8 3 0 1 2 3 2 6 3 8 4 2 4 0 4 4 6 5 5 8 7 8 6 5 3 0 6 3 0 7 2 0 0 0 0 0 3 0 7 1 0 3 0 2 5 8 2 4 4 7 6 5 0 2 0 2 0 29 40 26 1 2 25 4 3 27 35 57 23 1 31 0 26 32 42 10 37 59 62 45 48 10 3 18 54 14 7 27 11 0 1 5 3 3 21 11 42 11 2 18 0 10 17 36 9 25 33 31 37 31 7 6 3 18 11 ANNEXE 15 – SCORES GLOBAL TOTAL, QUANTITATIF ET DECLARATIF ET SCORE EFFAS ISIN GICS ENTREPRISE Score Global Score Global Quantitatif Score Global Déclaratif Score EFFAS BE0003839561 25203010 VAN DE VELDE 6 3 3 3 BE0003877942 35201010 ABLYNX 0 0 0 0 BE0003707214 15103010 RESILUX 1 0 1 0 BE0003846632 35201010 THROMBOGENICS 0 0 0 0 BE0003519270 30201010 BROUWERIJ 11 9 2 6 BE0003844611 35201010 MDX HEALTH 1 0 1 0 DE0005580005 25203030 DIERIG 6 1 5 0 DE000A1EMBS3 35202010 AFKEM 0 0 0 0 DE0006201106 20104010 FRIWO 22 5 17 3 DE0005773006 15105010 FORST 0 0 0 0 DE0007806002 25202010 ZAPF 2 0 2 0 DE0005261606 20305030 BLG 26 11 15 5 DE0006305006 20106020 DEUTZ 26 10 16 6 DE0007257727 20106020 R STAHL 3 1 2 1 DE0005079909 25201020 AS CREATION 4 1 3 0 DE0005066609 35101010 AAP 1 0 1 0 DE0007037129 55103010 RWE 104 56 48 38 DE000SYM9999 15101050 SYMRISE 86 43 43 31 DE0005767909 55104010 FHW 71 40 31 28 DE000PAH0038 25102010 PORSCHE 34 14 20 6 DE0006599905 35202010 MERCK 105 67 38 42 DE0007474041 35101020 HARTMANN 61 27 34 13 DE0005009708 25203010 AHLERS 2 0 2 0 DE0006757008 25102010 AUDI 81 36 45 16 352 DE0005215107 35101010 BALDA 22 6 16 3 DE0005654933 25201040 EINHELL 0 0 0 0 DE0005176903 25201020 SURTECO 9 2 7 0 DE0005313506 55105010 ENERGY KONDOR 0 0 0 0 DE0007660821 20103010 BAYWA 17 6 11 1 DE0005254007 55101010 ELYKRAFT 0 0 0 0 DE0005439004 25101010 CONTINENTAL 84 47 37 28 DE0005081608 25101010 WET (GENTHERM) 4 0 4 0 DE0006614720 35201010 WILEX 1 0 1 0 DE000A0LR4P1 25102010 HWA 0 0 0 0 DE000A1C9YF1 10102050 ACAZIS 3 0 3 0 DE0006458003 55101010 LEW 7 1 6 1 DE0005550636 35101010 DRAGER 43 30 13 25 DE000A0B95Y8 25202010 MIFA 1 0 1 0 DE0005101505 20301010 DEUFOL 0 0 0 0 DE000SKWM021 15104050 KW 14 4 10 0 DK0060003556 35201010 TOPOTARGET 1 0 1 0 DK0010272632 35101010 GN STORE NORD 19 4 15 0 DK0010259027 20303010 DFDS 46 17 29 6 DK0010303619 35101010 AMBU 18 6 12 0 DK0015312474 20106020 EXPEDIT 7 1 6 0 DK0010025113 20103010 ARKIL 13 6 7 2 FO000A0DN9X4 10102020 ATLANTIC PETROLEUM 11 0 11 0 IT0003115950 25201040 DELONGHI 6 2 4 1 IT0001210050 25203010 FEDON 3 0 3 0 IT0001351383 20103010 TREVI 3 0 3 0 IT0004210289 25101010 LANDI 12 1 11 1 IT0003132476 10102010 ENI 115 72 43 46 IT0001178299 15103020 RENO DE MEDICI 43 24 19 13 IT0003849244 30201020 CAMPARI 13 1 12 1 IT0000084043 20305020 AUTOSTRADE 0 0 0 0 IT0000433307 10102030 SARAS 110 56 54 35 IT0003217335 25203030 BORGOSESIA 0 0 0 0 IT0003506190 20305020 ATLANTIA 108 60 48 35 IT0004016504 25203010 ANTICHIPELLETIERI 0 0 0 0 IT0001481867 35101010 EL.EN 2 0 2 0 US63905A1016 25201020 NATUZZI 14 4 10 1 IT0001069902 15101030 ISAGRO 5 2 3 2 IT0003492391 35101010 DIASORIN 0 0 0 0 IT0004249329 25203010 DAMIANI 3 0 3 0 IT0001077780 20104010 IRCE 4 0 4 0 IT0004711203 30302010 BIOERA 0 0 0 0 IT0004251689 20103010 MAIRE TECNIMONT 3 0 3 0 IT0003127898 20103010 VIANINI 5 0 5 0 IT0001976403 25102010 FIAT 141 82 59 44 IT0003690283 20102010 CERAMICHE RICHETTI 14 6 8 2 IT0001413837 25102020 IMMSI 3 0 3 0 IT0001237053 25201040 EMAK 54 29 25 18 IT0004269327 55104010 ACQUE POTABILI 5 1 4 1 IT0004147952 35202010 NEWRON 0 0 0 0 IT0003007728 25203020 TOD'S 11 5 6 2 IT0003676282 10102040 PREMUDA 13 3 10 2 IT0001223277 20104010 BEGHELLI 0 0 0 0 IT0004240443 25203010 PIQUADRO 4 0 4 0 IT0001157020 10102030 ERG 93 62 31 34 IT0003025019 25203030 CALEFFI 10 2 8 0 IT0004356751 0 0 0 0 PTMFR0AM0003 20103010 30302010 ENERVIT MARTIFER 15 10 5 8 PTORE0AM0002 20303010 OREY ANTUNES 0 0 0 0 PTSEM0AM0004 15105020 SEMAPA 32 11 21 5 PTCOR0AE0006 15105010 AMORIN 78 41 37 28 PTS3P0AM0017 15105010 SONAE 34 17 17 10 PTCDU0AE0003 20103010 CONDURIL 5 4 1 4 FR0000120321 30302010 L'OREAL 105 57 48 33 FR0004048734 25203010 MONTAIGNE 1 0 1 0 FR0000131757 15104020 ERAMET 94 50 44 32 FR0000036857 15101010 SIPH 5 2 3 0 FR0011027143 20104020 AREVA 88 41 47 29 FR0000051377 15101010 PLASTIVALOIRE 45 29 16 23 FR0000121725 20101010 DASSAULT 82 40 42 26 FR0000032278 20101010 LATECOERE 46 26 20 16 US3384881096 35202010 FLAMEL 1 1 0 1 FR0010907956 35101010 CARMAT 6 2 4 2 FR0000071904 15103020 TFF 35 27 8 14 FR0010304402 30302010 MILLET 12 4 8 4 FR0004152882 20301010 CLASQUIN 7 3 4 1 FR0000035164 25202010 BENETEAU 60 27 33 15 FR0000130692 25203030 CHARGEURS 52 35 17 22 FR0000121014 25203010 LVMH 117 57 60 36 FR0000033888 15104050 GEVELOT 49 24 25 15 FR0000062994 25202010 RODRIGUEZ 7 1 6 0 FR0000050353 20106020 LISI 61 32 29 21 FR0004032746 35201010 NEOVACS 0 0 0 0 FR0004186856 35202010 VETOQUINOL 49 26 23 FR0000073272 20101010 SAFRAN 59 32 27 23 FR0000125486 20103010 VINCI 96 44 52 27 FR0010340406 20102010 GROUPE VIAL 26 10 16 7 FR0000053829 30202030 LDC 71 37 34 27 FR0000121261 25101020 MICHELIN 109 59 50 38 FR0000120693 30201020 PERNOD RICARD 111 62 49 36 FR0000031122 20302010 AIR FRANCE KLM 106 45 61 26 FR0010307819 20104010 LEGRAND 101 49 52 35 FR0000074072 25201010 BIGBEN 27 10 17 9 FR0000120107 30202030 BONGRAIN 11 3 8 0 FR0000064529 20106020 NSC 29 18 11 12 FR0000130395 30201020 REMY COINTREAU 85 54 31 33 FR0000065450 20101010 TECNOFAN 32 14 18 12 TABLE DES MATIERES REMERCIEMENTS 2 SOMMAIRE 4 9 11 1 EMERGENCE DE L'OBJET DE RECHERCHE 14 2 PROBLEMATIQUE DE LA RECHERCHE 15 3 DEMARCHE GENERALE DE LA RECHERCHE 16 4 ENJEUX DE LA RECHERCHE 18 4.1 ENJEUX THEORIQUES 18 4.2 ENJEUX METHODOLOGIQUES 19 4.3 ENJEUX MANAGERIAUX 19 5 PLAN DE LA THESE 20 FAUT-IL REGLEMENTER LE REPORTING EXTRA FINANCIER AFIN D'AUGMENTER SON UTILITE POUR LES INVESTISSEURS? 21 22 2 PROBLEMATIQUE ET CADRE THEORIQUE 22 2.1 PROBLEMATIQUE DU CHAPITRE 22 2.2 LA THEORIE DE L'AGENCE 24 2.2.1 Rendu des comptes et théories managériales 25 2.2.2 Théorie de l'Agence, reporting des entreprises et investisseurs 26 3 LE REPORTING OU LE RENDU DES COMPTES DANS L'ENTREPRISE 27 3.1 POURQUOI LES ENTREPRISES RENDENT-ELLES DES COMPTES? 27 3.2 DIVULGATIONS OBLIGATOIRES ET DIVULGATIONS VOLONTAIRE S 29 3.2.1 La publication des informations 29 3.2.2 Divulgations volontaires versus divulgations obligatoires 30 3.2.3 Complémentarité des divulgations obligatoires et volontaires 31 3.2.4 Les déterminants des divulgations volontaires 32 3.3 LES CATEGORIES DE REPORTING DES ENTREPRISES 35 3.3.1 Le reporting financier 35 3.3.2 Le reporting extra financier 36 4 LA REGLEMENTATION DU REPORTING DES ENTREPRISES 39 4.1 L'OBJECTIF DE LA REGLEMENTATION DU REPORTING FINANCIER DES ENTREPRISES 39 4.1.1 Une information complète 39 4.1.2 Une information de qualité 40 4.2 POURQUOI ETENDRE CET OBJECTIF AU REPORTING EXTRA FINANCIER? 41 5 LE REPORTING EXTRA FINANCIER : REGLEMENTATION ET PRISE EN COMPTE PAR LES INVESTISSEURS 44 5.1 UNE FORTE CROISSANCE DU REPORTING EXTRA FINANCIER ET DE SA REGLEMENTATION 44 5.2 MAIS UNE INFORMATION EXTRA FINANCIERE INEGALEMENT PRISE EN COMPTE PAR LES INVESTISSEURS 45 5.3 POURTANT LES INVESTISSEURS SEMBLENT RECONNAITRE L'IMPORTANCE DE LA RSE 54 6 LA REGLEMENTATION DU REPORTING EXTRA FINANCIER : ETAT DES LIEUX 56 6.1 QUELLES REGLEMENTATIONS NATIONALES POUR LE REPORTING EXTRA FINANCIER EN EUROPE? 57 6.2 POURQUOI FAUT-IL MIEUX REGLEMENTER LE REPORTING EXTRA FINANCIER? 63 6.2.1 L'obligation actuelle de divulgation est peu contraignante 63 6.2.2 La réglementation obligatoire actuelle n'impose pas de réel contrôle 65 7 DISCUSSION ET CONCLUSION DU CHAPITRE 67 7.1 DISCUSSION 67 7.2 CONCLUSION DU CHAPITRE 68 CHAPITRE 2 69 LA MESURE DES SCORES DE DIVULGATION ENVIRONNEMENTALE 70 2 PROBLEMATIQUE ET CADRE THEORIQUE 71 3 METHODOLOGIE D'ELABORATION DE LA MESURE DES DIVULGATIONS ENVIRONNEMENTALES 73 3.1 OUTILS METHODOLOGIQUES DE REFERENCE 74 3.1.1 Indice de divulgation environnementale de Clarkson, Li, Richardson et Vasvari (2008) 75 3.1.2 Indice de qualité des divulgations environnementales de Hooks et van Staden (2011) 79 3.1.3 3.1.4 Les « Indicateurs clés de performance pour les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance » de l'EFFAS 85 3.2 CONSTRUCTION DE LA GRILLE DE MESURE 86 3.2.1 Les catégories de critères retenues 86 3.2.2 Le choix des critères 90 3.2.3 Les échelles de notation retenues 91 4 MESURE DES DIVULGATIONS ENVIRONNEMENTALES DES ENTREPRISES EUROPE ENNE S 93 4.1 ETUDE DE L'ENVIRONNEMENT REGLEMENTAIRE EUROPEEN SUR LE REPORTING ENVIRONNEMENTAL 93 4.1.1 Première catégorie de pays : les pays ayant légiféré sur le reporting environnemental 95 4.1.2 Deuxième catégorie de pays : les pays ayant publi é des recommandations en matière de reporting environnemental 98 4.1. 3 Trois ième catégorie de pays : les pays n'ayant ni législation, ni recommandation 100 4.2 CHOIX DES PAYS PAR CATEGORIE 100 4.2.1 Premier groupe de pays : le choix de la France et du Danemark 100 4.2.2 Deuxième groupe de pays : le choix de l'Allemagne et de la Belgique 104 4.2.3 Troisième groupe de pays : le choix de l'Italie et du Portugal 106 4.3 CHOIX DES SECTEURS ETUDIES 106 4.4 SELECTION DE L'ECHANTILLON DES ENTREPRISES 112 4.5 SCORING DES ENTREPRISES 114 4.5.1 Analyse des sites internet des entreprises de l'échantillon 114 4.5.2 Remarques concernant l'analyse 115 5 DECLINAISONS DE LA GRILLE DE MESURE GLOBALE 116 5.1 GRILLE DE MESURE DES DIVULGATIONS ENVIRONNEMENTALES « EFFAS » 116 5.2 GRILLE DE MESURE DES DIVULGATIONS ENVIRONNEMENTALES « GRENELLE » 118 6 RESULTATS ET STATISTIQUES DESCRIPTIVES 119 6.1 RESULTATS « BRUTS » 119 6.2 STATISTIQUES DESCRIPTIVES DES SCORES 122 6.2.1 Statistiques descriptives du score global 122 6.2.2 Statistiques descriptives du score EFFAS 125 6.2.3 Statistiques descriptives du score « Grenelle » 127 7 CONCLUSION DU CHAPITRE 129 CHAPITRE 3 DE L'UTILITE DE L'INFORMATION ENVIRONNEMENTALE POUR L'INVESTISSEUR 130 131 2 PROBLEMATIQUE, CADRE THEORIQUE ET OUTILS 131 2.1 PROBLEMATIQUE ET CADRE THEORIQUE DE L'AGENCE 131 2.2 INVESTISSEURS ET ANALYSTES FINANCIERS 133 2.3 ASYMETRIE D'INFORMATION ET PREVISIONS DE BENEFICES 135 2.3.1 L'impact de l'asymétrie d'information sur l'erreur et la dispersion des prévisions des analystes 135 2.3.2 Erreur de prévision et qualité des divulgations 137 2.4 DE L'USAGE DES DIVULGATIONS RSE PAR LES INVESTISSEURS 139 3 DESIGN DE LA RECHERCHE 141 3.1 LES HYPOTHESES 141 3.2 LE MODELE 143 3.2.1 Le modèle général 143 3.2.2 Le modèle conditionné 146 3.3 L'ECHANTILLON ET LES DONNEES 150 4 PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS 153 4.1 ANALYSE DES RESULTATS DU MODELE 153 4.1.1 Les résultats des m odèle s 153 4.1.2 Analyse économique des résultats 157 4.2 DISCUSSION DES RESULTATS 161 5 CONCLUSION DU CHAPITRE 162 CHAPITRE 4 163 IMPACT DE L'ENVIRONNEMENT REGLEMENTAIRE 164 2 PROBLEMATIQUE ET CADRE THEORIQUE 164 2.1 PROBLEMATIQUE 164 2.2 CADRES THEORIQUES 166 2.2.1 The Regulation theory 166 2.2.2 The Public policy pressure 168 2.2.2.1 Public Policy Pressure et divulgations environnementales 168 2.2.2.2 Public Policy Pressure, divulgations environnementales et théorie de la légitimité 169 3 ANALYSE DE L'ENVIRONNEMENT REGLEMENTAIRE EUROPEEN 172 3.1 LES NIVEAUX REGLEMENTAIRES DU REPORTING ENVIRONNEMENTAL DANS L'UNION EUROPEENNE 172 CARACTERISTIQUES ET COMPARAISON DE LA FRANCE, DE L'ALLEMAGNE ET DE L'ITALIE EN MATIERE DE CADRE REGLEMENTAIRE DU REPORTING ENVIRONNEMENTAL 174 3.2.1 Une réglementation en France 174 3.2.2 Des recommandations gouvernementales en Allemagne 176 3.2.3 Des préconisations professionnelles en Italie 178 4 MESURE DE L'IMPACT DE L'ENVIRONNEMENT REGLEMENTAIRE 179 4.1 FORMULATION DES HYPOTHESES 179 4.2 LE MODELE TOBIT 182 4.3 LA VARIABLE INDEPENDANTE DU MODELE : LES SCORES DE DIVULGATION ENVIRONNEMENTALE 184 4.3.1 Scores de divulgation environnementale analysés 185 4.3.2 Statistiques descriptives des scores de divulgation environnementale analysés 186 4.4 LES VARIABLES DE CONTROLE DU MODELE : LES DETERMINANTS DES DIVULGATIONS ENVIRONNEMENTALES 189 4.4.1 Les déterminants retenus pour notre étude 190 4.4.2 Statistiques descriptives des déterminants des scores 194 4.5 PRESENTATION DU MODELE 195 4.6 ANALYSE DES RESULTATS 198 4.6.1 Présentation des résultats et analyse économétrique 198 4.6.2 Analyse économique des résultats du modèle 202 4.6.3 Discussion des résultats 204 5 ETUDE DE LA CONFORMITE DES ENTREPRISES FRANÇAISES A LA REGLEMENTATION 207 5.1 SCORE DE CONFORMITE A LA REGLEMENTATION ET ANALYSE STATISTIQUE 208 5.2 DETERMINANTS DES SCORES DE CONFORMITE A LA REGLEMENTATION 210 6 CONCLUSION DU CHAPITRE 212 CHAPITRE 5 213 QUEL REFERENTIEL POUR QUELLES FINS? 214 2 PROBLEMATIQUE ET CADRE THEORIQUE 215 2.1 LA THEORIE NEO-INSTITUTIONNELLE 215 2.1.1 L'approche de la Théorie Néo-Institutionnelle 215 2.1.2 Théorie Néo-Institutionnelle et reporting environnemental 217 2.2 LA 2.2.1 L'approche de la théorie des parties prenantes 218 2.2.2 La théorie des parties prenantes et le reporting environnemental 220 2.3 REPORTING ENVIRONNEMENTAL : DES CADRES THEORIQUES QUI SE COMPLETENT 222 3 GRI VERSUS EFFAS 223 3.1 LE GRI : UNE REFERENCE INTERNATIONALE RECONNUE MAIS CONTESTEE 223 3.2 GRI VERSUS EFFAS : QUELLES DIFFERENCES? 225 4 LES DETERMINANTS DES SCORES DE DI VULGATION ENVIRONNEMENTALE 228 4.1 FORMULATION DES HYPOTHESES 228 4.2 LE MODELE ECONOMETRIQUE 230 4.2.1 La variable dépendante : les scores de divulgation environnementale 231 4.2.2 Les variables indépendantes : les déterminants des divulgations environnementales 232 4.3 L'ANALYSE DES DETERMINANTS DES DIVULGATIONS ENVIRONNEMENTALES 235 4.3.1 Résultats du modèle 235 4.3.2 Analyse économique des résultats du modèle 237 4.3.3 Discussion des résultats 240 5 EFFETS DU REFEREN T IEL ADOPTE PAR L'ENTREPRISE SUR LES ANALYSTES FINANCIERS 241 5.1 HYPOTHESE DE RECHERCHE 241 5.2 MODELE ECONOMETRIQUE 242 5.3 RESULTATS ET ANALYSE 244 5.3.1 Présentation des résultats des quatre modèles 244 5.3.2 Analyse des résultats 247 5.3.3 Discussion des résultats 249 6 CONCLUSION 250 252 1 CONTRIBUTIONS DE LA RECHERCHE 253 1.1 CONTRIBUTIONS THEORIQUES 253 1.2 CONTRIBUTION METHODOLOGIQUE 255 1.3 CONTRIBUTIONS MANAGERIALES 256 2 LIMITES DE LA RECHERCHE 256 3 PERSPECTIVES DE LA RECHERCHE 258 BIBLIOGRAPHIE 260 RESUME Cette thèse analyse l'impact de la réglementation des divulgations environnementales ainsi que l'utilité de ces informations pour les investisseurs, partie prenante susceptible d'influencer l'entreprise en l'amenant à produire l'information environnementale utile, éventuellement imposée par la réglementation.
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Évolutions microstructurales de dépôts épais d'acier inoxydable austénitique 316L obtenus par projection dynamique par gaz froid ("cold spray") sous l'effet d'un traitement thermique ; conséquences sur les propriétés d'usage. Matériaux. Université Paris sciences et lettres, 2022. Français. &#x27E8;NNT : 2022UPSLM008&#x27E9;. &#x27E8;tel-03739758&#x27E9;
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L’effet du temps de palier peut également être évalué en comparant les dépôts G1000 (1130 °C, 190 °C.s−1, 2 secondes) et G1000-30s (1015 °C, 350 °C.s−1, 26 secondes), bien qu’une différence de vitesse de chauffage et de température maximale atteinte soit à noter. Une augmentation du temps de palier peut permettre d’obtenir une recristallisation complète du dépôt (contre une recristallisation partielle pour G1000), avec une augmentation de la taille des grains ainsi que de la croissance des précipités riches en silicium aux PPBs. A retenir : Évolution des précipités riches en silicium Il a été démontré que les oxydes présents dans les zones de cœur n’évoluent pas, peu importe le traitement de recristallisation complète appliqué. Les précipités aux PPBs sont hautement évolutifs et, lors d’une recristallisation complète des dépôts, ils se globulisent et grossissent ; impliquant une transformation de la morphologie apparente des PPBs depuis des liserés vers des lignes pointillées. L’ampleur de ces phénomènes est tributaire de la température maximale atteinte, mais ne semble peu voire pas dépendre de la vitesse de chauffage. La "coalescence de la porosité" observée par plusieurs auteurs [1], [115], [116], [117] correspond, sans doute, en réalité à l’évolution des précipités riches en oxydes, présents dès la poudre initiale. 265 266 0,1 (Mesures au MEB) 0,2 (Mesures au MEB) 7 × 10−3 ± 2 10−3 (Mesures au MET) 0,3 (Mesures au MEB) Brut de projection F1000 0,2 (Mesures au MEB) 0,1 (Mesures au MEB) 0,1 (Mesures au MEB) 0,1 (Mesures au MEB) 0,1 (Mesures au MEB) 0,3 ± 0,1 (Mesures au MEB) 0,2 (Mesures au MEB) 0,2 ± 0,1 (Mesures au MEB) 0,2 ± 0,1 (Mesures au MEB) 0,1 (Mesures au MEB) D1000-5min 1000 °C | 50 °C.s−1 | 5 min D1000-30s 1000 °C | 50 °C.s−1 | 30 s G1000-30s 1015 °C | 350 °C.s−1 | 26 s GR 1060 °C | 1430 °C.s−1 | 1 s G1000 1130 °C | 190 °C.s−1 | 2 s 0,1 (Mesures au MEB) 0,1 ± 0,1 (Mesures au MEB) D800-5min 800 °C | 50 °C.s−1 | 5 min 1000 °C | 1,25 °C.s−1 | 45 min Diamètre des précipités en cœur (μm) Diamètre des précipités aux PPBs (μm) Dépôt et paramètres des traitements thermiques 95 97 97 95 - - 97 58 64 98 98 97 - - 98 14 - - 14,7 ± 5,1 9,2 ± 3,7 3,6 ± 1,5 G10 = 0,5 G50 = 1,4 G90 = 3,7 G10 = 0,3 G50 = 1,5 G90 = 4,6 G10 = 0,6 G50 = 1,7 G90 = 4,2 G10 = 0,5 G50 = 1,0 G90 = 2,8 - 50,3 ± 21,6 G10 = 2,4 G50 = 3,7 G90 = 6,7 - - Tailles de grains du substrat près du dépôt (μm) G10 = 0,4 G50 = 0,5 G90 = 1,2 Taux Tailles de Fraction de d’indexation grains du HAGBs (%) (%) dépôt μm) Table 5.11 – Résumé des caractéristiques des dépôts E-N2 -Tamis dont la recristallisation est complète et comparaison (en bleu) à l’état brut de projection ainsi qu’au cas d’une recristallisation partielle pour une température maximale atteinte similaire (c.-à-d. G1000) CHAPITRE 5. INFLUENCE DU TRAITEMENT THERMIQUE SUR LA MICROSTRUCTURE DES DÉPÔTS CHAPITRE 5. INFLUENCE DU TRAITEMENT THERMIQUE SUR LA MICROSTRUCTURE DES DÉPÔTS La Figure 5.56 permet une visualisation de l’évolution de la fraction recristallisée, associée à celle du pourcentage de HAGBs, en fonction de l’état du dépôt. Tandis que ces valeurs sont minimales dans le cas du dépôt brut de projection, elles approchent respectivement 1 (Xv ) et 100 % (HAGBs) dans le cas d’une recristallisation complète. De plus, il est intéressant de noter que ces deux critères augmentent légèrement, dans le cas d’une vitesse de chauffage accrue (D1000-30s versus G1000-30s). Une évolution similaire, bien que nettement plus marquée, est par ailleurs notée dans le cas d’une augmentation du temps de palier (G1000 versus G1000-30s). A noter toutefois que ces deux traitements présentent une différence de température maximale (c.-à-d. 1130 °C pour G1000 et 1015 °C pour G1000-30s). Figure 5.56 – Graphique représentant la fraction recristallisée (en formes vides) et la fraction de HAGBs (en formes pleines) en fonction de l’état des dépôt E-N2 -Tamis, pour une température maximale visée de 1000 °C, et comparaison à l’état brut de projection ("BDP") Au-delà des tailles de grains présentées dans la Table 5.11 à travers les valeurs de G10, G50 et G90, les fréquences cumulées en taille de grains présentées sur la Figure 5.62 informent sur l’évolution de leur distribution lors du traitement thermique. A insi , un étalement et une au gmentation de la taille des grains est observée dès le cycle G1000. Une augmentation du temps de palier (G1000-30s) accroît ces tendances. La vitesse de chauffage ne semble que peu agir sur la distribution des tailles de grains, à part une légère augmentation. Cet effet semble d’autant plus marqué sur les tailles de grains supérieures (c.-à-d. zones de cœur). Finalement, une distribution similaire au dépôt G1000-30s est observée dans le cas du dépôt F1000 mais est nettement décalée vers des tailles de grains supérieures (+ 2 μm). Il est toutefois intéressant de soulever que les tailles de grains mises en jeu ici sont en bon accord avec celles mentionnées par Al-Mangour et al. [1] dans le cas de traitements en four sous air durant 1 heure à 1000 °C et à 1100 °C (c.-à-d. respectivement aux alentours de 5 μm et de 30 μm), compte tenu des différences de temps de palier et de vitesses de chauffage. A titre d’exemple, le traitement F1000 mène à des tailles de grains similaires à celles obtenues par les auteurs à 1000 °C (c.-à-d. G90 à 6,7 μm). CHAPITRE 5. INFLUENCE DU TRAITEMENT THERMIQUE SUR LA MICROSTRUCTURE DES DÉPÔTS Mémo : section 5.6 - Une recristallisation complète des dépôts peut être obtenue via différents traitements thermiques présentant des températures, des temps de palier et des vitesses de chauffage différents ; - Les traitements thermiques appliqués à un couple substrat-dépôt menant à une recristallisation complète du dépôt impliquent également une recristallisation de la couche initialement écrouie sous l’interface dépôt-substrat ; - Des grains plus fins sont observés au sein des zones de peau, en lien avec la plus forte concentration initiale de la déformation plastique dans ces zones. D’une manière générale, un net adoucissement du gradient microstructural entre ex-cœur et ex-peau a été obtenu après recristallisation complète, se traduisant notamment par l’impossibilité de discerner ces deux zones avec un seuil en taille de grains ; - Une croissance de précipités riches en silicium aux PPBs est systématiquement observée et confine la recristallisation. Cette croissance est accrue par une augmentation de la température de traitement (c.-à-d. jusqu’à 0,3 ± 0,1 μm) ; - Les hétérogénéités chimiques issues de la poudre initiale lèguent également aux dépôts recristallisés la présence, parfois résiduelle, parfois généralisée, (selon le temps de palier et la vitesse de chauffage) de phases de Laves ; - Un élargissement des distributions de tailles de grains accompagne également la recristallisation complète, et est accru par une augmentation du temps de palier. 5.7 Synthèse et discussion des mécanismes d’évolution microstructurale des dépôts sous l’effet des traitements thermiques 5.7.1 Vers une description générale de la recristallisation des dépôts cold spray 316 L Les évolutions microstructurales mises en jeu lors de l’application d’un traitement thermique aux dépôts impliquent un effacement progressif des structures de déformation. A l’état initial (Figure 5.57)a)), deux zones ont été définies et distinguées grâce à leurs états de déformation respectifs nettement différents : les zones de cœur et les zones de peau, dans lesquelles une localisation intense du cisaillement pouvant mener jusqu’au "jetting" a lieu à l’impact. Cette nature différente entraîne une microstructure bimodale et une évolution en parallèle de ces deux zones lors du traitement thermique, non mentionnées dans la littérature. Il a ainsi été démontré que la première étape de cette recristallisation hétérogène se définit par la recristallisation des zones de peau (Figure 5.57)b)). L’évolution première de ces zones se justifie de par leurs états de déformation initialement différents. A cette étape, les grains recristallisés restent d’une taille limitée (c.-à-d. G90 maximal de 1,3 μm, observé pour le dépôt E-N2 -Tamis G800) et la recristallisation est confinée aux zones de peau. Ceci est certainement lié à un pilotage par la germination. A noter qu’une évolution similaire est observée sous l’interface substrat-dépôt. La recristallisation atteint ensuite les zones de cœur (Figure 5.57)c)), aboutissant graduellement à la recristallisation complète des dépôts (Figure 5.57)d)). A noter qu’un effet de l’hétérogénéité microstructurale initiale demeure, avec une taille de grains plus fine en zone de . Ceci s’explique de nouveau par la concentration de défauts dans ces zones, générant un nombre supérieur de sites de germination. Toutefois un lissage net du gradient microstructural est obtenu. CHAPITRE 5. INFLUENCE DU TRAITEMENT THERMIQUE SUR LA MICROSTRUCTURE DES DÉPÔTS Figure 5.57 – Schéma représentant l’évolution microstructurale des dépôts cold spray sous l’effet des traitements thermiques Les interfaces particule-particule sont initialement sous la forme de liserés plus ou moins continus enrichis en oxygène et en chrome et sont composées de nanosphères riches en silicium (Figure 5.58)a)). A l’issue d’une recristallisation complète, une croissance de ces précipités associée à une évolution morphologique est observée et semble correspondre au phénomène de "coalescence de la porosité" mentionné dans la littérature (sous-section 2.4 du Chapitre 2). Ainsi, les PPBs prennent la forme de chapelets de précipités sphériques riches en oxygène et en silicium, ces deux éléments étant situés désormais dans les mêmes particules (Figure 5.58)b)). Ces PPBs bloquent la migration des joints de grains à travers ces anciennes interfaces. L’interface substrat-dépôt évolue de manière similaire et la couche initialement écrouie au sein du substrat présente des tendances similaires en termes de transformation microstructurale. Figure 5.58 – Schéma représentant l’évolution des interfaces des dépôts cold spray sous l’effet des traitements thermiques. a),c) PPBs ; b),d) interfaces substrat-dépôt ; et pour d) illustration de la différence de la taille des grains entre dépôt et substrat CHAPITRE 5. INFLUENCE DU TRAITEMENT THERMIQUE SUR LA MICROSTRUCTURE DES DÉPÔTS 5.7.2 Caractéristiques des évolutions microstructurales du dépôt E-N2 Tamis La Figure 5.59 permet une visualisation de la fraction recristallisée pour différents traitements thermiques appliqués au dépôt E-N2 -Tamis. A noter que dans le cas où la peau n’est pas encore totalement recristallisée ( .-à-d. difficile à indexer), ce paramètre microstructural (reposant sur les GOS < 1°) est à regarder avec précaution, comme discuté dans la section 5.4. Peu d’évolution est notée avant une recristallisation complète des zones de peau (c.-à-d. pour le cycle D750 et G800). L’étape intermédiaire entre cette recristallisation des zones de peau et une recristallisation totale est illustrée ici par la position du dépôt G1000. Enfin, la variété microstructurale obtenue pour les différents traitements thermiques menant à une recristallisation complète des dépôts entraîne des valeurs variées de cette fraction recristallisée, avec un maximum pour les dépôts G1000-30s et GR. A noter toutefois que la plus faible valeur observée pour le dépôt DSC1200 se justifie probablement par la présence de précipités dans la zone d’acquisition. D’une manière générale, les fluctuations des valeurs de la fraction recristallisée après recristallisation complète des dépôts (c.-à-d. entre 95 et 97 %) sont certainement liées aux différents taux d’indexation obtenus pour chaque dépôt (c.-à-d. de 88 % pour DSC1200 à 97 % pour G1000-30s et GR). Figure 5.59 – Graphique représentant l’évolution de la fraction recristallisée en fonction du traitement thermique appliqué au dépôt E-N2 -Tamis, et comparaison au substrat 304L seul, avant projection La recristallisation des dépôts s’accompagne d’une nette augmentation de la fraction de HAGBs (depuis 14 % jusqu’à 97 % dans le cas du dépôt G1000-30s). Cette évolution apparaît graduelle en fonction de la fraction recristallisée, comme présenté sur la Figure 5.60. De plus, une tendance au maclage de recuit est nettement visible au cours des différentes étapes d’évolution microstructurale. Un maximum autour de 60 % s’accompagne systématiquement d’une recristallisation complète du dépôt. Il semble intéressant de noter qu’à l’issue d’un traitement de rec stallisation complète des dépôts et en regard avec les critères définis ici, la microstructure obtenue est semblable à celle du substrat, mises à part la taille de grains et la présence des précipités d’oxydes. 270 CHAPITRE 5. INFLUENCE DU TRAITEMENT THERMIQUE SUR LA MICROSTRUCTURE DES DÉPÔTS Figure 5.60 – Graphique représentant l’évolution de la fraction de HAGBs (axe vertical principal) et de type Σ3 (axe vertical secondaire) en fonction de la fraction recristallisée pour différents états de dépôt, avec : la fraction de HAGBs avec des symboles pleins et celle de Σ3 avec des symboles évidés Une autre caractéristique observable lors des évolutions microstructurales des dépôts est l’augmentation de la taille de grains. La Figure 5.61 propose une représentation de cette évolution, depuis l’état initial, pour différents traitements thermiques ainsi qu’une comparaison avec le substrat. Pour ce paramètre microstructural, peu d’évolution est noté lors de la première étape de recristallisation des dépôts. A partir de la deuxième étape de recristallisation, une légère augmentation de la taille de grains peut être observée, celle-ci n’augmente nettement que dans le cas d’une recristallisation complète. Sans surprise, G50 le rapport est maximal dans le cas du dépôt DSC1200, exposé le plus longtemps à haute température, G50ini pour lequel une croissance drastique de la taille de grains a été observée. Il est toutefois important de relever la faible croissance de grains observée, par comparaison à celle présentée par le substrat. Ceci peut s’expliquer par deux phénomènes, observés dans ces travaux : — le confinement de la recristallisation aux zones de peau tant que le cœur reste écroui ; — la faible mobilité des joints, entraînant peu d’évolution après recristallisation complète des dépôts, dont la cause semble être la présence de précipités d’oxydes évolutifs et situés aux PPBs, empêchant les joints de traverser ces anciennes interfaces e-particule. 271 CHAPITRE 5. INFLUENCE DU TRAITEMENT THERMIQUE SUR LA MICROSTRUCTURE DES DÉPÔTS Figure 5.61 – Graphique représentant l’évolution de la fraction de la recristallisation des dépôts, et comparaison avec le substrat G50 en fonction de l’état d’avancement G50ini La distribution de la taille de grains évolue également nettement en fonction des différents traitements étudiés (Figure 5.62). A noter toutefois que les grains inférieurs à 0,4 μm, mis en évidence à l’état brut de projection (c.-à-d. nano-grains visibles au MET d’une taille moyenne de 41 ± 10 nm), ne sont pas détectés en EBSD. Tout d’abord, durant les premières étapes de recristallisation (c.-à-d. F650, D700, D725), peu d’évolution de la distribution est noté par rapport à l’état brut de projection. A la vue des observations MET de cette étude, il est probable que les évolutions soient amorcées dans les zones de peau pour ces traitements, mais dont les conséquences sur la microstructure ne sont pas accessibles à l’EBSD. A contrario, lors de la recristallisation complète des zones de peau (c.-à-d. D750), un net élargissement de la distribution ainsi qu’une augmentation de la taille de grains sont visibles. Une vitesse de chauffage élevée semble néanmoins contrer cet effet, avec peu d’évolution observée dans le cas du cycle G800. L’extension de la recristallisation aux zones de cœur (G1000) entraîne une légère augmentation de la taille de grains mais ne semble pas impacter la distribution globale. Une recristallisation complète du dépôt (F1000, D1000-30s, G1000-30s et GR) accentue ces tendances (c.-à-d. augmentation de la taille de grains et étalement de la distribution). A noter que le dépôt F1000 se détache particulièrement des autre traitements avec un net décalage des tailles de grains vers les valeurs supérieures. A noter toutefois que la présence de plus petits grains dans les anciennes zones de peau, comparé aux anciennes de cœur, est toujours observable pour le dépôt F1000. Ainsi, un régime de croissance normale, avec un effet d’histoire cœur/peau, est sans doute en jeu pour ce traitement. Le dépôt DSC1200 présente des caractéristiques particulières. Bien qu’une distribution similaire aux autres dépôts dont la microstructure est complètement recristallisée soit notée, la croissance extrême des grains (c.-à-d. G90 de 20,9 μm) est visible. 272 Figure 5.62 – Évolution des distributions des tailles de grains en fréquence cumulée avec le traitement thermique (dépôt E-N2 -Tamis) ; le substrat et le dépôt DSC12000 se réfèrent à l’axe horizontal secondaire (échelle du haut) CHAPITRE 5. INFLUENCE DU TRAITEMENT THERMIQUE SUR LA MICROSTRUCTURE DES DÉPÔTS 273 CHAPITRE 5. INFLUENCE DU TRAITEMENT THERMIQUE SUR LA MICROSTRUCTURE DES DÉPÔTS Afin de compléter l’analyse de l’effet pressenti des précipités sphériques aux PPBs sur la taille des grains, une corrélation entre l’évolution de la taille de grains et leur diamètre a été étudiée. La Figure 5.63 présente cette évolution. On trouve une corrélation linéaire entre le diamètre des précipités aux PPBs et l’évolution de la taille de grains des dépôts. A noter toutefois que l’ensemble des grains ne touchent pas les PPBs (c.-à-d. certains grains des zones de cœur par exemple Par ailleurs, pour toutes tailles des précipités, aucune migration à travers les PPBs n’a été observée. Le soubassement physique derrière ces deux évolutions semble ainsi difficile à déterminer. Figure 5.63 – Graphique représentant l’évolution de G50 en fonction du diamètre des précipités observés aux PPBs dans le cas de différents états du dépôt E-N2 -Tamis A noter que les réseaux de phases de Laves observés au sein de certains grains des zones de cœur (voir illustrations dans la sous-section 5.3) n’entravent pas la migration des joints de grains ; contrairement aux précipités localisés aux PPBs. 5.7.3 Questionnement autour de la nature du mécanisme de recristallisation Les résultats obtenus ne permettent pas de conclure fermement quant à une recristallisation continue ou discontinue des dépôts. En effet, proches des PPBs (en zones de peau), la microstructure est complexe, rendant difficile son accès en EBSD et au MET (c.-à-d. présence de nanograins, avec de nombreuses dislocations). Dans les zones de cœur, la recristallisation progresse depuis les zones de peau recristallisées, vers les centres des cœurs. Il n’a pas été observé de grains recristallisés au sein des zones de cœur, et isolés des zones de peau lors d’une recristallisation partielle du dépôt. Cet élément suggère l’inexistence de germination à cœur. En théorie, de nombreux sites de germination sont disponibles dans ces zones, pourtant, peu de grains y sont observés, une fois les cœurs recristallisés. Il est possible que la restauration des zones de cœur ait réduit la force motrice disponible pour cette germination, et que ces zones soient envahies par les grains recristallisés en zone de peau. 274 CHAPITRE 5. INFLUENCE DU TRAITEMENT THERMIQUE SUR LA MICROSTRUCTURE DES DÉPÔTS 5.7.4 Variété microstructurale accessible par traitement thermique pour des dépôts cold spray L’étude de l’influence du traitement thermique sur la microstructure des dépôts a permis d’explorer la large variété de microstructures accessibles avec un seul jeu de paramètres de projection parmi une gamme composée de deux gaz de projection (azote, hélium) ; deux poudres (E et O) ; deux stratégies de construction (mono- et multi- passes). L’évolution de ces différents dépôts est similaire : la microstructure finale est pilotée par les évolutions lors du traitement thermique. Un résumé des microstructures obtenues, plus variées que celles mentionnée dans la littérature (c.-à-d. traitement en four sous air de plusieurs heures, proche du F1000), dans le cas du dépôt E-N2 -Tamis pour différents traitements thermiques est proposé sur la Figure 5.64. A noter que plusieurs cartographies ont été déplacées selon l’axe des abscisses (c.-à-d. température de consigne) et il est donc nécessaire de se référer aux flèches reliant chaque cartographie à leur température de consigne. Par ailleurs, les vitesses de chauffage sont les valeurs de consigne. Après une mise en lumière des mécanismes d’évolution microstructurale des dépôts et de la compétition existante avec l’évolution des hétérogénéités chimiques initiales, il reste à découvrir les propriétés d’usage des dépôts ainsi traités et les conséquences éventuelles de ces caractéristiques sur ces propriétés. En effet, la recristallisation graduelle de la matrice (c.-à-d. non recristallisée initialement, puis recristallisation confinée aux zones de peau, avant la recristallisation s’étendant depuis les zones de peau vers les zones de cœur, pour finir avec une recristallisation complète), soulève plusieurs questions : Quels effets sur le comportement élasto-plastique local et global? Quels effets sur la tenue à la corrosion? La précipitation de phases de Laves et leur présence, parfois résiduelle, au sein des dépôts, ainsi que les nano-oxydes stables dans le volume, sans oublier la population d’oxydes évolutive aux PPBs (zones sensibles à l’état brut de projection, voir sous-section 2.3.3 du Chapitre 2 et sous-section 4.3 du Chapitre 4) soulève à son tour une question : Malgré une évolution de la matrice, comment la contribution de ces précipités se traduit-elle vis-à-vis des propriétés mécaniques des dépôts, notamment en rupture? Ces questions seront donc étudiées dans le Chapitre 6 suivant. Figure 5.64 – Résumé des évolutions microstructurales sous l’effet des différents traitements thermiques, avec : le temps de palier au-dessous ou à côté de chaque cartographies EBSD (selon l’axe de construction du dépôt) CHAPITRE 5. INFLUENCE DU TRAITEMENT THERMIQUE SUR LA MICROSTRUCTURE DES DÉPÔTS 276 CHAPITRE 6 Influence du traitement thermique sur les propriétés d’usage des dépôts Sommaire 6.1 Effet du traitement thermique sur la microdureté et la nanodureté. 281 6.1.1 Évolution de la microdureté. 281 6.1.2 Évolution de la nanodureté : cas d’une recristallisation complète des zones de peau et d’une recristallisation complète du dépôt . 283 6.1.2.1 Cas d’une recristallisation compl ète des zones de peau. 284 6.1.2.2 Cas d’ une rec ristallisation complète du dépôt . 285 6.1.2.3 Homogénéité dans l’épaisseur après recristallisation complète du dépôt. 286 6.1.2.4 Effet d’une recristallisation complète de la couche écrouie dans le substrat. 287 6.2 Effet du traitement thermique sur le comportement à rupture des dépôts289 6.2.1 Tenue en traction uniaxiale. 289 6.2.2 Tenue en flexion rapide : essais "mini-Charpy". 292 6. 2.3 Tenue en flexion 3-points. 293 6.3 Évolution des faciès de rupture sous l’effet du traitement thermique. 296 6.3.1 Traitements thermiques de recristallisation confinée dans les zones de peau. 296 6.3.2 Traitements thermiques de recristallisation étendue aux zones de cœur. 296 6.3.3 Traitements thermiques de recristallisation complète du dépôt. 297 6.3.4 Évaluation de la réduction d’aire à rupture des éprouvettes de traction. 298 6. 3.5 Étude du délaminage. 298 6.3.5.1 Au sein du dépôt. 298 6.3.5.2 A l’interface substrat-dépôt. 299 6.4 Étude de la tenue à la corrosion par piqûr . 303 6.4.1 Cas d’une recristallisation complète par cycle court : G1000-30s. 303 6.4.2 Étude de l’effet des phases de Laves : D800 - 40min versus 316L-800 °C - 324 h 304 6.4.3 Étude de l’effet de l’état de surface : brut ; sablé ; poli. 305 6.4.4 Étude de l’effet de la géométrie : dépôt sur substrat plan versus substrat cylindrique. 308 6.5 Étude préliminaire numérique du comportement des éprouvettes. 310 6.5.1 Détermination d’une loi de comportement. 310 278 CHAPITRE 6. INFLUENCE DU TRAITEMENT THERMIQUE SUR LES PROPRIÉTÉS D’USAGE DES DÉPÔTS 6.5.2 Proposition d’un modèle simple d’évolution de l’énergie absorbée en fonction de l’épaisseur de substrat. 312 6.5.3 Simulation de l’essai de flexion 3-points. 313 6.5.3.1 Cas d’un dépôt "libre" : simulation de l’éprouvette E12. 313 6.5.3.2 Cas du substrat 304L. Une première partie portera sur l’évolution de la microdureté des dépôts dans le cas des différentes étapes du chemin de recristallisation. Une étude centrée sur les étapes de recristallisation des zones de peau et de recristallisation complète sera également menée, à travers une évaluation des propriétés de dureté et de module d’élasticité apparent correspondantes. Une deuxième partie explorera le comportement à rupture via des essais de traction uniaxiale, de flexion rapide et de flexion quasistatique. Différents types de traitements sont impliqués dans cette étude : i) dit de "détensionnement" ; ii) de recristallisation complète à long isotherme ; iii) de recristallisation des zones de peau par cycle court et iv) de recristallisation complète par cycle court. Une troisième partie visera à évaluer la tenue à la corrosion par piqûres, et plus précisément l’effet de l’état microstructural et des phases de Laves. Une présentation d’un cas au plus près de l’application industrielle ouvrira également l’étude sur l’effet de l’état de surface et de la géométrie de substrat sur la tenue à ce mécanisme de corrosion. Une dernière partie proposera une synthèse des résultats exposés. Un certain nombre d’éléments microstructuraux ont été mesurés manuellement. La démarche expérimentale définie pour l’ensemble des mesures est présentée dans l’Annexe L. 280 CHAPITRE 6. INFLUENCE DU TRAITEMENT THERMIQUE SUR LES PROPRIÉTÉS D’USAGE DES DÉPÔTS 6.1 Effet du traitement thermique sur la microdureté et la nanodureté L’étude de l’effet du traitement thermique sur les propriétés d’usage débute par la mesure de l’évolution de la microdureté des dépôts présentant trois états microstructuraux distincts : une recristall complète des zones de peau, une recristallisation étendue aux zones de cœur et une recristallisation complète du dépôt. Une étude à plus fine échelle des évolutions mises en jeu lors de la première et de la dernière étapes du chemin de recristallisation (c.-à-d. recristallisation complète de la peau et recristallisation complète du dépôt) sera également menée, à travers des mesures de nanodureté. Afin de faciliter la présentation des résultats et compte tenu de l’effet négligeable de la poudre et du gaz de projection sur l’évolution de la microstructure observée (voir sous-section 5.2 Chapitre 5), un dépôt est sélectionné dans cette section : E-N2 -Tamis. A noter par ailleurs que ce dépôt a bénéficié de l’ensemble des traitements thermiques étudiés dans ces travaux (sous-section 3.3 du Chapitre 3), justifiant sa sélection pour l’étude d’évolution de la microdureté et nanodureté en fonction du traitement thermique. 6.1.1 Évolution de la microdureté Des mesures de microdureté ont été effectuées sur ce dépôt aux états (voir Chapitre 5) : — F650 : restauration des zones de cœur, amorçage de la recristallisation des zones de peau ; — G800 : recristallisation complète des zones de peau ; — G1000 : extension de la recristallisation aux zones de cœur ; — D800-5min ; D1000-30s ; G1000-30s ; GR et F1000 : recristallisation complète du dépôt. Les résultats obtenus sont présentés sur la Figure 6.1 et comparés à l’état brut de projection (BDP). Ainsi, jusqu’à la recristallisation complète des zones de peau du dépôt, aucune évolution notable de la microdureté n’a été observée. Une fois la recristallisation étendue aux zones de cœur, une nette diminution de la microdureté est visible, avec une valeur de 315 ± 11 HV0,05 (c.-à-d. contre ± 20 HV0,05 à l’état initial). La microdureté mesurée est encore diminuée dans le cas d’une recristallisation complète des dépôts, avec un minimum de 209 ± 9 HV0,05 obtenu pour le dépôt F1000. A noter toutefois que cette valeur de microdureté demeure légèrement supérieure à celle d’un acier 316L recuit, qui s’élève aux alentours de 155 HV [132], témoignant d’une recouvrance encore partielle de cette propriété, certainement liée à une taille de grains plus fine pour les dépôts cold spray (G50 de 3,7 μm contre 17,8 μm pour le substrat 304L). Par ailleurs, il semblerait que la microdureté diminue d’autant plus à mesure que la vitesse de chauffage diminue (268 ± 10 HV0,05 dans le cas du traitement G1000-30s contre 242 ± 13 HV0,05 pour le traitement D1000-30s). Ces résultats tendent également à prouver l’effet négligeable de la température et du temps de palier sur cette propriété, pour un état microstructural du dépôt similaire (voir sous-sections 5.4, 5.5 et 5.6 du Chapitre 5), (c.-à-d. 244 ± 11 HV0,05 et 242 ± 13 HV0,05, respectivement pour les dépôts D800-5min et D1000-30s). Ces résultats sont en accord avec la littérature, avec une valeur minimale de la microdureté observée pour un traitement à 1000 °C en four sous air, durant 1 heure [1], [106] et 4 heures [103] ; menant à des valeurs de 200 HV0,1, 225 HV0,1 et 175 HV0,5 respectivement (c.-à-d. contre 209 ± 9 HV0,05 ici pour un traitement à 1000 °C durant 45 minutes en four sous air). Par ailleurs, bien que dans cette étude différents cycles thermiques aient été étudiés, l’évolution de la microdureté semble similaire à celle mentionnée par Al-Mangour et al. [1]. En effet, les auteurs ont observé une diminution graduelle pour les traitements menant à une microstructure intermédiaire ; dont on sait depuis le Chapitre 5 qu’il correspond certainement à une recristallisation des zones de peau et une restauration des zones de cœur (c.-à-d. ici du traitement F650 au traitement G1000) ; puis une diminution accrue durant ce qu’on identifie comme étant la recristallisation étendue aux zones de cœur (c.-à-d. ici de G1000 aux traitements de recristallisation complète) ; et enfin une diminution ralentie une fois la recristallisation complète atteinte et lors de la croissance des grains (c.-à-d. ici dans l’ordre GR, D1000-30s, G1000-30s et F1000). 281 CHAPITRE 6. INFLUENCE DU TRAITEMENT THERMIQUE SUR LES PROPRIÉTÉS D’USAGE DES DÉPÔTS Finalement, une autre observation, à l’issue des mesures de microdureté, est l’évolution de la dispersion des résultats, à mesure que le chemin de recristallisation avance au sein des dépôts. Cette évolution est représentée écart − typestandard sur l’axe vertical secondaire de la Figure 6.1, à travers l’écart-relatif des mesures (c.-à-d. ). moyenne Ainsi, cette dispersion (c.-à-d. représentée ici par l’écart-type des mesures) diminue graduellement jusqu’à recristallisation complète des zones de peau (de 29 à 20 HV0,05 ), puis plus fortement jusqu’à la recristallisation complète des dépôts (de 20 à 9 HV0,05 ). Ces observations semblent donc confirmer l’hypothèse posée dans la sous-section 4.3.2 du Chapitre 4, concernant le lien entre cette dispersion initiale et l’hétérogénéité de la microstructure des dépôts bruts de projection. Or, il a été démontré dans le Chapitre 5 que ces traitements thermiques permettent une homogénéisation graduelle de cette microstructure ; expliquant donc une nette diminution de l’écart relatif des mesures une fois la recristallisation complète obtenue. Figure 6.1 – Graphique représentant l’évolution de la microdureté (sur l’axe vertical principal) et de l’écart relatif de la microdureté (ligne continue, valeurs sur l’axe secondaire) en fonction de l’état microstructural des dépôts A retenir : Évolution de la microdureté sous l’effet du traitement thermique - La microdureté analyse de façon globale le dépôt, sans décorrélation possible entre les zones de peau et de cœur. A titre d’exemple, les dépôts bruts de projection et F1000 ont une taille d’indents respectivement de 14 et 21 μm, tandis que l’épaisseur des zones de peau, pour le dépôt E-N2 -Tamis, a été évalué aux alentours de 1 μm (voir sous-section 4.2.1 du Chapitre 4) ; - Une évolution graduelle de la microdureté a été révélée, cohérente avec l’état microstructural global du dépôt. Ainsi, peu d’évolution est notée tant que la recristallisation n’a pas atteint les zones de cœur (c.-à-d. G1000, avec 315 ± 11 HV0,05 ). Ensuite, pour une recristallisation complète du dépôt, la microdureté est minimale. Les tendances suivantes ont été dégagées pour cet état microstructural : • la microdureté diminue avec une diminution de la vitesse de chauffage (c.-à-d. minimum obtenu pour le traitement F1000, avec 209 ± 9 HV0,05 ), cohérente avec la taille de grains maximale obtenue pour F1000 (voir sous-section 5.6 du Chapitre 5) ; 282 CHAPITRE 6. INFLUENCE DU TRAITEMENT THERMIQUE SUR LES PROPRIÉTÉS D’USAGE DES DÉPÔTS A retenir : Évolution de la microdureté sous l’effet du traitement thermique (suite) • Pour un même état microstructural et une vitesse de chauffage similaire, la tempé maximale atteinte lors du traitement thermique n’a peu -voire pas- d’effet sur sa microdureté (c.-à-d. 244 ± 11 HV0,05 et 242 ± 13 HV0,05, respectivement pour D800-5min et D1000-30s) - La dispersion des résultats diminue graduellement avec l’avancée sur le chemin de recristallisation des dépôts, et devient minimal avec la recristallisation complète des dépôts. Cette observation suggère une contribution du gradient microstructural local à la dispersion de ces mesures globales. Si l’on veut gagner en compréhension sur les mécanismes locaux d’évolution des dépôts sous l’effet du traitement thermique (typiquement, la recristallisation des zones de peau), il est nécessaire d’utiliser un moyen d’analyse plus adapté : la nanodureté, objet de la sous-section suivante. 6.1.2 Évolution de la nanodureté : cas d’une recristallisation complète des zones de peau et d’une recristallisation complète du dépôt Plusieurs questions ont motivé les analyses de nanodureté : — On a vu dans la sous-section 4.3 du Chapitre 4 que l’écrouissage à l’état brut de projection se manifeste par des modifications microstructurales. Ainsi, les zones de peau possèdent un écrouissage visiblement supérieur aux de zones de cœur. Cet écrouissage s’est révélé corrélé à une nanodureté supérieure dans les zones de peau que dans les zones de cœur. Comment évolue cette différence une fois la recristallisation complète obtenue dans ces zones, donc, le lissage du gradient microstructural amorcé? — Une recristallisation complète du dépôt permet un net effacement du gradient microstructural des deux zones (c.-à-d. cœur et peau, voir sous-section 5.6 du Chapitre 5). Un héritage de la microstructure bimodale initiale demeure toutefois (c.-à-d. disparité de taille de grains). La recristallisation complète des dépôts suffit-elle, au regard de l’héritage rémanent des déformations localisées lors de l’impact, à homogénéiser complètement les nanoduretés des zones de cœur et de peau? — Le procédé d’élaboration induit, a priori, une hétérogénéité de déformation dans l’épaisseur du dépôt (c.-à-d. effet de martelage attendu accru dans les premières couches déposées, par rapport à la dernière couche déposée). Bien qu’à l’état brut de projection, aucune différence n’ait été notée (soussection 4.3 du Chapitre 4), des hétérogénéités apparaissent-elles après recristallisation complète du dépôt? — Une recristallisation complète du dépôt s’accompagne d’une recristallisation de la couche écrouie sous l’interface substrat-dépôt, dans le substrat (sous-section 5.6 du Chapitre 5). Y a-t-il recouvrance de la nanodureté de cette couche initialement écrouie dans le substrat après recristallisation complète? En vue de répondre à ces questions, plusieurs zones ont été analysées (voir sous-section 3.4.3 du Chapitre 3 et Annexe A), puis comparées aux résultats idoines : — Effet d’une recristallisation complète des zones de peau : analyse du dépôt G800 (au milieu de l’épaisseur du dépôt) comparé à l’état brut de projection (au milieu de l’épaisseur du dépôt) ; — Effet d’une recristallisation complète du dépôt : analyse du dépôt G1000-30s (au milieu de l’épaisseur du dépôt) comparé à l’état brut de projection (au milieu de l’épaisseur du dépôt) ; 6.1.2.1 Cas d’une recristallisation complète des zones de peau Nanodureté Comme il est visible sur la Figure 6.2, une recristallisation complète des zones de peau se manifeste par une diminution de la nanodureté moyenne mesurée dans ces zones (c.-à-d. 4,1 ± 0,9 GPa contre 5,9 ± 0,4 GPa à l’état brut de projection). Les zones de cœur présentent peu d’évolution, avec une moyenne de 4,4 ± 0,7 GPa (contre 5,0 ± 0,5 GPa à l’état brut de projection). Ces résultats sont en accord avec les évolutions microstructurales mises en jeu, à savoir une recristallisation complète des zones de peau, n’atteignant pas les zones de cœur (sous-section 5.4.3 du Chapitre 5). Ces valeurs de nanodureté demeurent supérieures à celles observées pour le substrat de référence (c.-à-d. 3,0 ± 0,3 GPa) ainsi que par Sundararajan et al. [104], [110]. En effet, les auteurs ont mentionné des valeurs de 2,60 GPa (400 °C), 2,20 GPa (600 °C) et 2,11 GPa (800 °C et 1100 °C) dans le cas de traitements en four sous air durant une heure. Toutefois, comme il a été démontré dans le cas de la microdureté (sous-section 6.1.1), on peut s’attendre à un effet de la vitesse de chauffage (200 °C.s−1 ici) sur la diminution de la nanodureté. De plus, la valeur de nanodureté pour l’état brut de projection mentionnée par les auteurs est de 2,92 GPa, déjà bien en deçà des valeurs observées ici (c.-à-d. 5,0 ± 0,5 GPa pour les zones de cœur et 5,9 ± 0,4 GPa pour les zones de peau). Figure 6.2 – Graphique représentant les mesures de nanodureté réalisées dans les zones de peau (en bleu) et de cœur (en rouge), dans le cas du dépôt E-N2 -Tamis : brut de projection (formes pleines) et G800 (formes vides) CHAPITRE 6. INFLUENCE DU TRAITEMENT THERMIQUE SUR LES PROPRIÉTÉS D’USAGE DES DÉPÔTS Module d’élasticité apparent Les mesures de nano-indentation effectuées sur le dépôt G800 ont également permis une identification du module d’élasticité apparent, avec : — zones de peau - G800 : E = 176 ± 30 GPa ; — zones de cœur - G800 : E = 186 ± 20 GPa ; à comparer avec (voir sous-section 4.3.2 du Chapitre 4) : — zones de peau - brut de projection : E = 178 ± 8 GPa ; — zones de cœur - brut de projection : E = 173 ± 8 GPa ; — substrat : 182 ± 19 GPa. Ainsi, aucune évolution significative n’est notée après traitement thermique, et les valeurs mesurées sont semblables au substrat, compte tenu des écarts-types. A noter que ces observations sont de nouveau en décalage avec la littérature. Ainsi, Sundararajan et al. [104], [110] mentionnent une évolution significative du module d’élasticité apparent à l’issue du traitement thermique, avec (dans le cas d’un traitement en four sous air durant une heure) : — brut de projection : E = 98 GPa ; — 400 °C : E = 105 GPa ; — 600 °C : E = 162 GPa ; — 800 °C et 1100 °C : E = 164 GPa. A noter que ces variations surprennent par leur ampleur (jusqu’à 67 % d’augmentation entre l’état brut de projection et les traitements thermiques à 800 °C et 1100 °C). Ainsi, bien qu’il soit possible d’observer des variations du module d’élasticité apparent d’un matériau dans le cas de fortes déformations (c.-à-d. à la baisse, comparé au même matériau, non déformé), l’ampleur des variations révélée par les auteurs surprend. En effet, Morestin et al. [184] ont évalué les modules d’élasticité apparents de différents aciers (XC38, A33), pour différentes déformations plastiques. Les auteurs ont mesuré des variations maximales du module d’élasticité apparent de 14 % (à la baisse) pour une déformation plastique d’environ 10 % (c.-à-d. contre 300 % pour une projection cold spray d’une particule de cuivre sur un substrat de cuivre [25] [4]). A noter que les modules d’élasticité apparents de Morestin et al. [184] ont été évalués par essai de traction, fournissant une information nettement plus globale, comparé à la nanoindentation utilisée ici et dans le cas de l’étude de Sundararajan et al. [104], [110], justifiant davantage les variations obtenues. Les faibles variations en module d’élasticité apparent obtenues dans cette étude rassurent sur la fiabilité des mesures et donc sur les valeurs de nanodureté obtenues. 6.1.2.2 Cas d’une recristallisation complète du dépôt Nanodureté Dans le cas d’une recristallisation complète du dépôt, une diminution de la nanodureté des zones de cœur et de peau est observée, accompagnée d’une homogénéisation de ces deux zones (Figure 6.3). Ainsi, une valeur moyenne de 3,5 ± 0,3 GPa a été mesurée en zone de peau (c.-à-d. contre respectivement 4,1 ± 0,9 GPa et 5,9 ± 0,4 GPa pour le dépôt G800 et brut de projection). Les zones de cœur présentent désormais une valeur similaire, avec une moyenne de 3,5 ± 0,4 GPa, démontrant également une diminution de leur nanodureté (c.-à-d. contre 4,4 ± 0,7 GPa et 5,0 ± 0,5 GPa, pour le dépôt G800 et brut de projection respectivement). Ces observations sont de nouveau en accord avec les évolutions microstructurales mises en lumière dans la sous-section 5.6 du Chapitre 5, démontrant une homogénéisation de la microstructure à l’échelle du dépôt. A noter toutefois que la disparité en taille de grains observée, héritée de la structure cœur (grains plus larges) - peau (grains plus fins), ne semble pas entraîner une hétérogénéité de la nanodureté entre ces deux zones. Ces valeurs de nanodureté approchent celle observée au sein du substrat (c.-à-d. 3,0 ± 0,3 GPa), suggérant une recouvrance de cette propriété. 285 CHAPITRE 6. INFLUENCE DU TRAITEMENT THERMIQUE SUR LES PROPRIÉTÉS D’USAGE DES DÉPÔTS Tout en gardant à l’esprit les différences de traitements thermiques et de valeurs initiales, la tendance d’une diminution aux alentours de 40 % et 30 % de la nanodureté, respectivement dans les zones de peau et de cœur, est cohérente avec la littérature. En effet, les valeurs mesurées par Sundararajan et al. [110] dans le cas du dépôt brut de projection et traité en four sous air durant une heure à 1100 °C révèlent une diminution de 28 %. Figure 6.3 – Graphique représentant les mesures de nanodureté réalisées dans les zones de peau (en bleu) et de cœur (en rouge), dans le cas du dépôt E-N2 − T amis : brut de projection (formes pleines) et G1000-30s (formes vides) Module d’élasticité apparent Les modules d’élasticité obtenus pour le dépôt G1000-30s s’élèvent à : — zones de peau - G1000-30s : E = 213 ± 8 GPa ; — zones de cœur - G1000-30s : E = 212 ± 15 GPa ; à comparer avec (voir sous-section 4.3.2 du Chapitre 4) : — zones de peau - brut de projection : E = 178 ± 8 GPa ; — zones de cœur - brut de projection : E = 173 ± 8 GPa ; — substrat : 182 ± 19 GPa. Peu d’évolution du module, compte tenu des écarts-types, est observée à l’issue du traitement thermique menant à une recristallisation complète du dépôt. 6.1.2.3 Homogénéité dans l’épaisseur après recristallisation complète du dépôt A l’image des observations du dépôt brut de projection (voir sous-section 4.3.2 du Chapitre 4), aucune différence n’est observée entre les résultats obtenus dans la première couche déposée et ceux au milieu du dépôt : — G1000-30s, première couche, zones de peau : H = 3,3 ± 0,3 GPa et E = 201 ± 14 GPa ; — G1000-30s, première couche, zones de cœur : H = 3,2 ± 0,2 GPa et E = 207 ± 6 GPa ; à comparer avec les résultats de la section 6.1.2.2 : — G1000-30s, milieu de dépôt, zones de peau : H = 3,5 ± 0,3 GPa et E = 213 ± 8 GPa ; — G1000-30s, milieu de dépôt, zones de cœur : H = 3,5 ± 0,4 GPa et E = 212 ± 15 GPa. CHAPITRE 6. INFLUENCE DU TRAITEMENT THERMIQUE SUR LES PROPRIÉTÉS D’USAGE DES DÉPÔTS A noter qu’il aurait été intéressant d’analyser la dernière couche déposée. Pour rappel, cette couche du dépôt ne présente pas de zone de peau en extrême surface (voir Figure 4.26 de la sous-section 4.2.1.1 du Chapitre 4). En revanche, une fois recristallisée dans le cas d’un cycle en four sous air, l’oxydation de cette extrême surface modifiera cette extrême surface jugée d’intérêt. L’utilisation d’un cycle de type dilatométrie ou Gleeble semble donc à privilégier pour ce type d’étude. 6.1.2.4 Effet d’une recristallisation complète de la couche écrouie dans le substrat Nanodureté Les mesures de nanodureté menées dans la couche initialement écrouie du substrat, sous son interface avec le dépôt, dans le cas du dépôt G1000-30s sont présentées sur la Figure 6.4 et comparées au substrat de référence ainsi qu’à l’état brut de projection. Comme pressenti par l’observation de la recristallisation complète de cette couche à l’issue de ce traitement (voir sous-section 5.6 du Chapitre 5), une nette diminution de la nanodureté est observée. Ainsi, une valeur moyenne de 3,0 ± 0,3 GPa a été relevée (c.-à-d. contre 4,8 ± 0,5 GPa et 3,0 ± 0,3 GPa respectivement à l’état brut de projection et au sein du substrat de référence). Ces résultats suggèrent un effacement complet de l’écrouissage initial. Figure 6.4 – Graphique représentant les mesures de nanodureté réalisées dans le substrat, avec : la zone déformée sous l’interface à l’état brut de projection (en rouge) ; la même zone après un traitement G1000-30s (en vert) et au sein du substrat non affecté mécaniquement (en noir) Module d’élasticité apparent Le module d’élasticité a été évalué à 201 ± 10 GPa, similaire au substrat de référence (c.-à-d. 182 ± 19 GPa) et avec peu voire pas d’évolution, compte tenu de l’écart-type, depuis l’état brut de projection (172 ± 6 GPa). A retenir : Mesures de nanodureté - A l’instar de l’état brut de projection, le module d’Young apparent est uniforme entre les zones de peau et de cœur, que ce soit après recristallisation complète des zones de peau (c.-à-d. respectivement 176 ± 30 GPa et 186 ± 20 GPa) après recristallisation complète du dépôt (c.-à-d.
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Étude des composantes de stabilité pour les familles holomorphes d'endomorphismes des espaces projectifs complexes. Systèmes dynamiques [math.DS]. Université Paul Sabatier - Toulouse III, 2023. Français. &#x27E8;NNT : 2023TOU30329&#x27E9;. &#x27E8;tel-04594638&#x27E9;
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Étude des composantes de stabilité pour les familles holomorphes d’endomorphismes des espaces projectifs complexes a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or . The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or public private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, ou non émanant des établissements d de recherche . ements Nous y voilà. C’est la fin d’un voyage. Après 1181 jours de navigation (et une demipoignée de nuits en moins), c’est le moment d’écrire les lignes qui seront vraisemblablement les plus relues une fois ce manuscrit imprimé et publié. Celles qui prépareront les voyages suivants. Il est temps pour moi d’exprimer toute ma reconnaissance à l’égard des personnes qui ont contribué d’une manière ou d’une autre à l’ issement de mon travail de doctorant. François, vous avez été bien plus qu’un directeur de thèse. Depuis mon arrivée à Toulouse, vous m’avez aidé à traverser des difficultés que j’étais loin d’anticiper. Je vous suis reconnaissant pour avoir gardé confiance lorsque je doutais de moi. Nos discussions dans votre bureau se sont souvent prolongées bien tard, mais elles m’ont toujours beaucoup enrichi. Vous m’avez partagé vos intuitions et votre vision sur nos pratiques scientifiques. Les leçons que j’en tire sont riches et aussi nombreuses sur le plan humain. Je suis heureux d’avoir été votre disciple. C’est un honneur de présenter mes travaux sous votre direction. Fabrizio, je me souviens de notre première rencontre il y a 4 ans, lorsque tu m’avais parlé de dynamique holomorphe pour la première fois sur le quai de la gare d’Austerlitz. Depuis ce jour, tu n’as jamais cessé de me former au métier de mathématicien, avec toujours le même enthousiasme débordant. Merci de m’avoir ouvert les portes de cette discipline et d’avoir su te rendre disponible et à l’écoute. Merci pour ton accompagnement infaillible à tout instant. Je m’estime extrêmement chanceux d’avoir été ton premier doctorant. Je remercie chaleureusement Yûsuke Okuyama et Gabriel Vigny pour avoir accepté de rapporter ma thèse et de faire partie de mon jury. Votre relecture très précise et vos suggestions d’une grande pertinence m’ont permis de parachever ce manuscrit. Merci également à Volker Mayer et Pascale Roesch d’avoir accepté de faire partie de mon jury. Je suis particulièrement honoré de défendre ma thèse devant vous. Karim, you have been like my scientific big brother. Working with you has always been a great pleasure. I would like to thank you for your smile, authenticity, and mathematical interest. I hope you will allow me to challenge you to a chess game soon! Je tiens aussi à exprimer toute ma reconnaissance à l’ensemble des personnels du laboratoire et de l’école doctorale dont le travail invisible participe à maintenir un environnement sain. Des agents d’entretien à la cellule informatique, vous êtes souvent les oubliées 1 des 1. Pour visibiliser plus de personnes, je genre au masculin ou au féminin de manière aléatoire uniforme. 3 pages de remerciements, mais votre importance est incontestable. En particulier, je tiens à remercier Agnès Requis pour votre patience et votre aide précieuse dans les démarches auprès de l’École Doctorale, ainsi que Dominique Barrère pour votre accompagnement dans la recherche documentaire et dans le dédale de la bibliothèque. On ne se trouve jamais totalement seul quand on réalise un projet de recherche et j’aimerais remercier tous les doctorants et les post-doctorantes que j’ai pu côtoyer au sein du laboratoire. Parmi mes prédecesseurs, je pense notamment à Chung-Ming, Dimitri, Elena dont j’ai hâte de partager la passion dévorante pour les comédies musicales, Erfan, Florian qui m’a étonné par son imagination débordante en matière de pédagogie innovante, Fu-Hsuan, Julia, Simon, Solène qui aura toujours le droit à un accueil chez moi en cas de besoin, Valentin, Van Tu Le et Tuan. Parmi mes successeures, je pense notamment à Adrien, Anthony, Butian, Candice, Hugo, Jordi, qui ferait bien d’affûter ses cavaliers avant notre prochaine rencontre, Paul et Runze. Le thèse est un processus qui se prépare dès la scolarité. C’est pourquoi je souhaite aussi remercier mes camarades rennais avec qui j’ai forgé mes intuitions mathématiques dans un climat particulièrement stimulant. Merci à vous Antoine, Bastien, Clarence, David, et Louis pour tous les moments partagés ensemble, et que j’espère partager encore longtemps. Votre amitié m’est très précieuse, et je ferai mon possible pour en prendre grand soin. Un merci spécial à Antoine dont je n’oublie pas la visite en avril 2021. Sache que le petit 3/2 qui parlait de suites de Cauchy en début d’année n’a jamais cessé de t’admirer. Merci également à Alice et Raoul pour m’avoir invité à Pampers. Emilie, merci d’avoir partagé cette folle année de colloc’Agreg, j’en garde des souvenirs ineffaçables. Ta créativité m’a toujours éboulouï et je suis très heureux de te savoir épanouïe aujourd’hui. Pierre, je tiens à te remercier particulièrement. Depuis notre rencontre à Rouen, nous avançons sur des chemins parallèles (mais pas trop parallèles quand même, j’espère), toujours ponctués de jazz. Je te remercie pour tes mots chaleureux et ton soutien précieux pendant toutes les étapes. Pour moi non-plus, la prépa et la scolarité ENS n’auraient pas été les mêmes sans toi. Merci! Ma vocation d’enseignant s’inscrivant pleinement dans ma démarche de futur docteur, je souhaite remercier spécifiquement les équipes pédagogiques auprès desquelles j’ai eu la chance et le plaisir de travailler pendant ma thèse. Claire et Guillaume, avec vous j’ai découvert et pratiqué ma passion pour l’enseignement en première année. Pascale, ta bienveillance m’encourage à trouver le bon équilibre entre exigence et tolérance pour devenir un bon professeur. Tu es aussi particulièrement attentive à la cohésion de l’équipe au sein laboratoire, ce qui est essentiel pour la socialisation et le bien-être des nouvelles recrues. Vincent, ton implication dans la CUPGE et ta réactivité surprenante sont devenues des modèles. Je suis fier de parvenir à éveiller des vocations avec toi aujourd’hui. Fanny, ton aide dans la valorisation de mon parcours de futur enseignant m’est très précieuse, je te remercie pour ta confiance. Pour ton soutien émotionnel constant et ta grande disponibilité, Gontran, je tiens à te remercier du fond du cœur. Tu as su être à l’écoute quand j’en avais besoin et m’as fait 4 profiter de tes conseils de vie avisés. Merci pour tous les moments musicaux partagés que tu as l’art de rendre conviviaux. Que ce soit Toto Bello, la Lahue, la Rando Jazz, ou un call des ténèbres à une heure quelconque de la nuit pour venir jouer avec toi (et Jonatan?), j’ai vraiment hâte de pouvoir te suivre dans ces projets! Au cours de ce périple, je me suis fait un ami particulièrement précieux qui a, certes, longtemps (et avec beaucoup d’insistance) réclamé ces lignes, mais qui les mérite amplement. Toi et moi avons d’abord été co-animateurs scouts. Nous sommes devenus co-doctorants, puis même co-lacataires pour quelques mois! Mon cher William, le temps que j’ai passé à tes côtés est inestimable. Tes valeurs et ton engagement m’inspirent tous les jours, du moins tous ceux que je note dans mon magnifique calendrier. Tu as été pour moi un guide de haute montagne, un chien de traîneau maître jedi qui m’as encore indiqué la route (vers la reprographie) il y a moins d’une semaine. J’espère de tout cœur que les midi-chloriens permettront à nos chemins de se croiser à nouveau, si possible en Occitanie. Si tu l’acceptes, et je suis sûr que l’idée va te plaire, j’aimerais te nommer parrain de ma thèse. Un dernier conseil : si tu comptes m’arriver à la cheville, je te suggère encore quelques "heures" de pratique sur Smash Ultimate. Au cours de ce périple, je me suis aussi fait une amie particulièrement précieuse. Ma vie aurait été bien différente s’il ne m’avait pas été permis de faire une partie du voyage avec toi, Emeline. Tu as vu naître mon appétence pour les mathématiques au lycée, et tu m’as accompagné à devenir ce que je voulais être. Je te suis reconnaissant pour tout le soutien que tu m’as apporté depuis bien avant le début de cette thèse, et je suis si fier de la personne que tu es devenue. Merci de toujours prouver qu’il est possible de faire autrement pour imaginer le monde dans lequel nous souhaitons vivre. J’espère que ton soleil intérieur rayonnera toujours autant, peu importe où tu accosteras. En tout cas, je me tiendrai prêt à te soutenir. D’ailleurs, il serait temps qu’on la termine enfin cette partie de Pandemic Legacy! Je voudrais aussi remercier toute ma famille, et plus particulièrement ma sœur et mes parents pour votre soutien inébranlable, votre patience et votre compréhension tout au long de mes études. Votre confiance et vos encouragements désintéressés m’ont donné la motivation nécessaire pour persévérer. Grâce à vous, je réalise littéralement mon rêve d’enfant. Merci infiniment pour tous les efforts que vous déployez, même en temps difficiles. Je vous dois tout. Je souhaite enfin remercier Lucile, dont la lumière illumine mes jours depuis maintenant quelques mois. Ton accompagnement le long de mes derniers efforts ne m’aident pas seulement à parvenir au bout de ce projet, ils me donnent aussi une grande confiance en l’avenir. Merci pour ta bienveillance, ta patience et ton désir profond de mener une vie alignée avec les bonnes valeurs. J’ai vraiment hâte d’en écrire les prochains chapitres avec toi... C’est peu orthodoxe, mais je voudrais terminer par un message adressé aux futurs lecteurs curieux, parmi lesquels, peut-être, des étudiants, tombés par hasard sur ce manuscrit. Quel que soit le chemin que vous emprunterez dans le futur, cultivez simultanément l’exigence et le droit à l’erreur. Créez de la solidarité là où ça surprend. Développez votre langage afin de nommer, puis refuser les violences, quelles qu’en soient leur forme. Vous êtes capables de faire des choses difficiles et d’incarner le changement que vous souhaiteriez voir. Liste des notations [a, b) désigne l’intervalle {x ∈ R : a ≤ x < b}, où a, b sont deux réels. |X| désigne le cardinal, éventuellement infini, d’un ensemble X ; 1X sa fonction indicatrice ; P(X) l’ensemble de ses parties. Lc (E, F ) désigne l’espace des applications linéaires continues entre deux espaces vectoriels normés E et F ; Lc (E) := Lc (E, E) l’espace des endomorphismes linéaires continus de E. BG (x0, r) désigne la boule ouverte de centre x0 et de rayon r d’un espace métrique (G, distG ) ; distG (x0, B) la distance d’un point x0 à un sous-ensemble B ⊂ G ; diam(B) le diamètre de ce sous-ensemble ; Lip(f ) la constante de Lipschitz d’une application lipschitzienne f : G → G ; C 0 (G) (respectivement Cb0 (G), Cc0 (G)) l’espace des fonctions continues (resp. continues bornées, continues à support compact), muni de la norme de la convergence uniforme || · ||∞ ; M(G ) l’espace de ses mesures de Radon, identifié au dual de l’espace Cc0 (G) ; M+ (G) l’espace de ses mesures boréliennes positives ; M1 (G) l’espace de ses mesures boréliennes de probabilité. p kzk : = |z 1 |2,... , | zk | 2 désigne la norme euclidienne de z = (z1,..., zk ) ∈ Ck, où k ∈ N ; distCk la distance euclidienne ; Vol(V ) le volume d’un ouvert V ⊂ Ck ; Jac f (z) le déterminant de la matrice de l’application différentielle Dz f au point z ∈ V d’une fonction f ∈ C 1 (V, C) ; SH(V ) (respectivement H(V )) l’espace des fonctions sousharmoniques (resp. harmoniques). dim N la dimension complexe d’une variété complexe N ; distN la distance associée à la métrique riemannienne sur N ; (l,l) Dc (N ) l’espace des (l, l)-formes lisses à support compact dans N, où l ∈ N ; O(N, N ′ ) l’espace des fonctions holomorphes de N à valeurs dans une variété complexe N ′, muni de la topologie de la convergence locale uniforme ; O(N ) := O(N, C) ; PSH(N ) (respectivement PH(N )) l’espace des fonctions plurisousharmoniques (resp. pluriharmoniques) sur N. 7 Table matières Introduction 1 Matériel préliminaire 1.1 Théorie du pluripotentiel............................. 1.1.1 Fonctions plurisousharmoniques..................... 1.1.2 Courants positifs fermés........... 1.2 Dynamique complexe............................... 1.2.1 Dynamique des endomorphismes de Pk................. 1.2.2 Théorie de la stabilité.......................... 1.3 Propagation de régularité............................. 1.3.1 Estimation hölderienne pour les laminations sur P1.......... 1.3.2 Prolongement des fonctions h(t)-continues............... 16 16 16 20 24 25 26 31 31 34 2 Courant de ramification, normalité post-critique et stabilité 2.1 Présentation du résultat ............. ................ 2.2 Le rôle du Théorème 2.1.3 dans la théorie de la stabilité............ 2.3 Preuve du Lemme 2.2.3............................. . 2.3.1 Étape 1 : Construction d’un grand ensemble de disques ∆r pour lesquels f ◦n admet presque dkn branches inverses................ 2.3.2 Étape 2 : Estimation du nombre de préimages de a qui appartiennent à beaucoup de ces branches inverses................... 2.3.3 Étape 3 : Prolongement des branches inverses à une boule de rayon uniforme B(a, r)............................. 2.3.4 Étape 4 : Construction du tissu d’équilibre M............. 2.3.5 Étape 5 : Le tissu d’équilibre M est acritique............. 36 36 37 41 3 Propagation des propriétés thermodynamiques dans une famille stable 3.1 Les états d’équilibre............................... 3.1.1 Une classe de mesures de grande entropie................ 3.1.2 Les laminations préservent les propriétés statistiques......... 3.1.3 Propagation des états d’équilibre.................... 3.2 Mouvement holomorphe des points périodiques avec poids.......... 3.2.1 Opérateurs de transfert sur (J, F).. ................. 3.2.2 Des branches inverses contractantes pour les tissus expansifs..... 3.2.3 Les tissus associés aux états d’équilibre................. 3.2.4 Construction des graphes répulsifs.................... 3.2.5 Preuve du Théorème 3.2.2........................ 52 52 52 54 56 59 60 62 68 70 74 4 Dynamique aléatoire des applications d’allure polynomiale 4.1 Applications d’allure polynomiale........................ 78 78 8 42 43 45 46 49 4.2 4.3 Construction de la mesure stationnaire..................... 4.2.1 Présentation du résultat ......... ................ 4.2.2 L’opérateur de transfert T ν........................ 4.2. 3 L’ensemble exceptionnel E ........ ................ 4.2.4 Effacement de l’ ensemble exceptionnel . ................ Familles aléatoires d’applications d’allure polynomiale............. 4.3.1 Familles de mesures stationnaires.................... 4.3.2 Preuve du Théorème 4.3.4........................ 9 80 80 82 84 87 88 88 90 Introduction Le domaine de la dynamique discrète consiste à considérer un espace X admettant une certaine structure et à étudier l’itération d’une transformation f : X → X admettant une certaine régularité. Un premier type de questions concerne le comportement des orbites des points z ∈ X, c’est-à-dire des suites z → f (z) → · · · → f ◦n (z) → · · · Une fois que le comportement d’une orbite typique est suffisamment bien compris, on peut s’intéresser aux propriétés dynamiques d’une perturbation naturelle de f. Ce deuxième type de questions aboutit à la notion de famille paramétrée (M, f ) : f fλ. L’étude de la dynamique des fractions rationnelles sur la sphère de Riemann P1, portée par les travaux fondateurs de Fatou et Julia au début du XXè siècle, marque l’origine du domaine de la dynamique holomorphe. Dans ce contexte, la dynamique globale est totalement décrite au moyen de la dichotomie Fatou-Julia. D’une part, l’ensemble de Julia J(f ) porte la partie chaotique du sytème, qui peut être décrite au moyen d’une mesure f -invariante canonique μf appelée mesure d’équilibre (voir [Bro65, FLM83, Lyu83a]). D’autre part, le célèbre théorème de non-errance de Sullivan [Sul85] complète la compréhension de la dynamique sur les composantes connexes de son complémentaire, appelé ensemble de Fatou. Dans ce contexte, la normalité au sens de Montel, le théorème d’uniformisation de Riemann et la chirurgie quasiconforme sont des techniques couramment utilisées. On pourra consulter les ouvrages [CG93, BM01, Mil06] pour une présentation détaillée. Dans les années 1980, Mañe-Sad-Sullivan [MSS83] et Lyubich [Lyu83b] posent les bases de la théorie de la stabilité pour une famille de fractions rationnelles {fλ : P1 → P1 }λ∈M paramétrée par une variété complexe M. Une telle famille (M, f ) est dite stable si les ensembles de Julia J(fλ ) peuvent être paramétrés holomorphiquement en λ, ce qu’on appelle un mouvement holomorphe des ensembles de Julia (voir les Définitions 1.2.7 et 1.3.1). La caractérisation de la stabilité dynamique (voir le Théorème 1.2.8) repose crucialement sur le λ-lemme qui consiste à prolonger un mouvement holomorphe des cycles répulsifs en un mouvement holomorphe des ensembles de Julia. Dans cette thèse, nous contribuons au développement de la théorie de la stabilité des endomorphismes holomorphes des espaces projectifs introduite par Berteloot-Bianchi-Dupont [BBD18]. L’holomorphie à plusieurs variables fait apparaître des phénomènes nouveaux, ce qui complique inévitablement la dynamique. Par exemple, le théorème de non-errance a été 10 mis en défaut pour les endomorphismes de P2 [AB+16]. On ne connaît pas la situation pour un choix générique d’endomorphisme f. En particulier, la dynamique stable est loin d’être comprise. En revanche, on peut toujours mettre en évidence, par des techniques de théorie ergodique, une mesure d’équilibre μf [FS94] supportée par un fermé totalement invariant, appelé (petit) ensemble de Julia J(f ) = Supp μf (voir aussi [Sib99, BrDu99, BrDu01, DS03]). Cette mesure de probabilité admet une entropie maximale, à savoir hμf (f ) = k log d, et vérifie des résultats d’équidistribution. Elle est obtenue comme l’auto-intersection T k = T ∧ · · · ∧ T d’un certain (1, 1)-courant positif fermé f -invariant T appelé courant d’équilibre. On pourra consulter l’étude [DS10a] pour une exposition des propriétés les plus importantes et davantage de références. Les outils de la dimension 1 mentionnés précédemment se généralisent mal en dimension supérieure. Par exemple, le λ-lemme, crucial dans la théorie de [MSS83], est obtenu classiquement par la théorie de Picard-Montel comme une conséquence du lemme de Hurwitz. Or ce dernier tombe en défaut dans le cas k ≥ 2. Une approche différente, faisant appel à la théorie ergodique et reposant essentiellement sur des techniques pluripotentielles introduites par DeMarco [DeM03] (voir aussi [Sib81, Prz85]) a été mise au point par [BBD18] pour étudier la stabilité dynamique des familles {fλ : Pk → Pk }λ∈M. Cette approche consiste à substituer le mouvement holomorphe des ensembles de Julia par une notion de nature mesurable. Nous introduisons maintenant quelques éléments de vocabulaire relatifs à la théorie de la stabilité de [BBD18] dont nous aurons besoin dans cette introduction et qui seront repris en détails dans la Section 1.2.2. Considérons une famille holomorphe d’endomorphismes de Pk, c’est-à-dire une application holomorphe f : M × Pk → M × Pk de la forme f (λ, z) = (λ, fλ (z)), telle que chaque application fλ : Pk → Pk est holomorphe. Considérons l’espace J des applications holomorphes γ : M → Pk telles que γ(λ) ∈ Jλ pour tout paramètre λ ∈ M. La famille (M, f ) induit une dynamique continue sur J définie par F(γ)(λ) := fλ (γ(λ)), pour tout γ ∈ J et λ ∈ M. Pour tout paramètre λ ∈ M, on considère l’application d’évaluation pλ : J → Pk définie par pλ (γ) := γ(λ). Une lamination d’équilibre est un sous-ensemble mesurable F-invariant L ⊂ J, dont les graphes ne s’intersectent pas, tel que μλ (Lλ ) = 1, pour tout λ ∈ M, où μλ désigne la mesure d’équilibre de fλ et Lλ := pλ (L). Une famille est dite μ-stable si elle admet une lamination d’équilibre. Un tissu d’équilibre est une mesure de probabilité F-invariante M sur J à support compact telle que (pλ )∗ M = μλ pour tout λ ∈ M. Pour garantir la μ-stabilité, il suffit de construire un tissu d’équilibre satisfaisant une propriété d’acriticité ([BBD18, Theorem 4.1]). La μ-stabilité jouit de caractérisations similaires au résultat de [MSS83], comme nous le verrons dans le Théorème 1.2.15. Cette thèse est constituée d’un premier chapitre de nature introductive, sans résultat original, puis de trois chapitres indépendants. Au cours du Chapitre 1, nous rappelons les outils techniques et mettons en place les notations qui seront utilisés dans la suite, notamment les résultats issus de la théorie de [BBD18]. Nous précisons en Section 1.3.1 un phénomène portant sur la régularité des laminations en dimension 1 et donnant lieu à une preuve du λ-lemme par un raisonnement issu de la théorie du potentiel. Le Chapitre 2 est un travail en commun avec Berteloot et fait l’objet d’une publication [BeBr23]. Nous introduisons une nouvelle caractérisation de la μ-stabilité, ce qui permet de 11 simplifier l’approche initiale de [BBD18], tout en soulignant le rôle joué par la normalité post-critique dont l’utilisation n’était pas centrale. Cette caractérisation porte sur le courant de ramification, défini par la série formelle X R := d−kn (f ◦n )∗ [f (Cf )], n≥0 où [f (Cf )] désigne le courant d’intégration sur l’image de l’ensemble critique Cf. On appelle domaine de convergence de Rf, et on note Ω(Rf ), l’ensemble des points (λ, z) ∈ M × Pk au voisinage desquels la convergence est normale. Introduit dans l’espace Pk par Dinh et Sibony [DS03], le courant de ramification permet de quantifier la présence de l’orbite post-critique. Nous l’adaptons ici en famille. Théorème A. Soit (M, f ) une famille holomorphe d’endomorphismes de Pk. Les deux conditions suivantes sont équivalentes. 1) Ω(Rf ) = M × Pk ; 2) La famille (M, f ) est μ-stable. La démonstration de 1) =⇒ 2) repose sur la construction d’un tissu d’équilibre acritique. Pour cela, nous adaptons l’approche de [DS10a] pour construire un grand nombre de branches inverses de f au-dessus d’un point générique (λ, z) ∈ M × Pk. L’idée est d’exploiter les nombres de Lelong du courant de ramification. La preuve de l’acriticité est un point délicat. Elle fait intervenir le théorème de prolongement de Sibony-Wong. Dans la théorie de Mañé-Sad-Sullivan, le mouvement holomorphe des ensembles de Julia définit une conjugaison topologique hλλ0 : Jλ0 → Jλ entre les systèmes (Jλ0, fλ0 ) et (Jλ, fλ ), pour tous paramètres λ0, λ dans une même composante stable. En particulier, toute mesure fλ0 -invariante ν à support dans Jλ0 peut être propagée en une mesure νλ := (hλλ0 )∗ ν qui hérite des propriétés statistiques de ν. Dans le Chapitre 3, nous nous intéressons à l’action, en dimension k ≥ 1, du mouvement holomorphe mesurable sur une classe particulière de mesures invariantes sur Pk appelée états d’équilibre (voir par exemple [Prz90, DU91a, DU91b, Hay99, PU10] dans le cas k = 1). Un état d’équilibre associé au système (Pk, fλ0 ) relativement à une fonction potentiel ψ : Pk → R est une probabilité ν sur Pk maximisant la fonctionnelle Z ψdν, Pν (ψ) := hν (fλ0 ) + Pk où hν (fλ0 ) désigne l’entropie métrique du système (Pk, fλ0, ν). On note P (ψ) = supν Pν (ψ), où la borne supérieure porte sur toutes les mesures invariantes ergodiques. On peut introduire de la même façon les états d’équilibre associés au système (J, F) relativement à un potentiel Ψ : J → R. Les états d’équilibre jouent un rôle particulier dans le formalisme thermodynamique [Zin96]. Leur existence est souvent gratuite, mais leur unicité est une propriété ergodique très importante. Bianchi et Rakhimov [BR22] introduisent la notion de ν-tissu, généralisant la notion de tissu d’équilibre associé à la mesure d’entropie maximale, afin de propager, entre autres, la 12 classe des mesures d’entropie strictement supérieure à (k−1) log d. Étant donnés un paramètre λ0 et une mesure fλ0 -invariante ν, on appelle (λ0, ν)-tissu une mesure de probabilité Finvariante M sur J à support compact telle que (pλ0 )∗ M = ν. La première partie de ce chapitre fait l’objet d’un article en préparation avec Rakhimov. Nous exploitons les propriétés des (λ0, ν)-tissus dans une composante stable pour propager les états d’équilibre. Plus précisément, étant donnés un état d’équilibre ν et un (λ0, ν)-tissu associé M, nous interprétons les mesures νλ := (pλ )∗ M comme des états d’équilibre et montrons que la propriété d’unicité est propagée. Un point technique consiste d’abord à propager les potentiels. Le résultat principal de cette partie est le suivant. Théorème B. Considérons (M, f ) une famille holomorphe μ-stable connexe et simplement connexe d’endomorphismes de Pk de degré d ≥ 2. Fixons un paramètre λ0 ∈ M et un potentiel ψ : Jλ0 → R+ satisfaisant supJλ ψ < log d. On suppose qu’il existe un (respectivement un 0 unique) état d’équilibre ν associé au système (Jλ0, fλ0 ) relativement au potentiel ψ. Il existe un unique (λ0, ν)-tissu M et, en notant νλ := (pλ )∗ M sa tranche en λ ∈ M, (1) il existe un potentiel Ψ : J → R+ tel que M est un (resp. l’unique) état d’équilibre associé au système (J, F) relativement à Ψ ; (2) pour tout paramètre λ ∈ M, il existe un potentiel ψλ : Pk → R+ tel que νλ est un (resp. l’unique) état d’équilibre associé au système (Pk, fλ ) relativement à ψλ. De plus, pour tout paramètre λ ∈ M, on a Ψ = ψλ ◦ pλ M-presque partout. La démonstration repose sur l’existence d’une lamination analogue à une lamination d’équilibre, c’est-à-dire d’un sous-ensemble L ⊂ J tel que les graphes Γγ1 et Γγ2 de deux fonctions distinctes γ1 6= γ2 ∈ L sont disjoints, telle que M(L) = 1. Ceci fournit une conjugaison mesurable entre les systèmes (L, F, M) et (Jλ, fλ, νλ ) pour tout λ ∈ M. Nous montrons ainsi que la mesure νλ hérite des propriétés statistiques de νλ0. En particulier, le Théorème B s’applique aux états d’équilibre construits par UrbańskiZdunik [UZ13] et Bianchi-Dinh [BiDi23]. Dans ces travaux, les auteurs obtiennent l’existence et l’unicité de l’état d’équilibre μψ associé à un potentiel ψ suffisamment régulier, au moyen d’un processus d’équidistribution des préimages avec poids. On note Mλ0,μψ le (λ0, μψ )tissu associé. Dans [BiDi23], on trouve également un théorème d’équidistribution de certains points périodiques répulsifs avec poids pour la mesure μψ. Dans la deuxième partie de ce chapitre, faisant l’objet d’un travail en commun avec Bianchi [BiBr23], nous démontrons un théorème d’équidistribution de ce type pour le tissu Mλ0,μψ dans l’espace des graphes J (voir le Théorème 3.2.1 pour un énoncé plus précis). Théorème C. Considérons (M, f ) une famille holomorphe μ-stable, connexe et simplement connexe d’endomorphismes de Pk. Fixons λ0 ∈ M ′ ⋐ M et un entier n ∈ N∗. On suppose que fλ0 satisfait une condition générique. Pour toute fonction ψ : Pk → [0, log d[ logq -continue, avec q > 2, il existe un sous-ensemble non-vide Pψ,n ⊂ J de mouvements holomorphes γ de points n-périodiques tels que γ(λ) est répulsif pour tout λ ∈ M ′, satisfaisant X ψ(γ(λ ))+···+ψ(f n−1 γ(λ )) 0 0 λ0 lim e−nP (ψ) e δγ = Mλ0,μψ. n→∞ γ∈Pψ, n 13 Nous suivons la stratégie désormais classique de Briend-Duval [BrDu99] concernant un résultat analogue pour la mesure d’entropie maximale μf d’un endomorphisme de Pk. Lorsque ψ 6= 0, le jacobien de la mesure μψ n’est plus constant. Contrairement à la preuve classique, les éléments de la suite ne sont pas des mesures de probabilité et il n’y a pas une, mais deux inégalités à démontrer. La preuve donnée dans [BrDu99] repose sur des estimées précises de contraction le long d’une branche inverse générique pour μf, ce qui requiert des estimées quantitatives de distorsion le long des branches inverses établies par Berteloot-Dupont-Molino [BDM08, BeDu19]. Nous adaptons cette stratégie dans le cadre du système dynamique mesurable (J, F, Mλ0,μψ ), ce qui nécessite un contrôle précis de la contraction de f sur des tubes centrés en des graphes de J génériques pour la mesure Mλ0,μ ψ. Comme conséquence, nous obtenons le mouvement des points périodiques répulsifs comme graphes périodiques répulsifs pour F. Dans le Chapitre 4, nous sortons du cadre de la dynamique déterministe pour nous placer dans le contexte de la dynamique aléatoire. Chaque endomorphisme à itérer est choisi aléatoirement dans la famille au moyen d’une certaine loi de probabilité ν sur l’espace des paramètres. Les orbites sont alors de la forme z → fλ1 (z) → · · · → fλn ◦ · · · ◦ fλ1 (z) → · · ·, où λ1,..., λn sont des variables aléatoires i.i.d. de loi ν. Dans le cadre des endomorphismes de Pk, Fornaess et Weickert [FW00] ont construit une mesure d’équilibre adaptée au système aléatoire, en introduisant les fonctions de Green non-autonomes. Nous construisons un analogue de la mesure de Fornaess-Weickert dans le cadre plus général des applications d’allure polynomiale [DS03]. Comme les fonctions de Green n’existent pas dans ce contexte, nous adaptons l’approche ddc de Dinh-Sibony (voir aussi [DS10a]). Étant donnée une mesure de probabilité ν sur l’espace des paramètres, on considère l’opérateur de tranfert moyennisé Tν (φ) : C 0 (V ) → C 0 (V ), défini par Z 0 −1 (fλ )∗ φ dν(λ), ∀φ ∈ C (V ) : Tν (φ) := dt Λ où dt désigne le degré topologique commun des applications fλ. Son adjoint Tν : M1 (V ) → M1 (V ) correspond à l’opération de pullback des mesures, en moyenne. Théorème D. Soit (M, f ), une famille holomorphe d’applications d’allure polynomiale de la forme {fλ : Uλ → V }λ∈M. Soit ν une mesure de probabilité à support compact sur M. Il existe une unique mesure de probabilité borélienne μ sur V et un ensemble pluripolaire E ⊂ V tels que : i) Tν (μ) = μ ; ii) pour toute mesure μ0 ∈ M1 (V ) satisfaisant μ0 (E) = 0, la suite (Tνn (μ0 ))n∈N converge vers μ pour la topologie faible-∗ ; iii) si μ′ ∈ M1 (V ) satisfait Tν (μ′ ) = μ′, alors pour toute fonction φ ∈ C 0 (V ) ∩ PSH(V ), on a hμ′, φi ≤ hμ, φi. 14 Comme dans [FW00], un phénomène de disparition de l’ensemble exceptionnel E a lieu sous des hypothèses de régularité de la mesure ν (voir la Proposition 4.2.3). Nous considérons ensuite que la loi ν dépend holomorphiquement d’un paramètre s ∈ Σ, où Σ est une variété complexe, et construisons un courant horizontal dans l’espace produit Σ × M dont les tranches sont les mesures stationnaires du Théorème D. La construction de ce type de courants est l’une des premières étapes pour attaquer des questions de stabilité dynamique dans ce contexte. Théorème E. Soit (M, f ), une famille holomorphe d’applications d’allure polynomiale de la forme {fλ : Uλ → V }λ∈M. Soit (νs )s∈Σ un famille de mesures de probabilité sur M, paramétrée par une variété complexe Σ. Pour tout s ∈ Σ, on note μs la mesure νs -stationnaire du Théorème D. On suppose que i) ∪s∈Σ Supp νs est relativement compact dans M ; ii) la famille (νs )s∈Σ est holomorphe, (i.e. pour toute fonction ψ continue plurisousharmonique sur V, la fonction s 7→ hνs, ψi est continue plurisousharmonique sur Σ) ; iii) pour toute fonction ψ ∈ C 0 (V ), l’application Σ −→ (Cb0 (V ), || · ||∞ ) est continue. s 7 → Tν s (ψ) Alors il existe un (k, k)-courant positif fermé horizontal R sur Σ × V dont les tranches sont les mesures νs -stationnaires construites au Théorème D. Autrement dit : (1) ∀s ∈ Σ : hR, πΣ, si = μs. Nous adaptons la stratégie développée dans le cas déterministe par Pham [Pha05] et DinhSibony [DS10a]. Nous construisons d’abord le courant R en tirant en arrière une forme lisse dont les tranches sont des mesures de probabilité. On démontre (1) par dualité en évaluant les deux termes contre des fonctions test φ. Par des techniques standard, on peut se ramener au cas où φ est continue et plurisousharmonique. Dans ce cas, la fonction s 7→ hhR, πΣ, si, φi est plurisousharmonique. Grâce au Théorème D ii), on montre qu’il suffit d’assurer que la fonction s 7→ hμs, φi est plurisousharmonique sur Σ. Pour cela, on utilise la condition iii) du Théorème D ainsi que l’hypothèse iii) du Théorème E. Chapitre 1 Matériel préliminaire Dans ce chapitre, nous rappelons les principaux concepts utilisés pour étudier la dynamique holomorphe multivariée à l’aide de la théorie du pluripotentiel. Ces notions sont désormais classiques et seront utilisées abondamment dans la suite de la thèse. Les résultats sont référencés, mais pour la plupart donnés sans démonstration. 1.1 Théorie du pluripotentiel La théorie du pluripotentiel est l’étude des fonctions plurisousharmoniques et plus généralement des courants positifs. Pour une présentation détaillée, nous renvoyons à [Kli91] et [Dem12]. Le contenu de cette section est standard, mais nous le rappelons car il est utile à la compréhension du Chapitre 2 et fondamental pour notre approche dans le Chapitre 4. 1.1.1 Fonctions plurisousharmoniques Introduites indépendamment par Oka [Oka42] et Lelong [Lel42], les fonctions plurisousharmoniques jouent un rôle important en analyse complexe. On rappelle d’abord la notion de fonction sousharmonique, qui est fondamentalement une notion réelle. Définition 1.1.1. Soit V un ouvert de Ck. Une fonction u : V → R ∪ {−∞} semicontinue supérieurement est dite sousharmonique (s.h.) si elle n’est identiquement égale à −∞ sur aucune composante connexe de V et si elle vérifie l’inégalité de la moyenne multidimensionnelle. Autrement dit, pour tout z ∈ V et pour tout 0 < ε < distCk (z, ∂V ), on a Z 1 u(z) ≤ u(z + x)dx. Vol(BCk (0, ε)) BCk (0,ε) On note SH(V ) l’espace des fonctions sousharmoniques sur l’ouvert V. Une fonction u : V → R ∪ {−∞} est dite harmonique si u et −u sont sousharmoniques. On note H(V ) l’espace ces fonctions harmoniques sur l’ouvert V. En dimension k > 1, la notion de fonction sousharmonique n’est pas invariante par changement de carte holomorphe. C’est pourquoi on introduit l’espace suivant, qui sera plus adapté au cadre des variétés complexes. Définition 1.1.2. Soit V un ouvert de Ck. Une fonction u : V → R ∪ {−∞} semicontinue supérieurement est dite plurisousharmonique (p.s.h.) si elle n’est identiquement égale à −∞ sur aucune composante connexe de V et si elle vérifie l’inégalité de la moyenne dans toutes les directions. Autrement dit, pour tout z ∈ V et pour tout r ∈ Ck tel que 0 < |r| < distCk (z, ∂V ), on a Z 1 u(z) ≤ u(z + reiθ )dθ. 2π (0,2π) Si V ′ ⊂ Ck est ouvert connexe, u est une fonction p.s.h. sur V, et h : V ′ → V est holomorphe, alors la composée u ◦ h est p.s.h. sur V ′ ou identiquement égale à −∞ ([Kli91, Corollary 2.5.7]). Comme il s’agit d’une notion locale invariante par changement de coordonnées, la définition s’étend à toute variété complexe N. On note PSH(N ) l’espace des fonctions p.s.h. sur N. En particulier, la composition d’une fonction p.s.h. par toute carte locale holomorphe est sousharmonique. Une fonction u : N → R ∪ {−∞} est dite pluriharmonique si u et −u sont plurisousharmoniques. On note PH(N ) l’espace des fonctions pluriharmoniques. Une fonction pluriharmonique est analytique réelle et définit localement la partie réelle d’une fonction holomorphe. Pour un ouvert V ⊂ Ck, on a les inclusions PSH(V ) ⊂ SH(V ) et PH(V ) ⊂ H(V ). Ces classes de fonctions sont invariantes par un certain nombre d’opérations et jouissent de propriétés de compacité qui sont cruciales en dynamique holomorphe à plusieurs variables, dont nous verrons des illustrations dans cette thèse au cours des Sections 1.3.1 et 2.2. Le résultat suivant (voir [Kli91, Lemma 2.2.9]) est appelé inégalité de Harnack. On l’obtient au moyen de la formule intégrale de Poisson. Proposition 1.1.3 . Soit un entier m ∈ N∗, un point x0 ∈ Cm, deux réels 0 < r < R. On note B := BCm (x0, R). Pour toute fonction u ∈ H(B) ∩ C 0 (B) et tout x ∈ BCm (x0, r), on a 1 − r/R 1 + r/R f (x0 ) ≤ f (x) ≤ f (x0 ). m−1 (1 + r/R) (1 − r/R)m−1 Deux conséquences importantes de cette inégalité sont respectivement le théorème de Harnack et le principe de compacité (voir [Kli91, Theorem 2.2.10] et [Kli91, Theorem 2.2.11]). Proposition 1.1.4. Soit V ⊂ Ck un ouvert et (un )n∈N une suite de fonctions harmoniques sur V. i) Si la suite (un )n∈N converge localement uniformément vers une fonction u : V → R, ∂un alors u est harmonique. De plus, pour tout 1 ≤ j ≤ m, la suite converge ∂xj n∈N ∂u localement uniformément vers. ∂xj ii) Si la suite (un )n∈N est croissante, alors la fonction u := lim un est soit harmonique, n→∞ soit constante égale à +∞. Proposition 1.1.5. Soit V ⊂ Ck un ouvert et (un )n∈N une suite de fonctions harmoniques localement uniformément bornée. Il existe une sous-suite (unj )j∈N qui converge localement uniformément vers une fonction u : V → R. 17 En combinant les Propositions 1.1.4 et 1.1.5 appliquées dans le cas k = 1 pour des disques holomorphes, on obtient que toute limite d’une suite de fonctions pluriharmoniques localement uniformément majorées sur une variété complexe M est pluriharmonique. Le résultat suivant (voir [Kli91, Corollaire 2.9.8]) est appelé principe d’identité faible. Proposition 1.1.6. Soient N une variété complexe de dimension k et u, v ∈ PSH(N ). Si u = v presque-partout, alors u = v sur N. On peut remplacer l’égalité par une inégalité. Nous utiliserons le cas où v est une constante. Proposition 1.1.7. Soit N une variété complexe, u ∈ PSH(N ), et c ∈ R une constante telle que u ≤ c Lebesgue-presque partout. Alors u ≤ c partout. Démonstration. On suppose que N est un ouvert de Ck, k ∈ N∗. Comme PSH(V ) ⊂ SH(V ), la fonction u est sous-harmonique. Ainsi, si z ∈ V et 0 < ε < distCk (z, ∂V ), on a Z 1 u(z + x)dx ≤ c, u(z) ≤ Vol(B(0, ε)) B(0,ε) car u(z + x) ≤ c pour Lebesgue-presque tout x ∈ B(0, ε). Le résultat suivant, moins standard, sera utilisé au cours du Chapitre 4. Proposition 1.1.8. On considère deux variétés complexes M et N, une fonction borélienne majorée u : M × N → [−∞, c], où c ∈ R, et une variable aléatoire λ sur M suivant une loi de probabilité ν. On suppose que : — pour ν-presque-tout λ ∈ M, la fonction u(λ, ·) est p.s.h. sur N ; — pour tout z ∈ N, la fonction u(·, z) est localement ν-intégrable sur M. Alors la fonction z 7→ Eν [u(λ, z)] est p.s.h. sur N. Démonstration. La plurisousharmonicité étant une notion locale, il suffit de prouver le résultat lorsque N est un ouvert de Ck, k ∈ N∗. Quitte à remplacer u par u − c, on peut supposer que la fonction u est négative, ce qui justifie l’utilisation du théorème de Fubini-Tonelli (∗) et du lemme de Fatou (∗∗) dans les raisonnements suivants. Soit z ∈ V et r ∈ Ck tels que B(z, |r|) ⊂ V. Comme, pour ν-presque tout λ ∈ M, la fonction z 7→ u(λ, z) vérifie l’inégalité de la moyenne dans toutes les directions, on a Z 1 u(λ, z) ≤ u(λ, z + reiθ )dθ, 2π ]0,2π[ presque sûrement. Par croissance de l’espérance, on obtient Z Z 1 ∗ 1 iθ u(λ, z + re )dθ = Eν u(λ, z + reiθ ) dθ.
14,081
c826f8161d84d6ad94ab4929ab42870a_20
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,014
Parités de pouvoir d'achat
None
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Spoken
2,676
5,204
3.7 5.0 5.6 3.3 .. 6.7 5.5 .. .. 4.5 4.8 .. 5.9 5.1 5.1 .. 3.3 .. .. 5.0 .. 8.2 .. 0.7 .. 4.8 .. .. .. .. .. .. 6.3 4.5 6.1 .. 6.6 .. 1.5 6.9 5.1 .. 4.9 6.3 6.4 3.6 .. 4.3 6.8 .. 6.1 4.5 5.0 1.8 6.3 5.6 5.4 4.4 3.7 .. 4.3 4.9 .. 7.4 4.2 1.6 .. 5.0 .. .. .. .. .. .. 8.3 5.4 7.6 6.1 6.2 3.4 2.2 7.3 5.2 4.1 5.9 5.1 8.0 4.8 5.1 4.6 7.7 4.7 5.8 6.1 6.4 2.4 6.9 5.9 5.0 3.9 6.2 4.9 5.7 5.6 6.1 6.9 5.5 3.1 .. 5.5 3.4 2.9 1.8 3.2 1.1 0.7 8.7 6.1 8.2 8.0 7.9 3.5 4.1 9.3 6.8 4.7 8.5 6.8 8.9 5.9 5.1 6.0 7.3 4.7 7.2 7.9 5.6 2.9 7.9 8.5 .. 4.8 6.7 5.6 6.3 7.8 6.5 7.7 7.1 .. 6.4 6.7 3.5 3.1 1.6 3.3 1.1 1.0 1980 1990 1.8 2.3 2.3 0.0 1.7 0.0 2.8 1.1 1.1 0.0 5.3 1.3 1.4 2.6 0.0 1.5 0.7 0.0 0.0 1.8 0.4 0.0 1.0 0.7 2.3 0.0 1.8 0.0 0.0 0.6 0.0 0.7 0.0 1.8 .. 1.1 .. .. .. .. .. .. 2.0 2.3 2.3 0.0 2.3 0.0 2.3 1.4 1.4 0.0 7.5 1.5 2.0 3.1 0.0 1.7 1.0 0.0 1.6 1.3 0.4 2.6 1.3 1.2 2.6 0.4 2.0 0.0 0.1 1.0 0.0 0.8 3.8 1.1 .. 1.5 .. .. .. .. .. .. Dépenses totales 2000 2011 ou dernière année disponible 1980 1990 2000 2011 ou dernière année disponible 2.1 2.7 2.4 2.1 2.6 3.1 2.1 1.4 2.0 1.2 7.8 2.1 2.1 3.2 2.1 1.5 1.8 2.8 2.0 1.5 1.1 2.7 1.5 1.7 2.9 1.7 3.1 0.6 0.6 1.5 2.1 1.2 4.4 1.8 .. 2.2 4.9 4.3 2.9 2.2 3.2 1.2 2.7 2.9 2.6 2.5 3.3 4.0 3.3 1.6 2.5 1.2 9.2 2.2 2.7 3.2 2.8 2.9 1.8 3.0 2.0 1.7 1.1 3.3 1.4 1.8 .. 2.0 3.6 2.3 1.2 1.6 2.3 1.7 3.9 1.6 2.2 2.6 5.1 5.8 3.5 2.9 2.8 1.8 8.4 6.1 7.5 6.3 7.0 .. 3.6 8.9 5.3 .. 9.0 6.3 7.0 5.9 .. 8.1 6.3 7.7 .. 6.4 5.2 .. 7.0 5.8 7.4 .. 5.1 .. .. 5.6 .. 8.9 7.2 2.4 .. 6.6 .. .. .. .. .. .. 8.3 6.8 8.4 7.2 8.9 .. 3.9 8.3 6.5 .. 12.4 7.7 8.4 6.7 .. 6.0 7.8 7.1 7.7 5.8 5.4 4.4 7.6 6.8 8.0 4.8 5.7 .. 4.4 5.8 .. 8.2 8.0 2.7 .. 6.9 .. .. .. .. .. .. 10.4 8.1 10.0 8.1 8.8 6.4 4.3 8.7 7.2 5.3 13.7 7.2 10.1 8.0 7.2 6.1 9.5 7.5 7.9 7.6 7.5 5.1 8.4 7.6 8.0 5.5 9.3 5.5 6.3 7.0 8.3 8.2 9.9 4.9 .. 7.8 8.3 7.2 4.6 5.4 4.3 2.0 11.3 8.9 10.8 10.5 11.2 7.5 7.4 10.9 9.3 5.9 17.7 9.0 11.6 9.1 7.9 8.9 9.0 7.7 9.2 9.6 6.6 6.2 9.3 10.3 11.9 6.9 10.2 7.9 7.5 9.4 8.9 9.5 11.0 .. 8.6 9.4 8.5 8.9 5.2 6.2 3.9 2.7 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933040110 Dépenses de santé publiques et privées En pourcentage du PIB, 2012 ou dernière année disponible Publiques Privées 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933038229 PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2014 © OCDE 2014 253 Chercheurs Chômage, voir : Index analytique A A 164 Accidents mortels de la route 128 146 Inactivité des jeunes 190 Par région 148 Population étrangère et née à l'étranger 24 Taux 144 68 148 Commerce, voir : Balance 80 Biens, international 78 En valeur ajoutée 84 Administrations publiques, voir : Marchandises 82 Besoin de financement net 204 Partenaires 82 Coûts de production 212 Dépenses 210 Rôle des biens intermédiaires et des services 86 Services, international 80 Dépenses et recettes par habitant 210 Passif financier brut 206 Recettes 204 Communications, voir : Secteur des TIC 164 Agriculture, voir : Valeur ajoutée par activité 52 Compétences, voir : Évaluation internationale des compétences des adultes Aide au développement, voir : Aide publique au développement 224 Compétitivité, voir : Taux de change effectifs réels 106 Conflits d’intérêts 214 Aide étrangère, voir : Aide publique au développement 224 Aide publique au développement (APD) 224 188 Consommation d'alcool 244 Consommation de tabac, voir : Fumer 242 Consommation d'eau 168 112 Coûts de production 212 Par région 112 Coûts unitaires de la main-d'œuvre 46 Par unité du PIB 112 Croissance annuelle, voir : Approvisionnements totaux en énergie primaire (ATEP), voir : Par habitant Aquaculture, voir : Exportations de biens 78 80 Concours publics à la pêche 222 Exportations de services Pêcheries 170 Importations de biens 78 Importations de services 80 Culture, voir : Évaluation internationale des élèves B B Balance des opérations courantes 92 Balance des paiements 92 184 D D Bien-être et conditions de vie, voir : Revenu disponible des ménages 60 Débarquements des pêches 170 Biens et services, voir : Balance commerciale 78 Déchets municipaux 172 152 Défense, l'ordre public et la justice, voir : Dépenses 208 Déficits publics, voir : Dette publique 206 Biotechnologie, voir : Dépenses de recherche et développement (R-D) Brevets, voir : Brevets 156 Dépôt de brevet 158 C C Chaînes de valeur mondiales, voir : Échanges en valeur ajoutée 254 À long terme Coefficient de Gini, voir : Taux de chômage par région Accès Internet, voir : Ordinateurs, Internet et télécommunications Actifs financiers, voir : Actifs financiers des ménages 154 86 Dépendance des personnes âgées, voir : Dépenses sociales 216 Population dépendante 18 Taux de population, régions 22 Dépense intérieure brute de recherche et développement 152 PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2014 © OCDE 2014 Taux, âge Dépenses, voir : Défense 208 Éducation, privée, enseignement supérieur 200 134 Taux, personnes nées à l'étranger 28 Taux, régions 140 Enseignement supérieur 196 Temps partiel 136 Militaires 208 Emplois, voir : Emploi 132 Recherche et développement (R-D) 152 Énergie, voir : Retraites 218 Approvisionnement total Santé 252 Approvisionnement, par habitant 112 Social 216 Intensité 112 Structure des coûts de production des administrations publiques 212 Structure des dépenses du gouvernement central par fonction 210 Dépenses publiques, voir : Dépenses des administrations publiques 210 Recettes et déficits 204 Dépenses sociales 216 Déscolarisés et inactifs, voir : Inactivité des jeunes 190 Dette, voir : Dette des ménages 70 Dette publique 206 Dette publique 206 Docteurs, voir : Médecins 248 Médecins 248 110 Nucléaire 116 Prix du pétrole 122 Production de pétrole 120 Production d'électricité 114 Renouvelable Enseignants 118 198 Enseignement supérieur, voir : Dépenses 196 Dépenses privées 200 Niveau supérieur 194 Entrepreneuriat, voir : Emploi non salarié 138 Petites et moyennes entreprises 54 Épargne, voir : Dette publique 206 Épargne des ménages 62 Revenu national par habitant 58 E E Espaces verts, voir : Viabilité écologique 180 Espérance de vie 236 Éducation, voir : Études à l'étranger 192 Étudiants internationaux et étrangers, voir : Études à l'étranger 192 184 30 Dépenses par étudiant 196 Dépenses privées, enseignement supérieur 200 Enseignement des mathématiques 186 Enseignement supérieur 194 Évaluation internationale des élèves, voir : PISA 192 Exode des cerveaux, voir : Migration, chômage Évaluation des élèves 184 Exportations, voir : Inactivité des jeunes 190 Balance commerciale 200 Biens 76 Niveau 194 Biens TIC 162 Électricité 114 Croissance annuelle relative des importations de services 80 Études à l'étranger Investissement, enseignement supérieur Émissions de dioxyde de carbone (CO2), voir : Émissions de dioxyde de carbone 174 Émissions de gaz à effet de serre 178 Émissions de soufre et d’azote 176 Pétrole 174 Zones métropolitaines 180 Emploi, voir : Travail 78 Partenaires commerciaux 82 Services 76 F F 132 Familles triadiques de brevets, voir : Brevets Croissance, régions 140 Emploi non salarié 138 Formation brute de capital fixe, voir : Taux d'investissement 38 132 Fumer 242 Taux d'emploi selon le sexe PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2014 © OCDE 2014 156 255 M M G G Gaz à effet de serre, voir : Émissions de dioxyde de carbone (CO2) I Maladie mentale 174 I Importations, voir : Balance commerciale 78 Biens 78 Part des échanges internationaux dans le PIB 76 Partenaires commerciaux 82 Services 80 Actifs financiers 68 Actifs non financiers 72 Épargne 62 Patrimoine 68 Revenu disponible 26 Chômage 30 Emploi 28 Population étrangère et immigrée, tendance 24 Biens et services 230 Rémunération et profits 228 Mortalité infantile Inactivité des jeunes 96 Indices des prix à la production (IPP) 98 Parités de pouvoir d'achat 102 Taux de conversion 102 Né à l'étranger, voir : Taux de chômage 30 Tendances des migrations 26 Non salarié, emploi 138 52 O O Industries manufacturières, voir : IPP: produits manufacturés domestiques 98 Salariés dans l’industrie manufacturière 54 Inégalité, voir : Inégalité des revenus 64 Infirmières 250 Intermédiaires, voir : Échanges en valeur ajoutée : rôle des biens intermédiaires et des services 238 N N Indices des prix à la consommation (IPC) Innovation, voir : Dépôt de brevet dans les zones métropolitaines 238 190 Indice de prix, voir : Industrie, voir : Contribution à la croissance de la valeur ajoutée par activité 60 Migration, voir : Mortalité des enfants, voir : Mortalité infantile Impôts, voir : 240 Ménages, voir : Obésité 246 Ordinateur, internet et télécommunications 164 P P 158 86 Investissement direct étranger (IDE), voir : Parités de pouvoir d'achat 102 Part de la population dépendante, voir : Taux de dépendance des personnes agées 18 Passifs financiers, voir : Dette publique 206 Patrimoine, ménages 68 Pauvreté, voir : Pauvreté monétaire 66 88 Pêche, transferts financiers publics, voir : Concours publics à la pêche 222 Investissement étranger, voir : Investissements directs étrangers 88 Performance en mathématique, voir : Enseignement des mathématiques 186 Investissement immobilier, voir : Taux d'investissement Petites et moyennes entreprises 54 38 Investissement industriel, voir : Taux d'investissement 38 Indice de restrictivité de la réglementation de l'IDE 88 Stocks d'IDE Pétrole, voir : Prix 122 Production 120 Pétrole brut, voir : L L Liberté d'information, voir : Transparence du gouvernement 256 214 Prix au comptant 122 Prix d’importation 122 PIAAC, voir : Évaluation internationale des compétences des adultes 188 PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2014 © OCDE 2014 S S PISA, voir : Enseignement des mathématiques 186 Évaluation internationale des élèves 184 Pollution, voir : Émissions de dioxyde de carbone 174 Émissions de soufre et d’azote 176 Population, voir : 12 En niveau 12 Par région 20 Âgée 22 Dépendante 18 Âge de travailler 12 Étrangère et immigrée 24 Mondiale 12 Répartition, régions 20 Taux de croissance démographique 12 Prix, voir : Indices des prix à la production 98 Production d'électricité nucléaire 116 Production des déchets, voir : Déchets municipaux 172 Productivité, voir : Croissance de la productivité du travail Productivité et bilan de la croissance Produit intérieur brut (PIB), voir : Contribution à la croissance de la valeur ajoutée par activité 198 Rémunération du travail 48 Salariés dans l’industrie manufacturière 54 Santé, voir : Alcool 244 Dépenses 252 État de santé 236 Fumer 242 Infirmières 250 Obésité 246 Ressources 248 Risques 242 Services, voir : Importations de services 80 Valeur ajoutée par activité 50 Services marchands, voir : Contribution à la croissance de la valeur ajoutée par activité 52 42 Services publics, voir : Contribution à la croissance de la valeur ajoutée dans les services 52 44 Soutien aux producteurs agricoles 220 34 Suicides 240 Surpoids et obésité, voir : 246 52 Croissance 36 Croissance du PIB réel 36 Par habitant 34 Par habitant et productivité du travail 42 Par heure travaillée 40 Productivité et bilan de la croissance 44 Produits raffinés, voir : Proportion des produits raffinés par produit Salaires, voir : Enseignants T T Taux de change, voir : 102 Taux de change effectifs réels 106 Taux de conversion 102 Taux de fécondité 16 Taux de mortalité, voir : Mortalité infantile 238 Taux des naissances, voir : 120 Taux de fécondité Taux de mortalité infantile R R Recettes fiscales 230 Recherche et développement (R-D), voir : 152 12 238 Taux d'intérêt 100 Taux d'investissement 38 Technologies de l’information et des communications (TIC), voir : Brevets 156 Exportations 162 Chercheurs 154 Secteur 164 Dépenses 152 Taille du secteur TIC 160 Retraites, dépenses 218 Revenus, voir : Télécommunications, voir : Ordinateurs, Internet et télécommunications 164 164 Inégalité 64 Téléphones, voir : Télécommunications Pauvreté 66 Temps partiel, emploi 136 Revenu national brut et net par habitant 58 Transparence du gouvernement 214 Revenus des ménages 60 Transport, voir : RNB, voir : Revenu national brut et net par habitant PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2014 © OCDE 2014 58 de marchandises 124 de passagers / voyageurs 126 257 Travail, voir : 50 Croissance de la productivité 42 Réelle dans les services 50 Durée effective du travail 142 Niveaux de la productivité 40 Rôle des biens intermédiaires et des services 86 Rémunération 48 V V Valeur ajoutée étrangère, voir : Échanges en valeur ajoutée 84 Viabilité, voir : Viabilité écologique 180 Z Z Valeur ajoutée, voir : Contribution à la croissance de la valeur ajoutée par activité 52 Coûts unitaires de la main-d’œuvre 46 Dépôt de brevet 158 84 Viabilité écologique 180 Échanges 258 Par activité Zones urbaines, voir : PANORAMA DES STATISTIQUES DE L’OCDE 2014 © OCDE 2014 ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES L’OCDE est un forum unique en son genre où les gouvernements œuvrent ensemble pour relever les défis économiques, sociaux et environnementaux liés à la mondialisation. Les pays membres de l’OCDE sont : l’Allemagne, l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Canada, le Chili, la Corée, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, les États-Unis, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Islande, Israël, l’Italie, le Japon, le Luxembourg, le Mexique, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République slovaque, la République tchèque, le Royaume-Uni, la Slovénie, la Suède, la Suisse et la Turquie. L’Union européenne participe aux travaux de l’OCDE. Les Éditions OCDE assurent une large diffusion aux travaux de l’Organisation. Ces derniers comprennent les résultats de l’activité de collecte de statistiques, les travaux de recherche menés sur des questions économiques, sociales et environnementales, ainsi que les conventions, les principes directeurs et les modèles développés par les pays membres. ÉDITIONS OCDE, 2, rue André-Pascal, 75775 PARIS CEDEX 16 (30 2013 08 2 P) ISBN 978-92-64-20920-6 – 2014 Panorama des statistiques de l’OCDE 2014 ÉCONOMIE, ENVIRONNEMENT ET SOCIÉTÉ Le Panorama des statistiques de l’OCDE 2014 est une publication statistique annuelle globale. Plus de 100 indicateurs couvrent un large gamme de sujets, y compris de nouveaux indicateurs relatifs aux échanges en valeur ajoutée et au changement climatique. Les données sont fournies pour tous les pays membres de l’OCDE (y compris les totaux de la région) et, sous réserve de données comparables disponibles, l’Afrique du Sud, le Brésil, la Fédération de Russie, l’Inde, l’Indonésie et la République populaire de Chine. Pour chaque indicateur, il y a une double page : une page de texte comporte une brève introduction, puis une définition détaillée de l’indicateur, des commentaires sur la comparabilité des données, une évaluation des tendances à long terme liées à l’indicateur et une liste de références pour de plus amples informations sur l’indicateur ; la page opposée contient un tableau et un graphique qui illustre – d’un coup d’œil – le message clé véhiculé par les données. Pour chaque tableau est fourni un « StatLink » dynamique où les lecteurs peuvent télécharger les données correspondantes. Le Panorama des statistiques de l’OCDE continuera de fournir les données qui étayeront les efforts déployés par l’OCDE pour remplir sa mission visant à promouvoir des politiques meilleures pour une vie meilleure et pour répondre à l’évolution des besoins des citoyens, des chercheurs, des analystes et des décideurs en matière de statistiques. Sommaire Population et migration Production et productivité Revenus et patrimoine des ménages Mondialisation Prix Énergie et transport Travail Science et technologies Environnement Éducation Gouvernement Santé Veuillez consulter cet ouvrage en ligne : http://dx.doi.org/10.1787/factbook-2014-fr. Cet ouvrage est publié sur OECD iLibrary, la bibliothèque en ligne de l’OCDE, qui regroupe tous les livres, périodiques et bases de données statistiques de l’Organisation. Rendez-vous sur le site www.oecd-ilibrary.org pour plus d’informations. ISBN 978-92-64-20920-6 30 2013 08 2 P 9HSTCQE*cajcag+.
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03/05/2023 20:02 Régime juridique d’une décision du président du conseil général mettant fin à l’accueil d’enfants confiés à assistante familiale – revue Alyoda Numéros / 2012 | 3 Régime juridique d’une décision du président du conseil général mettant fin à l’accueil d’enfants confiés à assistante familiale DÉCISION DE JUSTICE CAA Lyon, 6ème chambre – N° 11LY01360 – 28 juin 2012 – C+ INDEX Mots-clés Assistante familiale, Droits de la défense, Motivation, Procédure disciplinaire Rubriques Actes administratifs TEXTES Résumé Conclusions du rapporteur public Résumé 1 La décision du président du conseil général de mettre fin à l'accueil de trois enfants confiés à une personne en tant qu’une assistante familiale ne constitue pas une sanction dès lors qu’elle est prise dans l’intérêt des enfants concernés. Son édiction n’a donc pas à être précédée de la mise en œuvre de la procédure disciplinaire. En outre, cette mesure, qui n’a pas le caractère d’un licenciement, en l’absence de toute rupture du contrat de travail liant l’intéressée au département, ni ne retire à son agrément en tant qu’assistante familiale, n’est pas au nombre des actes énumérés aux articles 1er et 2 de la loi du 11 juillet 1979, et n’a donc pas à être motivée. https://alyoda.eu/index.php?id=2088 1/2 03/05/2023 20:02 Régime juridique d’une décision du président du conseil général mettant fin à l’accueil d’enfants confiés à assistante familiale – revue Alyoda Conclusions du rapporteur public François Pourny Rapporteur public à la cour administrative d’appel de Lyon DOI : 10.35562/alyoda.5975 1 La requérante, Mme Evolène F..., née en 1957, bénéficie d’un agrément en qualité d’assistante maternelle puis d’assistante familiale depuis le 28 juin 2002 et son agrément a été renouvelé pour cinq ans par un arrêté du 31 mai 2007. Elle accueillait une fratrie de trois enfants qui lui avaient été confiés par le département du Rhône en août 2005 mais ces enfants lui ont été retirés par une décision du 25 septembre 2008, faisant suite à un rapport établi par une assistante sociale le 17 septembre 2008. 2 Mme F... a contesté cette décision devant le Tribunal administratif de Lyon, qui a rejeté sa demande par son jugement n° 0904913 du 5 avril 2011, dont elle interjette appel. 3 Mme F... soutient en premier lieu que la décision du 25 septembre 2008 n’est pas une décision de retrait des enfants qui lui ont été confiés, mais qu’il s’agit d’une décision de licenciement pour motif disciplinaire intervenue en dehors de toute procédure. 4 Vous pourrez constater que la décision attaquée se présente sous la forme d’une simple attestation indiquant que la requérante n’accueille plus les enfants qui lui avaient été confiés. En l’absence de toute autre décision notifiant à la requérante le retrait des enfants qui lui étaient confiés, cette attestation révèle une décision susceptible d’être contestée. Cependant, une telle attestation, qui témoigne seulement de l’existence d’une décision de retrait des enfants, ne nous paraît pas susceptible d’être regardée comme une décision de licenciement. 5 Dès lors, si vous nous suivez sur ce premier point, la décision attaquée, qui n’est ni un licenciement, ni une sanction, puisqu’il s’agit d’une décision prise dans l’intérêt des enfants et non d’une décision prise à l’encontre de l’assistante familiale concernée, n’était pas au nombre des décisions devant être motivées en application des dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979. 6 Il n’en demeure pas moins que Mme F... devait être consultée préalablement à la décision de retrait des enfants, conformément aux dispositions de l’article L.421-16 du code de l’action sociale et des familles, mais elle l’a été au cours d’un entretien qui s’est tenu le 22 septembre 2008 à la maison du Rhône. 7 Par ailleurs, comme il ne s’agit ni d’un licenciement, ni d’une sanction, la requérante ne peut pas se prévaloir des garanties attachées à la procédure disciplinaire. 8 Sur le fond du dossier les rapports des travailleurs sociaux font apparaître un manque d’investissement à l’égard des enfants, un manque d’affection et une attitude négative du fils de Mme F... alors que Mme F... verse au dossier de nombreuses attestations de parents et amis faisant état de son investissement auprès des enfants. Il nous semble toutefois que ces attestations ne suffisent pas à établir que la décision attaquée repose sur des faits erronés ou qu’elle soit entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. 9 Nous vous proposons donc de rejeter la requête, y compris par voie de conséquence les conclusions présentées pour Mme F... au titre de l’article L761-1 du code de justice administrative et de rejeter dans les circonstances de l’espèce, les conclusions présentées au même titre pour le département du Rhône. 10 Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête et au rejet du surplus des conclusions du département du Rhône. DROITS D'AUTEUR CC BY-NC-SA 4.0 Licence applicable à l'ensemble du document, exception faite des Conclusions du rapporteur. Ces conclusions ne sont pas libres de droits. Leur citation et leur exploitation commerciale éventuelles doivent respecter les règles fixées par le code de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, toute rediffusion, commerciale ou non, est subordonnée à l’accord du rapporteur public qui en est l’auteur. Numéros / 2012 | 3 https://alyoda.eu/index.php?id=2088 2/2.
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Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne) Caroline Guittet 1 THÈSE / UNIVERSITÉ RENNES 2 sous le sceau de l'Université Bretagne Loire pour obtenir le titre de DOCTEURE DE l'UNIVERSITÉ RENNES 2 Mention : Géographie École doctorale - Humanités et Sciences de l'Homme Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne) présentée par Caroline Guittet Préparée à l'Unité Mixte de Recherche CNRS 6590 ESO UNIVERSITÉ RENNES 2 Laboratoire ESO (Espaces et SOci étés ) / Rennes Thèse soutenue le 02 décembre 2016 devant le jury composé de : Laurent C ouderchet Professeur de géographie, Université Bordeaux 3 / rapporteur Jean-Paul Métailié Directeur de Recherche CNRS, Université de Toulouse II / rapporteur Gérald Domon Professeur de géographie, Université de Montréal / examinateur Jac Fol Professeur d'architecture, ENSA Paris - Malaquais / examinateur Fabienne Joliet Professeure de géographie, Agrocampus Ouest Angers /examinateur Laurence Le Dû-Blayo Maître de conférences HDR en géographie / directrice de thèse Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale ( de la région Bretagne Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne) 3. 2. 4. © A. Bodin 1. 1. Jalons théoriques : Les OPP à la croisée du triptyque du social, de l'espace et du temps 2. État de l'art : Usages et genèse des OPP THÈSE DE DOCTORAT Discipline : Géographie Présentée par : Caroline Guittet Directrice de thèse : Laurence Le Dû -Blayo 3. Expérimentations : Exploitation des séries photographiques OPP 4. Perspectives : Vers des archives de savoirs paysagers Sous le sceau de l'Université Bretagne Loire Thèse soutenue le 02 décembre 2016 Comité de thèse composé de : Philippe Béringuier Maître de conférences en géographie, Université Toulouse II Thèse de doctorat financée par une allocation de recherche doctorale de la Région Bretagne (2011 / 2014) Jeannine Corbonnois Professeure de géographie, Université du Maine Hervé Davodeau Maître de conférences en géographie, Agrocampus-Ouest Angers Claire Guiu Maître de conférences en géographie, Université de Nantes Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Remerciements - Cette recherche résulte de nombreux échanges à la fois scientifiques, collaboratifs et amicaux. De nombreuses personnes, par leur générosité, ont contribué de près à la réflexion, à la mise en forme et à l'aboutissement de la thèse. Mes premières pensées s'adressent à ma directrice de thèse, Laurence Le Dû-Blayo. La présente recherche est le fruit du travail à ses côtés, de nos discussions, de nos débats parfois animés où, avec du recul, elle avait toujours une longueur d'avance sur moi. C'est aussi grâce à toutes les opportunités s qu'elle m'a offertes avec une confiance indéfectible que le projet de thèse a pu mûrir et aboutir. Par son ouverture d'esprit et sa richesse intellectuelle, elle m'a laissé vaquer à mes envies, à être moi dans cette recherche académique. Au-delà de ses lectures, ses relectures, ses conseils toujours audacieux, sa bienveillance et son écoute ont été d'un grand soutien pendant ces cinq années. La générosité dont elle fait preuve au quotidien m'entraîne dans sa passion pour la recherche. Je tiens à remercier également les membres de mon comité de thèse, Philippe Béringuier, Jeannine Corbonnois, Hervé Davodeau et Claire Guiu qui se sont réunis chaque année pour orienter et consolider le travail. Les échanges stimulants initiés, leurs conseils et les encouragements réitérés ont été une véritable ressource pour la progression de la thèse. Leurs relectures ont été également très précieuses. Merci à Hélène Bailleul, Raphaële Bertho et Sandrine Depeau pour les discussions passionnantes et denses que nous avons eues ensemble et pour la confiance qu'elles m'ont accordée. Travailler à leur côté à l'occasion de différents projets m'a beaucoup apporté. Merci pour les relectures, les conseils avisés et bibliographiques. Je souhaite remercier particulièrement le Conseil régional de Bretagne qui a financé cette thèse par une allocation de recherche doctorale et qui a également assuré les conditions favorables matérielles et financières par le biais d'une convention de recherche. Je remercie plus généralement les équipes du Conseil régional et de la DREAL Bretagne qui ont été pilotes dans la réalisation de la POPP-Breizh. C'est avec beaucoup de reconnaissance que je remercie les institutions bretonnes porteuses d'OPP : le CAUE des Côtes d'Armor − plus spécifiquement Henri Le Pesq et Sophie Riguel −, le PNR d'Armorique − notamment Lise Vauvert −, le PNR du Golfe du Morbihan − 3 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 particulièrement Monique Cassé, Clément Briandet et Matthias Urien −, le pays de Saint-Brieuc − Fabienne Mordellet − et Eiffage Rail Express − Vincent Perreira et Anne-Laure Bethe −. Leur collaboration, leur disponibilité et les nombreuses discussions ensemble ont participé à la construction de la réflexion. Ils ont été des acteurs clefs pour la réalisation des projets menés durant la thèse. Je les remercie aussi de m'avoir donné accès à leur fonds photographique. Le de découverte du son à Cavan a été un lieu formateur et de débats captivants sur les paysages sonores. Je remercie sincèrement les habitants, les élus et les professionnels bretons qui m'ont ouvert leurs portes chaleureusement, qui m'ont consacré du temps et m'ont fait découvrir et redécouvrir les paysages. Leurs contributions via des récits, des histoires de vie, des histoires de paysage ont été essentielles pour la présente recherche. L'association d'habitants Arkae à ÉrguéGabéric, qui m'a accueillie pendant plusieurs semaines et qui a permis d'échanger avec de nombreux habitants, a été source d'inspiration et de réflexion. Le laboratoire ESO a été d'un réel soutien matériel et financier pour les différents projets menés durant la thèse. 4 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Avertissements - Le contenu du manuscrit s 'appuie sur plusieurs articles rédig és durant la thèse de doctorat . L'investissement au sein de trois programmes de recherche particip e aux ré flexion s dans le présent ou vrage tant par les débats qui se sont tenus lors des différentes sé min aires que par la contribution aux rapports et publications . Méthodologie et prospective pour une stratégie régionale de gestion durable des paysages (2009-2015) Coordination scientifique : Laurence Le Dû-Blayo, Université Rennes 2 / Financement par le Conseil région al de Bretagne Ce programme porte en partie sur les Observa toires Photographiques du Paysage. Il s'agit d'exploiter ce fonds photographique pour appréhender les dynamiques paysagères et de le valori ser. Dans ce cadre, deux projets ont abouti : le site internet L ' évolution du paysage en Bretagne et la Plateforme des Observatoires Photographiques du Paysage, la POPP-B reiz h . 2012-2015 : Programme « Participation des populations et re nouvelle ment des pratiques paysagistes . Une recherche-action par l'expérimentation et la comparaison des méthodes » Coordination scientifique : David Montembault, Agrocampus Ouest, Anger s / Financement dans le cadre du second programme Paysage et développement durable porté par le Ministère chargé de l'environnement. L'objectif de ce programme de recherche est d'interroger et d'expérimenter la participation paysagère à travers deux projets de recherche-action. Des séminaires réunissant des chercheurs et des paysagistes sont l'occasion d'approfondir les réflexions à partir d'expériences concrètes. 2014 : Programme « Mon paysage au quotidien » Coordination scientifique : Raphaële Bert ho , MICA , Université Bordeaux 3 / Financement du Ministère chargé de l'environnement Il s'agit d'étudier le us photographique issu du concours photo « Mon paysage au quotidien », organisé par le Ministère chargé de l'environnement de 2013 à 2014. Cette analyse permet d'identifier les représentations sociales actuelles des habitants sur les paysages français. 5 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale ( exemple de la région Bretagne - 2016 Acronymes - AONB : Areas of Outstanding Natural Beauty ANR : Agence Nationale de la Recherche CAUE : Conseil d'Architecture de l'Urbanisme et de l'Environnement CEP : Convention Européenne du Paysage CEPAGE : CEntre de recherche sur l'histoire et la culture du PAysaGE. CNDP : Commission Nationale du Débat Public COEUR-Emeraude : COmité des Élus et Usagers de la Rance – Emeraude. COSTEL : Climat et Occupation du Sol par Télédétection DATAR : Délégation interministérielle à l'Aménagement du Territoire et de l'Attractivité Régionale DDTM : Direction départementale des Territoires et de la Mer DEAL : Direction de l'Environnement de l'Aménagement et du Logement DOG : Document d'Orientations Générales DPLG : Diplômé Par Le Gouvernement DRAAF : Direction Régionale de l' Alimentation , de l'Agriculture et de la Forêt DREAL : Direction Régional e de l' Environnement de l'Aménagement et du Logement DRIEE : Direction Régionale et Inter département ales de l'Environnement et de l'Energie ECPA : Éditions du Centre de Psychologie Appliquée. ENS : Espace Naturel Sensible ENSAP Bx : École Nationale Supérieure de l'Architecture et du Paysage de Bordeaux EPCI : Établissement Public de Coopération Intercommunale ESPACE : Étude des Structures, des Processus d'Adaptation et des Changements de l'Espace FSA : Farm Security Administration GEMET: GEneral Multilingual Environmental Thesaurus GEODE : GEOgraphie De l'Environnement GRECAU : Groupe de Recherche Environnement, Conception Architecturale et Urbaine 6 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 IGN : Institut nationale de l'information géographique et forestière InEE : Institut Écologique et Environnement INRTS : Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité INSEE : Institut Nationale de la Statistique et des Études Economiques LETG : Littoral Environnement Télédétection Géomantique LOADDT : Loi d'Orientation pour l'Aménagement et le Développement Durable des Territoires MEDDE : Ministère de l'Écologie, du Développement Durable et de l'Énergie MEED : Ministère de l'Écologie, de l'Énergie et de la Mer MEEDDAT : Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement Durable et de l'Aménagement du Territoire MCT : Mémoire à Court Terme MLT : Mémoire à Long Terme OHM : Observatoire Homme-Milieu OPNP : Observatoire Photographique National du Paysage OPP : Observatoire Photographique du Paysage OSUR : Observatoire des Sciences de l'Univers de Rennes PADD : Projet d'Aménagement et de Développement Durable PLU : Plan Local d'Urbanisme PLUi : Plan Local d'Urbanisme intercommunal PNR : Parc Naturel Régional UNESCO : United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization RTM : Restauration des Terrains en Montagne SAGE : Schéma d'Aménagement et de Gestion des Eaux de la Baie de Saint-Brieuc SCoT : Schéma de Cohérence Territoriale SIAGM : Syndicat Intercommunal du Golfe du Morbihan SIG : Système d'Information Géographique SGBD : Système de Gestion de Base de Données SRADDT : Schéma Régional d'Aménagement et de Développement Durable du Territoire SRCE : Schéma Régional de Cohérence Écologique TVB : Trames Verte et Bleue UMIVEM – « Patrimoine et paysage » : Union pour la Sommaire - Partie 1. Jalons théoriques Les OPP à la croisée du triptyque du social, de l'espace et du temps 39 Chapitre liminaire. Une recherche par l'entrée « des » paysages 41 Chapitre 1. La dimension sociale des OPP 67 Chapitre 2. La dimension spatiale des OPP 99 Chapitre 3. La dimension temporelle des OPP 123 Partie 2. Etat de l'art Genèse et usages des OPP 157 Chapitre 4. Les usages possibles des OPP 159 Chapitre 5. Les potentiels des OPP dans les documents territoriaux 195 Chapitre 6. Bilan des OPP en France et à l'international 237 Partie 3. Expérimentations Exploitation des séries photographiques OPP 291 Chapitre 7. Corpus, méthodes plurielles et terrain : une recherche engagée dans la politique régionale sur le paysage 293 Chapitre 8. Analyse du contenu visuel des séries photographiques OPP 325 Chapitre 9. « Je ne pensais pas avoir autant de choses à dire sur le paysage. » 351 Chapitre 10. Les imageries paysagères 389 Partie 4. Perspectives Vers des archives de savoirs paysagers 461 Chapitre 11. L'OPP, un outil d'évaluation de la gouvernance territoriale 463 Chapitre 12. L'OPP, un support d'interactions sociales511 Chapitre 13. La POPP-Breizh, archives de savoirs paysagers 553 Conclusion générale587 9 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Introduction générale « Toutes nos actions ont une influence sur le paysage. Il n'est jamais figé, on s'en rend compte en regardant les photos. C'est difficile de prédire du coup ». Gaëtan, 34 ans, Saint-Brieuc 11 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Introduction générale 12 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Introduction générale Figure 1 : Série photographique OPP de la plage du Vieux-Bourg à Fréhel-Pléhérel de l'OPP du CAUE des Côtes d'Armor (itinéraire 5 de l'Observatoire Photographique National du Paysage) a. Plage du Vieux-Bourg à Fréhel-Pléhérel, 23 mai 1995 à 17h00, Thibaut Cuisset. b. Plage du Vieux-Bourg à Fréhel-Pléhérel, 03 juin 1996 à 18h20, Thibaut Cuisset. c. Plage du Vieux-Bourg à Fréhel-Pléhérel, 02 juin 1997 à 17h00, Thibaut Cuisset. d. Plage du Vieux-Bourg à Fréhel-Pléhérel, 25 mai 1999 à 16h15, Max Grammare. e. Plage du Vieux-Bourg à Fréhel-Pléhérel, 22 mai 2000 à 14h45, Max Grammare. f. Plage du Vieux-Bourg à Fréhel-Pléhérel, 31 mai 2001 à 16h15, Max Grammare. g. Plage du Vieux-Bourg à Fréhel-Pléhérel, 06 juin 2002 à 16h15, Max Grammare. h. Plage du Vieux-Bourg à Fréhel-Pléhérel, 09 juillet 2003 à 17h00, Max Grammare. i. En 1994, le photographe Thibaut Cuisset est mandaté par le Bureau des paysages1 du Ministère chargé de l'environnement2 et le Conseil d'Architecture d'Urbanisme et d'Environnement des Côtes d'Armor (CAUE 22) pour photographier les paysages du département selon cinq axes thématiques : les entrées de bourg, l'urbanisation du littoral, les exploitations agricoles, les activités économiques et les centres-bourgs. Ces axes ont été discutés et déterminés au préalable par le Bureau des paysages, le CAUE 22 et une cinquantaine d'experts et d'organismes des Côtes d'Armor constituant la commission « paysage et cadre de vie » dans le cadre du plan départemental pour l'environnement3. Le 23 mai 1995 à 17h00 : Thibaut Cuisset photographie la plage du Vieux-Bourg de FréhelPléhérel pour illustrer la thématique du littoral. Il s'agit de la photographie a. de la Figure 1. 1 Le Bureau des paysages est l'organisme qui traite des questions de paysage au Ministère chargé de l'environnement. 2 Depuis sa création en 1971, Le Ministère chargé de l'environnement a connu de nombreuses appellations (actuellement Ministère de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer, en 2009 Ministère de l'Écologie, de l'Environnement et du Développement Durable, en 2007 Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement Durable et de l'Aménagement du Territoire, en 2002 Ministère de l'Écologie et du Développement Durable, etc.). Tout du long du manuscrit, nous emploierons la dénomination de Ministère chargé de l'environnement pour éviter les confusions. 3 Le plan départemental pour l'environnement est lancé au milieu des années 1990 par le département des Côtes d'Armor et se focalise sur des questionnements environnementaux comme l'élimination des déchets, la pollution agricole, etc. 13 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Introduction générale Le 3 juin 1996 à 18h20 : Il photographie de nouveau le point de vue initial réalisé le 23 mai 1995 dans des conditions similaires de prise de vue : le même cadrage, le même angle de vue, la même focale, la même hauteur de trépied et avec le même matériel photographique (cf. b.). Parmi les 800 clichés qu'il a réalisés lors de « la campagne mitraillette » en 1995, le CAUE 22 et le Bureau des paysages a sélectionné ce point de vue ainsi que 41 autres afin qu'ils soient reconduits à des intervalles de temps réguliers. Les 42 points de vue choisis forment un itinéraire. Le 2 juin 1997 à 19h30 : Un an plus tard, Thibaut Cuisset réitère l'expérience (cf. c.). Le 25 mai 1999 à 16h30 : Faute de moyens financiers dû au désengagement de l'État, le CAUE 22 a pris la relève du photographe professionnel. Le CAUE achète le matériel photographique de Thibaut Cuisset et négocie une formation avec lui. C'est l'architecte du CAUE, Max Grammare, qui immortalise la plage du Vieux-Bourg ce jour-là (cf. d.). 22 mai 2000 à 14h45 : Max Grammare reconduit le point de vue et ce jusqu'en 2009 (cf. de e. à n.). Max Grammare étant à la retraite, c'est maintenant la documentaliste du CAUE 22, Sophie Riguel, qui se charge des reconductions photographiques. En 2009, la série photographique OPP est composée du point de vue initial et de 13 reconductions photographiques qui répètent ce point de vue : le protocole technique peut être ainsi nommé la photographie répétée. La série photographique OPP donne à voir au premier des changements d'aspect du parking avec l'ajout de signalisation et de poubelles, l'apparition d'aménagements saisonniers, la pousse de la végétation avec le conifère qui se situe derrière le parking et la pinède à l'arrière-plan. Aussi, la dune se stabilise au fil du temps grâce à l'implantation de ganivelles, permettant l'augmentation de la végétation dunaire. La laisse de haute mer évolue ainsi que les sédiments de la plage. Selon l'heure et la date de prise de vue, le lieu est plus ou moins fréquenté pour profiter des plaisirs du bord de mer (promenade, bronzage, activités nautiques, etc.). Figure 2 : La démarche de conception des Observatoires Photographiques du Paysage Ce schéma synthétise la démarche de fabrique des Observatoires en cinq étapes. Deux typologies de séries photographiques se dessinent : - les séries contemporaines OPP : le point de vue initial a été choisi dans l'intention de le re-photographier dans le futur (cf. Série photographique OPP 1) ; - les séries historiques OPP : le point de vue initial n'avait pas pour finalité d'être reconduit ultérieurement comme c'est le cas lors de reconduction de cartes postales anciennes (cf. Série photographique OPP 2). Les séries photographiques OPP ont pour objet de reconstituer le passé des paysages en imageant les changements visibles par le protocole de la photographie répétée afin de saisir les dynamiques qui les habitent. Comme le décrit Roland Barthes (1980) dans son ouvrage La chambre claire. Note sur la photographie, la photographie donne à voir le « ça a été » des paysages : « l'Operator »– le photographe qui répond à la commande – enregistre par l'acte photographique un fragment visible du paysage à un instant. Ce fragment devient une copie du réel sur un support où sa tridimensionnalité est suggérée par la profondeur de champ. Le « Spectator »active le paysage qui a été photographié dans le passé par son regard, par son analyse, par son discours. Dès lors, les séries photographiques OPP proposent des représentations de paysages selon un double sens : Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégr des territoriale (exemple de la région Bretagne Introduction générale - D'une part, les représentations résultent du « processus cognitif de construction d'une interprétation du monde réel, qui repose sur plusieurs étapes cognitives (perception, raisonnement, mémoire) » (Bailleul, 2009, p. 185). Le comité de pilotage et l'Operator se représentent mentalement la réalité paysagère et tentent de traduire leurs représentations dans les séries photographiques. - D'autre part, le terme de représentation désigne également « le support visuel fabriqué pour représenter l'espace » (ibid., p. 184). Les représentations « sont en quelque sorte objectivées, parce qu'elles passent par des opérations standardisées que sont les outils techniques de représentation » ; telle la photographie (ibid., p. 185). Lors de l'activation de séries photographiques OPP, le Spectator interagit avec ce double sens : Les représentations mentales et les représentations visuelles sont enchevêtrées. La particularité des OPP est d'accumuler ces représentations dans une perspective de mémoire culturelle et visuelle des évolutions paysagères. À ce titre, les séries photographiques sont des archives, c'està-dire « des documents, quels que soient leur date, leur forme et leur support matériel, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l'exercice de leur activité4 ». Ladite recherche s'intéresse au contenant des OPP – la démarche méthodologique, de la conception à l'exploitation des OPP par les porteurs – autant qu'au contenu des OPP – les séries photographiques en les activant par leurs visualisations –. Ces archives photographiques s'inscrivent dans un contexte politique local, national et international à partir des années 1990 où les paysages deviennent un enjeu majeur dans les politiques publiques. L'émergence des OPP : un contexte scientifique et politique en faveur des paysages Même si le protocole technique de la photographie répétée a été expérimenté dès la seconde moitié du XIXe siècle par les services de l'État tels les services de la Restauration des Terrains de Montagne (RTM), la démarche OPP décrite se formalise en France dans les années 1990 sous l'impulsion de l'État et des collectivités territoriales. À partir des années 1970, les effets des Trente Glorieuses se font ressentir sur les paysages. Ces derniers se sont modifiés en profondeur et, leurs évolutions sont peu encadrées. Les dynamiques naturelles et anthropiques qui les façonnent sont mal connues. L'entrée par le paysage apporte une vision globale de la complexité des territoires, complexité qui se joue dans les interrelations les êtres humains et les milieux qu'ils habitent. Les paysages désignent à la fois la réalité matérielle de l'enveloppe géographique et les représentations que les êtres humains s'en font. En ce sens, il est un support révélateur des enjeux sociaux et environnementaux. Le paysage est même considéré comme étant une « science diagonale » 4 Définition de la notion d'archive issue de l'article L. 211-1 du code du patrimoine. , « les composantes " naturelles " du paysage renvoient ainsi à la problématique de l'environnement par le questionnement sur l'avenir des ressources, qui se matérialisent par des éléments visibles ou non, et dont la pérennité interroge aussi l'évolution des paysages et leur capacité à fournir un cadre de vie acceptable » (Luginbühl, 2012, p. 21). Quant aux composantes culturelles des paysages, elles permettent de comprendre la manière dont les êtres humains habitent le monde et souhaitent l'habiter : « les sociétés aménagent les milieux davantage selon les représentations qu'elles s'en font que selon les faits matériels de transformation » (Luginbühl, 2012, p. 29). C'est dans ces perspectives que la recherche scientifique s'est développée. Les paysages sont devenus des « biens communs » (Sgard, 2010) à gérer pour la société actuelle et les générations futures. C'est à partir des années 1990 que les politiques publiques s'emparent de cette approche. Les paysages étaient jusqu'alors appréhendés principalement pour leurs caractères exceptionnels. Avec les évolutions juridiques (loi « paysage » de 1993, Convention européenne du paysage (CEP) de 2000 ratifiée par la France en 2006, loi pour la reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages de 2016), tout fait dorénavant paysage qu'il soit remarquable ou ordinaire, urbain ou rural. Il est recommandé par la Convention européenne du paysage de mettre en oeuvre des politiques de gestion, d'aménagement et de protection des paysages et de les intégrer dans les politiques sectorielles. Ces nouvelles orientations 'appliquent à l'échelle nationale, et surtout, à l'échelle locale. De surcroît, le dualisme du paysage analysé depuis longtemps par la recherche (Brossard & Wieber, 1984) est aussi renforcé : le paysage est défini comme « une partie de territoire telle que perçue par les populations » (art. 1 de la CEP). La société civile est invitée à participer à l'élaboration des politiques paysagères (art. 5 de la CEP). La détermination d'objectifs de qualité paysagère est dépendante des valeurs que les populations souhaitent en matière de paysage (art. 1.c de la CEP). La base de la gouvernance est le territoire : il « apparaît comme une entité active qui puise son potentiel de développement dans ses ressources locales, entendues au sens large, c'est-à-dire avec ses activités, ses acteurs, ses réseaux » (Leloup et al., 2005, pp. 322-323). Par la proximité géographique et institutionnelle, les acteurs se réunissent, négocient, confrontent leurs intérêts – jusqu'aux conflits – dans des optiques de développement local du territoire en question. Ainsi la gouvernance territoriale se construit sur « la mise en oeuvre d'effets sociaux et économiques non seulement de production et d'échange marchands mais également de relations, d'histoire commune, de vie quotidienne » (ibid., p. 323). Le paysage est un des enjeux de la gouvernance territoriale (attractivité territoriale, affirmation d'une identité territoriale, gestion des ressources, bien-être, santé, etc.) et s'intègre par exemple dans les stratégies territoriales par le biais des documents de planification. Ce nouveau mode de gestion des territoires implique aussi des pratiques nouvelles comme la médiation paysagère qui a pour but de faire dialoguer les acteurs hétérogènes à partir du paysage – en raison de ses vertus démocratiques – pour concevoir ensemble des projets de territoire ou des projets de paysage. Bien que le panorama proposé ici soit propice à des paysages de qualité pour tous, dans la pratique, il reste beaucoup à faire, notamment en termes de connaissance des paysages. Ces dernières sont le socle essentiel pour développer des projets en adéquation avec la réalité matérielle et immatérielle. Ainsi, comme préconisé par la Convention européenne du paysage, les paysages nécessitent d'être identifiés, caractérisés et qualifiés (avec les Atlas de paysages). Cette qualification s'opère par l'analyse des représentations des populations et par l' des 18 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Introduction générale dynamiques paysagères passées afin de mieux appréhender et orienter leurs évolutions futures au sein de la gouvernance territoriale . Les OPP ont été conçus dans cette optique . À la suite d'une communication en Conseil des ministres du 22 novembre 1989, l'Observatoire Photographique National du Paysage (OPNP) est lancé en octobre 1991 à l'initiative du Ministère chargé de l'environnement et est officialisé le 2 novembre 1994 par le Ministre de l'environnement Michel Barnier. L'objectif de l'OPNP est de « constituer un fonds de séries photographiques qui permet d'analyser les mécanismes et les facteurs de transformations des espaces ainsi que les rôles des différents acteurs qui en sont la cause de façon à orienter favorablement l'évolution du paysage » (MEDDAT, 2008, p. 6). Ces archives visuelles ont pour vocation d'aider l'administration à prendre des décisions en matière d'aménagement du territoire. En collaboration avec les collectivités locales, le Bureau des paysages met en place 19 itinéraires photographiques entre 1991 et 2003 – l'OPP du CAUE des Côtes d'Armor est l'itinéraire 5 de l'OPNP –. Il publie Itinéraires photographiques : la méthode de l'Observatoire photographique du paysage (MEEDDAT, 2008) qui donne des clefs méthodologiques pour concevoir un OPP. En parallèle, à partir de 2000, les collectivités locales développent l'outil indépendamment de l'État en s'inspirant de la méthode du Ministère chargé de l'environnement ou en élaborant leur propre méthode. Aujourd'hui, le fonds iconographique national est de plus en plus dense avec au moins 93 OPP5 portés par une diversité d'institutions (société privée, collège, centre d'art contemporain, etc.) avec des ancrages variés – du quartier (OPP des abords de la gare de Belfort) à la région (Observatoire des paysages corses). Aussi, certains OPP se singularisent par l'apport de thématiques innovantes (paysage nocturne, paysage sous-marin, etc.) ou par l'emploi de démarches participatives (intégration des habitants à différents stades de la démarche OPP, élus-photographes, etc.). La compréhension des phénomènes sociaux et naturels par les observatoires Pour pallier les limites physiques humaines, la petitesse du de vision, les lacunes de la mémoire ou encore le temps d'une vie, les instruments d'observation permettent de dépasser les aptitudes humaines afin d'étudier finement les processus naturels et sociaux. L'observatoire de Paris édifié sous le règne de Louis XIV en 1667 est le premier en France. Il est un lieu de travail pour les académiciens des sciences astronomique et géodésique mais aussi un espace abritant les instruments d'observation. C'est d'ailleurs le sens premier de ce terme puisqu'un observatoire est un « établissement scientifique muni des instruments 6 servant aux observations astronomiques et météorologiques ». Il se définit aussi comme un « lieu d'où l'on 7 peut observer (quelque chose, quelqu'un) ». Il s'agit avant tout d'analyser de manière systématique des phénomènes complexes : sociaux, économiques, politiques, environnementaux, etc. Une telle surveillance de « tout sur tout » pose de réelles questions sur les méthodes de mise en place des observatoires, les méthodes d'exploitation des données, la crédibilité accordée aux résultats. Dans une société où la mise sous surveillance devient de plus en plus généralisée à l'image de la vidéosurveillance dans les villes, et où les romans d'anticipation tel 1984 de George Orwell font écho à la réalité, les observatoires posent des questions d'ordre éthique : jusqu'où nos comportements et pratiques peuvent-ils être observés? À quel moment pouvons-nous considérer que certaines données peuvent porter atteinte à la liberté individuelle? Comment sont diffusées les données? Pour qui? Pourquoi? Rares sont les études aujourd'hui qui ont été menées sur les apports et les limites de ces observatoires. Le 8 site « le petit observatoire d'AdminNet » s'est fixé pour objectif d'inventorier l'ensemble des observatoires 9 à l'international, quelques 900 observatoires sont comptabilisés à ce jour. Notons que seul l'OPNP est inventorié dans cette liste. L'équipe d'AdminNet explique : « souvent, en France, devant un problème, on crée un observatoire. Mais que deviennent ensuite ces observatoires? Qu'observent-ils réellement? 10 Comment se procurer le fruit de leurs observations? ». Le travail de recherche ne défriche pas ce vaste champ, néanmoins il a pour ambition d'esquisser des réponses en ce qui concerne les Observatoires Photographiques du Paysage. Encadré 1 : Un aparté sur les observatoires au sens large Cet encadré propose de définir le terme d'observatoire au sens générique. Il expose aussi la profusion des observatoires ces dernières années, entraînant une réflexion sur leur utilité. Un fonds photographique peu accessible et peu exploité Même si la démarche OPP connaît un certain engouement de la part des collectivités territoriales – puisqu'elle contribue à répondre aux incitations juridiques -, elle pose des questions quant à l'exploitation du corpus photographique. En effet, l'exploitation des Observatoires11 a trois finalités distinctes qui sont rarement articulées entre elles : le « suivi des dynamiques paysagères en elles-mêmes, [le] suivi global ou thématisé du territoire recourant à l'information paysagère, et [la] mobilisation des acteurs par la confrontation de leurs représentations paysagères avec les transformations effectives du paysage » (Dérioz et al., 2010, p. 3). Les structures porteuses OPP s'investissent d'abord dans la conception de l'outil, très chronophage et ce, au détriment de l'analyse des séries photographiques OPP. À ce jour, aucune méthode commune n'est stabilisée pour exploiter les OPP. Ceci est dû en partie à un manque de structuration des données. En effet, les séries photographiques OPP doivent être stockées avec leurs données et métadonnées associées (coordonnées géographiques, date de prises de vue, heure, axe thématique, contenu visuel dans la photographie, etc.) afin de faciliter leurs exploitations et de les rendre accessible au grand public. Même si certaines structures porteuses se sont attelées à l'élaboration de bases de 8 L'AdminNet a pour objectif d'étudier les informations virtuelles émises par les autorités publiques, l'inventaire des observatoires est consultable sur : http://www.adminet.com/obs/ 9 Consulté le 11 mai 2015. 10 Extrait issu du site internet : http://www.adminet.com/obs/ 11 L'Observatoire avec un O majuscule est un diminutif de la terminologie Observatoire Photographique du Paysage. meilleur la gouvern générale donnée accessibles sur le web13, la plupart des porteurs – les collectivités locales – n'ont pas les moyens financiers et les compétences techniques suffisants. En définitive, les Observatoires Photographiques du Paysage sont sous-exploités et restent méconnus du grand public. Dans ce sens, l'outil peine à être légitimé par la sphère des politiques publiques, des aménageurs et concepteurs du paysage et parfois de la recherche scientifique. Un objet de recherche Les Observatoires Photographiques du Paysage sont l'objet de recherche dans des champs disciplinaires variés. En collaboration avec la recherche, le Ministère chargé de l'environnement a tenté de développer une méthode commune d'exploitation des séries photographiques (Luginbühl, 1999 ; Coutanceau, 2011) et a conçu un guide méthodologique Itinéraires photographiques. Méthode de l'Observatoire photographique du paysage à destination des porteurs OPP pour la fabrique des Observatoires (MEEDDAT, 2008). Par ailleurs, le Bureau des paysages met en dialogue les acteurs impliqués dans la démarche par l'organisation de groupes de travail et de colloques (par exemple L'Observatoire photographique au service des politiques du paysage en 2008 à Paris, « Transformations » Les 25 ans des Observatoires Photographiques du Paysage en 2016 à Paris). Conscient de la multiplicité des OPP locaux en France, le Bureau des paysages commandite en 2015 le bureau d'étude Vue d'ici afin de brosser un premier tableau des OPP en France. Jusqu'à cette date, aucun état de l'art sur les OPP n'avait été réalisé (hormis dans la présente recherche). Le rapport Observatoires photographiques du paysage « locaux ». Recensement et typologie (MEEM, 2015) s'attache essentiellement à décrire type de portage (ancrage géographique, type de structures porteuses), les choix méthodologiques des porteurs OPP (axes thématiques, recours aux photographies noir et blanc ou en couleurs, etc.) et les supports de valorisation des séries photographiques. L'exploitation du corpus photographique est peu traitée. Les Observatoires à l'échelle internationale ne sont pas référencés non plus. Le recensement réalisé dans le cadre de la thèse est complémentaire à ce travail ministériel. Plusieurs recherches sur la méthode OPP ou sur le protocole de la photographie répétée ont été menées (Carré & Métailié, 2008 ; Webb et al., 2010). connaissances sur un territoire ou une thématique et certains expérimentent une méthode d'exploitation adaptée à l'analyse de plusieurs corpus OPP de natures variées et ayant des périmètres spatiaux divers. Un pan de la recherche en sciences sociales emploie la démarche OPP dans le cadre de recherches-actions en médiation paysagère pour fédérer les acteurs du territoire autour d'un projet de territoire et questionne l'OPP en tant qu'outil de participation des acteurs du territoire (Lelli & Béringuier, 2007 ; Pernet, 2009, 2011 ; Davodeau & Toublanc, 2010 ; Davasse et al, 2012 ; Blouin-Gourbilière, 2013 ; Béringuier et al., 2014). Les Observatoires ont été également étudiés au regard de l'histoire de la photographie (Bertho, 2009). Les OPP sont au centre de différents programmes de recherche. Actuellement, les Observatoires Photographiques du Paysage s'inscrivent dans un programme de recherche ANR14 (2014-2017) intitulé Photographie et paysage. Savoirs, Pratiques, Projets coordonné par le géographe Frédéric Poussin. Le programme interroge la photographie de paysage dans la mise en oeuvre des projets de paysage et dans l'histoire des pratiques photographiques. Dans le cadre de l'ANR REPPAVAL15, l'équipe de recherche a conçu un Observatoire Photographique Participatif de la Sélune en lien avec le projet de restauration de la continuité écologique de la rivière de la Sélune. Enfin, la doctorante en architecture Frédérique Mocquet est engagée depuis 2013 au LIAT16 (UMR 3329) dans une recherche sur l'analyse des pratiques photographiques comme dispositifs à « interroger les moyens et formes de production, d'usages et de représentations de nos espaces urba et de nos manières de les habiter17 ». De même, la photographe Caroline Cieslik mène un doctorat en esthétique à l'Université Rennes 2 depuis 2013 sur les réalités et les représentations des friches urbaines en mettant en oeuvre un Observatoire. L'intérêt porté aux Observatoires par la recherche scientifique est récent mais les travaux se multiplient ces dernières années18 et contribuent à explorer un champ de recherche très ouvert et encore mal structuré. Problématiques et hypothèses de la recherche doctorale La présente thèse a pour objet de cerner les apports et les limites des OPP dans l'analyse des paysages et dans les actions de médiation paysagère dans l'optique de développer des méthodes . e d' exploitation adaptées à leurs usages . En somme, il s'agit de proposer des solutions afin que l'outil soit mieux intégré dans la gouvernance territoriale. Les travaux sont orientés selon trois problématiques principales : Dans quelle mesure les OPP permettent-ils d'analyser les dynamiques paysagères et les représentations individuelles et sociales des acteurs du territoire? Dans quelle mesure les OPP sont-ils des outils favorables à l'élaboration d'actions de médiation paysagère pour la coconstruction de projets de territoire? Dans quelle mesure les OPP sont-ils un appui à la gouvernance territoriale et un support de consolidation des réseaux d'acteurs du territoire autour de la question paysagère? Pour y répondre, les travaux s'appuient sur quatre hypothèses : 1. Les OPP mettent en lumière des indicateurs sur les dynamiques paysagères à partir d'une méthode descriptive des changements visibles contenus dans les séries photographiques OPP. L'analyse visuelle des séries photographiques OPP n'est pas suffisante cependant pour infirmer les dynamiques paysagères pressenties. C'est pourquoi des études complémentaires sont nécessaires. L'extraction des données paysagères analysées dans les séries photographiques et leur structuration dans une base de données facilitent l'exploitation du fonds iconographique. 2. Les séries photographiques OPP sont des objets intermédiaires pour faire émerger les représentations individuelles et sociales des acteurs du territoire. Surtout employé par la sociologie des sciences et techniques, un objet intermédiaire : « est chargé par ses auteurs de véhiculer des fragments d'une nature à propos de laquelle la connaissance est en cours de construction. [] Sa matérialité reflète parfois un savoir collectif négocié et stabilisé en même temps qu'il est le véhicule d'une connaissance qui reste à expliciter. » (Vinck, 2009, p. 56). Les membres du comité de pilotage et le photographe cristallisent le savoir négocié sur les paysages par la création de séries photographiques. Le but est d'enrichir ce savoir grâce à l'exploitation du fonds iconographique constitué. Par leur activation, les séries photographiques OPP permettent de construire la connaissance paysagère à partir des imageries mentales des acteurs du territoire. 3. Les séries photographiques OPP peuvent être un appui pour la co-construction de projet de territoire si leur langage (contenu visuel, mode de présentation, méthode pour les utiliser) est maîtrisé. Les Observatoires sont aussi un support de médiation entre les acteurs du territoire lors de démarches participatives afin de co-construire l'OPP luimême cependant l'outil implique un investissement notoire pour fabriquer et poursuivre la démarche de manière pérenne. 4. Les Observatoires Photographiques du Paysage enrichissent les documents de planification et de connaissance grâce à l'analyse des dynamiques paysagères et des représentations individuelles et sociales des acteurs du territoire. Pour faciliter leur une meilleure gouvern générale exploitation, une méthode d'analyse commune doit être stabilisée. Les OPP peuvent être un outil de suivi et d'évaluation des projets de territoire en lien avec les documents de planification (Schéma Régional de Cohérence Écologique, Trames Verte et Bleue, Schéma de COhérence Territoriale, Plan Local d'Urbanisme intercommunal, etc.) à condition que la méthode d'exploitation soit adaptée aux spécificités de chaque document. Si les séries photographiques OPP deviennent accessibles et exploitables, les Observatoires peuvent devenir des outils partagés de la gouvernance territoriale (exploitation de différents corpus OPP, mise en débat de certaines thématiques paysagères redondantes dans les corpus OPP), renforçant la dimension paysagère dans les politiques publiques. Problématiques et hypothèses sont traitées à partir d'un terrain d'étude expérimental, la région Bretagne. Ce terrain est représentatif des questionnements relatifs aux Observatoires à l'échelle nationale et la gouvernance territoriale bretonne est engagée dans les questions de paysage. Un terrain d'étude expérimental opportun : la région Bretagne Conscient des atouts mais aussi des fragilités des paysages bretons, le Conseil régional anime et coordonne, de 2004 à 2010 six ateliers à destination des élus locaux, des concepteurs et gestionnaires du paysage. Ces temps de dialogue et de concertation entre les acteurs ont pour objectif de les sensibiliser aux problématiques spécifiques du territoire. Six livrets19 édités retranscrivent les échanges sur les thématiques suivantes : « le paysage urbanisé pour demain », « habiter autrement le paysage », « paysages de mobilité », « le littoral : un paysage et un lieu de vie convoités », « entre ville et campagne, un paysage à inventer », « énergie, territoire et paysage : pour des ambitions partagées ». En parallèle de ces échanges, à partir de 2009, la Région Bretagne investit dans le porter à connaissance des paysages bretons à l'échelle régionale (Le Dû-Blayo, 2007). 19 Ces livrets sont disponibles sur le site internet suivant : http://www.citearchitecture.fr/65-0-Atelierstechniques-regionaux-du-paysage-region-de-Bretagne-2004-2010-.html 20 Ce travail est disponible à partir du lien internet suivant : http://www.bretagneenvironnement.org/Media/Documentation/Bibliographies/Les-paysages-de-Bretagne 24 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Introduction générale Le Conseil régional de Bretagne et le laboratoire ESO-Rennes21 prolongent leur travail collaboratif à partir de deux projets. Le projet consiste à élaborer une animation virtuelle22 pour sensibiliser le grand public aux évolutions paysagères en Bretagne et pour valoriser les corpus OPP déjà existants. L'animation se déploie à travers des blocs diagrammes évolutifs afin de rendre compte de l'évolution des paysages urbains, des vallées et du littoral. Le propos est éclairé par un corpus iconographique construit à partir des quatre OPP et de recherches complémentaires dans les archives départementales, les collections privées et les fonds institutionnels. En effet, trois OPP, en 2010, sont en cours de constitution : l'itinéraire 5 du CAUE des Côtes d'Armor (OPNP), l'itinéraire 16 du Parc Naturel Régional (PNR) d'Armorique (OPNP), l'OPP du PNR du Golfe du Morbihan qui a été mis en place dans le cadre du projet du Parc. L'OPP du Syndicat mixte du Pays de Saint-Brieuc est en réflexion via un partenariat entre le laboratoire ESO-Rennes, la Direction Départementale de la Terre et de la Mer (DDTM) des Côtes d'Armor et l'institution porteuse (cf. Carte 1). Le second projet est la Plateforme informatique des Observatoires Photographiques du Paysage de Bretagne – la POPP-Breizh – qui a pour f de diffuser et de structurer les OPP ainsi que de favoriser les démarches participatives et les expérimentations sonores. Sa conception et sa réalisation sont élaborées avec et pour les porteurs OPP et, à partir de 2011, la DREAL Bretagne devient également pilote avec le Conseil régional et le laboratoire ESO-Rennes. Le projet informatique est développé par une entreprise extérieure Astek courant 2015-2016 et la POPP-Breizh est à ce jour disponible sur le site internet suivant : http://popp.applisbretagne.fr/. Durant les six années de conception, le projet s'est diffusé à partir de plusieurs réseaux institutionnels : le réseau des porteurs OPP ayant un statut d'aménageurs et gestionnaires du paysage (PNR, Syndicat mixte, etc.), le réseau universitaire qui s'est attaché à communiquer le projet par le biais de communications scientifiques mais également auprès du grand public et des réseaux de la Région et de la DREAL Bretagne. 21 Laboratoire Espaces et SOciétés, à ce propos, se référer au site internet : http:// eso.cnrs . fr/fr/index .html 22 Laurence Le Dû-Blayo, Caroline Le Calvez, Caroline Guittet, Laurence Henneton, Stéphane Langlois (2013) : L'évolution du paysage en Bretagne, Module interactif mis en ligne en juin 2013 sur le site internet du GIP-Bretagne Environnement. http://evolution-paysage.bretagne-environnement.org/ 25 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Introduction générale Carte 1 : Périmètre spatial des OPP bretons entre 2011 et 2016 Cette carte montre très clairement la multiplication des OPP locaux : de 4 à 15 entre 2011 et 2016. Le projet POPP-Breizh a stimulé la création d'Observatoires qui sont portés par des structures diverses. Chaque Observatoire a un objectif spécifique et couvre un périmètre spatial propre à la structure porteuse. Introduction générale C'est dans ce contexte que 11 structures supplémentaires ont développé ou développent actuellement leur propre Observatoire (par date de création de l'Observatoire) : le service biodiversité de la DREAL Bretagne (2013), la société privée Eiffage Rail Express (2013), la Zone d'Atelier dans la cadre de l'OSUR23, l'association d'habitants Arkae24 d'Érgué-Gabéric (Finistère, 2013), l'écomusée de Saint-Dégan (Morbihan, 2015), le service des Espaces Naturels Sensibles porté par le Conseil départemental d'Ille-et-Vilaine (2015), la Réserve naturelle nationale des Sept-Îles (Côtes d'Armor, 2016), le Syndicat mixte Grand Site Cap d'Erquy-Cap Fréhel (Côtes d'Armor, 2016), le Syndicat Mixte Grand Site Gâvres-Quiberon (2016), Rennes Métropole (2016), le Conseil Régional (2016). L'ensemble de ces structures porteuses sont présentées dans l'Annexe 1. Comme le témoigne la Carte 1, chaque Observatoire a une orientation et un périmètre spatial spécifiques. Le contexte territorial dans lequel s'inscrit ce travail de thèse est opportun puisque les acteurs institutionnels à l'échelle régionale et locale sont dans l'attente de résultats permettant de cerner les apports et les limites des OPP dans la gouvernance territoriale. De plus, un corpus OPP est déjà disponible pour expérimenter différentes méthodes d'exploitation et les nouveaux Observatoires qui ont émergé durant le doctorat enrichissent les réflexions sur la conception de l'outil. Les résultats de la recherche produits à partir du terrain d'étude peuvent être généralisés à l'échelle nationale voire internationale. L'engagement par la géographie sociale La recherche doctorale s'est développée à partir du projet de la POPP-Breizh et est fortement marquée par la politique paysagère régionale. Le laboratoire ESO-Rennes et le Conseil régional de Bretagne réfléchissent en 2011 à la conception de l'outil informatique et élaborent un sujet de thèse en support à la plateforme. Un appel à candidature pour un contrat doctoral financé par une allocation de recherche financée par la Région est lancé en mai 2011 (cf. Encadré 2). 23 L'OSUR est l'Observatoire des Sciences de l'Univers de Rennes, à ce propos : https://osur.univ-rennes1.fr/ 24 Arkae signifie Érgué en breton. Introduction générale Appel d'offre de la présente thèse • Intitulé du sujet Analyse et perception des dynamiques paysagères : l'apport des Observatoires Photographiques du Paysage dans le cadre d'une plateforme régionale en Bretagne. • Résumé du projet À partir d'une solide analyse des expériences d'OPP en Europe, et avec les acteurs régionaux engagés dans des démarches d'OPP, il s'agira de renouveler les méthodes afin de répondre au mieux aux problématiques actuelles de la connaissance et de la gestion du paysage. Ce travail devra être corrélé avec la mise en place des Atlas. Les questions du développement durable (trames vertes, schéma éolien) et la prise en compte de la demande sociale en termes de cadre de vie, d'identité et de bien-être seront aussi à traiter à partir des OPP. Le partage des connaissances et des enjeux du paysage avec les acteurs locaux, et plus particulièrement avec la population, est un attendu important. Dans le cadre de cette thèse, des méthodes et des outils sont à concevoir. Ils aborderont spécifiquement : - Les critères de sélection des axes thématiques, des photographies à reconduire et des documents connexes, - L'élaboration d'un système de métadonnées lié à des OPP à différentes échelles, - L'ouverture de l'OPP à des recueils d'ambiances sonores (OPSP), - La conception d'un volet participatif pour l'étude des perceptions. Les méthodes développées devront permettre d'apporter des réponses dans deux champs théoriques : - L'analyse de la perception du paysage : rapport à l'image, influence du format des photographies, images et mémoire, pays sonores - L'analyse des dynamiques paysagères : évolutions / ruptures /seuils ; temps long/temps court ; positionnement du « temps zéro » de référence, trajectoires paysagères. Encadré 2 : Appel d'offre de la présente recherche La thèse est issue d'un appel d'offre lancé par le laboratoire ESO-Rennes en 2011. La plateforme informatique est au coeur des réflexions à mener. Dès la première année doctorale, un comité de thèse est mis en place, composé de cinq géographes, Philippe Béringuier (Université de Toulouse II), Jeanine Corbonnois (Université du Maine), Hervé Davodeau (Agrocampus Ouest Angers), Claire Guiu (Université de Nantes) et Laurence Le Dû-Blayo en qualité de directrice. Des questionnements scientifiques relatifs aux Observatoires Sonores émergent (méthode de captation et d'exploitation des données, etc.). L'objet de recherche s'affine progressivement en réponse aux débats. Les Observatoires sonores du paysage et l'analyse des dynamiques paysagères ont été mis de côté au profit de l'analyse des représentations sociales et des méthodes d'analyse des séries photographiques OPP. Les rôles des OPP dans la médiation paysagère et l'aboutissement du projet de la plateforme sont également des objectifs centraux. Par ailleurs, le travail a consisté à animer, coordonner et développer le réseau d'acteurs OPP autour de la plateforme informatique en région Bretagne. Les liens privilégiés entretenus avec les porteurs OPP ont participé à orienter les choix scientifiques afin que la recherche corresponde au mieux à la réalité sociale et réponde aux besoins de la gouvernance territoriale. La thèse se veut être une thèse de « géographie de l'action et des acteurs » et « en prise » avec la réalité sociale et politique au niveau local et national (Séchet & Veschambre, 2006, p. 10). Le travail est résolument de géographie sociale où la recherche est ancrée dans son contexte socio- 28 Guittet, Caroline. Pour une meilleure intégration des Observatoires Photographiques du Paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne - 2016 Introduction générale politique, tout en ayant une rigueur scientifique et une grande liberté d'actions. Il s'agit de questionner les rapports entre les sociétés et l'espace et plus encore d'éclairer l'évolution de ces rapports par l'intermédiaire des Observatoires Photographiques du Paysage. Ceci participe au projet scientifique de géographie sociale du laboratoire ESO dans lequel la présente recherche a évolué. La thèse n'est pas pour autant cloisonnée dans une discipline puisqu'elle adopte un certain nombre de concepts issus de champs disciplinaires variés nécessaires pour traiter du paysage, des représentations individuelles et sociales, de la photographie et d'une plateforme informatique. C'est pourquoi nombre de discplines plurielles seront convoquées telles la sociologie, la psychologie environnementale et cognitive, la linguistique, l'histoire de l'art, la sociologie des sciences et techniques et les sciences de la communication. L'objet de cette recherche doctorale offre potentiellement de nombreuses entrées scientifiques. et afin de onnaissance ées les du territoire. In fine, trois enjeux théoriques se dégagent de la recherche : - appréhender les apports et les limites de la photographie dans les recherches en sciences sociales : l'intérêt de la photographie dans la lecture des paysages (in situ et ex situ), la retranscription sociale, spatiale et temporelle des paysages au sein de la photographie ; - souligner les apports et les limites des OPP dans la mise en lumière des dynamiques qui habitent les paysages ; - soulever les conséquences potentielles du numérique – à partir de l'expérience de la POPPBreizh – dans les recherches en sciences sociales et dans la matérialité des paysages. Aussi, la thèse a un double engagement opérationnel : - définir des méthodes de conception et d'exploitation des OPP en corrélation avec les besoins des porteurs OPP et en fonction de la faisabilité de leur implémentation dans la POPP-Breizh ; - diffuser les résultats de la recherche auprès des structures porteuses OPP et auprès du grand public pour faire connaître les OPP et leurs potentiels, et au-delà promouvoir les questions paysagères. Structuration du manuscrit : entre objectifs théoriques et opérationnels à partir de méthodes plurielles La présente thèse se construit en quatre parties qui sont quasi indépendantes. Les deux premières parties traitent des Observatoires Photographiques du Paysage de manière générale, leurs sept chapitres approfondissent un aspect spécifique de l'outil et peuvent être lus séparément. Quant aux deux dernières parties, elles se fondent sur les expériences du terrain breton. Étant donné que la recherche est basée sur un ensemble de méthodes avec des données diverses, ces dernières sont exposées suivant la partie à laquelle elles sont associées afin de faciliter la compréhension du lecteur. Partie 1. Jalons théoriques : Les OPP à la croisée du triptyque du social, de l'espace et du temps Le chapitre liminaire. Une recherche par l'entrée « des » paysages s'attache à définir la notion de paysage selon les acteurs du territoire qui contribuent à la gouvernance territoriale et qui sont sollicités tout au long du manuscrit. Ce propos apporte un éclairage sur l'intérêt de mener des recherches à partir des paysages. générale Par des recherches bibliographiques provenant pour l'essentiel de la géographie, de la sociologie et de la psychologie environnementale, les trois autres chapitres proposent un cadre épistémologique à notre objet d'étude via La dimension sociale des OPP (Chapitre 1), La dimension spatiale des OPP (Chapitre 2) et La dimension temporelle des OPP (Chapitre 3). L'objectif théorique est de souligner les apports et les limites des OPP dans la connaissance des processus cachés. En effet, les changements visibles dans les paysages sont la résultante des dynamiques paysagères qui se déploient sur des temps variables (du temps géologique au temps très court) et sur des échelles spatiales plus ou moins étendues (de l'élément à l'ensemble de paysage). Il s'agit également de décortiquer les différentes représentations sociales et individuelles qui sont convoquées implicitement à partir des OPP. La finalité des jalons théoriques est de montrer en quoi les Observatoires peuvent être un outil qui rénove la manière d'appréhender les paysages parce qu'ils incluent les trois dimensions essentielles à l'analyse paysagère tant dans les sciences sociales que dans la gouvernance territoriale. Partie 2. État de l'art : Genèse et usages des OPP La seconde partie met en parallèle les usages potentiels des OPP avec leurs usages actuels. L'état de l'art révèle les facteurs limitants des Observatoires relatifs à leurs exploitations. Le chapitre 4. Les usages potentiels des OPP cerne les différents usages qui peuvent être assignés aux séries photographiques. La littérature scientifique issue de l'histoire de la photographie, des commandes publiques et des sciences sociales e l'argumentaire. Ce chapitre met en lumière les préceptes déjà établis par la recherche concernant les usages exposés. L'objectif théorique est de souligner les potentialités des OPP à devenir un outil d'observation des paysages selon différentes approches méthodologiques (l'inventaire, la prise de notes du terrain, le suivi des paysages, la lecture des paysages qui ont été photographiés par divers acteurs du territoire, l'interprétation des discours relatifs aux photographies de paysage). Le chapitre 5. Les potentiels des OPP dans les documents territoriaux explore la place actuelle et possible des OPP dans la gouvernance territoriale .
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Schéma n°21 : La nature des proximités après la constitution du Pôle Services Personne Synthèse du chapitre V Le processus de traduction qui a eu lieu au sein du Pôle Services à la Personne a contribué à créer et à développer des proximités entre les membres du réseau, renforçant ainsi la coordination en son sein. Le processus de traduction a abouti à la création d'une convergence entre les membres du réseau. Cette convergence s'est appuyée sur une lecture pertinente des enjeux liés à l'évolution de l'environnement dans lequel les membres du réseau agissent afin d'établir une problématisation permettant d'articuler l'ensemble des actants. Il apparaît ainsi que la problématisation consiste à définir un arrangement local spécifique en regard du contexte global. Dans ces conditions, la figure du traducteur est centrale afin de permettre à l'ensemble des actants d'entrer en interaction. Au-delà, il contribue à les mettre en mouvement afin qu'ils s'intègrent au réseau sociotechnique. Pour effectuer cette mise en mouvement, le traducteur s'est appuyé sur des dispositifs d'intéressement et des porte-paroles. Nous constatons que les dispositifs d'intéressement reposent sur des dispositifs de gestion qui ont pour particularité de comporter une souplesse. Cette souplesse se concrétise dans la liberté laissée aux actants dans la manière d'intégrer ces dispositifs de gestion. La particularité des porte-paroles réside dans la distinction de deux types, l'un ayant obtenu sa légitimité en dehors du réseau, l'autre ayant obtenu sa légitimité au sein du réseau. Cette diversification permet de porter la parole du réseau selon des modalités différentes. Le résultat est que les actants ont pu être enrôlés. L'aboutissement du processus de traduction a permis de renforcer les s entre les membres du réseau. En effet, la problématisation a contribué à définir une relation d'interdépendance entre les actants, leur donnant dès lors à voir a minima la potentialité de se rapprocher et de se coordonner afin de saisir des ressources. 210 VI - Chapitre 6 Construire la coopération au sein des réseaux territoriaux d'organisations Introduction _____________________________________________________________212 VI.1 2 La coopération au sein de deux réseaux territoriaux d'organisations ___________ 212 VI.1.1 Des processus présentant des similitudes mais au déroulement différent ____ 212 VI.1.1.1 Des similitudes dans la contextualisation ___________________________ 213 VI.1.1.2 Des différences dans le processus _________________________________ 214 VI.1.2 Des notions de collectifs et de coopération appréciées différemment _______ 219 VI.1.2.1 Une notion de collectif au contour différent _________________________ 219 VI.1.2.2 Une représentation de la coopération différente ______________________ 222 VI.1.3 La co-construction d'une représentation commune au sein du Pôle Services à la Personne _____________________________________________________________225 VI.1.3.1 Une convergence de façade sur la question de la professionnalisation _____ 225 VI.1.3.2 Le rôle du Pôle Services à la Personne dans la construction d'une norme de professionnalité _______________________________________________________ 226 VI.1.4 Le mécanisme de construction de la coopération au sein du Pôle Services à la Personne _____________________________________________________________228 VI.2 Les apports de connaissances de notre recherche ____________________________ 230 VI.2.1 La création de la coopération au sein des réseaux territoriaux d'organisations 230 VI.2.1.1 Facteurs limitatifs et favorisants dans la construction de la coopération ___ 230 VI.2.1.2 Les dimensions de la coopération _________________________________ 233 VI.2.2 Un renforcement mutuel de l'Économie de la Proximité et de la Sociologie de la Traduction _____________________________________________________________ 236 VI.2.2.1 Les apports à l'Économie de la Proximité___________________________ 236 VI.2.2.2 Les apports à la Sociologie de la Traduction ________________________ 239 VI.2.2.3 L'articulation de la Sociologie de la Traduction et de l'Économie de la Proximité ____________________________________________________________242 Synthèse du chapitre VI _____________________________________________________ 244 211 Introduction Avec ce sixième et dernier chapitre, nous proposons une analyse comparative du processus de production de la coopération au sein des deux réseaux territoriaux d'organisations que nous s étudié. Nous l'avons vu dans le chapitre IV, nous considérons que le processus de construction de la coopération au sein du Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres n'a pas abouti. Nous nous basons sur la fin de son activité en décembre 2013 qui correspond à la fin de l'existence même du réseau. Au chapitre V, nous avons vu qu'à l'inverse, le processus de construction de la coopération a abouti au sein du Pôle Services à la Personne. Afin de déterminer le caractère abouti de ce processus, nous nous appuyons sur le renforcement important de la coordination entre ses membres. Nous présentons ainsi les résultats de notre analyse. Pour ce faire, ce chapitre est divisé en deux sections. VI.1 2 La coopération au sein de deux réseaux territoriaux d'organisations À travers cette section, nous procédons à la mise en regard des deux RTO que nous avons analysés afin d'identifier la manière dont ils ont essayé de développer la coopération. VI.1.1 Des processus présentant des similitudes mais au déroulement différent Le Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres et le Pôle Services à la Personne ont été constitués à partir d'un même élément déclencheur, la labellisation PRIDES. Au-delà, ils partagent des similitudes qui ont trait principalement aux éléments de contexte dans lequel ils opèrent. En revanche, ils présentent de multiples différences dans leur processus de développement. VI.1.1.1 Des similitudes dans la contextualisation Il existe plusieurs similitudes entre les processus de développement du Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres et du Pôle Services à la Personne. Le premier réside dans l'élément déclencheur à la création du RTO qui réside dans le dispositif mis en place par le Conseil Régional PACA. Avant cela, il n'existait pas ni chez l'un, ni chez l'autre, de réseau constitué épousant les périmètres induits par le dispositif PRIDES. Néanmoins, des relations entre certains membres du réseau existaient. Ainsi chaque membre du réseau appartenait déjà à d'autres réseaux ou entretenait des liens avec d'autres membres, ils n'étaient pas atomisés. Une seconde similitude repose sur la place accordée à l'économie sociale et solidaire. Cette caractéristique entraîne des similitudes relatives au contexte dans lequel évoluent les adhérents de ces réseaux. Ce contexte a connu de fortes évolutions, plus anciennes dans la branche du tourisme social que dans celle de l'aide à domicile, qui ont entraîné une modification du rapport entretenu par les prestataires de services avec les pouvoirs publics, un développement de la concurrence et une augmentation des exigences relatives à l'organisation du travail. L'inscription dans le champ de l'économie sociale et solidaire se traduit également par une similitude dans les proximités organisées existantes en amont du réseau. Ainsi, tous deux partagent une proximité de ressources s'appuyant sur le modèle associatif dominant parmi les adhérents et une proximité de médiation s'appuyant sur l'idéal de société proposé par l'économie sociale et solidaire. Une troisième similitude réside dans le type d'actants en présence. Ceux-ci sont en partie influencés par les critères de labellisation PRIDES mais au-delà, dans les deux réseaux il y a la présence des deux mêmes actants non-humains « l'économie sociale et solidaire » ou « le tourisme social » et « la politique de mise en concurrence ». La présence de ces deux actants renvoie à la similitude de contexte. Enfin une quatrième similitude réside dans une partie de la problématisation. Les deux réseaux sont positionnés comme un moyen d'accroître la professionnalisation de leurs adhérents. La professionnalisation doit permettre aux adhérents de pouvoir se positionner au mieux sur leur marché. VI.1.1.2 Des différences dans le processus Les différences dans le développement du Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres et le Pôle Services à la Personne reposent sur la manière dont le processus de leur développement s'est déroulé. VI.1.1.2.1 Un poids différent des proximités initiales Une première différence réside dans le rôle joué par les proximités organisées existantes avant la création du réseau. Si au sein des deux réseaux elles ont eu, à l'origine, un rôle moteur, par la suite, au sein du Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres elles ont représenté une difficulté. Ainsi, l'importance de l'actant « UNAT-PACA », qui représentait à la fois une proximité de relation à travers l'appartenance à son réseau et une proximité de médiation sous sa dimension organisationnelle, a constitué un frein à l'élargissement du réseau. L'UNATPACA a dès lors pris un poids important, notamment au sein de la gouvernance du Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres, qui n'a pas permis d'ouvrir le réseau à des acteurs non issus des proximités antérieurs. Il y a eu une tentative pour diminuer ce poids lorsque la gouvernance du réseau est passée du modèle « par la firme focale » au modèle « associatif ». Cependant, la majorité des structures de la gouvernance associative était concernée par la proximité relationnelle représentée par l'UNAT-PACA. Dans ces conditions, le réseau a eu des difficultés à intégrer des adhérents non issus de l'UNAT-PACA. De même, la proximité de médiation, reposant sur les valeurs du tourisme social, a elle aussi constitué un frein. Le tourisme social ne constitue pas un monolithe, mais à l'inverse, il rend compte d'une diversité qui est traversée par des controverses qui se sont retrouvées au sein du réseau69. Pour dépasser ces controverses, la notion de territoire a été privilégiée à celle de tourisme social, mais ceci ne fut pas suffisant. Dès lors cette proximité, qui a l'origine a permis de ré des acteurs, a eu le rôle inverse en créant une distanciation entre eux. À l'inverse de la proximité précédente qui a eu pour rôle de limiter l'élargissement du réseau, cette proximité a fragilisé le réseau en établissant une fracture entre des acteurs concernés par le tourisme social mais ne l'appréhendant pas de la même manière. 69 Cf. Chapitre IV, paragraphe « IV.1.1.2.1. Des organisations partagées entre militer et gérer », p.132 et paragraphe « IV.1.1.2.2. Quelle dimension sociale pour le tourisme? », p.133 À l'inverse au sein du Pôle Services à la Personne, les proximités initiales n'étaient pas aussi fortes, ce qui a fait qu'elles ont plutôt eu un rôle de déclencheur et non de moteur. En conséquence, leur poids était moindre n'empêchant pas l'élargissement du réseau. VI.1.1.2.2 Une problématisation posée face à une problématisation issue d'un compromis Malgré une similitude dans la constitution de la problématisation au sein des deux RTO à travers la centralité de la notion de professionnalisation, la problématisation ne s 'est pas déroulée en suivant le même chemin. Au sein du Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres la problématisation n'a pas abouti tandis qu'au sein du Pôle Services à la Personne, elle est allée à son terme en renforçant la convergence des actants. La problématisation et le chaînage logique qui lui est attaché, au sein du Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres, n'a pas donné lieu à la convergence des actants. La formulation de la seconde problématique n'a pas posé de difficulté À l'inverse, chacun des actants pouvait potentiellement s'y retrouver. La difficulté est venue du chaînage qui a &t& effectué. Les mécontentements d'une part des actants ont porté sur l'usage de termes décrivant des pratiques dans lesquelles ils ne se retrouvaient pas. Ces termes sont ceux notamment de « clientèle », de « produits touristiques » ou encore de « marketing ». Les tensions polarisées autour de ces usages résultent de la controverse sur la définition du tourisme social. Dans le but de dépasser cette controverse, la notion de territoire a été utilisée. Le but de cette notion devait permettre d'accroître l'adhésion au réseau au-delà de celle de tourisme social, plus restrictive, en fixant un statut, et d'atténuer les tensions propres au tourisme social. Cependant, la notion de territoire n'a pas eu de consistance pour l'ensemble des adhérents. Ceci résulte de l'absence d'un traducteur en capacité d'établir le lien entre l'ensemble des participants au réseau. Une personne aurait pu er ce rôle, c'est le premier directeur du Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres. Il est à l'origine de la constitution du réseau et n'est pas membre de l'UNAT-PACA. Cependant, il n'a pu endosser ce rôle du fait de son fort rapprochement de l'actant « UNAT-PACA ». En l'absence de traducteur, chaque actant est resté sur ses positions. Ainsi, la problématisation proposée était celle de l'actant « UNATPACA ». Au sein du Pôle Services à la Personne, le processus de problématisation s'est déroulé différemment. La problématisation et le chaînage logique s'y rattachant ont été établis rapidement. Mais à l'inverse du réseau précédent, le Pôle Services à la Personne a laissé le 215 débat ouvert concernant sa problématisation. VI.1.1.2.3 Un intéressement ponctuel face à un intéressement continu L'intéressement au sein de ces deux RTO repose sur des dimensions différentes. Au sein du Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres, l'intéressement prend un aspect ponctuel et matériel. Établi au travers des dispositifs mis en place, ils reposent sur l'intérêt intrinsèque de ces derniers. Ainsi, les membres du réseau sont invités à participer aux actions organisées par le réseau afin de pouvoir capter des ressources. Néanmoins, la manière dont les dispositifs proposés sont constitués ne permet pas aux participants de s'exprimer au-delà du fonctionnement du dispositif en lui-même. La dimension ponctuelle de l'intéressement se définit en fonction de l'accord des membres à la participation du projet. La dimension matérielle quant à elle se manifeste à travers le service obtenu. La difficulté résultant de ce type d'intéressement est de positionner potentiellement le réseau en tant que prestataire de services. Dans ce cadre, la relation construite entre le réseau et ses membres se limite aux frontières du service. Au sein du Pôle Services à la Personne, l'intéressement repose sur des dimensions différentes. Il est continu, matériel et cognitif. Les dispositifs d'intéressement mis en place visent à proposer à la négociation, à la fois le fonctionnement des dispositifs et au-delà le fonctionnement du réseau. Ceci a pour effet de susciter continuellement l'intérêt des membres et donc, on ne pas considérer leur adhésion à un instant « t » comme définitif. La dimension matérielle se manifeste par l'accès aux services proposés par le réseau, tandis que la dimension cognitive repose sur la participation des membres à la définition d'un cadre commun à travers la mise en débat. VI.1.1.2.4 Des porte-paroles faibles face à des porte-paroles forts En l'absence d'un traducteur permettant d'associer les actants à une problématisation et en présence d'un intéressement ayant des difficultés à dépasser le cadre du dispositif en luimême, le Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres n'a pas pu s'appuyer sur de forts porteparoles. Ceux qui ont émergé n'ont endossé qu'à minima le rôle de porte-paroles du réseau, en se faisant uniquement les relais des actions mises en place et pas du réseau dans son ensemble, contribuant à renforcer une représentation du réseau en tant que prestataire de services. La situation au sein du Pôle Services à la Personne est différente. Comme nous l'avons vu, il y a deux types de porte-paroles. Il y a eu ceux rassemblant un ensemble d'acteurs du réseau. Leur rôle est de faire le relais du réseau. Leur importance repose sur leur légitimité au sein du secteur et acquise en dehors du réseau. Le second type de porte-parole, composé du Président et de la chargée de mission emploi-formation, sont des porte-paroles issus du réseau. Leur légitimité s'est construite au travers de celle du réseau. L'intérêt de ces deux types de porteparoles réside dans la capacité à accéder à un plus grand nombre d'actants et de les intéresser selon des modalités différentes. VI.1.1.2.5 Des proximités créées faibles face à des proximités créées fortes À l'issue du processus de traduction, les deux RTO ont connu une évolution des proximités entre leurs membres. Au sein du Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres, peu de proximités ont été créées tandis qu'au sein du Pôle Services à la Personne, les proximités créées sont plus nombreuses. Le processus de traduction au sein du Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres a tout de même eu un impact sur les proximités. Le renforcement de la proximité géographique et la création d'une proximité relationnelle ont eu pour effet d'accroître la coordination entre les membres du réseau. Cependant, ces proximités s'avèrent trop faibles pour avoir pu engendrer une coopération entre les membres. La proximité relationnelle a permis aux actants de se rapprocher, d'être mis en situation de débattre. Néanmoins, en l'absence de convergence entre les actants, cette proximité n'a pas été suffisante pour permettre aux actants d'agir ensemble. La faiblesse des proximités entre les membres du réseau a entraîné la fin d'activité du Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres. 217 À l'inverse, le Pôle Services à la Personne a contribué à renforcer les proximités entre ses membres. La multiplication des proximités existantes a créé un système renforçant la coordination. La notion de système s'entend au sens où chacune des proximités élaborées permet le renforcement des autres proximités. Par exemple, la proximité de médiation représentée par le traducteur contribue à renforcer la proximité de ressources représentée par les dispositifs d'intéressement, elle-même permettant de renforcer la proximité de médiation. À partir de cette coordination forte, les membres du réseau ont ainsi pu être mis en situation de coopération. Le tableau ci-dessous compare les processus de éveloppement de ces deux RTO. Tableau n°10 : Comparaison des processus de développement des deux réseaux territoriaux d'organisations Processus de traduction Proximités existantes Problématisation Intéressement Pôle Tourisme Fortes au sein Posée de Territoire- d'un contingent Inaboutie Carac'Terres des membres Pôle Services à la Personne Entre un contingent des membres Fruit d'un compromis Aboutie PorteParole Proximités créées Ponctuel et matériel Faible Faibles Continu, matériel et cognitif Fort, deux types Fortes Les deux RTO observés présentent des similitudes. Cependant, celles-ci reposent principalement sur les éléments de contexte dans lequel ils se sont développés. Les différences résident dans leur processus de développement, appréhendées à partir du processus de traduction, qui se caractérise par une difficulté à élargir le réseau pour le Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres et par une mise en interaction continue canalisée par un traducteur au sein du Pôle Services à la Personne. VI.1.2 Des notions de collectifs et de coopération appréciées différemment La différence dans le développement de ces deux RTO rend compte d'une différence dans la manière d'appréhender les notions de collectifs et de coopération. VI.1.2.1 Une notion de collectif au contour différent Afin d'identifier la manière dont la notion de collectif est appréhendée par chacun des deux RTO nous analysons la manière dont ils organisent les projets collectifs à partir du cas de l'accompagnement à la gestion de compétence. Ensuite nous montrons que les deux RTO ont eu un rôle différent au sein de ce projet collectif qui résulte d'une représentation différente du collectif. VI.1.2.1.1 L'accompagnement à la gestion des compétences Le Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres et le Pôle Services à la Personne ont tous deux suivi la démarche GPEC. L'élaboration de cette démarche GPEC résulte d'une sollicitation du Conseil Régional PACA qui souhaitait qu'Act Méditerranée, l'antenne régionale de l'Agence Nationale pour l'Amélioration des Conditions de Travail70, établisse une méthodologie permettant d'accompagner les PRIDES sur la thématique « formation, qualification et valorisation des ressources humaines ». Une fois la méthodologie établie, le Conseil Régional a fortement incité les réseaux labellisés PRIDES à avoir recours à ce projet. Au 31 décembre 2013, dix réseaux labellisés PRIDES avaient labellisé ce projet collectif. Le Pôle Service à la Personne est le premier réseau à avoir mis en place la « démarche GPEC ». Elle constitue l'un des premiers projets collectifs labellisés par le réseau. L'importance accordée par les pouvoirs publics à la démarche est visible à travers l'éditorial du guide « Emplois, Qualifications et Compétences » édité par le Pôle Services à la Personne au terme de la démarche, qui est le seul co-signé par le Président de Région et le Préfet de Région, en plus du Président du réseau. Le Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres a quant à lui mis en place deux démarches, l'une pour les « Villages, Clubs et Centres de Vacances », l'autre pour les « Offices de Tourisme ». À la suite de la démarche, le Pôle Services à la Personne a mis en place les « ateliers de la compétence » qui reprennent les mêmes principes que la démarche. L'ANACT est un établissement public à caractère administratif placée sous la tutelle du Ministère du Travail, de l La « démarche GPEC » regroupe plusieurs organisations, cinq à huit. Il est possible de distinguer deux types d'objectifs. Sur le plan individuel, chaque participant obtient un diagnostic stratégique de son organisation et un plan d'actions pour mettre en place une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Sur le plan collectif, est établi un guide d'accompagnement à la mise en place d'une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Ce guide, validé par l'ensemble des partenaires sociaux, est en libre accès. Les « ateliers de la compétence » reprennent l'articulation de temps collectifs, avec le même nombre de participants, et de temps individuels, et la réalisation d'un diagnostic organisationnel et d'un plan d'actions GPEC. VI.1.2.1.2 Des réseaux territoriaux d'organisations au rôle différent Ces deux dispositifs comprennent le même type d'acteurs auxquels un rôle est attribué. Un premier acteur est Act Méditerranée. Son rôle est d'assurer que les participants comprennent et respectent les principes de la démarche. Les adhérents au réseau constituent un second type d'acteurs. Ils s'engagent de manière volontaire afin de bénéficier de ressources pour établir une gestion des compétences. Ils ont pour rôle durant les temps collectifs de rendre compte de l'impact de la mise en place du dispositif dans leur organisation en soulignant les difficultés et les facilités qu'ils rencontrent. Un troisième acteur est l'Organisme Paritaire Collecteur Agréé du secteur. Il est le porteur du projet, son rôle est d'apporter des éclairages dans les dispositifs de financement des formations. Un quatrième acteur est un cabinet de conseil. Son rôle est d'accompagner les participants dans l'élaboration de leur diagnostic et de leur plan d'actions. Le cabinet est référencé par Act Méditerranée comme pouvant suivre la démarche établie. Enfin, le cinquième acteur est le réseau territorial d'organisations. Son rôle est d'assurer le soutien technique de la démarche et la coordination de l'ensemble des acteurs. Au-delà de la similitude dans la démarche et dans les rôles définis nous constatons des variations entre le Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres et le Pôle Services à la Personne dans le déroulement des temps collectifs que nous imputons principalement au rôle pris par les salariés du réseau territorial d'organisations. Au sein des « démarches GPEC » labellisées par le Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres, c'est le directeur-adjoint, en charge des 220 questions emploi-formation, qui représentait le réseau. Le Pôle Services à la Personne était lui représenté par sa chargée de missions emploi formation. Ces deux acteurs avaient un positionnement différent. Au sein des « démarches GPEC » coordonnés par le Pôle Tourisme de TerritoireCarac'Terres, le directeur-adjoint se centrait sur les activités de secrétariat principalement effectuées en amont et en aval des rencontres collectives comme s'assurer de la présence des participants et de la transmission des informations nécessaires. Il intervenait en suivant une logique de coordination des acteurs permettant le déroulement de la démarche. Lors des temps collectifs, il intervenait peu, principalement en début et en fin de rencontre en rappelant les motifs de rencontre et la fonction du Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres. L'animation des réunions était dévolue au consultant. VI.1.2.1.3 Une définition du collectif différente Nous constatons une répercussion de ces deux rôles différents sur la nature des échanges au sein des réunions collectives. Au sein du Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres, il y avait peu d'échange. Chacun des participants s'exprimait en exposant ses difficultés et facilités en fonction du rôle qui était attendu d'eux. Les échanges reposaient principalement sur la méthode et les moyens disponibles pour continuer la démarche. Ainsi, les échanges prenaient l'apparence d'une juxtaposition de situations individuelles mises en liens sous l'aspect méthodologique de la démarche. La situation était différente au sein du Pôle Services à la Personne. Au-delà de la présentation des difficultés et des faiblesses par chacun des participants, les échanges entre l'ensemble des participants étaient plus importants. Certains étaient liés au dispositif stricto-sensu, c'est-à-dire à la manière dont les participants construisaient leur diagnostic et leur plan d'actions. Ils reposaient sur la mise en lumière de points communs, notamment les difficultés communes afin d'identifier comment tel participant avait réussi à les dépasser. Ils concernaient également 221 le dispositif en lui-même à travers la question des évolutions à réaliser pour que le dispositif corresponde au mieux aux spécificités du secteur. D'autres échanges dépassaient le cadre du dispositif. Ils reposaient sur des questions relatives à l'évolution du secteur, à la qualité, au fonctionnement des organisations Dans l'ensemble, l'ensemble des échanges étaient suscités par la chargée de missions. Le but était que chaque participant sorte du cadre de son organisation et des problématiques qui y sont liées pour identifier d'autres manières de fonctionner et les répercussions sur son organisation des évolutions du secteur. La différence dans la nature des échanges au du dispositif manifeste in fine une différence dans la manière de concevoir la notion de collectif. Au sein du Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres, la notion de collectif s'entend comme l'agrégation d'individus, alors qu'au sein du Pôle Services à la Personne, cette notion se définit par les interactions existantes entre les individus. Dans le premier cas, le collectif est alors vu comme le moyen de capter une ressource dans un cadre défini qui individuellement, est plus difficilement accessible. Dans le second cas, le collectif est considéré comme permettant de tisser des liens afin de saisir des ressources, mais également de définir les ressources à capter. VI.1.2.2 Une représentation de la coopération différente Le Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres et le Pôle Services à la Personne ont une pratique de management de la coopération différente en la positionnant à des niveaux différents. VI.1.2.2.1 Le Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres : coopérer pour décider Le Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres met l'accent sur la coopération au sein de la prise de décision principalement. Les adhérents sont invités à coopérer à travers le processus de décision. Ils sont réunis en collectifs, principalement au sein des espaces de la gouvernance formelle que sont l'Assemblée Générale, le Conseil d'Administration et le Bureau. Dans les services proposés le réseau offre peu d'espaces où les adhérents sont mis en situation de coopération. Les principales actions mises en place privilégient une logique de mutualisation. Or le cadre proposé par le réseau pour établir la mutualisation entre ses adhérents n'invite pas 222 ces derniers à entrer en interaction pour définir les modalités de la mutualisation. Par exemple, à travers le portail Internet de réservation de séjours, les adhérents ont été mis en situation de coopération au niveau de la décision de la mise en place du projet, puis pour valider certains principes de fonctionnement. Ensuite, dans la réalisation du portail en luimême les adhérents n'ont pas été mis en situation de coopération. Chacun était amené à proposer les services qu'il offrait aux touristes en suivant une nomenclature établie par l'équipe technique. Il aurait pu être envisagé de définir les modalités de fonctionnement du site comme les informations y figurant, le vocabulaire utilisé à travers des collectifs mettant en situation les adhérents en situation de coopération. Il en est de même pour la participation à des salons. Les adhérents proposent chacun leurs services aux touristes sans que leur mise en interaction soit opérée. La mutualisation telle qu'opérée au sein du réseau relève d'une addition d'organisations, agrégées par les salariés du réseau sans que le collectif prenne une dimension plus large dép ssant le cadre de l'agrégat. Le collectif est appréhendé comme une somme d'individualités réunies et non comme un tout dépassant cette somme. Ce positionnement a constitué une difficulté pour le Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres pour renforcer la coopération au sein du réseau. Comme nous l'avons vu au chapitre IV 71, la gouvernance est passée d'un mode par la « firme focale » à un mode « associatif ». La difficulté de ces deux modes de gouvernance réside dans la capacité à faire accepter les décisions prises quand l'autorité de la firme focale n'est pas suffisante dans le premier cas, ou quand il y a une hétérogénéité des participants dans le second cas. VI.1.2.2.2 Le Pôle Services à la Personne : coopérer à tous les niveaux Au sein du Pôle Services à la Personne, la logique est différente. Les mises en situation de coopération s'effectuent à la fois au niveau de la gouvernance et au niveau des services 71 Cf. Chapitre IV, paragraphe « IV.1.2.2.1. Une gouvernance sous l'influence de l'UNAT-PACA », p.141 223 proposés. Le réseau privilégie la mise en place d'actions où les adhérents sont mis en interaction et en situation de coopération. Les accompagnements collectifs sont privilégiés dans un large spectre d'activités : prévention des risques professionnels, formation, conception des services, responsabilité sociale de l'entreprise, financement Le point commun des interventions consiste à faire réagir les participants à l'accompagnement afin qu'ils échangent entre eux à partir du sujet de leur rencontre. Le but est de positionner les participants en tant qu'acteurs du processus d'accompagnement, au-delà de la simple réception du service. Ce rôle vise à les faire participer pour partie à la conception du service. Les échanges qui résultent de leur mise en situation de coopération impliquent d'opérer des modifications du dispositif proposé. Comme Akrich (2006) le démontre, il y a deux temps à distinguer. Dans le premier, le dispositif définit les relations entre les organisations et dans un second temps la réalité des relations entre les organisations fait évoluer le dispositif. Pour reprendre les mots d'Akrich, « la technique définit le monde » puis « le monde définit la technique ». La particularité du Pôle Services à la Personne réside dans le fait qu'il envisage cette dialectique en amont de la mise en place des dispositifs laissant dès lors de la place pour leurs potentielles évolutions. Il propose un cadre pour la discussion et prend en considération le résultat de ces échanges pour faire évoluer dispositif. Cette méthode de mise en situation de coopération implique l'existence d'une diversité d'espaces au sein desquels la coopération a lieu ainsi que la multiplication des éléments proposés au débat. Ceci a pour intérêt de faciliter l'identification des points de tension entre les actants. Afin de pouvoir canaliser et accroître la convergence des actants, et éviter que les tensions ne créent de la distanciation entre les membres du réseau, le rôle du traducteur est primordial. Comme nous l'avons vu au chapitre V, la directrice du Pôle Services à la Personne assume ce rôle. VI.1.3.1 Une convergence de façade sur la question de la professionnalisation Le terme de professionnalisation se retrouve dans le discours de l'ensemble des acteurs du secteur. L'ANSP a organisé en 2009, « les assises nationales des services à la personne – enjeux de la professionnalisation » ; l'Union Nationale de l'Aide, des Soins et des Services aux Domiciles pose la professionnalisation comme l'un des cinq enjeux du secteur ; la Fédération des Entreprises de Services à la Personne a mis la professionnalisation « au coeur de son action » en 2011. La récurrence du concept de professionnalisation par les acteurs du secteur met en relief ce que Boussard, Demazière et Milbrun (2010) nomment « l'injonction au professionnalisme ». Cette injonction vient des acteurs extérieurs au travail et a pour « but de mobiliser les travailleurs, d'améliorer leurs performances, de renforcer le sens des responsabilités et d'augmenter leur efficacité » (Op. Cit., p.17). Elle revêt alors une multiplicité de significations. Elle est à la fois une catégorie politique mobilisée par les pouvoirs publics, culturelle mobilisée par les travailleurs ou encore gestionnaire mobilisée par l'entourage des travailleurs (Demazière, 2009). Elle porte en elle des représentations sur ce qu'est le travail. Elle peut, en conséquence, être appréhendée comme un moyen de diffusion de normes de professionnalité portées par une diversité d'acteurs entrant en confrontation pour définir le travail. Pour Jany-Catrice, Puissant et Ribault (2009), une vision de la professionnalisation, portée par les pouvoirs publics, semble prendre la forme « d'une nouvelle idéologie plutôt [que celle d'un] espace professionnel négocié » (p.81). Cette idéologie présente la professionnalisation comme la rationalisation de l'activité du secteur réalisable par une mise en marché. Cette professionn rationalisante s'effectue à deux niveaux, celui des tâches et celui de 225 l'organisation du travail (Perrat et Puissant, 2008). Cette idéologie joue sur deux catégories de la professionnalisation : politique et gestionnaire. Politique car elle entend identifier des tâches, en démontrer leur utilité et les rendre solvables afin de les transformer en emploi. La catégorie gestionnaire se retrouve à travers la manière d'encadrer le travail et d'évaluer le résultat du travail et non pas le travail en lui-même. Ce mode d'évaluation transparaît notamment à travers l'incitation par les pouvoirs publics aux démarches qualités privées qui s'attachent à contrôler le processus de production du service et non le service en lui-même. Cependant la professionnalisation n'est pas une donnée. VI.1.3.2 Le rôle du Pôle Services à la Personne dans la construction d'une norme de professionnalité Le Pôle Services à la Personne, en comptant en son sein l'ensemble des acteurs du secteur en région PACA, constitue un espace où cette confrontation a lieu. Il traite cette confrontation à travers sa mise en débat. Il l'organise en revêtant trois rôles qui visent à faire en sorte que les membres du débat puissent y prendre part. Le premier rôle est celui de la diffusion de « l'idéologie de la professionnalisation », le second est celui de la transposition de « l'idéologie de la professionnalisation » et le troisième est celui d'un co-constructeur de « la représentation de la professionnalisation ». VI.1.3.2.1 Une diffusion de « l'idéologie de la professionnalisation » Le Pôle Services à la Personne reprend à son compte les normes de professionnalité dominantes véhiculées dans son champ en préconisant le recours à des dispositifs de gestion considérés comme nécessaires afin de rationaliser l'activité. Ceux-ci sont porteurs de normes 226 de professionnalité. Par exemple, le pôle incite à travers sa « charte d'adhésion », à la mise en place d'une démarche qualité. La « démarche qualité » est une nécessité afin d'obtenir l'agrément qualité. Cependant le référentiel utilisé, qui s'appuie sur des démarches privées de certification de la qualité, est désincarné puisqu'il ne prend pas en compte les spécificités sociales historiquement construites des organisations qui l'appliquent. À travers l'étalonnage, le réseau participe également à la diffusion de dispositifs de gestion considérés comme « des bonnes pratiques ». Celles-ci sont déterminées « bonnes » car considérées comme permettant de contrôler et d'évaluer le travail afin d'accroître la performance de l'organisation. En participant à la diffusion de ce type de dispositifs, le réseau contribue à diffuser les normes dominantes de professionnalité. Cette diffusion peut être appréhendée comme le moyen de donner aux membres du réseau la syntaxe de référence leur permettant d'avoir accès au marché (Ségrestin, 1997). En ayant connaissance de ces normes de professionnalité des adhérents au Pôle Services à la Personne, l'accès au marché leur est facilité. Leur champ des possibles s'élargit. Ainsi l'un des rôles prit par le Pôle Service à la Personne est celui de diffuseur des normes dominantes. VI.1.3.2.2 Une transposition de « l'idéologie de la professionnalisation » Au-delà de la diffusion des normes de professionnalité relevant de « l'idéologie de la professionnalisation », un second rôle joué par le Pôle Services à la Personne consiste en une transposition de ces normes. À travers son activité de veille, il participe à la diffusion d'informations concernant l'évolution du secteur, notamment sur la question de la réglementation. Cependant, il va au-delà de la diffusion en explicitant les évolutions. À travers ses services, que ce soit par exemple les « rencontres du Prides », les « groupes de travail ressources humaines » ou encore les « ateliers de la compétence », le Pôle Services à la Personne agit comme un média afin d'expliquer les modifications qui vont devoir être mises en place. Il le fait soit lui-même, soit en faisant intervenir des personnes spécialisées de la question abordée, soit alors en suscitant une réflexion collective. Ce travail de transposition se matérialise particulièrement à travers l'activité d'accompagnement à la mise en place de dispositifs de gestion. Par ce travail de transposition des normes de professionnalité, le pôle va au-delà de la diffusion en permettant une meilleure compréhension de la syntaxe de référence par ses membres. Cette facette du rôle joué par le pôle facilite alors l'accès au marché par ses 227 membres à travers la compréhension des normes. VI.1.3.2.3 Une co-construction de normes de professionnalité En privilégiant la mise en place d'actions collectives, le Pôle Services à la Personne participe à la co-construction de normes de professionnalité, ce qui constitue son troisième rôle. Ces temps collectifs que l'on retrouve à de multiples occasions, comme nous l'avons vu précédemment, permettent aux participants de confronter leur représentation du secteur, des métiers ou encore des dispositifs de gestion qu'ils utilisent. Dans ces temps collectifs, les dispositifs de gestion diffusés par le pôle constituent un support sur lesquels les acteurs vont pouvoir s'appuyer pour échanger. En proposant les dispositifs à la discussion, le pôle va contribuer à la construction d'une syntaxe commune à travers le processus de traduction. Cette syntaxe commune va se traduire par une modification du dispositif utilisé. Par exemple, la méthodologie générale conçue par l'ANACT pour l'accompagnement à la gestion des compétences a connu plusieurs évolutions afin de s'adapter aux secteurs et aux organisations. Les participants ont contribué à faire évoluer ce dispositif afin d'en permettre son appropriation de manière plus aisée. C'est notamment en s'appuyant sur l'expérience des trois « démarches d'accompagnement à la GPEC » que les tableurs contenant les indicateurs72 relatifs à l'activité de l'organisation ont été conçus, puis ont évolué. Ainsi, la troisième facette du rôle joué par le pôle est de participer à la co-construction de normes de professionnalité différentes de celles de « l'idéologie professionnelle ». Cet exemple permet d'illustrer la manière dont le Pôle Services à la Personne développe la convergence entre ses membres. Pour ce faire, il s'appuie sur trois temps, la diffusion et la transposition des représentations dominantes puis la co-construction d'une représentation partagée. VI.1.4 Le mécanisme de construction de la coopération au sein du Pôle Services à la Personne La coopération au sein du Pôle Services à la Personne repose sur la construction d'un socle commun. Pour Bechky (2003), ce socle commun est composé de connaissances, de croyances, 72 Cf. Chapitre V, paragraphe « II.3.2.1. Les proximités de ressources » 228 de suppositions et d'objets qui sont partagés. Il résulte d'une co-construction entre l'ensemble des participants. Cette co-construction passe par une confrontation de leurs contextualisations entre l'ensemble des actants qui conduit à une recontextualisation partagée. À partir de là, les acteurs sont en situation de coopérer afin de définir leur positionnement vis-à-vis du contexte. La construction du socle commun au sein du Pôle Services à la Personne, passe par la multiplication des espaces, comme ceux des projets ou de la gouvernance, où le débat entre les membres peut avoir lieu à partir d'objets multiples, comme les dispositifs de gestion, les normes de travail Afin d'organiser ce débat, le Pôle Services à la Personne agit en diffusant la représentation dominante du marché, agissant dès lors comme une interface permettant à ses membres d'entrer en contact, puis en transpose son contenu dans le but de favoriser sa compréhension par ses membres. Cette représentation du marché constitue une base à partir de laquelle les membres du réseau vont être amenés à se positionner en confrontant leur propre représentation. À partir de là, le réseau va identifier des éléments de convergence et les structurer afin d' r une recontextualisation partagée. Celle-ci va permettre de renforcer la coopération. La coopération émerge ainsi du renforcement de la coordination entre les membres du réseau qui donne lieu à une confrontation de leurs représentations. De cette confrontation émerge d'un socle commun renforçant une coordination coopérative qui, au-delà d'une coordination simple, permet d'articuler les tensions existantes entre les membres. Dans ce cadre, les proximités créées ont un rôle important du fait qu'elles accroissent la circulation des connaissances, des croyances, des suppositions et des objets qui constituent le socle commun à l'ensemble des membres. VI.2 Les apports de connaissances de notre recherche À travers cette section, nous proposons à la discussion les apports de connaissances de notre recherche. Pour ce faire, nous présentons trois dimensions à prendre en compte et à articuler afin d'identifier la création de la coopération au sein des RTO. Ensuite, à partir de l'articulation des théories de l'Économie de la Proximité et de la Sociologie de la Traduction nous proposons des apports afin de développer chacune de ces théories. VI.2.1 La création de la coopération au sein des réseaux territoriaux d'organisations Nous montrons dans les paragraphes qui suivent qu'ils y a des facteurs influençant la coopération négativement et positivement. Ensuite, nous montrons que la coopération résulte de la mise en convergence de quatre dimensions. VI.2.1.1 Facteurs limitatifs et favorisants dans la construction de la coopération La comparaison des processus de création de la coopération au sein des deux réseaux territoriaux d'organisations étudiés permet de mettre en lumière des facteurs influençant négativement et positivement la coopération au sein des RTO. VI.2.1.1.1 Facteurs limitatifs L'expérience du Pôle Tourisme de Territoire-Carac'Terres a mis en lumière quatre facteurs limitatifs au développement de la coopération. Le premier réside dans la force des liens unissant des acteurs homogènes. Lorsqu'un groupe d'acteurs constitué en amont du réseau, aux caractéristiques similaires et ayant l'expérience de travailler ensemble, s'occupe de la gouvernance du réseau, un risque réside dans la difficulté à ce que le réseau s'élargisse à des acteurs ne faisant pas partie du groupe. Cette difficulté à élargir le réseau est renforcée quand la légitimité de ce groupe d'acteurs n'est pas reconnue par l'ensemble des membres du réseau et que dans le même temps, aucun groupe structuré n'est en mesure d'infléchir les décisions prises en participant au débat. Une seconde difficulté réside dans la volonté d'ôter au RTO sa dimension politique. L'établissement d'un cloisonnement entre la dimension politique et la dimension opérationnelle du réseau en considérant que le RTO n'a un impact que sur la seconde conduit 230 à un désengagement des membres ne considérant pas la pertinence des actions menées. En considérant que le RTO n'est pas traversé par des questions politiques cela revient à considérer que les décisions prises ne sont pas sujettes à débat, qu'elles s'imposent d'ellesmêmes. Or dans ce cas, ce sont les décisions de l'acteur ou du groupe dominant qui sont représentées. Ce positionnement s'appuie sur un postulat erroné d'une neutralité de l'action. Une troisième difficulté est relative au mode d'organisation visant à limiter l'articulation des niveaux de la gouvernance et des projets selon une logique « top-down ». Suivant cette logique, il est difficile de faire remonter des attentes ou encore des difficultés identifiées au sein des projets collectifs au niveau de la gouvernance. À partir de là deux risques sont envisageable. Le premier est de présenter le réseau comme un prestataire de services, limitant ainsi les relations entre le réseau et ses adhérents au cadre du service. Le second, dans le cadre où la gouvernance est perçue comme illégitime, est de réduire la participation au réseau qui se traduit par un désengagement des membres. VI.2.1.1.2 Facteurs favorisant L'expérience du Pôle Services à la Personne met en lumière des facteurs favorisant le développement de la coopération. Le premier facteur réside dans la figure du traducteur. La présence d'un acteur occupant ce rôle apparaît central pour mettre les membres du réseau en situation de coopération. Ce rôle est d'autant plus important au sein des RTO qu'ils sont caractérisés par l'hétérogénéité de leurs membres. Il permet d'établir un équilibre entre les tensions dialectiques qui parcourent le réseau afin d'établir une convergence. Le second facteur réside dans la figure des porte-paroles. Leur présence est nécessaire afin de renforcer le travail du traducteur. Leur diversité, entre des porte-paroles ayant acquis une légitimité en dehors du réseau et des porte-paroles l'ayant acquis en interne, apparaît comme d'autant plus pertinente pour renforcer la traduction en rendant compte de rôles et de manières différentes pour porter la parole du réseau. Le troisième facteur réside dans l'importance de la mise en débat. Celle-ci permet aux membres du réseau de se confronter, puis de s'ajuster en définissant des principes de fonctionnement du réseau. Le débat permet le déplacement des acteurs afin d'établir la convergence. Ce facteur est fortement dépendant du traducteur qui permet de le canaliser afin 231 d'en faire un facteur créateur et non destructeur, en cas de domination des divergences dans les échanges de la coopération. Le quatrième facteur réside dans la logique de co-construction du fonctionnement du réseau. La co-construction permet d'impliquer la diversité des acteurs dans la création d'un socle commun, vecteur facilitant par la suite la régulation des membres du réseau. Elle donne lieu également à une meilleure appropriation du réseau. En participant à la détermination de son rôle, de son positionnement et de son fonctionnement, les membres sont plus en lins à accepter le réseau. Elle permet de dépasser dès lors une difficulté liée à une coordination selon un logique résiliaire où, à l'inverse d'une organisation hiérarchique, la direction ne bénéficie pas d'une autorité pleine sur ces membres lui permettant de les contraindre à appliquer ses décisions. Le cinquième facteur fait référence au décloisonnement des espaces. Il est le pendant des deuxième et troisième difficultés pour l'élaboration de la coopération. Le décloisonnement permet d'envisager le projet de la coopération dans sa globalité. Ainsi, les dimensions politiques et opérationnelles sont articulées afin qu'elles soient mises en cohérence. L'une et l'autre se nourrissent et se renforcent. Les facteurs limitatifs et favorisants la coopération Facteurs limitatifs Facteurs favorisants L'existence d'un traducteur La force des liens unissant des acteurs homogènes L'existence de porte-paroles du réseau La force du débat Le cloisonnement des dimensions politique et opérationnelle Le cloisonnement des espaces de gouvernance et des projets collectifs La co-construction d'un mode fonctionnement Le décloisonnement des espaces de gouvernance et des projets collectifs La présence de compétences générales - managériale et relationnelle VI.2.1.2 Les dimensions de la coopération La construction de la coopération apparaît comme liée à quatre dimensions interdépendantes. Ces quatre dimensions sont les acteurs, les espaces, les dispositifs de gestion et le sens. La dimension « acteurs » invite à s'interroger sur : « qui compose le réseau territorial d'organisations? » Cette interrogation vise à identifier les acteurs concernés par le réseau territorial d'organisations et ainsi à en définir les contours. Cette forme organisationnelle se caractérise par l'hétérogénéité de ses membres, or celle-ci est une source de divergence entre les acteurs. Comme la Sociologie de la Traduction le montre, un réseau pour être stabilisé, passe par la convergence des éléments le structurant. La convergence des acteurs implique d'identifier leurs intérêts et leurs enjeux pour justifier leur participation au réseau. L'articulation de ces intérêts et enjeux met en lumière les tensions, mais également les convergences existantes entre les membres. À partir de là, il est possible de déterminer un dénominateur commun à travers l'identification d'une ou plusieurs problématiques partagées. Elles permettent d'articuler ensemble les acteurs en leur définissant un rôle au sein d'un système d'interdépendances. Pour identifier la coopération, il convient donc de révéler les intér êts, les enjeux et les rôles des acteurs dans une perspective dynamique, en identifiant leurs évolutions qui s'articulent autour d'une convergence. La dimension « espace » s'articule autour de la question : « où les membres du réseau territorial d'organisations se rencontrent-ils? » Cette dimension invite à appréhender la construction de la coopération à partir des espaces au sein desquels elle se réalise. Avec les RTO, le rapport à l'espace se pose selon deux perspectives. La première fait référence à l'espace géographique, au territoire qui regroupe l'ensemble des membres du réseau. Avec cette perspective, il convient d'identifier les ressources disponibles que les acteurs peuvent saisir. Elle rend compte de la proximité géographique existante et potentielle. La seconde perspective fait référence aux espaces de rencontre issus de la proximité organisée. Deux types d'espaces se distinguent, les espaces dédiés à la gouvernance et les espaces dédiés aux projets collectifs. Ces deux espaces constituent des forums hybrides dans la mesure où ils regroupent une hétérogénéité d'acteurs. Ils permettent dès lors une exploration de l'identité des acteurs, des problèmes qu'ils partagent et du champ des possibles envisageable, et de ces échanges résultent un apprentissage (Callon et al., 2001). Ces deux espaces proposent des objets différents à la discussion : les décisions, le concept pour la gouvernance et la réalisation, le concret pour les projets collectifs. Cependant, ces objets sont à articuler puisque les espaces sont reliés, l'un influençant l'autre. L'intérêt d'identifier ces espaces est de faire ressortir les acteurs qui sont présents au sein de l'un, de l'autre ou des deux espaces, et d'identifier s'il y a une circulation des acteurs entre ces espaces, la mise en situation de coopération ne s'effectuant pas selon les perspectives. L'identification de ces espaces permet de surcroît de repérer la manière dont les échanges se font entre ces espaces et ces espaces et le territoire. La dimension « dispositifs de gestion » vise à répondre à cette interrogation : « autour de quels dispositifs les membres s'articulent-ils? » Nous considérons ainsi les dispositifs comme des moyens de coordination. Nous regardons comme dispositifs de gestion tout élément utilisé dans le cadre de la gestion d'une organisation. Nous en distinguons deux types. Il y a les dispositifs partagés par les membres du réseau et les dispositifs utilisés par le réseau territorial d'organisations afin de faire interagir ses membres. Les premiers relèvent de la proximité de ressources et à ce titre, renforcent la coordination en constituant une méthode d'organisation similaire. VI.2.2 Un renforcement mutuel de l'Économie de la Proximité et de la Sociologie de la Traduction Au sein des paragraphes suivants nous proposons à la discussion des prolongements dans la conceptualisation des deux théories sur lesquelles nous nous sommes appuyé. En établissant un dialogue entre l'Économie de la Proximité et la Sociologie de la Traduction des ajustements et des précisions peuvent être effectués. VI.2.2.1 Les apports à l'Économie de la Proximité Notre analyse permet d'accroître la capacité de compréhension de la coordination par l'Économie de la Proximité en proposant d'ajouter un niveau supplémentaire à la segmentation des proximités et en renforçant l'articulation entre les différentes proximités.
6,142
3a7bd73b9a8e8905ff61013ffc664bec_9
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,019
Incidence du cancer, tous types confondus, par sexe, 2018 (estimation)
None
French
Spoken
7,578
14,236
StatLink 2 https://doi.org/10.1787/888934068344 PANORAMA DE LA SANTÉ 2019 © OCDE 2019 113 5. ACCÈS AUX SOINS Difficultés financières et dépenses à la charge des patients Lorsque les systèmes de santé n’offrent pas une protection financière adéquate, les individus risquent de ne pas avoir de moyens financiers suffisants pour payer les soins ou satisfaire d’autres besoins fondamentaux. En conséquence, le manque de protection financière peut restreindre l’accès aux soins, fragiliser l’état de santé, accentuer la pauvreté et exacerber les inégalités en matière de santé et sur le plan socioéconomique. Globalement, dans les pays de l’OCDE, un peu plus d’un cinquième des dépenses de santé sont réglées directement par les patients (voir l’indicateur « Financement des dépenses de santé »). Les individus se retrouvent dans une situation financière difficile lorsque ces paiements directs deviennent élevés au regard de leurs moyens. Les ménages pauvres et ceux qui doivent supporter les coûts d’un traitement de longue durée, comme celui des médicaments prescrits en cas de maladie chronique, sont particulièrement vulnérables. garantie suffisante en soi. Les pays où l’incidence des dépenses de santé catastrophiques est faible sont également les plus susceptibles de dispenser de participation aux frais de santé les personnes pauvres et les personnes qui ont fréquemment recours aux soins, de privilégier une participation forfaitaire peu élevée à une participation en pourcentage de la dépense totale, notamment pour les médicaments destinés aux traitements en ambulatoire, et de plafonner le montant de la participation demandée à chaque ménage sur une période de temps donnée (comme en Autriche, en République tchèque, en Irlande et au Royaume‑Uni). La part de la consommation des ménages consacrée aux soins de santé fournit une évaluation globale du fardeau financier que représentent les dépenses à la charge des patients. Dans les pays de l’OCDE, environ 3 % de l’ensemble des dépenses des ménages étaient consacrées aux biens et services de santé, une proportion qui va d’environ 2 % en France, au Luxembourg et en Slovénie à plus de 5 % en Corée et presque 7 % en Suisse (Graphique 5.11). Les dépenses directes (appelées encore paiements directs ou dépenses à la charge des patients) désignent les dépenses supportées directement par les patients lorsque ni les systèmes d’assurance publics ni les systèmes privés ne couvrent en totalité le coût d’un produit ou d’un service de santé. Elles incluent la participation des patients au coût et d’autres dépenses payées directement par les ménages et, dans l’idéal, devraient aussi inclure les estimations des paiements non officiels aux prestataires de soins. Le degré de couverture des différents biens et services de santé varie selon les systèmes de santé des pays de l’OCDE (voir l’indicateur « Étendue de la couverture de santé »). Les produits pharmaceutiques et autres biens médicaux constituaient la principale dépense des ménages en matière de soins, les soins ambulatoires venant ensuite (Graphique 5.12). Ces deux composantes représentent généralement près des deux tiers des dépenses de santé des ménages. Ceux-ci peuvent également avoir à engager des dépenses élevées pour les soins dentaires et les soins de longue durée, qui représentent respectivement 14 % et 11 % en moyenne de leurs paiements directs. Les soins hospitaliers ne constituent qu’une part minime (9 %) de ces paiements. L’indicateur le plus largement utilisé pour mesurer les difficultés financières associées aux paiements directs pour les ménages est l’incidence des dépenses de santé catastrophiques (Cylus et al., 2018[1]). Celle‑ci varie fortement d’un pays de l’OCDE à l’autre, avec moins de 2 % de ménages concernés en France, en Suède, au Royaume-Uni, en Irlande, en République tchèque et en Slovénie, contre plus de 8 % au Portugal, en Pologne, en Grèce, en Hongrie, en Lettonie et en Lituanie (Graphique 5.13). Dans tous les pays, les ménages les plus pauvres (c’est-à-dire ceux qui appartiennent au premier quintile de consommation) sont les plus susceptibles de se trouver confrontés à des dépenses de santé catastrophiques, bien que de nombreux pays aient pris des mesures de protection financière. Les pays où les dépenses publiques de santé sont relativement élevées et les paiements à la charge des ménages faibles se caractérisent généralement par une moindre incidence des dépenses catastrophiques. Cependant, les choix politiques sont également importants, en particulier en ce qui concerne la couverture (Bureau régional de l’OMS pour l’Europe, 2018[2]). La protection financière de la population suppose que les soins soient financés sur fonds publics, bien que cela ne soit pas une 114 Définition et comparabilité Les dépenses de santé catastrophiques sont un indicateur de protection financière qui sert à mesurer les progrès en direction de la couverture sanitaire universelle (CSU). Elles se définissent comme les dépenses directes qui dépassent un pourcentage prédéfini des ressources qu’un ménage peut consacrer aux soins de santé. Les ressources dont disposent les ménages peuvent être définies de diverses façons, ce qui entraîne des différences de mesure. Dans les données présentées ici, ces ressources sont définies comme la consommation du ménage diminuée d’un montant forfaitaire représentant les dépenses de première nécessité consacrées à la nourriture, au loyer et aux charges (eau, électricité, gaz et autres combustibles). Le seuil au-delà duquel les ménages sont considérés comme confrontés à des dépenses catastrophiques est fixé à 40 %. Cet indicateur est calculé à l’aide des microdonnées issues des enquêtes nationales sur le budget des ménages. Références [2] Bureau régional de l’OMS pour l’Europe (2019), « Can people afford to pay for health care? New evidence on financial protection in Europe », Bureau régional de l’OMS pour l’Europe, Copenhague. [1] Cylus, J., S. Thomson et T. Evetovits (2018), « Catastrophic health spending in Europe: equity and policy implications of different calculation methods », Bulletin de l’OMS, vol. 96, n° 9, http://dx.doi.org/10.2471/BLT.18.209031. PANORAMA DE LA SANTÉ 2019 © OCDE 2019 5. ACCÈS AUX SOINS Difficultés financières et dépenses à la charge des patients 2.0 2.0 2.0 2.3 2.2 2.4 2.3 2.6 2.6 2.6 2.6 2.8 2.7 2.8 2.8 3.0 2.8 3.1 3.1 3.3 3.1 3.3 3.5 3.4 3.6 3.6 3.7 3.7 3.9 3.8 4.0 3.9 4.2 4.0 4.2 4.2 5.6 4.5 % 8 7 6 5 4 3 2 1 0 6.9 Graphique 5.11. Dépenses à la charge des patients en pourcentage de la consommation finale des ménages, 2017 (ou année la plus proche) Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2019 ; Base de données de l’OCDE sur les comptes nationaux. StatLink 2 https://doi.org/10.1787/888934068363 Graphique 5.12. Dépenses à la charge des patients, par type de service de santé, 2017 (ou année la plus proche) % 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Biens médicaux 20 9 2 69 3 17 16 63 3 14 7 13 63 1 6 7 19 22 14 11 60 59 Soins ambulatoires 2 4 8 30 55 2 11 9 27 52 2 17 2 19 9 50 2 19 12 18 49 11 6 8 26 48 Soins dentaires 7 2 29 20 14 21 48 12 47 7 16 30 46 9 2 31 1 11 9 14 30 14 22 28 44 43 1 41 Soins hospitaliers 12 2 22 23 41 1 17 4 31 11 5 14 47 19 7 17 22 16 7 17 15 22 3 19 18 39 39 39 38 37 17 6 36 Soins de longue durée 37 17 2 26 15 13 34 2 12 15 13 2 20 7 16 19 12 3 14 13 24 22 37 36 36 34 34 22 Autres 2 8 56 3 22 5 9 28 38 33 31 39 3 23 3 14 11 5 22 28 34 30 28 23 Note : La catégorie « Biens médicaux » comprend les produits pharmaceutiques et les appareils thérapeutiques. La catégorie « Autres » comprend les soins préventifs, les services administratifs et les services inconnus. Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2019. StatLink 2 https://doi.org/10.1787/888934068382 Graphique 5.13. Part des ménages ayant des dépenses de santé catastrophiques, par quintile de consommation, dernière année disponible 1.0 1.1 1.2 1.4 1.8 1.9 2.4 Quintile le plus faible 2.6 3.1 3.2 3.2 3.5 2e quintile 3.9 4.3 5.2 5.5 3e quintile 5.8 7.4 7.4 7.5 8.0 4e quintile 8.1 8.6 9.7 11.6 12.9 15.2 Quintile le plus élevé 15.8 % 20 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 Source : Bureau régional de l’OMS pour l’Europe, 2019. StatLink 2 https://doi.org/10.1787/888934068401 PANORAMA DE LA SANTÉ 2019 © OCDE 2019 115 5. ACCÈS AUX SOINS Répartition géographique des médecins L’accès aux soins médicaux nécessite un nombre suffisant de médecins et une répartition géographique équitable de ces derniers sur l’ensemble du pays. La concentration des médecins dans une région et des pénuries dans d’autres peuvent créer des inégalités d’accès aux soins de santé – un accroissement de la durée de déplacement ou des délais d’attente. La répartition inégale des médecins et les difficultés à les recruter et à les retenir dans certaines régions posent un problème majeur dans la plupart des pays de l’OCDE, en particulier ceux où il existe des zones isolées à faible densité de population, et des zones rurales et urbaines défavorisées. Le nombre moyen de médecins par habitant varie fortement d’un pays de l’OCDE à l’autre, allant de deux pour 1 000 habitants environ en Turquie, en Corée et en Pologne, à cinq voire plus pour 1 000 habitants au Portugal, en Autriche et en Grèce (voir l’indicateur « Médecins » au chapitre 8). Il varie aussi considérablement selon les régions d’un même pays. La densité médicale est toujours plus forte dans les régions urbaines, parce que c’est là que se concentrent les services spécialisés, comme la chirurgie, et que les médecins préfèrent exercer en ville. Les différences de densité entre régions urbaines et régions rurales sont particulièrement marquées en République slovaque, en Hongrie et au Portugal, nonobstant le fait que les définitions de ces zones ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre. La répartition des médecins entre régions urbaines et rurales est plus uniforme au Japon et en Corée, mais leur nombre est généralement inférieur dans ces deux pays (Graphique 5.14). L’urbanisation croissante accentuera probablement encore les disparités géographiques existantes en matière d’accès aux médecins. Parmi les régions à prédominance urbaine, les capitales concentrent généralement l’essentiel de l’offre de médecins (Graphique 5.15). C’est particulièrement évident en Autriche, aux États-Unis, en Grèce, au Portugal, en République slovaque et en République tchèque. Les différences entre la région de la capitale et la deuxième région présentant la plus forte densité médicale sont les plus marquées aux États-Unis et en République slovaque, le district de Columbia et la région de Bratislava comptant près de deux fois plus de médecins par habitant que le Massachusetts et l’est de la Slovaquie (qui arrivent en deuxième place en termes de densité médicale). Il en résulte généralement une plus grande dispersion entre les petites régions dans ces pays, les États-Unis affichant ainsi un écart de densité médicale proche de un à cinq, la République slovaque et la Grèce proche de un à trois, tandis qu’en Australie, en Belgique et en Corée, cet écart se situe seulement aux environs de 20 %. Les médecins sont parfois peu enclins à exercer en milieu rural pour des raisons professionnelles (revenus, horaires de travail, possibilités d’évolution professionnelle, manque de contact avec leurs confrères) et sociales (établissements scolaires pour leurs enfants et perspectives professionnelles pour leur conjoint). Plusieurs instruments d’action peuvent influencer le choix du lieu d’exercice des médecins, notamment : 1) l’offre d’incitations financières à l’installation dans les zones mal desservies, 2) l’inscription en plus grand nombre, dans les écoles 116 de médecine, d’étudiants originaires de régions ou de milieux sociaux ciblés, ou la délocalisation de ces établissements, 3) l’encadrement de l’installation des médecins (pour tous les nouveaux médecins ou les médecins formés à l’étranger) et 4) la réorganisation des services de santé afin d’améliorer les conditions de travail des médecins dans les zones mal desservies. Dans de nombreux pays de l’OCDE, différentes sortes d’incitations financières ont été proposées aux médecins afin de les attirer et de les retenir dans les zones mal desservies, notamment des subventions à versement unique pour les aider à s’installer et des versements réguliers, comme des garanties de revenu ou des primes. Plusieurs pays ont aussi instauré des mesures visant à encourager les étudiants originaires de régions mal desservies à s’inscrire en faculté de médecine. L’efficacité et le coût des différentes stratégies visant à promouvoir une meilleure répartition des médecins peuvent varier sensiblement, les résultats dépendant des spécificités de chaque système de santé, des caractéristiques géographiques de chaque pays, des comportements des médecins et de la conception des politiques et des programmes. Pour obtenir des résultats significatifs et durables, les mesures doivent être bien adaptées aux intérêts du groupe cible (Ono, Schoenstein et Buchan, 2014[1]). Définition et comparabilité Les régions sont réparties en deux niveaux territoriaux. Le niveau supérieur (niveau territorial 2) englobe de vastes régions qui correspondent généralement aux régions administratives nationales. Ces régions peuvent englober des zones urbaines, intermédiaires et rurales. Le niveau inférieur est constitué de régions plus petites, classées comme principalement urbaines, intermédiaires ou rurales, la classification de ces régions variant toutefois selon les pays. Il convient de noter que les territoires d’outre-mer sont généralement exclus des calculs. Toutes les données sur la distribution géographique des médecins proviennent des Statistiques sur les régions de l’OCDE. Références [2] OCDE (2016), Health Workforce Policies in OECD Countries: Right Jobs, Right Skills, Right Places, OECD Health Policy Studies, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264 239517-en. [1] Ono, T., M. Schoenstein et J. Buchan. (2014), « Geographic Imbalances in Doctor Supply and Policy Responses », Documents de travail de l’OCDE sur la santé, n° 69, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/ 5jz5sq5ls1wl-en. PANORAMA DE LA SANTÉ 2019 © OCDE 2019 5. ACCÈS AUX SOINS Répartition géographique des médecins Graphique 5.14. Densité de médecins dans les zones urbaines et rurales, 2016 (ou année la plus proche) Zones essentiellement urbaines Zones essentiellement rurales 1 2.2 1.3 2.4 2.3 1.0 2.5 1.9 2.3 2.0 2 2.6 3.8 3.9 3.9 2.7 2.8 4.2 3.6 4.3 4.4 3.8 2.8 3.3 4.4 4.7 4.4 2.7 2.7 3.4 4 3 5.1 5.6 5.7 4.2 5 6.3 6 6.7 Densité pour 1 000 habitants 7 0 Source : Statistiques de l’OCDE sur les régions 2019. StatLink 2 https://doi.org/10.1787/888934068420 Graphique 5.15. Densité de médecins dans différentes localités, par régions de niveau territorial 2, 2016 (ou année la plus proche) Australie Autriche Belgique Canada Chili République tchèque Danemark Estonie Finlande France Allemagne Grèce Hongrie Israël Italie Japon Corée Lettonie Luxembourg Mexique Pays-Bas Nouvelle-Zélande Norvège Pologne Portugal République slovaque Slovénie Espagne Suède Suisse Turquie Royaume-Uni États-Unis Chine Colombie Lituanie Fédération de Russie Vienne Bruxelles Prague Copenhague Helsinki Hambourg Région d'Athènes Nuevo Leon Région d'Oslo Lisbonne Bratislava Ankara Beijing Bogota Massachusetts District de Columbia St. Petersbourg 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Densité pour 1 000 habitants Source : Statistiques de l’OCDE sur les régions 2019. StatLink 2 https://doi.org/10.1787/888934068439 PANORAMA DE LA SANTÉ 2019 © OCDE 2019 117 5. ACCÈS AUX SOINS Temps d’attente avant une chirurgie élective Les longues attentes avant une chirurgie élective (non urgente) suscitent le mécontentement des patients car elles retardent les bienfaits escomptés du traitement tandis que la douleur et les handicaps perdurent. Elles résultent d’une interaction complexe entre la demande et l’offre de services de santé, les médecins jouant un rôle essentiel sur les deux plans. La demande de services de santé et de chirurgie élective est déterminée par l’état de santé de la population, l’évolution des technologies médicales (dont la simplification de nombreuses procédures, comme les opérations de la cataracte), les préférences des patients et la part des frais laissés à la charge de ces derniers. Cela étant, les médecins jouent un rôle central dans la décision d’opérer ou non un patient. Du côté de l’offre, la disponibilité de chirurgiens, d’anesthésistes ou d’autres personnels de santé présents dans les équipes chirurgicales ainsi que l’existence des équipements médicaux nécessaires ont une incidence sur les taux d’activité chirurgicale. L’indicateur utilisé ici porte sur le temps qui s’écoule entre le moment où un spécialiste ajoute un patient à la liste d’attente en vue d’une intervention et le moment où celle-ci a lieu. Les graphiques présentent les temps d’attente moyens et médians. Comme certains patients attendent très longtemps, le temps d’attente médian est systématiquement et considérablement inférieur au temps d’attente moyen, et constitue peut‑être par conséquent une mesure plus fiable de la tendance centrale de l’indicateur. L’écart substantiel entre les deux mesures, surtout dans des pays comme le Chili, l’Estonie et la Pologne, met en lumière l’existence de groupes de patients problématiques qui attendent nettement plus longtemps que d’autres avant leur opération. En 2017, le temps d’attente médian pour une opération de la cataracte était inférieur à 50 jours en Italie, en Hongrie, au Danemark et en Suède (Graphique 5.16). Les pays où il est le plus long sont l’Estonie et la Pologne, avec 7 mois environ pour l’une et plus d’un an pour l’autre. Si l’on regarde l’évolution sur les dix dernières années, on constate que les temps d’attente se sont allongés dans certains pays, comme le Canada et le Portugal dernièrement, qu’ils ont diminué en Espagne et sont restés relativement stables en Nouvelle-Zélande. Le temps d’attente médian pour une arthroplastie de la hanche était inférieur à 50 jours au Danemark et en Italie (Graphique 5.17). Il était particulièrement long au contraire, huit mois sinon plus, en Estonie, en Pologne et au Chili. Sur les cinq dernières années, un recul a pu être observé dans quelques pays, comme la Finlande, la Hongrie et le Danemark, contre un net allongement en Estonie. Les temps d’attente pour une arthroplastie du genou suivent des tendances similaires à celles de l’arthroplastie de la hanche, mais avec une moyenne plus élevée. L’Estonie, la Pologne et le Chili affichent, là encore, et de loin, les délais les plus longs (Graphique 5.18). Le temps d’attente médian dans l’échantillon de pays de l’OCDE est de 114 jours, excédant de plus de 30 jours celui d’une opération de la cataracte et de 20 jours celui d’une arthroplastie de la hanche. En Australie, l’attente médiane a légèrement augmenté au fil du temps pour atteindre 200 jours tandis qu’elle n’a pratiquement pas varié au Portugal depuis 2007. En Hongrie et au Danemark, les délais se sont raccourcis au cours des dix dernières années. Les garanties de délais sont devenues les mesures les plus fréquemment utilisées pour réduire le temps d’attente dans plusieurs pays, mais elles ne sont efficaces que dans la mesure où elles sont correctement appliquées (Siciliani, Borowitz et Moran, 2013[1]). Depuis la fin des années 2000, le Danemark a opté pour le plafonnement des délais, conjugué au libre choix de l’établissement de soins, pour réduire le temps d’attente des patients. Le temps d’attente garanti a été abaissé de deux mois à 118 un mois en 2007, et les Danois se sont vu accorder en parallèle la possibilité de choisir eux‑mêmes l’établissement qui les prendra en charge. Dans le cadre de ce dispositif, si l’hôpital prévoit qu’il ne pourra pas respecter le délai garanti, le patient peut se tourner vers un autre établissement public ou privé. Si les soins sont prodigués en dehors de la région où vit le patient, celle-ci en prendra le coût à sa charge. En Hongrie également, les temps d’attente avant une intervention chirurgicale non urgente sont orientés à la baisse depuis plusieurs années pour de nombreux types d’actes. Des objectifs spécifiques ont été définis de manière à faire passer le temps d’attente en-deçà de 60 jours dans le cas d’interventions de petite chirurgie et en-deçà de 180 jours s’il s’agit de chirurgie lourde et ce, pour tous les patients. Pour ce faire, le gouvernement a pris des dispositions législatives et réglementaires relatives à la gestion des listes d’attente, introduit un système de liste d’attente en ligne d’envergure national permettant de connaître la situation en temps réel, mobilisé des moyens financiers supplémentaires pour réduire l’attente dans certaines régions ou certains établissements hospitaliers et encouragé une redistribution des patients depuis les établissements où l’attente est la plus longue vers ceux où elle est moindre. Définition et comparabilité Deux façons de mesurer le temps d’attente avant une intervention élective sont couramment utilisées : 1) mesurer le temps d’attente des patients traités au cours d’une période donnée, ou 2) mesurer le temps d’attente des patients figurant encore sur la liste d’attente à un moment donné. Les données présentées ici correspondent à la première méthode (les données obtenues avec la seconde sont disponibles dans la base de données de l’OCDE sur la santé). Elles proviennent de bases de données administratives et non d’enquêtes. Les durées d’attente sont présentées sous forme de temps d’attente moyens et de temps d’attente médians. La médiane est la valeur qui sépare une distribution en deux parties égales (ce qui signifie que la moitié des patients attendent plus longtemps, et l’autre moitié moins longtemps). Par rapport à la moyenne, la médiane minimise l’influence des cas extrêmes (des patients avec des temps d’attente extrêmement longs). Les temps d’attente sont surestimés en Norvège parce qu’ils commencent à partir du moment où un médecin envoie un patient vers un spécialiste pour des examens plus poussés jusqu’au traitement, alors que dans les autres pays ils commencent à partir du moment où un spécialiste a fait des examens plus poussés et décidé d’ajouter le patient sur la liste d’attente jusqu’au traitement. Références [2] National Research Council (US) et Institute of Medicine (US) (2013), U.S. Health in International Perspective, National Academies Press, Washington, D.C., http://dx.doi.org/ 10.17226/13497. [1] Siciliani, L., M. Borowitz et V. Moran (dir. pub.) (2013), Waiting Time Policies in the Health Sector: What Works?, OECD Health Policy Studies, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/ 10.1787/9789264179080-en. PANORAMA DE LA SANTÉ 2019 © OCDE 2019 5. ACCÈS AUX SOINS Temps d’attente avant une chirurgie élective Graphique 5.16. Chirurgie de la cataracte, temps d’attente moyen et médian et évolution dans certains pays, 2017 Moyen 92 103 76 106 119 121 106 123 108 129 77 129 77 132 n.d. 76 75 62 78 86 n.d. 43 34 44 48 57 21 61 37 63 66 219 349 386 458 Médian n.d. Jours 500 450 400 350 300 250 200 150 100 50 0 Jours 160 140 120 100 80 60 40 20 0 Canada Nouvelle-Zélande Espagne Portugal Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2019. StatLink 2 https://doi.org/10.1787/888934068458 Graphique 5.17. Arthroplastie de la hanche, temps d’attente moyen et médian et évolution dans certains pays, 2017 433 240 286 246 419 Moyen 391 Médian 29 n.d. 39 51 73 78 75 82 49 90 56 95 81 99 55 104 105 n.d. 85 109 119 n.d. 111 130 114 134 95 161 130 162 Jours 500 450 400 350 300 250 200 150 100 50 0 Jours 350 300 250 200 150 100 50 0 Danemark Finlande Estonie Hongrie Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2019. StatLink 2 https://doi.org/10.1787/888934068477 Graphique 5.18. Arthroplastie du genou, temps d’attente moyen et médian et évolution dans certains pays, 2017 Moyen 842 861 Médian Jours 250 Australie Hongrie Danemark Portugal 65 133 95 145 141 160 198 n.d. 192 201 157 211 114 227 564 442 335 535 200 33 45 n.d. 53 75 80 41 83 90 101 90 117 98 117 n.d. 129 Jours 1000 900 800 700 600 500 400 300 200 100 0 150 100 50 0 Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2019. StatLink 2 https://doi.org/10.1787/888934068496 PANORAMA DE LA SANTÉ 2019 © OCDE 2019 119 6. QUALITÉ ET RÉSULTATS DES SOINS Sécurité des soins primaires – les prescriptions Sécurité des soins intensifs – les complications chirurgicales et les infections nosocomiales Sécurité des soins intensifs – les traumatismes obstétricaux Admissions hospitalières évitables Traitement du diabète Mortalité après un accident vasculaire cérébral Mortalité après un infarctus aigu du myocarde (IAM) Chirurgie de la hanche et du genou Prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux Cancer du sein Cancer colorectal : dépistage et taux de survie Taux de survie aux autres formes de cancer Vaccination Vécu des patients en soins ambulatoires Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international. 121 6. QUALITÉ ET RÉSULTATS DES SOINS Sécurité des soins primaires – les prescriptions Les prescriptions peuvent servir d’indicateur de la qualité des soins, en complément aux informations relatives à la consommation et aux dépenses (chapitre 10). La surconsommation, la sous-consommation ou le mauvais usage des médicaments prescrits peuvent être à l’origine d’importants risques sanitaires et entraîner un gaspillage de dépenses. C’est le cas des opioïdes et des antibiotiques, par exemple. Les opioïdes sont souvent utilisés pour le traitement de la douleur aiguë et de la douleur associée au cancer ; depuis dix ans, ils sont de plus en plus utilisés pour traiter la douleur chronique, malgré le risque de dépendance, d’augmentation de la dose, de difficulté respiratoire et de décès. L’usage d’opioïdes est aujourd’hui à l’origine d’une épidémie alarmante et croissante de décès par overdose dans certains pays de l’OCDE comme les États-Unis et le Canada (OCDE, 2019[1]) (voir l’indicateur de la « Consommation d’opioïdes » au chapitre 4). Le Graphique 6.1 montre que, dans l’ensemble des pays de l’OCDE, le volume moyen d’opioïdes prescrits dans le cadre des soins primaires en 2017 était supérieur à 16 doses quotidiennes définies pour 1 000 habitants par jour. L’Islande et le Luxembourg déclarent des volumes environ deux fois supérieurs à la moyenne de l’OCDE, tandis que la Turquie et la Corée affichent les volumes les plus faibles. Ces chiffres mesurent les prescriptions dans le cadre des soins primaires, mais peuvent aussi refléter la situation du côté de l’offre, car le taux moyen de disponibilité des opioïdes est également faible en Turquie (voir l’indicateur de la « Consommation d’opioïdes » au chapitre 4). En moyenne, plus de 2 % de la population adulte des pays de l’OCDE consommait de manière chronique des opioïdes en 2017 (Graphique 6.2). La Corée et l’Italie affichent les pourcentages les plus faibles, et l’Islande le plus élevé, et de loin. Ces grandes disparités peuvent s’expliquer en partie par les différences de pratiques cliniques en ce qui concerne la prise en charge de la douleur, ainsi que par les différences en matière de réglementation, de cadres juridiques applicables aux opioïdes, de politiques en matière de prescription et de directives thérapeutiques. Les antibiotiques, par exemple, ne doivent être prescrits qu’en cas de besoin clairement étayé par des données probantes, l’objectif étant de diminuer le risque d’apparition de souches résistantes de bactéries (OCDE, 2018[2]). Par exemple, les quinolones et les céphalosporines sont considérées comme des antibiotiques de deuxième intention dans la plupart des directives en matière de prescription, qui ne doivent être utilisées, en règle générale, que si les antibiotiques de première intention sont inefficaces. Le volume total d’antibiotiques prescrits et les antibiotiques de deuxième intention en pourcentage du volume total ont été validés comme indicateurs de la qualité des structures de soins primaires (OCDE, 2017[3]), alors que la consommation globale d’antibiotiques et que la résistance aux antimicrobiens dans les pays de l’OCDE ont augmenté (OCDE, 2018[2]). Le Graphique 6.3 illustre le volume total d’antibiotiques prescrits dans le cadre des soins primaires en 2017, y compris les antibiotiques de deuxième intention. Les volumes totaux varient du simple à plus du triple selon les pays ; le RoyaumeUni, l’Estonie et la Suède déclarent les volumes les plus faibles, tandis que l’Italie et la Grèce affichent les volumes les plus élevés. Les volumes d’antibiotiques de deuxième intention varient pratiquement de 1 à 24 selon les pays. Ainsi, les pays nordiques et le Royaume-Uni déclarent les volumes les plus faibles, tandis que la Grèce et la Corée affichent les volumes les plus élevés. Ces disparités peuvent s’expliquer, du côté de l’offre, par des différences en ce qui concerne les recommandations et les incitations appliquées aux prescripteurs de soins primaires et, sur le plan de la demande, par les différences d’attitudes et d’attentes vis-à-vis du traitement optimal des maladies infectieuses. 122 Définition et comparabilité La dose quotidienne définie (DQD) correspond à la dose supposée moyenne de traitement par jour du médicament utilisé dans son indication principale chez l’adulte. Par exemple, la DQD de l’aspirine orale est de 3 grammes, la dose quotidienne supposée pour traiter les douleurs chez l’adulte. Les DQD ne reflètent pas nécessairement la dose quotidienne moyenne effectivement utilisée dans un pays donné. Pour de plus amples informations : http:// www.whocc.no/atcddd. Les données pour l’Autriche, la Lettonie, l’Estonie, le Portugal, l’Espagne et la Suède comprennent les données relatives aux médecins de premier recours uniquement. Les données pour le Canada, la Finlande, l’Italie, la Corée et la Norvège comprennent les soins ambulatoires. Les données pour les Pays-Bas comprennent les ordonnances des médecins de premier recours et des spécialistes qui exercent dans des dispensaires. Les données pour le Danemark, l’Irlande et la Slovénie comprennent les soins primaires, les soins ambulatoires et les établissements d’accueil médicalisé. Les données pour la Belgique et la Turquie comprennent les soins primaires, les soins infirmiers et les établissements de soins avec hébergement. Les données pour l’Islande comprennent les données relatives aux soins primaires, aux soins ambulatoires, aux spécialistes exerçant en cabinet privé et aux dispensaires. Les données concernent les prescriptions de médicaments remboursés, hormis pour l’Islande, la Slovénie et les Pays-Bas (pour les benzodiazépines uniquement), où les médicaments non remboursés sont pris en compte. Les données pour le Danemark, le Canada, la Finlande, le Luxembourg, le Portugal, les Pays-Bas et la Suède concernent les médicaments préparés dans des pharmacies communautaires. Les données pour l’Allemagne reposent sur des données de l’assurance maladie obligatoire relatives aux prescriptions dans les services ambulatoires. Les données pour l’Australie proviennent de l’ensemble de données du Pharmaceutical Benefits Scheme. Les dénominateurs correspondent à la population des bases de données nationales sur les prescriptions, et non à la population générale. De plus amples informations sur les sources et méthodologies sont disponibles dans OECD.Stat. D’autres données sur les antibiotiques figurant dans la base de données des Statistiques de l’OCDE sur la santé peuvent différer suite à des différences en matière de sources de données et de couverture. Pour ce qui concerne les opioïdes, les « usagers chroniques » sont définis comme le nombre d’adultes figurant dans la base de données sur les prescriptions avec deux ou plusieurs prescriptions couvrant au moins 90 jours. Références [1] OCDE (2019), Addressing Problematic Opioid Use in OECD Countries, OECD Health Policy Studies, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/a18286f0-en. [2] OCDE (2018), Stemming the Superbug Tide: Just A Few Dollars More, OECD Health Policy Studies, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264307599-en. [3] OCDE (2017), Tackling Wasteful Spending on Health, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264266414-en. PANORAMA DE LA SANTÉ 2019 © OCDE 2019 6. QUALITÉ ET RÉSULTATS DES SOINS Sécurité des soins primaires – les prescriptions 39.0 23.3 22.5 21.1 20.4 17.6 17.3 17.0 16.5 15.4 15.3 13.3 12.7 10.7 5.8 4.2 0.9 0.1 DQD par 1 000 habitants, par jour 45 40 35 30 25 20 15 10 5 0 40.2 Graphique 6.1. Volume total d’opioïdes prescrits, 2017 (ou année la plus proche) Note : Les produits utilisés dans le traitement de la toxicomanie ne sont pas pris en compte. 1. Moyenne sur trois ans. Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2019 et Third Australian Atlas of Healthcare Variation 2018. StatLink 2 https://doi.org/10.1787/888934068515 Graphique 6.2. Pourcentage des usagers chroniques des opioïdes dans la population adulte, 2017 (ou année la plus proche) % de la population âgée de 18 ans et plus 9.6 12 10 8 3.0 2.6 2.3 2.3 2.1 1.4 1.4 1.1 1.1 0.6 2 0.2 4 1.8 6 0 Note : Les produits utilisés dans le traitement de la toxicomanie ne sont pas pris en compte. 1. Moyenne sur trois ans. Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2019. StatLink 2 https://doi.org/10.1787/888934068534 Graphique 6.3. Volume total d’antibiotiques prescrits, 2017 (ou année la plus proche) Ensemble des antibiotiques 2017 Antibiotiques de seconde intention DQD par 1000 habitants, par jour 35 30 25 20 15 10 5 0 1. Les données correspondent à une moyenne sur trois ans. 2. Données du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies en raison de la non-disponibilité des données statistiques de l’OCDE sur la santé. Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2019. StatLink 2 https://doi.org/10.1787/888934068553 PANORAMA DE LA SANTÉ 2019 © OCDE 2019 123 6. QUALITÉ ET RÉSULTATS DES SOINS Sécurité des soins intensifs – les complications chirurgicales et les infections nosocomiales La sécurité des patients demeure l’une des questions de santé les plus pressantes pour l’information du public et la poursuite de l’action des pays membres de l’OCDE. Plus de 15 % des dépenses et de l’activité des hôpitaux des pays de l’OCDE seraient imputables au traitement des patients qui sont victimes d’un événement portant atteinte à leur sécurité, la plupart du temps évitable (Slawomirski, Auraaen et Klazinga, 2018[1]). L’Assemblée mondiale de la santé a récemment approuvé la proposition de créer la Journée mondiale de la sécurité des patients afin de renforcer la sensibilisation et de stimuler une action concertée visant à accroître la sécurité des soins. Les problèmes de sécurité des patients peuvent être classés en événements « sentinelles » ou « rarissimes » : des événements censés ne jamais se produire ou très rarement se produire ; et en événements « indésirables » : des événements que l’on ne peut pas éviter complètement, mais dont on pourrait réduire considérablement l’incidence. Le Graphique 6.4 illustre le nombre de fois où un événement rarissime – l’oubli d’un corps étranger dans l’organisme pendant une opération – se produit, au moyen de données couplées et non couplées (voir l’encadré « Définition et comparabilité »). Les facteurs de risque les plus couramment à l’origine de cet événement rarissime sont l’urgence, une modification inopinée de la procédure, l’obésité du patient, et des changements dans l’équipe chirurgicale. Les mesures préventives englobent les listes de points à vérifier, le comptage des instruments, une exploration méthodique de la plaie et une communication efficace entre les membres de l’équipe chirurgicale. Le Graphique 6.5 illustre le nombre de fois où un événement indésirable se produit – le pourcentage de patients hospitalisés ayant contracté une infection nosocomiale – dans les pays de l’OCDE, ainsi que la proportion des bactéries à l’origine de ces infections qui sont résistantes aux antibiotiques. Les infections nosocomiales sont l’événement indésirable le plus mortel et le plus onéreux, représentant jusqu’à 6 % du budget des hôpitaux publics (Slawomirski, Auraaen et Klazinga, 2018[1]). Les bactéries résistantes aux antibiotiques, qui peuvent rendre le traitement de l’infection nosocomiale difficile, voire impossible, engendrent des effets accrus. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, un peu moins de 4.9 % des patients hospitalisés souffraient d’une infection nosocomiale en 2015‑17. Cette proportion s’élevait à 5.2 % en 2011‑12. Le pourcentage le plus faible a été observé en Lituanie, en Lettonie et en Allemagne (environ 3 %), et le plus élevé au Portugal, en Grèce et en Islande (plus de 7 %). Les taux de résistance aux antibiotiques vont de 0 % en Islande à près de 70 % en Lettonie, mais ces taux doivent être interprétés avec prudence en raison de la petite taille des échantillons dans certains cas. Le Graphique 6.6 illustre le nombre de fois où deux événements indésirables apparentés, à savoir l’embolie pulmonaire (EP) et la thrombose veineuse profonde (TVP) après une arthroplastie de la hanche ou du genou, se produisent, au moyen de données couplées et non couplées (voir l’encadré « Définition et comparabilité »). L’EP et la TVP sont à l’origine de douleurs inutiles voire de décès dans certains cas, mais peuvent être évitées grâce à des anticoagulants ainsi qu’à d’autres mesures. Les fortes variations observées, dont une variation des taux de TVP de 1 à plus de 25, peuvent s’expliquer en partie par les différences de pratiques de diagnostic d’un pays à l’autre. 124 Définition et comparabilité Les indicateurs utilisant des données non couplées se fondent sur les admissions de patients à l’hôpital pour chirurgie afin de calculer les taux. Le nombre de sorties d’hôpital assorties d’un code CIM (Classification internationale des maladies) pour la complication correspondante dans un domaine de diagnostic secondaire est divisé par le nombre total de sorties de patients âgés de 15 ans et plus. Les indicateurs utilisant des données couplées ne se limitent pas aux seules admissions pour chirurgie, mais englobent toutes les réadmissions ultérieures qui lui sont liées, indépendamment de l’hôpital, dans un délai de 30 jours après l’opération. Des différences dans les définitions et les pratiques relatives aux dossiers médicaux entre les pays peuvent influer sur le calcul des taux et limiter la comparabilité des données. Dans certains cas, un taux élevé d’événements indésirables tiendra à un système plus développé de surveillance de la sécurité des patients et à une plus grande culture de la sécurité des patients, et non à une moindre qualité des soins. Les données sur les infections nosocomiales sont fondées sur les résultats des études de prévalence ponctuelle menées par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) entre 2015 et 2017 (Magill et al., 2018[2] ; Suetens et al., 2018[3]). Les taux d’infections nosocomiales ne sont pas ajustés et peuvent ne pas correspondre aux taux publiés ailleurs en raison de différences au niveau des infections prises en compte. Voir Suetens et al. (2018[3]) et Magill et al. (2018[2]) pour de plus amples informations relatives à certaines inclusions et exclusions. Les estimations par pays peuvent indiquer différents niveaux de variabilité qui résultent de différences au niveau de l’échantillonnage. Le taux d’infections nosocomiales est présenté, ainsi que la proportion de patients recrutés auprès d’unités de soins intensifs (USI). Les patients des USI risquent davantage de contracter une infection nosocomiale. Les données sur la résistance aux antibiotiques sont fondées sur un indicateur composite de résistance aux antibiotiques élaboré par l’ECDC (Suetens et al., 2018[3]). Références [2] Magill, S.S. et al. (2018), « Changes in Prevalence of Health Care-Associated Infections in U.S. Hospitals », New England Journal of Medicine, vol. 379, n°18, pp. 1732‑1744, http:// dx.doi.org/10.1056/NEJMoa1801550. [1] Slawomirski, L., A. Auraaen et N. Klazinga (2018), « The Economics of Patient Safety: Strengthening a value-based approach to reducing patient harm at national level », Documents de travail de l'OCDE sur la santé, n° 96, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5a9858cd-en. [3] Suetens, C. et al. (2018), « Prevalence of healthcare-associated infections, estimated incidence and composite antimicrobial resistance index in acute care hospitals and long-term care facilities: results from two European point prevalence surveys, 2016 to 2017 », Eurosurveillance, http:// dx.doi.org/10.2807/1560-7917.es.2018.23.46.1800516. PANORAMA DE LA SANTÉ 2019 © OCDE 2019 6. QUALITÉ ET RÉSULTATS DES SOINS Sécurité des soins intensifs – les complications chirurgicales et les infections nosocomiales Graphique 6.4. Corps étrangers laissés dans l’organisme pendant une opération, 2017 (ou année la plus proche) 8.3 Données non couplées 9.8 Suède Canada Norvège 4.4 4.6 Pays-Bas Espagne OCDE12 Israël 3.1 3.3 3.5 3.8 Slovénie Portugal Finlande Italie 1.9 2.1 2.2 Nouvelle-Zélande Irlande 0.8 1.6 Suisse Belgique Australie Royaume-Uni États-Unis Suède Pays-Bas Lituanie Allemagne Norvège OCDE19 Slovénie Espagne Israël Finlande Irlande Portugal Italie Lettonie Pologne Pour 100 000 opérations chirurgicales 14 10.9 12.3 12 8.2 10 7.5 7.6 6.3 6.8 7.2 7.2 8 5.2 4.7 4.4 6 2.8 3.5 4 1.1 1.7 1.8 2.0 2.1 2 0.3 0 Données couplées Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2019. StatLink 2 https://doi.org/10.1787/888934068572 Graphique 6.5. Pourcentage de patients hospitalisés présentant au moins une infection nosocomiale et proportion des bactéries isolées à partir de ces infections qui sont résistantes aux antibiotiques, 2015‑17 Prévalence d'infection nosocomiale % % résistance % Prévalence d'infections nosocomiales 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 % résistance 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Note : Aucune donnée disponible sur la résistance pour les États-Unis, l’Islande et la Norvège. 1. Les données incluent moins de 5 % de patients venant d’unités de soins intensifs (USI). 2. Les données incluent plus de 5 % de patients venant des USI. Source : Enquête de prévalence ponctuelle 2016‑17 (ECDC). Étude de prévalence ponctuelle 2015 (CDC). StatLink 2 https://doi.org/10.1787/888934068591 Graphique 6.6. Événements indésirables lors des arthroplasties de la hanche et du genou : embolie pulmonaire (EP) ou thrombose veineuse profonde (TVP) post-opératoire, 2017 (ou année la plus proche) Israël 328 535 Canada 272 554 357 Finlande 358 443 Irlande 427 171 Norvège 260 357 Slovénie 157 OCDE12 203 295 Suède 103 344 Italie 164153 Portugal 99 183 Nouvelle-Zélande 153152 Pays-Bas 53 211 Espagne 69 84 1328 France 1006 Australie États-Unis 421 446 Israël 279551 Allemagne 419 340 339 Suisse 237 Irlande 279372 Slovénie 200 357 OCDE21 260 267 Lettonie 44 402 Royaume-Uni 198 287 Finlande 110 311 Belgique 149 255 Norvège 196 177 Suède 66 193 Estonie 219 148 Pays-Bas 35 175 Portugal 24 168 Espagne 69 121 Italie 90 54 Lituanie 32 99 Données non couplées 267 TVP 535 EP Pour 100 000 opérations chirurgicales de la hanche ou du genou Pologne 52 15 1800 1500 1200 900 600 300 0 Données couplées Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2019. StatLink 2 https://doi.org/10.1787/888934068610 PANORAMA DE LA SANTÉ 2019 © OCDE 2019 125 6. QUALITÉ ET RÉSULTATS DES SOINS Sécurité des soins intensifs – les traumatismes obstétricaux La sécurité de la femme lors de l’accouchement peut être évaluée par l’observation des cas potentiellement évitables de déchirures du périnée survenant lors d’un accouchement par voie basse. Les déchirures qui s’étendent aux muscles du périnée et à la paroi intestinale nécessitent une intervention chirurgicale. Parmi les complications possibles figurent les douleurs périnéales persistantes et l’incontinence. Il est impossible de prévenir totalement ces déchirures, mais on peut les atténuer moyennant une gestion appropriée du travail et des soins obstétricaux de qualité. La proportion d’accouchements s’accompagnant de déchirures sérieuses est considérée comme étant un indicateur de la qualité de ces soins. Les services d’obstétrique ne déclarent cependant pas toujours ces événements de la même manière, ce qui peut rendre difficiles les comparaisons internationales. D’autres facteurs, dont le taux national général de naissances par césarienne, les accouchements assistés par voie basse (c'est-à-dire à l’aide de forceps ou d’une ventouse) et l’épisiotomie (une incision chirurgicale du périnée destinée à élargir l’orifice vaginal pour l’accouchement), peuvent influer sur les taux de traumatisme obstétrical ; ces facteurs continuent d’être étudiés. Par exemple, l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2018[1]) ne recommande pas la pratique systématique ou courante de l’épisiotomie en cas d’accouchement spontané par voie basse, mais le recours sélectif à l’épisiotomie pour réduire les déchirures graves du périnée pendant l’accouchement fait toujours débat. Le Graphique 6.7 illustre les taux de traumatisme obstétrical consécutif à un accouchement par voie basse avec extraction instrumentale (c'est-à-dire un accouchement avec extraction par forceps ou ventouse), et le Graphique 6.8 les taux de traumatisme obstétrical consécutif à un accouchement par voie basse sans extraction instrumentale. Comme le risque de déchirure du périnée augmente sensiblement avec l’utilisation d’instruments obstétricaux, les taux relatifs à cette population de patientes sont présentés séparément. On observe une forte variation des taux de traumatisme obstétrical d’un pays à l’autre. Ainsi, les taux déclarés de traumatisme obstétrical consécutif à un accouchement par voie basse avec extraction instrumentale varient de moins de 2 % en Pologne, en Israël, en Italie, en Slovénie et en Lituanie à plus de 10 % au Danemark, en Suède, aux États-Unis et au Canada. Les taux de traumatisme obstétrical consécutif à un accouchement par voie basse sans extraction instrumentale varient de moins de 0.5 % des accouchements en Pologne, en Lituanie, au Portugal, en Lettonie et en Israël à plus de 2.5 % au Danemark, au Royaume-Uni et au Canada. Bien que le taux moyen de traumatisme obstétrical consécutif à un accouchement par voie basse avec extraction instrumentale (5.5 % des accouchements par voie basse avec assistance instrumentale) dans les pays de l’OCDE en 2017 représente près de quatre fois le taux de traumatisme obstétrical consécutif à un accouchement par voie basse sans extraction instrumentale (1.4 % des accouchements par voie basse sans assistance instrumentale), il semble y avoir une relation entre les deux indicateurs, Israël, la Lituanie, le Portugal et la Pologne faisant état des taux les plus faibles, et le Canada, le Danemark et la Nouvelle-Zélande des taux les plus élevés pour l’un comme pour l’autre. 126 Les taux des deux indicateurs font apparaître des améliorations perceptibles au Danemark et en Norvège entre 2012 et 2017, mais les taux généraux de traumatisme obstétrical ne marquent aucune évolution manifeste au cours de ces cinq années. La moyenne de l’OCDE est demeurée relativement stable pour les accouchements par voie basse à la fois avec et sans extraction instrumentale. Les taux dans certains pays, dont l’Estonie, l’Italie et la Slovénie, semblent s’être détériorés. Au Canada, peu de mesures ont été prises pour remédier au taux élevé de traumatisme obstétrical déclaré. Une initiative a été lancée par l’Institut canadien pour la sécurité des patients, la Ressource d’amélioration pour les préjudices à l’hôpital : Traumatisme obstétrical, afin de compléter l’indicateur des traumatismes obstétricaux mis au point par l’Institut canadien d’information sur la santé. Elle fait le lien entre l’évaluation et l’amélioration des pratiques en fournissant des informations fondées sur des données probantes qui viennent soutenir les actions menées en vue d’améliorer la sécurité des patients au sein du système de santé.
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Des araignées en Limousin (4ème et dernière partie)
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67 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Annales Scientifiques du Limousin, 2013, 24, 1-120 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- L’examen du pédipalpe et notament de l’apophyse tégulaire basale qui est tronquée et non fourchue comme chez X. audax, permettra de distinguer aisément le mâle. Pour la femelle, ce sera surtout les deux fossettes ovales situées à l’avant de l’épigyne, de part et d’autre du septum*, et dont le contour est nettement plus régulier que chez X. audax, qu’il y aura lieu d’observer. Adulte au printemps et en été, parfois jusqu’en automne, et fréquentant des milieux assez variés à végétation basse, cette araignée paléarctique est de loin l’espèce de Xysticus la plus fréquente presque partout en Europe et notamment en Limousin puisqu’elle y apparaît dans quatre-vingt-deux fiches de citations pour cinqcent-treize animaux observés se répartissant ainsi : 28 fiches sur 7 communes pour 47 animaux notés en Haute-Vienne, 29 fiches sur 11 communes pour 159 animaux en Corrèze et 25 fiches sur dix communes pour 307 animaux en Creuse. Alors que le nombre de fiches est sensiblement le même dans les trois départements, le plus grand nombre d’individus capturés en Corrèze et surtout en Creuse tient essentiellement au fait que X. cristatus évolue dans une strate assez basse pour être capturé par piègeage au sol et que cette technique, pour des raisons expliquées par ailleurs, y a été pratiquée beaucoup plus qu’en Haute-Vienne. C’est de ce dernier département qu’est saisie la première citation, une femelle, le 20/05/1997, dans la petite tourbière de la Celle du Cluzeau, à Meuzac, par M. Cruveillier, lequel citera l’espèce encore huit fois dans cette même commune dont trois femelles dans une prairie du village de Chavagnac (une le 06/06/1997, une le 21/03/1998 et une le 26/04/2001), un couple dans la lande de la Roubardie le 15/05/1998, un mâle dans une prairie du ruisseau des Baraques le 04/06/1998, une femelle le 23/04/2001 et une autre le lendemain dans une prairie du lac de La Roche, et enfin un couple déterminé dans une récolte réalisée dans la tourbière de la Celle du Cluzeau par O. Villepoux le 29/09/2006. Il déterminera également une femelle capturée par H. Guillien, le 03/06/2000, dans une friche de Richebourg à Pierre-Buffière, et en récoltera une autre le 03/06/2000 dans une prairie du village de Chez Roger à Saint-Priest-sousAixe. Dans la commune de Verneuil-sur-Vienne, le 23/05/1999, K. Guerbaa cite une femelle dans une prairie humide au bord de la Vienne, à La Boilerie. Dans la tourbière des Dauges, à SaintLéger-la-Montagne, P. Tutelaers cite quatre femelles le 21/05/1999, puis F. Leblanc signale la capture au filet fauchoir, dans des touradons de Molinie, de six femelles et deux mâles, tous adultes, le 10/10/1999, et une femelle, capturée par piégeage par P. Durepaire en juin 2000, est déterminée par E. Duffey. Ce dernier cite l’espèce à onze reprises dans une prairie ou dans un talus herbeux de sa propriété de Chez Gouillard, à Bussière-Poitevine : une femelle en mai 2005, un mâle le 30/04/2000, une femelle le 08/05/2000, deux femelles le 10/06/2002, six mâles le 26/04/2003, une femelle le 29/04/2003, un mâle le 03/05/2003, une femelle le 15/05/2003, un mâle le 22/05/2003, un autre le 01/06/2003 et un dernier le 25/04/2004. Deux observations de F. Lagarde dans la tourbière de Bac à la Cube, à Peyrat-le-Château, un mâle en septembre 2006 et un individu (sans mention de sexe) en 2009, viennent clore la liste des citations pour la Haute-Vienne. C’est de sa commune de Saint-Etienne-aux-Clos que B. Le Péru nous communique les premières mentions de Corrèze, dont trois citations dans un jardin : trois femelles, dont deux sur des fleurs, en juin 1997, un mâle errant sur un mur en mai 1998 et une femelle errant au sol en mai 2000, et quatre citations, au sol, sur la mousse, dans une prairie en friche : une femelle en juin 1997, une autre en novembre 1997, un mâle en juin 1998 et un autre en mai 2001. Il récoltera également un mâle dans les herbes de la tourbière du Longeyroux, à Meymac, le 06/04/2007. De son côté E. Duffey, après avoir capturé une femelle dans la lande de Bettu, à Chenailler-Mascheix, citera trois fois l’espèce dans les environs du village du Dougnoux à Altillac : une femelle au filet fauchoir dans une friche, le 27/05/2007, puis, par piégeage, trois mâles le 03/04/2008 et trois autres le 01/06/2008. Dans ses prospections de 2009, F. En Creuse, les premières données émanent de F. Leblanc qui a récolté lui-même une femelle au Puy du Chalard, dans la commune de Saint-Georges-la-Pouge, le 02/05/1998, et une autre à Fransèches le 06/06/1999, et qui a identifié, dans des récoltes par pièges à carabes d’E. Mourioux, dans la commune de Saint-Maurice-La-Souterraine, deux mâles et une femelle capturés au Dognon le 15/03/2000 et trois femelles à La Garrige le 19/03/2000. Les plus nombreuses données proviennent de F. Lagarde qui après avoir noté deux mâles et deux femelles le 14/05/2006 au Bois des Pialles dans la commune de Royère-de-Vassivière, citait l’espèce au cours de sa campagne de 2009 un très grand nombre de fois : à nouveau à Royère-de-Vassivière, dans le même site mais également dans six autres de cette commune (6 dans la tourbière des Chabannes, 17 à la Croix de Fayaud, 14 à la tourbière du Grand Puy, 3 à Combe Lépine, 1 dans la tourbière de La Mazure), puis à Faux-laMontagne (10 à la tourbière des Avenaux, 24 à la tourbière de Clamouzat, 12 à la tourbière de Puy Marsaly, 4 à la tourbière des Tourailles), à Gentioux-Pigerolles ( 95 à la ferme de Lachaud, 35 aux Fontenelles du Chalard, 16 à Pierre Fade, 12 aux Prés Neufs, 3 à la tourbière des Salles), à Gioux (14 à la tourbière de Puy Chaud), à Saint-Pardoux-Morterolles (7 au Ruisseau du Pic), et à SaintPierre-Bellevue (9 au Ruisseau de Beauvais). Enfin, sur les bords de l’étang de Tête de Bœuf, dans la commune de Lussat, M. Cruveillier récolte une femelle le 01/06/2009 dans de hautes herbes près de la rive et une autre le 09/07/2009 dans un secteur herbeux humide non boisé. Xysticus erraticus (Blackwall, 1834) : si on a beaucoup observé les Xysticus on peut presque identifier l’espèce X. erraticus à vue d’après l’aspect de son céphalothorax. En effet c’est un des rares du genre à présenter chez les deux sexes, de part et d’autre d’une large bande médiane d’un jaune ocré et comportant une dessin à peine marqué, trois bandes latérales bien nettes composées d’une bande ocre entre deux bandes brunes. Mais cela ne dispense pas de vérifier par l’examen des genitalia*. Le mâle mesure entre 4 et 5 mm et la femelle entre 6 et 8 et l’espèce fréquente sensiblement les mêmes milieux et la même strate que X. cristatus. Et, comme cette dernière, elle est donc fréquemment capturée par des piègeages au sol. On rencontre des adultes du printemps à l’automne. Moins fréquente que la précédente elle a tout de même fait l’objet de trentecinq fiches d’inventaires pour cent-quarante-huit animaux déterminés. C’est en Haute-Vienne que la première observation, une femelle sur un tas d’herbe dans un jardin, le 16/08/1995, est signalée par M. Cruveillier au village de Chavagnac, à Meuzac. Les dix autres fiches relatives à ce département émanent d’E. Duffey. A l’exception d’un mâle qu’il a déterminé dans une récolte de juin 2000 de P. Durepaire, dans la tourbière des Dauges, à Saint-Léger-la-Montagne, toutes les autres mentions proviennent de captures dans une prairie naturelle de sa propriété de Chez Gouillard, à Bussière-Poitevine. Après une première capture d’une femelle par piège au sol dans l’herbe humide proche de son étang en juillet 1999 et d’une autre au filet fauchoir dans une zone plus sèche, le 10/06/2002, E. Duffey dispose, de mai à juin 2003, six pièges Barber dans la partie sèche de sa prairie, et, l’année suivante, il installe ce même dispositif dans la zone humide, à deux mètres d’un marécage et à cinq mètres de l’eau de l’étang. Il récolte ainsi dans la zone sèche deux 69 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Annales Scientifiques du Limousin, 2013, 24, 1-120 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- mâles le 11/05/2003, deux autres le 18/05/2003 et cinq autres le 01/06/2003, puis, dans la zone humide, un mâle le 21/05/2004, sept mâles le 29/05/2004 et quatre mâles le 05/06/2004. Il avait entre temps, pour que la symétrie du protocole soit complète, fait une capture au filet fauchoir de deux mâles et deux femelles dans la zone sèche le 19/07/2003. Lagarde et concernent neuf sites répartis sur cinq communes : à Faux-la-Montagne (tourbière des Avenaux), à Gentioux-Pigerolles (Fontenelles du Chalard, ferme de Lachaud, Pierre Fade, Les Prés Neufs, tourbière des Salles), à Gioux (tourbière de Puy Chaud), à Royère-de-Vassiière (tourbière du Grand Puy) et à Saint-Pierre-Bellevue (Ruisseau de Beauvais). Xysticus ferrugineus Menge, 1875 : à la page 875 du tome VI de son ouvrage sur « Les arachnides de France », Eugène Simon rapporte l’observation par Louis Fage d’une femelle de cette espèce en mars 1921 au château de Lussac-les-Eglises, en Haute-Vienne. A la date de notre publication, cette araignée n’a pas encore été revue en Limousin. Elle figure donc toujours dans notre base de données comme une observation ancienne non renouvelée. Xysticus kempeleni 70 Thorell, 1872 : d’aspect assez variable, ce Xysticus présente le plus souvent, tant sur le céphalothorax que sur l’abdomen, une coloration d’un brun brûlé plus ou moins foncé, avec ça et là quelques taches plus claires mais ne formant pas un dessin précis. Les flancs de l’abdomen sont plus clairs. Le mâle, qui mesure entre 3,5 et 4 mm, est adulte d’avril au milieu de l’été alors que la période de maturité de la femelle, dont la longueur se situe entre 5 et 7,5 mm, peut aller jusqu’à septembre. Les genitalia* sont assez caractéristiques mais il y a lieu de ne pas s’arrêter à la forme crochue de l’apophyse tibiale ventrale du mâle car c’est le cas chez plusieurs Xysticus. L’espèce semble évoluer le plus souvent, mais non exclusivement, dans des milieux secs de végétation assez basse, surtout herbacée. Quelques captures cependant ont eu lieu dans de hautes herbes et même avec une certaine humidité. Nentwig et al. indiquent qu’on peut la rencontrer occasionnellement sous les pierres. Elle n’est sans doute pas très commune en Limousin puisqu’elle n’y est citée que neuf fois pour douze animaux identifiés. C’est d’abord en Haute-Vienne qu’une 70 Dans de nombreux ouvrages on trouve encore le nom erroné X. kempelini. Or Thorell a voulu rendre hommage à un naturaliste autrichien dont le nom est Ludwig von Kempelen (1803-1878) - et non Kempelin - qui lui faisait parvenir des captures, notamment de Basse-Autriche. (« Zur Geschichte der Arachnologie in Österreich » par Konrad Thaler et Jürgen Gruber, Editions Denisia, 8 – 139-163 – septembre 2003) 70 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Annales Scientifiques du Limousin, 2013, 24, 1-120 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- femelle est récoltée par M. Cruveillier, le 06/06/1997, dans des herbes ayant poussé autour d’un ancien foyer en plein air, au village de Chavagnac, à Meuzac, commune où, le 24/04/2001, dans la lande du Cluzeau, il note deux mâles sur un tas de végétaux coupés et un autre dans un secteur de pelouse sèche. Le 13/05/2001, il récolte un mâle dans de la litière de lande, en bordure de la tourbière des Dauges, à Saint-Léger-la Montagne, site où P. Tutelaers avait signalé une femelle le long du ruisseau des Dauges, le 24/05/1999. Toujours en Haute-Vienne, E. Duffey capture, dans un milieu d’herbes humides de prairie, au village de Chez Gouillard, à Bussière-Poitevine, d’abord un mâle dans un piége Barber le 18/04/2002, puis un couple au filet fauchoir le 22/05/2003. L’espèce n’est pas citée en Creuse et seulement trois fois en Corrèze, d’abord par E. Duffey qui capture par piégeage, au village du Dougnoux, à Altillac, un mâle le 13/04/2006 dans de hautes herbes d’une prairie non fauchée puis, le 03/04/2008, un autre mâle dans de l’herbe mi-haute. Enfin, dans l’herbe courte d’un accotement de route, au bord de la hêtraie de Lissac, à Saint-Merd-les-Oussines, une femelle est récoltée par M. Cruveillier le 10/05/2010. Xysticus kochi Thorell, 1845 : cette araignée ressemble extérieurement à Xysticus cristatus, au point que seul l’examen des genitalia* permet de les distinguer. Et, si l’observation des apophyses tégulaires* rend la chose relativement facile pour le mâle, c’est un peu plus plus délicat pour la femelle dont on remarquera le contour arrondi de l’épigyne et la couleur sombre des deux formes ovales à l’avant de celle-ci. Certainement moins abondante que X. cristatus mais cependant assez commune, l’espèce partage avec cette dernière ses périodes de maturité ainsi que les habitats où elle évolue. Elle a fait l’objet de trente-six fiches d’inventaire en Limousin, pour cent-douze animaux déterminés. C’est d’abord en Haute-Vienne qu’une femelle est capturée en mai 1998, au Village de Chez Gouillard, à Bussière-Poitevine, par E. Duffey lequel y disposera six pièges Barber dans la partie sèche d’une prairie et capturera un mâle le 26/04/2003, trois autres le 03/05/2003 et encore trois autres et deux femelles le 11/05/2003. Il répètera l’opération en 2004 et récoltera un mâle le 9 mai, un autre le 15, un troisième le 21, deux autres et une femelle le 29 et enfin une femelle le 5 juin. M. Cruveillier, de son côté, signale une femelle le 03/06/2000 dans l’herbe mihaute d’une prairie mésophile de Chez Roger, à Saint-Priest-sous-Aixe, puis, le 20/05/2007, un mâle sur des buissons bas au village de Chavagnac, à Meuzac. Tout récemment, le 17/06/2013, il récolte un mâle errant dans une allée de jardin de ce même village, après avoir noté, le 15/06/2013, un autre mâle dans un sentier de pêcheurs longeant la Petite Briance, dans une prairie naturelle, au village de Briansolles, à Glanges. En Corrèze, c’est d’abord B. Le Péru qui, dans sa commune de Saint-Etienne-aux-Clos, récolte, en mai1998, un mâle errant dans son jardin et un autre et deux femelles dans une prairie en friche puis, en juin, une femelle dans cette même prairie. Ensuite E. Duffey récolte un mâle, le 10/05/2006, dans la pelouse de son jardin du Dougnoux, à Altillac, où il installera un piège Barber et y capturera deux mâles le 11/04/2007, un autre le 02/05/2007 et une femelle le 01/06/2008. Les autres données de Corrèze proviennent des inventaires réalisés en 2009 par F. Lagarde et concernent huit sites répartis sur cinq communes : Meymac (tourbière du Longeyroux), Peyrelevade (tourbière de Négarioux Malsagnes, Ruisseau de Chamboux), SaintMerd-les-Oussines (Les Communaux, tourbière de Marcy, Ruisseau du Mazet), Tarnac (tourbière de l’étang de Chabannes) et Viam (Roche du Coq Mont Gradis). Pour la Creuse, à l’exception de la capture d’un très bel exemplaire de mâle par M. Cruveillier, le 22/06/2000, dans une prairie, en bordure d’un bosquet de saules, au hameau du Genévrier, à Lussat, toutes les autres citations, qui représentent la détermination de soixante-neuf animaux, émanent également des inventaires de 2009 de F. Lagarde et se répartissent sur sept sites et trois communes : Gentioux-Pigerolles (Fontenelles du Chalard, ferme de Lachaud, tourbière des Salles), Royère-de-Vassivière (Croix de Fayaud, tourbière de La Mazure, Bois des Pialles) et Saint-Pierre-Bellevue (Ruisseau de Beauvais). 71 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Annales Scientifiques du Limousin, 2013, 24, 1-120 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- # Xysticus lanio C.L. Koch, 1824 : la femelle de cette araignée, qui mesure de 6 à 7,5 mm, présente des dessins roux, assez semblables à ceux de divers autres Xysticus, sur une couleur de fond jaune orangé. Le mâle est plus sombre et mesure de 4 à 5,5 mm. M. Cruveillier indique que les exemplaires qu’il a examinés présentaient tous, à l’arrière du céphalothorax, deux taches brunes en forme de quadrilatère. Les deux sexes requièrent l’examen des genitalia* pour être déterminés avec certitude. Ils sont adultes du milieu du printemps à la fin de l’été. Evoluant généralement sur les branches basses des arbres ou sur la végétation buissonnante, cette espèce n’est capturée qu’occasionnellement dans les pièges au sol 71. Elle est présente dans les trois départements du Limousin où elle figure dans vingt-quatre fiches d’inventaire pour vingt-cinq animaux identifiés. La première donnée saisie au fichier est un mâle récolté en Haute-Vienne, le 20/07/1998, sur un houx, en lisière des bois de Chavagnac, à Meuzac, par M. Cruveillier lequel cite encore deux fois l’espèce dans cette commune : un mâle le 24/06/2001 sur une bourdaine de la lande du Cluzeau et, à nouveau à Chavagnac, une femelle sur des branches basses de chêne le 09/09/2009. Lors d’un stage organisé par lui en avril 2001, il identifie un mâle récolté le 05/05/2000 par E. Mourioux dans un piège à carabes, au Pont Romain, à Saint-Léger-la-Montagne. La capture d’un mâle au filet fauchoir dans les branches basses d’une haie, le 08/05/2000, au village de Chez Gouillard, à BussièrePoitevine, par E. Duffey, vient clore les mentions pour la Haute-Vienne. C’est en Corrèze que les citations sont les plus nombreuses, notamment grâce à divers inventaires reçus au début des années 2000 de B. Le Péru qui, dans sa commune de Saint-Etienne-aux-Clos, mentionne l’espèce à sept reprises : deux mâles errant au sol dans un jardin en mai 1997 et, le même mois, une femelle, à 1,5 m du sol, en lisière d’une forêt humide, un mâle en juin 1997 dans une prairie en friche et un autre en ce même lieu en juin 1998, une femelle errant sur un mur de jardin en juin 1999, un mâle sur un chemin forestier en mai 2000 et enfin un dernier mâle, dans un chemin entre prairie et lande, en juin 2002. Les six autres mentions émanent des inventaires communiqués par F. Lagarde en 2009, lesquels se répartissent sur autant de sites : à Gentioux-Pigerolles (ferme de Lachaud), à Royère-de-Vassivière (Croix de Fayaud, tourbière du Grand Puy, tourbière de La Mazure, Bois des Pialles) et à SaintPierre-Bellevue (Ruisseau de Beauvais). Xysticus lineatus Westring, 1851 : est certes une araignée sur laquelle on peut distinguer des lignes, mais comme c’est le cas de la grande majorité des Xysticus, l’épithète lineatus n’est pas d’un grand secours pour sa détermination. En revanche, une première orientation peut être donnée par les deux taches situées à l’arrière du céphalothorax, foncées chez X. lanio et X. luctator, et qui sont blanches chez X. lineatus. Les genitalia*, notamment l’épais bourrelet en forme de U renversé entourant la plaque de l’épigyne chez la femelle et les apophyses tibiales du mâle, sont assez caractéristiques. C’est une espèce de coloration générale assez sombre, dont la femelle mesure de 5 à 8 mm et le mâle de 3,5 à 4,5 mm. Pour Nentwig et al., comme pour S. Almquist, elle est censée 71 cette remarque est à prendre en compte si l’on veut établir des comparaisons concernant la fréquence des captures, dans la mesure où certains prospecteurs n’ont eu que très peu recours au piégeage. 72 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Annales Scientifiques du Limousin, 2013, 24, 1-120 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- fréquenter de préférence les milieux humides. Elle est généralement signalée comme «rarement trouvée» ce que nous ne pouvons que confirmer dans la mesure où elle n’est citée que dans deux communes de Creuse et dans une seule commune de Corrèze, département où seul B. Le Péru l’a observée à quatre reprises à Saint-Etienne-aux-Clos : un mâle, en juin 1997, errant sur le mur d’un jardin, une femelle, en juin 1998, dans une prairie en friche, deux mâles errant au sol dans un jardin en juin 1999 et un dernier mâle, en mai 2002, dans de la mousse sous une haie de résineux. En Creuse, M. Cruveillier a identifié une femelle récoltée par K. Guerbaa, en septembre 2006, dans la tourbière de Friaulouse, à Saint-Goussaud, et trois individus de l’espèce sont cités par F. Lagarde dans ses inventaires de 2009, dans la commune de Faux-la-Montagne : un dans la tourbière de Clamouzat, un dans la tourbière de Puy Marsaly et un dans la tourbière des Tourailles. Xysticus luctator (L. Koch, 1870) : est l’un des plus grands de nos Xysticus, la femelle pouvant atteindre, voire dépasser 10 mm, comme chez X. robustus ou X. bifasciatus. On pourrait d’ailleurs le confondre avec ce dernier tant par l’aspect que par la taille. Les genitalia* permettent de les distinguer aisément. M. Cruveillier indique que «tous les exemplaires [qu’il a] examinés, en Limousin et ailleurs, présentaient chez les deux sexes, à l’arrière du céphalothorax, deux taches brunes bien marquées, en forme de parallélogramme, plus nettes que chez X. lanio par exemple». L’espèce fréquente les milieux ouverts, à végétation basse et peu dense comme les landes ou les prairies et peut être rencontrée adulte du printemps à la fin de l’été. Comme la précédente elle est notée comme rare par la plupart des auteurs, ce que nous confirmons puisqu’elle n’a pas été citée en Corrèze et que les deux autres départements ne se partagent que neuf mentions pour autant d’animaux observés. C’est justement une belle femelle de grande taille qui apparaît comme première saisie de cette espèce, récoltée le 16/08/1995 par M. Cruveillier dans une prairie naturelle sèche du village de Chavagnac, à Meuzac, en Haute-Vienne, site où il récoltera, le 03/05/2003, un mâle au filet fauchoir. Il déterminera plus tard une femelle récoltée par H. Guillien, le 30/05/2010, dans une friche du lieudit Chez Fringant, à Saint-Hilaire-Bonneval. Auparavant, N. Larchevêque, à l’occasion du stage de Meuzac de 2001, avait identifié une femelle capturée par E. Mourioux dans un piège à carabes, le 16/04/2000, au viaduc de Rocherolles, dans la commune de Folles. En Creuse, F. Leblanc signale la capture d’un mâle le 06/06/1999, sans mention de milieu, aux environs de Fransèches, et F. Lagarde cite quatre fois l’espèce en 2009, à raison d’un individu à chaque fois, : à Faux-la-Montagne (tourbière des Avenaux, tourbière des Tourailles), à GentiouxPigerolles (Les Prés Neufs) et à Royère-de-Vassivière (Bois des Pialles). Xysticus luctuosus (Blackwall, 1836) : c’est sans doute à son absence de motifs décoratifs que cette araignée doit le nom de luctuosus, qui signifie pitoyable. Les deux sexes sont de coloration beige, assez uniforme, avec parfois deux taches diffuses brunes sur l’abdomen. Le mâle mesure environ 4,5 mm et la femelle entre 7 et 8. Leurs genitalia* permettent de les identifier sans difficulté. On les renconte adultes du milieu du printemps à l’automne sur la végétation basse ou buissonnante. C’est une espèce holarctique* largement répandue mais commune nulle part, sauf peut-être très localement. En Limousin elle est citée dans onze fiches pour trente-cinq animaux identifiés. La première mention revient à E. Duffey qui récolte une femelle au filet fauchoir en mai 1998, dans l’herbe mi-haute d’une prairie au village de Chez Gouillard, à Bussière-Poitevine, en Haute-Vienne, département où M. Cruveillier capture un mâle le 27/05/2001, sur une touffe de Chélidoine, dans un jardin de Chavagnac, à Meuzac. En Corrèze, B. Le Péru note une femelle en septembre 2001, errant sur un chemin, en lisière de forêt, dans la commune de Saint-Etienne-auxClos et E. Duffey capture une autre femelle au filet fauchoir dans une prairie en friche au village du Dougnoux, à Altillac. Trois autres mentions d’animaux identifiés figurent dans les inventaires corréziens de F. Lagarde en 2009 : à Peyrelevade (Ruisseau de Chamboux) et à Saint-Merd-les73 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Annales Scientifiques du Limousin, 2013, 24, 1-120 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Oussines (Les Communaux, Ruisseau du Mazet). C’est également dans les inventaires de 2009 de F. Lagarde qu’on trouve l’ensemble des citations de Creuse : à Gentioux-Pigerolles, où il note vingt-cinq animaux identifiés à la Ferme de Lachaud, un aux Fontenelles du Chalard et un aux Prés Neufs, et à Gioux (un animal dans la tourbière de Puy Chaud). Xysticus ninnii 72 Thorell, 1872 : chez les deux sexes de cette araignée, le tégument est de coloration générale crème à beige. Le céphalothorax comporte deux bandes latérales brunes séparées par une zone centrale claire sans motif très net. La zone du folium* est galement brune avec, vers l’arrière, des bandes transversales claires interrompues. Le mâle est de teinte nettement plus sombre que la femelle, les bandes latérales brunes du céphalothorax sont plus larges et le femur et la patella de ses pattes I et II sont très assombris. Il mesure 5 mm et la femelle de 6 à 7 mm. Adultes au printemps et en été ils fréquentent des milieux plutôt secs. L’espèce est certainement peu commune en Limousin où elle n’est citée que trois fois pour quatre animaux observés. La première, et seule mention pour la Haute-Vienne, est une femelle, capturée le 05/05/2000 par E. Mourioux, dans un piège à carabes installé dans un talus au lieudit le Pont Romain, à Saint-Léger-la-Montagne. C’est lors d’un stage d’initiation à l’arachnologie organisé à Meuzac par M. Cruveillier en avril 2001, et où F. Leblanc avait apporté des araignées capturées par E. Mourioux, que J.-C. Ledoux en fit l’identification. En Corrèze, E. Duffey capture deux mâles le 13/04/2006, dans un piège Barber, dans la pelouse de son jardin du Dougnoux, à Altillac et, le 09/05/2011, une femelle est récoltée par M. Cruveillier au bord d’une petite route, dans un talus herbeux sec avec quelques arbres, près du lac de Sèchemailles, à Ambrugeat. Xysticus robustus 73 (Hahn, 1832) : ce gros Xysticus dont le mâle, de coloration brun très sombre, mesure de 5 à 6 mm et dont la femelle peut en dépasser 10, se déplace presque toujours au sol, ou près du sol et se rencontre souvent sous une pierre où à la base de l’herbe. Il est adulte de la fin du printemps à l’automne. Si le mâle ne présente pas trop de difficultés à déterminer il n’en va pas de même pour la femelle dont l’épigyne est assez variable et n’est pas sans analogie avec celle de la femelle de X. sabulosus, par exemple. L’espèce est généralement considérée comme peu fréquente et E. Simon écrit même qu’elle est «très rare» dans le Centre de la France. Ses mœurs la rendant très vulnérable au piégeage au sol, on peut en conclure qu’elle est certainement très rare chez nous où un seul animal a été capturé par ce moyen. Ainsi, elle n’a été citée que trois fois dans notre région dont deux mâles en Haute-Vienne, à Meuzac, par M. Cruveillier : un le 06/06/2004 dans un sentier d’herbe rase et de mousse près de l’étang de la Celle du Cluzeau et l’autre, le 11/07/2011, errant sur la terrasse de sa maison de Chavagnac, où il serait peut-être passé inaperçu sans l’œil exercé d’A. Canard. La troisième citation est tirée des inventaires de F. Lagarde en 2009 dans la tourbière de Clamouzat, à Faux-la-Montagne, en Creuse. # Xysticus semicarinatus Simon, 1932 : décrite du Mont Aigoual (Gard) par E. Simon, cette araignée n’est toujours connue que par sa femelle. Simon indique qu’elle a été observée en Espagne et au Portugal (Les arachnides de France, tome VI, page 875) et, plus récemment, J.-C. Ledoux note la capture dans les Pyrénées-Orientales, d’abord d’une femelle, le 09/07/1999, au Pla de Segala, entre Py et Mantet, et de trois autres le 08/06/2006, à Prats-de-Mollo 74. Nous disposons donc pour cette 72 NINNI Alessandro Pericle (1837-1892), auquel Thorell rend hommage dans la description de Xysticus ninnii, était surtout un spécialiste des poissons et de la pêche, mais publia sur d’autres sujets, dont les araignées. Il fut directeur du Muséum d’histoire naturelle de Venise où l’on peut voir plusieurs de ses collections 73 figure dans certains documents sous le nom de Psammitis robustus. 74 Source : deux publications de l’OPIE – Languedoc-Roussillon, présentant les inventaires réalisés par J.-C. Ledoux des araignées des deux réserves naturelles, respectivement de Mantet et de Pratts de Mollo. 74 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Annales Scientifiques du Limousin, 2013, 24, 1-120 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- détermination non seulement de la description et du croquis de l’épigyne de Simon (ouvrage cité page 827) mais également de deux bonnes photos (une de l’épigyne et l’autre de l’habitus) dues à l’amabilité de J.-C. Ledoux, et qu’on trouvera, avec son autorisation, dans les illustrations à la fin de ce document (voir page 118). Dans la récolte d’E. Mourioux du 05/05/2000, mentionnée plus haut (cf. le paragraphe concernant Xysticus ninnii), au Pont Romain de Saint-Léger-la-Montagne, en Haute-Vienne, se trouvait une femelle, identifiée par J.-C. Ledoux et M. Cruveillier, qui est la seule mention actuelle de l’espèce pour notre région. Xysticus ulmi (Hahn, 1831) : assez proche extérieurement de X. cristatus, cette araignée se détermine sans trop de difficulté par l’examen des genitalia*. Le mâle mesure de 3 à 4 mm et la femelle de 5 à 8. On peut trouver des adultes de l’un et l’autre du début du printemps à la fin de l’été et, à quelques exceptions près, ils semblent préférer les milieux humides, souvent dans la végétation basse de bordure des eaux. Bien que notée comme « pas rare » par Nentwig et al., l’espèce n’est sans doute pas très commune en Limousin puisqu’elle n’y est mentionnée que dans treize fiches d’inventaire pour quatorze animaux identifiés. La première citation, en Haute-Vienne, est celle d’une femelle capturée le 15/06/1996 par M. Cruveillier dans une touffe de Molinie de la tourbière des Dauges, à Saint-Léger-la-Montagne. Il récolte une autre femelle le 04/06/1998 au bord du ruisseau des Baraques, près du hameau du Mas Gaudeix, à Meuzac, puis, le 20/06/2008, encore une femelle dans une friche marécageuse des Vareilles, à Vicq-sur-Breuilh, et détermine enfin une autre femelle capturée dans ce même lieu par H. Guillien le 10/05/2009. Toujours en Haute-Vienne, F. Leblanc avait signalé la capture d’une femelle, le 29/04/1998 dans la lande de la Butte de Frochet à Bussière-Boffy et, dans un secteur de prairie proche d’un étang, au village de Chez Gouillard, dans la commune de Bussière-Poitevine, E. Duffey note l’espèce à cinq reprises : d’abord, au filet fauchoir, une femelle en mai 1998, un couple le 30/04/2000 et une femelle le 22/05/2003, puis, par piège Barber, un mâle le 21/05/2004 et un autre le 29/05/2004. En Creuse, F. Leblanc détermine une femelle capturée le 19/03/2000 dans un piège à carabes par E. Mourioux, au lieudit La Garrige, à Saint-Maurice-La-Souterraine et M. Cruveillier récolte une femelle à Pontarion, le 03/09/2001, dans une friche très marécageuse sur la rive du Taurion. La seule citation de Corrèze est une femelle récoltée le 08/05/2011 par M. Cruveillier dans les herbes bordant un ruisseau de la forêt de la Cubesse, à Ambrugeat. Les Titanoecidae Les Titanoecidae forment une petite famille d’araignées cribellates* qui ne comporte que cinq genres et cinquante-trois espèces dans le monde et qui compte en France dix espèces, huit du genre Titanoeca et deux du genre Nurscia. A cette date, seule une espèce de Titanoeca a été observée en Lmousin. Titanoeca quadriguttata (Hahn, 1831) : cette araignée a le céphalothorax et les pattes de couleur ambre et l’abdomen brun noir. Selon la littérature, le mâle mesure environ 4,5 mm et la femelle environ 6. Les quatre taches blanches sur l'abdomen auxquelles elle doit le nom de quadriguttata ne sont visibles que chez le mâle. L’espèce tisse une toile grossière en nappe de soie cribellée devant la pierre ou la souche sous laquelle elle a établi son abri. Le seul exemplaire observé en Limousin est une femelle récoltée le 26/03/2000 par M. Cruveillier, sous une pierre, dans une ancienne vigne abandonnée de la commune de Chasteaux, sur le site de la Côte Pelée. 75 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Annales Scientifiques du Limousin, 2013, 24, 1-120 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Les Uloboridae L’absence de glande à venin est une particularité marquante de cette famille laquelle est composée, comme la précédente, d’araignées cribellates. Elle est représentée en France par trois genres et six espèces et en Limousin par deux genres et deux espèces. Hyptiotes paradoxus (C.L. Koch, 1834) : la couleur poussiéreuse de sable roux ou gris de cette araignée, qui la rend difficile à apercevoir, n’est peut-être pas étrangère à ce qu’elle soit si rarement mentionnée dans les inventaires. Le mâle comme la femelle ont pourtant des caractéristiques qui devraient les dénoncer au prospecteur, celle-ci parce qu’elle prend, vue de profil, avec son dos bossu et ses pattes I et II dirigées vers l’avant dans le prolongement du corps, l’aspect d’un triangle75 rectangle reposant sur son hypoténuse, celui-là parce qu’il présente, à l’état adulte, un bulbe dont la taille atteint pratiquement celle de son céphalothorax et dont l’embolus se termine par un style très long et sinueux. Le mâle mesure de 3 à 4 mm, la femelle de 5 à 6, et ils sont adultes l’été. L’espèce semble préférer les arbustes à feuilles persistantes, houx, buis, genévriers ou les branches basses des conifères, où elle installe entre deux rameaux une toile triangulaire de type orbiculaire mais qui ne comporte que quatre rayons reliés par des fils cribellés*, comme un petit éventail dont la pointe est pourvue d’un fil tenu par l’araignée à l’autre extrémité. Seulement quatre femelles ont été jusque là citées en Limousin. En Haute-Vienne, M. Cruveillier en observe une, le 06/09/1997, dans sa toile à 0,5 m du sol sur un houx, dans la bordure boisée de la tourbière de la Celle du Cluzeau, à Meuzac, commune où il en déterminera une autre le 28/09/2006, sur un genévrier de la lande du Cluzeau. Les deux autres mentions proviennent des carnets de M. Barataud qui en cite une également en Haute-Vienne, le 18/09/1998, sur les branches basses d’un chêne dans un bois mixte de chênes, châtaigniers et sapins, au village de Vallégeas, à Sauviat-surVige, et une autre en Corrèze, le 08/09/2000, dans la lisière boisée de la tourbière du Quart du Roi, près du village de Haute-Faye, dans la commune de Benayes. Uloborus walckenaerius Latreille, 1806 : est la seule des deux espèces d’Uloborus de la faune française actuellement mentionnée en Limousin. L’autre, Uloborus plumipes, qui est une araignée des régions chaudes du sud de l’Europe, d’Afrique et d’Asie, et qui est pourtant la seule des deux que l’on rencontre aujourd’hui dans les pays scandinaves où elle apparaît dans les serres ou les jardineries, a été récemment observée, dans ce milieu particulier, dans le nord de la France et pourrait donc parfaitement se rencontrer un jour dans notre région dans ce type d’habitat. Il y a donc lieu d’être attentif lors de la détermination car les genitalia* des deux espèces sont très proches et la touffe de longs poils à l’extrémité du tibia I que présente la femelle de U. plumipes n’est pas toujours très marquée. Le corps d’U. walckenaerius est couvert d’une couche dense de poils blancs avec des bandes longitudinales sombres. Sur l’abdomen, les bandes de poils blancs sont ponctuées, à espaces réguliers par des touffes de poils redressés en forme d’ergots. Le mâle peut mesurer de 3 à 5 mm et la femelle de 5 à 7. On a pu trouver des adultes de mi-mai à fin juillet, surtout dans des milieux ouverts à végétation basse comme les landes à bruyère où l’espèce tisse une toile orbiculaire presque horizontale, au milieu de laquelle l’araignée se tient, ses longues pattes I et II allongées le long du stabilimentum*. Elle est notée comme rare par Nentwig et al., ce que nous ne pouvons que confirmer dans la mesure où elle n’apparaît que dans dix fiches d’inventaire pour dix-neuf animaux observés. En Haute-Vienne, c’est K. Guerbaa qui signale d’abord, en juillet 1997, l’observation d’une femelle sur sa toile dans la lande des Tuileries, à Saint-Bazile, puis, le 75 les Hyptiotes sont appelés «triangle spiders» par les anglophones, mais c’est à cause de la forme de leur toile. 76 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Annales Scientifiques du Limousin, 2013, 24, 1-120 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 14/07/1999, cite une observation analogue dans la lande de Saint-Laurent, à La-Roche-l’Abeille. Ensuite, dans la commune de Meuzac, M. Cruveillier récolte une femelle sur de la bruyère, dans une friche sèche du village de Chavagnac, le 26/04/2001 et identifie un jeune dans la lande du Cluzeau le 28/09/2006. Toutes les données de Corrèze proviennent d’E. Duffey qui cite l’espèce à six reprises, d’abord dans la commune de Chenailler-Mascheix où il prospecte au filet fauchoir les zones à bruyère de la lande de Bettu : un mâle le 13/06/2002, quatre mâles et trois femelles le 28/06/2002, un mâle et un jeune le 13/05/2003, deux femelles le 18/06/2003 et, ce même jour, une autre femelle dans le talus bordant le chemin d’accès à cette lande. Enfin, le 18/06/2008 il récolte deux femelles, toujours au filet fauchoir, dans une secteur herbeux sec au Puy Turlau, à Végennes. L’espèce n’a pas été citée de Creuse à cette date. Les Zodariidae Cette famille, qui comporte mille-soixante-dix espèces décrites actuellement dans le monde, réparties en soixante-dix-huit genres, est représentée en France par une seule espèce du genre Selamia et dix-huit du genre Zodarion dont trois seulement de ce dernier genre ont été observées en Limousin à cette date. Nos espèces du genre Zodarion, méridionales pour la plupart, sont de petites araignées qui s’installent au voisinage des colonies de fourmis dont elles se nourrissent essentiellement semble-t-il. Elles chassent à vue et ne construisent pas de toile piège. On reconnaît assez aisément le genre Zodarion à la disposition, la forme et la couleur des yeux (les médians antérieurs sont ronds, gros et noirs, les autres sont plus petits, nacrés et de forme elliptique), et surtout au fait que la paire de filières antérieures est la seule véritablement apparente, les filières médianes et les postérieures étant pratiquement atrophiées. Un examen attentif sous la loupe binoculaire permet de distinguer un onychium* au bout des tarses. Au moment de la ponte, la femelle suspend son cocon dans un abri en forme de coque qu’elle camoufle avec de la terre, du sable et de menus débris de végétaux. Zodarion fuscum (Simon 1870) : seul un mâle de cette espèce a été capturé le 02/06/2000, parmi les cailloux et l’herbe rase d’une pelouse calcaire écorchée du site de la Côte Pelée, dans la commune de Chasteaux, dans le sud du Causse Corrézien, par M. Cruveillier qui a pu l’identifier grâce à la description d’Eugène Simon76 et aux dessins réalisés par R. Bosmans 77. Ce dernier donne, entre autres critères caractéristiques des mâles de Zodarion, ce qu’il appelle, après R. Jocqué, le retinaculum* qui n’est autre que l’apophyse tégulaire médiane. L’examen de cet élément est, ici, effectivement très utile dans la détermination. Zodarion gallicum (Simon, 1873) 78 : là aussi, seul un mâle a été observé, en Haute-Vienne cette fois, le 29/05/2004, par M. Cruveillier, dans la lande à bruyères des Garabœufs, à Meuzac, sur un chemin résultant du passage régulier de bovins et au bord duquel il y avait une petite fourmilière. L’observateur écrit à ce sujet : « Je n’avais pas repéré l’araignée. Elle devait se tenir un peu à l'écart 76 “Apophyse tibiale très robuste, vue par la face externe, convexe mais brusquement comprimée à l’extrémité, un peu dirigée en bas, avec le bord extérieur un peu concave et pourvu près de l’extrémité d’une petite pointe noire aigüe dirigée en haut, son bord inférieur dilaté arrondi à l’extrémité. Apophyse du bulbe à branche ascendante très large, à branche descendante robuste arquée subaigüe” (Les arachnides de France tome VI p. 232, voir bibliographie) 77 “Revision of the genus Zodarion Walckenaer, 1833, part II. Western and Central Europe, including Italy (Araneae: Zodariidae)” – R. Bosmans, 1997 78 Dans leur ouvrage “Spinnen Mitteleuropas”, p.54, Heimer et Nentwig attribuent par erreur la description de Zodarion gallicum à Canestrini lequel a décrit Zodarion italicum. 77 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Annales Scientifiques du Limousin, 2013, 24, 1-120 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- du "chemin" des fourmis. Et brusquement je la vis jaillir et se précipiter sur une fourmi bien plus grosse qu’elle et la mordre, puis elle se recula promptement de quelques centimètres. La fourmi marqua une pause de quelques secondes, puis reprit sa marche mais en s’écartant de la route qu’elle suivait initialement et s’immobilisa après avoir parcouru maladroitement une vingtaine de centimètres. Le Zodarion alla alors vers elle, la saisit et l'entraîna sous une touffe d'herbe rase où je le capturai vite de crainte qu'il ne disparaisse. Rentré à la maison, je consultai la relation d’une observation analogue rapportée par E. Simon lequel écrit que les Zodarion "rôdent autour des fourmilières et se mêlent aux longues files des fourmis, allant de l’une à l’autre et saisissant à l’improviste les individus faibles"79. Les choses s’étant passées ici un peu différemment on peut en conclure que leur méthode de capture n’est pas immuable ou qu’elle peut différer selon les espèces ». Ce n’est que par l’examen attentif des genitalia* qu’on pourra distinguer cette araignée de l’espèce Z. italicum à laquelle elle ressemble et dont elle partage les mœurs, le milieu et la période de maturité. Zodarion italicum (Canestrini, 1868) : cette petite araignée, dont le mâle mesure entre 1,5 et 3 mm et la femelle entre 2,5 et 4 mm, se rencontre dans des endroits pierreux ou sableux plutôt secs comme les chemins, les tas de cailloux des bords de champs, vieilles carrières, pelouses écorchées, où on peut rencontrer des adultes au printemps et en été. Sans être très abondante c’est l’espèce de Zodarion la moins rare en Limousin puisqu’elle y est citée dans douze fiches d’inventaire pour dixhuit animaux identifiés. Elle est d’abord citée en Haute-Vienne, le 06/06/1997, par M. Cruveillier qui récolte un mâle circulant sur un chemin de sable et de gravier au village de Chavagnac, à Meuzac, site où il capure un couple le 28/04/2001 dans un de ces tas de cailloux que les agriculteurs rassemblaient autrefois au bord des champs. La troisiéme donnée de Haute-Vienne est un mâle capturé par piègeage par E. Duffey, le 21/05/2004, dans une pelouse, au village de Chez Gouillard, à Bussière-Poitevine. En Corrèze, à Saint-Etienne-aux-Clos, B. Le Péru cite l’espèce à six reprises dans un jardin de la Gare de Savennes, d’abord errant sur un mur : deux mâles et une femelle en mai 1997, deux mâles et deux femelles en mai 1998 et un mâle en juin 2000, puis, errant au sol, un mâle en mai 2001, un autre en juin 2001 et un dernier en avril 2002. Enfin, dans la pelouse de son jardin du Dougnoux, à Altillac, E. Duffey récolte un mâle par piégeage le 01/06/2008. L’espèce est mentionnée deux fois en Creuse, d’abord par F. Leblanc qui signale un mâle, en juin 1999, sans indication de milieu, au village de Pétillat, à Saint-Michel-de-Veisse, puis par M. Cruveillier qui récolte également un mâle, le 14/06/2003, dans un secteur très piétiné de lande, en bordure de la tourbière de La Mazure, à Royère-de-Vassivière. Les Zoridae De cette famille, qui compte quatorze genres et soixante-dix-neuf espèces dans le monde, seul le genre Zora est représenté en France par sept espèces dont six ont été observées en Limousin. Ce sont des araignées que les débutants prennent assez souvent pour des Lycosidae à cause d’une forme générale et d’une disposition oculaire proche. Elles s’en distinguent pourtant aisément par divers caractères très facilement observables et notamment la taille identique des huit yeux, le céphalothorax très resserré à l’avant et la couleur nettement plus claire du tégument sur lequel les dessins sont plutôt lie de vin. Un examen à la loupe permet en outre de voir que, contrairement aux Lycosidae, elles n’ont que deux griffes au bout des tarses et que ces derniers sont pourvus d’un 79 Les arachnides de France tome VI p. 226, voir bibliographie 78 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Annales Scientifiques du Limousin, 2013, 24, 1-120 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- fascicule unguéal*. Les espèces de ce genre, qui ne construisent pas de toile piège, ont des mœurs assez semblables à celles des Pardosa, chassant de jour au sol ou dans une strate proche, à la base des herbes. Cette particularité leur vaut de figurer assez souvent avec ces dernières dans les pièges de type Barber. Les femelles ne portent pas leur cocon aux filières mais l’accrochent à un support, généralement une tige d’herbe, parfois une pierre, et le surveillent comme le font, par exemple, les Oxyopidae ou les Thomisidae. S’il est assez facile de distinguer le genre Zora à la loupe de terrain, et même parfois à l’œil nu, il n’en va pas de même des espèces qui requièrent absolument l’examen très attentif, au moyen d’une loupe binoculaire, des genitalia*, qui sont de petite taille par rapport à l’animal, et il y aura lieu de réunir dans la plupart des cas un faisceau d’observations où entreront notamment les épines des pattes, les poils plus ou moins présents sous la hanche IV ou sous la filière postérieure… Les mâles sont semblables aux femelles mais légèrement plus petits et plus sveltes. L’arachnologue suédois Sven Almquist signale un caractère rarement indiqué par ailleurs et qui concerne, chez les mâles, la base de l’apophyse tibiale, laquelle dit-il, occupe une implantation qui peut être distale comme chez Zora armillata ou une position non distale comme chez Z. nemoralis, Z. silvestris ou encore Z. spinimana. Zora armillata Simon, 1878 : assez semblable extérieurement à Z. spinimana, cette araignée largement répandue en Europe, de la Grèce à la Scandinavie, présente un tégument de couleur crème avec des lignes de ponctuations brun rouge. La femelle mesure de 4,5 à 6 mm et le mâle80 de 3,2 à 3,8 mm. C’est une espèce des milieux humides, marais, tourbières, prairies et landes humides, rives d’étangs et de cours d’eau, où on peut trouver des adultes de début mai à fin octobre. Bien que citée dans les trois départements du Limousin, cette espèce n’y est vraisemblablement pas très commune puisque cinq exemplaires seulement y ont été identifiés à cette date. La première citation est une femelle capturée par piégeage par E. Duffey, en mai 1999, dans l’herbe humide du bord de son étang de Chez Gouillard, à Bussière-Poitevine, en Haute-Vienne. En Creuse, une autre femelle est capturée par M. Cruveillier, le 21/09/2000, dans de la litière de feuilles et de mousse, au bord de l’étang des Landes, près du hameau du Genévrier, à Lussat. En Corrèze, dans des piégeages au sol réalisés par M. Lefrançois dans des prairies tourbeuses d’Ars, à Pérols sur Vézère, M. Cruveillier identifiera un mâle de cette espèce dans la récolte du 05/07/2011 et deux autres dans la récolte du 12/07/2011. Zora manicata Simon, 1878 : comme toutes les espèces du genre Zora, cette araignée présente, sur le céphalothorax, une bande claire flanquée de deux bandes brunes. Ces dernières sont, chez Z. manicata, beaucoup plus larges que chez les autres Zora 81. La touffe de poils, particulièrement dense sous les hanches IV du mâle, ainsi que celle située sous ses filières postérieures, constituent également des caractères importants de déterminantion. Absente de l’Europe du nord et beaucoup moins répandue que la précédente, cette espèce est aussi notée comme rare par Heimer et Nentwig. Elle apparaît pourtant en Limousin dans quinze fiches d’inventaire pour trente et un animaux identifiés, tous récoltés par piégeage dans des tourbières. C’est d’abord en Haute-Vienne qu’E. Duffey détermine une femelle dans une récolte de juin 2000, de P. Durepaire, dans la tourbière des Dauges, à Saint-léger-la-Montagne. La presque totalité des 80 dans son ouvrage « Spiders of Britain and Northern Europe » (voir la bibliographie), M. J. Roberts indique que l’absence de la touffe de poils sous la hanche IV du mâle permet de le distinguer du mâle de Z. spinimana. Or, s’il est vrai que ces poils sont denses au point de former un véritable pinceau chez Z. spinimana, comme chez Z. manicata, par exemple, ils ne sont pas toujours complètement absents chez certains mâles d’autres Zora, notamment chez Z. armillata et chez Z. silvestris, chez lesquels ces poils sont, il est vrai, beaucoup plus clairsemés et plus fins. 81 mais ne se terminent pas en pointe comme c’est le cas chez Z. nemoralis chez laquelle ces bandes brunes sont également très larges dans leur zone médiane.
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139 - Continuer à la faire vivre et à la transmettre [l'acupuncture]1 Effectivement l'AFA compte à l'heure actuelle entre cent et cent cinquante inscrits chaque année, un nombre cinq fois plus bas que dix ans auparavant. Malgré cela des activités d'enseignement, des publications et un congrès annuel continuent à exister au sein de cette association. 2.d. L'enseignement Avant la création du groupe Lacretelle qui, comme nous l'avons vu dans le mot du médecin que nous venons de citer, jouera un rôle important aussi pour l'enseignement, en 1967, le docteur Chamfrault, Président de l'AFA, considère qu'un changement est nécessaire dans l'organisation de l'enseignement de l'acupuncture. Pour la première fois la formation durera trois ans, et Chamfrault justifie ainsi cette décision : Deux obligations nous ont poussés à effectuer ce changement. La première est que nous avons pu obtenir, grâce à l'Institut de Médecine ExtrêmeOrientale d'Hanoi, et particulièrement grâce au docteur Nguyen Van Ngi qui en est notre correspondant direct, des documents extrêmement importants. Ces documents font partie du Cours d'enseignement de la faculté de Hanoi. Ils éclairent d'un jour nouveau les notions, parfois décousues, que nous avions jusqu'ici sur la circulation de l'Energie de défense de l'organisme. Cette énergie Oé est la première atteinte en cas de troubles morbides. Il était donc très important de savoir exactement quelle était sa circulation. Celle-ci s'effectue dans douze méridiens superficiels, les méridiens tendinomusculaires et dans douze autres méridiens, les méridiens distincts. Nous avons eu également des éclaircissements sur le rôle joué par ces méridiens curieux, que nous avons , jusqu'à maintenant, taxer d'être des méridiens distincts. Nous en connaissons maintenant le rôle et les troubles, nous avons donc, actuellement, une conception claire et étendue de la pathologie chinoise. Nous sommes donc du même coup, connaissant les notions fondamentales sur la circulation de l'Energie telles que les concevaient les chinois, en mesure d'effectuer les travaux scientifiques sur une base de départ solide. 1 Andrès G., « Éditorial », Revue française d'acupuncture, n° 80, octobre – décembre 1994, p. 4-5. 140 Comment pourrait-on, en effet, essayer de faire un rapprochement entre la médecine traditionnelle et la médecine expérimentale si nous ne connaissons pas exactement le fond de la doctrine? Il ne peut en résulter que des erreurs. La seconde de ces obligations est que nous ne pouvons rien espérer des Pouvoirs Publics sans nous présenter avec un programme d'instruction solide. Nous estimons que, comme l'homéopathie l'a déjà fait, nous avons besoin d'un programme de trois années. Et, au fur et à mesure des études et des travaux entrepris, nous aurons de plus en plus de mal à répartir notre enseignement sur ces trois années. Nous n'oublierons pas, en effet, que ce n'est pas une spécialité que nous devons enseigner mais une médecine totale, celle d'un tiers du globe, la Médecine Extrême-Orientale.1 La formation de l'Institut du Centre d'Acupuncture de France prévoit des cours gratuits un soir par semaine plus quatre réunions de fin de semaine (le samedi après-midi). Les médecins qui y participent doivent payer leur cotisation à l'AFA. Les cours sont réservés aux médecins et aux étudiants en médecine. À la fin de chaque année, des examens sont prévus. À la fin des trois années, ces cours sont sanctionnés par la délivrance d'un diplôme de Médecin Acupuncteur, suite à la discussion d'un mémoire de fin de diplôme. Des cours pratiques ont lieu à l'Hôpital Saint-Jacques deux fois par semaine. De plus, des cas cliniques sont présentés une fois par mois aux soirées de la réunion de l'association. Peu de temps après la mise en place de la nouvelle organisation de l'enseignement, les cours hebdomadaires sont supprimés pour ne pas pénaliser les élèves qui n'habitent pas à Paris, et qui ne pourraient pas être présents à chaque séance. Les cours théoriques sont donc regroupés en un week-end par mois, et des polycopiés sont envoyés à chaque inscrit. Plus haut, dans la citation du docteur Chamfrault, nous trouvons les raisons qui l'ont poussé à une révision de l'enseignement. Nous pouvons aussi affirmer que tous les ajustements qui suivront sont motivés, entre autres, par l'augmentation du nombre d'inscriptions aux cours d'acupuncture. En effet, l'augmentation du nombre des médecins en formation est décidément exponentielle à partir de 1970, comme nous pouvons le voir dans la table 2, qui recueille les données du nombre d'étudiants par année et qui est publiée par la Nouvelle Revue Internationale d'Acupuncture. 1 Chamfrault A., « Comptes rendus d'assemblées », Nouvelle Revue Internationale d'Acupuncture, octobre décembre 1967, p. 11-12. Table au n° 2. Nombre d'élèves par année Deuxième année 53 Troisième année - Total 1968 Première année 70 1969 51 34 35 119 1970 50 22 22 94 1971 164 22 121 (?) 186 (?) 1972 280 85 20 385 1973 292 157 47 496 1974 301 140 97 538 Années 1976 123 620 Une telle augmentation qui n'était pas prévue par l'organisation de l'Institut du Centre d'Acupuncture de France semble créer des problèmes, notamment pour l'accueil des élèves. En 1972, par exemple, la salle d'examen était trop petite pour contenir tous les inscrits à l'épreuve écrite de l'examen de la première année. Et en 1973 dans un compterendu de l'Assemblée Générale, il est dit : L'an prochain, il faudra tabler sur plus de 250 candidats aux épreuves et le problème des locaux va à nouveau se poser de façon angoissante.1 Face à ce grand nombre d'inscriptions, à partir de 1973-1974, l'Institut du Centre d'Acupuncture de France commence un travail de décentralisation de l'enseignement. Deux Sièges naissent à Marseille (dont le responsable est le docteur Nguyen Van Nghi) et à Strasbourg (dont le responsable est le docteur Schrodi). En 1975, deux nouveaux centres apparaissent à Toulouse (responsable : le docteur Sabatie) et à Bordeaux (responsable : le docteur Paluteau). En 1976, encore deux centres d'enseignement sont créés, à Limoges (responsable : le docteur Frédéric) et à Nice (responsable : le docteur Bouille). Les programmes des cours sont communs à tous les sièges. Si on les confronte avec ceux que nous avons cités auparavant, il nous apparaît évident qu'il s'enrichissent des 1 « Compte rendu de l'assemblée générale ordinaire », Nouvelle Revue Internationale d'Acupuncture des et du sur les 1. Le nombre d'heures d'enseignement augmente aussi : pendant l'enseignement de de la Füye, on comptait une trentaine d'heures de cours sur l'ensemble des deux années alors que, maintenant, on compte à peu près 300 heures de cours théoriques pour le cousus complet, plus une heure de travaux pratiques une fois par semaine. En 1976, le docteur Roustan étant le Président de l'association, institue une quatrième année de formation. L'enseignement est ouvert aux acupuncteurs et aux étudiants qui ont terminé leur cursus d'étude sur trois ans et ont obtenu le diplôme. Il s'agit d'une conférence qui se tient tous les samedis après-midi et qui présente des sujets théoriques ou pratiques. Elle est éventuellement suivie d'une discussion. Une année plus tard cette quatrième année se transforme, ce ne sera plus une conférence par semaine, mais elle sera organisée en week-end : un par mois environ. De plus, elle s'intitulera Centre Chamfrault, en honneur de l'ancien président de l'AFA. Le Centre Chamfrault accueille dans ses cours tous les étudiants de quatrième année ainsi que les étudiants de troisième année. En 1979, le Centre Chamfrault gagne encore plus d'importance : il devient un cycle d'étude à part entière qui dure trois ans et qui est destiné à approfondir : « certains éléments diagnostiques spécifiques, la thérapeutique de quelques syndromes fondamentaux de la médecine chinoise, l'étude pathogénique de différents symptômes »2. Après 1980, le nombre des élèves inscrits aux cours de l'AFA ne diminue pas (comme nous pouvons le voir dans les tableaux n° 1 et 2). De plus, l'enseignement se réorganise et l'attention consacrée aux textes anciens influence aussi les programmes de l'enseignement dispensé par l'Institut du Centre d'Acupuncture de France : Cet apport sinologique sans précédent à la médecine va donc constituer la base de l'enseignement de la première année d'acupuncture, où l'on ne peut avancer sans connaître les caractéristiques et les noms chinois des différents souffles, du sang, des liquides organiques ainsi que ceux des viscères et des méridiens. La deuxième année s'oriente, pour sa part, vers l'étude de la physiopathologie et du diagnostic avec l'étude des symptômes, des méridiens et des viscères, les causes maladies d'origine externe (wai guan) et interne (qi qing), les quatre examens avec palpation des pouls, les huit règles diagnostiques et thérapeutiques, etc. La troisième année est consacrée à l'étude des pathologies étudiées à partir de symptômes : les dyspnées, les précordialgies, les troubles vasculaires, les algies etc. 1 2 Cf. : Revue française d 'acupuncture à partir de sa création en janvier 1975 . « Centre Chamfrault », Revue française d'acupuncture, n° 18, avril - juin 1979, p. Pourtant cette approche finit par être insatisfaisante et à la fin des années 1980 l'enseignement de la 2e et 3e années se transforme en un seul cycle de deux ans où, pour chaque thème traité – tel les maladies du sang -, on passe simultanément de la physiopathologie au diagnostic, puis au traitement de ses troubles.1 L'enseignement se divise en cours théoriques et en cours pratiques, ils sont dispensés dans les amphithéâtres du C.H.U. Necker, le samedi après midi, deux fois par mois. Les élèves doivent aussi suivre les consultations qui ont lieu au dispensaire de l'AFA deux fois par semaine pour obtenir la validation de leur année d'études. Dans les années 1980, grâce à Nicole Savigny-Kespi, un effort important est fait pour améliorer la pédagogie. Les cours ne sont plus des simples exposés magistraux.2 Des polycopiés et une bibliographie sont fournis aux étudiants, qui ont aussi à disposition une bibliothèque auprès du siège de l'AFA. Cette organisation des cours d'acupuncture, nous le verrons plus loin, servira de base pour la structuration et la mise en place de l'enseignement universitaire de l'acupuncture (le Diplôme Inter Universitaire d'Acupuncture) qui sera opérationnel à partir de 1989. En 1990, l'Institut du Centre d'Acupuncture de France ferme ses portes puisque aucun diplôme délivré par une école privée n'a de validité, le seul diplôme universitaire étant désormais reconnu. Après la création du D.I.U., L'AFA continue cependant son activité d'enseignement. Le Centre Chamfrault reste actif pour quelques années assurant des séminaires de formation continue. Mais, dès 1990, les rencontres que l'AFA organise s'appelleront « Séminaires de perfectionnement » et tent sur l'utilisation des points : Étude approfondie des points d'acupuncture à partir du ou des noms du point, de sa localisation, de ses symptômes et de la typologie du méridien sur lequel il se trouve. Cette étude permet de pouvoir utiliser au mieux un point d'acupuncture seul ou en association, en toute connaissance de cause.3 1 Andrès G., Op. Cit., p. 41-42. Andrès G., Ibidem, p. 42. 3 Site Internet de l'AFA: http://www.acupuncture-france.com/site/page_8.php Ces séminaires existent encore aujourd'hui, ils se tiennent à peu près quatre fois par an (un week-end par saison). Le nombre des médecins les fréquentant est assez restreint (rarement plus de quinze auditeurs). 3. Vers une reconnaissance formelle et institutionnelle de l'acupuncture 3.a. Le Syndicat National des Médecins Acupuncteurs de France et la Confédération Nationale des Associations Médicales d'Acupuncture de France. Le Syndicat National des Médecins Acupuncteurs (SNMAF ) de France naît en 1947 par la volonté de Roger de la Füye. Vingt ans plus tard, ce syndicat est encore confronté aux mêmes problèmes dont la résolution, à cause de l'augmentation du nombre de médecins acupuncteurs, devient de plus en plus pressante. Deux problèmes sont en effet toujours d'actualité à la moitié des années 1960 et ils le demeurent encore aujourd'hui : la position de l'acupuncture dans la nomenclature de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie (CNAM) - donc le statut de remboursement de l'acupuncture en tant qu'acte médical -, et le statut du médecin acupuncteur dans les Conventions proposées par la Sécurité Sociale et auprès du Conseil de l'Ordre des médecins. 3.b. La position de l'acupuncture dans la Caisse Nationale d'Assurance Maladie En 1949 le syndicat avait obtenu que la séance d'acupuncture soit remboursée comme K2. Jusqu'en 1968, pour ce qui est de l'acupuncture dans la nomenclature nationale des actes médicaux, tout reste pratiquement inchangé. En janvier 1968, le docteur Henri Eraud, Président du SNMAF, et le Conseil d'Administration du syndicat décident de relancer une nouvelle demande de relèvement de l'acte d'Acupuncture auprès de la Commission Permanente de la Nomenclature. Ensuite, « une abondante correspondance jalonne les années 72-73-74, sans aucun résultat tangible »1. En octobre 1974, enfin, l'acte médical K5 est attribué à la consultation d'acupuncture. À la suite de publication le Président du syndicat écrit ainsi : Je sais bien que K5 ne représente qu'une satisfaction partielle de nos revendications, puisque nous demandions K7. Cependant, partant de K2, cela constitue une augmentation de 150% qui, dans l'esprit des représentants des Caisses, est un maximum ; c'est déjà une étape, un point de départ ultérieur pour une revendication fondée sur de 1 « Assemblée ordinaire et extraordinaire du syndicat national des acupuncteurs », Revue française d'acupuncture, janvier - mars 1975, p. VI. 146 nouveaux développements de l'Acupuncture. En outre, cela nous différencie du généraliste, K5 étant supérieur à C. Enfin, j'ai accepté cette proposition de K5 en vue de sauvegarder les intérêts des acupuncteurs au cas où la prochaine Convention serait plus contraignante et 1 ne permettrait plus de se déconventionner. Dans ces phrases, nous percevons que le travail pour parvenir à se faire reconnaître par les institutions fut long et difficile. De plus, ce qu'ils obtiennent ne gratifie pas complètement les médecins acupuncteurs. Avec l'aspiration à la reconnaissance de l'acupuncture dans le monde institutionnel de la médecine, ces médecins voudraient aussi une forte réévaluation de la part de la Sécurité Sociale de leur acte médical. Dans une note du SNMAF de France il est dit : La sous cotation du K5 qui définit l'acte d'acupuncture à la nomenclature des actes professionnels par rapport au C pénalise l'exercice des médecins acupuncteurs, sachant que l'acte d'acupuncture est à la fois diagnostique et thérapeutique, voire préventif. Il devrait en découler en toute logique une cotation C + K5 ou une lettre correspondante propre à l'acupuncture. 2 Une dizaine d'années plus tard une nouvelle acquisition est proposée aux médecins acupuncteurs. Dans le Journal Officiel de décembre 1982 il est dit : Traitement d'acupuncture comportant l'ensemble des recherches diagnostiques et la thérapeutique par l'application des aiguilles et/ou de tout autre procédé de stimulation des points d'acupuncture, Par séance : Pour les cinq premières 7 Pour les suivantes5 1 3 « Assemblée ordinaire et extraordinaire du syndicat national des acupuncteurs », Revue française d 'acupunctu re, janvier février mars 1975, p . VI - VII . 2 Fresnet P., « Note », 1975 ou 1976, texte manuscrit sans date ni lieu de publication . Remarquons que, en 1977, les tarifs de la nomenclature sont équivalentes à : Actes en K 7,20 fr. ; C omnipraticien 32 fr. ; C Spécialiste 48 fr. Ces tarifs seront légèrement augmentés pendant de l'année pour devenir : Actes en K 7,60 fr. ; C Omnipraticien 34 fr. ; C Spécialiste 51 fr. 3 Journal Officiel de la République Française, n.c . 11563, 29 décembre 1982. La nouvelle décision de la Commission de la Nomenclature veut dire que les cinq premières séances d'acupuncture sont remboursées par la Sécurité Sociale comme K7, pour les séances suivantes comme K5. Malgré cela, les litiges se multiplient entre les médecins acupuncteurs et la Sécurité Sociale qui doit approuver les dossiers de remboursement, et le syndicat des médecins acupuncteurs qui aide et conseille les médecins lorsqu'ils sont en difficulté dans l'affirmation de leurs droits d'exercice ; le syndicat soutient également les malades dans leurs droits au remboursement1. Les remises à jour de la Convention Nationale - que le gouvernement avait mis en place en 1960 - comportent toujours des difficultés, sinon des dangers, pour la position des médecins. De plus, en 1971, une nouvelle convention est signée. Elle prévoit que seulement les Fédérations ou les syndicats nationaux auront les qualités pour engager le corps médical (et non plus les organisations départementales)2. Cela veut dire que toutes les conventions nationales naissent d'un accord entre les syndicats et la Sécurité Sociale. Un peu plus tard, en 1980, naît le secteur II, c'est-à-dire le secteur des médecins conventionnés avec dépassement d'honoraires. Par conséquent, les médecins appliquant le tarif pour lequel le patient est remboursé au maximum deviennent les médecins conventionnés, secteur I (tandis que les patients des médecins du secteur II ne sont remboursés que partiellement). Enfin, certains médecins demeurent non-conventionnés, ils ne profitent donc pas des avantages fiscaux et sociaux qui sont garantis pour les médecins conventionnés, mais n'ont aucune limite ni aucun contrôle de leurs tarifs. Pour les médecins acupuncteurs, le problème de se conventionner ou non reste difficile à résoudre. Si, d'un côté, conventionné procure des avantages, de l'autre, l'obligation de respecter les tarifs imposés par la convention et la nomenclature rend la pratique de l'acupuncture contraignante puisqu'elle n'est pas souvent suffisamment rentable pour les praticiens. Bien sûr, la création du secteur II rend l'installation des jeunes médecins acupuncteurs plus facile. Puisque les consultations d'acupuncture des médecins acupuncteurs français demandent des temps bien plus longs que celles d'un médecins généraliste conventionnel, le fait de pouvoir dépasser l'honoraire fixé par la Sécurité Sociale permet aux médecins acupuncteurs de pouvoir travailler avec des tarifs plus élevés 1 Cf. : Eraud H., « La page du Syndicat », Revue française d'acupuncture, juillet - septembre 1977, p. 105106. 2 Cf. : Le Faou L., L'économie de la santé en question, Paris, Ellipses, 2000. que s'ils étaient conventionnés en secteur I et au même temps de recevoir moins de patients. Malgré cela, des problèmes persistent puisque se déconventionner ou passer d'un secteur à l'autre n'est pas toujours possible. Cette limitation fait que certains médecins décident de ne pas se conventionner, pratiquant donc la profession de manière libérale. Dans ce dernier cas de figure, bien évidemment, le coefficient de la nomenclature reste un élément très important pour motiver la pratique de l'acupuncture. Dans cette période de ferveur des activités du SNMAF de France une démarche intéressante est mise en place par le président, le docteur Fresnet en 1979, qui est reprise d'une manière plus approfondie en 1981. Il s'agit d'une enquête questionnaire sur les modalités d'exercice de l'acupuncture. Les résultats de cette enquête sont reportés d'une façon détaillée dans « la page du syndicat » de la Revue française d'acupuncture. Ces résultats montrent que sur les 206 médecins qui ont répondu au premier questionnaire, en 1979, 3⁄4 des médecins acupuncteurs sont conventionnés, que parmi ceux-ci comme parmi les non conventionnés un quart pratique l'acupuncture exclusivement, que plus de 6 médecins conventionnés sur 10 et près de 8 médecins non conventionnés sur 10 font moins de 20 actes par jour. En matière d'honoraires, l'analyse est plus difficile, car le champ des exercices est étendu et diversifié. Selon l'association ou non d'autres thérapeutiques à l'acupuncture, selon le droit à dépassement permanent, selon les conditions particulières de certains médecins non conventionnés. Mais les pourcentages relatifs des sous-groupes dans les fourchettes d'honoraires donnent une image modulée et raisonnable dans le respect du tact 1 et de la mesure. L'enquête menée en 1981, qui est plus précise que la précédente, vise à comprendre quel est : le pourcentage des médecins conventionnés - et en quel secteur - par rapport aux non conventionnés (les résultats sont repartis en trois groupes différents), le dépassement du nombre d'actes par jours, le dépassement des honoraires et la répartition géographique. Les 249 médecins qui on répondu au questionnaire sont divisés en 3 groupes : le groupe 1 comprend les médecins conventionnés en secteur 1 I, le groupe 2 les médecins Fresnet P., « La page du syndicat », Revue Française d'Acupuncture, n° 21, janvier-mars 1980, p. 85-86. 149 conventionnés en secteur II, le groupe 3 les médecins non conventionnés. Les résultats de l'enquête sont ainsi résumés par le docteur Pierre Fresnet : Au total, il ressort de cette enquête les grandes lignes suivantes : La moitié des médecins acupuncteurs exercent dans le secteur 2, à honoraires libres. Un tiers des médecins acupuncteurs exercent l'acupuncture exclusivement. Parmi les 2/3 non exclusifs 61% exercent simultanément l'homéopathie, 31% la médecine générale, 18% l'ostéopathie. Pratiquement, 70% ont répondu sans se réfugier dans l'anonymat et leurs réponses on été corroborées par celles de ceux qui ont répondu de façon anonyme (1/3). Peu de droit à dépassement : 4% et peu de changement souhaité : 5%. Donc stabilité dans le choix conventionnel de départ. [] Les dépassements en pourcentage d'actes par jour suivent une augmentation croissante mais logique du groupe 1 au groupe 3. Les dépassements en pourcentage d'honoraires suivent la même progression, mais restent pour chacun des groupes dans les limites raisonnables, y compris dans les groupes non conventionnés. La cotation fait apparaître une grande diversité, mais elle est le reflet à la fois de conditions d'exercice différentes, des possibilités de la nomenclature dans sa forme actuelle et de la sous-évaluation du K 5 (au moment de l'enquête C = 50fr., K = 9,50fr, K5 = 48fr). Une revalorisation du K5 à K7 ferait vraisemblablement disparaître un certain nombre de ces variables. La répartition géographique révèle que les médecins acupuncteurs exercent dans 51 départements, le Sud-Est, le Sud-Ouest, et la Région parisienne venant en tête pour les médecins conventionnés, régions auxquelles s'ajoutent l'Est, 'Ouest et Paris pour les médecins à honoraires libres. Pour les médecins non conventionnés, Paris regroupe le plus fort pourcentage, suivi du Sud-Est et de l'Ouest, devançant la Région parisienne, le Centre et le Sud-Ouest. 1 Les résultats de ces enquêtes sont des données importantes qui permettent d'avancer des demandes ou de répondre, avec les résultats à la main, aux insinuations des responsables administratifs, aux politiques ou aux médias. C'est grâce à ces résultats que le SNMAF, en 1982 à l'occasion d'une remise à jour des actes cliniques de la nomenclature, 1 Fresnet P., Op. Cit., 1982, p. 78-79. 150 arrive à obtenir l'augmentation de la valeur de la cotisation de K5 à K7 auprès de la Sécurité Sociale. Nous voyons que, lentement, les acupuncteurs arrivent à faire progresser leur position de médecins à l'intérieur du système sanitaire français, mais le chemin n'est pas facile. En effet, plusieurs démarches doivent encore être entreprises dans le but d'une reconnaissance institutionnelle. 3.c. Le statut du médecin acupuncteur auprès du Conseil de l'Ordre des médecins Le deuxième problème fondamental à affronter par le syndicat se pose au début des années 1970, quand le nombre de médecins orientés vers l'acupuncture augmente d'une façon inattendue, et que la reconnaissance des médecins acupuncteurs par l'Ordre des médecins devient de plus en plus important. L'argument le plus fort sur lequel le médecins acupuncteurs s'appuient, c'est la reconnaissance de l'enseignement dans les facultés de médecine. Cette reconnaissance demandera plusieurs étapes, un certain nombre d'années et beaucoup de négociations. Dans cette perspective, naît la Confédération Nationale des Associations Médicales d'Acupuncture de France suite à la proposition du docteur Chamfrault, et grâce à l'initiative des médecins représentant quatre associations françaises d'acupuncture : l'Association Française d'Acupuncture, l'Organisation pour l'Étude et le Développement de l'Acupuncture, le Groupe Lyonnais d'Études Médicales et la Société Méditerranéenne d'Acupuncture. L'idée remonte à 1968, comme le dit le docteur Monnier : Le projet de cette confédération est étudié au cours d'un repas en juin 1968, à la Closerie des Lilas. À cette réunion sont représentés l'Association Scientifique des Médecins Acupuncteurs de France, l'Association Française d'Acupuncture, le Groupe Lyonnais d'Etude Médicale, l'Organisation pour l'Etude et le Développement de l'Acupuncture et la Société Méditerranéenne d'Acupuncture. [] Cette confédération est officiellement créée en février 1969, les sociétés de fondation de la Confédération sont : l'AFA, GLEM, OEDA, SMA. L'ASMAF s'est récusée. En hommage à son idée créatrice, le premier poste de Délégué Général est confié au docteur Chamfrault. 1 1 Monnier R., « Historique », Revue française d'acupuncture, octobre - décembre 1977, p. XXIV-XXV. 151 C'est toujours le docteur Monnier qui expose le but de cette Confédération en ouverture du Congrès Mondial, en mai 1969 : Grâce à leur parfaite compréhension et leur esprit de collaboration, l'idée de Confédération permet aux Sociétés Française d'Acupuncture d'établir des liens qui, tant sur le plan de la confraternelle amitié que de l'étude scientifique, faciliteront la mise en oeuvre des ressources matérielles et intellectuelles des Acupuncteurs Français pour une oeuvre commune, l'essor et l'organisation de l'Acupuncture en France. 1 Concrètement, le rôle de la Confédération est de préparer un programme d'enseignement de base commun à toutes les écoles membres. Cette démarche est considérée comme fondamentale vis-à-vis de l'Ordre des Médecins, dans la tentative de faire reconnaître l'acupuncture comme une véritable spécialité médicale. Autour des années 1980, la Confédération - avec le syndicat qui complète les données des sociétés qui ne sont pas inscrites à la Confédération, voire à l'ASMAF - crée un annuaire des médecins acupuncteurs de France. En 1978, il comptait 5385 médecins exerçant l'acupuncture et 3522 élèves ; en 1979, il comptait déjà 5835 médecins acupuncteurs2 et, en 1981, 8265 médecins en exercice et 5093 médecins en formation3. En 1983, 9676 médecins acupuncteurs sont recensés par l'ensemble des Sociétés et Associations d'Acupuncture sur le territoire Français.4 Notons que dans la Confédération l'ASMAF n'est pas présente. Les contrastes et l'éloignement entre l'AFA et l'association des élèves de Soulié de Morant resteront encore d'actualité pendant plusieurs années, voire des décennies5. En 1972 le Secrétaire du SNMAF au III ème congrès de la Confédération des Associations Médicales d'Acupuncture s'exprime ainsi : En effet, il ne peut être question de reconnaissance par l'Ordre des Médecins sans un enseignement officiel en Faculté. Il n'est pas exclu que de différents côtés et pour des 1 Monnier R., « Séance solennelle », Nouvelle Revue Internationale d'Acupuncture, janvier-février-mars 1970, p. 12. 2 Cf. : Fresnet P, « La page du Syndicat », Revue française d'acupuncture, octobre - décembre 1979 p. 79. 3 Cf. : Fresnet P., « Indices socioéconomiques de l'acupuncture », texte manuscrit sans date ni lieu de publication. 4 Cf. : Fresnet P., « Le Syndicat National des Médecins Acupuncteurs de France », p. 5, texte manuscrit sans date ni lieu de publication. 5 Ce n'est qu'en 1997 - au moment de la fondation de la F.A.FOR.ME.C. - que toutes les sociétés et associations françaises d'acupuncture ou de médecine chinoise seront réunies dans une seule Fédération. 152 motifs divers un tel enseignement démarre dans des temps relativement brefs. Il serait dans l'intérêt de tous qu'un programme minimum commun soit élaboré et pour cela qu'une base commune soit définie afin d'assurer une certaine homogénéité qui rende fiable cette thérapeutique. 1 Effectivement, la Confédération s'occupe de préparer un plan d'étude commun à toutes les écoles qu'elle rassemble, peu après sa création qui date de 1969. Les médecins qui terminent leur cursus d'études reçoivent un Diplôme Confédéral d'Acupuncture. Ce diplôme répond à plusieurs exigences, comme le montre le docteur Fresnet dans une lettre qu'il adresse au docteur Carlotti qui était le rapporteur du dossier « Droit aux titres en acupuncture de l'Ordre des Médecins » : Vis-à-vis du public qui désire s'informer et des malades qui se font traiter, il est la garantie de la qualité du niveau du doctorat en médecine occidentale et de l'acquisition de connaissances en acupuncture sanctionnée après un cycle de 3 années d'étude par ce diplôme. Vis-à-vis des autres médecins Français et Européens, il rappelle que l'obtention de ce diplôme correspond à une formation analogue à celle des autres spécialités. Bien que se rapportant à une médecine différente ce diplôme confirme donc un niveau de compétence théorique et pratique rappelant celui des autres spécialisations occidentales. A ce titre, il est un élément essentiel dans la recherche d'une reconnaissance par l'Ordre des Médecins, sinon de jure, au moins de facto, quant aux conditions de rigueur et de sérieux. [] Vis-à-vis des autres acupuncteurs, ce diplôme permet une identification bien sûr par rapport aux autodidactes, à plus forte raison par rapport aux acupuncteurs improvisés, fussent-ils des médecins. 2 Selon le SNMAF de France, il serait donc envisageable de pouvoir être au moins partiellement reconnus pas le Conseil de l'Ordre des Médecins. Cela pourrait comporter, par exemple, la possibilité de se définir comme médecin acupuncteur sur les plaques professionnelles et sur les en-têtes des ordonnances. Mais, comme le témoigne le rapport 1 2 Fresnet P., « Communication III congrès de la Confédération des Association Médicales d'Acupuncture », texte manuscrit sans date ni lieu de publication. Fres net P ., « Lettre aux docteur Carlotti, rapporteur du dossier droit aux titres en acupuncture, 3eme section », jeudi 27 janvier 1973. Texte manuscrit sans date ni lieu de publication. 153 moral de l'Assemblée Ordinaire du SNMAF de France qui se tient en décembre 19721, les médecins acupuncteurs n'obtiendront pas de réponse avant juin 1974. En effet, le Bulletin de l'Ordre National publie le rapport du docteur Carlotti du 26 juin 1974, où il est dit : Certains médecins pratiquent volontiers certains actes ou emploient des méthodes particulières de traitement. Il est licite de les autoriser à en avertir les malades. [] C'est ainsi qu'un médecin peut prévenir ses patients de son orientation qui l'amène à pratiquer l'acupuncture ou l'homéopathie. 2 À ce propos, le docteur Fresnet, qui en 1977 est le Président du SNMAF, répond à l'Ordre National par le biais de l'Ordre des Médecins de son département (les Yvelines) avec une proposition « pour les critères de formation minimale permettant de faire état du 'titre' d'acupuncteur ». Dans la proposition nous trouvons l'argumentation suivante : Le Conseil Départemental des Yvelines se demande selon quels éléments il est possible d'accorder ou de refuser cette autorisation d'informer les malades de ces orientations. Il semble qu'il faille définir des critères correspondants à l'acquisition des connaissances minimales dans ces disciplines. Or le Syndicat National des Médecins Acupuncteurs et la Confédération des Associations Médicales d'Acupuncture imposent précisément une sélection aux médecins désireux d'entrer dans leurs groupements, pour avoir accès à leur formation médicale continue et pour figurer dans leur annuaire. Il faut en effet être titulaire du diplôme confédéral de médecin acupuncteur, décerné après 3 ans d'études sanctionnées chacune par un examen et par la remise d'un mémoire en fin de cycle. [] Il nous apparaît sous cet éclairage, que la formation à laquelle se soumettent les médecins acupuncteurs, ressort du même esprit de perfectionnement dans une orientation 1 « Un certain nombre de nos correspondants soulèvent le problème de l'indication de l'acupuncture sur les plaques professionnelles et les en-têtes d'ordonnances. Il est exact, en effet, que le titre d''acupuncteur ou homéopathe' ayant trait à une spécialité non encore reconnue ne peut, conformément au Code de déontologie, figurer ni sur une liste officielle, ni dans un annuaire, ni sur une plaque professionnelle. Par contre, les Conseils départementaux admettent généralement une tolérance sur les feuilles d'ordonnance, en se basant sur le fait que l'article 12 du Code Déontologique stipule que peuvent être mentionnées sur les feuilles d'ordonnance les indications 'qui facilitent les relations du médecin avec ses patients'. En dernier ressort, il reste la possibilité de porter la mention 'Membre du Syndicat des Médecins Acupuncteurs' ». Eraud H., « Syndicat National des Médecins Acupuncteurs de France, Assemblée Générale du 16 décembre 1972 », Revue Internationale d'Acupuncture, janvier - mars 1973, p. 53. 2 Cité in: « Assemblée ordinaire et extraordinaire du Syndicat National des Acupuncteurs », Revue française d'acupuncture, janvier février mars 1975, p. VII. plus particulière d'un certain mode d'exercice médical, selon des critères sérieux et un contrôle dont ils assurent la charge. Il semble que ce devrait être le rôle des Conseils départementaux de l'Ordre d'assurer au moment de leur installation ce contrôle effectif de l'acquisition des connaissances des praticiens voulant orienter les malades vers leur mode d'exercice 1 particulier. Cette proposition trouve certainement une bonne écoute puisque dans le rapport de l'Assemblée Générale de l'Ordre National des Médecins de juin 1982 il est dit : Pour ce qui concerne l'homéopathie et l'acupuncture, le Conseil National a déjà jugé et il semble que de plus en plus, pour éviter les marginalités, les incompétences, il faudra tendre à un contrôle de formation qui ne peut s'opérer qu'avec l'Université et les Syndicats professionnels qui sont à même de définir les critères de formation et les modalités d'exercice et envisager la reconnaissance d'une compétence officielle. 2 À partir de ce moment ce sera le SNMAF qui donnera l'accord pour l'inscription des médecins au titre d'acupuncteur. En effet, l'Ordre National des Médecins, suite à l'augmentation du nombre des médecins pratiquant l'acupuncture, avait reconnu cette pratique comme un « état de fait de compétence ». Déjà en 1979, sur la liste des qualifications et des titres reconnus par l'Ordre, elle était classée comme « orientation » médicale puisque l'acupuncture ne relève pas d'une formation universitaire : elle manquait donc d'une reconnaissance officielle3. Dans le même document de 1981, l'attitude vis-àvis de l'acupuncture (aussi bien que de l'homéopathie) semble plutôt ouverte et bien prédisposée à reconnaître le sérieux de cette pratique médicale (ainsi que l'homéopathie qui, dans les documents formels, est souvent associée à l'acupuncture) : En effet, l'acquisition de connaissances approfondies indispensables à l'application de ces méthodes oblige à plusieurs années d'études spéciales ; le point de départ et le cadre 1 3 Ordre de Médecins, Conseil départemental des Yvelines, « Exercice de l'Acupuncture », 12 octobre 1977, texte manuscrit sans date ni lieu de publication. Ordre National des Médecins, « Assemblée Générale, Travaux de la Commission Nationale Permanente », 12 juin 1982, p. 8. Cf. : Conseil National, Liste des qualifications, titres et orientations reconnus par le Conseil National, 20 janvier 1979, p.3. Dans l'entrée « modes d'exercice » les orientations dont un médecin peut faire état sont l'acupuncture et l'homéopathie. de leur enseignement différent de façon notable des études médicales classiques, cet enseignement commence à se faire dans certaines facultés. Par ailleurs le mode d'exercice de ces deux orientations suppose une réelle compétence et fait l'objet d'un exercice exclusif pour le tiers des médecins qui les exercent. [] Or, bien que ce ne soit pas un critère absolu, le fait d'un exercice exclusif tend à accréditer la notion d'une spécialisation et par voie de conséquence d'une qualification. 1 À cette lecture, nous comprenons que l'acupuncture gagne un certain prestige et que des critères de compétences lui sont reconnus, qui peuvent aussi lui valoir une qualification . Nous n 'assistons pas à l'institutionnalisation de l'acupuncture en tant que spécialité médicale : elle sera cantonnée jusqu'à nos jours à une « orientation » médica le. Néan moins, le moment de l'apparition de l'enseignement d'acu puncture dans les universit és approch e . 3.d. La Formation Médicale Continue et l'organisation du travail du Syndicat National des Médecins Acupuncteurs de France Toujours pour assurer une position de plus en plus stable et reconnue aux médecins acupuncteurs, le SNMAF de France met également en place, en mai 1975, la Formation Médicale Continue des Acupuncteurs de France qui a le statut d'association et qui est composée des mêmes associations adhérentes au SNMAF de France. Sa cré ation est la réponse du SNMAF aux décrets nationaux de juillet et décembre 1971, relatifs à la formation continue et aux fonds d'assurance-formation. Nous lisons dans son statut les buts de la nouvelle association : Cette Association a pour but exclusif l'application de la Loi du 16 juillet 1971. Elle fournira aux associations, ainsi qu'aux médecins isolés, les moyens matériels pour une formation médicale continue. Ses moyens d'action sont des conférences, tables-rondes, travaux de groupe et éventuellement la publication d'un bulletin. Elle se propose, dans la mesure de ses moyens, de coordonner les activités de formation médicale continue des Associations d'acupuncture . 1 2 Ordre National des Médecins, « Assemblée Générale, Travaux de la Commission Nationale Permanente », 12 juin 1982, p. 13. 2 Statuts de l'Association: Formation Médicale Continue des Acupuncteurs de France, p. 1. 156 En collaboration avec la Confédération Nationale des Associations d'Acupuncture elle établit les crédits d'heures pour les séminaires, les cours de perfectionnement, les congrès. En outre une commission comprenant les représentants du syndicat et des différentes sociétés d'acupuncture, détermine les équivalences en crédits d'heures et accorde la délivrance des attestations pour chaque module de 20 heures de formation. Les critères qui donnent accès à la formation continue sont les mêmes que ceux qui conditionnent l'appartenance à la Confédération et au syndicat et l'inscription à l'Annuaire des Médecins acupuncteurs. En effet, il faut être titulaire du diplôme confédéral lequel est décerné après trois années d'étude et la remise d'un mémoire en fin de cycle. Ou bien il faut appartenir régulièrement à une société ou association médicale d'acupuncture depuis 1967 et attester d'exercer l'acupuncture depuis cette date. En 1978, la Formation Médicale Continue des Médecins Acupuncteurs de France est admise à l'U.N.A.FOR.ME.C.1. Cela permet le versement d'aides de la part de l'État sous forme de financements pour l'organisation de séminaires et de congrès organisés par les Associations membres de la Confédération et du SNMAF de France (puisqu'il s'agit des mêmes associations rassemblées sous la houlette de la Formation Médicale Continue des Acupuncteurs de France). Enfin, pour mieux gérer l'important travail que le syndicat se trouve à avoir à coordonner, les responsables, en 1979, ont proposé la création de trois groupes de travail. Un premier groupe qui s'occupe d'études techniques sur l'exercice de l'acupuncture (modalités d'exercice de l'acupuncture : nombre de séances association avec d'autres actes, utilisation du laser, etc.) ; un deuxième groupe axé sur les relations avec l'Ordre et les pouvoirs publics (modalités de reconnaissance de l'exercice de l'acupuncture, modes d'actions auprès du ministère de la Santé, des Caisses d'Assurance Maladie, politique vis-à-vis des illégaux, reconnaissances des équivalences, etc.) ; et un troisième qui entretient les relations avec les intermédiaires chargé de l'information du public (la presse, la radio, la télévision, les associations des consommateurs, etc.). Les médecins membres de chacun de ces groupes sont appelés participer avec leurs contributions. 1 L'U.N.A.FOR.ME.C. (Union Nationale des Associations de FORmation MEdicale Continue) est une association savante qui rassemble aujourd'hui 1400 associations locales regroupant plus de 37.000 médecins. L'U.N.A.FOR.ME.C. est aussi l'organisme devenu officiel pour l'intermédiation entre les pouvoirs publics et les associations de formation médicale continue. De plus des centres régionaux sont mis en place en 1978 par le président du syndicat, le docteur Fresnet qui demande aux médecins plus actifs dans les villes de Provence de se rendre disponibles comme références pour les autres médecins de leur région. En 1980 il y avait six divisions régionales avec une trentaine de représentants. 3.e. La lutte contre le illégaux, le cas Laville-Mery Dans les passages que nous avons cités précédemment, nous trouvons plusieurs allusions à l'importance d'un niveau de formation certifiée. En effet, la seule possibilité pour gagner une position institutionnelle, comme nous l'avons déjà vu, c'est de garantir aux médecins acupuncteurs une formation équivalente aux spécialités déjà reconnues, pour ce qui est du sérieux, du nombre d'années et d'heures d'étude. Il est donc fondamental, pour ces médecins acupuncteurs, de se distinguer de tous ceux qui ont acquis quelques compétences en acupuncture sans avoir suivi de cursus complet et des non médecins qui pratiquent l'acupuncture illégalement. Le syndicat fait plusieurs efforts afin de reconnaître la compétence en acupuncture aux seuls médecins ayant acquis un véritable diplôme. Un des nombreux cas de dénonciation contre un non médecin pratiquant l'acupuncture commence en 1972.1 Il s'agit de « l'affaire Laville-Méry » qui restera longtemps l'exemple même de l'efficacité du SNMAF de France dans la lutte contre les illégaux. La dénonciation par le SNMAF de Charles Laville donne suite à un premier procès duquel l'accusé ressort innocent. Il semble qu'à la suite de ce procès ont été publié quantité d'articles erronés montrant la confusion des journalistes et des magistrats, concernant l'exercice de l'acupuncture. 2 Le syndicat ne laisse pas l'affaire se conclure sur ces « confusions » et porte un recours auprès de la Cour d'Appel. Il revendique l'acupuncture comme un acte médical et affirme qu'elle ne doit être pratiquée que par des médecins. De plus, le syndicat et la Confédération Nationale des Médecins Acupuncteurs de France : 1 Entre 1972 et les années 1980 dans presque toutes « les pages du Syndicat » de la Revue française d'acupuncture il y a un paragraphe « la lutte contre les illégaux » ou, du moins, quelques lignes sur les procès aux praticiens hors loi. 2 Eraud H., Op. Cit., 1973 -1°, p. 54. 158 attirent l'attention des Pouvoirs Publics sur les conséquences dangereuses pour la santé publique qu'aurait le maintien de telles conclusions, en ouvrant une brèche dans le domaine médical, où s'engouffrerait toute la cohorte des illégaux, guérisseurs, magnétiseurs, herboristes, chiropracteurs, etc., qui, entrant dans la définition d'exercice telle qu'elle ressort des attendus, pourrait faire courir des risques sérieux à la population, de 1 nombreux masseurs se croyant d'ores et déjà habilités à pratiquer l'acupuncture. En 1973 l'affaire Laville semble se terminer : le syndicat réunit une importante documentation sur l'acupuncture afin d'informer le Président de la Cour d'Appel, et deux membres du syndicat (les docteurs Darras et Niboyet) fournissent toutes les informations nécessaires pour montrer la valeur très discutable de l'Institut et du Diplôme délivré à Hong Kong, dont l'accusé réclame l'obtention pour justifier sa compétence. Ensuite, le 21 juin 1973, monsieur Charles Laville est déclaré coupable et condamné à payer 4000 francs d'amende. Quelques années plus tard, il change son nom en Laville-Méry2 et revient à l'exercice de l'acupuncture. Le syndicat prend vraiment la chose à coeur et ne permet pas à monsieur Laville-Méry de continuer à pratiquer l'acupuncture librement. Le 9 mai 1978, la Cour du Tribunal de Versailles émet son jugement et monsieur Laville-Méry est condamné : Suite à une plainte de l'Ordre des Médecins pour exercice illégal de la médecine, M. Laville-Méry – qui en premier jugement avait été condamné à une somme symbolique se voit infliger une amende de 2000 F ferme et 2000 F de dommages et intérêts au profit du syndicat des médecins et médecins acupuncteurs, et la révocation de la dispense d'inscription au casier judiciaire. 3 Ce procès est exemplaire parmi ceux que le SNMAF de France intente. Il permet d'affirmer le pouvoir médical de l'acupuncture : Il ne fait aucun doute que cet arrêt fera jurisprudence et contribuera à une meilleure connaissance de l'acupuncture dans les milieux juridiques. C'est une évolution qui 1 Eraud H., Ibidem, p. 55. Cette information nous a été donné par l'ex-président du Syndicat des Médecins Acupuncteurs qui a suivi de prêt l'affaire Laville-Méry. La femme d'un médecin interviewée nous a dit : « Méry c'est son nom de résistance qu'il a eu l'autorisation de garder ». 3 « Au procès de l'acupuncture. Condamnation sévère pour le Sangermanois Charles Laville-Mery », Courrier Républicain, 17 mai 1978. 2 159 correspond à l'intérêt que porte les patients et les médecins à l'acupuncture et à une meilleure compréhension de sa place dans la médecine d'aujourd'hui par les pouvoirs publics.
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176 – Parce que du coup, qui dit stress secondaire, je dirais tous dans ces cas-là. Est-ce que c'est 100% réel ou 100% ce qu'on leur a demandé de raconter Moi, je n'en sais rien. Moi, je ne vais pas aller sur cette piste-là, ce n'est pas moi qui vais poser la question. Je les ressens, on va en discuter, on va voir ce qu'il y a. Moi, les gens, ils viennent, au départ, avec une plainte somatique et avant de dire que c'est un trouble somatoforme, on aura d'abord éliminé tout ce qui est somatique. Parce que c'est un peu facile de dire que c'est du stress post-traumatique : « oh, il a mal à la tête, c'est du stress posttraumatique », pas forcément. Voilà, donc, je dirais que oui 100 % des patients qui viennent ici ont un problème de stress. Le stress post-traumatique, c'est aussi d'arriver ici, d'être demandeur d'asile et d'être à la rue. Le traumatisme, il est là alors après quelle est l'antériorité Je dirais tous à des degrés plus ou moins variables. Alors, voilà, on ne va pas tous les adresseril y en a que l'on va adresser mais avant de le dire, on les aura vus plusieurs fois parce que, sur une fois, je ne pourrais pas dires'il n'y a que ça. Mais oui, autrement, je dirais tous. – La question d'après, vous y avez déjà un peu parlé. Dans la littérature, l'état de stress posttraumatique est bien souvent associé à des troubles dépressifs au niveau psychiatrique mais aussi à des somatisations avec des douleurs pour lesquelles on n'identifie pas de pathologie somatique. Qu'en pensez-vous? – Oui, mais ensuite, des fois, moi , ce que je leur dis : « ce n'est pas qu'il n'y a pas qu'il n'y a pas ». Alors, on ne retrouve pas quelque chose de grave. Aujourd'hui, on a éliminé quelque chose de grave, c'est super voilà, maintenant Je ne dis pas non plus que c'est que dans la tête même si on dit que c'est des troubles somatoformes, parce, voilà, un jour, on trouvera peut-être autre chose et que Je trouve que c'est toujours violent de renvoyer aux gens : « c'est dans votre tête que ça se passe » parce que du coup, on a Alors aussi, c'est peut-être moi qui le prends mal, c'est dans votre tête que ça se passe Oui, il y a des choses qui se passent parce que l'on n'est pas bien dans sa tête mais les douleurs, on les ressent physiquement, les tremblements, on les voit parfois Il y a des atteintes physiques que l'on peut voir quand même, même si on ne trouve pas d'étiologie à ce que c'est. Je trouve que la médecin moderne a tendance à dire : « c'est dans la tête que ça se passe ». – Alors que plus tard, dans quelques années, on aura la possibilité de savoir – Plus tard, dans dix ans, voilà, on trouvera Les premières personnes qui avaient une polyarthrite rhumatoïde, on leur disait : « c'est dans la tête que ça se passe ». VoilàJuste, aujourd'hui, on n'a rien trouvé de grave et c'est plutôt bien. Il y a des choses qui vont avec mais voilà, on en reparlera. Je ne ferme pas la porte sur une étiologie possible. Et la dépression, oui, enfin, je veux direvoilà, quand on en voit qui demandent l'asile parce que l'enfant a un cancer, oui mais comment on peut faire autrement. Moi, ce qui me fait souffrir énormément Quand on est face à un patient qui parle la même langue, rien que discuter temps de la consultation, des fois, cela va mieux juste en sortant et que l'on a pas cette possibilité-là lorsque l'on passe par un interprète, que l'on ne voit pas, qui n'est pas toujours le même, qui estOn ne sait pas forcément ce qui est dit, les silences, ils ont de l'importance, les réponses, les attitudes alors quand on les voit voilàmais Il y a avait une dame que je voyais hier et le petit garçon, il va mourir. Elle ne voulait pas que l'on appelle quelqu'un alors on a essayé et ça, je trouvais ça très violent de se sentir inutile, incapable d'apaiser certains maux qui sont juste normaux, par la parole que l'on peut avoir. – Puisqu'il y a cette différence de langue – Il y a cette différence de langue. On a beau dire, quand il y a un interprète, il y a une barrière. Ce n'est pas la même chose. Et alors, ensuite, quand on arrive à avoir le même interprète, c'est bien. Il n'y a pas besoin de réexpliquer à chaque fois, de voir c'est compliqué. Et je pense que ça pose tout le problème de l'interprétariat dans le soin et je ne suis pas persuadée que la personne qui fasse interprète, elle soit très enfin, il n'y a pas de formation. Donc, on est ou traducteur ou interprète avec ce que cela veut dire, d'interpréter ce que l'autre a déjà dit J'ai assisté à une formation avec l'OrspereSamdarra sur l'interprétariat dans le soin et effectivement, c'est une très bonne idée de professionnaliser l'interprétariat dans le soin pour éviter tous ces écueils. Voilà, que l'interprète soit un peu plus c'est l'équipe. – Avoir la même personne, c'est quand même plus facile – Avoir la même personne, même pour les gens c'est On voit très bien, quand on a un interne, quand on a un externe en consultation et que, la fois d'après, on ne l'a pas. Ce n'est pas la même chose, sur des gens avec des pathologies chroniques, ce n'est pas du tout la même chose. On ne va pas dire la même chose, on ne pas se tenir de la même façon, on ne va pas Voilà. C'est très quand ils ont des pathologies lourdes, le VIH le cancer, ce n'est pas du tout la même chose s'il y a quelqu'un avec et que 177 l'on a établi la relation de confiance. L'autre, on ne le connaît pas et on est toujours un étranger pour l'autre et c'est pour ça que des fois, je ne veux pas qu'il y ait d'externe pas parce que mais lorsqu'il y a déjà l'interne, cela suffit. On n'est pas un tribunal. C'est compliqué de faire comprendre dans le domaine de la fac. Oui, on est un CHU, mais on a des gens sur lesquels on ne peut pas non plus ajouter beaucoup de monde, de regards ou alors il faut qu'ils restent longtemps. On ne vient pas une semaine, ce n'est pas Pinder État de lieux – J'avais une question à laquelle vous avez en partie répondu. C'était sur votre équipe, sur le fonctionnement de la PASS et sur le recours éventuel à des interprètes – Sur la PASS , on est deux médecin s, il y a [ma collègue ] qui vient deux demi-journées par semaine . Et ensuite, moi, j'assure trois autres demi-journées de consultation. Le lundi après-midi, c'est sans rendez-vous et les autres jours, c'est sur rendezvous. C'est sur rendez-vous pourquoi? On a un biais, tous les patients qui viennent ici, ont une pathologie chronique lourde et lorsqu'ils ont des droits, on leur trouve un médecin généraliste. Or, on a conventionné avec l'association de gestion des centres de santé de la ville et certains médecins. Le problème, c'est que nos patients, ils ne viennent pas aux rendez-vous. C'est assez culturel parce que j'avais des patients albanais qui m'expliquaient qu'en Albanie, les rendez-vous, cela n'existe pas. Voilà, quand on veut voir l'hématologue et bien on va à la consultation d'hématologie et du moment où l'on paye, on voit l'hématologue spécialiste d'emblée, on n'a pas rendez-vous dans trois mois. Et du coup, le temps de la PASS, c'est aussi, parce qu'il faut à peu près trois-quatre mois voire plus pour avoir des droits, c'est aussi un temps d'apprentissage. Le rendez-vous permet aussi de prévoir, sur certaines consultations, l'interprète. Quand on vient sans rendez-vous, souvent, on appelle ISM. C'est très cher pour une PASS, c'est trente euros les 15 min. Ensuite, il y a des interprètes, je pense qu'ils parlent aussi bien que moi il n'y a pas le même niveau d'interprétariat. Et puis, parler avec un téléphone, il y a une certaine défiance. Donc, voilàl'interprétariat, c'est vrai que quand ils viennent avec la famille voilà Mais je ne laisse pas une fille annoncer à sa mère qu'elle a un cancer non voilà. Il y a des choses qui sont compliquées lorsque l'on va parle dépistage VIH, SIDA ou alors, ces gens qui sont en situation irrégulière, qui ont été déboutés de leurs demandes d'asile, il y a un certain nombre de travailleuses du sexe parce qu'il faut juste on fait comment pour manger avec trois enfants bah, il y a des solutions qui sont simples, qui sont connues depuis la nuit des temps. Voilà il ne faut pas non plus il faut aussi pouvoir poser la question : est-ce que l'on se protège, est-ce que l'on ne se protège pas Ensuite, des fois, un interprète, le fait que ce ne soit pas le même, c'est compliqué. Ensuite, on s'aperçoit aussi que c'est compliqué pour les interprètes de venir à l'hôpital, dans le cadre du soin parce qu'ils ont peur d'apprendre des mauvaises nouvelles et qu'ils ne sont pas formés pour ça. Des fois, mieux vaut que ce ne soit pas forcément le même mais en tout cas, prévoir la présence de quelqu'un. Donc, sur et en particulier, sur toutes les consultations que l'on organise à l'intérieur de l'hôpital mais que la PASS prend en charge financièrement, on ne fait jamais de consultations de spécialité sans interprète parce qu'il faut que la consultation, elle est un rendement. Donc, le rendez-vous, malgré le fait qu'il faut aussi pouvoir les recevoir sans rendez-vous, est important pour qu'ils puissent être compris dans ce qu'ils ont à dire. Voilà, ensuite, on parle anglais, allemand, russeMoi, non pas russe, mais ma collègue, elle parle russe Voilà, on essaye aussi de faire avec les interprètes qui travaillent à l'intérieur de l'hôpital et puis, sur On s'est organis sur plein de choses par rapport aux médicaments. On a fait des plans de prise dans vingt langues différentes pour essayer d'expliquer. On remet en français pour la pharmacie et dans les différentes langues pour les patients. Voilà l'interprétariat n'est pas toujours possible mais globalement, on passe souvent par une langue intermédiaireMais, quand il y a besoin, lors de la première consultation, lorsque l'on décèle qu'il y a des problématiques médicales, on appelle pour que ce soit clair, les allergies, les antécédents, les papiers et cetera. Donc, oui, on en a beaucoup besoin et si c'était moins cher, on l'utiliserait encore plus. Et le problème de travailler dans les PASS, c'est toujours de gérer un budget qui est limité. L'hôpital n'est pas très philanthrope donc on n'a pas plus voilà. Du coup, on dit : est-ce que je vais payer pour de l'interprétariat ou pour une IRM ou une séance de voilà. On essaye d'équilibrer les choses mais les rendez-vous nous permettent d'avoir un interprétariat qui est moins cher. On passe par [une association] même si on n'a pas toutes les langues. [Dans d'autres villes], ils sont mieux dotés. – Quel est le parcours des « migrants avec un parcours de demande d'asile », enfin ceux que vous recevez ici? Qui vous les adressent? 178 – Quand ils font leurs demandes d'asile à l'OFII, on leur remet un papier : pour les problématiques médicales, vous pouvez voir Et le biais est, c'est qu'ils demandent un logement et on leur demande s'ils ont une problématique médicale parce que s'ils ont une problématique médicale, il faut faire remplir le certificat. Donc, voilaAlors, on a aussi des gens qui viennent purement pour se faire soigner, qui arrivent avec un cancer, ils vont faire la demande d'asile parce que lorsqu'on demande l'asile, c'est la Puma et la complémentaire alors que lorsque l'on est en situation irrégulière, il faut trois mois de présence sur le territoire. On peut avoir les soins urgents et l'AME, mais ce n'est pas tout à fait la même chose Donc, le parcours, généralement, la plupart des gens qui ont des problématiques médicales, cela fait moins de 5 jours qu'ils sont là, ils ne sont même pas enregistrés lorsqu'ils arrivent à la PASS. C'est beaucoup par le bouche-à-oreille même pour les demandeurs d'asile lorsqu'ils ont de vraies problématiques médica les. Et autrement, ils sont adressés c'est ce papier qu'on leur donne qui leur a expliqué soit lorsqu'ils rencontrent un travailleur social et qu'ils expriment une problématique médicale, c'est [une association] ou la PADA qui nous les orientent. Mais, c'est essentiellement le bouche-à-oreille. – Tout à l'heure, vous disiez « on sent, on ressent » par rapport au post-trauma, qu'est-ce qui va vous orienter vers une pathologie post-traumatique? – Alors, dire que c'est post-traumatique ou pas, c'est compliqué. Mais on va voir la part psychique prendre beaucoup, beaucoup d'importance c'est-àdire les cauchemars l'envie de pleurer les gens quand ils sont un peu prostrés qu'ils ont peur lorsqu'on va les toucher. Donc, on les apprivoise et ensuite, on leur demande en sachant qu'on ne prescrit jamais de psychotropes jamais, aucun quel qu'il soit, même un somnifère quel qu'il soit parce qu'à partir du moment où on est en delà de ce qui est raisonnable, parce que c'est normal de ne pas dormir la nuit quand on dort dehors sans qu'il y ait voilà. Mais, quand on voit que cela commence à envahir tous les champs de la vie voilà quand on les voit un peu hagards que vraiment cela commence à poser problème, on les oriente. Après, c'est tout le problème de l'orientation. À partir du moment où ils une adresse en CADA ou ils sont hébergés, ce n'est plus la PASS psyvoilàet on leur dit, on les informe qu'il y a la PASS psy, sur ceux que l'on n'a pas orientés réellement, on leur dit : « ça, ça existe, vous êtes venus ici pour le rhume mais, on peut se sentir triste et pas bien et on peut aussi aller là-bas ». Mais, c'est compliqué, je trouve le parcours La prise en charge psychologique [ici] est compliquée en sachant que quand on a des demandeurs d'asile qui nous sont envoyés par [une association médicale militante de solidarité internationale], parce qu'ils sont allés en premier [là-bas], il y a une psychologue [dans cette association] et souvent, ils continuent le suivi avec la psychologue là-bas. C'est des fois plus simple. – Du coup, lorsque vous identifiez quelque chose plutôt psychique, éventuellement post-traumatique, vous essayer d'orienter mais cela ne fonctionne pas toujours? – C'est compliqué. À partir du moment où il ya une domiciliation, c'est le délai d'attente sur un CMP, d'a utant que c'est un délai d'attente sur un CMP lorsque c'est un médecin somaticien qui fait la demande et non un psychiatre. Moi, je pense que les choses passeraient plus facilement de psychiatre à psychiatre et que les délais d'attente seraient peutêtre moins longs. Après, contrairement à la psychiatrie, moi, je n'ai pas la sectorisation donc ensuite, il faut que je « brainstorm », que je regarde sur internet enfin voilà, c'est – Parce que, du coup, vous essayer de contacter les médecins de CMP – Ah oui. C'est pour ça que moi, dans un premier temps, il me semblait parce que l'on n'en oriente pas non plus 600, enfin, voilà vous pouvez y aller Certains, on sent que ça fait partie mais queIl y en a certains, on sent qu'ils vont s'en sortir. Ils ne sont pas abattus, ils sont dans une autre démarche. À partir du moment où ils sont dans des démarches, à faire des choses, à Quand on voit qu'ils sont complètement abattus, que cela envahit tous les champs de la vie, là, il y a besoin d'une prise en charge. Les autres, ils en auront besoin mais peutêtre une fois qu'ils auront fini leur qu'ils seront posés, installés. Il y en certains qui ne veulent pas Les populations africaines, le psychiatre, il fait un peu peur. Alors, moi, je leur dis souvent : « c'est juste un docteur avec qui on parle ». Parce des fois, il faut vraiment que l'on parle la même langue pour réussir à faire disparaître des bobos. Il ne faut pas parce qu'il y a la vision de la psychiatrie en Afrique. C'est quand même particulier, c'est des fous, ils sont attachés Du coup, quand on parle de psychiatre je commence par psychologue ensuite, « non, vous avez besoin d'un psychiatre parce que vous avez besoin de médicaments pour dormir et il n'y a que lui qui peut vous les prescrire ». – Vous trouvez des stratégies – Des stratégies La psychiatrie, ça fait peur – En France, aussi 179 – En France aussi mais eux, encore plus. Souvent, ils ont l'impression qu'on leur dit : « il faut voir le psychiatre » C'est pour ça que je leur dis : « je vous crois quand vous dites que vous avez mal, je n'ai pas trouvé quelque chose de grave aujourd'hui et quand il y a des blessures à l'intérieur de l'âme, cela peut faire encore plus mal, voilà, ce ne sera peut-être pas la solution mais si cela peut en enlever un peu ». Ce qui est compliqué, moi, j'aurais bien aimé que l'on travaille de front sur une même équipe parce que du coup, c'est : « ce n'est pas mon problème, c'est celui du voisin ». Et je trouve que déjà, dans le parcours migratoire, c'est un peu beaucoup ça : tu fais ta demande d'asile ici, tu vas en CADA là, tu passes ici, tu vas là Et que du coup, dans le soin, on reproduit la même chose alors que l'on pourrait être un peu plus souple. – D'accord – – Est-ce que cela vous ait arrivé de rencontrer des patients qui exprimaient des idées suicidaires? – Oui, des choses assez importantes. Je suis passée par les soit [les urgences psychiatriques] ici sur l'hôpital et certains ont été hospitalisés [dans une unité de post-urgences] soit moi, je travaille avec la médecine légale clinique et j'ai hospitalisé des gens sur des lits de médecine légale, parce qu'il y a un psychiatre. Par contre, il faut qu'ils aient des droits potentiels pour être hospitalisés ou, c'est des urgences et ça, c'est un autre truc Mais, autrement, on est arrivé, même, à programmer des hospitalisations pour poser les choses voilà. L'avantage, en particulier avec les populations africaines, le service, il est un peu bicéphale, il est somatique et psychiatrique. Et du coup, je ne vais pas enfermer parce qu'on n'est pas chez les fous – D'accord. – Du coup, pour tout dire, avant on avait [] un psychiatre, où on payait les consultations. On les faisait prendre en charge en médecine légale par [ce psychiatre] pour tout ce qui était les problématiques de stress post-traumatiques puisque pour [certains collègues psychiatres], ça n'existait pas à l'époque. À partir du moment où l'EMPP, où la PASS psy se sont installées, cela a été plus compliqué de faire entendre au niveau de la direction que l'on paye des consultations de psychiatrie alors que voilà. Je pense qu'il y en a beaucoup moins qui sont pris en charge parce qu'ici, ils en avaient rien à faire qu'ils soient domiciliés ou pas. Ils venaient à la PASS, cela voulait dire qu'ils n'avaient pas de couverture sociale, on payait les consultations et il les suivait. Et puis, [ce psychiatre] continuait à les suivre même après, c'est-à-dire qu'il y a des gens, cela fait dix ans qu'ils sont suivis par lui. C'était vachement plus confortable pour moi. – Et puis même pour eux, avoir la possibilité de voir la même personne qui peut les suivre longtemps. Dans ces pathologies-là, c'est quand même intéressant. – Oui. – D'accord. Du coup, tout à l'heure, vous parliez des relais sur le droit commun en cherchant des médecins généralistes, en cherchant à les orienter c'est facile pour vous ou c'est quand même compliqué d'effectuer le relais? – Alors c'est toujours de médecin à médecin que ça se passe donc je n'ai jamais de refus. Je ne passe pas par les secrétaires Mais du coup, cela me prend du temps de consultation systématiquement. J'appelle, je prends un rendez-vous, ils partent avec un rendez-vous chez le docteur. Ils savent qu'il sera médecin traitant, il n'y a pas besoin de demander et que voilàOn regarde quelqu'un qui est à côté de chez eux, là où ils sont, là où ils sont hébergés voilàdonc, je leur fais une ordonnance jusqu'à la date du rendez-vous avec le médecin. Mais, ils ont tout leurs dossiers avec eux, à transmettre. J'ai appelé devant eux, en mettant le haut-parleur. Même quand il y a la barrière de la langue, ils comprennent que je les adresse à quelqu'un et que c'est quelqu'un qui prend le relais. Alors, ensuite, il y a des docteurs qui parlent albanais, qui parlent russe et tout ça. Donc, il y a un petit biais de concentration sur certains. Voilàça prend du temps. – Ça prend du temps, mais ça se fait quand même – Ça prend du temps, ça se fait. Et puis, je trouve ça c'est-à-dire que quand les gens, ils sont déboutés, ils n'ont plus la CMU, enfin la Puma et la complémentaire, ils vont basculer sur le système de l'AME et puis, ils n'ont plus de titre de séjour. Ces médecins-là les ren voient directement avec leurs dossiers médicaux, avec ce qu'il s'est passé pendant le suivi C'est pour ça que ces patients-là, je ne les prends qu'avec leurs dossiers médicaux en disant : « bah voilà, vous allez chez le docteur, il faut qu'il sache que vous n'avez plus de droits » et ils donnent le dossier médical et on rebascule derrière. Donc, du coup, c'était pour que ils ont des parcours migratoires qui sont très longs, même en France. Il y a la demande d'asile alors maintenant, cela va un peu plus vite. Avant c'était très long puis, ensuite, on était débouté, on est en situation irrégulière. Pendant le recours, on n'avait pas de récépissé donc on passe sur l'AME. On passe sur l'AME donc du coup, le temps de délai d'instruction Et là, du coup, les médecins les renvoient directement. Il n'y a plus cette rupture de la prise en charge médicale. Donc, 180 c'est pour ça, ça prend beaucoup de temps mais au final, cela en prend moins. Après, pour nous, c'est plus dur. Mais voilà, après si la population continue d'augmenter, que l'on est très pressé par les rendezvous Par exemple, la consultation du lundi aprèsmidi, c'est la consultation sans rendez-vous. Quand il y a vingt personnes dans la salle d'attente, moi, je sais que je suis vachement moins disponible parce que je me dis : « il y en a d'autres derrière, ça se trouve c'est plus grave et je vais devoir piquer le bilan à 19h ou ». Voilà, la consultation sur rendezvous, c'est même s'ils arrivent en retard, ce n'est pas le problème. J'ai plus de temps, c'est plus fluide. J'ai du temps à consacrer déjà, les gens savent que je peux être très en retard parce que s'il y en a un qui ne va pas bien, on va passer le temps qui est nécessaire. Mais, je leur dis aussi que je passe le temps qu'il faut pour vous et si l'autre a besoin – D'accord – Au niveau des difficultés et des obstacles que vous rencontrez dans la prise en charge des « migrants avec un parcours de demande d'asile » et souffrant éventuellement d'état de stress posttraumatique, vous parliez de la question de la langue, est-ce que vous en voyez d'autres? – La langue et ensuite, l'identité qui un problème au niveau du soin c'est-à-dire que lorsque l'on fait la biopsie sous un certain nom et qu'il faut faire la chimio sous un autre nom, sous nos contrées, c'est compliqué au niveau des règles hospitalières d'identito-vigilanceça, c'est un souci. C'est un vrai souci. Ce n'est pas forcément les bons papiers au départ lorsqu'ils les ont enregistrés et quand on les prend en charge. Il y en d'autres qui sortent après donc il faut relier les deux. Ça, c'est un gros souci au niveau du soinparce que c'est des gens, encore une fois, c'est parce que j'ai un biais, c'est des gens qui viennent pour le soin. Ensuite, les obstacles, je pense que c'est des gens aussi où ce n'est pas facile en fonction du pays où ils viennent parce qu'ils étaient dans une attente qui n'est pas celle qu'il y a ici. C'était l'Eldorado et c'est beaucoup moins rose Et donc, certains sont plus ou moins agressifs et dans une certaine revendication à laquelle on ne peut pas grand-chose. Voilà et puis que dire bah je trouve que, voilà, ce que l'on a dit tout à l'heure, sur le parcours, quand on remet la visite médicale au même titre que le passage en préfecture, moi, ça me pose un problème. Je ne suis pas la Préfecture et par contre, et du coup, les gens, ils sont beaucoup plus méfiants au niveau de l'interrogatoire. Je leur dis : « mais c'est de l'interrogatoire médical, moi, j'en ai besoin pour savoir : qu'est-ce que vous avez eu comme pathologie, où vous avez été hospitalisé, par quel pays vous êtes passé ». Certains disent « j'ai une hématurie et machin ». Est-ce que vous avez la bilharziose mais voilà Mais, du coup, c'est vécu différemment avec parfois des discours stéréotypés : « je suis passé là, machin » mais moi, je ne veux pas le savoir en fait. Je veux juste en tant que docteur savoir. Pour moi, c'est ça, dans le parcours de la demande d'asile, il y a en particulier, la visite médicale et je trouve cela très particulier que cela soit intégré de la même façon. – Pas dissocié – Pas dissocié et voilà, je trouve compliqué que l'on nous ait demandé de faire des certificats d'hébergement. Pourquoi on va les faire pour certains et pas pour d'autres? Pour moi, ce n'est pas le rôle du médecin. Il y a une loi qui dit que l'on a tous droit à un hébergement, voilà. Ensuite, mon rôle, ce n'est pas qui est-ce que je vais prioriser, voilà La dernière fois, il y avait un nouveau-né de moins d'un mois à la rue, oui, j'ai fait le certificat mais voilà, est-ce que celui qui avait Voilà, cela me met dans des difficultés. Des fois, on leur en veut de nous mettre dans ces positions-là. Parce que je pense qu'aussi des fois, on ne renvoie pas quelque chose de très sympathique pour être honnête – Parce que vous vous retrouvez dans des situations – Qui sont violentes pour nous. Et puis, on leur en veut de se mettre dans ces situations-là, de enfin, voilà. Le parcours migratoire ensuite, globalement, il y a quelques années, il y a avait plus de « vrais » demandeurs d'asile, j'allais dire, c'est-àdire des gens qui avaient subi des tortures Moi, j'ai vu des gens amputés, avec des traces d'explosion, des traces de brûlures. Ceux qui arrivent maintenant, je pense que c'est plus de la migration économique que de voilà, ou alors ce n'est pas des gens qui sont demandeurs de soins et je ne les vois pas, ou alors qui viennent faire que de la bobologie et ils passent ailleurs. Moi, j'ai beaucoup soit des gens qui viennent pour le soin et qui rentrent dans le cadre de la migration économique Mais il y a pour autant tout un syndrome de stress posttraumatiques selon les conditions dans lesquelles on vit et par où ils sont passés pour arriver ici. Mais, ce n'est pas les mêmes, ce n'est pas les mêmes qu'il y a quelques années. Ensuite, il y a toute cette migration, Kosovo, Serbie, des pays de l'Est, où la population est très différente de celle que l'on avait accueillie, de la population que l'on avait l'habitude d'avoir, qui venait plus d'Afrique avec des populations qui sont plus chaleureuses aussi. On 181 était beaucoup plus dans l'empathie parce que les gens qui viennent des pays de l'Est, souvent, ils sont sur la réserve, assez ids. Dans certaines cultures, on parle un peu sèchement et on se sent quand même un peu agressé alors que pas du tout. Mais voilà, avec ces différences culturelles qui sont quand même très importantes. Le fait qu'en Albanie, il n'y a pas de rendez-vous par exemple et des fois, ils sont agressifs parce qu'ils n'ont pas compris le système du rendez-vous en France. Voilà, depuis que je le sais, j'explique que c'est différent mais c'est parce que c'est une interprète qui m'a expliqué qu'il n'y avait pas ça, donc que l'on pouvait se heurter à une incompréhension. Il nous manque aussi un peu de formation par rapport à voilà. Ensuite, sur les populations syriennes, globalement, moi, sur les populations syriennes, que j'ai vues arriver, c'étaient des gens plutôt très riches à la différence des Érythréens qui sont arrivés ces derniers temps. Voilà, jusque-là les populations syriennes et afghanes, elles étaient plutôt – Avec un certain niveau socio – D'un niveau culturel différent – D'accord Du coup, vous disiez les certificats médicaux, vous n'en faites pas – Non. – Et est-ce que travailler ici, cela a modifié des choses dans votre pratique? – Alors, oui, ça, c'est sûr parce que du coup, on fait très attention à ce qu'on coûte même pour le tout venant. On a la notion du coût de la santé, ce que l'on n'a pas forcément lorsque l'on travaille à l'hôpital. On prescrit, on fait mais bon, on réfléchit un peu plus. L'autre chose, c'est que, oui, on a développé ces plans de prise dans 18 langues parce que c'est important. On ne comprend pas tous la même chose. Voilà ça me demande d'aller sensibiliser mes collègues sur le fait qu'il existe un juste soin Il y a des choses, ce n'est pas forcément nécessaire de les faire tout de suite, on peut les faire après mais qu'il y a des choses qui sont nécessaires qu'il y ait des papiers ou pas de papiers. Oui, c'est, ça, oui, ça a modifié ma façon de voir les choses. Et puis aussi, comment dire, quand je vois mes patients de l'autre côté, « arrêtez de vous plaindre », se rendre compte aussi de la chance que l'on a. Je me rends compte aussi que l'on est en train de perdre notre système de santé, mais je pense que je m'en rends plus compte parce que je vois qu'au fur et à mesure, les choses, elles diminuent pour les populations migrantes et qu'à la fin du compte, les autres, cela va faire pareil. Sur cette politique de dépenses de santé, je pense que c'est très important que les autres puissent modifier leurs pratiques et réfléchir au juste soin. Parce que c'est ce qu'il va se passer, pour les migrants, là, ce qui se passe pour les gens qui sont en situation irrégulière où il y a un déremboursement maintenant de toutes les vignettes orange. Par exemple, [le psychiatre de la PASS], l'autre fois, me dit : « qu'est-ce qu'on fait ». J'ai reçu une lettre où il écrivait : « Monsieur doit payer ses médicaments ». Bah oui, mais c'est la loi et c'est la loi aussi pour ceux qui ont une mutuelle. Ils ne peuvent pas avoir plus de droits que ceux qui ont des droits en France. Donc, oui, c'est déremboursé pour les uns, c'est déremboursé pour les autres mais la PASS, elle ne le prendra pas en charge. Voilà, parce qu'autrement, il faut qu'elle prenne en charge toute la population. Mais, on ne s'en est pas aperçu de ça. – C'est arrivé – C'est arrivé, ça a commencé par arriver d'un côté puis de l'autre. Et puis, nous, on l'a vu arriver mais au bout du compte, la société ne l'a pas vu arriver. Donc voilà, maintenant, on a des patients qui ont des droits et qui disent : « il ne rembourse plus le Dexeryl, la titanoréine ». Bah, ouiJe pense que l'on a une vigilance qui est un peu plus importante sur ce qui au passage est dit pour les migrants et qui sera dit pour tout le monde après. Et je pense que c'est important que les gens se rendent compte que l'on a un super système de santé jusque-là et qu'il ne faut pas le perdre. Donc, il ne faut pas en abuser. Il faut faire attention à ce que l'on prescrit parce qu'il y a des choses, ce n'est pas forcément nécessaire. Et voilà Ensuite, du coup, nous, on a créé des réunions de concertations pluri-disciplinaires et pluri-professionnelles pour prendre de la distance aussi. Il y a certaines personnes qui nous sont plutôt antipathiques et je trouve que lorsqu'on est à deux, dans notre espèce de petit microcosme, voilà, des fois, on n est pas Il faut être juste. Déjà, pour être juste, il faut aussi pouvoir prendre du recul et que des fois, quand on est la tête dans le guidon et que l'on n'est que deux et qu'il faut que ça tourne, on n'est pas forcément très juste. Le fait de poser certaines situations et de prendre du recul à plusieurs, cela permet de prendre des décisions plus justes. C'est quelque chose que l'on a fait justement et qui a modifié les pratiques. – D'accord – D'après vous, quelles sont les compétences ou les qualités nécessaires pour prendre en charge les « migrants avec un parcours de demande d'asile » et qui auraient un état de stress post-traumatique ou qui souffriraient psychiquement? – Déjà, il faudrait les considérer comme les autres. Et c'est pour ça que ce n'est pas parce que l'on 182 médecin-PASS que l'on est sous-médecin, on fait de la médecine. Et ce que l'on ferait pour quelqu'un, il faut le faire pour un autre quels que soient les droits. Voilà Ensuite, je pense que ce qui faciliterait des fois, les choses, ce serait d'avoir des consultations en binôme avec le psychologue pour parce que voilà, il y a des Et comme ils ont à Marseille, avoir un interprète tout le temps présent mais qui fait partie de l'équipe. Et ça, ça doit être juste du bonheur. Ensuite, je pense que ce que vous, vous avez en soins psychiatriques et que nous, on n'a pas en soins somatiques, c'est la supervision. Parce qu'il y a des gens qui nous mettent dans des voilà. Et les unes et les autres, on est rentrées avec des gens à la maison parce que c'est compliqué de les avoir voilà. Il y a des choses qui ne sont pas très professionnelles que l'on a faites c'est-à-dire aller acheter des tentes en disant que ce n'était pas nous, chercher des poussettes ça nous met à mal. Je pense que lorsqu'on est mal, on est moins aptes au bout d'un moment à écouter la souffrance de l'autre et on ne l'entend pas, parce que l'on n'a plus envie de l'entendre aussi Voilà, je pense que pour accueillir ce genre de population, il faudra it que l'on puisse évacuer aussi je crois que la politique des supervisions ne serait pas mal Nous, on a créé la RCP pour prendre de la distance, pour partager à plusieurs. Je pense que c'est important de partager à plusieurs parce que les équipes qui reçoivent ces migrants et ces gens qui sont dans des états de stress post-traumatiques, c'est souvent des toutes petites équipes qui portent sur leur dos beaucoup de choses. Et puis, il y a des solutions qui sont l'accès à la psychiatrie en ville, en ambulatoire, c'est très compliqué et très onéreux. Parce qu'on sait, on a tout un tas de discours en disant que c'est bien de payer, parce que ça montre qu'il y a un travail, un effort. Je pense que l'effort, les gens, ils l'ont déjà fourni. Voilà. – Est-ce que vous pensez qu'une formation un peu spécifique dans certains domaines peut être intéressante? – Oui, je pense déjà l'interprétariat dans le soin, déjà, forcément avec Il faut que ce soit des choses qui soient faites avec des interprètes, des psychologues et des médecins, parce que l'on n'interprète pas tous, enfin les psychologues, les psychiatres, on n'entend pas tous la même chose, on n'interprète pas tous de la même façon. Et puis, il y a des mots qu'il ne faut pas transformer parce qu'ils ont une vraie, une signification aussi bien médicale que psychiatrique. Et puis, ensuite, je pense qu'il y a aussi cette formation, en tout cas pour moi, somaticienne, de la médecine comme elle existe ailleurs. Moi, cela m'a permis de comprendre pourquoi on n'aimait pas attendre le rendez-vous dans trois mois parce que cela n'existait pas ailleurs. Il faudrait pouvoir avoir une formation sur le système de santé dans les différents pays pour aussi comprendre la démarche des gens et leurs demandes, leurs attentes et leur expliquer que c'est peut-être différent chez nous. Ce qui évite de l'incompréhension à rajouter par-dessus des gens qui ont déjà une souffrance psychique, que ce soit économique ou politique. Je pense que c'est dur de quitter son pays, c'est dur de mourir loin de chez soi. Parce qu'il y a quand même parmi les gens que je reçois, il y a des gens, voilà, le petit garçon, il va mourir. Ensuite, aller dire comment la mort, elle se parle dans les différents pays sûrement, c'est compliqué. Et puis, de dire qu'il meurt, on fait quoi, on le laisse en France, on le rapatrie Il y a des choses, c'est quand même super difficile à aborder parce que voilà Ensuite, il y a des gens que j'ai vu, qui ont demandé l'asile et qui me disait : « j'ai demandé l'asile, mais j'ai laissé tous mes morts làbas, comment je vais faire pour aller voir mon père, ma mère ». C'est super difficile. Ça, ça sort d'un coup et pourtant, ça sort à la fin d'une consultation, au moment où on va orienter vers le médecin généraliste de ville. très difficile d'adresser un patient, il faut le faire rentrer dans une case. Quand ils n'ont pas de droit, c'est la case précarité et voilàen tout cas, précarité sociale. S'ils ont des droits, c'est peut-être autre chose, ils auront un médecin généraliste qui aura peut-être aussi des référents et des choses comme ça. Mais voilà, je trouve que c'est compliqué de ne pas savoir Et puis, voilà, quand ils sont hébergés chez des gens, ils ont un hébergement, mais il n'est pas forcément pérenne et on va l'envoyer sur le CMP. Voilà, c'est les choses qui me posent problème au quotidien. Je pense que l'on sous-oriente les personnes sur les difficultés d'attacheVoilà. – Quelles seraient vos suggestions pour améliorer la prise en charge de cette population c'est-à-dire des « migrants avec un parcours de demande d'asile » et souffrant d'état de stress posttraumatique? – Un petit lieu comme ça où on puisse adresser les gens facilement – Qu'il n'y ait pas de long délai d'attente – Oui, voilà, au moins un accueil, qu'on leur propose quelque chose à boire et puis, je pense qu'un psychiatre ou un psychologue, cela s'apprivoise, pour que l'on voit qu'ils ne sont pas méchants Moi, j'ai une patient SDF que je suis depuis 10 ans, elle n'a pas de parcours migratoire mais le traumatisme, il est là. Le [psychiatre], ça l'a : « je n'ai pas compris ce qu'il m'a dit ». Impossible de la ré-adresser. Je pense qu'il faut aussi avoir la variété des personnes, il est très très bien, ce n'est pas le problème Je pense que c'est comme dans le VIH, mes patients ne ressemblent pas à ceux de ma collègue. Parce que l'on est différent, parce que voilà et je pense que trouver sa psychologue ou son psychiatre, c'est pareil aussi. Il y a des gens qui nous correspondent plus voilà, lui, il ne parle pas, il parle, moi, je veux quelqu'un qui parle. Ça, c'est ce que l'on voit chez ceux qui parlent la langue ou qui commencent à la parler, où c'est compliqué. Et je trouve que d'envoyer sur le CMP, c'est très réducteur et pas forcément facile d'aller dans le truc étiqueté où il y a des fous qui viennent et puis, bon, moi, quoiil y a de tout, le mélange des genres et puis, je ne suis pas sûre que tout le monde ait la compétence de les recevoir parce qu'on est dans autre chose. Oui, je pense un lieu Pour les déboutés, les personnes en situation irrégulière, les demandes d'asile, il faudrait un lieu particulier. – Merci beaucoup en tout cas – Est-ce qu'il y aurait un point que l'on n'aurait pas abordé et qui vous semblerait important? – Non, voilà, ce que l'on a déjà dit. Moi, je trouve En gras : grandes parties Cet entretien a été réalisé avec deux professionnelles d'une association prenant en charge un public un peu différent de la population étudiée mais ayant des points communs en termes de psychotrauma. De fait, cet entretien est le seul à ne pas être retranscrit dans sa totalité : des coupes ont eu lieu lorsque le dialogue s'éloignait trop du sujet initial et sont marquées par []. Contexte actuel – Depuis plusieurs années, on observe une augmentation importante du nombre de demandes d'asile en Europe. De son côté, la France s'est engagée à accueillir plus de 30 000 demandeurs d'asile en deux ans. Percevez-vous des effets de cette augmentation au niveau du nombre de demandes de prise en charge dans votre association? – Participant A : Pas en termes de demandes au sein [de l'association]. Après, c'est des familles qui arrivent. [Ici], on est concerné par la violence conjugale, pas tellement La question ici, c'est la violence conjugale, pas tellement l'immigration. – Participant B : Et non, nous, parmi les publics que nous recevons, on n'a pas eu de demandes de personnes migrantes ou plus du secteur de la Syrie. – Participant A : Cela dit, je crois qu ' ils sont dans des systèmes qui sont tellement fragiles, peut-être que s'ils déploient de la violence , je ne sais même pas si on serait alertée de ça . Alors, il y a des systèmes sociaux qui sont bien installés autour, pas des faits en tout cas, pas des faits notables. Il y a juste une femme, mais elle est installée ici depuis des années – Participant B : Non, avant les problèmes en Syrie donc cela n'a rien à voir. C'est une femme migrante venue avant, dans le cadre d'un regroupement familial, ça n'a rien à voir. – J'ai une question où il y a des chiffres repris d'études mais qui ont été faites dans des populations de réfugiés donc cela ne va pas forcément coller avec le public que vous recevez. J'ai des chiffres qui varient énormément d'une étude à l'autre du fait de l'hétérogénéité des études au niveau de la méthode et des échantillonnages. Cela va de 9% dans la revue systématique de Fazel en 2005 à 86% dans l'étude de Buhmann en 2014 au sein d'un échantillon de réfugiés pris en charge en psychiatrie ambulatoire. Qu'en pensez-vous par rapport aux femmes que vous voyez? – Participant A : Moi, je serais peut-être plus proche du 86 % que du 9 % quand même. Après, on n'est pas que dans la situation d'immigration, on est dans la situation de violence conjugale. Pour beaucoup, elles subissent de la violence quotidienne depuis des années. Et rien que cela explique que le taux de syndrome traumatique soit très élevé parce que c'est du quotidien et depuis des années. Après la question de la migration, elle vulnérabilise tellement la personne, qui se retrouve seule dans un pays étranger dont elle ne maîtrise même pas la langue, que c'est en soit un facteur de vulnérabilité qui est très fort et qui va accroître certainement l'effet de stress engendré par la situation conjugale dégradée. Il y a certainement une polyfactorialité qui explique que l'on ait des taux élevés de syndrome de stress traumatiques ici. Et on l'a chez les mamans, on l'a chez les enfants. Il y a des femmes avec qui on arrive à travailler et qui sortent rapidement de cette dimension-là. Il y en a d'autres qui ont un syndrome post-traumatique installé avec qui la prise en charge est beaucoup plus difficile, beaucoup plus difficile aussi parce qu'elles ont eu ce parcours mais aussi probablement parce que, d'une certaine façon, l'institution qui accompagne ces femmes reprodu it à son niveau la vulnérabilisation, la précarisation. C'est sûr qu'il y a des dispositifs et il y en a qui sont vraiment extraordinaires, car ils permettent d'aller vers des formations, de se réinstaller, sauf que c'est aussi des femmes qui sont confrontées à des changements d'hébergement, à changer dans l'urgence. Voilà, cette précarité-là, elle accroît aussi les états de stress traumatiques des femmes. Quand elles arrivent ici, elles ont leur passé, leur histoire sur la violence, et ça, déjà, cela explique les traumatismes, mais elles ont aussi tout ce qui va arriver et dans quoi elles n'arrivent pas à se projeter, car on leur a tellement répété que « de tout façon, elles finiront sous des ponts séparées de leurs enfants » qu'elles sont persuadées de la chose. Et finalement, l'institution par les difficultés, les paperasses, l'administratif, le logement social, les difficultés d'avoir un logement, tout ça, cela accroît et cela participe. C'est vraiment un ensemble qui va participer à installer un syndrome de stress posttraumatique. – Participant B : Plus la temporalité, je veux dire, entre le moment où tu déposes un dossier et le moment où il va être traité et les recours que tu vas pouvoir engager. Cela aussi, cela précarise 185 beaucoup. Cela vulnérabilise encore plus. Pour les femmes que l'on a vues arriver, certaines, elles arrivaient d'Afrique voire du Kosovo, c'est des femmes qui étaient déjà dans des situations où elles avaient vécu de la violence dans leurs pays d'origine. Donc, oui, il y a une sur-victimisation aussi qui est à l'oeuvre et qui est le fruit des mécanismes institutionnels. – Participant A : Donc oui, c'est haut. – Participant B : Oui – Participant A : On est loin des 9 %. En tout cas, quand elles arrivent ici, elles ont souvent – [] – Participant A : Le fait qu'elles soient seules ici participe beaucoup de ça. Cela installe les choses plus que ça ne les protège finalement. – Participant B : En définitive, ces femmes-là ne sont pas réfugiées, mais elles vivent une situation où c'est par le mari 'elles vont avoir leurs papiers et donc par leur agresseur. – Participant A : Le mari, il va aller à la Préfecture, au bout d'un an pour dire : « oui, elle reste » ou « non, elle ne reste pas, on n'est plus marié ». C'est faire reposer sur leurs épaules une insécurité qui est telle – Participant B : C'est à l'agresseur que l'on donne une forme de pouvoir – Participant A : Il y a des dispositifs qui permettent de contrôler la chose. Il y a des choses aussi très bien qui se font. Je crois qu'il ne faut pas attaquer d'emblée les choses. Mais la situation de violences conjugales fait qu'elles se retrouvent confrontées à plein d'obstacles après avoir quitté le mari et que ces obstacles-là pérennisent du trauma. – [] – Participant A : Donc, on n 'est pas complètement dans votre sujet, en fait. – Non, c'est ce que j'avais pensé – Participant A : Mais, c'est une branche de votre sujet, on n'est pas le tronc, mais on est sur les branches. – Ce n'est pas grave, j'arriverais probablement à en tirer quelque chose quand même. Je vais essayer d'adapter la suite au maximum. – – Pareil, j'ai repris la littérature et on retrouve souvent une association entre l'état de stress posttraumatique et des troubles dépressifs au niveau psychiatrique mais aussi à des somatisations avec des douleurs pour lesquelles on n'identifie pas de pathologie somatique. Est-ce que c'est des choses que vous observez ici? – Moi, je trouve que ce n'est pas flagrant sur les somatisations. Très souvent dans les violences conjugales, elles décrivent des douleurs qui se déplacent. C'est souvent lié à un effondrement, c'est plutôt des troubles fonctionnels. On n'a pas de grosses pathologies somatiques qui s'installent là. C'est plutôt de la douleur qui n'est pas mentalisée parce que très fatiguées, c'est plus ça. – Participant B : C'est plus un épuisement psychique et physique que l'on observe lorsqu'elles arrivent. – Participant A : Après, les addictions mais cela ne rentre pas dans le somatique quoique. – Après, cela peut rentrer dans les troubles psychiatriques plutôt – [] – Participant A : Après, ce n'est pas une évidence folle. Après, oui, elles ont so uvent des douleurs. Elles sont surtout très, très épuisées par ce qu'elles vivent. Et oui, des troubles dépressifs, oui. Après, il y en a qui ont des capacités à rebondir, à reconstruire derrière qui sont phénoménales. Et il y en a qui restent plus figées et qui rebrassent ça. Mais, moi, je trouve que pour l'essentiel, il y a quand même un énorme travail qui est fait et lorsqu'elles sortent, elles tiennent, elles tiennent droit. Après, c'est difficile ce qu'elles vivent, elles disent que c'est compliqué, mais elles ont un petit boulot, elles élèvent leurs enfants, elles sont allées au bout du processus judiciaire – Participant B : Enfin, bon, cela a été un parcours avant d'y arriver. Enfin, par rapport à la somatisation, moi, je dirais qu'elles ont tellement négligées leur santé par le contexte qui ne leur permettait pas d'accéder aux soins de santé, même les plus basiques, qu'il n'y a plus de préoccupations par rapport à ce niveau-là. – Participant A : C'est vrai. – Participant B : Quand tu creuses un peu, elles vont faire des bilans de santé S'il y a des choses, sur le plan gynéco, notamment parce que ça, elles ne sont pas allées voir le gynéco, il faut être clair, pendant plusieurs années, hormis si elles ont eu des enfants. Non, c'est peu exploré par elles, ce n'est pas un souci qu'elles ont. De toute façon, elles n'ont pas le souci d'elles-mêmes. Elles s'oublient pour la grande majorité parce qu'elles sont dans la survie d'une certaine manière aussi et quand on est épuisé, on ne prend pas soin de soi. Voilà. Mais, je pense qu'il y a beaucoup plus de troubles somatiques qui ne sont pas envisagés. On a beaucoup de femmes qui ont des troubles du comportement alimentaires, des dépressions, des suicides, des tentatives de suicide et cetera. Donc, bon – Participant A : Ce n'est pas tellement amené au premier plan. – Participant B : Jamais, la santé n'est pas leur préoccupation principale. Il y a tellement d'autres choses à gérer que finalement, la santé n'est pas 186 C'est à nous, professionnelles, finalement de mettre cette question-là un petit peu en avant, parce que c'est quand on s'occupe de soi aussi que l'on peut aller mieux. Il y a peut-être d'autres alternatives pour essayer se requinquer que d'attendre que le temps passe. État des lieux – J'avais une première question à laquelle vous avez déjà un peu répondu. C'est sur le fonctionnement de l'association Je ne sais pas s'il y a beaucoup de femmes ici qui ne parlent pas français et si oui, comment vous faites? – Participant A : Comment on fait, c'est problématique souvent. Les femmes, elles s'entraident entre elles. Il y en a qui parlent français et qui peuvent parler, voilà, qui peuvent parler les deux langues et qui nous permettent de faire la traduction. Après, c'est le système D. – Participant B : On a eu un petit peu toutes les langues. – Participant A : On parle anglais nous-mêmes – Participant B : Anglais, italien[]. On a une jeune fille maghrébine qui parle algérien et qui nous aide effectivement à la traduction. – [] – Participant A : Cela n'a jamais été un obstacle majeur. Pourtant, on doit entrer vraiment dans le détail sur le plan administratif, je pense il y a du boulot à faire. Mais, cela n'a jamais été un obstacle majeur parce que le système D fonctionne et les femmes entre elles, il y a une certaine solidarité. On le voit pour les gardes des petits : quand les unes ou les autres se remettent à bosser je ne sais pas moi, je n'ai pas l'impression. – Participant B : Non, cela n'a jamais été une entrave à notre pratiquePour votre première question sur le fonctionnement de l'association Nous, on est rattachés à [une maison relais pour des personnes très précarisées], là où l'on était tout à l'heure. Quand on a eu l'idée de créer ce dispositif, on s'est rattaché à cette association pour pouvoir apporter plus facilement et ne pas avoir à recréer. Donc, on est une seule et même association. []. Au niveau des financements, ce sont des financements multiples. On a pour projet d'accompagner les femmes et les enfants à se réinsérer concrètement. – [] – La question suivante est sur le parcours des femmes au sein de votre association. Qui est-ce qui vous les adressent? – Participant B : Nous, l'ensemble des femmes nous sont adressées par le 115. Donc, c'est le dispositif où il y a de l'hébergement d'urgence. Nous, dans nos places, on a 15 places qui sont financées par [], un financement spécifique qui fait que l'on ne peut pas recevoir de femmes qui ont des droits minor és. Et les 10 autres places sont ouvertes à tout public mais pas exclusivement aux femmes avec des droits minorés. Après, il faut quand même penser au fait qu'une femme qui arrive en situation administrative complexe ou à droit minorés, c'est une femme qui va rester probablement longtemps. – [] – Participant B : Quel sens cela a d'accueillir une femme avec ses enfants et au bout de trois mois de lui dire « sortez Madame ». Je n'ai qu'à me mettre à la place de l'agresseur, ce sera pareil. Donc, nous, on procède comme ça. On n'a pas l'intention de changer mais une difficulté qui en découle, c'est que cela engorge, cela embolise le service mais voilà, la vie est ainsi faite. – [] – Participant B : Après, ce qui est compliqué aussi avec les femmes en situation administrative complexe, c'est qu'en définitive, on est, nous aussi, bloqué dans l'accompagnement. Parce qu'en termes de démarches, une fois que l'on a engagé les choses, on attend. C'est pour ça que je parlais de cette temporalité qui est quand même assez vulnérabilisante aussi et qui nous met dans une situation de fragilité, en tant que professionnelle, parce que l'on n'a pas de réponse, on n'a pas de visibilité sur ce que va devenir la situation. Donc, voilà, je pense que c'est compliqué pour tout le monde. Je ne sais pas ce qu'il faut en penser, est-ce qu'il faut se dire « au moins pendant ce temps-là, elles sont là et c'est un moindre mal" ou "d'être fixé »? Cela dépend dans quel état d'esprit on est. Des fois, il y a des femmes qui disent : « j'aimerais bien que l'on me dise ce qui va advenir » parce que cela insécurise de ne pas avoir de visibilité sur ce qu'il va se passer d'autant plus qu'elles restent avec l'idée qu'il y a une épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes qui va leur dire « oui tu peux rester » ou « non ». – [] – Participant B : Ce qui nous fait des durées de séjour beaucoup plus longues – – Au niveau de ce qui est post-traumatique, qu'estce qui va vous orienter vers une pathologie posttraumatique chez ces femmes-là? – Participant A : Les femmes quand elles arrivent ici, certaines demand ent à me rencontrer. D'autres préfèrent ne pas me rencontrer. C'est dans la rencontre, c'est dans l'observation, c'est dans la description des symptômes. C'est ça qui nous amène à dire que des fois, elles en ont. C'est le temps 187 depuis lequel elles éprouvent ces symptômes-là aussi. C'est vraiment quelque chose qui est installé, si c'est quelque chose qui est réactionnel à la dernière scène de violence conjugale. Mais, en général, c'est quelque chose qui est installé depuis un certain temps ou qui éclot lorsqu'elles arrivent ici parce que ça y est, c'est la sécurité et elles peuvent se poser et là, elles sont un peu assaillies par des reviviscences. Voilà, c'est dans le travail avec elles, en fait. – Participant B : De manière un peu systématique, on tente de les orienter vers la psychologue parce que, dans la grande majorité des femmes exposées à de la violence conjugale, il y a un syndrome de stress post-traumatique. – Participant A : Il y a déjà une situation de rupture radicale dans leur vie : quitter le domicile, quitter tout ce qui entourait leurs vies Donc, déjà, ça voilà. – Participant B : Quand elles arrivent ici, elles sont envahies par la séparation, par ce qu'il s'est passé dans le couple, par la violence qui s'est installée autant sur le plan psychique que sur le plan physique, et l'emprise aussi. Cette emprise, elle vient aussi, en tout cas, elle vient conditionner effectivement le syndrome de stress posttraumatique. – [] – Du coup, tout à l'heure vous parliez de prise en charge globale de ces femmes, est-ce que vous faites quelque chose de plus spécifique par rapport au psychotrauma? – Participant A : Déjà, quand on parle de prise en charge globaleMoi, j'ai l'expérience [au sein d'une association d'aide aux victimes] où j'étais psychologue, où il y avait effectivement des juristes et où je voyais exclusivement les femmes sur cet aspect psy. C'était, en général, très erratique ces demandes : elles venaient puis, elles ne venaient plus, elles investissaient puis, elles n'investissaient plus. Très so uvent, elles n'investissaient pas parce que, je pense, qu'elles étaient absorbées par autre chose et qu'elles ne s'octroyaient pas le temps de travailler à ce niveau-là. Ici, la prise en charge globale, c'est que cette expérience-là, elle ne mène à rien en fait. Si on découpe les prises en charge, elles ne vont aller au bout nulle part alors qu'une prise en charge globale, à la limite il y a une unité de temps, une unité de lieu au niveau [de l'association]. La chose va être attaquée par tous les bouts et va aller jusqu'au bout. Après, on peut commenter que l'on soit dans les locaux et cetera C'est vrai que cela amène d'autres difficultés à d'autres égards. C'est vrai que le fait que l'on soit dans les appartements qui sont leurs espaces, enfin, bref, cela amène d'autres questions. Mais d'un autre côté, cela permet de traiter toutes les questions. Il y a la question du travail, la question du logement, la question des droits au niveau social, la question de l'éducation des enfants, la question de la santé, la question psychologique, la question du relogement, la question de l'avenir c'est-à-dire que tous ces aspects-là, ils sont questionnés, ils sont discutés La question des aspects judiciaires, tous ces aspectslà, ils sont traités [ici] et on ferme toutes les portes à ce niveau-là, de façon à ce qu'il n'y ait pas quelque chose qui traîne et qui viennent polluer et qui fasse que cela vienne faire écrouler tout le château une fois qu'elles sont sorties. Tous ces aspects-là, ils sont pris en compte. Et en fait, c'est de faire évoluer dans une même temporalité tous ces aspects-là et c'est ça qui apporte des résultats. Quand on dit résultat, on parle de non-retour au domicile conjugal. Alors, il y a des retours au domicile conjugal qui sont : « on s'aime à la folie et on va avoir d'autres enfants » mais il y a beaucoup de retours au domicile familial sur beaucoup d'associations qui sont : « finalement, là je vais dans un mur, je ne vois pas où je vais, je ne vois pas quelle est l'arrivée, je ne vois pas quel est le projet », « je ne peux pas me projeter dans quoique ce soit parce que dès qu'on parle d'un truc, au niveau-ci, on va travailler mais moi, j'ai ça qui me rattrape ». Et finalement, quand on aborde toutes les questions un même temps, qu'on les traite toutes et que l'on avance sur toutes ces questions, même si la question du travail, ce n'est pas tout de suite, on va prioriser mais cela fait partie du travail de réinsertion de la personne. Et ça effectivement, cela fonctionne. Elles quittent [la structure], elles auront une formation en poche ou un petit travail, elles ont un logement qui est plus pérenne. Elles ont, au niveau judiciaire, le procès est en cours. Au niveau du divorce, c'est fait ou c'est en cours et elles ont la garde des enfants. On a tout barricadé pour que cela puisse marcher. Mais, des fois, cela ne marche pas parce que ce n'était pas cette fois-là, parce qu'il appartient aux femmes victimes de violences conjugales de retourner au domicile, d'avoir plusieurs tentatives comme ça avant qu'elles n'en fassent une vraiment. Mais, ce qui garantit de meilleurs résultats, c'est ça. Et au niveau du parcours des migrants, des ponts peuvent être fait assez facilement, parce que si on travaille comme ça avec une population migrante, je pense qu'on y arrive. Le problème, il me semble, c'est que les migrants que l'on va envoyer, alors c'est très bien, que l'on va envoyer dans la Creuse pour 188 repeupler des villages où il n'y a personne, que des personnes âgées, où il n'y a pas de boulot Moi, je ne vois comment on va réussir à les insérer. Alors, OK, il y a des questions de places, de disponibilités, tout le monde ne peut pas aller dans les grandes villes sauf que le travail, c'est ce qui permet de s'intégrer, c'est ce qui permet aussi de vivre autre chose que ça, je crois que c'est très, très important. Il ne suffit pas de donner un toit et des pommes de terre à se mettre sous la dent, ça ne marche pas. En tout cas, pour les femmes victimes de violences conjugales, ça ne marche pas. Et je pense que l'on peut tout à fait faire un parallèle entre la violence conjugale c'est-à-dire une situation de précarité extrême à un moment donné et la migration qui est une situation de précarité extrême à un moment donné. Et c'est ça – Participant B : C'est-à-dire que l'on balise le parcours des victimes que l'on essaye de les accompagner au mieux, parce que le parcours des femmes victimes de violence, c'est le parcours de la combattante. On va leur demander d'aller voir le médecin, on va leur dire d'aller déposer plainte, on va leur dire d'aller voir un avocat, on va leur dire de s'occuper des enfants, on va leur dire d'aller en médecine légale et puis, il faut que vous inscriviez vos enfants au CMP et puis, Madame Et en fait, on va leur demander moult choses avec derrière le compagnon qui dit « si je t'attrape, je vais te tuer et cetera, je vais de reprendre les enfants », avec des menaces aussi. Donc, c'est impossible quand on est envahie à ce point-là psychiquement, quand on a plein de choses à engager, si on n'est pas soutenues un minimum, si on ne nous a pas étayée, si on n'a pas un peu balisé le parcours, c'est quand même éminemment compliqué de tenir ce parcours-là. Eh oui, on parlait des migrants, il faut que cela s'accompagne. Il faut une méthodologie d'intervention et d'action auquel cas Si on fait du saupoudrage, on peut Moi, je peux parler du saupoudrage parce que j'en ai fait [] On va où avec ça, qu'est-ce que l'on propose réellement. L'idée de créer [cette structure], c'était aussi, voilà, quitte à essayer de faire les choses, on va essayer de les faire bien, peut-être avec moins de personnes, mais ce que l'on aura fait sera peut-être beaucoup plus efficace dans ce cadre-là que dans un autre. – [] – Pour ces femmes qui arrivent à sortir, comme vous disiez qui « tiennent droit », est-ce que des fois il y a un suivi au niveau psychique qui se met en place en parallèle? – Participant A : Il y a des femmes qui demandent à commencer ici parce que, comme elles ont commencé ici, c'est compliqué pour elles, de se tourner vers quelqu'un enfin d'aller voir quelqu'un d'autre. En général, cela ne continue jamais très longtemps, quelques mois au maximum mais voilà effectivement, cela continue à ce niveau-là pour tout ce qui est social. Mais, en général, elles ont un logement pérenne. La garde des enfants, c'est bon. Le divorce, il est en cours, elles ont un avocat et cela continue. Soit elles ont une formation, soit un petit boulot, soit en recherche de boulot et quasiment, elles bossent. Quasiment, toutes, elles bossent. Elles n'ont pas travaillé de leurs vies et en fait, elles sortent toutes, soit en formation soit avec un petit boulot. Ce n'est pas des boulots très intéressants, mais de quoi gagner leurs vies, de quoi élever leurs enfants, de quoi payer leurs loyers et ça, c'est fondamental. – Participant B : Elles ont retrouvé de la dignité – Participant A : D'elles-mêmes. Ne serait-ce qu'avoir un petit boulot, c'est vraiment énorme. – Participant B : Et puis, en règle générale, nous, elles nous saisissent sur la question sociale ou juridique.
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Claire d'Assise (Sainte). Clara virgo (12 août). - Deux peintures la représentent. D'après l'une, elle tient une monstrance dans les mains (lat. 10555, fol. 303); d'après l'autre, elle est assise sous une treille, un livre ouvert sur les genoux, tandis qu'autour d'elle chante une mul.. titude d'oiseaux (lat. 9473, fol. 186 Vo). Claude (S.). Claudius ep. Bisont. (6 juin). - Le maître des Heures de Laval (lat. 920, fol. 302) a peint l'évêque de Besançon ressuscitant un enfant noyé; celui des Heures dites de Henri IV (lat. 1171, fol. 82) le montre rendant la vie à un mort. Ailleurs, c'est l'image banale du saint en costume d'archevêque, lisant ou bénissant. Cloud (S.). Clodoaldus conf. (7 sept.). - Les Heures de Louis XIV (lat. 9477, p. 235) repré­ sentent le saint en costume d'ermite, à genoux à l'entrée d'une cabane, les mains jointes au pied d'un crucifix. Je n'ai rencontré cette scène qu'une fois en tête de l'office des Communion d'un malade. morts du manuscrit latin 1366, fol. 87 V o (pl. LXXXVII). Le malade est assis sur son lit, les mains jointes; il va recevoir la sainte Hostie que lui présente un prêtre escorté de six jeunes gens dont l'un, tient un cierge allumé. Corneille (S.). Cornelius papa (14 sept.). - Deux peintures (lat. 1181, fol. 186 va et nouv. acq. lat., 688, fol. 116 Vo) représentent le saint debout, coiffé de la tiare à triple couronne; il tient dans une main une corne, l'instrument dont se servent les vachers (jeu de mots sur le nom du saint). Cortège funèbre. Exsequiae. - En tête de l'office des morts, on trouve parfois un convoi funèbre; quatre ou six religieux portent en terre un cercueil recouvert d'un drap mortuaire tantôt d'une couleur, tantôt d'une autre; une assistance nombreuse les accompagne (lat. 1415, 1417). Dans les Heures de Frédéric d'Aragon, ceux qui marchent en tête tiennent des cierges allumés (lat. 10532, p. 242). Côme et Damien (SS.). Cosmas et Damianus mart. (27 sept.). - Des quelques peintures con­ sacrées à ces deux saints, la plus belle est incontestablement celle des Grandes Heures d'Anne de Bretagne (lat. 9474, fol. 173 v o , pl. CXIX) : saint Côme debout, la tête coiffée du bonnet de docteur, élève un bocal à la hauteur de ses yeux; à côté de lui, saint Damien tient une boîte d'onguents. Dans les Heures dites de Henri IV (lat. 1171, fol. 81), saint Damien porte une trousse de chirurgien-barbier. Cour céleste. Caelum. Ce sujet, assez rare, a été traité avec une ampleur inaccoutumée dans les Heures de Laval (lat. 920). Il se développe en cinq tableaux qui décorent les litanies des saints: 1° le Christ et sa Mère entourés des anges, des patriarches et des prophètes (fol. 177 va pl. LXXVIII) ; 2° les Apôtres et les disciples (fol. 179) ; 3° les martyrs (fol. 180) ; 4° les confes'" seurs (fol. 181) ; 50 les saintes (fol. 182). Dans les autres manuscrits, les cinq tableaux sont grou­ pés en un seul. Couronnement d'épines (Le). - Voir ci-après: Jésus couronné d'épines. INTRODUCTION LVII Couronnement de la Vierge. Coronatio b. v. Mariae. - Ce sujet a été traité une centaine de fois et il mériterait une description plus détaillée que celle que nous pouvons donner ici. Dans les livres d'Heures du XIIIe et du XIVe siècle, la Vierge est assise à la droite du Christ; celui-ci dépose lui-même la couronne sur la tête de sa Mère (ms. lat. 757, fol. 238 v o, pl. XI). Au xv e siècle, apparaît une conception assez différente et qui va régner jusqu'à la Renaissance et même au delà; la Vierge n'est plus assise à côté de son Fils: elle se tient à genoux devant lui, la tête légèrement inclinée, les mains jointes ou croisées sur sa poitrine. Quant à la couronne, tantôt c'est le Christ qui la dépose comme précédemment; plus souvent, c'est un ange, parfois deux anges, qui la placent sur la tête de la Vierge, pendant que le Christ fait un geste de bénédiction. Vers le milieu du xv e siècle, et durant toute la période qui suit, le personnage assis sur le trône divin devient un vieillard à cheveux blancs; il porte la tiare à triple couronne, plus rarement la couronne à l'impériale; il tient un globe d'une main pendant que de l'autre il bénit la Vierge: c'est Dieu le Père et non plus Dieu le Fils. Il n'est pas toujours facile de distinguer les deux per­ sonnages. Le moyen le plus sûr d'interpréter les intentions du peintre est de comparer la scène du couronnement avec d'autres peintures du même manuscrit où les trois personnes divines - ou seulement l'une d'elles - jouent quelque rôle: la Trinité, le baptême du Christ, la créa­ tion, la crucifixion, etc. Une dizaine de livres d'Heures nous offrent une autre composition: celle du couronnement de la Vierge par la Trinité tout entière (ms. lat. 9473, fol. 64 v o , pl. LX) ; le Père et le Fils placent la couronne en même temps, et la colombe céleste plane entre les deux, les ailes éployées. Création du monde. Creatio mundi. - La représentation de l'œuvre des six jours est excep­ tionnelle (lat. 757, 920, 9471). Elle ne se rattache à aucun des éléments du recueil et donne l'im­ pression d'un hors-d' œuvre. Il faut en dire autant de la création de l'homme et de la femme dans les rares cas où eUe a été traitée en dehors des six jours. Croix (Invention de la sainte). Inventio sanctae Crucis (3 mai). - Cette scène n'a été repro­ duite que très rarement, notamment dans le livre d'Heures et missel franciscains (lat. 757, fol. 348, pl. XIII). Croix (Portement de la). Voir : Portement de la croix. Crucifixion. Crucifixio. - Le dénouement de la Passion est loin d'offrir l'ampleur et l'intérêt du même sujet traité dans les sacramentaires et les missels. Dans nos manuscrits, la crucifixion n'apparaît qu'au XIIIe siècle, et presque toujours en tête d'un office secondaire: les Heures de la Croix. De ce fait, elle perd beaucoup de son importance. La peinture qui orne l'office de la Vierge (lat. 757, fol. 75, pl. VIII) est une exception; de même celle qui se voit en tête de la Passion selon saint Jean dans les Grandes Heures de Rohan (ms. lat. 9471, fol. 27). Cyriaque (S.). Cyriacus conf. (29 sept.). - C'est sans doute l'anachorète de Palestine qui est représenté dans les Heures de Louis XIV (lat. 9477, p. 223) ; il est en costume d'ermite, à l'entrée d'une grotte, à genoux devant un crucifix; a"utour de lui grouillent des serpents. Daniel. Daniel propheta. - C'est l'épisode du prophète jeté dans la fosse aux lions qu'a retracé le maître des Heures de Henri II (ms. lat., 1429, fol. 87 Vo). Daniel (S.). Daniel Stylita (II déc.). - Je ne saurais dire avec certitude si c'est Daniel le Stylite qui est représenté dans les Heures de Louis XIV (lat. 9477, p. 214) en costume d'ermite, au· pied d'un monticule, à genoux et les mains jointes devant un crucifix. David. Les principaux épisodes de la vie du roi ont été retracés dans nos livres d'Heures. Pour plus de clarté, je suivrai l'ordre chronologique. - David sacré roi par Samuel: en-tête des psaumes de la pénitence du manuscrit latin 13293 (fol. 126 Vo) ; David se tient à genoux pendant que Samuel lui verse l'huile sur la tête. - David et Goliath. Le sujet a été traité une LVIII LIVRES D'HEURES vingtaine de fois. Le moment choisi est presque toujours celui où David vient de lancer la pierre au front du géant qui s'arrête, hébété, prêt à tomber; parfois aussi le vainqueur tranche la tête du Philistin, ou bien (lat. 9473, foL 76 v o, pl. LXI) il est acclamé par les Israélites. ­ David carillonnant : miniature des psautiers-livres d'Heures en-tête du psaume Exultate Deo. - David jouant de la harpe. Cette scène a été retracée une dizaine de fois, en particulier dans un livre d'Heures à l'usage de Rouen (lat. 1167, fol. 100) : remarquer un chien très bien campé qui écoute, les oreilles dressées. David et Abigaïl. Il s'agit ici de la femme de Naba! qui devint un jour l'épouse du roi (1 Sam. XXV, 3-44). Dans un livre d'Heures à l'usage de Rouen (lat. 10559, fol. 54 vo), elle est représentée à genoux devant David; celui-ci, à cheval, à la tête d'une troupe de soldats, la touche de sa baguette pour indiquer qu'il lui pardonne. - David et Bethsabée. Les amours coupables du roi ont inspiré un certain nombre de compositions déjà analysées. Voir: Bethsabée. David et Urie. Cette peinture sert d'en-tête assez souvent aux psaumes de la pénitence. L'infortuné soldat fléchit le genou et prend la lettre qui contient sa condamnation à mort. Le visage du roi est sombre; son regard évite celui de sa vietime (lat. 920, 1072, 10532, 13293, 13294). - David et le prophète Nathan. Une seule peinture retrace l'épisode du prophète venant reprocher au roi son adultère et son crime: c'est celle d'un livre d'Heures à l'usage de Rouen (lat. 1177, fol. 78). - David en prière. Sujet maintes fois traité David et l'ange du en tête des psaumes de la pénitence (ms. lat. 1166, fol. 75 v o, pl. CVIII). châtiment. Dans beaucoup de peintures représentant David en prière, un ange se détache en rouge sur le ciel bleu et tient une épée à la main (lat. 920, lI63, 1164, 1375, etc.). - David et le prophète Gad. Episode rarement retracé (lat. 13284, 13293, 18017). Pour punir l'orgueil du roi, à la suite du dénombrement de son peuple, Dieu lui envoie le prophète Gad et lui donne à choisir entre trois fléaux: la peste, la guerre et la famine personnifiées ici respectivement par un squelette grimaçant, un soldat armé de pied en cap et une vieille femme d'une extrême mai­ greur. Voir: JeanDécollation de saint Jean-Baptiste. Decollatio s. Iohannis Baptistae (29 août). Baptiste. Denis (S.). Dionysius ep. Rusticus et Eleu,therius mart. (9 oct.). - Une curieuse peinture des Heures de Laval (lat. 920, fol. 276) représente l'évêque entouré des saints Rustique et Eleuthère, célébrant la messe sur un autel surmonté d'un retable et garni de chaque côté de rideaux roses. Au milieu de l'autel: un calice découvert; à gauche le missel posé à plat sur la nappe; sur celle-ci, en lettres d'or les deux mots: Deus ignotus. Quelques manuscrits représentent son sup­ pliee, notamment les Heures de Charles VIII (lat. 1370, fol. 212 v o, pl. XCVIII). La plupart du temps, le saint isolé tient dans ses mains sa tête coiffée de la mitre. Descente de croix. - Le sujet a été traité une dizaine de fois, notamment dans les Heures de Laval (lat. 920, fol. I44 vo), dans celles de Liége (lat. 1077, fol. 12 vo), dans celles de Margue­ rite de Clisson (lat. 10528, fol. 230 VO), dans les Heures franciscaines (lat. 757, fol. 78) et dans celles de Frédéric d'Aragon (lat. 10532, p. 198). Dix mille martyrs. Decem millia martyres (22 juin). - Je n'ai rencontré que deux fois cet épisode célèbre, notamment dans les Grandes Heures d'Anne de Bretagne où les martyrs sont représentés les uns crucifiés, les autres empalés sur des pieus (lat. 9474, foL 177 v o, pl. CXX). Représenté six fois seulement. La plupart du Dominique (S.). Dominicus conf. (4 août). temps, il est debout en costume de dominicain et porte à la main la règle de l'ordre. Dans les Heures de Louis de Savoie (lat. 9473, fol. I73 VO), il tient un lys dans la main droite; autour de lui, six médaillons retracent les principaux épisodes de sa vie. Donatien et Rogatien (SS.). Donatianus et Rogatianus man. (24 mai). Les Heures de Pierre de Bretagne (lat. 1159, fol. 167 vo) représentent les deux martyrs debout, portant encore INTRODUCTION LIX enfoncé dans la nuque le glaive qui leur a donné la mort. On les retrouve dans les Heures d'Isa­ beau d'Écosse (lat. 1369, fol. 357). Dorothée (Sainte). Dorothea virg. et marte (6 févr.). - Il s'agit, je pense, de la martyre de Césa­ rée en Cappadoce. Dans l'unique miniature qui la représente (lat. 10533, fol. 136 VO), elle tient dans la main droite un livre fermé; dans la main gauche, elle porte un panier de fleurs où l'en­ fant Jésus plonge la main. Drogon ou Druon (S.). Drogo conf. (16 avr.). - Le saint ermite qui gardait les troupeaux à Sebourg, près de Valenciennes, est debout, un livre dans une main, une pierre dans l'autre (lat. 1181, fol. 183 VO) ; c'est la seule miniature que j'aie rencontrée. Dympne (Sainte). Dympna virg. et marte (15 mai). - La vierge du Brabant est debout; elle porte la couronne royale (elle était fille d'un roi d'Hibernie) et l'auréole d'or. Elle foule aux pieds un démon sur la poitrine duquel elle appuie la pointe d'une épée (lat. 14829, fol. 104 VO). Minia­ ture unique ainsi que celles des saints Elesban et Éleuthère qui suivent. Elesban (S.). Elesbaas rex (27 oct.). - Le roi d'Abyssinie, devenu moine basilien, est en costume d'ermite à genoux, dans une grotte, au pied d'un crucifix (lat. 9477, p. 226). Eleuthère (S.). Eleutherius ep. Tornac. (20 févr.). - L'évêque de Tournai est en costume d'évêque, et tient dans la main une église ou une chapelle (Heures à l'usage de Tournai, lat. 1364, fol. 219 v O). Élévation du calice. Elevatio caUcis. - Les Heures de Frédéric d'Aragon montrent le célé­ brant à genoux, élevant le calice un peu au-dessus de la tête; derrière lui, un clerc soulève la chasuble d'une main pendant que de l'autre il tient un cierge allumé Qat. 10532, p. 94, pl. CX). Élévation de l'hostie. Elevatio hostiae. - Livre d'Heures et missel franciscains (lat. 757, fol. 255 va, pl. XII). On trouve également cette scène liturgique dans le manuscrit latin 10527 (fol. 33 VO), dans les petites Heures du duc de Berry (lat. 18014, fol. 139 et 172) et dans un livre d'Heures à l'usage de Rome (lat. nouv. acq., 215, fol. 31 va). Élie (Prophète). Elias proPheta (20 juill.). - Divers épisodes de la vie du prophète ont inspiré nos artistes. Les Heures de Louis XIV (lat. 9477, p. 220) : vêtu de peaux de bêtes, dans un endroit sauvage, il est à genoux, les mains croisées sur la poitrine; derrière lui, se dresse une cabane de roseaux. Dans les Heures de Henri II (lat. 1429, fol. 65 va), il est ravitaillé par un ange dans le désert, puis enlevé au ciel sur un char de feu (fol 54, pl. CXXVII). Dans les Heures de Dinteville (lat. 10558, fol. 63 va), il se tient sur un rocher qui surplombe la troupe envoyée par Ochozias ; ailleurs, il couvre Élisée de son manteau (fol. 44, pl. CXXVI) Élisabeth (Sainte). Elisabeth vidua (19 nov.). Habituellement (lat. 1156, 1188, 105 28 , 10555, 13264), la sainte est debout; elle tient une ou plusieurs couronnes à la main ou sur sa tête; dans les Heures de Marguerite de Clisson (lat. 10528, fol. 308vO), elle est couronnée par un ange. Élisée (Le prophète). Eliseus propheta. - Heures de Henri II (lat. 1429, fol. 15 VO) ; c'est l'épisode de l'huile de la veuve (II Reg. IV, 1-7) et celui d'Élie couvrant le prophète de son man­ teau (pl. CXXVI). Éloi (S.). Eligius ep. Noviom. (Ier déc.) - Le patron des forgerons, des serruriers et des orfèvres n'est représenté que quatre fois. Dans les Heures de Louis de Savoie (lat. 9473, fol. 14), il est armé d'un marteau; sur la table qui est devant lui, un calice et une châsse. Dans un livre d'Heures à l'usage de Paris, il tient des pincettes à la main et pince le nez du diable qui était venu Je tenter sous la figure d'une jeune femme (lat. 92I, foL 246). Émerentienne (Sainte). Emerentiana virg. et marte (23 janv.). - Une miniature des Heures d'Isabeau d'Écosse représente la sainte le ventre ouvert et laissant voir ses entrailles (lat. I369, P·33 2 ). LX LIVRES D'HEURES Enfants (dans la fournaise). Tres pueri in fornace. - Cette peinture des Heures de Henri II (lat. 1429, fol. 49 vo) retrace la scène des trois enfants jetés dans la fournaise par Nabuchodo­ nosor. Enterrement. - Voir : inhumation. Éphrem (S.). - Le saint est en costume d'ermite, à l'entrée d'une forêt; il donne l'habit d'ermite à son compagnon (lat. 9477, p. 211). Épiphanie. EPiPhania Domini (6 janv.). - Le nombre des peintures et miniatures représen­ tant l'adoration des Mages dépasse la centaine. Je ne puis que résumer en quelques lignes l'ico­ nographie d'un sujet tant de fois reproduit du XIIIe au XVIe siècle. A l'origine, la scène est empreinte d'une noble simplicité; la Vierge tient sur ses genoux l'enfant Jésus vêtu d'une tunique longue; le premier Mage, genou en terre, présente son offrande pendant que l'enfant Jésus lève sa petite main pour le bénir et qu'un des autres Mages désigne l'étoile. Au XIVe et surtout au xv e siècle, la scène prend les allures et les proportions d'un spectacle. Notons quelques détails. Désormais, l'enfant Jésus est entièrement nu, ou tout au moins jusqu'à mi-corps; au lieu de lever la main pour bénir, il la plonge dans le ciboire ou dans le coffret rempli de pièces d'or que lui présente le Mage (lat. 1161, fol. 79, pl. XXIII et lat. 1173, fol. 22 v o, pl. XCIII) ; parfois il pose la main sur la tête de celui-ci (lat. 1174, 1801) ou lui caresse la barbe (lat. 1167, fol. 77). Quant au Mage, presque toujours, il présente le ciboire ou le coffret; parfois il baise la main de l'enfant Jésus (lat. 924, fol. 86) ou le genou (lat. 1174, 18015), ou les pieds (lat. 1158). Dans les Heures de Frédéric d'Aragon (lat. 10532, p. 146), l'enfant Jésus tient le sein de sa Mère, allusion possible à la jolie légende du moyen âge d'après laquelle le premier Mage apercevant la scène se serait écrié en entrant dans l'étable : (( Le roi boit! » Dès le XIIIe siècle, les Mages sont représentés à des âges différents: un vieillard, un homme d'âge mûr et un jeune homme. Vers la fin du xve siècle, il arrive souvent qu'un des rois est nègre; dans les Heures d'Éléonore d'Au­ triche, il porte même des anneaux aux oreilles (lat. 10533, fol. 44 Vo). Érasme (5.). Erasmus ep. et mart. (2 juin). - La scène du martyre a été reproduite dans les Heures d'Éléonore d'Autriche; c'est le seul exemple que je connaisse. Le saint, entièrement nu, mais coiffé de la mitre pour rappeler sa dignité épiscopale, est étendu sur une table pendant qu'un petit treuil actionné par deux bourreaux enroule ses intestins (lat. 10533, fol. 139 vo). Étienne (S.). StePhanus diac. et mart. (26 déc.). - Le diacre martyr est représenté une ving­ taine de fois; la plupart des miniatures le montrent debout, en costume de diacre, une pierre enfoncée dans le crâne, une palme ou le livre des évangiles à la main; quelques-unes retracent la scène de la lapidation (lat. 920, 921, 1156 A, 1159, etc.). Euphémie (Sainte). Euphem1:a virg. et mart. (16 sept.). - Une seule miniature représente la sainte tenant une palme à la main (fr. 13167, fol. 136). Eustache (S.). Eustachius et soc. mart. (20 sept.). Trois peintures ou miniatures repré­ sentent une apparition analogue à celle qui convertit saint Hubert: le saint, en costume de chas­ seur, est à genoux, les mains jointes, devant un cerf entre les bois duquel se dresse un crucifix (lat. 920, fol. 277 VO ; 921, fol. 227 ; 10528, fol. 299 va). Eutrope (S.). Eutropius ep. Sanct. (30 avr.). - Les cinq miniatures consacrées à l'apôtre de la Saintonge reproduisent la scène du martyre. Saint Eutrope en costume épiscopal reçoit le coup de hache qui va lui trancher la tête. Par exception, dans les Heures de Tournai, deux bourreaux lui scient le cou avec un instrument armé d'énormes dents (lat. 1364, fol. 223 vO). Famille (La sainte). Familia sancta. Sujet rarement traité. Signalons les belles pages des Grandes Heures d'Anne de Bretagne (lat. 9474, foL 159 VO et 222 vo) ; dans cette dernière, l'en­ fant Jésus apprend à lire. , INTRODUCTION LXI Félix de Valois (S.). Felix de Valois conf. (20 nov.). - Heures de Louis XIV (lat. 9477, p. 251). Miniature unique: le saint en costume d'ermite est assis à l'entrée d'une grotte; en face de lui débuche un cerf entre les bois duquel se dresse une croix rouge et bleue (lat. 9477, p. 251). Fiacre (S.). Fiacrius conf. (30 août). - Une dizaine de miniatures sont consacrées à ce saint. La plupart du temps, il est représenté en costume de moine, debout dans un verger, une bêche à la main. Cet outil, qui était autrefois l'attribut caractéristique de ces grands défricheurs que furent les moines d'Occident, a fait désigner le saint ermite comme patron des jardiniers. Un livre d'Heures bretonnes (lat. 18026, fol. 130) a reproduit l'épisode d'accusation de sorcellerie. Flagellation. - Cette scène de la Passion a été représentée une dizaine de fois du XIIIe au XVIe siècle. Elle se trouve presque toujours en tête de Tierce de l'office de la Croix ou de celui de la Passion (lat. 923, fol. 14). Florent (S.). Florentius ep. Argent. (7 nov.). ~ Miniature unique (lat. 9477, p. 246). L'évêque de Strasbourg est en costume d'ermite, entouré d'animaux sauvages qui l'écoutent attenti­ .vement. François (S.). Franciscus Assisiensis (4 oct.). - Une dizaine de miniatures lui sont consacrées. La plupart reproduisent la scène des stigmates; quelques-unes, notamment celle du psautier et livre d'Heures à l'usage de Liége (lat. 1077, fol. 16 et 221 v O), le montrent parlant aux oiseaux. François de Paule (S.). Franciscus de Paula conf. (2 avr.). - Le saint homme de Calabre est à genoux dans la grotte où il s'était retiré à l'âge de dix-neuf ans (Heures de Louis XIV: lat. 9477, p. 239)· C'est la seule miniature que j'aie rencontrée. Fuite en Égypte (La). - Ce sujet a été traité une centaine de fois dans les livres d'Heures où il orne presque toujours les Vêpres de la Vierge. Réduite à ses éléments essentiels, la scène se compose de la Vierge assise sur un âne et portant dans ses bras l'enfant Jésus; saint Joseph marche à côté du groupe en tenant l'âne par la bride et en s'appuyant sur un bâton (lat. 1073 A, fol. 8, pl. IV). C'est la formule que les peintres des livres d'Heures ont répétée jusqu'à l'épui... sement pendant trois siècles en l'agrémentant de détails savoureux et pittoresques. Dans les plus anciens manuscrits, l'enfant Jésus porte une tunique longue; le plus souvent, à partir du XIVe siècle, il est emmailloté; parfois il entoure sa Mère de ses petits bras (lat. 1156 A, 1408, 13262) ; dans les Heures à l'usage de Troyes (lat. 924), il tient la bride de l'âne; aiIIeurs (lat. 1378) il tient la bride d'une main et caresse l'animal de l'autre. Dans quelques manuscrits, la Vierge donne le sein à l'enfant Jésus (lat. 1158, 1174, 1176, pl. LXIX) ; parfois elle tient la bride de l'âne (lat. 1414); dans un livre d'Heures à l'usage de Bourges (lat. 1427), eIIe marche à côté de l'animal, la main appuyée sur la selle pour empêcher celle-ci de tourner. Quant. à saint Joseph, dans beaucoup de manuscrits, tout en tenant l'âne par la bride, il porte sur l'épaule un bâton auquel est suspendu un vêtement ou un morceau d'étoffe, parfois un bissac, un panier de pro­ visions ou un barillet; dans les Heures dites de Louis XVIII (lat. 10539) il porte une poële à longue queue; dans un livre d'Heures à l'usage de Paris (lat. 1182), sa hache de charpentier; dans les Heures à l'usage de Troyes (lat. 924), il tient une branche effeuillée dont il frappe l'âne qui refuse d'avancer. Dans les Heures de Marie d'Écosse (lat. 1390), saint Joseph a déposé à terre le bâton et le bissac et met tranquillement une de ses chaussures; dans un autre livre d'Heures exécuté en Flandre (lat. I3264), il porte le barillet à ses lèvres et se rafraîchit. Dans plusieurs manuscrits, on aperçoit derrière la Vierge une servante qui tient à la main (ou porte sur la tête) un panier de provisions. Parfois des anges accompagnent la sainte Famille; tantôt ils la précèdent, le plus souvent ils la suivent les mains jointes. Dans beaucoup de miniatures, des idoles se renversent sur le passage de l'enfant Jésus; dans deux manuscrits (lat. I374 et 1375) le palmier dattier incline ses branches pour permettre aux voyageurs de cueillir les fruits. , tXII LIVRES D'HEURES Dans beaucoup de livres d'Heures, les soldats d'Hérode apparaissent au fond du tableau; ils interrogent un laboureur occupé à semer du blé. Pensant que celui-ci leur parle, les grains qu'il vient de jeter en terre ont germé et poussé en un clin d'œil, dérobant ainsi la sainte Famille à ses ennemis: c'est le miracle du champ de blé (lat. 1176, fol. 83, pl. LXIX). Gabriel archangelus. - L'archange Gabriel est représenté isolément dans deux miniatures; il tient à la main un sceptre ou un bâton fleuronné (lat. 9474 et 10555). Gemme (Sainte). Gemma virg. et mart. (20 juin). - Je n'ai rencontré qu'une miniature de cette sainte (lat. 18017, fol. 152 VO) : elle est debout, vêtue d'un surcot, elle porte une couronne sur la tête; elle tient un livre d'une main et une palme de l'autre. Geneviève (Sainte). Genovefa virg. (3 janv.). La patronne de Paris n'est représentée qu'une dizaine de fois. Le plus souvent, elle est debout, les cheveux flottants sur les épaules; d'une main elle tient un livre ouvert, de l'autre un cierge allumé; un affreux démon armé d'un soufflet s'efforce d'éteindre le cierge qu'un ange rallume aussitôt (lat. 1171, fol. 90 vo, pl. CXXII). Georges (S.). Georgius mart. (23 avr.). - Une dizaine de fois le patron de l'Angleterre et de l'Ordre teutonique, et aussi des archers et des cavaliers, apparaît terrassant le dragon et délivrant la fille du roi de Lydie (lat. 920, fol. 279). Germain (S.). Germanus ep. Autis. (31 juill.). - Germanus ep. Paris (28 mai). Ces deux saints ont été souvent confondus et leur iconographie est assez banale : un personnage épisco­ pal bénissant d'une main et appuyant l'autre sur sa crosse. Gertrude (Sainte). Gertrudis virg. (17 mars). - Deux miniatures seulement (lat. 1181 et 9473) sont consacrées à l'abbesse de Nivelles; elle est représentée debout en costume d'abbesse; un ou plusieurs rats grimpent le long de sa robe: allusion à l'eau miraculeuse de la crypte de Nivelles dont on arrosait les champs infestés de campagnols et autres rongeurs. Gilles (S.). lEgidius abb. (1 er sept.). La légende du saint ermite et de la biche blessée qui vient se réfugier près de lui a été retracée un petit nombre de fois, notamment dans les Heures de Pierre de Bretagne (lat. 1159, fol. 163 Vo) ; ailleurs, on le représente en costume d'abbé, un livre à la main. Godelive (ou Godeleine). Godeleva mart. (6 juill.). - Une miniature d'un livre d'Heures à l'usage de Thérouanne (lat. 1194, fol. 64 Vo) retrace la scène du martyre : deux bourreaux étranglent la sainte au moyen d'une bande d'étoffe. Grégoire (S.). Gregorius papa (12 mars). - Le miracle de la messe de saint Grégoire sera traité plus loin au mot: messe. Rarement le saint est représenté isolément. Signalons la minia­ ture des Grandes Heures du duc de Berry (lat. 919, fol. 100), où il dicte à un scribe pendant que la colombe céleste s'approche de son oreille. Guillaume (S.). Guillelmus, mon. Gellonensis (28 mai). - Heures de Louis XIV (lat. 9477, p. 238). Le duc d'Aquitaine, habillé en guerrier, est à genoux au pied d'un ermite qui lui donne des conseils. Guillaume (S.). Guillelmus ep. Bitur. (10 janv.). - Une miniature d'un livre d'Heures à l'usage de Bourges (lat. 1427, fol. 198) représente l'évêque assis et bénissant de la main droite. Hélène (Sainte). Helena imperatrix (18 août).- En dehors de la peinture de l'Invention de la sainte Croix, la sainte ne se rencontre isolément que deux fois (lat. I3299 et (474) ; dans ce dernier manuscrit, elle est debout, la couronne sur la tête; elle porte un manteau doublé d'her­ mine et appuie la main gauche sur une croix. Hilaire (S.). Hilarius ep. Pictav. (I3 janv.). - Une miniature d'un livre d'Heures à l'usage de Paris représente le saint en costume épiscopal: composition des plus banales (lat. 921, fol. 242 Vo). INTRODUCTION LXIII Hilarion (S.). Hilarion conf. (21 oct.). - Heures de Louis XIV (lat. 9477, p. 224). Le grand solitaire est en costume d'ermite, à l'entrée d'une grotte; à côté de lui se tient un ange dont il embrasse les genoux comme pour l'empêcher de s'éloigner. Hubert (S.). Hubertus ep. Leod. (3 nov.). - Des cinq miniatures consacrées à l'évêque de Liége, trois retracent la scène de l'apparition du cerf miraculeux (lat. 920, 1181, 9474) ; dans une autre, il est debout, un cor dans une main et une croix dans l'autre (lat. nouv. acq" 688); la cinquième le représente ayant à ses pieds un jeune homme qu'un chien mord à la jambe (lat. 921, fol. 245 v.) Ignace de Loy01a (S.). Ignatius conf. (31 juilL). - Heures de Louis XIV (lat. 9477, p. 253). Le saint est assis au bord de la mer, près d'une cabane couverte de roseaux; il tient dans la main gauche un bourdon de pèlerin; près de lui, un livre ouvert et un crâne. Inhumation. - Ce sujet est représenté une quarantaine de fois, soit à l'intérieur d'une église, le plus souvent dans un cimetière. Presque toujours le mort est enveloppé dans un lin­ ceul cousu; un ou deux hommes le descendent dans la tombe pendant que l'officiant l'asperge d'eau bénite; le cercueil de bois n'apparaît que très rarement (lat. 13291 et 18023). Innocents (Saints). Innocentes mari. (28 déc.). - Le massacre des saints Innocents a été reproduit une vingtaine de fois presque toujours sans grand relief; plusieurs fois la scène de carnage se déroule sous les yeux d'Hérode (lat. nouv. acq. 560, fol. 53 VO). Invention de la sainte Croix. - Voir : Croix. Isaac (S.). - Il s'agit ici d'Isaac le solitaire; on le voit dans les Heures de Louis XIV (lat. 9477, p. 215) en costume d'ermite, près d'une hutte grossièrement construite, à genoux devant un crucifix, les mains croisées sur la poitrine. Jacob. - Deux remarquables peintures des Heures de Dinteville (lat. 10558) représentent, l'une, le songe de Jacob (fol. 28, pl. CXXV), l'autre sa lutte avec l'ange (fol. 37 vo). Jacques (S.). 1acobus apost. (25 juill.). - Presque toujours le saint est en costume de pèlerin, le chapeau orné de la coquille, le bourdon à la main et l'aumônière au côté. Le maître des Heures de Laval (lat. 920, fol. 268) a peint son martyre. Un livre d'Heures d'origine espagnole (lat. 10565, fol. 20 vo) le montre passant au galop de son cheval sur un groupe de ~Maures tués ou blessés. Jacques (S.). Iacobus conf. (28 janv.). - Il s'agit ici de l'ermite de Palestine; les Heures de Louis XIV le montrent à l'entrée d'un monument funéraire, rassemblant des crânes et des ossements (lat. 9477, p. 24 2). Jean-Baptiste (S.). Iohannes Baptista (24 juin et 29 août). - Le précurseur est presque tou­ jours vêtu d'une peau de bête; il est accompagné de l'agneau triomphateur et de la banderole portant les mots: « Ecce agnus Dei »; c'est la composition habituèlle, devenue banale à force d'être répétée. En huit tableaux d'une simplicité et d'une grâce exquises, d'une fraîcheur de coloris incomparable, le maître des Petites Heures du duc de Berry a retracé les principaux épisodes de la vie du précurseur. Ces compositions décorent les Heures de saint Jean-Baptiste, le patron du duc (lat. 18014, fol. 203 à 214). Elles se déroulent dans l'ordre suivant: 1° Zacha­ rie et l'ange dans le sanctuaire, ou l'annonce de la naissance du précurseur (Matines, pl. XVII) ; 2° la Visitation (Laudes) ; 30 la naissance de saint Jean-Baptiste (Prime, pl. XVIII) ; 4° saint Jean-Baptiste dans le désert (Tierce) ; 5° le baptême du Christ (Sexte, pl. XIX) ; 6° ,saint J ean­ Baptiste devant Hérode (None) ; 70 le festin d'Hérode (Vêpres) ; 80 la décollationr{Complies). Auprès de ces pages exquises les autres compositions paraissent ternes et insignifiantes. Signa.. Ions cependant une pittoresque Nativité du livre d'Heures et missel franciscains dans laquelle le petit saint Jean-Baptiste arrive au monde couvert de poils de la tête aux pieds (lat. 757, Livres d'Heures. - T. I. IX LXIV LIVRES n'HEURES fol. 330 va). Notons également une prédication dans le désert (lat. 1175, fol. 141 va) et surtout la présentation du chef de saint Jean-Baptiste (lat. 1159, fol. 161 V o, pl. XLVIII) et (lat. 9473, fol. 165 va). Dans cette dernière, au moment où Salomé apporte la tête sur un plat, Hérodiade appuie la pointe de son couteau sur le front du précurseur pendant que deux musiciens jouent du hautbois. Jean (S.), apôtre. Joannes ap. et ev. (27 déc.). - Sujet souvent traité. Le plus souvent, saint Jean écrit son évangile ou l'Apocalypse dans l'île de Patmos (lat. 924, fol. 17, pl. XXI) ; à côté de lui, son attribut caractéristique, l'aigle, portant comme lui l'auréole. Parfois, un démon pro­ fite de ce que le saint examine sa plume pour renverser l'écritoire (ms. lat. 9473, 10541, 10548). Quelques peintures retracent l'épisode de la coupe empoisonnée (lat. 757, fol. 282 vOet lat. 13304, fol. 13) ou l'immersion dans la chaudière d'huile bouillante (lat. 923, fol. 4 V o et lat. 10540, fol. 18). Enfin, le maître des Heures de Laval a peint l'apôtre descendant dans la tombe après avoir fait ses adieux à ses disciples (lat. 920, fol. 259 Vo). Jean Calybite (S.). Joannes Calybita (15 janv.). - Ce saint, comme les deux suivants, n'est représenté qu'une fois (lat 9477, p. 230) ; il est en costume d'ermite, à l'entrée d'une grotte, un livre à la main, à genoux devant un crucifix. Jean ermite (S.). Joannes conf. (27 mars). - Une curieuse miniature représente ce saint enfon­ çant un crucifix dans la gueule d'un énorme dragon (Heures de Louis XIV, lat. 9477, p. 241). Jean de Matha (S.). Johannes de Matha conf. (8 févr.). - Heures de Louis XIV, lat. 9477, p. 252. Le saint, vêtu d'une tunique et d'un manteau blanc, est à genoux devant un crucifix au pied duquel est appuyé Un livre ouvert. Jérôme (S.). Hieronymuspresb. conf. et Ecel. doet. (30 sept.). - Il est plusieurs fois représenté en costume cardinalice (bien qu'il n'ait jamais été cardinal) et occupé à écrire sur un pupitre ou sur ses genoux. Quelques peintures retracent l'épisode du lion blessé présentant sa patte dans laquelle est enfoncée une épine (lat. 1161, fol. 268, pl. XXVI). Une miniature du manuscrit latin 1188 (fol. 146 va) le peint à genoux devant un crucifix, se labourant la poitrine avec une pierre. Enfin, nous devons au maître des Heures de Laval le curieux tableau du songe de saint Jérôme. C'est l'épisode bien connu du saint qui se voit tout d'un coup transporté devant le tribunal de Dieu: « Qui es-tu? » - « Je suis chrétien. » « Tu mens, lui répond l'interrogateur, tu n'es pas chrétien: tu es cicéronien, car là où est ton trésor, là aussi est ton cœur.» Et immédia­ tement, une grêle de coups administrés par les anges s'abat sur les épaules du saint pour le punir de son attachement aux lettres païennes (lat. 920, fol. 308 v o, pl. LXXXII). Jérusalem (L'entrée à). Cette scène, rarement traitée, se rencontre, tantôt dans l'office de la Passion, tantôt en tête de la Passion selon saint Jean. Dans le livre d'Heures et missel franciscains (lat. 757, fol. 315), Jésus s'avance assis sur l'ânesse, suivi des disciples; des enfants montés dans les arbres jettent des rameaux pendant que deux adolescents étendent leurs man­ teaux sous les pattes de l'ânesse. Jessé (Arbre de). - Sujet rarement traité. Dans le psautier et livre d'Heures à l'usage de Liége (lat. 1077, fol. 8 Vo) le tronc de l'arbre est très court; la Vierge qui se tient au sommet pose les pieds sur Jessé endormi; à droite, David; à gauche, un autre roi. Dans un livre d'Heures à l'usage de Paris (lat. nouv. acq., 183, fol. 25), douze personnages se tiennent sur les branches de l'arbre; ils entourent la Vierge portant l'enfant Jésus dans ses bras. Jésus-Christ. Jesus Christus. Plusieurs épisodes de l'histoire évangélique ont déjà été ana­ lysés et décrits: Ascension, Baptême, Cana, Cène, Circoncision, Crucifixion, Descente de croix, Épiphanie, Famille (sainte), Flagellation, Fuite en Égypte, Jérusalem (l'entrée à). D'autres le seront aux articles suivants: Judas (le baiser de) et l'arrestation de Jésus, Lazare (la résurrec­ INTRODUCTION LXV tion de) i Limbes (la descente du Christ aux), Mise au tombeau, Nativité, Oliviers (l'agonie au jardin des), Pietà, Portement de la croix, Purification de la Vierge et présentation de l'enfant jésus au temple, Résurrection, Transfiguration, Trinité, Véronique (sainte) et la sainte Face, Vierge (la) et l'enfant Jésus, Vierge (la) allaitant l'enfant Jésus. Je me borne à décrire ici les compositions qui ne rentrent sous aucun de ces titres en suivant de préférence la chronologie de l'histoire évangélique. Jésus au mili~u des docteurs. - Cette scène n'a été reproduite que trois fois, notamment dans le psautier et livre d'Heures à l'usage de Liége (lat. I077, fol. IO vo) où l'on voit l'enfant Jésus assis sur une sorte de piédestal; il s'adresse à quatre docteurs coiffés de bonnets pointus au moment où la Vierge et saint Joseph entrent dans la salle. Jésus devant Caïphe. Sujet rarement traité. Le moment choisi est invariablement celui où le grand prêtre déchire ses vêtements (lat. 920, 923, II60 et I3295). Jésus devant Pilate. - Cette scène a été reproduite une vingtaine de fois en tête de Prime des Heures de la Croix ou de la Passion. Le Christ, pieds nus, les mains liées derrière le dos, est debout devant Pilate (lat. I4284, fol. 49, pl. VII). Celui-ci est assis sur un banc ou sur un siège à haut dossier; parfois, il tient une main de justice; dans plusieurs manuscrits, il se lave les mains (lat. II56 B, fol. I35, pl. XLVI). Jésus couronné d'épines. - Cet épisode a été quelquefois retracé, soit en tête de la Passion selon saint Jean, soit dans les Heures de la Croix. Jésus est assis au milieu d'une troupe de valets et de soldats, les mains attachées, un roseau dans la main droite; il porte une couronne d'épines que deux valets assujettissent à coups de bâtons. Jésus insulté par les soldats. - Cette scène brutale fait suite à la précédente. Le Christ est - assis, les yeux bandés et les mains liées. Dans les Grandes Heures et dans les Petites Heures du duc de Berry, le visage est couvert d'un morceau d'étoffe rouge (lat. 9I9, fol. 70; I80I4, fol. 82); des vaJets à la face bestiale l'accablent de coups et d'outrages. Jésus dépouillé de ses vêtements. - Dans les Grandes Heures du duc de Berry, cette minia­ ture vient en tête de Tierce de la Passion (lat. 9I9, fol. 70). La scène se passe sur le Calvaire où déjà se dressent les trois croix, celle du milieu dominant les autres. Un des bourreaux enlève la tunique du Christ, qui, de lui-même, retire ses bras des manches. Près de lui, la Vierge et les saintes Femmes se tiennent à genoux, accablées de douleur et d'épouvante. Au second plan, on aperçoit les torses nus des deux larrons qui s'avancent vers leurs gibets. Jésus étendu sur la croix. - Sujet rarement traité dans nos manuscrits. Entièrement dépouillé de ses vêtements, Jésus est assis sur la croix couchée à terre. Un soldat met les pieds du Sauveur en place pendant qu'un autre approche les clous et le marteau. Un troisième tient le Christ sous les épaules et va l'étendre sur la croix. Pendant ce temps, un des bourreaux creuse le trou où s'enfoncera l'instrument du supplice (Lat. 920, fol. I22 VO). Jésus cloué sur la croix. - Cette scène d'un réalisme brutal a été admirablement rendue par le maître inconnu des Heures franciscaines (lat. 757, fol. 72). Le moment choisi est celui où les soldats attachent les pieds à la croix couchée à terre. Les mains, déjà clouées, saignent abon­ damment ; le visage trahit une douleur intense, à peine contenue. Une corde a été passée autour des pieds; elle s'achève par une boucle fonnant un nœud coulant. Solidernent arc-bouté à l'ex­ trémité inférieure de la croix, un premier soldat tire de toutes ses forces sur la corde. Un second soldat, genou en terre, maintient dans la position verticale un énorme clou au-dessus des pieds. Un troisième, la main gauche posée à plat sur la cuisse du Christ comme sur un appui quel­ conque, lève un lourd marteau à double tête. A chaque coup, le sang jaillit, éclabousse les bour­ reaux et rougit la terre. Pendant ce temps, trois soldats assis sur le sol, tirent au sort la tunique sans couture; le centurion et les soldats conversent entre eux, parlant de choses et d'autres, indif­ LXVI LIVRES D'HEURES férents. Dans les Heures d'Antoine le Bon (lat. nouv. acq., 302, fol. 9), cette scène barbare s'ac­ compagne d'un épisode inattendu. Les bourreaux sont à l'œuvre; l'un d'eux enfonce un clou dans la main droite; un autre tire sur la main gauche pour maintenir les bras étendus; un troïf sième enfonce un clou dans un des pieds. Le quatrième bourreau se tient à l'écart, son marteau à la main: un enfant, son fils sans doute, bouleversé par le spectacle qu'il a sous les yeux, s'approche de lui et le supplie de ne pas continuer sa sinistre besogne. Jésus meurt sur la croix. - Dans les Heures d'Antoine le Bon, duc de Lorraine (lat. nouv. acq., 302, fol. 15 à 37), l'épisode final de la Passion se déroule en sept tableaux (le huitième a disparu) qui ornent les Heures de la Vierge: 1° « Pater, dimitte illis ... » ; 2° « Hodie, mecum eris in paradiso » ; 3° « Mulier, ecce filius tuus » ; 4° « Sitio » ; 5° « Consummatum est ») ; la peinture de None a disparu; 60 les soldats brisent les genoux des deux larrons; 70 le coup de lance du soldat. L'histoire des parents de la sainte Vierge Joachim (S.) et sainte Anne. Joachim et Anna. a été retracée en détails dans les Grandes Heures du duc de Berry où elle sert d'illustration à l'office de la Vierge. On y voit successivement le grand prêtre, en costume épiscopal, repousser roffrande de saint Joachim et de sainte Anne, puis, un peu plus loin, range annoncer aux deux époux la naissance de la Vierge. Une troisième peinture, souvent reproduite, nous fait assister à la rencontre de saint Joachim et de sainte Anne devant la Porte dorée. On retrouve les deux époux dans deux autres miniatures: la naissance de la Vierge et la Présentation au temple; mais leur rôle y est secondaire. Job. - C'est seulement au déclin du Xve siècle et au début du XVIe que Job nous apparaît. La plupart du temps, on le trouve en tête de l'office des morts; rarement il décore les psaumes pénitentiaux. La raison en est sans doute que les leçons de l'office des morts et une partie des répons sont empruntés au livre de Job. Presque toutes les peintures représentent l'homme de Dieu entièrement nu, assis sur son fumier, le corps couvert d'ulcères. Il reçoit la visite de sa femme et de ses amis; ceux-ci sont au nombre de deux ou de trois; parfois, des curieux se joignent à eux. Dans un livre d'Heures à l'usage de Rome (lat. 1404), au lieu de la femme et des amis, on voit s'avancer un jeune homme qui tient une jeune femme par la taille. Dans les Heures dites de Henri IV (lat. 1171, fol. 58 VO et 59), la femme de Job s'approche, précédée de trois musiciens qui jouent de la harpe, du luth et du hautbois; un intéressant livre d'Heures à l'usage de Rouen (lat. 1381, fol. 62) représente une scène analogue. Ailleurs (lat. 13301, fol. 113 VO), Satan frappe Job à coups de bâton. La vie et les malheurs du patriarche ont été retracés en détail dans les marges d'un curieux livre d'Heures à l'usage de Paris (lat. 1393, fol. 103 et suiv.). Jonas. Heures de Henri II (lat. 1429, fol. 8). Deux peintures sont consacrées au prophète en tête de]a Passion selon saint Jean; dans]a première, Jonas est précipité à la mer et englouti par la baleine; dans la seconde, il est rejeté sur le rivage. Joseph (19 mars). - Dans la plupart des scènes évangéliques, saint Joseph est représenté avec la Vierge et l'enfant Jésus. Très rares sont celles où il joue le principal rôle. A signaler cependant quelques miniatures où l'ange avertit saint Joseph de la conception miraculeuse de Marie (lat. 1174, 1376, 13265, 18026). Plus rares encore sont les peintures qui le représentent isolément : je ne connais guère que celle d'un livre d'Heures à l'usage de Rome (lat. 1188) où le saint tient un livre d'une main et un bâton fleuri de l'autre. Josse (S.). Iudocus conf. (13 déc.). - Latin 1364, fol. 217 ; le saint est en costume de pèlerin. Latin 9477, p. 248, il est en costume d'ermite, à genoux au bord de la mer, près d'une cabane, à quelques pas d'une source qui jaillit avec abondance. INTRODUCTION LXVII Josué. - Le maître des Heures de Dinteville a peint Josué ôtant sa chaussure (lat. 1429, fol. 28), puis priant (lat. 10558, fol. 18). Judas. - Le traître tient relativement peu de place dans la décoration des livres d'Heures. Les préliminaires de la trahison ont été retracés dans quelques rares manuscrits (lat. 919, 18026).
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• Moyens informatiques L'agence est équipée intégralement en matériel Apple, symbole de créativité. Le service Documentation compte six postes de travail, dont un en libre accès sur lequel les utilisateurs peuvent interroger les bases de données publicitaires. Il n'existe pas d'intranet global à l'agence, mais les développeurs ont créé pour chaque service un intranet personnalisé à partir de la même plateforme. Ces développements internes s'appuient sur de l'Open source : ils ont été élaborés à partir du langage de développement PHP, du langage de base de données MySQL et du serveur Apache. L'intranet documentaire, nommé "les Abeilles" et lancé en septembre 2005, est une base de données qui permet d'archiver les articles sélectionnés lors de la veille quotidienne en les classant selon 90 Knowledge Lists. Le but de cet outil de travail est double : dans un premier temps, il offre la possibilité de regrouper les articles de la revue de presse du jour pour les envoyer au même moment et créer ainsi un effet "rendez-vous" ; puis, il centralise les articles et études téléchargés afin de permettre aux documentalistes de les retrouver facilement lors des recherches. Cette base de données rentabilise donc efficacement l'activité de veille. Aujourd'hui, cet intranet n'est accessible qu'aux alistes : il ne fonctionne qu'en mode push, selon un système d'abonnement des utilisateurs aux Knowledge Lists qui les intéressent. La mise en ligne de cet outil est possible techniquement, mais nécessite d'une part certaines améliorations quant au moteur de recherche et d'autre part le développement d'une interface de front office. Enfin, d'un point de vue économique, la responsable du service cherche un moyen de monétiser un accès public à une telle base d'informations, afin de maintenir un certain contrôle sur la diffusion des articles, rentabiliser les coûts de droits d'auteur et éviter les risques d'abus. L'intranet gère ainsi la plupart des fonctions documentaires du service, excepté la partie bibliothéconomique. Celle-ci passe par le logiciel de bibliothèque Biblio-Tech, installé dans sa version 7.82 en 2001. Seul logiciel du département Documentation, il n'a jamais été mis à jour et est sous exploité. • Le service Documentation est financé de deux façons. En amont, la part du financement indirect s'élevait en 2006 à 83%, alors qu'en aval, le financement direct lié à la vente de prestations représentait 17% du budget global. En effet, le service traite les demandes de la plupart des agences du groupe Havas Advertising, mais seules celles émanant d'autres agences que BETC Euro RSCG sont facturées. La Documentation bénéficie d'une enveloppe budgétaire répartie entre les achats d'ouvrages, les abonnements aux revues gérés par la société de services Ebsco, la pige et les abonnements aux bases de données en ligne telles que Factiva, Datamonitor, Europresse, Pressedd, TNS Creative Explorer et Cannes Lions 28. Rattaché au directeur financier concernant le reporting* budgétaire, le service reste autonome quant aux orientations qu'il souhaite se donner. Toutefois, le budget documentaire n'inclut pas les développements informatiques : tout projet de ce type est donc à négocier avec le service Informatique. 1.2.2 Missions Service support de l'agence, la mission première de la Documentation est de répondre aux besoins des utilisateurs, salariés de BETC Euro RSCG et des autres agences du groupe, dans le but de leur faire gagner du temps. Contrairement à un centre de documentation qui n'a pour tâche que d'aider les usagers dans leurs recherches, un tel service a une réelle obligation de résultats et doit rendre des comptes régulièrement à sa hiérarchie. Le rôle de la Documentation est triple : tout d'abord, elle assure pouvoir trouver toutes les informations demandées en localisant les sources pertinentes ; elle constitue donc une garantie pour les utilisateurs d'obtenir ce dont ils ont besoin dans des délais rapides. Ensuite, elle guide les usagers dans leurs réflexions, notamment en leur ouvrant des pistes auxquelles ils n'auraient 29 pas pensé : la mise en place de ce dialogue est un gage de créativité pour une entreprise de ce type. Enfin, pour s'adapter au mieux à l'environnement publicitaire de l'agence, le service Documentation met à disposition des salariés une bibliothèque Art, c'est-à-dire un lieu de ressources pour la création constitué en majorité d'ouvrages de photographie et de graphisme. C'est ici qu'intervient le spécialiste Image, dont les principaux interlocuteurs sont les créatifs. Son rôle se divise en deux principales missions : d'une part, il leur propose des sources d'inspiration en repérant des références qui correspondent à la stratégie publicitaire ; d'autre part, il se charge de trouver l'image qui correspond à un besoin précis, laquelle sera retravaillée et incorporée dans la maquette présentée au client. Paradoxalement, le service Image s'est avéré utile également pour les commerciaux : le documentaliste spécialisé les guide lorsqu'ils cherchent à développer une idée de produit réclame un regard iconographique. Cette branche Image constitue ainsi la véritable valeur ajoutée du service Documentation. 1.2.3 Un positionnement ambigu Grâce à cette spécialisation, la Direction a tout de suite souhaité mettre le service en valeur, que ce soit par sa localisation au dernier étage de l'agence, entouré d'une terrasse et situé à proximité de la cafétéria, ou par l'agencement du fonds documentaire dans des meubles créés par le designer Konstantin Grcic, depuis exposés à l'Union Centrale des Arts Décoratifs. L'objectif est de rendre la Documentation attrayante, tout en l'insérant dans la culture de l'entreprise par son style et ses offres diversifiées. Il s'agit bien d'un service opérationnel, mais qui joue également en termes d'image : l'offre iconographique est un argument qui sert d'une part à recruter les créatifs et d'autre part à rassurer les clients. Néanmoins, la pertinence de la Documentation est sans cesse à démontrer dans un contexte publicitaire. En effet, face au manque de place dans l'agence, d'autres services ont été installés à cet étage, ce qui a considérablement limité la tranquillité et la quiétude du lieu ainsi que l'espace dédié aux utilisateurs. En outre, la Documentation est l'un des rares services de l'entreprise ayant pour fonction de mettre à disposition des informations ; les autres départements sont payés pour produire et ne considèrent l'information que d'un point de vue stratégique. Le partage de données est contraire aux pratiques professionnelles des publicitaires, qui fonctionnent selon une logique concurrentielle même au sein d'une agence ; en outre, l'incompatibilité entre des métiers très différents ne favorise pas la communication entre services. C'est la raison pour laquelle il n'existe pas d'intranet global mais plusieurs intranets adaptés à chaque section. Un département Documentation au sein d'une agence de publicité a donc un rôle stratégique de diffuseur d'informations ; il ne tient qu'à lui de communiquer sur ses prestations et de mettre en avant sa valeur ajoutée tout en s'adaptant à un contexte concurrentiel. 31 2 Analyse de l'existant La situation du service Documentation de l'agence BETC Euro RSCG étant maintenant clairement identifiée, une analyse de l'existant documentaire nous permettra de connaître davantage les services offerts aux utilisateurs pour ensuite les évaluer lors d'un bilan de fonctionnement. 2.1 Un fonds documentaire spécifique En tant que service Documentation d'une grande agence de publicité, il est important d'adapter son fonds à la demande. Je qualifierais ce département de "bibliothèque hybride", c'est-à-dire une combinaison de ressources matérielles et dématérialisées d'après la définition que donne Michèle Battisti 29 dans un article de la revue Documentaliste – Sciences de l'information [11, Battisti]. En effet, la documentation Texte est archivée sous forme numérique sur l'intranet documentaire ; seuls quelques ouvrages viennent compléter les informations sur les marchés et la consommation. Le reste du fonds documentaire, mis à disposition des utilisateurs, est constitué de livres d'art, de revues et de journaux quotidiens. Les documentalistes ont souhaité proposer un fonds varié, répondant à l'activité publicitaire qui traite des budgets* très différents. Les documents couvrent donc de nombreux domaines, entre autres la photographie, le graphisme, l'architecture, le design, la décoration, la mode, l'économie, la société, le marketing et la publicité. D'après un inventaire effectué en août 2007, le département disposait de 1 935 livres Image, 350 livres Texte et 18 900 revues et journaux quotidiens : la majorité du fonds est donc constituée de revues et d'ouvrages iconographiques, valeur ajoutée du service étant donné le poids des images dans le processus de création publicitaire. Ce fonds spécifique a deux fonctionnalités : les documents sont consultés soit en tant que sources d'inspiration, soit dans le but de scanner une image pour ensuite la réutiliser dans une maquette ou une présentation commerciale. Après examen des abonnements et acquisitions, j'ai pu constater un accroissement annuel moyen de 100 livres Image, 50 livres Texte et 6 300 revues et journaux. Cet enrichissement constant du fonds requiert une réflexion quant au rangement des nouvelles acquisitions : doit-on instaurer une politique de suppression? Les quotidiens sont conservés pendant trois mois et la plupart des revues sont laissées à disposition durant trois ans ; cependant, il est difficile d'éliminer certains magazines de photographies qui peuvent avoir une valeur pour les créatifs à tout moment. D'un point de vue utilisation, le fonds documentaire vient soit en premier recours, soit en complément d'une première recherche sur les banques d'images en ligne. Les statistiques de prêt, établies d'après étude du cahier dédié à cette fonction, témoignent d'une utilisation convenable des documents par rapport au volume total du fonds : environ 40 ouvrages et 100 revues sont empruntés chaque mois. La politique d'acquisition semble convenir aux besoins des utilisateurs. 2.2 Des outils documentaires peu fonctionnels Deux outils sont disponibles en ce qui concerne la gestion et l'orientation dans le fonds documentaire : le logiciel de bibliothèque et un plan de classement récent. Leur évaluation permettra de comprendre les besoins d'évolution de la partie bibliothéconomique du service Documentation. 2.2.1 Logiciel de bibliothèque Les documentalistes ont installé en 2001 le logiciel Biblio-Tech, logiciel propriétaire appartenant à la société BNT Technologies. Il propose de nombreuses fonctionnalités telles que la saisie de fiches bibliographiques, la recherche, la gestion des prêts, des commandes et des abonnements. L'offre choisie il y a six ans incluait également un accès OPAC* pour une mise en ligne du catalogue. Installé en mode monoposte sur le poste de travail en libre accès, ce logiciel n'a toutefois pas été jusqu'à maintenant une priorité du service : avec cinq mises à jour de retard, il ne correspond pas aux besoins des documentalistes qui ne l'utilisent que pour saisir des références. Les fonctions de gestion des commandes, des abonnements et du bulletinage sont inutiles car déjà traitées ailleurs. L'accès distant au catalogue et l'automatisation des prêts, quant à eux, n'ont jamais été mis en place faute de temps : ils nécessitent un inventaire complet, la correction des fiches bibliographiques et la création de fiches Emprunteurs. En effet, aucune règle d'écriture n'a été instaurée et de nombreux champs ne sont pas utilisés : ce logiciel est peu exploitable en mode Recherche étant donné les défauts de saisie. Une analyse des contenus de l'outil m'a permis de répertorier un certain nombre de problèmes, comme des listes non mises à jour, la présence de doublons et des descripteurs non conventionnels. L'absence de messages d'erreur et de contrôles automatiques ainsi que l'impossibilité de personnaliser les interfaces sont un frein au bon fonctionnement du logiciel. Biblio-Tech semble alors inadapté à la fois aux documentalistes et aux utilisateurs du service. En outre, ce logiciel n'est utilisé que pour les ouvrages : les revues ne sont pour l'instant pas référencées. Il ne comptait que 1 425 références au 06 août 2007, ce qui implique qu'environ 860 ouvrages ne sont pas inclus. Ceci pour deux raisons : d'une part, certains documents ont pu être rangés sans avoir été entrés dans la base de données ; d'autre part, 33 de nombreux ouvrages de photographie n'ont pas de code-barres, or chaque référence est entrée à partir de cet élément : ces livres n'ont alors pas été référencés. Enfin, le logiciel offre la possibilité de gérer un thesaurus ; cependant, un tel dispositif semble inadapté au contexte publicitaire dans lequel se situe le service Documentation. 2.2.2 Plan de classement L'accès au fonds documentaire n'est maîtrisé que par le spécialiste Image, qui connaît chaque ouvrage. Aucun plan de classement ni aucune signalétique n'ont été mis en place pour autonomiser les utilisateurs, qui sollicitent l'aide du documentaliste-iconographe la plupart du temps. Afin de faciliter l'orientation des autres documentalistes dans le fonds en cas d'absence de celui-ci, j'ai établi durant mon stage un plan de classement qui reste cependant approximatif étant donné la mouvance du rangement des ouvrages. La conception d'un outil efficace enrichi d'une signalétique nécessiterait un classement constant des documents et permettrait aux utilisateurs d'utiliser le fonds de manière autonome, du moins pour les recherches simples. Etant donné la multitude de lecteurs, il est essentiel d'imaginer des désignations simples communes à tous : François Larbre considère qu'il faut pour cela présupposer une "subjectivité collective" 30 induite par l'appartenance à un groupe, ici l'agence de publicité [12, Larbre]. Ainsi, l'analyse de l'existant met en évidence un fonds documentaire exemplaire qui ne possède pas les outils nécessaires à sa valorisation. Le service bibliothéconomique gagnerait à être amélioré : le fonds serait davantage mis en valeur et les outils mieux adaptés à la nouvelle conjoncture de l'agence. Analyse des besoins L'analyse des besoins implique une analyse fine du public qui dissocie les attentes des utilisateurs, c'est-à-dire les demandes formulées, des besoins non exprimés. Bertrand Calenge affirme la nécessité d'étudier la population dans son ensemble afin de mesurer l'impact réel du service Documentation 31 [9, Calenge] : il est en effet important de veiller à ne pas exclure une partie du public. J'ai eu l'opportunité d'interviewer des utilisateurs représentatifs des quatre segments principaux à partir d'une grille d'entretien semi-directif disponible en annexe (page 96), ce qui m'a permis de modéliser le public du service Documentation : deux créatifs, l'un concepteur-rédacteur et l'autre directeur artistique ; une commerciale et une personne du service Consulting. Tous sont de grands utilisateurs de la Documentation. Ces études qualitatives sont précieuses car elles permettent de définir la réalité des pratiques et des attentes des usagers ; en outre, "la manière dont on exprime une opinion est aussi signifiante que l'opinion elle-même" 32 [10, Wahnich], or un questionnaire ne peut déceler un tel élément. Concernant les besoins des documentalistes, mon étude s'est fondée en grande partie sur l'observation de leurs pratiques professionnelles ainsi que sur le dialogue. L'"observation ethnographique", comme la nomme Stéphane Wahnich, nécessite de prendre du recul face à une situation : "Un bon ethnographe doit donc être capable d'être étranger dans son propre monde. Tout doit être prétexte à étonnement, donc à questionnement. Il n'y a pas d'évidence ni de normalité lors d'une étude ethnographique." 33 [10, Wahnich] L'analyse de ce public professionnel, interne à l' BETC Euro RSCG, a fait apparaître quatre segments : les créatifs, les commerciaux, les consultants et les documentalistes. Chacun a des attentes particulières : du visuel ou du textuel ; des informations régulières, des recherches ponctuelles ou de simples alertes. L'utilisation de la méthode du marketing documentaire révèle les caractéristiques des publics, leurs points forts et leurs points faibles, pour ensuite mettre en évidence leurs besoins. 31 Bertrand CALENGE, Du comment au pourquoi : connaître les publics de la bibliothèque municipale de Lyon, p. 49 32 Stéphane WAHNICH, Enquêtes quantitatives et qualitatives, observation ethnographique : trois méthodes d'approche des publics, p. 11 33 Idem, p. 12 35 3.1 Les créatifs 3.1.1 Caractéristiques sociologiques Le segment des créatifs est représenté par deux types de salariés : les concepteursrédacteurs, qui ont la charge de concevoir une idée de projet, de travailler sur les mots, les signatures, les slogans, et de participer à la recherche d'images ; les directeurs artistiques, quant à eux, ont la responsabilité de la qualité de l'exécution de la campagne : ils définissent le style des images, s'occupent de les trouver afin de réaliser la maquette, participent au choix des photographes et suivent la production. Tous deux de formation artistique, ils travaillent en binômes et forment le pôle de créativité artistique et éditoriale de l'agence. Leurs budgets*, c'est-à-dire les projets qu'ils traitent, peuvent être de natures très différentes : citons par exemple les vêtements pour enfants de Petit Bateau, le beurre Elle&Vire de Bongrain, ou encore le fond de teint de L'Oréal. Leur profession les autorise à rester sédentaires : ils demeurent en général toute la journée à l'agence. Cependant, suite à l'intégration de 4D, les créatifs ont été regroupés par budgets* : certains se situent donc dorénavant dans un bâtiment autre que celui du service Documentation, ce qui constitue une certaine contrainte quant à sa fréquentation future. 3.1.2 Caractéristiques informationnelles La matière première des créatifs est l'image ; toutefois, certains d'entre eux ne la considèrent pas comme de l'information, qu'ils limitent au statut textuel. Leurs sources sont communément de deux ordres : soit internes via le fonds documentaire du service Documentation, soit externes par le biais des banques en ligne. L'objectif de cette recherche est de concevoir une maquette en réutilisant des éléments de plusieurs images ; les clients étant de plus en plus exigeants, la maquette doit être un modèle quasiment identique à la réalisation finale. Une fois l'idée vendue au client, le photomontage est reshooté*. Les créatifs ont donc besoin d'images en période de production de maquette, et peuvent dans ces moments-là passer des journées entières en recherche. Le type de questions dépend de l'avancée du projet : s'ils sont en conception, celles-ci seront floues, alors qu'en réalisation de maquette leurs demandes seront plus précises ; il peut s'agir d'une ambiance ("quelque chose d'authentique, et qui soit en même temps moderne") ou encore d'un personnage dans une certaine attitude ("nu de dos"). Leur rythme de travail est assez soutenu : ils doivent trouver les images appropriées en quelques jours. 3.1.3 Caractéristiques comportementales Les créatifs apprécient l'échange établi avec le responsable Image, qui parvient à les orienter dans le fonds en les aidant à conceptualiser leurs besoins. La sensibilité artistique et la connaissance du fonds documentaire de ce dernier sont pour eux des atouts indéniables : ils ne souhaitent pas seulement être guidés mais également partager une réflexion qui leur 36 permette de progresser dans le travail de conception. Le recours au service Documentation est systématique en cas de recherche complexe : c'est le cas par exemple s'ils ont besoin d'une esthétique ou d'une inspiration ; s'il s'agit d'une image simple, précise et impersonnelle, les banques d'images en ligne suffisent. Leur degré d'autonomie au sein de la Documentation est de 25% : ils connaissent les grandes thématiques, mais ne savent pas forcément situer les ouvrages. Ils conviennent de la beauté des meubles de rangement, mais les trouvent peu fonctionnels ; en outre, ils seraient intéressés par des listings d'ouvrages et de photographes qui leur permettraient de se diriger seuls dans le fonds, sans demander l'aide systématique des documentalistes et ainsi de gagner du temps. D'autre part, la durée du prêt varie selon les besoins : un ouvrage à scanner peut être rendu très rapidement, alors que des images utilisées comme sources d'inspiration seront utiles toute la durée du projet. D'autre part, l'entretien a permis de mettre en valeur leur intérêt pour l'accès à la base de données bibliographique : les créatifs, habitués à la recherche en ligne, sont sensibles à tout nouvel outil qui leur ferait gagner du temps. Son utilité dépendra alors du degré de précision de l'indexation : s'il ne s'agit que de thématiques il sera intéressant pour une première approche ou pour connaître la disponibilité des ouvrages. Enfin, une alerte sur les nouvelles acquisitions serait la bienvenue. 3.1.4 Besoins L'analyse des caractéristiques du segment des créatifs est l'occasion de déceler leurs besoins. Tout d'abord, ce sont de grands utilisateurs du service Documentation, étant donné la spécificité du fonds documentaire à disposition. L'échange humain avec le responsable Image semble primordial en ce qui concerne les recherches complexes : cet élément est à prendre en compte dans le développement de l'outil logiciel. Puis, concernant la base de données, les créatifs attendent un outil efficace qui leur facilite la tâche. Ils reconnaissent l'utilité d'un classement thématique des images, mais seraient davantage intéressés par une indexation plus fine qui leur permettrait d'effectuer des recherches précises comme sur les banques d'images. En outre, une formation à l'utilisation de ce nouvel outil le rendrait plus accessible. D'autre part, les images étant leur source de travail, une alerte sur les nouveautés leur serait utile afin de suivre l'évolution du fonds documentaire. Concernant les prêts, un système modernisé leur donnerait l'occasion de connaître les ouvrages disponibles à la Documentation, d'en réserver un ou encore de savoir qui a emprunté un document pour éventuellement le récupérer directement. Enfin, dans le but d'accroître leur autonomie, ils apprécieraient la mise en place d'une signalétique sur les meubles de rangement. 3.2 Les commerciaux 3.2.1 Caractéristiques sociologiques Les commerciaux ont tous une formation en école de commerce. Leur fonction consiste à établir le lien entre les créatifs de l'agence et le client : ils ont un rôle d'intermédiaire. Le suivi d'un budget se divise en trois étapes. Tout d'abord, les commerciaux établissent une stratégie de la marque en amont, en la repositionnant sur le marché de manière à la rendre la plus compétitive possible. Ces recommandations stratégiques sont alors communiquées lors d'une présentation au client. Puis, ils élaborent un brief créatif* qui a pour objectif d'indiquer aux équipes créatives la stratégie adoptée. Enfin, ils sont responsables du suivi de la production, du budget, et doivent gérer les problèmes juridiques. Chaque commercial est assigné à plusieurs clients, qu'il suivra en général sur plusieurs budgets*. Leur position de pivot implique de nombreuses réunions avec les clients et les différents services de l'agence : ce sont donc des utilisateurs nomades au rythme de travail soutenu. 3.2.2 Caractéristiques informationnelles Les commerciaux consacrent en moyenne 25% de leur temps à la recherche d'informations, que ce soit pour suivre au jour le jour les évolutions des marchés et ainsi définir des stratégies de repositionnement des marques, ou pour répondre à des appels d'offre. Les informations dont ils ont besoin sont en général d'ordre économique, et se trouvent principalement dans la presse et sur les banques de données de type Datamonitor ; d'autre part, ils intègrent des images dans leurs présentations afin de symboliser visuellement certaines idées. Leurs requêtes auprès des documentalistes sont de type benchmarking* : ils attendent des informations actualisées, validées et exhaustives qui leur permettent à la fois de maîtriser leurs marchés et d'élaborer des stratégies en s'appuyant sur les expériences d'autres marques. De ce fait, ils ont besoin d'informations dans les 48 heures en moyenne. 3.2.3 Caractéristiques comportementales Les commerciaux effectuent souvent les premières recherches simples eux-mêmes, sur les moteurs de recherche tels que Google. Ils sont à l'aise sur Internet mais leur connaissance des outils de recherche reste basique. C'est pourquoi ils recourent au service Documentation systématiquement dès le démarrage d'un projet : les documentalistes représentent pour eux la source la plus sûre, la plus complète et la plus ciblée. Ils comptent sur eux pour leur procurer les informations attendues, que ce soit du texte ou des images. Cette pratique rend les commerciaux peu autonomes et toujours plus dépendants des documentalistes quant à l'orientation dans le fonds documentaire. Afin de ne plus être obligés de déranger ces derniers à chaque visite, les commerciaux souhaiteraient la mise en place d'indications thématiques sur les meubles ; cela serait également pour eux l'occasion de se déplacer à la 38 Documentation plus souvent. Enfin, ils n'empruntent que des revues, généralement pour une durée d'une semaine. Le projet d'ouverture de la base de données bibliographique aux utilisateurs ne semble pas particulièrement intéresser les commerciaux, qui préfèrent tout de même le passage par les documentalistes. La mise en place d'alertes sur les nouveautés peut toutefois leur apporter une ouverture d'esprit appréciée sur les ouvrages de la Documentation. 3.2.4 Besoins Les commerciaux ont avant tout besoin d'obtenir des informations textuelles et chiffrées sur les marchés dont ils ont la responsabilité, à travers la revue de presse quotidienne et des recherches ponctuelles soumises au service Documentation. Connaissant certaines sources pertinentes comme les études diffusées sur la banque de données Datamonitor, ils attendent des documentalistes un accès rapide à ces informations. Tout comme pour les créatifs, l'échange humain avec le responsable Image est également primordial afin de traduire le positionnement d'une marque en visuels. D'un point de vue plus pratique, les revues sont empruntées à court terme. L'étiquetage des meubles de rangement leur permettrait de devenir plus autonomes quant aux recherches dans le fonds. Enfin, une alerte sur les nouvelles acquisitions de la Documentation pourrait être profitable à la fois aux commerciaux et à la fréquentation du service. 3.3 Le Consulting 3.3.1 Caractéristiques sociologiques Le service Consulting est dédié à la stratégie des marques. Diplômés d'écoles de commerce ou normaliens, ces consultants travaillent en amont avec les commerciaux en les aidant à définir une stratégie ou un positionnement. Leur rôle est de délivrer des points de vue sur des marchés et proposer ensuite des opportunités de développement. Comme les commerciaux, ils rédigent de nombreuses présentations et participent fréquemment à des réunions : ces utilisateurs nomades ont donc eux aussi des rythmes de travail soutenus. 3.3.2 Caractéristiques informationnelles L'information est essentielle à l'activité du service Consulting, qui doit s'appuyer sur des données précises pour argumenter des intuitions. Coutumiers de la recherche d'informations grâce à leurs formations, cette fonction occupe une place importante dans leur emploi du temps puisqu'elle représente un quart de leur activité. Ils utilisent des données économiques concernant le marché, la société et la consommation, repérables dans les études consommateurs, les études de marché, la presse, les sites Internet des concurrents et certains ouvrages. La validité et l'exhaustivité des informations ainsi que la rapidité d'accès 39 sont des critères clés dans leurs recherches. Leurs questions sont très variées : il peut s'agir de définir le bio, ou d'expliquer comment fonctionne la croissance sur le marché des biscuits. Ils attendent une information brute, pour ensuite la retravailler et l'intégrer dans leurs arguments. Enfin, ils n'ont pas besoin d'images et ont donc peu de relation avec le responsable Image du service Documentation. 3.3.3 Caractéristiques comportementales Les consultants effectuent certaines recherches seuls lorsqu'ils savent où trouver rapidement l'information ; leurs sources sont les magazines, les sites de marques, les sites d'études, ainsi que le site Internet de l'INSEE 34. En ce qui concerne les recherches plus complexes, ils s'adressent dans un premier temps au service Documentation sur place, par mail ou par téléphone, puis progressent de leur côté en étudiant les sites Internet des concurrents. Ils ont donc l'habitude de solliciter l'aide des documentalistes pour s'orienter dans le fonds documentaire qu'ils maîtrisent peu. Toutefois, contrairement aux commerciaux, ce manque d'autonomie ne semble pas les gêner dans leur pratique professionnelle. Ils consultent en général les revues sur place et empruntent les ouvrages pendant quatre à cinq semaines. Etant donné leurs modes de fonctionnement, l'accès au logiciel documentaire ne semble pas pertinent pour les membres du service Consulting, qui n'y voient qu'un gain de temps apporté aux documentalistes. L'échange humain reste pour eux un atout du service Documentation. Ils sont néanmoins intéressés par la diffusion d'alertes sur les nouvelles acquisitions, les ouvrages étant une de leurs sources d'information. 3.3.4 Besoins Le service Consulting attend avant tout des documentalistes qu'ils soient disponibles pour repérer des sources fiables et effectuer des recherches ponctuelles de données textuelles, tout en pratiquant de leur côté une recherche complémentaire. D'autre part, les ouvrages Texte constituent pour eux un fonds riche en informations ; il leur serait alors utile de connaître la disponibilité d'un document avant de se déplacer. Les emprunts durent en moyenne un mois. Enfin, les consultants souhaiteraient être tenus au courant des nouveautés du service Documentation. 3.4 Les documentalistes 3.4.1 Caractéristiques sociologiques Pilier de l'agence de publicité, le service Documentation a pour mission de diffuser l'information stratégique et de trouver rapidement les données recherchées afin de faire gagner du temps aux autres services. De formations complémentaires, les documentalistes sont spécialisés selon trois pôles : l'information Texte, l'information Image et la pige publicitaire. Les nombreux budgets* de l'agence impliquent des recherches multisectorielles et nécessitent de prendre connaissance des évolutions des marchés afin d'être capables de répondre à tous les usagers du service. Etant donné le nombre conséquent d'utilisateurs, le rythme de travail des professionnels est soutenu et les délais de recherche courts : chacun a déjà un emploi du temps chargé. Enfin, chaque pôle a des contraintes spécifiques : les documentalistes Texte ne peuvent se consacrer à la réalisation des dossiers documentaires que l'après-midi, le matin étant dédié à la revue de presse ; le spécialiste Image est souvent appelé à participer à des réunions de création ; quant à la spécialiste Copy, la formation des usagers à l'utilisation de la base de campagnes publicitaires occupe une place importante dans son planning. 3.4.2 Caractéristiques informationnelles La recherche d'informations, qu'elles soient textuelles ou iconographiques, constitue l'essence-même de la fonction documentaire. La fiabilité, l'actualité et l'exhaustivité des données sont les priorités des documentalistes qui cherchent à s'imposer comme étant les sources d'informations clés de l'agence. Abonnés à de nombreuses banques de données en ligne, ils maîtrisent parfaitement l'outil Internet. En outre, ce sont eux aussi des utilisateurs du fonds documentaire, selon leurs spécialités : les documentalistes Texte ont parfois recours aux revues lorsque l'information n'est pas en ligne, tout comme le responsable Image utilise les livres d'art. D'autre part, ils gèrent leur activité en priorisant les demandes des usagers, afin de répondre à tous les besoins ; ils ont donc besoin d'accéder rapidement à l'information recherchée. 3.4.3 Caractéristiques comportementales Selon une démarche de rentabilisation du temps passé à la recherche, les informations sélectionnées sont archivées au sein de l'intranet documentaire pour permettre aux documentalistes de les retrouver facilement. En ce qui concerne leurs compétences, le savoir n'est pas forcément partagé entre les différents pôles : seules les trois documentalistes Texte maîtrisent l'utilisation de l'intranet, alors que le logiciel de bibliothèque n'est utilisé que par le spécialiste Image et l'aide documentaliste. Il en est de même s'agissant du fonds documentaire : le responsable iconographique le possède dans son intégralité, tandis que les autres documentalistes ne connaissent que 5 à 10% des ouvrages et 75% des revues. Cette 41 politique documentaire territoriale, ajoutée au classement mouvant des livres, permet au spécialiste Image de se positionner en tant qu'élément indispensable au service, ce qui justifie en partie sa plus-value. Néanmoins, les autres documentalistes connaissent des difficultés pour orienter les utilisateurs en cas d'absence du responsable, ce qui est fréquent étant donné les nombreuses réunions auxquelles il doit assister. Enfin, la base de données bibliographique est sous-exploitée, alors qu'elle pourrait être un outil efficace en cas de recherche dans le fonds documentaire. Les fonctionnalités sont peu connues et souvent mal utilisées. 3.4.4 Besoins Les besoins des documentalistes sont de deux natures : les besoins liés à leurs missions documentaires et ceux engendrés par la nouvelle conjoncture de l'agence. L'information étant la garantie de la performance des autres services, la priorité du département Documentation est de continuer à mettre en valeur ses prestations en les adaptant à l'évolution de BETC Euro RSCG. Pour ce faire, la mission spécifique du service concernant la mise à disposition d'une bibliothèque Art a tout intérêt à être valorisée par la modernisation du service bibliothéconomique. La création d'un accès en ligne au catalogue suite à la reprise de l'existant, l'automatisation du prêt et des relances, ainsi que la possibilité de réserver des documents faciliteraient la gestion de ce service. En outre, promouvoir une valeur ajoutée sur l'accès à l'information en donnant aux utilisateurs un nouveau moyen d'accéder au fonds documentaire offrirait l'opportunité de les rendre plus autonomes et de conquérir de nouveaux publics. Les documentalistes ont alors besoin d'un outil simple et rapide, accessible à tous. L'aide-documentaliste doit quant à elle pouvoir entrer les documents dans la base sans posséder de compétences documentaires spécifiques ; néanmoins, la précision des fiches bibliographiques doit être améliorée par l'instauration de règles d'écriture et de listes d'autorité plus élaborées afin d'optimiser la recherche. De même, cette dernière doit être intuitive ; la formation des utilisateurs et la création de guides d'utilisation faciliteront cette fonctionnalité. D'autre part, cet outil serait l'occasion pour les documentalistes de maîtriser davantage le fonds documentaire pour ainsi pouvoir orienter les utilisateurs en cas d'absence du spécialiste Image, vérifier la disponibilité d'un document ou encore obtenir des statistiques sur l'utilisation du fonds. Enfin, la création de deux nouvelles prestations, les alertes sur les nouvelles acquisitions de la Documentation et le recueil des suggestions d'achat du public, serait une solution supplémentaire pour rester ancré dans l'esprit des utilisateurs malgré la distance physique. Ainsi, cette analyse des besoins du service Documentation et de son public met en évidence quatre segments différents : les documentalistes et les commerciaux requièrent l'accès à la fois aux informations Texte et Image, le service Consulting ne recherche que du Texte et les créatifs seulement de l'Image. Leurs exigences ainsi que leurs attentes en ce qui concerne l'accès à la base de données bibliographique s'avèrent donc être hétérogènes. Bilan de fonctionnement Le bilan de fonctionnement est l'occasion de faire le point sur le contexte du projet, en évaluant les points forts et les points faibles de la situation pour ensuite pouvoir imaginer des scenarii d'évolution plausibles et correspondant aux besoins mis en évidence. 4.1 Moyens + Le service Documentation est doté de cinq documentalistes aux formations complémentaires et d'une aide-documentaliste disponible chaque matin. Le partage des tâches s'effectue d'après leurs spécialisations. + Les documentalistes sont accoutumés à l'interrogation de bases de données, ce qui constitue un réel atout pour la mise en place du futur système bibliothéconomique. + L'organisation de l'étage en open space* installe un climat propice au dialogue entre les documentalistes et les usagers. + Le fonds documentaire est mis en valeur grâce à son agencement et aux meubles design, symboles de l'agence BETC Euro RSCG. + La politique informatique favorise les postes Apple et le développement de solutions libres. + Des développeurs sont disponibles en interne pour la création d'une application sur mesure. + Le département Documentation a déjà à sa disposition six ordinateurs dont un en accès libre, ainsi qu'un intranet documentaire. + Le service bénéficie d'un budget constant, indépendant des solutions informatiques. − Toutefois, les documentalistes fonctionnent selon une politique territoriale qui s'oppose au partage du savoir entre pôles de spécialisations. Le fonds documentaire, par exemple, n'est représenté que par la mémoire humaine du spécialiste Image, qui est souvent en réunion. 44 − L'aide-documentaliste chargée de l'entrée des références dans la base de données ne possède pas de compétences documentaires. − La charge de travail des professionnels de l'information est trop importante pour qu'ils participent activement au projet de réinformatisation*, notamment en ce qui concerne la reprise de l'existant et la formation des utilisateurs. − L'étage de la Documentation est également occupé par la Direction et le New Biz : l'espace peut sembler moins convivial pour les utilisateurs. − Faute de place, peu d'espaces de travail sont dédiés aux usagers. − Le meuble de rangement est peu fonctionnel. − D'un point de vue informatique, il n'existe pas d'intranet global à l'agence. L'intranet documentaire, quant à lui, n'est aujourd'hui disponible que pour les documentalistes : en cas d'ouverture de l'accès aux publics, une interface de front office et des droits d'accès restrictifs seront à prévoir. − Le développement d'un nouveau système bibliothéconomique est à négocier avec le directeur financier et le service Informatique. 4.2 Conjoncture + Suite au regroupement des agences BETC Euro RSCG et 4D, 200 nouveaux utilisateurs, qui semblent familiers à la recherche d'informations, sont à intégrer. + La réorganisation de l'agence s'est effectuée par corps de métiers, ce qui facilite les relations entre services. − Cette nouvelle conjoncture implique néanmoins une dispersion des 600 utilisateurs sur six sites de l'arrondissement : le service Documentation doit s'adapter à ce contexte afin maîtriser la distance avec ses utilisateurs. 4.3 Politique documentaire + Le service Documentation prône une diversité de services, représentée par trois pôles stratégiques : l'information Texte, l'Image et la pige publicitaire. + Le service iconographique incarne une des valeurs ajoutées de l'agence, grâce au fonds documentaire et à la sensibilité artistique du responsable Image. + Les documentalistes ont su se rendre indispensables aux utilisateurs, qui s'adressent à eux presque systématiquement. + La responsable du service a une marge de manoeuvre satisfaisante en ce qui concerne les décisions de management et d'organisation. − Cependant, la Documentation est un des seuls services qui diffusent de l'information : il lui est donc indispensable d'imposer son fonctionnement face aux pratiques concurrentielles et sectorielles des autres départements de l'agence. − Le passage par les documentalistes est également signe du peu d'autonomie des utilisateurs : une assistance matérielle à l'orientation dans le fonds documentaire permettrait aux professionnels de l'information de se consacrer davantage à des tâches plus complexes. − Enfin, toute décision informatique nécessite l'accord du directeur financier et du service Informatique. 4.4 Fonds documentaire + Le fonds documentaire en libre accès est varié et tente ainsi de répondre aux différents besoins des publics. + La bibliothèque Art constituée d'ouvrages de photographie et de graphisme représente une réelle valeur ajoutée, tant en termes d'image, de positionnement de l'agence, que de sources d'informations. 46 − Malgré l'offre proposée à travers ce fonds documentaire spécifique, un fonds papier reste difficile à imposer aux générations en majorité jeunes des utilisateurs, plus habituées aux banques d'images en ligne : le rôle du spécialiste Image est également de faire valoir sa plus-value. En outre, l'écart est à noter entre ce fonds papier et la politique mérique de la Documentation : les créatifs et les consultants ont donc une approche totalement différente du service. 4.5 Points d'accès au fonds documentaire + Il n'existe pour l'instant qu'un plan de classement thématique consultable par les documentalistes. − Cet outil reste toutefois approximatif étant donné la mouvance du classement des ouvrages. − L'absence de signalétique sur les meubles de rangement est un frein à l'autonomie des utilisateurs ; des indications en accord avec le concept design du mobilier peuvent être envisagées. − Un thesaurus serait inadapté au fonds multisectoriel. − Le logiciel de bibliothèque, Biblio-Tech, est très peu maîtrisé par les documentalistes. Il n'a d'ailleurs pas été mis à jour depuis son installation en 2001. − Les fiches bibliographiques saisies dans ce logiciel présentent divers types de problèmes : un contenu peu documentaire dû à l'absence de règles d'écriture et de messages d'erreur ; des listes non mises à jour ; des interfaces confuses, non personnalisées et peu ergonomiques. Cet outil est donc difficilement exploitable en mode Recherche. − En outre, une reprise de l'existant est nécessaire car les revues ainsi que de nombreux ouvrages n'ont pas été référencés : l'inventaire informatique se révèle incomplet. − Aucun guide d'utilisation simplifié n'a encore été réalisé. 4.6 Utilisateurs + Deux segments semblent réellement intéressés par la mise en place d'un accès à la base de données bibliographique : les créatifs, pour qui un tel outil, s'il est efficace, peut représenter un gain de temps certain ; les documentalistes qui maîtriseront mieux leur fonds documentaire. + Les utilisateurs pratiquent régulièrement l'interrogation en ligne sur d'autres bases de données. − Néanmoins, les créatifs éprouvent souvent des difficultés à conceptualiser leurs idées, ce peut être un inconvénient en cas de recherche par mots-clés sur un logiciel. − De même, le faible degré d'autonomie des utilisateurs témoigne du fait qu'ils sont tout de même peu habitués à rechercher seuls des informations : une formation sera donc nécessaire pour les familiariser avec l'outil. − Les pratiques informationnelles des usagers témoignent d'une culture du document plus humaine que logicielle, ce qui constitue une difficulté quant à la mise en place d'un accès à la base de données bibliographique. − Enfin, la pratique d'Internet et notamment des moteurs de recherche peut "donner l'illusion d'une grande simplicité d'usage" 35 [19, Castagné] : l'interface Utilisateurs du logiciel doit être simple pour correspondre aux habitudes des internautes. 35 Rose-Marie CASTAGNE, Evolutions et enjeux d'une base documentaire diffusée via Internet, p. 23 48 Denis Pallier certifi e l' importance pour un service Documentation de se réinventer régu lière ment en adaptant ses prestations aux besoins des utilisateurs et aux évolution s techniques : "Une des priorités du métier est l'évaluation des nouvelles offres et des attentes des usagers." 36 [13, Pallier] Les enjeux d'une réinformatisation*, même partielle, sont importants : il s'agit ici d'optimiser la recherche, l'exploitation et la valorisation du fonds documentaire afin de satisfaire un public distant et d'affirmer la place du service au sein de l'agence. Le renouvellement du logiciel bibliothéconomique implique une réflexion essentielle en amont, la définition d'une stratégie et le choix d'un scenario technique : ces trois phases sont primordiales car elles conditionnent le succès du nouveau système informatique, sa rentabilité et donc un retour sur investissement tant en termes de temps que de financement. Troisième partie : La recherche d'une nouvelle stratégie de valorisation du fonds documentaire 50 La dernière partie de ce mémoire constitue la phase de recherche de solutions, objectif de la mission qui m'a été assignée durant mon stage au sein du service Documentation de l'agence de publicité BETC Euro RSCG. L'analyse du contexte du projet, de l'existant, des besoins des documentalistes et des utilisateurs permet de dresser un diagnostic quant à l'évolution du système actuel en proposant une stratégie marketing à mettre en place et des solutions documentaires susceptibles de revaloriser l'accès au fonds documentaire. Puis, dans un second temps, trois scenarii techniques seront envisagés : celui de la continuité et ceux de la rupture avec le modèle jusqu'ici mis en oeuvre. L'examen précis des avantages et des inconvénients de chacun, tant du point de vue des investissements que des modifications organisationnelles qu'ils impliquent, a pour objectif de permettre à la responsable du service Documentation de prendre une décision en tout état de cause, pour ensuite argumenter ses choix face au directeur financier et au service Informatique. 51 1 Diagnostic 1.1 Stratégie marketing Conformément à la méthode du marketing documentaire, différentes stratégies sont envisageables selon l'orientation que l'on souhaite donner au service. Privilégier un segment ou répondre aux attentes de tous les publics impliquent d'imaginer des solutions spécifiques afin de garantir une cohérence entre les choix techniques et les objectifs du projet. Je propose dans cette première partie d'une part d'examiner la stratégie marketing adoptée actuellement pour le fonctionnement du service Documentation dans son ensemble, et d'autre part de soumettre une stratégie propre à l'évolution du système bibliothéconomique.
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De même que pour Gisem, nous constatons l'impact de la présence du responsable, notamment par le fait que Djamila s'exprime peu (cf. compte rendu du 19/02/09). Ce dernier nous a laissée seule pour réaliser les autres observations de poste mais nous avons dû négocier pour pouvoir terminer notre enquête (cf. compte rendu d'Atika, du 17/06/09, lignes 73 à 91 et 406). Comme le précédent chef de chantier, celui-ci a évoqué la perte de temps que notre présence pouvait occasionner. Comme nous le montrons au chapitre X, ce fait n'est pas sans incidence sur nos observations, notamment sur la fréquence et la nature des interactions des employés. Lorsque nous nous sommes trouvée seule avec les employées, les observations se sont déroulées sans incident. Parfois, les témoins ou leurs collègues nous ont posé des questions à propos de notre recherche. Ainsi, lors d'une observation, Lamia, la collègue d'Atika s'interroge en nous voyant prendre des notes. Elle demande : après, vous les notez? (cf. compte rendu du 17/06/09, lignes 26 à 33). Cette remarque évoque la crainte d'être jugée 164 Chapitre VII : Retour sur la problématique, présentation de la recherche dans son travail. Nous en avons tenu compte pour les observations suivantes, au moment de la présentation de notre étude mais aussi lorsque nous avons perçu des doutes . Ainsi, à cha que fois que nous avons ressenti des craintes, nous avons rappelé notre rôle. Mairie de Villenette : participer à une enquête, « un moment pour réfléchir » A la mairie de Villenette, notre second terrain, nous avons successivement observé le travail de cinq employés : Nicole, Martine, Hadria, Anaïs et Mustapha. La mairie Villenette dispose d'un service interne de nettoyage et fait également appel à la sous-traitance . Nous avons rencontré cinq employés municipaux du service interne du nettoyage des locaux. Nous les présentons dans l'ordre chronologique des rencontres. Nous avons été mise en relation avec le responsable des formations de la mairie de Villenette par un autre contact, appartenant au groupe de recherche cité précédemment. Après avoir exposé notre demande par téléphone, nous lui avons envoyé notre projet de recherche. Nous le rencontrons peu de temps après, en février 2009, au cours d'un rendez-vous. Nous lui rappelons l'objet de notre étude et après avoir répondu à ses questions nous lui indiquons que nous souhaitons rencontrer des employés qui participent aux formations « remise à niveau ». La situation de formation nous semblait être un élément facilitateur pour entrer en relation avec d'éventuels témoins. Après nous avoir exposé les dispositifs et les objectifs de ces formations, la responsable nous a communiqué le nom des employés qui lui semblaient correspondre au profil de ceux que nous recherchions pour notre enquête. Deux groupes de formation sont mis en place par la mairie de Villenette. Les séances sont animées par une formatrice interne. Les parcours durent un peu plus de 300 heures, réparties sur deux ans et s'adressent à tous les employés qui veulent améliorer leurs connaissances générales. Le groupe du mardi est réservé aux plus « en difficulté » avec la langue et les mathématiques. Celui du jeudi est destiné à ceux qui le sont moins et qui préparent un concours interne, dans le cadre de la promotion professionnelle. Nous pensons qu'il est plus facile d'entrer en contact avec les employés sur leur lieu de formation. Le responsable accepte et nous communique les coordonnées de la formatrice interne et d'un organisme privé, ainsi que les noms de plusieurs employés correspondant au profil des témoins que nous recherchions. Il demande un délai avant de les contacter car il souhaite les prévenir de notre démarche. Un mois plus tard, nous rencontrons les employés sur leur lieu de formation. Nous débutons avec ceux du groupe du mardi. Comme convenu avec la formatrice, nous arrivons au moment de la pause. Elle a prévenu Martine et Hadria, qui nous attendent alors que les 165 Chapitre VII : Retour sur la problématique, présentation de la recherche autres participants sont sortis de la salle de formation. Après les salutations d'usage et un bref exposé de notre travail, nous échangeons quelques mots à propos de leur formation. A la demande de la formatrice, nous présentons l'objectif de notre visite, de manière collective. Lorsque nous lui avons présenté le profil des oins que nous recherchions, le responsable des formations avait pensé à Martine et Hadria qui se trouvent dans ce groupe. Toutefois, au moment de la présentation collective, nous lançons un appel à d'autres volontaires. C'est alors que Nicole lève la main et dit, d'un ton enthousiaste, être intéressée. Alors que Martine ne montre pas de réticence à l'idée de participer et au fait que nous venions sur son lieu de travail, dans la mesure où « l'encadrante » est d'accord, nous ressentons plus de crainte de la part d'Hadria. Cette dernière n'est pas d'accord pour que ses propos soient enregistrés et dit qu'au travail, « ça va vite ». Elle accepte timidement. Nous repartons après avoir convenu d'un second rendez-vous sur le lieu de formation, pour l'entretien. La semaine suivante, Hadria assiste à l'entretien, en présence de ses collègues, Martine et Nicole. Ces dernières répondent à nos questions alors que, comme convenu, Hadria reste silencieuse en raison de l'enregistrement. Nous nous entretiendrons ensuite avec elle, sans enregistreur. Contrairement aux premières rencontres avec les employés d'Europe Place Nette, nous avons proposé l'entretien à nos témoins, avant de nous rendre sur leur poste. En effet, la formatrice ne nous accompagne pas sur leur lieu de travail et cela nous permet de prendre le temps d'instaurer une relation de confiance avant de démarrer les observations. L'entretien que nous menons sur un mode informel, est une nouvelle occasion de répondre à leurs questions à propos de l'observation. Cela a également permis de préparer notre venue auprès de la hiérarchie. Nous avons recueilli des informations relatives à l'organisation hiérarchique ainsi que les coordonnées des responsables à prévenir avant notre visite. En effet, même si nous avions l'accord de la responsable des formations, pour chaque employé, il a été nécessaire de recueillir l'adhésion de deux autres responsables de niveaux hiérarchiques différents. Ces accords obtenus, nous avons pu débuter les premières observations successivement, sur les postes de Martine, Nicole d'Hadria au milieu du mois de mars 2009. Elles travaillent toutes les trois dans des écoles différentes. Les responsables de Martine, Nicole et Hadria n'ont pas assisté aux observations de poste. Sur le poste de Martine, notre présence a été facilement acceptée par l'équipe. Nous avons volontairement écourté notre première observation, à peu près une heure après l'avoir débutée. En effet, même si l'accueil a été favorable, nous avons préféré procéder en plusieurs A notre arrivée sur le poste de Nicole, l'équipe du nettoyage était dans l'attente du démarrage de l'activité. Celle-ci s'est prolongée et nous avons ressenti une gêne de la part de Nicole. Nous avons stoppé les observations après avoir vu la totalité des tâches, à l'issue de deux visites. Lorsque nous avons retrouvé Hadria sur son lieu de travail, elle paraissait un peu inquiète. Nous lui avons assuré l'accord de ses responsables et après que nous ayons fait la connaissance de son chef de service, elle a semblé être plus à l'aise. Ensuite, durant l'activité, elle a pris plus souvent la parole pour commenter son travail. Toutefois, Hadria ne nous a pas donné l'autorisation d'enregistrer. A la fin de cette première observation, elle a exprimé ses craintes par rapport à l'enregistrement audio (cf. compte rendu du 27/03/09, lignes 289 à 297 et du 03/04/09, lignes 14 à 20). Elle a évoqué la peur de voir ses propos diffusés. Après lui avoir communiqué le document qui présente notre étude ainsi que la clause de confidentialité, elle a accepté une seconde observation. Notons que nous avons dû apposer notre signature et ajouter une mention manuscrite à propos de la non diffusion des noms de lieux et de personnes. Nous avons rencontré Anaïs dans le groupe du jeudi, au début du mois de mars 2009. De même que pour Martine, Nicole et Hadria, nous nous sommes rendue dans la salle de formation au moment de la pause et à une heure convenue avec la formatrice. Nous présentons l'objet de notre étude au groupe : ancienne formatrice, nous effectuons une recherche et préparons un diplôme (thèse en Sciences du langage), en lien avec notre pratique professionnelle. Nous nous intéressons métier d'agent de nettoyage pour mieux le connaître et tenter de percevoir le lien entre les savoirs acquis pendant la formation et la pratique, sur le lieu de travail. Nous exposons ensuite le déroulement de notre enquête ainsi que le cadre déontologique. Un des 18 participants s'interroge à propos de notre intérêt pour les métiers du nettoyage. Nous évoquons notre pratique de formatrice et la nécessité de mieux comprendre ce métier en évolution, précisant qu'il semblerait que les agents soient conduits à utiliser l'écrit de plus en plus souvent, sur leur lieu de travail. Il acquiesce. Puis, nous nous entretenons quelques instants, seule, avec Anaïs. Nous lui indiquons que c'est la responsable des formations qui nous adresse à elle. Elle accepte de participer à notre étude après avoir précisé que si cela nous permet de mieux connaître son métier, ce sera l'occasion pour elle de prendre « un moment pour réfléchir » aux apports de sa formation. Anaïs est dans une « phase de réflexion », elle aimerait changer de métier. Enfin, elle nous . A la suite de cet entretien, nous fixons un rendez-vous pour observer son travail, sous réserve de l'accord de sa hiérarchie. Deux semaines plus tard, nous avons l'accord du chef de service. Toutefois, il manque celui du chef d'équipe, malgré de multiples rappels effectués par la formatrice interne. Celle-ci nous assure que nous pouvons nous rendre au rendez-vous convenu avec Anaïs. Ainsi, nous nous présentons à la mairie, le jour prévu (cf. compte rendu du 16/03/09). Anaïs est étonnée de notre présence, nous percevons de la gêne. Son chef de service n'a pas eu le message de son responsable concernant notre venue. Il le contacte en notre présence et attend son accord avant de nous autoriser à revenir. Après avoir convenu des démarches à réaliser en amont des observations (envoi de mails aux deux responsables), nous avons pu revenir plusieurs fois, sans difficulté. Le responsable n'a pas assisté aux observations. Cependant nous avons ressenti des tensions au sein de l'équipe au cours des observations suivantes et plus particulièrement lors de notre dernière visite. C'est pour cette raison que nous les avons stoppées. Anaïs a évoqué des craintes à l'égard de notre travail, de la part de ses collègues (cf. compte rendu du 23/03/109, lignes 287 à 291 et compte rendu du 10/04/09, ligne 303). Ainsi, la présence du chercheur sur le terrain demande à être négociée auprès des témoins et de leur hiérarchie. Parfois cette situation peut raviver les tensions existantes au sein des équipes. Toutefois cela ne semble pas avoir eu d'impact sur la relation de confiance qui s'est installée au moment des observations, malgré les craintes exprimées par Anaïs concernant l'enregistrement (cf. compte rendu du 10/04/09, lignes 52 et 229). 168 Chapitre VII : Retour sur la problématique, présentation de la recherche Comme pour les autres employés de la mairie, notre première rencontre avec Mustapha s'est déroulée sur son lieu de formation, en mars 2009. Contrairement aux autres employés, Mustapha effectue sa formation « remise à niveau » avec un organisme qui ne dépend pas de la mairie. La responsable des formations a prévenu la formatrice de notre venue et nous avons pris rendez-vous avec elle. Nous arrivons alors que la séance a débuté. Nous avons le sentiment que notre venue a été préparée. Après un accueil cordial, la formatrice propose que chacun se présente. Nous nous présentons de la même manière qu'avec les groupes de la formation interne. Un tour de table permet aux 4 participants de faire de même, puis chacun reprend ses activités de formation. Au cours de la séance, Mustapha s'interroge à propos du sens du mot « observation ». « Observation en français, ça veut dire : pour surveiller quelque chose, non? » nous demande-t-il (cf. compte rendu du 25/03/09, ligne 35). Nous lui indiquons que nous l'entendons dans le sens de « regarder » ou de « voir ». Il dit : « ah ». La séance se poursuit et, un moment plus tard, nous profitons de la pause pour faire davantage connaissance avec les participants. Nous bavardons un moment et indiquons à Mustapha que le responsable des formations nous a communiqué son nom et que nous souhaiterions voir son travail. Nous répondons à ses questions, notamment à propos du déroulement des observations. Lorsque nous lui demandons s'il est d'accord, Mustapha acquiesce sans hésitation. Après avoir donné son emploi du temps de la semaine, il nous recommande de lui téléphoner avant de venir. Il nous communique aussi le nom de deux responsables à prévenir en amont de notre visite. Mustapha nettoie différents bâtiments municipaux répartis dans la ville et travaille de quatre à onze heures. Il préfère que nous venions certains jours car il a plus de temps pour effectuer son travail. Nous acceptons en lui disant que nous souhaiterions voir ce travail plus tard, en insistant sur le fait que nous nous engageons à ne pas ralentir son activité. Après avoir reçu l'accord de ses responsables, nous le retrouvons pour une première observation sur son lieu de travail, à 11 heures, à la fin de son service. Il travaille seul et se déplace avec le camion mis à sa disposition par la mairie. Le chef d'équipe nous rejoint à la fin de la première observation. L'entrevue est brève. Nous lui exposons notre projet. Il ne pose pas de questions et nous demande seulement de le prévenir de notre présence. Nous ne le reverrons pas pendant les observations, ni pour l'entretien car nous n'avons pas réussi à le joindre. De même qu'Anaïs, Mustapha débute son activité à quatre heures, nous l'avons donc observé pendant la première partie de son activité, dès cinq heures. Nous n'avons pas pu . Mustapha effectue les mêmes tâches. Nous avons eu l'occasion d'accompagner Mustapha dans le camion de la mairie, durant ses déplacements à travers la ville. Il l'utilise pour rejoindre les différents lieux dans lesquels il travaille. Cela nous a donné l'occasion d'observer l'organisation de ses déplacements mais aussi de quitter notre attitude d'observatrice pour converser avec Mustapha, de manière informelle. Comme chaque jour il s'arrête boire un café, au moment de sa pause et, il nous propose de l'accompagner. Nous acceptons volontiers. Au cours de la conversation, il nous a demandé des informations à propos d'un courrier administratif qu'il avait avec lui. Dans ce bref échange, nous n'avons pas tout à fait quitté notre posture de chercheur car nous avons essayé d'appréhender son rapport à l'écrit, en situation (cf. chapitre VIII, portrait de Mustapha). Établissement de formation professionnelle supérieure (EFPS) : « j'ai pas envie de livrer ma vie privée! » A l'Établissement de formation professionnelle supérieure, notre troisième terrain, nous avons observé trois témoins : Nadia, Abdel et Farida. L'établissement de formation professionnelle supérieure (EFPS) situé à Villenette est une collectivité publique. Le nettoyage des bâtiments est effectué par le personnel de l'établissement dont cinq agents qui sont en Contrat d'accompagnement vers l'emploi (CAE) pour une durée de deux ans et travaillent au service du nettoyage. Nous sommes entrée en contact avec le responsable du site dans le cadre de notre formation scientifique, en mars 2009. Celui-ci nous a mise en relation avec le responsable du service de nettoyage que nous avons rencontré au cours d'un rendez-vous. Nous lui avons présenté notre étude, puis, comme convenu, nous avons rencontré les membres de l'équipe au moment de leur pause. Nous rejoignons les employés du service nettoyage dans une des salles de l'établissement. Les cinq membres de l'équipe, quatre femmes et un homme, sont assis près d'une petite table. Après les avoir salués, nous leur présentons notre étude, de la même manière qu'avec les employés de la mairie. Nous leur indiquons que nous souhaiterions avoir au moins trois participants. Après quelques échanges à propos du déroulement des observations, le seul homme de l'équipe, Abdel, donne son accord et nous propose de démarrer sur le champ. Une des dames lance : « j'ai pas envie de livrer ma vie privée! ». Les deux autres personnes que nous avons observées (Nadia et Farida) ne répondent pas tout de 170 Chapitre VII : Retour sur la problématique, présentation de la recherche suite mais ne montrent pas de signe de refus. Leur chef d'équipe les encourage et nous insistons sur les notions de confidentialité et de non jugement. Farida et Nadia finissent par répondre favorablement. Nous convenons d'un jour et d'une heure pour la première observation, avec chacun des trois employés. Nous les avons rencontrés séparément. Ils travaillent seuls, les observations se sont déroulées sans la présence du responsable. Abdel présente un certain enthousiasme pour nous montrer son travail. Au cours des observations, il nous livre des informations sur son parcours (ses emplois précédents, sa formation) mais aussi sur sa vie personnelle, sa petite fille et la visite surprise qu'il va faire à sa famille, en Algérie (cf. compte rendu du 24/03/09, lignes 323 à 327). Lorsque nous lui demandons si notre présence le gêne, il répond en souriant : « au contraire, vous me tenez compagnie! » (ligne 91). Un autre jour, alors que nous observons son travail depuis plus de deux heures, Abdel « jette un coup d'oeil » dans la classe où nous nous trouvons et nous propose de faire de même. Il demande : « qu'est-ce qu'il y a à faire dans cette classe? ». Nous énumérons les tâches à réaliser et il ponctue en acquiesçant (« bien, exactement »), avant de reprendre son activité! (cf. compte rendu du 21/04/09, lignes 274 à 277). Comme nous l'avons évoqué précédemment, la prise de distance avec notre posture d'observatrice a pu favoriser la relation de confiance. 171 Chapitre VII : Retour sur la problématique, présentation de la recherche Université de Villenette : il y a des confiances que l'on ne gagne pas mais qui reviennent timidement A l'Université de Villenette, nous avons observé le travail de trois employés : Corine, Daniel et Josette. L'Université de Villenette est un établissement public. Il emploie son propre personnel pour le nettoyage des locaux et sous-traite une partie de l'activité auprès de sociétés privées. Nous avons rencontré le personnel employé par l'établissement et celui de la société de sous-traitance : Service nettoyage pro, que nous présentons au point suivant. Nous avons contacté le responsable du service qui s'occupe de l'entretien des locaux de l'Université en avril 2009. Après avoir pris connaissance de l'objet de notre étude, celui-ci nous a donné son accord et nous a communiqué les coordonnées du chef d'équipe. Nous avons eu un premier entretien avec ce dernier, et lui avons demandé s'il était possible de rencontrer les membres du service, à l'issue de notre entrevue. Une fois de plus, lorsque nous évoquons la confidentialité, le responsable indique que c'est un élément important car il y a des problèmes relationnels au sein de son équipe. A l'issue de notre entrevue, il nous accompagne dans la salle où le personnel se rassemble, au moment de la pause. Cinq femmes et un homme se trouvent dans la pièce, assis autour d'une grande table. Nous leur présentons notre étude, en présence du chef d'équipe et leur demandons s'ils souhaitent participer. Un échange s'engage, nous répondons à leurs questions qui portent essentiellement sur les objectifs et le déroulement des observations. Daniel accepte en premier. Puis, une dame un peu plus âgée (Fabienne), dit poussant du coude sa collègue : « vas-y, c'est pour toi ». Cette dernière refuse. Nous rappelons le cadre déontologique et insistons un peu sur le fait que nous aimerions pouvoir voir au moins trois personnes de leur équipe. Après quelques hésitations, une jeune femme (Corine) accepte. Nous précisons aux deux autres dames plus âgées qu'elles peuvent prendre le temps de réfléchir et que si elles changent d'avis, elles pourront quand même participer. Josette est absente mais le chef d'équipe pense qu'il faudrait qu'elle participe car elle a « beaucoup d'années d'ancienneté dans le métier ». Il dit aussi qu'elle sera probablement d'accord. Nous rencontrons Josette quelques jours plus tard au moment de débuter une observation avec Corine (cf. compte rendu du 04/05/09, lignes 52 à 76). Nous nous trouvons dans la salle de pause en présence du chef d'équipe. Sur le ton de la plaisanterie, celui-ci annonce que son statut de « doyenne de l'équipe » lui procure la nécessité de participer à notre étude. Josette travaille à l'Université de Villenette depuis « 37 ans », « c'est l'ancienne, 172 Chapitre VII : Retour sur la problématique, présentation de la recherche la big boss! » s'exclame le chef d'équipe. Elle connaît bien son métier et accepte volontiers de nous montrer cette expérience : « oui, il n'y a pas de problème ». De même que Nadia, lors d'une observation, Josette évoque sa méfiance à propos de l'évaluation de son travail de notre part, pour en rendre compte à son chef d'équipe : « alors, vous pourrez dire à Hicham que c'est bien entretenu, hein? » (cf. compte rendu du 26/05/09, ligne 254). Nous lui rappelons que cela n'est pas notre rôle. Josette et Corine travaillent en présence des usagers. Certains se sont interrogés à propos de notre présence. Ainsi, au cours d'une observation avec Josette, un usager interroge d'un ton ironique : « tu es en train de faire un film, Josette? » (compte rendu du 02/06/09, ligne 196). Lors d'une observation, Corine constate que les usagers « ont tous peur », ils pensent que nous surveillons son travail (cf. compte rendu du 05/06/09, ligne 264). Au cours des observations avec Daniel, des usagers nous interpellent, parfois sur un ton autoritaire et peu aimable, et nous demandent de justifier notre présence. D'autres approuvent notre intérêt pour le travail des agents de service (cf. compte rendu de Daniel du 19/05/09, lignes 84, 126, 147). Comme l'illustrent les interrogations de Daniel et de Josette, les employés sont attentifs à la manière dont nous appréhendons leur travail. Ainsi, à un moment où les opérations de nettoyage se succèdent, Daniel s'arrête quelques instants et nous demande si « c'est clair » (cf. compte rendu du 19/05/09, ligne 155). Josette fait de même à plusieurs reprises : « Je t'ai bien expliqué, ça va? » (cf. compte rendu du 02/06/09, ligne 227). Les questions des témoins montrent leur implication dans la situation d'observation. De même que la collègue de Farida, celle de Corine s'est manifestée au cours des observations. Nous l'avons rencontrée au moment des pauses, mais aussi à plusieurs reprises, sur le lieu de travail de Corine (cf. compte rendu du 04/05/09, lignes 504 à 529 et du 05/06/09, lignes 107 à 123). Elle nous a interrogée plusieurs fois à propos de notre activité et de notre thèse. Nous avons également remarqué l'intérêt porté à notre étude par un autre collègue de Corine : Michel. Celui-ci nous a interrogée à propos de son déroulement et des résultats. Puis, il a commenté notre travail et nous a proposé des idées comme l'observation des déplacements des employés (cf. compte rendu de Corine du 05/06/09, ligne 296). Deux constats peuvent être relevés à propos de ces questions et de ces remarques. Le premier concerne la participation aux observations. Ainsi, bien que la collègue de Corine n'ait pas souhaité participer, elle s'implique peu à peu sans toutefois s'engager, puisqu'elle ne nous demande pas d'observer son travail. Le second constat est relatif aux interrogations suscitées par notre étude. Les commentaires et les suggestions de Michel montrent que l'écart des usagers. On peut donc supposer ené échanger avec les usagers qui ent activité recherche. nettoyage SNP) : « de toutes façons, elles ne vous diront pas si cela les dérange. Elles sont gentilles » Sur notre cinquième terrain, la Nettoyage Pro, nous avons observé le travail de deux employées : Bahia et Habiba. Service Nettoyage Pro (SNP) est une entreprise familiale qui existe depuis environ 50 ans. De même qu'EPN, elle emploie près de 1 200 employés répartis dans 4 agences, en France. Au moment de notre enquête, elle vient de remporter le marché sur appel d'offres du nettoyage de l'Université de Villenette. Nous avons rencontré le chef d'équipe de la SNP (Aïcha) au début du mois de mai 2009, par l'intermédiaire de celui de l'Université de Villenette qui sous-traite une partie de l'activité de nettoyage. Après avoir présenté notre projet, Aïcha a tout d'abord émis quelques réticences. Elle a évoqué le fait que les employés qui travaillent à l'Université ne parlent pas français. Nous avons répondu que cela n'était pas gênant car nous souhaitions observer leur activité. Elle a alors accepté et nous a renvoyée vers son directeur. Nous avons donc contacté ce dernier. Une fois qu'il a eu connaissance de notre étude et du protocole de recueil des données, il nous a fait savoir que nous pourrions débuter les observations à la réception d'un courrier officiel garantissant la confidentialité des informations recueillies lors de la recherche (cf. annexe VII - 2). Il a également insisté sur le fait que les employés devaient être volontaires et nous a demandé de prévenir le chef d'équipe (Valérie). Ces démarches effectuées, nous rencontrons une deuxième fois Aïcha, à la fin du mois de juin. Nous ressentons une nouvelle fois un accueil très réservé. En effet, Valérie n'a pas fait suivre notre message et Aïcha n'a donc pas été prévenue de notre venue. Cette dernière finit par nous donner un rendez-vous pour une première observation, après que nous ayons exposé nos démarches auprès de sa hiérarchie. Nous retrouvons Aïcha quelques jours plus tard, en compagnie de Valérie. Cette fois, l'accueil est plus courtois mais reste bref. Valérie pose quelques questions puis nous laisse seule avec Aïcha. Le personnel a déjà débuté l'activité de nettoyage. Aïcha nous conduit directement auprès de deux employées qui travaillent en binôme. Lorsque nous nous Aïcha d le , les ées ne gentilles » (cf. compte rendu du 29/06/09, lignes 2 à 31). Cependant, nous avons tenu à présenter les objectifs de notre recherche à ceux qui nous ont interrogée, individuellement. Nous les avons évoqués avec Bahia et Habiba de manière informelle, au cours de l'observation. Nous nous sommes également assurée qu'elles étaient d'accord pour être observées. Arrivée sur les lieux, Aïcha fait les présentations, puis nous laisse seule avec Bahia et Habiba. Avant de partir, elle insiste sur le peu de temps dont les deux employées disposent pour exécuter leur travail et nous demande de ne pas leur parler. La première observation se déroule en partie dans le silence. Conclusion partielle La présentation de nos terrains et des rencontres avec les témoins nous conduit à retenir les éléments ci-dessous. Notre terrain d'étude est contrasté. En effet, notre échantillon est constitué de six témoins employés par une entreprise privée. Les onze autres sont employés par une collectivité. Cela reflète la réalité du secteur d'activité que nous présentons dans la première partie du chapitre VI. Le nettoyage peut être effectué par les établissements ou sous-traité par une société extérieure. Les observations se déroulent pour la plupart des témoins sur le site d'une collectivité publique (Université, mairie, établissement de formation) et pour deux dans les bâtiments d'un établissement privé (Gisem et Karima). Chapitre VII : Retour sur la problématique, présentation de la recherche L'accès au terrain de recherche a dû être négocié auprès des témoins mais aussi des employeurs. Les rendez-vous obtenus par contacts interpersonnels ont facilité nos démarches et favorisé les prises de rendez-vous avec les responsables. Notons que nous avons adapté ces dernières à chaque terrain. Un délai moyen de six semaines a été nécessaire pour effectuer les démarches auprès de la hiérarchie et des employés, avant de réaliser une première observation de poste. La situation d'observation a un impact sur le terrain de recherche. Ainsi, nous avons relevé des craintes par rapport à la diffusion des données recueillies et aux modalités de recueil, comme l'enregistrement. Cela a nécessité d'informer les participants et de rester attentive à leurs interrogations. Une fois la relation de confiance établie, nous avons noté une implication et un intérêt de la part des témoins qui partageaient volontiers leurs savoir-faire et parlaient de leur activité. Toutefois, nous ne pouvons ignorer l'écart qui existe entre la situation d'observateur et celle d' é. Lorsque nous nous sommes présentée sur les terrains, nous avons annoncé notre rôle de chercheur, dans un souci de transparence et selon les principes déontologiques de la profession. Nous avons tenté d'atténuer cet écart en adoptant une attitude objective et une posture extérieure à la situation. Parfois, nous avons quitté notre rôle de chercheur pour accepter les mises en situation qui nous ont été proposées. Notons que nous n'avons pas pu observer certains employés. 3. Les méthodes d'investigation : une démarche inspirée de l'ethnographie En amont de nos observations, nous avons défini un cadre de référence théorique (cf. parties 1 et 2 de ce travail). Par la suite, et pour l'analyse des données, nous avons procédé au repérage des indices récurrents. Et à partir des faisceaux de convergence qui ont émergé des faits observés, nous avons défini trois grandes dimensions. Notons que nos catégories ont évolué durant la période des observations et pendant la rédaction des comptes rendus. Par ailleurs, nous nous sommes inspirée des travaux de B. Lahire (1995) pour élaborer notre grille. Après avoir présenté les phases d'élaboration de cette grille, nous présentons les trois dimensions de manière détaillée puis, les catégories plus fines d'analyse. Nous présentons ensuite les écrits constitutifs de notre recherche ainsi que les entretiens qui ont complété notre étude. 176 Chapitre VII : Retour sur la problématique, présentation de la recherche 3.1. La grille d'analyse L'élaboration de la grille d'analyse en trois étapes La première étape a consisté à déterminer nos trois grandes dimensions. Comme nous l'avons précisé dans la première partie de ce chapitre, nous nous sommes éloignée de la démarche ethnologique dans la mesure où nous avons défini un ancrage théorique en amont de notre immersion sur le terrain. Les trois dimensions qui forment la macro-structure de notre grille, ont été déterminées à posteriori, en lien avec nos questions de départ et à partir de notre cadre théorique. Notre recherche, rappelons-le, trouve son ancrage théorique dans le champ de la littéracie (Goody, 2006, 2007 ; Jaffré, 2004) élargie à la raison graphique du point de vue de la gestion du temps et de l'espace (Goody, 1979 ; Lahire, 1995), et à celui des pratiques empiriques, sous l'angle de la rationalité du travail (de Certeau, 1990). En lien avec notre problématique, nos questions de départ interrogent les compétences langagières, en particulier de littéracie, qui sont mobilisées sur le lieu de travail. De ce fait, nous avons retenus les trois dimensions suivantes : --‐ la littéracie élargie à la raison graphique, --‐ les interactions langagières, --‐ les savoir-faire empiriques, mobilisés en contexte professionnel. Lors de la seconde étape nous avons affiné cette macro-structure. Sur le terrain, nous avons procédé à une observation flottante c'est-à-dire globale, mais en partie orientée sur les faits qui pouvaient relever de nos trois dimensions. Lorsque nous avons débuté la rédaction des comptes rendus, nous avons réalisé, dans un premier temps, un classement des faits observés, à partir des trois dimensions de notre grille. Puis, dans un second temps, au vu des faits observés, nous avons réfléchi aux critères d'analyse. Afin de ne pas en oublier, nous n'avons pas cherché à les relier systématiquement à l'une des trois dimensions. La troisième et dernière étape s'est déroulée au moment de l'analyse. Elle a consisté en une relecture systématique de chaque compte rendu afin de relever d'autres faits observés qui se trouveraient liés aux critères et que nous aurions pu omettre au moment de la rédaction. De plus, nous avons constaté qu'un même élément pouvait s'analyser à plusieurs niveaux. C'est le cas de la notion de temps. Cette notion peut en effet être analysée sous l'angle de la numératie (cf. chapitre IX) et sous celui de la logique (cf. chapitre XI). 177 Chapitre VII : Retour sur la problématique, présentation de la recherche La macro-structure de la grille : trois grandes dimensions La première dimension de notre grille catégorise les éléments qui relèvent de la littéracie sur le lieu de travail. Il s'agit de la place de l'écrit sur le terrain de recherche, c'est-àdire dans les lieux nettoyés par nos témoins. Les observations nous ont permis de recueillir des faits sur la nature, la fonction, le statut et l'usage des écrits par les employés. Nous avons également relevé des traces de numératie dans l'activité (comme la numérotation des bureaux ou le code des alarmes). Nous avons aussi observé d'autres marqueurs de l'univers sémiotique de l'entreprise comme les pictogrammes, ou les logogrammes. La seconde dimension concerne les faits qui relèvent du langage oral. Nous avons observé les interactions orales des employés sur leur lieu de travail dans trois types de situations sociales : avec les usagers, avec les collègues et avec les responsables hiérarchiques. Nous avons aussi relevé des discours réflexifs sur le travail. La troisième dimension est relative aux autres faits observés qui relèvent des savoirfaire empiriques, c'est-à-dire des manières de faire et de la logique au travail. Il s'agit de la gestion des tâches dans l'espace et dans le temps. Nous avons observé les gestes, les postures mais aussi les déplacements et les manières d'agir sur le temps et l'espace. La micro-structure de la grille : des critères d'analyse plus fins Afin de rester proche d'une analyse ethnographique et de la réalité du terrain, nous avons déterminé des critères plus fins, à partir des trois dimensions qui représentent la macrostructure de la grille. Ces critères constituent la micro-structure de notre grille. Nous avons établi cette liste de critères au épart de l'analyse, tout en conservant la possibilité de la modifier. Son élaboration a eu lieu pendant la rédaction des comptes rendus et durant la relecture de ces derniers. Ainsi, pour la première dimension (la littéracie sur le lieu de travail), nous avons retenu les critères suivants : les écrits destinés aux agents ou non, la numératie, les logogrammes, les pictogrammes et les autres marqueurs de l'univers sémiotique de l'entreprise. Les critères de la seconde dimension, les interactions orales, concernent en particulier, la place de la parole au travail, le vocabulaire professionnel, les interactions avec les usagers, avec l'équipe, avec la hiérarchie, les discours méta sur l'activité et les langues parlées. Ceux de la troisième dimension (les manières de faire ou la logique au travail) sont les gestes et les postures, la gestion des consignes, l'organisation spatiale, les capacités 178 Chapitre VII : Retour sur la problématique, présentation de la recherche d'observation, l'organisation temporelle, la prise de décision, les notions de responsabilité, de rapidité et d'efficacité dans l'exécution des tâches. 3.2. La description ethnographique : les écrits de la recherche Chaque observation de poste a donné lieu à la description ethnographique des faits, des gestes et, en partie, des propos qui nous ont été donnés à voir et à entendre. Selon F. Laplantine (2005), il s'agit de la mise en mots des phénomènes observés, de « l'organisation textuelle du visible dont l'une des fonctions majeures est aussi la lutte contre l'oubli » (p. 29). Au-delà de leur fonction de mémorisation, les écrits que nous présentons ci-dessous nous ont permis de mettre à distance l'objet étudié. Ils sont constitutifs de notre réflexion. Comme le soulignent M. Perrot & M. de la Soudière (1994), ces écrits prennent la forme de « prises de notes et de transcriptions d'entretien, qui sont déjà de l'écrit sans être pour autant le texte achevé », ils « nourrissent et construisent l'objet [étudié] » (p. 13). Bien souvent, il se mêlent à l'oralité car ils sont issus des observations et des entretiens, informels, que nous avons eus sur le terrain ou l'extérieur. Nous présentons ces écrits dans l'ordre chronologique de leur production dans notre travail. Après avoir précisé leur contenu, nous indiquons à quel moment nous les avons utilisés, comment nous les avons exploités ainsi que les liens qui les relient. Le journal de recherche, un écrit réflexif En amont du carnet de bord et des comptes rendus, et durant toute notre recherche, nous avons tenu un journal que l'on pourrait qualifier, à l'instar de P. Lejeune (1993), de « journal d'enquête » (p. 60). Il s'agit d'un écrit réflexif que nous avons rédigé, au gré des rencontres et des échanges. Cette écriture « souterraine » est datée, elle n'apparaît pas directement dans la recherche. Elle a contribué à la construction de notre réflexion. Le contenu est plus ou moins distancié de notre objet d'étude. Ce journal consigne nos démarches, nos impressions, les notes prises lors d'une conférence, d'un entretien, les difficultés rencontrées et les interrogations qui ont jalonné notre travail. Cet écrit a également donné lieu à la mise en mots de notre langage intérieur, à l'évocation des idées et des liens entre elles. Au départ nous l'avons rédigé dans le même carnet que celui utilisé pour la prise de notes, au moment des observations. Puis, nous avons choisi de séparer ces deux types d'écriture. Ils se distinguent par le niveau de prise de distance avec l'objet. Alors que le 179 Chapitre VII : Retour sur la problématique, présentation de la recherche journal d'enquête est un écrit réflexif, le carnet de bord est plus proche du terrain, donc de l'objet étudié. Bien plus qu'un aide mémoire, il retrace les étapes qui ont jalonné l'élaboration de la thèse. Un aller-retour entre l'écriture descriptive (prise de notes et comptes rendus d'observation de poste) et l'écriture réflexive (journal de recherche) a favorisé le passage de l'objet ou du « visible », à la mise au jour des faisceaux de convergence pour appréhender « l'invisible ». Ainsi, cette écriture se situe au carrefour du carnet de bord et des comptes rendus. C'est à partir d'allers-retours entre ces trois écrits que nous avons procédé à l'analyse des données récoltées sur le terrain. Ainsi, du carnet de bord, au compte rendu et au journal d'enquête, nous progressons du terrain vers l'analyse et la théorie. Le carnet de bord, l'écriture des faits observés L'observation des faits a donné lieu à une prise de notes manuscrite, en direct dans un carnet de bord. Elle a été complétée par un enregistrement audio durant l'observation. De plus, à l'issue de chaque observation et avant de quitter le terrain de recherche, nous avons relu nos notes en nous remémorant le déroulement de l'activité. Cette relecture minutieuse nous a permis de compléter nos informations et parfois, d'ajouter des impressions plus subjectives, dans le but de favoriser la mise en relation des indices. Ainsi, le carnet de bord consigne les faits observés, de manière détaillée, rigoureuse et sans à priori. Il s'agit notamment de la description des lieux, des personnes, des tâches, des gestes, des postures, des déplacements et de la disposition du mobilier. Nous avons aussi relevé la durée de l'observation, le lieu ainsi que les anecdotes et les citations. Nous avons procédé à une écriture de style télégraphique, réduite au minimum mais préservant la compréhension. Cela permettait de libérer notre attention pour la consacrer à l'observation. Nous avons aussi rédigé des phrases courtes, établi des listes et dessiné des schémas (cf. extrait annexe VII – 3). Soulignons que cette prise de notes en direct a été améliorée à la suite de l'écriture des premiers comptes rendus. En effet, il manquait des informations. Cela a été le cas de la description des lieux ou des personnes. Ainsi, lors des observations qui ont suivi la rédaction des comptes rendus, nous avons tenté de noter davantage de détails. Parfois, nous avons privilégié l'observation au risque de ne pas pouvoir mémoriser tous les phénomènes, plus particulièrement au cours des premières observations de poste. Nous avions besoin de nous familiariser avec le terrain pour en avoir une vision globale. De plus, cette prise de notes réduite, nous a permis d'avoir plus de temps pour observer les 180 Chapitre VII : Retour sur la problématique, de témoins, dans leur environnement professionnel. Il s'agissait de rester disponible et attentive en mobilisant une écoute active, voire « sensible » (Barbier, 1997, p. 261). Ceci afin d'appréhender le fonctionnement global des témoins, en lien avec leur histoire, leur vécu et l'environnement de travail, pour comprendre les actions et les comportements. L'usage d'un enregistreur numérique nous a également permis de nous libérer de la prise de notes. Lorsque nous avons jugé que cela ne gênait pas nos témoins, nous avons verbalisé à voix basse, et enregistré la description des faits que nous observions (observation des es de Mustapha, de Bahia et d'Habiba). La prise de notes a pu être réduite. Cela a permis de favoriser notre attention et a facilité la rédaction des comptes rendus. Ainsi, les témoins nous ont vue prendre des notes et entendue décrire leur activité. Nous nous interrogeons sur l'impact que cela peut avoir sur la situation d'observation. Est-ce que cela permet à celui qui est observé de mettre à distance la situation d'observation, voire la tâche qu'il exécute à ce moment là? Le compte rendu d'observation, première étape vers l'analyse La prise de notes que nous avons effectuée à l'aide du carnet de bord a donné lieu à la rédaction différée d'un compte rendu. Nous en avons rédigé un pour chaque observation de poste (cf. annexe : CD-Rom). En raison de la fréquence, et du nombre de visites sur les postes de travail, nous avons dû rédiger les comptes rendus plusieurs semaines après avoir réalisé les observations. Aussi, les enregistrements ont permis de compléter les notes et de nous remémorer les faits observés. Pour rédiger ces comptes rendus, nous avons procédé à une relecture minutieuse des notes manuscrites de notre carnet de bord. Simultanément à cette relecture, nous avons écouté les enregistrements audio et transcrit les passages qui illustraient ou apportaient des informations supplémentaires aux descriptions. Nous avons adopté le style de l'écriture descriptive narrative de la démarche ethnographique. Nous avons décrit les faits dans l'ordre chronologique de leur observation. Nous avons débuté l'analyse parallèlement à la rédaction de ces comptes rendus. Cette écriture a donc contribué aussi à la définition des trois grandes dimensions de notre grille. Elle a également permis de relever des critères plus fins qui constituent la micro-structure de notre grille, réalisée à la troisième étape de l'analyse. Soulignons que l'élaboration de la grille d'analyse a donné lieu à des allers-retours entre le texte des comptes rendus (et donc les faits observés) et la réflexion menée à propos de ces critères, qui est en partie consignée dans le journal de recherche. Ainsi, les compte s rendus d'observation consignent les données, en vue 181 Chapitre VII : Retour sur la problématique, présentation de la recherche de leur analyse. Toutefois, comme le souligne J. Massonnat (2005), « observer, c'est résumer en classant ». On peut considérer que le compte rendu n'est pas une écriture exhaustive des faits relevés sur le terrain (p. 64). Ainsi, du carnet de bord au compte rendu s'opère une première sélection implicite de ce qui va être écrit. En ce qui concerne notre étude, la sélection s'est opérée à partir des trois grandes dimensions qui constituent le premier niveau de la grille. 3.3. Les entretiens semi-directifs : un complément d'enquête Nous avons mené un entretien semi-directif auprès de chaque témoin, en dehors de son temps de travail (cf. annexe VII – 4). L'objectif était de compléter les informations recueillies lors des observations en vue d'établir un portrait. Nous avons élaboré ce guide d'entretien en référence aux travaux (présentés au chapitre II) de B. Lahire (1995), V. Leclercq (1999) et J.-M. Besse et al. (2003, 2004). Nous avons abordé les thèmes suivants : --‐ la vie professionnelle (ancienneté dans la branche, description des tâches et de l'activité), la formation (pour ceux qui étaient inscrits dans un parcours de type « remise à niveau » ou « maîtrise des écrits professionnels ») et le parcours scolaire ; --‐ la formation technique qu'ils ont reçue (comment ils ont appris leur travail) ; --‐ l'écrit : leurs pratiques et les stratégies, sur le poste de travail et dans le cadre personnel (quels types d'écrits, quelles opérations de réception et de production, comment ils utilisent l'écrit). Ce thème est relié à la seconde dimension de notre grille. Cet entretien est complété par une proposition de production d'écriture spontanée. Nous avons demandé à chaque témoin de produire un écrit, en leur laissant le choix du genre discursif. Ils l'ont rédigé au cours ou à l'issue de l'entretien. Ces écrits ainsi que d'autres itre VII Retour , expérience , formation éléments au chap Nous avons également mené des entretiens individuels avec les chefs d'équipe quand cela a été possible (cf. annexe VII – 5). Ces entretiens ont permis de recueillir des informations mais aussi de répondre à leurs interrogations. Ces dernières portaient en partie sur le déroulement des observations, sur les objectifs de notre étude ainsi que sur la diffusion des résultats. Nous avons eu accès à la manière dont les consignes sont transmises aux employés. Nous avons aussi appréhendé certaines de leurs représentations du travail et de la formation. Nous les avons confrontées avec celles des employés. Les informations recueillies auprès des responsables nous ont également aidée à comprendre le fonctionnement global de l'entreprise, comme l'organisation hiérarchique. Enfin, nous avons complété notre recueil de données par des entretiens avec des personnes de la profession. Ils ont donné lieu à une prise de notes, dans notre journal d'enquête. L'objectif de cette étude complémentaire était de mieux comprendre le métier et son évolution en vue d'une approche globale. Ces entretiens ont concerné les personnes suivantes : --‐ le responsable d'un organisme de formation qui propose des parcours « maîtrise des écrits professionnels », destinés aux employés du secteur du nettoyage ; --‐ deux formatrices qui animent des formations « maîtrise des écrits professionnels » et « remise à niveau » (cf. guide d'entretien : annexe VII – 6) ; --‐ le responsable d'une agence régionale de l'organisme qui collecte les fonds destinés à la formation des employés de la branche propreté. Ces différents échanges, associés à une étude documentaire, nous ont apporté des informations sur l'activité de nettoyage, l'évolution du métier, les objectifs des formations professionnelles, le contexte dans lequel elles ont été mises en place dans le secteur du nettoyage et leur déroulement. Ces informations sont présentées au chapitre VI. Conclusion partielle Au total, notre grille comprend deux niveaux : --‐ le premier, qui constitue la macro-structure, rassemble trois grandes dimensions : le langage au travail sous l'angle de la littéracie élargie à la raison graphique, les interactions orales ainsi que les savoir-faire empiriques ; Chapitre VII : Retour sur la problématique, présentation de la recherche --‐ le second niveau, qui constitue la micro-structure, rassemble plusieurs critères plus fins reliés aux trois grandes dimensions. Les écrits de la recherche ont contribué à la mémorisation et à l'analyse des faits observés sur le terrain. Nous avons utilisé trois types d'écrits : --‐ le journal de recherche, dont l'écriture se caractérise par sa dimension réflexive. Rédigé en parallèle des deux autres types d'écrits, il nourrit la réflexion en vue de l'analyse. Cette réflexion est issue des faits consignés dans le carnet de bord et dans les comptes rendus ; --‐ le carnet de bord qui consigne la description des faits. L'usage d'un enregistreur peut en partie libérer l'attention mobilisée lors de la prise de notes ; --‐ le compte rendu qui est avant tout une réécriture des notes prises dans le carnet de bord. Il s'agit d'une écriture différée. Le recours aux enregistrements permet de remémorer la situation d'observation. Cet écrit est relié au journal de recherche car il consigne les données en vue de leur analyse. Des entretiens semi-directifs complètent le recueil de donnée. Les informations recueillies servent principalement à établir les portraits mais aussi à comprendre le contexte professionnel. Conclusion du chapitre Ce retour sur la problématique et la présentation de notre recherche nous conduit à retenir les conclusions suivantes. Notre problématique est fondée sur l'hypothèse que des compétences relevant de la tradition orale peuvent être affiliées à celles que nous développons dans la culture écrite et qui est prépondérante dans notre société. Ainsi, des savoir-faire informels, relevant de la raison graphique, peuvent être construits dans la tradition orale. Ces compétences ignorées car non valorisées dans un contexte social où l'écrit est la norme de référence, peuvent être mises au jour en situation. Les travaux du réseau Langage et Travail mettent en exergue la part langagière du travail ainsi que l'imbrication du langage dans l'activité (Boutet, 1993). La tâche en milieu professionnel constitue donc une situation dans laquelle les compétences empiriques peuvent être observées. La méthodologie générale mise en oeuvre dans notre recherche trouve sa source dans les travaux de recherche du réseau Langage et Travail et, en particulier, dans l'approche ethnologique. Cela nous a permis de recueillir des faits dans le détail, durant le travail. Nos terrains de recherche coïncident avec la réalité de la profession présentée au chapitre VI. 184 Chapitre VII : Retour sur la problématique, présentation de la recherche Bien que nous ayons procédé à des observations de manière ouverte afin de relever les faits de manière systématique, l'arrière-plan théorique nous a permis de garder le cap de notre problématique. Ainsi, les travaux de recherche sur la littéracie élargie à la raison graphique a guidé nos observations et le traitement de nos données. Parmi les limites de nos choix méthodologiques, soulignons les effets de notre présence sur le terrain de recherche. Nous avons relevé des réactions qui montrent l'impact de la présence du chercheur sur le déroulement de l activité mais aussi dans les relations au sein des équipes. Cela a pu être en partie atténué par l'instauration d'une phase de mise en confiance et par la répétition de nos visites sur le terrain. Comme nous le montrons dans les prochains chapitres, notre méthodologie basée sur l'observation du travail en situation procure des indicateurs pour l'élaboration d'une grille d'analyse de la raison graphique au travail. C'est à partir de ces marqueurs que nous présentons nos résultats, dans la quatrième partie de notre recherche. 185 QUATRIÈME PARTIE Présentation et interprétation des résultats : du langage au travail, vers les compétences issues de la « raison orale » Introduction de la quatrième partie Nous avons présenté notre problématique dans la partie précédente. Rappelons-en les principaux éléments. Nous formulons l'hypothèse que des savoirs et savoir-faire sont construits dans l'expérience. Ces compétences sont ignorées, car éloignées de la culture écrite, et non-conforme à la norme sociale. Mises en oeuvre dans l'activité, elles peuvent être observées en situation professionnelle. Le travail de nettoyage dans lequel la gestion du temps et de l'espace sont des éléments importants donne la possibilité de les observer. La description de la littéracie en contexte professionnel, des interactions verbales et des gestes professionnels, constitue le principal objet de notre recherche. Dans la troisième partie nous avons décrit notre démarche méthodologique. Cette partie constitue l'étape de présentation et d'analyse des données recueillies. En premier lieu nous nous intéressons au rapport à l'écrit des employés de notre échantillon. Des données biographiques complémentaires permettent de compléter les portraits rassemblés au chapitre VIII. Le chapitre IX est consacré aux écrits dans le cadre professionnel. A partir des données recueillies, nous montrons l'impact des écrits dits « règlementaires » dans l'organisation du travail, en utilisant la typologie de J. Boutet (1993). Les observations ont également permis de relever des écrits du travail réel, qui donnent lieu à des passages spontanés à la lecture-écriture. Des traces de numératie et d'autres signes (pictogramme, logogramme, schémas) traduisent l'univers sémiotique de l'entreprise et s'intègrent à l'activité des agents de nettoyage. Ces éléments nous permettent de mieux appréhender les ompétences scripturales du point de vue de l'organisation de l'activité. En cela, ces données complètent les discours des témoins et des employeurs présentés dans les portraits, au chapitre VIII. Au chapitre X, nous étudions la parole au travail sous trois aspects : les interactions verbales des employés avec les interlocuteurs de l'environnement professionnel, le vocabulaire professionnel et les discours réflexifs sur l'activité. Cette étude met au jour une conceptualisation différenciée de l'activité. Enfin, la rationalité du travail, analysée à partir de l'observation des gestes professionnels, fait l'objet du chapitre XI. Ces gestes sont analysés à partir de la gestion de l'espace et du temps. L'étude des gestes, des postures, des déplacements et de l'organisation temporelle met au jour des compétences empiriques ignorées contrastées du point de vue de la conceptualisation. CHAPITRE VIII Les gens : portraits centrés sur le rapport à l'écrit Introduction « Il est difficile de présenter une population quand on ne peut pas la nommer, quand elle n'est pas homogène, qu'il ne s'agit ni d'un groupe, ni d'une ethnie, ni d'une stricte catégorie socioprofessionnelle, et qu'on ne peut sinon la définir, du moins la désigner d'un mot » (Pétonnet, 2002, p. 19). Bien que les témoins de notre enquête puissent être nommés par la catégorie socioprofessionnelle à laquelle ils appartiennent, l'intitulé de ce chapitre fait référence aux travaux menés par C. Pétonnet. Selon une approche ethnologique notre méthodologie est basée sur l'observation de microphénomènes (cf. chapitre VII). Les portraits que nous présentons dans ce chapitre s'inscrivent dans cette lignée. Nous montrons ainsi que « les gens », désignation communément généraliste, se caractérisent entre autres par la singularité de leur rapport à l'écrit. A la manière de B. Lahire (1995) et d'autres chercheurs (Balas, 2007 ; Bourdieu, 1998 ; Onillon, 2008 ; Michaudet, 2006) dont les travaux s'inspirent de cette démarche, nous avons procédé à des descriptions détaillées des usages sociaux de l'écrit (cf. chapitre II). Ces portraits constituent des instantanés, ils apportent un point de vue qualitatif à un moment donné de la recherche. Les informations ont été recueillies soit au cours d'entretiens individuels semi-directifs et lors d'échanges informels, soit au fil des observations sur le lieu de travail. Nous avons complété les informations verbales par une mise en situation d'écriture libre. Nous avons demandé aux témoins de nous communiquer une production écrite de leur choix. Nous avons analysé ces productions écrites à l aide de la grille de C. Garcia-Debanc & M. Mas (1986), selon trois axes linguistiques : pragmatique, sémantique et morphosyntaxique. Lorsque cela a été possible, nous avons interviewé les responsables hiérarchiques des employés. Nous complétons les portraits avec les données recueillies à cette occasion. Comme nous le mentionnons ci-dessus, notre étude est qualitative et les résultats présentés dans ces portraits ne sont pas représentatifs. L'objectif est de mettre en évidence des faisceaux de convergence, en lien avec les informations selon nos trois grandes dimensions Chapitre VIII : Les gens d'analyse : littéracie élargie à la raison graphique, interactions verbales et rationalité du travail ou pratiques empiriques. Ces dimensions font l'objet des chapitres suivants et ont été présentées au chapitre VII. Il ne s'agit donc pas ici d'une simple description mais bien d'un début d'analyse interprétative . Cette analyse est reprise dans la conclusion de ce chapitre ainsi que dans les trois prochains chapitres. Lorsque nous décrivons les faits dans les portraits cidessous, nous employons la première personne pour rester proche du récit descriptif qui caractérise notre démarche de type ethnographique. Bien que nous en ayons déterminé à priori les grandes lignes directrices, l'écriture de chaque portrait s'est affinée au fur et à mesure de l'avancée de la rédaction, lorsque des éléments de convergence se sont dessinés. Ainsi, chaque portrait rend compte du curriculum de chacun de nos témoins. Nous donnons tout d'abord quelques brèves précisions quant à notre première rencontre avec les témoins. Ensuite, nous mettons en scène chaque témoignage avec la littéracie en toile de fond. Ainsi, après avoir décrit les parcours de formation et professionnel, nous nous intéressons aux compétences langagières, en particulier, écrites. En cela, ces portraits nous éclairent sur le rapport à l'écriture et d'une manière plus globale, à l'écrit, des employés. Ces données renseignent sur la perception qu'ils ont de l'écriture et de l'écrit dans le cadre professionnel. Ces représentations se combinent aux attitudes analysées aux chapitres IX et XI. Enfin, nous présentons quelques éléments de contexte à la fin de chaque portrait afin de donner des informations quant au déroulement des observations de poste. Nous présentons plus en détail notre rencontre avec les terrains de recherche au chapitre VII. Nous avons procédé à un enregistrement audio durant les entretiens et les observations. Les propos des employés sont transcrits en direct et en italique. En conclusion, un tableau apporte un point de vue global de notre échantillon. Atika : j'aimerais bien écrire toutes les choses que je fais mais je n'y arrive pas! 31 ans, scolarisée au Maroc, 8 ans d'ancienneté dans le secteur du nettoyage. Atika travaille pour la même société privée de nettoyage (EPN) que Gisem, Karima et Djamila, dont les portraits sont présentés ci-après. La jeune femme est inscrite dans une formation intitulée « maîtrise des écrits professionnels ». J'ai réalisé trois observations de poste et un entretien, entre février et juin 2009. Ils ont été précédés d'une première rencontre avec sa formatrice et avec l'équipe, pour leur présenter la recherche. Atika est une jeune femme brune mince, de taille moyenne, au caractère plutôt effacé mais elle parle de ses projets avec ardeur. Arrivée en France depuis 8 ans elle n'est pas mariée et n'a pas d'enfant. Dans sa famille, au Maroc, Atika est la seule à avoir arrêté ses études à la fin de la première année de collège. Ses deux soeurs et ses deux frères ont effectué des études supérieures. Au cours de l'entretien, elle affirme que même sa mère a un bac plus trois. Atika aimerait préparer un diplôme pour pouvoir changer de métier. La journée d'Atika débute chaque matin, à 5 heures. Elle se plaint des horaires contraignants. Quand elle téléphone à sa famille restée au Maroc, elle n'ose pas dire qu'elle fait du ménage. Elle leur dit qu'elle travaille avec des personnes âgées. Cela fait un an qu'Atika a commencé une formation à la « maîtrise des écrits professionnels ». La jeune femme dit qu'elle a avant tout envie d'améliorer l'écrit. Elle en a besoin parce qu'elle aimerait reprendre ses études. C'est après avoir annoncé à son responsable son désir de quitter l'entreprise pour s'inscrire dans une formation longue que celui-ci lui a proposé le parcours « Maîtrise des écrits professionnels ». Cela lui permet de se former en conservant son emploi et surtout un revenu. Depuis qu'elle a commencé sa formation, Atika remarque qu'elle a plus de facilités pour s'exprimer. En effet, nous nous comprenons bien, malgré un léger accent et surtout une voix timide. Parfois, il m'arrive de lui demander de répéter car je n'ai pas entendu ce qu'elle m'a dit. Au cours de notre entretien, la jeune femme se remémore son arrivée en France, il y a huit ans.
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Effets de la nature des particules sédimentaires (granulométrie et matière organique) sur la concentration des contaminants : OSR6 | Axe B - Action 4.2 | Rapport scientifique intermédiaire. [Rapport de recherche] IRSN; INRAE. 2023. &#x27E8;hal-04228632&#x27E9;
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Tableau 7. Coefficients de corrélation (test de Pearson) entre les concentrations en mercure et les différents paramètres caractérisant les MES : d50, COP, NT et C/N. Seules les coefficients pour les corrélation significative (p-value < 0.05) sont indiquées dans le tableau ; les cases remplies d’un tiret indiquent une absence de corrélation ; la mention N.D. indique un test non réalisé par manque de données. Paramètre d50 COP NT C/N AIN N.D. N.D. AND 0.72 0.53 - ARD 0.81 0.83 - ARL 0.48 0.76 - ARV 0.84 N.D. N.D. BOU N.D. N.D. DRO - Paramètre d50 COP NT C/N DUR -0.49 0.49 FIE -0.76 0.63 0.74 -0.36 GAR -0.58 - GIE 0.27 0.30 -0.37 ISE -0.65 0.29 0.62 -0.58 JON -0.31 0.43 0.58 -0.35 SAO 0.38 -0.47 OSR6 Des corrélations négatives sont aussi observées pour quelques stations (Fier, Gardon, Isère et Rhône à Jons) entre les concentrations en mercure et les valeurs de d50. Une dépendance entre matière organique et granulométrie n’étant pas à exclure (diminution générale des teneurs en COP avec l’augmentation de la granulométrie ; Figure 15), il est difficile de conclure sur un effet réel de la taille des particules sur les concentrations en mercure de ces 4 stations. Aucune corrélation entre les concentrations en Hg et celles en COP ou NT n’a été observée pour la Drôme et la Gardon. Pour la Drôme, ceci pourrait s’expliquer par le fait que les concentrations en mercure mesurées dans les MES font partie des concentrations les plus faibles mesurées dans les MES de l’OSR et que les rapports C/N des MES de la Drôme sont très élevées par rapport aux autres stations (Figure 14). Enfin, la Durance apparaît elle aussi atypique car c’est une corrélation négative qui est observée entre Hg et NT et une corrélation positive entre Hg et le rapport C/N. Ceci est particulière étonnant et inexpliqué à ce jour, d’autant plus que les MES de la Durance ont des caractéristiques similaires à celle de l’Isère (mêmes gammes de COP et C/N) où des relations Hg et COP plus classiques ont été observées. Figure 16. Corrélations (test de Pearson) obtenues entre la granulométrie (d50) et les concentrations en métaux (As, Cd, Co, Cr, Cu, Ni, Pb et Zn) pour les principaux affluents du Rhône (Ardèche, Drôme, Durance, Fier, Gardon, Gier, Isère et Saône). Les corrélations significatives (p<0.05) sont représentées par des ronds dont la couleur dépend du coefficient de corrélation (entre -1 pour la couleur rouge et +1 pour la couleur bleue). Les relations entre granulométrie et métaux ont été étudiées au travers des corrélations (test de Pearson) obtenues entre le d50 et les concentrations en métaux pour chaque station de l’OSR (Figure 16). Pour l’Isère, le Fier, l’Ardèche, le Rhône à Arles. La plupart des métaux étudiés ont des concentrations significativement corrélées négativement aux valeurs de d50. Cette diminution des concentrations métalliques avec l’augmentation de la granulométrie est classiquement interprétée par une affinité plus importante des métaux pour les particules les plus fines due à l’augmentation de leur surfaces spécifiques (Duinker, 1986; Olsen et al., 1982). Ce phénomène n’est visible que pour certains métaux pour la Drôme (pour Co, Cr, Ni et Zn) et OSR6 Rapport Scientifique Final B4.2 du Gardon (Cd, Cu et Zn). En ce qui concerne le Gier, seulement 3 métaux (Pb, Co, As) sont corrélés avec le d50 et les coefficients de corrélation sont beaucoup plus faibles que pour les stations précédentes. Ceci pourrait être expliqué par des apports important en matière organique anthropique (encore une fois, rejet de STEU en dysfonctionnement et rejets de réseau d’assainissement) qui augmentent la granulométrie des particules (formation de flocs et d’agrégats organiques) et qui modifient alors les relations entre métaux et granulométrie classiquement observées. Enfin, aucune relation significative entre d50 et concentrations en métaux n’a été observée pour la Durance et la Saône. Encore une fois, la très faible variabilité de granulométrie observée pour la Saône est certainement à l’origine de cette absence de corrélation. Les relations entre les concentrations en MES et la matière organique (au travers des concentrations en COP, NT et rapport C/N) sont plus hétérogènes que celles observées avec le mercure. Deux stations présentent de forte corrélations positives entre les concentrations en métaux et celles en COP et NT : le Rhône à Andancette et le Fier. Ces relations sont un peu moins marquées (et pour une partie seulement des métaux) pour la Saône et l’Isère, l’Ardèche et le Rhône à Arles. Les MES de l’Isère, le Fier et le Rhône à Arles présentent des corrélations négatives entre la plupart des métaux et le rapport C/N. Encore une fois, il est difficile d’évaluer le rôle de la matière organique dans les variations des concentrations en métaux étant donné les relations qui peuvent être observées entre la granulométrie et la teneur en matière organique dans les MES (diminution générale des teneurs en COP avec l’augmentation de la granulométrie ; Figure 15). Quasiment aucune relation entre les métaux et la matière organique n’est observée pour la Drôme, la Durance, le Gardon et le Rhône à Jons. AND ARD ARL DRO DUR FIE GAR GIE ISE JON SAO Figure 17. Corrélations (test de Pearson) obtenues entre les teneurs en COP, NT et C/N (noté C.N) et les concentrations en métaux (Hg, As, Cd, Co, Cr, Cu, Ni, Pb et Zn) pour le Rhône à Arles et Jons et des affluents du Rhône (Gier, Drôme, Isère et Saône) et le Rhône à Jons et Arles. Les corrélations significatives (p<0.05) sont représentées par des ronds dont la couleur dépend du coefficient de corrélation (entre -1 pour la couleur rouge et +1 pour la couleur bleue). 6.2 Cas des PCB Les données en PCB ne sont disponibles que pour les affluents du Haut-Rhône, l’Isère et le Gier. Etant donné les faibles niveaux de quantification des PCB les plus légers, l’étude de comparaison entre concentrations en PCB et granulométrie a été réalisé sur la somme des concentrations des 7 PCB indicateurs (PCBi) : PCB28, PCB52, PCB101, PCB118, PCB138, PCB153 et PCB180. De façon générale, la concentration en PCBi n’est pas corrélée aux caractéristiques des MES (d50, COP, NT et C/N). Ceci est cohérent avec les résultats de l’étude de Masson et al. (2018) dans laquelle les concentrations en PCB mesurées dans les MES collectées par PAP à Jons ne semblaient pas être influencées par une augmentation de la granulométrie lors des crues par rapport aux MES collectées par CFI. Une corrélation négative avec la granulométrie (d50) est observée pour le Fier, le Gier et la Saône. Pour le Fier et le Gier, une corrélation positive avec les concentrations en COP est aussi observée. Pour l’Isère, une corrélation est observée entre les concentrations en PCBi et celles en NT. Enfin une forte corrélation (mais seulement 6 mesures) est observée pour les MES de la Durance entre les concentrations en PCBi et le rapport C/N. Ceci avait aussi été observé pour le mercure. Il est à noter que les concentrations en PCBi dans les MES de la Durance sont très faibles comparées aux autres stations. Tableau 8. Coefficients de corrélation (test de Pearson) entre les concentrations en mercure et les différents paramètres caractérisant les MES : d50, COP, NT et C/N. Seules les coefficients pour les corrélation significative (p-value < 0.05) sont indiquées dans le tableau ; les cases remplies d’un tiret indiquent une absence de corrélation ; la mention N.D. indique un test non réalisé par manque de données. Paramètre AIN ARD ARV BOU DUR FIE GIE ISE JON SAO d50 - - - - - -0.76 -0.39 - - -0.34 COP - - - - - 0.63 0.40 - - - NT N.D. N.D. N.D. N.D. - - - 0.52 - - C/N N.D. N.D. N.D. N.D. 0.99 - - - - - 6.2.1 Cas des radionucléides Pour cette étude, 4 radionucléides (Ac228, C14, Cs137, K40) ont été considérés car leur fréquence de quantification était suffisante pour étudier les tendances. A Arles, seules les mesures de C14 ont été associées à des mesures granulométriques et de COP. Dans l’ensemble, si une diminution des concentrations est observée sur plusieurs stations avec l’augmentation de la taille de particules (Arles, Drome, Durance, Fier, Gier), celle-ci est faible et rarement significative (p-value <0.01) pour l’ensemble des radionucléides (Figure 18). A Jons, les concentrations diminuent significativement avec l’augmentation du d50 à l’exception du C14. Pour ce radionucléide, les concentrations sont uniquement significativement corrélées avec le d50 à Arles. Sur l’Ardèche, le Gardon, l’Isère et la Saône aucune corrélation n’est observée. Concernant le COP, seules deux relations significatives sont observées : dans le Fier pour le Cs137 et à Jons pour le K40. Ces résultats montrent qu’il ne semble pas y avoir une relation universelle entre la nature des particules (granulométrie et COP) et la concentration des contaminants radioactifs. Figure 18. Variation de la concentration des radionucléides en fonction du d50 et de l’état hydrologique, sur les prélèvements par PaP et après ultrasons. 7. Conclusion et perspectives Les nombreuses données recueillies dans le cadre de l’OSR sur les MES du Rhône et de ses affluents ont permis d’étudier les variations de granulométrie et de matière organique des MES à l’échelle du Rhône : • Les différentes techniques de prélèvement des MES mises en œuvre à la station de Jons permettent de confirmer les résultats précédemment obtenus : les pièges à particules tendent à collecter des MES plus grossières que les autres types de prélèvement (centrifugation ou prélèvement manuel). • De façon générale, la granulométrie des MES du Rhône et de ses affluents est homogène avec une prédominance de limons quelques soit le régime hydrologique. Lors des crues, la part des sables tend à augmenter alors que la proportion en argile reste constante. • Le degré d’agrégation des MES tend à diminuer en crue pour tous les affluents. De manière générale, il augmente avec l’augmentation du d50 effectif. • Pour la première fois, des flux par classes de particules ont été calculés à la station de Jons. Les flux sont majoritairement dominés par les limons au détriment des sables et des argiles. • Les teneurs en COP des MES sont variables en fonction des stations. Les concentrations les plus élevées sont observées pour le Gier, la Bourbre, l’Ardèche et le Guiers, et les concentrations les plus faibles sont mesurées dans l’Arve, la Durance, l’Isère, Le Rhône à Arles et à Jons. • Les tendances en COP ont tendances à diminuer lors des crues où les rapports C/N sont les plus élevés. Le rapport C/N pourrait être un très bon traceur pour l’origine terrigène (rapports C/N > 10) ou autochtone (C/N < 10) de la matière organique. • Globalement, on peut observer une diminution des concentrations en COP avec l’augmentation de la granulométrie qui peut s’expliquer par un apport plus important de particules terrigènes appauvries en matière organique durant les crues. Les relations entre contaminants (Hg, métaux, PCB et radionucléide) et les caractéristiques des MES (granulométrie au travers du d50, teneur en COP et nature de la matière organique au travers du rapport C/N) sont complexes : • Les concentrations en mercure semblent plus influencées par les concentrations en COP et NT que par la granulométrie, ce qui cohérent avec la forte affinité du mercure pour la matière organique généralement observée dans la littérature. • Les concentrations en métaux sont généralement plus influencées par la granulométrie que par la matière organique : une augmentation de la granulométrie tend à diminuer les centrations métalliques ce qui s’explique traditionnellement par la diminution de la surface spécifique des particules les plus grossières. La très faible variation de granulométrie observée pour la Saône est à l’origine de l’absence de corrélation entre métaux et granulométrie. • Les concentrations en PCB et contaminants radioactifs sont très peu influencées par la granulométrie ou la matière organique. Les variations des concentrations de ces contaminants pourraient être plus liées à la variation de la source de contaminants qu’à la nature des particules. • Les relations globales entre granulométrie et matière organique observées sur les stations de l’OSR rendent compliquées l’établissement de relations claires entre les concentrations en contaminants et la granulométrie ou la matière organique. Pour aller plus loin que l’étude des données historiques de l’OSR et fouiller plus en profondeur le relations entre contaminants et granulométrie, une expérimentation de fractionnement granulométrique est en cours. Cette action vise à séparer par classes de taille un échantillon brut, afin de mesurer la répartition des contaminants d’intérêt au sein de ces classes. Comme cette action requiert une quantité significative de matière, elle ne sera réalisée que sur des échantillons de crue. Il est ainsi prévu de l’appliquer pour deux échantillons prélevés sur les principaux affluents. Le fractionnement est réalisé par voie humide à l’aide d’un arbre à tamis (<20 μm, 20-60 μm, 60-100 μm, 100-200 μm et 200-1000 μm). La porosité des tamis a été sélectionné en fonction des modes granulométriques que l’on observe sur le Rhône, dans la limite métrologique. En effet, les tamis de faibles porosités sont difficiles à utiliser car très vite colmatés et ceux malgré l’utilisation de la vibration de l’arbre à tamis et l’apport d’eau. 8. Bibliographie Duinker, J.C. (1986). The role of small, low-density particles on the partition of selected PCB congeners between water and suspended matter (North-Sea area). Netherlands Journal of Sea Research 20, 229238. https://doi.org/10.1016/0077-7579(86)90045-14 Grangeon, T., Legout, C., Esteves, M., Gratiot, N., Vavratil, O. (2012). Variability of the particle size of suspended during highly concentrated flood events in a small mountainous catchment. Journal of Soils and Sediments 12(10), 1549-1558. https://doi.org/10.1007/s11368-012-0562-5 Karickhoff, S.W., Brown, D.S., Scott, T.A. (1979). Sorption of hydrophobic pollutants on natural sediments. Water Research 13(3), 241-248. https://doi.org/10.1016/0043-1354(79)90201-X Kelso, J.E. (2018). Organic Matter Sources, Composition, and Quality in Rivers and Experimental Streams. Graduate These, Ecology, Utah State University. https://digitalcommons.usu.edu/etd/7354 Lepage, H., Masson, M., Delanghe, D., and Le Bescond, C. (2019). Grain size analyzers: results of an intercomparison study. SN Applied Sciences, 1(9), 1100. https://hal.science/OSR/hal-02454916v1 Masson, M., Angot, H., Le Bescond, C., Launay, M., Dabrin, A., Miège, C., Le Coz, J., Coquery, M. (2018). Sampling of suspended particulate matter using particle traps in the Rhône River: Relevance and representativeness for the monitoring of contaminants. Science of the Total Environment 637-638, 538-549. https://hal.science/OSR/hal-02015899v1 Masson, M., Dabrin, A., Dieudé, P., Gruat, A., Richard, L., Dherret, L., Grisot, G., Le Coz, J., Radakovitch, O., Coquery, M. (2021). Représentativité de l'échantillonnage intégré des matières en suspension dans les rivières à l'aide de pièges à particules. 27e Réunion des Sciences de la Terre, Lyon, France. https://hal.science/OSR/hal-03588180v1 Meybeck, M. (1982). Carbon, nitrogen, and phosphorus transport by world rivers. American Journal of Science 282, 401-450. https://doi.org/10.2475/ajs.282.4.401 Olsen, C.R., Cutshall, N.H., Larsen, I.L. (1982). Pollutant particle associations and dynamics in coastal marine environments - a review. Marine Chemistry 11(6), 501-533. https://doi.org/10.1016/0304-4203(82)90001-9 Paolini, J (1995). Particulate organic-carbon and nitrogen in the Orinoco River (Venezuela). Biogeochemistry 29, 59-70. https://doi.org/10.1007/BF00002594 OSR6 Scientifique Pierard, C., Budzinski, H., Garrigues, P. (1996). Grain-size distribution of polychlorobiphenyls in coastal sediments. Environmental Science and Technology 30(9), 2776-2783. https://doi.org/10.1016/0304-4203(82)90001-9 Phillips, J.M., Walling, D.E. (1995). An assessment of the effects of sample collection, storage and resuspension on the representativeness of measurements of the effective particle size distribution of fluvial suspended sediment. Water Research 29(11), 2498-2508. https://doi.org/10.1016/0043-1354(95)00087-2 Veyssy, E., Etcheber, H., Lin, R.G., Buat-Menard, P., Maneux, E. (1998). 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32 démontrer que le patriarche n'était pas captivé par cette tranche de l'histoire romaine 11. Au vu de ces remarques, il est compréhensible que la digression que Memnon consacre à l'histoire de la puissance romaine soit résumée en quelques passages par Photius (F 18.1-5). D'ailleurs, chez Appien (codex 57), après avoir nommé les rois Romains, le patriarche écrit : « Après cela, la monarchie fut abolie, et ses pouvoirs transférés aux consuls » (ἐξ οὗ τῆς βασιλείας καταλυθείσης εἰς τοὺς ὑπάτους τὰ τῆς ἀρχῆς μετετέθη, Appien, codex. 57). Le résumé qu'il fait de cette période de l'histoire romaine est similaire dans sa notice de Memnon. D'autres aspects des ouvrages qu'il a consultés n'ont pas suscité l'enthousiasme du patriarche byzantin. Treadgold, dans son analyse des intérêts littéraires de Photius, estime que ce dernier n'éprouve pas grand intérêt pour les auteurs qui apportent des détails sur la documentation qu'ils ont consultée pour entreprendre leur récit historique, car il les juge ennuyeux12. Ainsi, si Memnon a donné de telles informations, elles n'ont pas survécu à l'intervention de Photius, puisque la notice ne fournit aucune donnée sur les sources utilisées par l'historien héracléote ni même sur la façon dont il entendait organiser son récit. De même, le patriarche semble assez réfractaire à l'utilisation excessive des digressions. Il porte d'ailleurs un jugement positif sur Arrien, estimant qu'il n'endommage pas la continuité du récit par de trop longues digressions13. Dans sa conclusion sur l'oeuvre et le style de Memnon, le patriarche fait remarquer que l'historien héracléote « veille à éviter les digressions sauf là où quelque nécessité amène l'auteur à introduire dans son sujet un élément extérieur » (Codex 224, 240a). Ainsi, hormis celles consacrées à la Bithynie (F 12) et aux origines de Rome (F 18), Photius n'en rapporte pas d'autres et, d'après le jugement que porte le patriarche sur son oeuvre, il est peu probable que Memnon en ait parsemé son récit. Or sur ce point, Yarrow estime que la conclusion de Photius est erronée puisque selon elle, la digression faisait partie de l'approche qu'avait Memnon de l'histoire. L'historien héracléote introduisait davantage les origines d'une situation et Yarrow estime donc que les digressions étaient sans doute bien plus nombreuses dans le texte originel14. D'après Mendels, Photius n'est pas intéressé par les histoires des cités-États15 et cela se confirme à la lecture de l'Histoire d'Héraclée de Memnon, puisque la plupart des détails sur l'histoire locale de la cité et en particulier sur le fonctionnement des institutions - en 11 Mendels, Photius, p. 198, n. 9. Treadgold, Photius, p. 100- 101. 13 Ibidem, p. 100. 14 Yarrow, Historiography, p. 141. 15 Mendels, Photius, p. 200. 1212 33 admettant que l'historien héracléote y a consacré une partie de son récit - ne sont pas rapportés dans la notice que le patriarche a consacrée à cette oeuvre. A l'inverse, les ouvrages qui ont fait l'objet d'une notice dans sa Bibliothèque démontrent l'intérêt particulier de Photius pour les événements relatifs à l'histoire de l'Asie Mineure. A cet égard, la mythologie grecque et les origines de la culture des Grecs dans la Méditerranée de l'est semblent attirer davantage le patriarche qui vit à une époque où Byzance était perçue comme la nouvelle capitale culturelle, succédant ainsi aux anciens Grecs et aux Romains16. Son intérêt pour les cités grecques de l'est est perceptible dans sa notice sur Memnon, dont il rapporte les légendes consacrées à Astacos et Nicée. Le récit de la confrontation entre l'empire perse et les Grecs, du VIème siècle jusqu'au début du IVème siècle fait l'objet d'une attention particulière chez Photius, comme le prouve le large résumé qu'il fait des livres 7 à 23 de l'ouvrage Persica de Ctésias (cod. 72). Mendels estime que cette curiosité du patriarche byzantin s'explique par le fait qu'il s'intéresse à l'héritage laissé par les empires successifs dans l'est, puisque l'empire byzantin succède à ces grandes puissances. C'est sans doute pour cette raison qu'il rapporte la mention faite par Memnon aux relations diplomatiques entre Cléarque, le tyran d'Héraclée, et les rois perses (F1.4). De même, Photius porte un intérêt à Alexandre qui se présente comme le successeur des Achéménides. D'après Mendels, Photius consacre une partie conséquente de son résumé de l'Anabase d'Arrien au mariage de Suse, dans la mesure où cette union permettait d'unir les deux dynasties perse et macédonienne, assurant ainsi la continuité de l'empire de Darius par celui mis en place par Alexandre. 34 - notamment ceux qui concernent les guerres civiles - dans la mesure où ils conduisent à la conquête des territoires orientaux qui deviendront d'ailleurs ceux de l'empire byzantin. Il collectait ainsi les informations relatives à la chute de l'empire macédonien et à la guerre sociale en Italie, lesquelles constituaient respectivement l'implantation du pouvoir romain en Grèce et les premières étapes de l'unification politique de l'Italie. Son intérêt pour ces événements se retrouve dans la notice qu'il consacre à Memnon18. En effet, alors qu'il résume les premiers passages de la digression que l'historien d'Héraclée a consacrée à Rome (F 18.1), il rapporte la mention de la défaite de Persée de Macédoine contre Paul-Émile. Il résume également au F 21 l'aide apportée par les Héracléotes aux Romains durant la guerre marsique, un passage qui n'est d'ailleurs pas dépourvu d'erreurs. Mendels estime que l'intérêt de Photius pour l'histoire de l'Asie Mineure, depuis l'époque perse jusqu'à la conquête romaine, justifie le traitement qu'il réserve à l'ouvrage de Memnon qui, semble-t-il, constituait sa principale source d'informations pour cette période. Les guerres mithridatiques représentent d'ailleurs la moitié du résumé qu'il fait de l'histoire d'Héraclée. Les dynasties locales semblent avoir fait l'objet d'une attention particulière de la part du patriarche qui rapporte la digression et notamment la liste dressée par l'historien héracléote des rois bithyniens (F 12), de même qu'il résume celle que fait Diodore des souverains Cappadociens (cod. 244). A l'inverse, l'ouvrage d'Arrien consacré à la Bithynie (Bithynica cod. 93) semble ne pas avoir présenté grand intérêt pour Photius et Mendels explique cela par le fait que Photius n'avait que peu d'intérêt pour la conservation d'un récit détaillé sur les événements internes en Bithynie19. Dans la perspective de collecter des informations sur l'héritage légué par les différents empires qui se sont succédés en Orient, Photius semble porter une intention particulière à l'histoire de la capitale de l'empire Byzantin. En effet, il rapporte à plusieurs reprises les événements qui, dans le récit de Memnon, impliquent les Byzantins alors que le contexte dans lequel prennent place les faits en question fait parfois l'objet d'un court résumé, voire, est totalement occulté. Ainsi, le patriarche ne retient que les événements sans prendre toujours en compte les causes et conséquences des faits qu'il rapporte. Antiquités Juives de Flavius Josèphe. Son intérêt pour cette région est de deux ordres. D'une part, il s'intéresse au contexte historique de Jésus-Christ mais aussi aux années qui marquent la transition de la Judée indépendante à la domination romaine20. Dans le résumé qu'il fait de Memnon, le patriarche rapporte à deux reprises la mention de la Judée comme une région dominée par les rois séleucides (F 18.5 ; 18.9) ce qui semble rejoindre le point de vue de Mendels sur l'attention particulière que Photius porte à cette région. Les portraits semblent également attirer son attention, en particulier ceux des « mauvaises » personnes. Le sort terrible réservé aux personnages fait souvent l'objet d'un résumé chez Photius, au regard du traitement qu'il réserve au récit de Memnon sur la mort du tyran Satyros. La mort atroce de celui qui est dépeint comme un homme cruel est décrite par l'historien d'Héraclée et il semble certain que Photius en a rapporté tous les détails. Les symptômes dont souffrait le tyran d'Héraclée ont certainement attisé la curiosité du patriarche d'un point de vue médical, puisqu'il semble que ce dernier avait des connaissances dans ce domaine d'autant plus qu'il semble lui-même avoir pratiqué la médecine21. De plus, Photius prend soin de rapporter le lien établi par l'historien héracléote entre les actes commis par les protagonistes de son Histoire d'Héraclée et les catastrophes qu'ils subissent, voire la mort pleine de souffrance qui abrège leur vie. La vision de la mort comme châtiment pour une vie consacrée à la cruauté, telle qu'elle est décrite par Memnon semble en effet trouver un écho chez Photius, sans doute en raison de ses croyances religieuses dominées par l'idée de punition divine Le sort des bannis héracléotes semble avoir suscité l'intérêt de Photius mais il ne semble pas permis de lier sa curiosité pour ces hommes sans patrie avec sa propre expérience du bannissement, puisque la date à laquelle il a collecté ses informations pour constituer sa bibliothèque est antérieure à celle de son premier exil. En revanche, peut-être que pour l'homme d'église ces citoyens, qui avaient fui leur cité pour échapper au funeste destin réservé à leurs concitoyens sous le règne des tyrans, lui rappelaient le sort subi par ceux qui avaient été persécutés non pas pour leurs convictions politiques mais pour leurs croyances religieuses. 36 l'historien héracléote mentionne ces faits et la place qu'il leur attribue dans son récit qui sera l'objet d'une étude particulière au chapitre suivant. II. Les éditions du texte A. Présentations des différentes éditions Il existe plusieurs manuscrits de la Bibliothèque de Photius qui ont servi de base à l'établissement du texte et les différences qui peuvent apparaître parmi les différents éditeurs sont dues pour la plupart au fait qu'ils ne consultent pas tous les mêmes groupes de manuscrits. Henry dans son introduction au tome I de la Bibliothèque22, dresse la liste des manuscrits qu'il a utilisés pour établir son texte. E. Martini a rassemblé au total 25 manuscrits de la Bibliothèque de Photius qui contiennent le texte complet ou des parties seulement, auxquels il faut ajouter 28 autres manuscrits qui offrent des extraits plus courts ou des codices « isolés ». Les deux plus anciens manuscrits sont le Marcianus 450 qui date du Xème siècle et le Marcianus 451, du XIIème siècle et, d'après l'étude de Martini, reprise par Henry, ils sont indépendants l'un de l'autre, puisqu'ils présentent un ordre différent des codices, des lacunes qui leurs sont propres. Quant aux autres manuscrits, ils dépendent tous de l'un ou l'autre des deux Marciani. Le Marcianus gr. 450 fut nommé A par Bekker et date de la seconde moitié du Xème siècle. Il existe cinq copistes qui ont apporté tour à tour des corrections au texte et le premier d'entre eux est nommé A1. Le Marcianus gr. 451, nommé M par Martini compte trois copistes et cinq correcteurs. Il existe un troisième manuscrit daté du XIIIème siècle qui, selon Henry, a son importance, le Parisinus gr. 1266, nommé B par Bekker. Toutefois, pour le codex 224 qui comprend la chronique de Memnon, seuls les deux Marciani sont utilisés. B. L'utilisation des éditions du texte de Memnon Pour l établissement du texte de Memnon, j'ai principalement utilisé les éditions d'Henry et de Jacoby et consulté celles de Müller et de Bekker pour les passages problématiques. Henry a privilégié le manuscrit A, qui se situe tout au plus à un siècle de Photius et a conservé l'ordre des chapitres, la pagination et la numérotation des lignes de Bekker. Il estime que A est le manuscrit qui reflète le plus fidèlement le texte originel de Photius et n'a suivi M que là où A présente des lacunes. En revanche, Jacoby, d'après Henry, « reste tributaire de Bekker pour Photius A » et ne « fait état de la famille M »23. Henry 22 23 Henry, Photius. 37 s'emploie d'ailleurs à mentionner les différences qui existent entre son texte et celui de Jacoby. J'ai conservé la numérotation par fragments établie par Jacoby dans la mesure où son édition reste une référence pour la plupart des chercheurs modernes qui citent le texte de Memnon en utilisant le système de Jacoby. Toutefois, certaines études se réfèrent au texte de l'historien d'Héraclée en utilisant le découpage de Müller, légèrement différent et que je ne reproduirai pas dans mon commentaire. J'ai accompagné le texte de Memnon de la traduction française d'Henry à laquelle j'ai apporté diverses corrections. En effet, dans les cas où j'ai choisi de suivre l'édition de Jacoby, il a fallu adapter une traduction qui n'avait plus de sens. J'ai également corrigé les passages qui offraient une interprétation contraire au texte originel. La traduction d'Henry qui, selon ses propres termes, s'est avérée difficile, montre des lacunes, en particulier dans les passages où il est question de traduire un terme grec qui, à l'origine, se référait à un concept romain. III. Le plan du texte A. L'organisation par livres et le découpage par fragments L'Histoire d'Héraclée de Memnon était organisée, à l'origine, en au moins seize livres mais Photius n'a travaillé que sur les livres IX à XVI. Si Henry organise le contenu de ces livres en se référant au découpage de Bekker, j'ai préféré utiliser celui de Jacoby. Ainsi, chacun des livres de Memnon contient des groupes de fragments plus ou moins consistants et ils sont organisés par ordre chronologique. Les livres IX-X comprennent les fragments 1 à 3 et sont consacrés à l'instauration de la tyrannie par Cléarque en 364/3 et aux règnes de son frère Satyros et de son fils Timothée, lequel apporte de grands changements dans la façon de gouverner, puisque contrairement à ses prédécesseurs, il met fin au règne de la violence et de la peur. Les livres XI-XII (F 4-5) relatent l'histoire du règne de Denys, le second fils de Cléarque et la chute des tyrans Cléarque II et Oxathrès, les fils de Denys. A cette occasion, la cité passe sous le contrôle de Lysimaque et est placée sous l'autorité d'Héraclide de Cymé qui dirige les affaires de la ville à l'aide d'une garnison. A partir du onzième livre, le cadre géographique s'élargit, en raison de l'implication d'Héraclée dans les guerres opposant les diadoques. Le douzième livre prend fin avec la mort de Lysimaque. Les livres XIII-XIV (F 7-18) rapportent comment les Héracléotes retrouvent leur liberté en se débarrassant d'Héraclide. La cité se retrouve menacée par Zipoitès, le roi de Bithynie, et Séleucos Ier et se trouve mêlée une nouvelle fois guerres que se livrent les successeurs d'Alexandre pour le trône de Macédoine. Le récit 38 est consacré en grande partie à la coalition des cités grecques et de certains souverains, au premier rang desquels Nicomède Ier, contre la menace séleucide. La période voit apparaître les Galates en Asie et la fin du livre XIV est consacrée à la mort de Nicomède alors que le F 17 conclut cette partie du récit sur les dons faits par Ptolémée II à la cité d'Héraclée. Le F 18 marque une rupture, puisqu'il contient une digression sur Rome et rapporte les premiers contacts établis entre Héraclée et les Romains. B. Le plan du commentaire historique J'ai procédé à un nouveau découpage du texte, en conservant l'organisation par fragments et en suivant ce qui me semble être les principaux sujets de l'Histoire d'Héraclée. 39 Dans cette organisation, je ne ferai pas référence aux livres de Memnon, car le récit peut s'avérer confus, en particulier dans le cas des treizième et quatorzième livres qui regroupent des fragments traitants de sujets différents. Ainsi, j'ai choisi d'organiser le commentaire en distinguant la première et la seconde partie du texte qui correspondent respectivement aux fragments 1 à 17 et 18 à 40. Au sein de chacune de ses parties, j'ai procédé à un découpage en sous-parties, lesquelles correspondent essentiellement à des regroupements chronologiques. Puis, j'ai mis en lumière un troisième niveau de lecture, regroupant les fragments qui constituent, selon moi, une unité thématique. Cette réorganisation du récit de Memnon permet par exemple dans la seconde partie de distinguer clairement les trois guerres mithridatiques. Je reproduirai ci-dessous le plan du texte tel qu'il apparaîtra dans le commentaire historique : PARTIE 1 : HERACLEE ET SON IMPLICATION DANS LES CONFLITS ENTRE GRANDS ROYAUMES HELLENISTIQUES (FRAGMENTS 1 A 17) SOUS-PARTIE 1 : D E LA TYRANNIE DE C LEARQUE AU GOUVERNEMENT D 'HERACLIDE DE CY ME 1.1-5 : Le règne de Cléarque 2.1-2.5 : La régence de Satyros 3.1-3 : Le règne de Timothée 4.1-4.8 : Le règne de Denys et l'élargissement du contexte géographique du récit 4.9-5.7 : De la régence d'Amastris à la mort de Lysimaque SOUS- PART IE 2 : H ERACLEE AU TEMPS DE SON INDEPENDANCE 6.1–8.8 : Héraclé mêlée aux conflits pour le contrôle de la Macédoine 9.1-10.2 : La lutte contre les Séleucides 11.1-12.1 : L'arrivée des Galates en Asie 12.2-12.6 : Digression sur la Bithynie 13-17 : De la guerre entre Byzance et Callatis aux dons de Ptolémée II à Héraclée Partie 2 : LES ROMAINS ET LEURS INTERVENTIONS DANS LE MONDE GREC (F 18-40) SOUS-PARTIE 1 : Les Romains et les affaires grecques avant les guerres mithridatiques 18.1-5 : Digression sur l'histoire de Rome jusqu'à la troisième guerre de Macédoine 18.6-10 : Premières marques d'amitié entre Rome et Héraclée 19-21 : Héraclée, la Bithynie, les Galates et la guerre sociale 40 Sous-partie 2 : Mithridate avant la première guerre contre Rome (F 22.1-22.5) Sous-partie 3 : La première guerre mithridatique 22.6-22.9 : Les premières opérations en Asie 22. 10-22. 13 : La campagne en Grèce 23.1-23. 2 : L'affaire de Chios 24. 1-24. 5 : Flaccus et Fimbria 25.1-25. 3 : Dardanos et l'entre-deux guerres Sous-partie 4 : La deuxième guerre mithridatique (F 26.1- 26.4) Sous-partie 5 : La troisième guerre mithridatique 27. 1-28. 4 : Des débuts de la guerre à la victoire romaine à Cyzique 28. 5- 29. 5 : La soumission des cités d'Asie aux Romains 29.6-31.3 : Les opérations romaines dans le Pont et la fuite de Mithridate en Arménie 32. 1-36 : Le siège d'Héraclée et la bataille de Ténédos 37.1-37.8 : Siège de Sinope et reddition d'Amaséa 38.1-38.8 : La campagne d'Arménie Sous-partie 6 : Héraclée perd son indépendance 39 : Procès de Cotta 40 : Héraclée au temps de César Chapitre 2 : Caractères généraux de l'oeuvre de Memnon Photius a pour habitude d'inclure des détails biographiques sur les historiens qui font l'objet d'une notice dans sa Bibliothèque. Toutefois, ses remarques à propos de Memnon concernent seulement son style d'écriture et la qualité de son oeuvre, et il faut supposer qu'il n'a eu accès à aucune donnée concernant l'historien d'Héraclée. L'analyse que je me propose de mener sur les caractères généraux de l'oeuvre a pour objectif, à défaut de mieux connaître l'homme, de proposer un portrait de l'historien à travers sa façon de présenter l'Histoire et en particulier celle d'Héraclée du Pont. Le contrôle romain sur les régions de la mer Noire, lesquelles furent incorporées dans le système provincial, plaça les élites locales dans une situation complexe. Elles devaient mêler leur identité culturelle et politique à celle des nouveaux dirigeants. Dueck estime que les membres de l'élite, à laquelle appartenaient très certainement des historiens comme Memnon ou Arrien de Nicomédie, se revendiquaient de leur culture hellénique, d'autant plus 41 qu'ils habitaient dans une région située aux marges de l'empire24. Yarrow fait remarquer que ces auteurs évoluaient à une époque où l'élite politique romaine était accoutumée à fréquenter les étrangers, en particulier les Grecs, et cette savante estime que cette interaction entre les deux mondes se faisait en particulier dans le domaine intellectuel 25. Les intellectuels, en tant que membres des élites locales, disposaient d'une certaine influence sur leur communauté et devaient appartenir à la couche sociale la plus aisée, leur permettant de se consacrer à leur activité26. I. Les objectifs de Memnon A. Une histoire locale Memnon a écrit une histoire locale, celle d'Héraclée du Pont. Le but est bien évidemment de transmettre l'héritage de sa cité mais l'historien ne s'adresse pas aux seuls Héracléotes. L'étude des différents thèmes abordés dans son récit éclaire dans une certaine mesure les objectifs de son oeuvre et laisse entrevoir le public auquel souhaitait s'adresser l'historien. Dans la première partie de son oeuvre (F1-17), Héraclée occupe la place centrale du récit. Les liens de la cité avec le royaume de la Bithynie sont largement développés. Un tel traitement s'explique certes par la proximité qui existait entre les deux États. Héraclée fut l'alliée du roi Nicomède mais son règne fait figure d'exception et Memnon insiste sur les guerres menées contre Héraclée par les souverains bithyniens Zipoitès et Prusias. Toutefois, Memnon consacre une digression à la Bithynie dans laquelle il rapporte la légende de fondation d'Astacos en face de laquelle, après sa destruction par Lysimaque, fut fondée Nicomédie (F 12.1). De même il consacre quelques passages d'une longueur conséquente à la légende de fondation de Nicée (F 28.9-28.11). L'intérêt porté à Nicée et Nicomédie n'est pas anodin, puisqu'au IIème siècle elles étaient les deux principales cités de Bithynie. Leur concurrence s'exprime au lendemain des guerres mithridatiques d'autant plus que selon, H.-L. Fernoux, Nicée « ne tire pas un profit politique immédiat de la création de la province de Bithynie, sa rivale Nicomédie devenant le siège du gouvernement provincial » 27. D'après L. Robert, Nicomédie et Nicée étaient en concurrence pour l'obtention des titres 24 Dueck, Memnon of Herakleia on Rome, p. 43- 44. Yarrow, Historiography, p. I-III. 26 Ibidem, p. 30-35. 27 H.-L. Fernoux, s.v. « Nicée », dans : J. Leclant (éd.), Dictionnaire de l'Antiquité, Paris, 2005, p. 1522. 25 42 honorifiques qui apparaissent sur les inscriptions et les monnaies de l'époque impériale 28. Les Nicéens contestaient à Nicomédie le titre de « première cité de la province », titre que les deux cités vont partager à partir de Trajan ou d'Hadrien ». C'est également vers le milieu du IIème siècle ap. J.-C, qu'apparurent les premières représentations de la nymphe Nicée sur les monnaies de la cité du même nom. Or c'est justement à cette même légende de fondation que Memnon consacre une digression (28.9)29. Cet intérêt pour la Bithynie et en particulier pour Nicée prouve selon moi que Memnon s'adressait à un public bithynien. Ses lecteurs devaient d'ailleurs bien comprendre les références chronologiques qui jalonnent le texte et que j'ai mentionnées précédemment, et en particulier la mention de la traversée de l'Asie par les conquérants macédoniens et romains. De plus, l'intérêt de Memnon pour l'histoire de ces deux cités constitue vraisemblablement un argument de plus pour dater Memnon du IIème siècle de notre ère30. Memnon exploiterait donc les préoccupations des populations de cette partie de l'Asie Mineure en les intégrant dans son Histoire d'Héraclée. L'histoire d'Héraclée semble quelque peu perdue au milieu de l'important récit que fait Memnon des guerres mithridatiques. Dans le premier conflit qui oppose Mithridate aux Romains, Héraclée ne fait qu'une brève apparition au fragment 23.2 où elle vient en aide aux habitants de Chios déportés par le roi du Pont. Dans la seconde guerre mithridatique, Memnon mentionne la cité et les tentatives du général romain et celles du roi du Pont d'obtenir le soutien des Héracléotes. Au cours de la dernière guerre mithridatique Héraclée reprend une place de choix dans le récit puisque Memnon rapporte comment la cité s'attira la haine des Romains qui la soumirent au paiement de l'impôt (27.5-6). Puis l'historien d'Héraclée mentionne le stratagème par lequel la cité entre dans les mains de Pontiques (29.3-4) et fait état de la décision prise par les Romains d'envoyer Cotta contre les Héracléotes (29.5). Une grande partie de son récit est consacrée au siège d'Héraclée (32-36). Enfin dans les derniers fragments, Memnon rapporte le procès de Cotta à Rome et façon dont Brithagoras, un des prisonniers héracléotes, réussit à faire libérer ses concitoyens (F39). Enfin, le récit prend fin avec la mort de Brithagoras, dont Memnon mentionne les démarches restées infructueuses, entreprises par ce dernier auprès de César pour redonner à Héraclée sa liberté (F 40). Si le changement de sources explique en partie la composition particulière du texte des F 22 à 38, il est clair que l'intervention de Photius donne l'impression erronée que 28 Robert, La titulature de Nicée et de Nicomédie, p. 1-4. Cf. le commentaire du F 28.9. 30 Contra : Janke, Memnon, p. 94-95, estime l'élément chronologique insuffisant. Cf. F 28.9 sur les réserves émises par ce savant. 29 43 l'historien héracléote a changé l'objet de son oeuvre : Héraclée. En effet, la cité ne fait plus figure de principal protagoniste dans cette partie du récit mais sa position est liée au contexte. La cité, comme le rappelle Memnon au F 20.3, a perdu de sa puissance et la confrontation entre Mithridate et les Romains ne pouvait qu'aggraver sa situation. Malgré sa situation géographique stratégique, Héraclée n'apparaît plus comme un allié nécessaire dans un conflit qui déborde largement les frontières du nord de l'Anatolie. De plus, les Romains avaient écrasé le pouvoir des rois macédoniens en Grèce et celui des Séleucides en Asie et bien qu'ils aient eu besoin d'alliés pour lutter contre le dernier roi qui s'opposait à leur autorité, Héraclée ne pouvait prétendre jouer un rôle conséquent à leurs côtés. Au mieux, elle s'alliait à Rome, ce qui lui épargnait des conséquences désastreuses en cas de défaite du roi du Pont ; elle avait également le choix de ne pas se ranger dans le camp des armées qui avaient traversé l'Asie, comme l'avait fait avant eux Alexandre. Si la cité résista et conserva son indépendance face au roi macédonienne au temps du règne de Denys, elle connut un sort bien différent au temps des Romains. En effet, en recevant, à son insu, une garnison pontique entre ses murs, la cité scella son sort. Dans cette seconde partie d'une histoire qui se veut être celle d'Héraclée et non des guerres mithridatiques, il peut paraître étonnant que Memnon fasse preuve d'autant d'intérêt pour les événements militaires engageant les Romains et les Pontiques et qu'il ne donne en revanche aucune indication précise sur la vie de la cité en dehors des événements que je viens de mentionner. Si les événements qu'il rapporte à propos de la première mithridatique ne constituaient qu'une sorte de digression permettant d'expliquer le contexte dans lequel Héraclée perdit son indépendance, alors, les faits rapportés après le fragment 36, et en particulier la campagne d'Arménie, n'auraient aucune raison d'être au regard d'une telle démonstration, puisqu'ils n'ont pas d'incidence directe sur Héraclée. En revanche, il me semble étrange que le récit des guerres mithridatiques prenne fin sur la campagne d'Arménie et qu'il ne soit pas fait mention de la fin de la guerre et de la défaite de Mithridate. B. Le patriotisme de Memnon Le patriotisme de Memnon est très présent dans son récit et s'exprime de différentes manières. L'historien est plein d'éloges pour le courage des Héracléotes au combat et n'a de cesse de montrer combien sa cité était riche et puissante. Même au temps de sa décadence, il tente de maintenir une image positive de sa cité d'origine en insistant sur son rôle de médiatrice. Son histoire tente également de démontrer aux Romains que la cité a subi un sort cruel et le traitement des Héracléotes fut injustifié au regard de leurs liens passés avec les Romains32. Le courage des Héracléotes transparaît tout au long du récit et ne se limite pas aux seuls faits militaires. Chez Memnon cette qualité dont ont su faire preuve les Héracléotes à de nombreuses occasions est intimement liée à leur volonté de protéger leur liberté. Le premier fait remarquable rapporté par Memnon est celui de Chion, fils de Matris, qui, accompagné de deux autres Héracléotes, Léon et Euxénon, conspira pour renverser le tyran Cléarque (F 1.35). Chion est présenté comme un homme au grand coeur (ἀνδρὸς μεγαλόφρονος) qui planta le glaive dans le flanc de Cléarque. Memnon consacre un fragment (1.5) au récit du combat qu'ils livrèrent aux gardes du corps de leur victime et insiste sur le courage dont ils firent preuve face à leurs assaillants avant d'être finalement massacrés (οὐκ ἀγεννῶς ἀνδρισάμενοι). L'historien d'Héraclée fait également mention d'un certain Malacon, un Héracléote qui combattait dans l'armée de Séleucos à la bataille de Couroupédion (F 5.7) et qui porta le coup fatal à Lysimaque. Son action héroïque ouvrit la voie de la liberté aux Héracléotes qui virent dans ce geste courageux un signe les invitant à se débarrasser d'Héraclide de Cymé, un homme de confiance d'Arsinoé, l'épouse de Lysimaque (F 6.1-2). Malacon mit fin au règne de Lysimaque et ses compatriotes sur son exemple, renversèrent le représentant du pouvoir royal dans leur cité. Ces deux exemples montrent le courage des Héracléotes et leur combat 31 32 Yarrow, Historiography, p. 245. Cf. Ibidem, p. 139-145. 45 pour la liberté. Chion et ses compagnons sacrifièrent leur vie pour se débarrasser du tyran et les Héracléotes, à l'exemple de Malacon, affrontèrent la puissance étrangère installée entre leurs murs pour retrouver leur indépendance. Les Héracléotes s'illustrèrent à diverses reprises dans des guerres menées par leurs alliés. C'est ainsi qu'au fragment 8.6, ils participèrent à la bataille navale aux côtés de Kéraunos contre la flotte de Gonatas. Memnon insiste sur le rôle prépondérant joué par les Héracléotes. Il ne donne aucun détail dur la bataille mais attribue en grande partie la victoire à ses compatriotes. Selon lui, « les équipages des vaisseaux venus du pays d'Héraclée avaient combattu avec plus de bravoure que les autres ; l'élite des hommes d'Héraclée elle-même montait la «Porteuse de Lion» à huit rangs de rames » : ἀνδρειότερον τῶν ἄλλων ἀγωνισαμένων αἳ ἦσαν ἐξ Ἡρακλεώτιδος· αὐτῶν δὲ τῶν Ἡρακλεωτίδων τὸ ἐξαίρετον ἔφερον ἡ Λεοντοφόρος ὀκτήρης. Dans la guerre qu'ils mènent à Zipoitès le Bithynien, le frère de leur allié Nicomède (F 9.5), c'est encore une fois avec vaillance que les gens d'Héraclée combattent contre les troupes ennemies, même si Memnon ne cache pas leur défaite : ἐν ᾧ πολέμῳ πολλοὶ τῶν Ἡρακλεωτῶν γενναίως ἀνδρισάμενοι κατεκόπησαν (« Dans cette guerre, beaucoup d'Héracléotes tombèrent en combattant avec vaillance »). Memnon insiste également sur la déférence dont ils font preuve envers leurs morts et rapporte que conformément aux règles de guerre ils recueillirent leurs morts et les brûlèrent. L'historien souligne le respect des Héracléotes pour les combattants morts au combat puisqu'« ils remportèrent les ossements des soldats tués dans leur ville, où ils les ensevelirent avec pompe dans le monument érigé à leurs héros » : καὶ τὰ ὀστᾶ τῶν ἀνῃρημένων ἀνακομίσαντες εἰς τὴν πόλιν, ἐπιφανῶς ἐν τῷ τῶν ἀριστέων ἔθαψαν μνήματι. Dans la guerre de succession bithynienne (F 14.1-2), les Héracléotes jouèrent un rôle important tant sur le plan militaire que sur le plan diplomatique. La cité figurait parmi les tuteurs nommés par le défunt roi Nicomède pour ses jeunes enfants. Ils prirent part à la guerre et d'après Memnon, « les Héracléotes s'étaient distingués dans les combats» : Ἡρακλεωτῶν ἐν ταῖς μάχαις ἀριστευόντων. Enfin, au fragment 21, Memnon rapporte que les Héracléotes vinrent en aide aux Romains pendant la guerre sociale en leur envoyant des navires. Il insiste sur le rôle marquant qu'ils jouèrent durant cette campagne, soulignant combien Rome fut reconnaissante envers eux, puisqu'ils reçurent de nombreuses distinctions pour leur vaillance au combat : καὶ συγκατορθώσαντες τὸν πόλεμον καὶ πολλῶν ἀριστείων ἀξιωθέντες (« ils aidèrent au succès de la campagne, méritèrent de nombreuses distinctions par leur vaillance »). A propos des guerres qui furent portées contre les Héracléotes, Memnon dresse le portrait d'hommes pleins de ressources. Il ne passe pas sous silence leurs défaites ni les pertes 46 qu'ils subirent, mais ne manque pas non plus de rapporter qu'ils étaient eux-mêmes capables de porter des coups à leurs ennemis. Ainsi, dans la guerre que leur fit Zipoitès, roi de Bithynie (F 6.3), Memnon relate la confrontation en ces termes : οὐ μὴν οὐδὲ τὸ αὐτοῦ στράτευμα κακῶν ἀπαθεῖς ἔπραττον ἅπερ ἔπραττον, ἔπασχον δὲ καὶ αὐτοὶ ὧν ἕδρων οὐ κατὰ πολὺ ἀνεκτότερα : « Toutefois, ses troupes ne se tiraient pas sans dommage de ses entreprises, mais elles ne subissaient pas elles-mêmes moins de mal qu'elles n'en causaient ». Le récit du siège d'Héraclée (F32-36) prend fin tragiquement pour Héraclée, puisque la ville est prise par les troupes de Triarius et Cotta et les habitants sont massacrés. Toutefois, Memnon ne manque pas d'insister sur le combat acharné que livrèrent les Héracléotes pour préserver leur cité et leur liberté. Au fragment 34.1, il relate les offensives lancées par Cotta contre les murailles de la cité et souligne comment les Héracléotes réussirent à tenir te aux Romains, lesquels échouèrent à s'emparer des remparts : ὡς δὲ ἄπαξ καὶ δεύτερον πληγεὶς οὐ μόνον παρὰ δόξαν διεκαρτέρει, ἀλλὰ καὶ ὁ κριὸς τῆς ἄλλης ἐμβολῆς προαπεκλάσθη, εὐθυμίαν μὲν τοῖς Ἡρακλεώταις. Ce bref épisode montre les Héracléotes comme des hommes prêts à se battre jusqu'au bout, animés par la volonté de préserver leur liberté et qui ne se découragent pas devant l'adversité. Lors de la bataille navale qu'ils livrent à la flotte de Triarius, général victorieux qui bénéficiait de l'appui des redoutables Rhodiens (34.7), les Héracléotes ne montrent pas moins d'entrain. Memnon relate une scène dont l'issue semble dessinée à l'avance. Il rapporte comment les habitants qui souffraient d'un manque d'effectif flagrant, sortirent leurs navires du port afin d'affronter des hommes dont la réputation en matière de combat naval n'était plus à faire. Bien que la bataille fût remportée par les Romains, Memnon ne manque pas de souligner que les Héracléotes parvinrent à causer des pertes aux Rhodiens et aux Romains. La détermination de la cité dans les moments où sa puissance est affaiblie s'exprime notamment à une autre occasion. Après leur victoire contre les Galates qui avaient tenté d'assiéger leur cité, Memnon rapporte comment « à la suite de ce succès, les Héracléotes reprirent l'espoir de regagner leur gloire et leur prospérité antérieures » : ἐκ δὲ τοῦ κατορθώματος πάλιν εἰς τὴν προτέραν εὔκλειαν καὶ εὐδαιμονίαν ἐλπίδας ἐλάμβανον ἀναβῆναι (F 20). Les Héracléotes interviennent à diverses reprises en soutien à des alliés, ou à des populations qui requièrent leur aide et Memnon ne manque pas de souligner la générosité dont ils font preuve à ces occasions. Ainsi, au cours de la première guerre mithridatique, les Héracléotes vinrent en aide aux Chiotes que le roi du Pont souhaitait déporter et ils attaquèrent les navires pontiques, libérant ainsi les prisonniers (F 23.2). Memnon insiste non 47 seulement sur l'acte héroïque de la flotte héracléote, mais aussi sur les bons soins que prodigua la cité à ses invités qui furent ramenés à Héraclée, en attendant de pouvoir réintégrer leur cité. Ainsi, selon Memnon, « dans l'instant, ils procurèrent en abondance aux prisonniers de Chios tout le nécessaire et ils aidèrent à leur relèvement. Plus tard, ils les comblèrent de présents magnifiques » : καὶ παραυτίκα τὰ πρὸς τὴν χρείαν χορηγοῦντες ἀφθόνως τοῖς Χιώταις, τούτους ἀνελάμβανον, καὶ ὕστερον μεγαλοπρεπῶς δωρησάμενοι. En revanche, il passe sous silence les termes du traité de Dardanos tels qu'ils sont rapportés par Appien selon lequel, le retour des Chiotes dans leur cité est dû à l'intervention des Romains. Il est donc évident que l'historien d'Héraclée cherche à en accorder tout le crédit aux Héracléotes, présentés comme les sauveurs des habitants de Chios. Le soutien des Héracléotes à une cité en détresse est également mentionné au fragment 16.2, où ils envoient du blé à Amisos qui souffrait d'une disette à cause du pillage de ses terres par les Galates. La cité s'attira ainsi l'animosité des Barbares qui s'en prirent à ces terres et Héraclée parvint à se débarrasser des envahisseurs après avoir payé une fortune en échange aux chefs galates. L'épisode est ainsi l'occasion de montrer les Héracléotes comme des personnes respectueuses des dieux qu'ils honoraient par des offrandes magnifiques. La puissance d'Héraclée reposait en grande partie sur sa flotte qui intervint aux côtés de ses alliés à de nombreuses reprises (F 10.2 ; 21). Au F 15, Memnon rapporte que la cité envoya des trières aux Byzantins en guerre contre Antiochos II et selon l'historien, le « conflit en resta à des menaces » grâce à la seule apparition de la flotte héracléote : καὶ τὸν πόλεμον παρεσκεύασαν μέχρις ἀπειλῶν προκόψαι. Le rôle conféré à la cité dans la cessation des hostilités est sans doute exagéré, mais l'épisode prouve qu'Héraclée disposait d'une flotte remarquable. Encore plus impressionnante est celle qu'elle aligne aux côtés de Kéraunos dans la bataille que j'ai précédemment mentionnée (F 8.6). Mais je ferai simplement remarquer ici que Memnon s'emploie à décrire en détail les bateaux dont disposaient alors les Héracléotes et en particulier le Léontophoros dont l'historien vante les grandes dimensions. Cette description de la puissance navale héracléote participe à l'image d'une cité puissante et c'est sans doute cet atout maritime qui lui permit de rentrer dans l'alliance de nombreux souverains. En effet, la position influente que semble avoir joué Héraclée dans le Pont s'exprime également à travers le rôle diplomatique qu'elle a joué dans certains conflits et ce, en raison des alliances de choix que la cité a su conclure avec les grandes puissances de son époque. Déjà au temps où la cité était gouvernée par des tyrans, Memnon mentionne brièvement Cléarque, durant son règne, avait envoyé des ambassades aux rois perses (F 1.4) mais l'information, aussi brève qu'elle soit, laisse entendre que le tyran avait su créer de bonnes relations avec le pouvoir royal qui constituait la plus grande autorité de la région à cette époque. C'est surtout au cours du règne de son fils Denys que la cité rentra dans la sphère des grandes puissances. En effet, le tyran par son mariage avec Amastris, princesse perse nièce de Darius III, s'était allié à Cratère (F 4.4). Il avait ensuite faire reconnaître son pouvoir à Antigone le Borgne, alors que ce dernier était maître de l'Asie et l'alliance entre les deux dynasties avait été scellée par un mariage entre la fille de Denys et le neveu d'Antigone, Polémaios (F 4.6). Enfin, à sa mort, son épouse avait offert à sa cité une position importante en privilégiant le parti de Lysimaque plutôt que celui d'Antigone (F 4.9). En effet, épousant Lysimaque, la souveraine d'Héraclée avait placé les Héracléotes dans le camp des vainqueurs, puisque son époux avait vaincu Antigone devenant de la sorte la nouvelle puissance en Asie. Lorsqu'Héraclée retrouva son indépendance, elle sut lier des alliances de choix. Au fragment 7.2, Memnon rapporte que la cité, pour faire face à la menace séleucide, avait envoyé des ambassades au roi du Pont Mithridate, à Chalcédoine et à Byzance. C'est à cette 49 époque que fut mise sur pied la « Ligue du Nord » et l'alliance avec Byzance marqua la politique étrangère d'Héraclée au regard des nombreuses occasions au cours desquelles les Héracléotes intervinrent en faveur des Byzantins. Le rapprochement avec Nicomède de Bithynie fut aussi un élément important de la diplomatie héracléote à partir des années 280 (F 9.3). La cité fut incluse dans le traité conclu par le roi de Bithynie avec les Galates (F 11.2). Son influence dans les affaires de la région s'exprime en particulier au moment de la guerre de succession qui éclate à la mort de Nicomède. Memnon rapporte (14.1) que la cité fut choisie comme tutrice, aux côtés des cités de Byzance et Kios et de Gonatas et Ptolémée II, deux souverains majeurs de la période. D'ailleurs, Memnon insiste sur les bonnes relations entretenues avec le roi d'Egypte au F 17, dans lequel l'historien rapporte comment la cité fut l'heureuse bénéficiaire de la générosité du Lagide qui finança la construction d'un temple en l'honneur d' aclès. La diplomatie d'Héraclée s'exprime en particulier à travers le rôle de médiatrice que lui confère Memnon. Ainsi, son aide est sollicitée par son alliée Byzance et sa colonie Callatis dans la guerre qui oppose les deux cités pour le comptoir de Tomis (F 13). Toutefois, les Héracléotes n'intervinrent pas, préférant sans doute ne pas prendre parti pour un allié puissant au détriment de leur colonie. En revanche, l'historien leur attribue un rôle prépondérant dans les négociations qui s'engagèrent au moment de la crise de succession bithynienne. Héraclée, en tant que tutrice des fils de Nicomède à qui le roi avait légué le trône, avait envoyé des troupes contre le fils déshérité, Ziaélas. Finalement, ce dernier parvint au trône après des négociations et d'après Memnon, « après de nombreux combats aux fortunes diverses, les deux partis en vinrent aux négociations. Les Héracléotes s'étaient distingués dans les combats et tiraient des avantages du traité » (F 14.2). La brève remarque de Memnon semble impliquer que la cité avait eu une influence sur la fin des hostilités. Même au temps où la cité aura perdu de sa puissance, elle semble jouer un rôle important dans les grands confits. Ainsi Memnon rapporte comment les Héracléotes intervinrent dans la guerre entre Antiochos III et les Romains. L'historien présente la cité comme une médiatrice de choix, et selon lui, la cité aurait fait des démarches auprès des deux parties afin qu'elles cessent la guerre, et « rédigèrent un décret à l'adresse d'Antiochos pour l'engager à faire taire ses sentiments d'hostilité à l'égard des Romains » : καὶ ψήφισμα πρὸς αὐτὸν ἔγραψαν, παραινοῦντες αὐτὸν τὴν πρὸς Ῥωμαίους διαλύσασθαι ἔχθαν. Le rôle de médiateurs que Memnon attribue aux Héracléotes est très certainement exagéré, tout autant d'ailleurs que ses remarques sur les bonnes dispositions des Romains à l'égard d'Héraclée. En effet, aux fragments 18.6-10, Memnon insiste sur l'intense activité diplomatique de la cité 50 avec les différents généraux romains, et en particulier avec les Scipions. Il rapporte les marques de bienveillance que reçurent les premiers ambassadeurs héracléotes envoyés auprès des généraux romains (F 18.6 : ἀσμένως τε ἀπεδέχθησαν). Selon l'historien d'Héraclée, la cité reçut plusieurs res des Romains, en particulier des Scipions. La première, envoyée par un certain Publius Aemilius, « leur promettait l'amitié du Sénat et leur garantissait que ses soins attentifs ne leur feraient pas défaut s'il leur arrivait d'en avoir besoin ». Cette promesse d'amitié fut officialisée selon Memnon à l'occasion d'un traité conclu avec Rome qui prévoyait une alliance militaire réciproque (F 18.10) : καὶ τέλος συνθῆκαι προῆλθον Ῥωμαίοις τε καὶ Ἡρακλεώταις, μὴ φίλους εἶναι μόνον ἀλλὰ καὶ συμμάχους ἀλλήλοις, καθ' ὧν τε καὶ ὑπὲρ ὧν δεηθεῖεν ἑκάτεροι. J'expliquerai dans le commentaire historique pour quelles raisons l'existence d'un tel traité est peu probable. Toutefois, les propos de Memnon tendent à mettre en lumière les bonnes relations de la cité avec les Romains, des liens qui se brisèrent au cours de la troisième guerre mithridatique. Déjà, au temps de la seconde guerre opposant Rome à Mithridate, ces liens semblent s'être distendus. 51 étaient attachés à conserver leur statut d'allié avec chacune des deux parties. Malheureusement pour la cité, en abandonnant sa neutralité au cours de la troisième guerre, elle eut à subir les foudres de son allié romain. Les relations avec les Romains prennent un tournant désastreux au cours de la dernière guerre mithridatique. A deux reprises, les Héracléotes s'attirent l'hostilité des Romains et Memnon tente de dédouaner la responsabilité de sa cité en rejetant la faute sur les agissements de personnes isolées. Ainsi, au F 27.5-6, il rapporte qu'Archélaos, l'amiral pontique, obtint l'appui de quelques trières héracléotes dans la guerre contre Rome après avoir fait prisonniers deux notables de la cité. Memnon estime que c'est ce stratagème qui amena les publicains dans la cité. La décision des Romains de soumettre la cité au paiement de l'impôt est vivement critiquée par les Héracléotes, et indirectement par l'historien. Ce dernier montre qu'une telle manoeuvre était contraire aux lois d'Héraclée, car la cité s'était tant battue pour sa liberté qu'elle ne pouvait accepter d'être asservie de la sorte par une puissance étrangère (F 27.6 : ἀρχήν τινα δουλείας τοῦτο νομίζοντας). Memnon rapporte d'ailleurs que les citoyens « se laissèrent entraîner par un citoyen téméraire et ils firent disparaître les publicains de telle manière que leur mort même passa inaperçue » (ἀναπεισθέντες ὑπό τινος θρασυτάτου τῶν ἐν τῇ πόλει, τοὺς τελώνας ἀφανεῖς ἐποίησαν, ὡς καὶ τὸν θάνατον αὐτῶν ἀγνοεῖσθαι). Sans dissimuler la mort des publicains, l'auteur insiste sur le fait que les Héracléotes se laissèrent influencer par le choix peu judicieux d'un citoyen dont il souligne la responsabilité. Comme l'a fait remarquer Yarrow, Memnon ne donne pas son opinion personnelle sur cet épisode. Toutefois, la façon dont l'événement est traité tend à prouver que l'historien éprouve un certain degré de fierté face à cet acte de rébellion contre l'ingérence d'une puissance étrangère dans les affaires de la cité35. Les conséquences furent plus graves pour la cité lorsque Mithridate parvint à pénétrer entre ses murs grâce à la trahison de celui qui dirigeait alors la cité, Lamachos (F 29.3-4). Memnon le présente comme un homme corrompu qui, en échange de l'argent que lui verse le roi du Pont, organise un stratagème pour permettre au roi de s'emparer de la cité. Ainsi, il organise un banquet pour ses concitoyens qu'il enivre, au point que ces derniers ne s'aperçoivent pas de l'arrivée d'Eupator. 52 Héraclée », ἐπεὶ δὲ αὐτοῖς ἡ τῆς Ἡρακλείας κατάληψις ἠγγέλθη, ἡ δὲ προδοσία οὐκ ἐγνώσθη, ἀλλὰ τῆς πόλεως ὅλης ἡ ἀπόστασις ἐνομίσθη () Κότταν δὲ ἐπὶ Ἡρακλείας. Après un siège qui dura près de deux années, la cité fut prise à cause d'une nouvelle trahison (F 35.1-4). Memnon rapporte comment le chef de la garnison pontique, Connacorèx, aidé par l'Héracléote Damophélès, un partisan de Lamachos, engagea des tractations avec Triarius afin de livrer la cité en échange de la vie sauve. Les discussions engagées devant l'assemblée du peuple présentent les Héracléotes comme des personnes crédules. En effet, malgré les recommandations formulées par le notable Brithagoras d'engager des pourparlers en vue d'une éventuelle reddition, les citoyens préfèrent croire aux discours du chef de la garnison, lequel, souhaitant conserver l'accord avec les Romains à son avantage, convainquit les Héracléotes de continuer la résistance. Memnon écrit à ce propos : ἀλλʼ ἐκείνοις μὲν ταῦτα ὁ Κοννακόρηξ ἐσκηνικεύετο· οἱ δὲ Ἡρακλεῶται τούτοις τοῖς λόγοις ἐξηπατημένοι (ἀεὶ γὰρ αἱρετὸν τὸ ἐράσμιον) ὡς ἀληθέσι τοῖς τερατευθεῖσιν ἐπίστευον (« telle était la comédie que leur jouait Connacorèx, et les habitants d'Héraclée, abusés par ce langage – car on préfère toujours ce qu'on aime - croyaient à la véracité de ses contes »). Ainsi, Memnon présente une nouvelle fois les citoyens d Héraclée comme des gens fort crédules, dont le manque de discernement causa la perte. L'historien tente ainsi de dédouaner le peuple d'Héraclée du passage de leur cité dans le camp pontique, tout en formulant une légère critique de la naïveté excessive de ses compatriotes. Il est possible qu'en rejetant la responsabilité de cette trahison d'Héraclée au parti romain sur quelques individus mal intentionnés, Memnon cherche à prouver que l'amitié qui existait entre les deux États n'a pas été brisée par l'autorité souveraine d'Héraclée. Ce sont d'ailleurs les propos tenus par Thrasymède, un des prisonniers héracléotes qui prit la parole devant les autorités romaines au moment du procès de Cotta : « Thrasymède () alléguait les bonnes dispositions de sa cité en faveur des Romains et affirmait que, si on s'en était écarté, ce n'était pas à cause d'une détermination de la cité, mais par l'effet ou bien d'une duperie imputable à l'un de ses dirigeants ou bien de la contrainte ennemie » (F 39.2). Aux fragments 40.3-4, Memnon rapporte les ambassades envoyées auprès de César par Thrasymède, Propylos et Brithagoras. II. La vision d'un Grec d'Asie A. Les Barbares dans l'oeuvre de Memnon Memnon, en tant qu'homme grec et qui plus est, en tant qu'Héracléote, dresse un portrait critique des Galates. L'historien les mentionne pour la première fois au F 8.8 et rapporte comment ces derniers tuèrent Kéraunos à l'issu de la bataille qu'ils livrèrent au récent dirigeant de la Macédoine. Le roi fut écartelé par ses assaillants. Si l'auteur établit un lien entre la mort atroce réservée au Lagide et la cruauté dont ce dernier a fait preuve durant sa vie, il apporte également une image négative de ces tribus en insistant sur leur brutalité. Au F 11.3, Memnon rapporte que le passage des Galates en Asie fut avantageux pour les Grecs, malgré la crainte qu'ils ressentirent devant l'arrivée de ces tribus : αὕτη τοίνυν τῶν Γαλατῶν ἡ ἐπὶ τὴν Ἀσίαν διάβασις κατ' ἀρχὰς μὲν ἐπὶ κακῷ τῶν οἰκητόρων προελθεῖν ἐνομίσθη, τὸ δὲ τέλος ἔδειξεν ἀποκριθὲν πρὸς τὸ συμφέρον. Cette remarque montre bien que la réputation de ces populations les avait précédés et qu'ils étaient craints par les Grecs. Toutefois, malgré le récit positif que fait Memnon des premiers temps de leur passage en 54 Asie, le reste de son récit montre les Galates comme des populations agressives, s'attaquant aux cités grecques et en particulier à Héraclée. La mention de leurs différentes attaques lancées contre les Grecs met en lumière la spécificité de leurs offensives. Au F 11.1, il rapporte comment les Byzantins furent obligés de payer les Galates qui ravageaient leur territoire (Ἐπεὶ δὲ Γαλάται πρὸς τὸ Βυζάντιον ἧκον καὶ τὴν πλείστην ὐτῆς ἐδωσαν). Ces derniers sont mentionnés au F 14.3 où, après avoir combattu aux côtés de Ziaélas de Bithynie, ils décident de s'en prendre à Héraclée. Après avoir ravagé le territoire de la cité et s'être emparés d'un important butin, les Galates réintégrèrent leurs États : διὸ Γαλάται ὡς ἐχθρὰν τὴν Ἡράκλειαν κατέδραμον ἕως Κάλλητος ποταμοῦ, καὶ πολλῆς κύριοι γεγονότες λείας οἴκαδε ἀνεχώρησαν. Les raids galates sont mentionnés une nouvelle fois aux fragments 16.1-2. Profitant de l'affaiblissement du royaume du Pont nouvellement dirigé par Mithridate, ils ravagèrent ses territoires et la cité d'Amisos reçut l'aide d'Héraclée qui envoya du blé aux habitants qui souffraient du pillage de leurs récoltes par les tribus galates. Héraclée est une nouvelle fois attaquée et doit une énorme somme d'argent aux envahisseurs (F 16.3). Les tribus galates employèrent la même méthode qu'avec Byzance : ils s'engageaient à évacuer les terres de leurs ennemis en échange du paiement d'une grosse quantité d'or. Dans les deux cas, Memnon fait le lien entre l'invasion galate et l'implication de la cité dans des opérations qui semblent aller contre les intérêts de leur envahisseur. Ces différents exemples montrent donc que les attaques galates consistaient essentiellement au ravage et au pillage des cités grecques et que parfois, les envahisseurs exigeaient un paiement pour accepter de se retirer. Si les Grecs doivent acheter leur tranquillité, il y a un exemple dans le texte de Memnon qui montre que l'or détourne parfois les Galates de leur mission. Ainsi, au F 30.1, il rapporte que le roi Mithridate put s'échapper de Cabires, assiégée par les Romains, et que dans sa fuite, il faillit être capturé par les Galates qui détournèrent rapidement leur attention de leur cible royale pour s'emparer des pièces d'or que le roi fit tomber dans sa fuite. Memnon cite un autre exemple d'offensive menée par les Galates contre Héraclée. Au F 20.1, il rapporte que la cité fut assiégée par les Galates et les habitants auraient réussi à se débarrasser de l'ennemi, profitant qu'il fasse une sortie pour rapporter des vives. D'après l'historien d'Héraclée, les Galates n'étaient pas habitués à mener ce type d'opérations et c'est la raison pour laquelle ils furent rapidement vaincus : ἐπολιορκεῖτο μὲν οὖν αὕτη, καὶ χρόνος ἐτρίβετο, ὃς τοὺς Γαλάτας εἰς ἔνδειαν τῶν ἀναγκαίων συνήλαυνε· θυμῷ γὰρ καὶ οὐ παρασκευῇ ῇ δεούσῃ Γαλάτης ἀνὴρ τὸν πόλεμον διαφέρειν οἶδε (« Elle était donc assiégée et le temps qui passait réduisait les Galates à manquer du nécessaire; en effet, c'est par sa 55 fougue et non par une préparation adéquate que le Galate sait se distinguer à la guerre »). Le terme « θυμῷ » met l'accent sur la brutalité traditionnelle de leurs interventions, renforçant une fois de plus l'image négative qui est la leur dans le récit de Memnon et plus largement dans l'esprit des Grecs. Cette brutalité s'exprime au F 11.5, où l'auteur rapporte que l'une des premières missions confiées aux Galates lors de leur passage en Asie fut de se débarrasser de Zipoitès, le frère du roi bithynien Nicomède : Νικομήδης δὲ κατὰ Βιθυνῶν πρῶτον, συμμαχούντων αὐτῷ καὶ τῶν ἐξ Ἡρακλείας, τοὺς βαρβάρους ἐξοπλίσας, τῆς τε χώρας ἐκράτησε καὶ τοὺς ἐνοικοῦντας κατέκοψε, τὴν ἄλλην λείαν τῶν Γαλατῶν ἑαυτοῖς διανειμαμένων (« Nicomède, arma d'abord les Barbares contre les Bithyniens et avec l'assistance des Héracléotes il s'empara de leur pays et massacra les habitants; les Galates s'attribuèrent le reste du butin en partage »). Memnon insiste une nouvelle fois sur la brutalité des Galates, mais son antipathie à leur égard est d'autant plus forte qu'il les appelle « βάρβαροι ». Ce qualificatif est employé une seconde fois à propos des Galates au F 11.2 dans lequel Memnon rapporte le traité conclu entre Nicomède et ces « Barbares ». Les Galates ne sont pas les seuls à être qualifiés de la sorte dans le récit de Memnon puisqu'à plusieurs reprises, les Pontiques sont appelés βάρβαροι. L'utilisation de ce terme est toujours liée à une défaite subie par les armées du roi : au F 24, 4, ce sont les troupes menées par le fils de Mithridate, accompagné des meilleurs généraux de son père, Taxile, Diophantos et Ménandre, qui sont vaincus par Fimbria ; au F 29.2, sont qualifiés de barbares les hommes commandés par Diophantos et Taxile et battus par les forces de Lucullus devant Cabires (F 29.2). Enfin, au F 30.2, les troupes qui aient Cabires, dont s'emparèrent les Romains, sont elles aussi désignées par ce terme. Toutefois, malgré le portrait bien sombre que Memnon dresse de Mithridate, ce dernier n'est jamais qualifié personnellement de barbare mais cette « étrangeté », est peut-être due à l'intervention de Photius sur le travail originel de l'historien héracléote. Ainsi, pour Memnon, les Galates, qui font partie des principaux ennemis d'Héraclée, sont des peuples violents, voleurs, qui ne menèrent la guerre qu'en faisant appel à leur rage intérieure plutôt qu'à un quelconque esprit stratégique. Toutefois, les tribus galates ne sont pas les seules à être qualifiées de « Barbares » puisque Memnon emploie ce terme à l'attention des Pontiques, pour lesquels Memnon doit ressentir une véritable aversion dans la mesure où le roi et ses hommes, en s'emparant de la cité, attirèrent sur elle la colère des Romains. 56 B. La perception de Memnon de l'autorité romaine Les premiers passages consacrés aux Romains dans l'Histoire d'Héraclée ne sont pas hostiles aux Romains mais ils ne leur sont pas pour autant avantageux. Le F 18.2 en particulier ne passe pas sous silence les difficultés rencontrées par les Romains contre Pyrrhos et les Tarentins, les présentant comme « tantôt éprouvés et tantôt infligeant des revers à leurs ennemis ». Les nombreuses rencontres militaires rapportées dans le contexte des guerres mithridatiques offrent une image tout aussi nuancée de leurs faits d'armes. Memnon rapporte autant les défaites que les victoires des deux camps. Toutefois, le F 18.2 rapporte un épisode peu glorieux pour Rome puisque d'après l'historien héracléote, « lorsqu'Alexandre passa en Asie, il leur écrivit ou bien de le battre s'ils étaient de taille à commander ou bien de céder à meilleur qu'eux » et « les Romains lui envoyèrent une couronne d'or d'un poids appréciable » : ὅπως τε ἑπὶ τὴν Ἀσίαν Ἀλεξάνδρῳ διαβαίνοντι, καὶ γράψαντι ἢ κρατεῖν, ἐὰν ἄρχειν δύνωνται, ἢ τοῖς κρείττοσιν ὑπείκειν, στέφανον χρυσοῦν ἀπὸ ἱκανῶν ταλάντων Ῥωμαῖοι ἐξέπεμψαν36. L'événement est remarquable, d'autant plus qu'il est rapporté dans la digression consacrée à l'histoire de la domination des Romains. En d'autres termes, Memnon rapporte les guerres remportées par les Romains qui contribuèrent à faire de Rome l'autorité dominante en Asie au Ier siècle avant J.C., tout en insérant dans cet excursus un épisode dans lequel il mentionne comment trois siècles plus tôt, Rome s'est inclin devant Alexandre en reconnaissant sa puissance. Si la source de cette information n'a pu être établie de façon certaine, il n'en ressort pas moins que Memnon était tributaire d'une source grecque. L'historien d'Héraclée qui n'a de cesse de rappeler l'importance de sa cité dans la région pontique à la fin du IV ème siècle et au IIIème siècle, ne manque pas l'occasion de montrer que les Grecs, en la personne du roi macédonien Alexandre, avaient mis fin à l'empire achéménide et dominé l'Asie Mineure. 36 Cf. Yarrow, Historiography, p. 142-143. 57 L'auteur ne manque pas de rappeler les qualités des généraux romains quand cela lui semble nécessaire. A de nombreuses reprises, l'historien formule des critiques, mais elles sont toujours dirigées contre les personnalités et non contre l'autorité souveraine de Rome. Peutêtre est-ce une façon de dédouaner Rome de la responsabilité des actions de ses représentants à l'est. Je ferais le parallèle avec sa façon de présenter la défection d'Héraclée au camp romain durant la dernière guerre mithridatique : la cité ne pourrait être reconnue coupable de trahison à cause du comportement de quelques individus isolés, quand bien même ces derniers (Lamachos et Damophélès en particulier) occupaient une charge officielle ; parallèlement à ce raisonnement, Rome ne saurait être tenue responsable des agissements condamnables des généraux qu'elle avait envoyés en Asie et en particulier de ceux de Cotta. III . Les sources de Memnon et tentative de datation de son contexte A. Les sources identifiées de Memnon La liste des sources de Memnon établie par Jacoby est fort réduite, puisque seuls Nymphis et Domitios Kallistratos, deux historiens d'Héraclée, ont pu être identifiés. Ce savant a mené une analyse du texte de notre historien et en a conclu que pour la première partie de l'oeuvre, des fragments 1 à 17, Memnon dépendait largement de Nymphis, tandis que sa source principale pour les fragments 18 à 40 était Domitios Kallistratos. Nymphis est mentionné à deux reprises dans le texte de Memnon et il apparaît comme le chef des exilés héracléotes qui furent autorisés à réintégrer leur cité en 281, après la mort de Lysimaque (cf. F 7.3). Il est une nouvelle fois cité au F 16.3 en tant que chef de la délégation envoyée aux chefs galates qui avaient envahi le territoire héracléote. D'après Jacoby, le fait que Nymphis ait fait partie des exilés constitue probablement une preuve qu'il appartenait à une famille aisée37. De plus, un passage des Lettres de Chion (13.3) fait mention d'un certain Nymphis, parent du tyran Cléarque, qui était sans doute un ancêtre de l'historien d'Héraclée, ce qui ferait de ce dernier un descendant des premiers bannis héracléotes. Jacoby estime que l'historien d'Héraclée n'était pas à proprement parler un homme politique. Ainsi, la raison pour laquelle il fit partie de la délégation envoyée négocier avec les Galates ne relevait pas de sa qualité d'homme de pouvoir mais reposait davantage sur sa notoriété : il fut choisi par ses compatriotes pour ses qualités diplomatiques qu'il avait déjà mises à profit pour permettre à ses camarades és de réintégrer la cité. 37 Jacoby, FGrH, III C, p. 259.
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SERVATION ET INTRODUCTION DE LÉMURIENS L'ÎLOT OTTE) gitte NDON Laurent ARNA Bruno SIMMEN Jean ël LABAT Claude Marcel HLADIK SUMMARY Mbouzi is a 84 ha islet located near Mamoudzou (Mayotte), covered by a dry forest locally modified by various ancient human settlements. The "Maki", Eulemur fulvus mayottensis, has been recently introduced into this islet. In the present note, we discuss the feasibility of a long-term conservation project taking into account the presence of some important plant species and the necessary opening of part of this islet to ecotourism. INTRODUC TION À Mayotte, l'îlot Mbouzi est un lieu remarquable par son milieu naturel en grande partie préservé, alors qu'il se situe à proximité de la ville principale, Mamoudzou. Il fait l'objet d'une demande de classement en réserve naturelle. Nous pensons utile d'apporter quelques éléments pouvant servir à la réflexion sur l'avenir de cet îlot, et d'établir une sorte d'état des lieux concernant son intérêt biologique. Quelles sont les possibilités d'équilibre à long terme entre les populations animales et végétales, sachant qu'une association (loi de 1901) consacre une partie de son activité à la conservation des lémuriens de Mayotte sur cet îlot? COUVERTURE VÉGÉTALE ET CONTEXTE HISTORIQUE Cet îlot (Fig. 1) de 84 hectares dont 76,5 de forêt, comprend quatre types principaux de végétation : • Une zone agricole récente à l'abandon, sur le versant oriental. Cette zone dénudée est sujette à l'érosion. • Une zone de fourrés et de forêt sèche dégradée, milieu souvent difficilement pénétrable, peu diversifié et envahi par des espèces allochtones. • Une mangrove sous la forme de deux minuscules forêts basses sur le versant oriental. Il s'agit d'une mangrove en partie dégradée par la fréquentation, utilisée * Muséum National d'Histoire Naturelle, Paris. France. e-mail : [email protected] ** Association Terre d'Asile. BP 1058. 97600 Mamoudzou, Mayotte. France. *** FRE 2323 (Eco-Anthropologie) CNRS et MNHN, Laboratoire d'Écologie Générale, 4 avenue du Petit Château, 91800 Brunoy, France. e-mail : [email protected] **** Laboratoire de Phanérogamie. Muséum National d'Histoire Naturelle, Paris. France. e-mail îlot MBOUZI 1 comme zone de débarquement. • Une forêt sèche intacte, peu anthropisée, séparée en deux blocs, l'un au sudest et l'autre, plus étendu, à l'est. Sur l'ensemble de l'île et des îlots de Mayotte, ce type de végétation ne couvre plus que 370 ha ; ainsi les forêts de Mbouzi représentent plus de 15% de cette végétation qui est en grand danger de disparition. Ces vestiges de forêts sèches naturelles abritent un grand nombre d'espèces endémiques de Mayotte ou des Comores comme Euphorbia physoclada, Phyllarthron comorensis, Diospyros comorensis ou Dioscorea comorensis. Récemment, Cremocarpon boivinianum, une espèce endémique qui n'était connue que par son type (décrit en 1880) a été récoltée par A. Hladik. D'autres espèces de la région malgache dominent ce type de forêt et sont encore très fréquentes sur l'îlot Mbouzi, alors qu'elles sont déjà plus rares sur l'île principale (Grande Terre). LE LÉMURIEN DE MAYOTTE : EULEMUR FULVUS MAYOTTENSIS Deux espèces seulement de lémuriens sont installées hors de Madagascar et vivent aux Comores : d'une part Eulemur mongoz sur Mohéli et Anjouan ; d'autre part Eulemur fulvus sur Mayotte. Mais alors que la première se perpétue sous la même forme qu'à Madagascar, la seconde peut être considérée comme une sous-espèce endémique : Eulemur fulvus mayottensis Schlegel 1866 (Tattersall, 1983) ; toutefois ce statut taxinomique reste en discussion et Mittermeier et al. (1994) penchent pour Eulemur fulvus fulvus. Ce lémurien (nommé localement « maki ») est actuellement intégré de manière stable aux écosystèmes naturels de Mayotte. Le succès de cette implantation provient sans doute du fait qu'elle remonte à une époque reculée, où l'île était moins peuplée, les transports et mélanges d'animaux moins fréquents, les moyens de destruction moins répandus. La population totale des lémuriens de Mayotte avait été estimée par Tattersall (1977) à environ 50.000 individus. Elle semble avoir considérablement chuté par la suite : Tattersall (1989) mentionne une réduction de moitié des effectifs lors d'une autre estimation effectuée en 1987. Cependant les derniers recensements (Tarnaud & Simmen, 2001) ont permis de dénombrer 752 individus de 88 groupes sur une série de transects (totalisant 110,8 km) à travers les différentes formations végétales de Mayotte, les animaux étant comptés exclusivement sur la zone de bonne visibilité. Cela donne une fourchette d'estimation du même ordre de grandeur que celle qui avait été initialement avancée par Tattersall, comprise entre 42.000 et 72.000 îlot MBOUZI 2 Figure 1.– Vue aérienne de l'îlot M zi et localisation des groupes de Eulemur fulvus mayottensis (observation du Service Environnement et Forêts, Direction de l'Agriculture et de la Forêt). 0 250 îlot MBOUZI 3 individus, auxquels il faut ajouter environ 200 animaux de Mbouzi ainsi que ceux de l'îlot Mtsamboro où leur présence est signalée. En dehors de la difficulté d'estimation d'une population en extrapolant une densité observée sur un transect à la surface totale du milieu correspondant, il est possible que le rapide déclin constaté par Tattersall corresponde aux conséquences du cyclone qui a ravagé Mayotte en 1984, en détruisant une partie des ressources végétales. Des cas semblables ont été observés pour d'autres espèces de primates dont les ressources ont été réduites par des catastrophes naturelles (Dittus, 1988 ; Gould et al., 1999). À Mayotte, la reprise de végétation aurait été suivie d'une remontée des effectifs de lémuriens. Il est certain qu'avec l'augmentation de la population humaine, l'habitat des lémuriens tend à se réduire et à se fractionner. Dans les agroforêts qui couvrent la plus grande partie de Mayotte, ainsi que dans les jardins des zones suburbaines, le maki est toléré, voire respecté (Harpet & Tarnaud, 2000) – ou même nourri – par certains propriétaires, évincé par d'autres, et cela peut conduire à une modification des comportements en milieu anthropisé. Dans ce contexte, l'Association Terre d'Asile recueille les lémuriens qui lui sont confiés après qu'ils aient échappé à la maltraitance, à un accident ou au commerce illégal. Ces animaux étant intégralement protégés par la loi, un lieu d'accueil est également nécessaire pour ceux qui sont saisis en douane ou enlevés à des particuliers (collaboration avec la " Brigade Nature de l'Océan Indien ", structure administrative dépendant de la Direction Régionale de 'Environnement). Le choix d'une implantation permanente s'est porté sur l'îlot Mbouzi où les makis trouvent leur place dans le milieu forestier, sans qu'il soit besoin de clôture. Les premières introductions ont été réalisées, avec l'autorisation de la Direction de l'Agriculture et de la Forêt, en 1997. La population actuelle des lémuriens, incluant les animaux nés sur place, comprend environ 200 individus. Il se trouvait déjà auparavant sur l'îlot Mbouzi une vingtaine de Makis, d'origine inconnue, formant plusieurs bandes disséminées sur les hauteurs (Fig. 1). Les animaux introduits sont relâchés au niveau de l'ancien dispensaire, où ils peuvent être abrités ou soignés, lorsque leur réinsertion en milieu naturel n'est pas immédiate. Cet ancien bâtiment, noyé dans la végétation, a été restauré par l'Association, avec l'appui de la Légion Étrangère et de plusieurs mécènes privés. îlot MBOUZI 4 Pour favoriser cette évolution, il a été décidé de restaurer la végétation sur une colline proche du refuge, où des cultures abandonnées avaient laissé un paysage dévasté. Ainsi, les services de la Direction de l'Agriculture et de la Forêt ont planté des espèces locales utiles aux lémurs, notamment le tamarinier (Tamarindus indica) et le manguier (Mangifera indica). Cependant, lorsque les fruits ont une valeur commerciale, ils attirent des « cueilleurs » venus en pirogue ; et le braconnage (tenrecs, roussettes et parfois lémuriens) demeure également un problème important. C'est pourquoi, avant de programmer une diminution progressive du nourrissage d'appoint des lémuriens, et si possible une suppression totale, il est obligatoire d'organiser un gardiennage efficace et permanent, ainsi que des campagnes de sensibilisation (deux activités complémentaires pour tout projet de conservation). Figure 2.– Les makis (Eulemur fulvus mayottensis) introduits en 1997 sur l'îlot Mbouzi, consommaient, en novembre 2000, les nouvelles tiges de Dioscorea sansibarensis (photo J-N. Labat). Beaucoup des végétaux consommés par les makis dans la forêt de Saziley (Tableau I) sont également présents sur l'îlot Mbouzi ; toutefois la production en période critique (fin de saison sèche) pourrait constituer l'un des facteurs limitants. Parmi les espèces présentes à Mbouzi, nous avons remarqué que les repousses de Dioscorea sansibarensis pouvaient être consommées (Fig. 2). La ressource en eau pourrait, en fait, constituer le principal facteur limitant. Aucune source permanente ni plan d'eau n'existe actuellement (bien que des sources aient été localisées sur une carte de 1844 de l'îlot Mbouzi). En saison sèche les makis peuvent lécher les feuillages, en particulier ceux des espèces sempervirentes, comme le Mimusops comorensis et l'Erythroxylum platycladum, sur lesquels l'eau se condense le matin : à Saziley, les animaux y consacrent 4,7 % de leur temps d'activité alimentaire, le matin ou après une pluie. Cependant les animaux utilisent les abreuvoirs des éleveurs lorsqu'ils sont disponibles. L'eau de pluie est actuellement collectée sur le toit du bâtiment de Mbouzi, conservée dans une citerne de 60 m3 et distribuée quotidiennement dans des bacs (cela favorise également la présence de plusieurs oiseaux, dont la Moucherolle de Mayotte, Terpsiphone mutata pretiosa, le Zostérops ou "oiseau-lunette" Zosterops maderaspatanus mayottensis, le Pigeon des Comores, Columba pollenii et le Foudi de Mayotte, Foudia eminentissima algondae). La consommation en eau d'un maki est estimée à 20 cl par jour. îlot MBOUZI 5 TABLEAU I Espèces végétales consommées par les femelles adultes Eulemur fulvus dans la forêt de Saziley (données en pourcentage de matière ingérée, d'après L. Tarnaud, 2001) Espèces et parties consommées Mangifera indica Salacia leptoclada Ancylobotris petersiana Grewia sp. Mimusops comorensis Cordia myxa Annona squamosa Mimusops comorensis Tamarindus indica en saison humide : en saison sèche : 32,8 % 10,4 % 8,5 % Fruit Jeune feuille Feuille mature Fruit Fruit Fruit Fruit Fleur Jeune feuille Pétiole Jeune feuille Fruit Feuille mature 7,4 % 6,5 % 6,3 % 5,9 % 3,3 % 2,3 % 2,3 % 4,8 % 34 % 7,8 % 7,1 % 18,6 % CONCLUSION À partir du moment où l'on intervient sur le milieu par un apport quelconque, on peut craindre de créer des déséquilibres, par exemple de favoriser des espèces animales envahissantes (actuellement rats noirs et abeilles sauvages profitent indirectement de ce qui est destiné aux lémuriens) ou bien des espèces végétales exogènes comme Lantana camara. Pourrait-on, par ailleurs, redouter une surpopulation de lémuriens sur l'îlot Mbouzi? Une telle crainte n'est pas justifiée, car dans tous les milieux où des populations de primates ont été suivies, le comportement territorial permet un partage des ressources et une régulation de la densité de population (Hladik, 1981). L'observation des makis introduits à Mbouzi, bien identifiés individuellement, montre que les groupes ne se reconstituent pas nécessairement selon les affinités qui existaient au moment du lâcher. Ces groupes d'une dizaine d'individus occupent des territoires dont la superficie est du même ordre de grandeur que pour les groupes de la forêt de Saziley. L'îlot Mbouzi constitue ainsi un terrain d'étude où les comportements des lémuriens sont aisément observables dans le détail, ne serait-ce qu'en raison de l'absence totale de crainte de l'homme, dans un milieu peu perturbé. Par ailleurs, l'écotourisme qui permet au plus grand nombre d'avoir une « impression de nature sauvage » avec le maximum de facilité et de confort apparaît comme une ressource importante pour Mayotte. C'est peut-être un paradoxe que les makis les moins ensauvagés, ceux qui ne sont pas une réussite sur le plan « réintroduction », deviennent un atout dans ce cadre : pratiquement apprivoisés, ils ont le contact facile avec tous les visiteurs L'essentiel est que de larges parties (notamment les hauteurs de l'îlot Mbouzi) puissent être intégralement.
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Les épitaphes des cinq princesses carolingiennes La reine défunte a été inhumée dans la basilique Saint-Arnoul, parce que reposait à cet endroit l'ancêtre de la dynastie royale1. Paul cite les exemples d'Adélaïde et de Rothaïde, les soeurs de Charlemagne et d'Adélaïde et d'Hildegarde, les filles de la reine Hildegarde. Il ajoute qu'il a composé des épitaphes pour ces cinq princesses sur l'ordre de Charles, épitaphes qu'il reprend dans le fil de son récit 2. Rappelons que Paul dans l'Histoire des Lombards agit de même avec l'épitaphe de Venance Fortunat qu'il avait composée pour l'abbé de Saint-Hilaire de Poitiers. Ces épitaphes reprennent d'ailleurs les thèmes développés par Paul précédemment, à savoir la sainteté d'Arnoul, le fondateur de la dynastie et les conquêtes réalisées par les Arnulfiens. Elles constituent donc un complément au récit historiographique. La première est celle de Rothaïde, fille de Pépin que nous ne connaissons que par Paul Diacre. Le lettré frioulan s'efforce de rattacher cette princesse à saint Arnoul en reprenant de façon poétique la généalogie des Arnulfiens en ligne masculine directe, qu'il a exposée précédemment. Rien n'est dit sur Rothaïde elle-même. La seconde épitaphe est dédiée à une autre fille de Pépin, Adélaïde, qui est qualifiée de pia virgo 3, ce qui indique que la princesse est morte en bas âge (mais aucune allusion n'est faite à sa jeunesse), ou bien qu'elle était moniale. Metz comptait alors à l'époque au moins deux abbayes de femmes, l'une dédiée à saint Pierre, l'autre à MGH, SS, II, p. «Quae Hildegarde apud Mettensem urbem in beati Arnulfi oratorio requiescit, pro eo denique quod a beato Arnulfo iam fati reges originem ducerent, suorum ibi carorum defuncta corpora posuere. » 2 Ces épitaphes ont été étudiées par Cécile Treffort, Mémoires carolingiennes. L'épitaphe entre célébration mémorielle, genre littéraire et manifeste politique (milieu VIIIe–début XIe siècle, 2007, Rennes, p.252-256. 3 Paul Diacre, MGH, SS, p.265: "Pippini hic proles Adhelaid pia virgo quiescit, quam simul et reliquas sancte tuere pater. » 77 sainte Glossinde, dont les fondations remontent vraisemblablement au VIIe siècle 1. Paul Diacre ne donne guère plus d'informations sur la princesse défunte. L'épitaphe la plus longue a été composée pour la reine Hildegarde morte en couches au mois d'avril 783 2. Elle n'est pas complète dans la mesure où l'avant-dernier vers est mutilé, et G. Pertz s'est efforcé de le reconstituer3. Les deux premiers vers indiquent que des éléments dorés annonçaient la présence de la sépulture, et que donc Paul a vu la tombe de la reine à Metz, après son inhumation à Saint-Arnoul4. Si notre compréhension de ce passage est juste, nous tenons là la preuve indubitable de la présence de l'historien lombard à Metz après avril 783. Paul Diacre insiste ensuite sur son mariage légitime et sur l'excellence des enfants qui en sont nés. Puis le poète transalpin livre un portrait assez stéréotypé de la reine en insistant sur sa beauté, et plus encore sur ses vertus morales. Toutes ces qualités en font la digne épouse d'un prince aussi puissant que Charlemagne. Enfin, après les lamentations d'usage, exprimées dans une langue pleine de réminiscences antiques, l'épitaphe se terminerait par une exhortation à Arnoul pour qu'il accueille la reine défunte. L'énumération des peuples, des régions et des fleuves qui se lamentent sur le sort d'Hildegarde (Francs, Suèves, Germains, Bretons, Gètes, Hibères, Italie, Loire, Rome) semble relever de la pure rhétorique et non d'un programme impérial bien défini. Certains peuples ont disparu comme les Gètes au moment de la rédaction, d'autres sont sous domination étrangère, et enfin, ni les Bavarois, ni les Saxons ne sont mentionnés. En 783, l'idée d'une monarchie universelle s'épanouissant dans le cadre de l'Empire restauré, est loin d'être formée. Elle connaîtra un développement remarquable au cours des années 7905. Les deux dernières compositions de Paul Diacre sont dédiées à deux filles d'Hildegarde décédées en bas âge. La première, Adélaïde, est morte à proximité du Rhône durant le retour de l'expédition en Italie, qui vit la prise de Pavie en 774. Elle était d'ailleurs 1 Gauthier, [1980] p.295-297 pour Saint Pierre aux Nonnains et p.336-339 pour Sainte Glossinde. Voir Jean Schneider, « Charlemagne et Hildegarde : conscience dynastique et tradition locale », dans Autour d'Hildegarde, sous la direction de Pierre Riché, Carol Heitz et F. Hebber-Suffrin p.9-19. Le 1er mai, lendemain de la mort de la reine, Charlemagne fait don à Saint-Arnoul de la Villa de Cheminot pour le salut de l'âme d'Hildegarde. MGH diplomata Karolinorum, t.1, n°146 ; Michel Parisse, « La reine Hildegarde et l'abbaye Saint-Arnoul de Metz », dans Autour d'Hildegarde, sous la direction de P. Riché, C. Heitz et F. Hebert-Suffrin, Paris, 1987, p.41-47. 3 Le vers est absent de l'édition de Marquart Freher, sur laquelle Pertz s'est appuyé. Le miracle de l'anneau de saint Arnoul, un miracle authentique relaté par Charlemagne La notion d'autorité intellectuelle explique selon nous la présence dans l'oeuvre de Paul Diacre du miracle de l'anneau perdu puis retrouvé par saint Arnoul. Ce passage a fait couler beaucoup d'encre ; Walter Goffart y voit par exemple une allusion à la situation familiale de Charlemagne : comme saint Arnoul, qui après avoir récupéré son anneau renforça son voeu de chasteté, le roi aurait décidé après la mort d'Hildegarde de ne plus avoir d'enfant 1 MGH, SS, II, p.267 : « Sumpserat haec ( Adeleid) ortum prope moenia celsa Papiae, cum caperet genitor Itala regna potens ; sed Rhodanum properans rapta est de limine vitae. » 2 Alain Erlande Brandeburg, Etudes sur les funérailles, les sépultures et les tombeaux des rois de France jusqu'à la fin du XIIIe siècle, Gen ève - Paris , 1975, p .60-61. 79 ou au moins de mâle, afin de léguer ses royaumes aux fils de la reine défunte1. Si le parallèle entre Arnoul et Charlemagne chez Paul Diacre est évident, et si effectivement le roi semble avoir voulu écarter de la succession royale Pépin le Bossu, fruit d'une union avec une concubine, un certain nombre de réserves doivent être formulées à propos des conclusions de W. Goffart. Tout d'abord, Paul Diacre mentionne le remariage de Charlemagne avec Fastrade, ce qui n'est guère un gage d'abstinence, d'autant que ce mariage est présenté comme parfaitement légal. D'ailleurs Charlemagne eut des filles de Fastrade, et lorsqu'il décida de limiter le nombre de ses héritiers, il ne se convertit pas à une quelconque abstinence, mais il décida tout simplement de ne pas se remarier et vécut uniquement avec des concubines. Ces dernières lui donnèrent un certain nombre de fils, dont Drogon qui devint par la suite évêque de Metz. Ainsi l'argument qui fait du miracle de l'anneau de saint Arnoul la préfiguration d'un voeu d'abstinence de Charlemagne est à rejeter, à moins de considérer qu'il s'agit d'une vision idéalisée de la réalité émanant de la chapelle royale, et en décalage évident avec la politique du roi. Nous pensons plus simplement que Paul Diacre a rapporté ce miracle parce qu'il émane de la plus haute autorité de son époque, à savoir le roi Charles, et il insiste bien sur l'identité prestigieuse de son témoin 2. Cet épisode est donc pour l'historien lombard hautement vraisemblable, et il mérite d'être retranscrit alors qu'il n'est pas présent dans la Vita de saint Arnoul. 7. Liste de six évêques. Evocation de Sigebaud, trente-sixième évêque L'auteur revient ensuite à la succession des pontifes messins, il cite Goery, Godo, Chlodulf, le propre fils de saint Arnoul, Abbo, Aptatus et Félix, dont il ne donne que les noms, faute de renseignements sur ces prélats. Il est curieux que Paul Diacre ne livre pas quelques informations faciles à retrouver, comme le lieu de sépulture de Chlodulf qui reposait près de son père dans la basilique des Saints-Apôtres. D'autre part, la Vita d'Arnoul que le 1 Goffart, [1996] p. 76-91. MGH, SS, p.264 : « Haec ego non a qualibet mediocri persona didici, sed ipso totius veritatis assertore, praecelso rege Karolo, referente cognovi.» 2 80 lettré lombard a parcourue, précise bien que le corps du saint fut rapporté à Metz par son successeur Goery1, mais Paul Diacre ignore complètement cette information. Le récit s'étoffe quelque peu avec Sigebaud, trente-sixième évêque de Metz, qui fonda les monastères de Neuwiler et d'Hilariacum, et qui deviendra par la suite Saint-Avold. Hilariacum serait une fondation de l'Aquitain Fridolin, vers 510, qu'il dédia à saint Hilaire de Poitiers. On ne connaît rien de l'histoire de ce sanctuaire, qui a certainement dû péricliter durant les deux siècles suivants. Dans ce contexte, les efforts de Sigebaud ont pu apparaître comme une nouvelle fondation ainsi que le présente le récit de Paul Diacre. Le corps de Sigebaud fut d'ailleurs recueilli par cet établissement monastique. La fondation ou refondation de ces deux abbayes montrent bien que l'église de Metz et son évêque étaient capables de mener une politique de mise en valeur de leurs possessions lointaines, ce qui prouve qu'ils restaient relativement puissants dans la première moitié du VIIIe siècle, et ce, malgré les troubles qui accompagnèrent l'avènement des Pippinides. Ces fondations annoncent déjà, dans une certaine mesure, les réformes de Chrodegang. Sigebaud se serait également rendu célèbre par son courage face à la goutte qui le tourmentait. Il s'agit là du premier détail pittoresque au sujet d'un évêque de Metz, qui s'écarte des présentations stéréotypées des prélats antérieurs. Cet épisode est peut-être issu du récit de témoins qui ont connu l'évêque. Ce dernier mourut en effet en 742, et certains clercs messins qui ont connu Sigebaud dans leur jeunesse étaient sans doute encore en vie dans les années 780 quand Paul Diacre séjourna sur les bords de la Moselle. 1 MGH, SS in rer merov., t.2, c.23 p.442-443 : « Post annos fere iam acto tempore vir electissimus successor eius (Arnulfi) Goericus episcopus, consilium inito, coacervata clericorum seu eciam et populorum ingente caterva, acceptis quoque duobus episcopis, sic una partier pergunt ad herenum. Co in loco excubias cum reverencia caelebrantes, sancta membra ad urna lapidis auferentes, grabato inponunt, adque mox arripientes itinera, cum gaudio remeant ad urbem » 2 Guenée [1980], p.78-85. 81 8. Chrodegang, trente-septième évêque de Metz La notice consacrée à Chrodegang La rédaction se fait beaucoup plus dense pour évoquer la figure de l'évêque Chrodegang, qui se distingua en premier lieu par sa noble origine, son père étant Sigramn et sa mère Landrade, de puissants aristocrates1. L'éducation à la cour et la carrière civile de Chrodegang en tant que référendaire sont rapidement relatées, pour faire place à sa carrière ecclésiastique qui commence, d'après Paul, sous le règne du roi Pépin. Le lettré lombard met ensuite l'accent sur les qualités du prélat messin en soulignant une nouvelle fois sa noble origine, et son éloquence tant en latin qu'en langue vulgaire. Le récit se poursuit par l'évocation du rôle tenu par Chrodegang dans les relations entre le clergé franc, la cour et le pape Etienne II. Paul expose ensuite la réorganisation du clergé séculier messin sous la direction de son évêque, et l'introduction des usages romains dans le déroulement de la liturgie, notamment en matière de chant2. Les travaux effectués par Chrodegang dans sa cathédrale et dans l'église Saint-Pierre le-Majeur sont également évoqués3, ainsi que la fondation de deux monastères. Le premier, dédié à saint Pierre se situait dans le diocèse de Metz4. Cette imprécision pourrait signifier que la fondation n'a pas eu un grand succès, mais n'oublions pas que Paul Diacre est un étranger qui compose son histoire des évêques de Metz à la cour d'après les informations fournies par Angilram ou par d'autres clercs messins, d'où ce manque de clarté. Il pourrait s'agir d'un des deux monastères de femmes messins : Saint-Pierre-aux-Nonnains ou Sainte- 1 Sur la famille de Chrodegang, était à la tête d'un important patrimoine en Hesbaye, voir Robert Folz, « Metz dans la monarchie franque au temps de Saint Chrodegang » dans Saint Chrodegang, communications du 12e centenaire de sa mort, sous la direction de J. Schneider, p.11-24, Metz, 1967 2 Voir Jean-Charles Picard, « Les origines des quartiers canoniaux » dans Les chanoines dans la ville. Recherche sur la topographie des quartiers canoniaux, sous la direction de J. C. Picard, p.15-25, Paris, 1994 3 François Heber-Suffrin, « La cathédrale de Metz, vue par Paul Diacre et les témoignages archéologiques », dans Autour d'Hildegarde, sous la direction de P. Riché, C. Heitz et F. La réforme de l'Eglise franque Les historiens ne sont pas d'accord sur les formes prises par la réforme de l'Eglise franque. Si un consensus s'est dégagé autour de la volonté affichée par les souverains francs de rétablir la hiérarchie et la discipline au sein du clergé, avec l'accord de la papauté et de son éminent représentant Boniface, les choses paraissent beaucoup moins assurées au sujet de la liturgie. La réforme dans ce domaine a-t-elle consisté à imiter les usages romains dans un désir d'uniformisation, ou sommes-nous abusés par nos sources qui datent principalement de l'époque impériale et qui tendent à projeter sur le passé des préoccupations apparues beaucoup plus tardivement, comme l'a affirmé récemment Yitzhak Hen4? Même dans le cas 1 Michèle Gaillard, D'une réforme à l'autre (816-934) : les communautés religieuses en Lorraine à l'époque carolingienne, 2006, Paris, p.76-81. 2 C'est l'hypothèse émise par Michel Parisse à la suite du doyen Schneider : Michel Parisse, «Remarques sur les fondations monastiques à Metz au Moyen Âge », dans Annales de l'Est, 1979, 3, p.199-200. Il est vrai que le manuscrit comporte une rature à cet endroit, voir le microfilme de l'IRHT n° 15350. 3 Lorsh, en face de la cité de Worms est une fondation du comte du Rheingau, Cancor en 764, qui est vraisemblablement un cousin de Chrodegang, cf. Régine Le Jan, Famille et pouvoir dans le monde franc, VIIe-Xe siècles, Paris, 1990, p.198-199. L'évêque de Metz amena avec lui dans cette abbaye des moines de Gorze. Le frère de Chrodegang, Gundeland, qui avait été abbé de Gorze, dirigea ce monastère à partir de 765 ; cf. Folz [1967], p.22-24. 4 Y. Hen, « Paul the Deacon and the frankish liturgy », Paolo Diacono, un scrittore fra tradizione longobarda e rinovamento carolingio. Convegno internazionale di studi, 6-9 mai 1999 a cura di Paolo Chiesa, p.205-221, 2000, Udine ; résumé de ces questions par Eric Palazzo, « La liturgie carolingienne : vieux débats, nouvelles 83 du chant, le débat n'est pas tranché. Le modus romanus correspond-il seulement à une façon de chanter1, ou englobe-t-il l'ensemble des textes et le déroulement des cérémonies? Il n'est pas facile dans ces conditions d'évaluer le rôle de Chrodegang, qui semble cependant avoir joué un rôle majeur dans le grand mouvement de rénovation du clergé franc. La conclusion de Paul Diacre Paul termine en évoquant Angilram, le commanditaire de son oeuvre, et il s'excuse de ne pouvoir continuer son récit jusqu'à son époque, préférant laisser la place à quelqu'un de plus qualifié que lui. Cette conclusion rappelle dans ses grandes lignes, un passage du Brevarium d'Eutrope, que Paul a utilisé comme modèle pour composer son Histoire Romaine2. Plusieurs mots se retrouvent en effet dans le Liber de episcopis Mettensibus et dans le Brevarium, ce qui montre que l'historien lombard s'est inspiré de ses lectures et de ses travaux antérieurs pour rédiger sa conclusion adressée à Angilram. questions . Publications récentes », dans W. Falkowski et Yves Sassier, Le monde caroling ien. Bilan, perspectives, champs de recherches.2009, Turnhout, p.219-241. 1 Iégor Reznikoff, « Le Chant des Gaules sous les Carolingiens », dans haut Moyen Age. Culture, éducation et société. Etudes offertes à Pierre Riché, sous la direction de M. Sot, p.323-341, Paris, 1990. 2 MGH, SS, II, p.268 : « Hic iam, pater sanctissime Angilramne, narrationis serie vestram beatudinem locus expectat. Sed ego meae tenuitatis non inmemor, adtemptare minus idonee non audeo, quae de vestrae vitae cursu laudabili maiori stilo promenda sunt .»; Eutrope, Breviarium, éd. par H. Droysen dans les Monumenta Germaniae Historica, Auctores Antiquissimi, t. 2, Hanovre, 1879 p.182: « quia autem ad inclitos principes venerandosque perventum est, interim operi modum dab imus, nam reliqua stilo maiore dicenda sunt , quae nunc non tam praetermittimus quam ad maiorem scribendi diligentiam reservamus .» ; voir Goffart[1996], p.68, note n° 37. 84 C. LES SOURCES DE PAUL DIACRE : UN DOSSIER MODESTE 1. Le Dossier Au total, les sources écrites utilisées par l'historien lombard sont très maigres. Une liste épiscopale ne comportant que les noms des prélats messins ; un passage des Libri Historiarum de Grégoire de Tours ; quelques bribes de la Vita de saint Arnoul et de la Passio de saint Hermagore. L'historien lombard s'est sans doute inspiré également d'autres textes hagiographiques pour dresser le tableau des fondations apostoliques en Italie, comme la Passio de saint Apollinaire de Ravenne. Il a peut-être eu sous les yeux l'oeuvre de Frédégaire ou le Liber Historia Francorum, mais le récit de l'origine troyenne des Francs devait sans doute circuler sous forme orale à la cour de Charlemagne. D'autre part, la mention de l'écroulement des murailles de Metz qui permit aux Huns de prendre la cité, détail que l'on retrouve chez Frédégaire, découle sans doute de traditions conservées au sein du clergé messin. Paul Diacre a également mis à profit ses travaux antérieurs et notamment son Histoire Romaine, pour narrer la défaite des Burgondes face aux Huns, ou pour composer la conclusion de son oeuvre. On peut donc constater que l'historien lombard a surtout utilisé des sources écrites qu'il connaissait déjà, lorsqu'il se rendit sur les bords de la Moselle. Ces oeuvres ne lui ont fourni guère plus que des détails pour enrichir sa narration. Paul n'a eu connaissance en Austrasie que de Grégoire de Tours, de la Vita de saint Arnoul (et bien sûr de la liste épiscopale messine, qui lui a cependant offert la trame du Liber de episcopis Mettensibus). Comparée à la parcimonie des sources écrites, la tradition orale occupe une place de choix dans l'oeuvre de Paul Diacre, car il faut bien parler de tradition dans la mesure où ces récits renvoient à des moments anciens et obscurs de l'histoire des évêques de Metz. L'usage de tournures impersonnelles souligne bien le caractère mal défini des témoins et l'antiquité des événements. Ces souvenirs s'enracinent souvent dans des lieux, comme l'église Saint- 85 Pierre-aux-Arènes ou le monastère Saint-Félix, qui ont servi de support matériel à la conservation et à la diffusion de la tradition. Charlemagne est le seul témoin cité expressément dans le Liber de episcopis Mettensibus, et encore il ne s'agit pas dans ce cas d'un témoin oculaire, puisque le futur empereur a fourni le récit d'un miracle de son aïeul Arnoul, qui vécut plus d'un siècle avant sa prise de pouvoir. Ce témoignage, qui renvoie à la mémoire familiale des Arnulfiens, a de la valeur aux yeux de Paul Diacre car il présente une très grande autorité. Il montre également que l'historien lombard s'est livré à une petite enquête, et qu'il a dû interroger le roi, au sujet de ses aïeuls, sans doute au moment de l'inhumation d'Hildegarde à Saint-Arnoul. De toute façon, une oeuvre sur les ancêtres de la famille royale, composée dans les milieux de la cour, n'aurait pas pu voir le jour sans l'assentiment de Charlemagne, d'où des entretiens entre le futur empereur et le lettré frioulan. Paul a certainement recueilli les traditions messines et des informations plus précises sur Sigebaud et Chrodegang par le biais d'Angilram et des clercs attachés à son service. Même si le lettré transalpin ne cite pas le nom de ses témoins, il paraît hautement probable que les événements relatés dans la dernière partie de son oeuvre ont été collectés auprès de contemporains, tant le récit se fait plus précis et plus détaillé avec notamment l'apparition de localisations précises. Paul a pu également compléter son information grâce à ses observations personnelles, dans la mesure où il a vraisemblablement séjourné à Metz ; on pense ici à la description des constructions de Chrodegang. Arrêtons-nous quelques instants sur la présence de Paul dans la ville. Rien n'indique de fa explicite que l'historien lombard ait résidé dans la cité d'Angilram lors de son séjour à la cour de Charlemagne. Le passage du Liber longtemps retenu pour prouver de façon irréfutable la présence de Paul à Metz est beaucoup moins clair qu'il n'y paraît : l'auteur, lorsqu'il évoque la consolidation miraculeuse de la plaque de marbre brisée de l'autel de la cathédrale en présence d'Auctor, indique simplement qu'il suffit de passer le doigt sur cette plaque pour se rendre compte de sa solidité1. Plusieurs facteurs rendent néanmoins hautement probable la présence de Paul à Metz. En premier lieu la cour de Charlemagne a passé les fêtes de Noël et de Pâques dans la villa Thionville en 782783, à une trentaine de kilomètres seulement de la cité de son aïeul Arnoul. Angilram, qui devait résider ordinairement à la cour, a pu profiter de ce séjour pour se rendre à Metz et régler les affaires courantes de sa cité, surveiller ses chorévèques et peut-être présider 1 Paul Diacre , Liber de episcopis Mettensibus, p. 263 : « Nam ita appare t hactenus attentius cern entibus quasi divisum; sed studiose contrectatum digitis, ita probatur solidum, ut nullius in eo divisionis sentiatur indicium. » 86 certaines cérémonies liturgiques, en emmenant Paul avec lui. Nous avons déjà mentionné que l'historien lombard a sans doute vu la tombe d'Hildegarde à Saint-Arnoul, ce qui tendrait à prouver qu'il se trouvait dans la cité après avril 783. Enfin les descriptions insérées dans le Liber, et notamment celle de la cathédrale en cours de réaménagement, renforcent la thèse du séjour de l'historien lombard à Metz. En résumé, Paul Diacre n'a utilisé qu'un nombre limité de sources, de nature essentiellement orale, même si le catalogue épiscopal a joué un rôle fondamental pour structurer l'ensemble de son oeuvre. On est d'ailleurs frappé par la concision du récit qui ne couvre même pas une dizaine de pages dans l'édition critique des Monumenta Germaniae Historica. Beaucoup d'historiens, à commencer par Georg Pertz, l'éditeur du Liber pour les M.G.H., en ont conclu que le lettré lombard, confronté à une pénurie d'informations, avait tiré tout ce qu'il avait pu de ses rares et maigres sources. Cette analyse est d ailleurs beaucoup plus vieille puisqu'elle se retrouve déjà dans les gesta episcoporum rédigés dans la première moitié du XIIe siècle, à la demande de l'évêque de Metz, Etienne de Bar. L'anonyme qui composa cette oeuvre écrit, lorsqu'il évoque les épisodes de la vie de saint Arnoul « que [Charlemagne] contactant un notaire nommé Paul, ordonna que les hauts faits des prélats messins fussent recherchés. Mais comme il ne trouva presque rien, parce que jadis les Barbares, faisant irruption, avaient incendié les documents avec la cité, il ordonna de retranscrire par écrit la tradition héritée de ces temps, à partir de saint Clément.1 » La question mérite un nouvel examen à la lumière des documents qui s'offraient au lettré transalpin dans sa tentative pour reconstituer le passé des évêques de Metz. 1 Gesta episcoporum mettensium, éd. G. Waitz, Monumenta Germaniae Historica, Scriptores, t. X, p.531551,1878; p.538-539: « Unde accersiens notarium quendam nomine Paulum, precepit Mettensium inquiri gesta presulum. Sed quasi nulla inveniens, quippe a barbaris olim irrumpentibus cum ipsa urbe succensa erant, precepit, ut vel ipsa quae ab antiquis defluxerant per famam ad posteros scriberentur, et ab ipso pontifice beato Clemente inciperetur » 87 2. Les sources littéraires disponibles et leur utilisation En premier lieu, les monastères messins et la bibliothèque du palais ont dû abriter un certain nombre d'ouvrages d'Histoire et de Droit. On a vu que Paul a eu recours à l'oeuvre de Grégoire de Tours, mais il ne l'a utilisée que pour évoquer l'invasion de Metz par les Huns. Certes, l'historien lombard semble avoir fait le tour des ouvrages disponibles, avec la Vita de saint Arnoul, Frédégaire et Grégoire, mais l'exploitation de ces sources est assez superficielle. Or, les Libri Historiarum, tout comme les continuations de Frédégaire comportent un certain nombre de références à la cité de Metz, notamment au temps de la splendeur des rois d'Austrasie. L'évêque de Tours fait huit fois référence à Metz, avec parfois des événements importants comme l'ordination de clercs dans la cité ou encore la réunion d'évêques pour juger le métropolitain de Reims Egidius1. Même si les évêques messins semblent avoir joué un rôle plutôt effacé jusqu'à saint Arnoul, dans l'ombre des souverains mérovingiens, Grégoire de Tours cite plusieurs évêques et il était parfaitement possible de créer des synchronismes entre rois et évêques ; or cet , Paul ne l'a pas tenté, pas plus qu'il n'a cherché à utiliser les collections conciliaires qui auraient pu l'aider à localiser dans le temps certains prélats messins. Le recueil des Lettres Austrasiennes, composé vers 590 et qui cite un certain nombre d'évêques messins, était peut-être présent à Metz à l'époque de Paul Diacre2. Il est également surprenant que le lettré transalpin, qui était un grand connaisseur de l'oeuvre du poète Fortunat, comme il l'affirme lui-même dans son Histoire des Lombards, n'ait pas trouvé trace de la lettre adressée par Fortunat à l'évêque Vilicius de Metz, à l'occasion des noces dans cette ville du roi Childebert avec la princesse Wisigothique Brunehaut autour de 566. 88 sans doute de l'Eloge de Metz de Sigebert de Gembloux), ne s'appuie pas sur les vers du poète italien pour brosser un tableau de la cité mosellane1. 3. Les archives messines Aucune référence n'est faite aux archives du clergé messin. Or, Metz semble avoir relativement peu souffert des désordres engendrés par l'ascension et la prise de pouvoir des Pippinides dans le royaume franc ; désordres fustigés par les violentes diatribes de Boniface. Même si fort peu de documents nous sont parvenus, il semble vraisemblable que les églises de Metz conservaient du temps de Paul, un certain nombre d'actes juridiques. Un exemple peut très bien illustrer ce propos : le pape Grégoire le Grand adressa en juin 601 une lettre à l'évêque de Metz, Agiulf pour lui demander d'aider des missionnaires en route vers les îles britanniques2. Paul semble ignorer complètement l'existence de ce document, alors qu'il a luimême rédigé une Vita du saint pape, qui, il est vrai, est postérieure à son arrivée sur les bords de la Moselle, puisque le lettré frioulan s'inspire dans cette oeuvre de Grégoire de Tours et de Bède qu'il a connus lors de son séjour à la cour. Certes, la correspondance de Grégoire a atteint un volume très important et on ne peut pas faire grief à l'historien lombard de n'avoir pas étudié toutes les missives envoyées par le souverain pontife. Un fait paraît cependant beaucoup plus troublant : il est presque certain qu'un exemplaire de cette lettre se trouvait à Metz, probablement dans les archives de la cathédrale, puisque l'auteur des Gesta Episcoporum du XIIe siècle s'y réfère explicitement3. Voilà une nouvelle preuve tangible du fait que Paul Dia n'a pas mené une recherche approfondie au sein de la documentation qui s'offrait à lui. 1 Venance Fortunat, Carmina, éd. et traduction par Marc Reydellet, Paris, 1994, t.I, III, 13, p.109-110, Ad Vilicum episcopum mettinsem, v. 15 : Urbs munita nimis quam cingit murus et amnis ». 2 Gauthier, [1980] p.214-215. 3 Gesta episcoporum mettensium, p.538 : « Huic etiam Aigulfo magnus doctor Gregorius litteras direxit». 4. Les monuments et le patrimoine architectural messin Enfin Metz comptait au début du VIIIe siècle près d'une quarantaine d'églises, et sans doute bien d'autres monuments, étant donné son ancien rôle de capitale de l'Austrasie et sa place de choix dans la réforme du clergé franc. La résidence des rois mérovingiens dans la cité devait encore exister au temps de Charlemagne et comptait peut-être un certain nombre de documents épigraphiques sur le passé messin. De plus, la liste stationnale qui fut composée à la fin VIIIe siècle ou au début du IXe mentionne l'existence de 38 églises dans lesquelles l'évêque de Metz donnait une messe pendant le Carême1. Tous ces lieux conservaient peutêtre le souvenir des anciens prélats messins, ne serait-ce que sous la forme de dédicaces. De cet important patrimoine architectural, Paul Diacre n'a presque rien tiré, hormis les traditions attachées à Saint-Félix et Saint-Pierre-aux-Arènes. D'autre part, les évêques les plus récents devaient encore avoir une sépulture visible dans l'espace urbain2. On sait en effet que les pontifes de l'époque carolingienne, Drogon en tête, ont opéré un certain nombre de translations vers des possessions extérieures à la cité pour raffermir leurs droits de propriété. Ainsi Angilram lui-même, fit transporter le corps de Syméon, le septième prélat mentionné sur la liste épiscopale de Saint-Félix /Saint-Clément vers le monastère de Senones dans les Vosges. Les messins connaissaient donc les lieux de sépulture de bon nombre de leurs évêques durant les règnes de Charlemagne et Louis le Pieux. D'ailleurs, l'auteur des Gesta episcoporum du XIIe siècle précise dans la plupart des cas l'ancien emplacement de la dépouille de l'évê et le lieu de sépulture après translation. Il se dégage ainsi très clairement que Saint-Félix/Saint-Clément a accueilli une bonne partie des restes des premiers prélats, avant d'être relayé par les Saints-apôtres/Saint-Arnoul pour les Arnulfiens et Saint-Symphorien. Paul Diacre ne méconnaît pas le rôle de nécropole épiscopale joué par Saint-Félix, puisqu'il évoque le miracle survenu à proximité des tombeaux de Rufus et d'Adelphus. Il ne dit cependant rien des autres prélats inhumés à cet endroit. Il est encore plus étonnant de constater que le lettré frioulan n'indique pas le lieu de sépulture de Chlodulf, 1 T. Klauser et S. R Bour., « Notes sur l'ancienne liturgie de Metz et ses Eglises antérieures à l'An Mil », dans Annales de la société d'Histoire et d'archéologie de la Lorraine, t. XXXVIII, p.497-509, 1929. 90 le fils d'Arnoul, alors qu'il précise bien le rôle de nécropole familiale joué par la basilique des Saints-Apôtres. De toute évidence, Paul Diacre n'a pas cherché à dresser la liste des lieux d'inhumation des évêques ; d'ailleurs l'abbaye de Saint-Symphorien, qui abrita les restes d'un certain nombre d'évêques des VIIe et VIIIe siècles, n'est pas citée une seule fois dans le Liber de episcopis Mettensibus. Conclusion : un faible effort de recherche Ces exemples montrent bien qu'une documentation beaucoup plus abondante qu'il n'y paraît s'offrait à Paul Diacre, et que ce dernier n'a pas utilisé toutes les sources à sa disposition. Et les textes sur lesquels l'historien lombard s'est appuyé, n'ont pas été exploités à fond, comme le prouve l'utilisation des Libri Historiarum de Grégoire de Tours. Le recours aux traditions messines cache l'absence presque complète de référence aux archives des églises ou à son patrimoine architectural. Quelles raisons profondes peuvent expliquer ces constatations? S'agit-il d'un choix délibéré de l'auteur ou d'un manque d'approfondissement de son travail de recherche? Paul a-t-il été obligé de travailler sinon dans l'urgence, du moins rapidement pour son commanditaire Angilram? Toutes ces questions ne peuvent trouver une réponse que si l'on examine la fonction et la structure du Liber de episcopis Mettensibus ainsi que les raisons qui sont à l'origine de sa rédaction. 91 D. LES INTERPRÉTATIONS DU LIBER 1. Un siècle de débats autour du Liber de episcopis Mettensibus Il n'a jamais existé au Moyen Âge de traités théoriques cherchant à définir les caractéristiques du genre connu sous le nom de gesta episcoporum et que les historiens médiévaux auraient cherché à imiter servilement. Ce sont les chercheurs modernes, Michel Sot en tête, qui ont dégagé les aspects communs à un certain nombre d'ouvrages consacrés à l'histoire des lignées épiscopales1 ; chaque texte gardant son originalité et sa spécificité. Il est donc difficile de juger une oeuvre ancienne suivant un modèle reconstruit par la recherche scientifique. Il faut d'autre part ajouter que la définition d'un genre littéraire passe souvent à l'époque médiévale par le biais d'exemples concrets qui font autorité. Les formulaires de lettres des chancelleries en sont une bonne illustration. Il a cependant existé au Moyen Âge, dans le domaine qui nous intéresse, un modèle reconnu dans toute la Chrétienté latine et qui a pu servir de référence à tous les historiens qui ont voulu restituer l'histoire des évêques d'un diocèse. Il s'agit du Liber Pontificalis, une histoire de la Papauté qui connut une très large diffusion2. Dans cette perspective, il paraît donc judicieux de se demander jusqu'à quel point Paul Diacre a tenté de se conformer à la trame fournie par le livre romain. Il faut ajouter enfin que la structure de certaines oeuvres du lettré frioulan ne se laissent pas facilement appréhender comme le prouvent les débats sans cesse réactivés autour de l'Histoire des Lombards, à tel point que la question de savoir si cet ouvrage est complet ou inachevé n'est toujours pas tranchée. L'originalité de Paul Diacre ainsi de pair avec les problèmes rencontrés par les chercheurs pour qualifier le plan et l'organisation de ses travaux historiographiques. Les débats tenus depuis plus d'un siècle autour du Liber de episcopis mettensibus illustrent parfaitement ces difficultés. 1 Michel Sot, Gesta abbatum, gesta episcoporum, coll. typologie des sources du Moyen Age Occidental, Turnhout, 1981. 2 Liber Pontificalis, éd. Louis Duchesne, 2eme éd., 1955. 92 Paul Diacre, le Liber Pontificalis et le développement des Gesta episcoporum en Gaule Paul Diacre a pendant longtemps été considéré comme le précurseur, qui serait à l'origine du développement et de l'épanouissement d'un nouveau genre historiographique en Gaule à l'époque carolingienne : les gesta episcoporum, composés sur le modèle du Liber Pontificalis. Cette opinion est apparue très tôt au sein de l'érudition moderne, et l'éditeur du Liber de episcopis Mettensibus, Georg Pertz, avance dans sa notice introductive que « Paul Warnefrit, diacre de l'église d'Aquilée l'année 784 rédigea, à Metz à ce qu'il semble, un libelle portant sur les gestes des évêques de Metz, à la demande d'Angilram l'évêque de Metz et archichapelain du roi Charlemagne. Il imita pour cela le Liber Pontificalis, célèbre déjà depuis un certain temps»1. Tout lecteur potentiel de l'édition de G. Pertz, qui rappelons-le, fait toujours autorité, est donc amené à prendre acte du fait que Paul Diacre s'est efforcé d'imiter le Liber Pontificalis, et qu'il a tenté de composer des gesta episcoporum malgré la pauvreté de ses sources. Or, le brillant savant allemand n'a pas jugé bon d'appuyer ces assertions sur des arguments précis. Son point de vue s'est cependant transformé en lieu commun qui a été accepté et repris par les historiens de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, comme le prouvent les premières lignes de l'édition critique des Gesta episcoporum Mettensium du XIIe siècle. En écho à son collègue des Monumenta Germaniae Historica, Georg Waitz écrit en effet que « L'évêché de Metz fut le premier de ce côté des Alpes à connaître une description des gestes de ses prélats. Ce fut l'oeuvre de Paul Diacre qui travailla à la demande d'Angilram, alors qu'il résidait à la cour de Charlemagne »2. 1 PERTZ, M.G.H., SS., t.II, p.260 : « Paulus Warnefridi, Aquileiensis ecclesiae diaconus anno 784, petente Angilrammo Mettensi episcopo et Karoli regis archicappellano, Mettis ut videtur, libellum de Gestis episcoporum Mettensium conscripsit. Imitatus est in eo Gesta pontificum Romanorum, iam tunc a longo tempore inclyta». 2 Waitz, M.G.H., t.X, p.531: « Mettensis episcopatus cis Alpes primus res ab antistilibus gestas vidit descriptas, Paulo Diacono, dum in aula Karoli Magni versabatur, ab Angelramno permoto». Le rapproch ement de l'oeuvre de Paul Diacre avec le genre des gesta episcoporum se retrouve dans les travaux portant sur l'historiographie médiévale au cours du XXe siècle et lorsque F. L. Ganshof s'est efforcé de dresser un tableau des oeuvres à caractère historiographique composées sous les dynasties mérovingienne et carolingienne1. Il fait du Liber de Paul Diacre, le point de départ du développement de l'historiographie épiscopale en Gaule2. Cette idée a été reprise et même amplifiée par les travaux de Michel Sot, qui s'est livré à une étude systématique du genre littéraire connu sous le nom de gesta episcoporum3. Sans tomber dans les simplifications, puisqu'il ne passe pas sous silence l'existence du dernier chapitre des Libri Historiarum de Grégoire de Tours consacré aux pontifes tourangeaux, l'historien français fait cependant de Paul Diacre le précurseur de la composition de gesta « de ce côté-ci des Alpes ». Michel Sot entendait en effet montrer que les gesta episcoporum étaient un genre carolingien, qui s'épanouit principalement entre Loire et Rhin avant de connaître des développements ultérieurs dans l'Empire des Ottoniens 4. Or Paul Diacre, un des plus grands lettrés du haut Moyen Âge, véritable trait d'union entre la culture italienne et la cour de Charlemagne, semblait tout désigné pour assumer la responsabilité de l'introduction d'un nouveau genre historiographique en Gaule. Dès lors, la cause était entendue : Paul Diacre, avait bien tenté de se conformer au modèle de rédaction fourni par le Liber Pontificalis, et les imperfections et la brièveté de son ouvrage devaient être mises sur le compte de sources lacunaires. D'autre part, l'historien lombard était à l'origine de la floraison de gesta episcoporum qui caractérisa l'époque caroling dans une aire géographique située entre Loire et Rhin. Une première remise en cause de ce schéma, formulée dès la fin du XIXe siècle, fut l'oeuvre de Louis Duchesne, grand spécialiste des listes épiscopales de l'ancienne Gaule et du Liber Pontificalis. Dans la conclusion de son étude consacrée à cet ouvrage5, Duchesne tente de mesurer la postérité du livre romain, et il évoque l'oeuvre de Paul Diacre avec des mots très durs : « C'est une compilation d'un intérêt médiocre, où, sauf pour quatre évêques, saint Clément, saint Auctor, saint Arnoul et saint Chrodegang, on ne trouve guère autre chose que le nom et l'ordre de succession des pontifes de l'église messine. 94 évêque, saint Chrodegang, n'était calquée sur celle des papes, dont elle reproduit le cadre, l'ordre et la formule » 1. En dépit de sa dureté, l'analyse de Duchesne est très pertinente puisqu'elle rejette l'idée qui veut que Paul Diacre se serait attaché à calquer son oeuvre sur le modèle du Liber Pontificalis. Elle ne nie cependant pas que l'ouvrage romain ait pu avoir une influence limitée sur le travail de l'érudit lombard. Cependant ces observations très perspicaces ne rencontrèrent qu'un écho limité parmi les historiens français et allemands. L'historien anglo-saxon Walter Goffart, spécialiste notamment de l'historiographie du haut Moyen Âge, opéra un renversement complet de perspective dans les années quatre-vingt du siècle dernier. Selon lui, Paul Diacre n'aurait pas cherché à imiter le Liber Pontificalis, sauf dans la partie finale de son oeuvre consacrée à Chrodegang. Le modèle de composition dont se serait inspiré l'historien lombard présenterait beaucoup plus de subtilité et serait à rechercher du côté de la Genèse. L'oeuvre tout entière, bien loin de privilégier l'histoire des évêques de Metz, aurait une portée symbolique très marquée et serait avant tout destinée à la famille carolingienne. En quelques années, les perspectives ont donc radicalement changé en ce qui concerne le Liber de episcopis Mettensibus de Paul Diacre : on est passé d'un ouvrage calqué sur le Liber Pontificalis, à une oeuvre influencée de façon marginale par le livre romain et qui répondrait à des schémas de composition beaucoup plus ambitieux. Il est temps de nous pencher à notre tour sur ces problèmes et de tenter d'analyser la structure interne du Liber de Paul Diacre, mais avant cela, il nous a paru important de donner quelques points de repère le Liber Pontificalis et sur le genre historiographique connu sous le nom de gesta episcoporum, en étudiant les caractéristiques fondamentales de ces textes et la chronologie de leur apparition dans le monde franc. La première rédaction du Liber Pontificalis remonte au début du VIe siècle et l'ouvrage connut des continuations jusqu'au IXe siècle. Il n'est pas question de retracer ici les péripéties qui sont à l'origine de la composition de cette oeuvre, en pleine période de domination ostrogothique sur Rome et l'Italie2. Il faut cependant s'arrêter quelques instants sur la structure interne de ce livre qui a servi de modèle au rédacteur de gesta episcoporum. Le Liber Pontificalis se présente comme une suite de notices classées dans l'ordre chronologique ; chaque pape depuis saint Pierre a droit à une notice, qui fournit généralement 1 Ibid., p.215. Nous renvoyons aux travaux de Louis Duchesne, Etude sur le Liber Pontificalis, Paris, 1877. Voir également l'article de Françoise Manfrin, Liber Pontificalis, dans le Dictionnaire historique de la Papauté, sous la direction de P. Levillain, p.1042-1043, Paris, 1994. 2 95 le même type d'information : le nom et le rang du pontife, son lieu de naissance et son ascendance, la durée de son règne, les décrets qu'il a pris, les constructions mises en chantier, les ordinations qu'il a célébrées, et enfin sa date de décès ainsi que le lieu où repose son corps1. Cette trame ainsi définie appelle plusieurs remarques. Premièrement, l'histoire de Rome et dans une certaine mesure celle de la Chrétienté s'identifient complètement à la lignée des papes. Les auteurs de gesta episcoporum n'ont pas eu de mal à transposer ce schéma dans le cadre de leur cité au moyen de quelques adaptations. L'évêque est représenté comme le père de la communauté chrétienne, son protecteur et son intercesseur auprès des puissances célestes. Michel Sot a attiré l'attention sur le vocabulaire utilisé par les rédacteurs de gesta pour désigner leurs pontifes, qui renvoie souvent au champ lexical de la famille2. D'autre part, ces auteurs insistent plus sur la sainteté de la lignée épiscopale, qui se doit d'être ininterrompue et orthodoxe, que sur un prélat en particulier. Même les mauvais évêques ont leur place dans les gesta dans la mesure où ils constituent des preuves a contrario de la eté de la lignée. De plus, la recension des lieux autour desquels s'enracine la mémoire des évêques, aboutit à la présentation d'une véritable géographie du sacré à l'intérieur de la cité3. Une autre caractéristique de ces ouvrages doit être mentionnée : les gesta episcoporum soutiennent souvent les revendications matérielles des églises. Au souci de montrer la sainteté de la lignée épiscopale se mêlent donc des préoccupations matérielles plus immédiates. On constate en effet souvent que la rédaction est contemporaine d'une remise en ordre du temporel épiscopal ou de l'existence de menaces contre les biens fonciers appartenant aux églises. Aussi les rédacteurs de gesta ont-ils recours à plusieurs procédés afin d'affirmer les droits de l'évêque et de sa communauté. Ils n'hésitent pas, par exemple, à retranscrire le contenu de chartes, ou à rappeler le souvenir des liens qui unissent les saints évêques à certains domaines ou bâtiments menacés. Arguments juridiques et arguments hagiographiques 1 Sot, [1981], p.32-33. Michel Sot , « Historiographie épiscopale et modèle familial au IXe siècle », dans les Annales E. S. C., Paris, p.443-446, mai Juin 1978. 3 Sot [1981] , p . 20-21 . 2 96 se juxtaposent donc pour faire des gesta episcoporum des instruments efficaces au service des communautés ecclésiastiques1. Le Liber Pontificalis connut un énorme succès pendant tout le Moyen Âge, à tel point qu'il est courant de retrouver sa trace dans les grandes bibliothèques épiscopales et abbatiales de l'Occident médiéval2. Mais cette diffusion fut lente durant le haut Moyen Age. Un pèlerin revenu de Rome à la fin du VIe siècle, en apporta un exemplaire à Tours alors que Grégoire, l'évêque de cette cité, était sur le point de terminer la rédaction de ses Libri Historiarum3. L'historien tourangeau en profita pour ajouter dans le dixième et dernier livre de son oeuvre, un passage consacré aux pontifes tourangeaux, calqué sur le modèle du Liber Pontificalis 4. Il s'agit incontestablement de la première tentative d'imitation du prototype romain : chaque évêque dispose d'une notice qui est classée dans l'ordre chronologique. Grégoire de Tours s'est efforcé de redonner, pour chacun de ses prédécesseurs, le même type d'informations que l'on trouve dans le Liber Pontificalis : ainsi il donne dans la plupart des cas, le nom du souverain contemporain de l'évêque, la durée de son pontificat avec mention éventuelle de vacances, et enfin son de sépulture. Le dixième livre des Histoires de Grégoire de Tours ne fut cependant pas imité et aucun auteur à l'époque mérovingienne en Gaule ne semble avoir marché sur les traces du saint pontife. Il faut dire que l'ouvrage de l'historien tourangeau a rarement été diffusé sous sa forme complète, et il n'existe qu'un seul manuscrit contenant l'intégralité du texte. Ce témoin date du XIe siècle provient du Mont Cassin. Dès le siècle qui a suivi sa rédaction, l'oeuvre de Grégoire a connu d'importantes altérations qui ont souvent eu comme conséquence la disparition du livre X consacré aux évêques de Tours. 97 juste titre considéré, non comme le premier historien de la France, mais comme le premier historien de la monarchie franque1. On sait d'autre part que Bède, dans la premier tiers du VIIIe siècle, eut sous les yeux un exemplaire du Liber Pontificalis, qu'il utilisa pour dresser son martyrologe et pour composer son Histoire Ecclésiastique du peuple anglais. Les liens tissés entre la papauté et la jeune église anglo-saxonne à partir de l'époque de Grégoire le Grand, expliquent dans une large mesure la présence du livre romain dans une contrée aussi éloignée de l'Urbs. Il est à noter que si Bède se sert du Liber Pontificalis, comme source d'informations sur Rome, il n'a jamais cherché à imiter la structure de cet ouvrage, que ce soit pour le compte du diocèse d'York ou pour celui de son monastère de Jarrow2. Les gesta episcoporum réapparaissent et se multiplient en fait à partir de l'époque carolingienne. Il est inexact de dire que ce genre littéraire est passé d'Italie en Gaule, car la péninsule ne donna naissance à aucune oeuvre proche des gesta episcoporum avant le Pontifical d'Agnellus de Ravenne au IXe siècle, et encore, son exemple fut très peu suivi3. En fait, ce genre historiographique, d'inspiration romaine, trouva surtout un terrain d'élection dans l'aire culturelle située entre Loire et Rhin. Outre le cas du Liber de episcopis Mettensibus de Paul Diacre, sur lequel nous aurons à revenir, il faut mentionner la composition de pareilles oeuvres au Mans et à Auxerre 4. Dans la cité sarthoise, l'évêque Aldric, formé à l'école cathédrale de Metz, fut un important dignitaire de la cour de Louis le Pieux. Il fit rédiger dans les années 830, un dossier afin de défendre le temporel de son ég . Ce corpus comprend, outre de nombreux faux, une imitation du Liber Pontificalis5. Une autre oeuvre inspirée du livre romain vit le jour à Auxerre vers 873-876, sous la plume des chanoines Alagus et Rainogala, qui faisaient partie de ce que les historiens modernes ont appelé « l'école d'Auxerre », très active sur le plan culturel sous Charles le Chauve et ses successeurs. Là aussi, les deux auteurs connaissent le Liber Pontificalis, et ils s'en inspirent 1 Voir les travaux de Martin Heinzelmann, notamment : « Grégoire de Tours « père » de l'histoire de France? », dans Historiens de France, Historiens de la France. 98 pour reconstituer l'histoire des évêques d'Auxerre. Il faut également mentionner l'apparition des premiers gesta consacrés à des abbés, avec l'oeuvre composée à la demande de l'abbé de Fontenelle, Ansegise, vraisemblablement entre 823 et 833. Le genre s'épanouit ensuite et des gesta sont rédigés à la fin du IXe siècle et au Xe à Saint-Gall, à Lobbes et à Reims où Flodoard donne à son travail une ampleur qui dépasse de beaucoup le simple cadre d'une oeuvre portant sur les évêques rémois 1. L'étude des manuscrits montre que beaucoup de copies ont été réalisées dans le Regnum Francorum au IXe siècle, peut-être à partir d'un exemplaire rapporté par l'entourage de Charlemagne après le couronnement de 8002. L'influence du livre romain sur la culture franque ne date vraiment que de cette époque. Revenons maintenant à l'exemple messin. Paul Diacre possède une bonne connaissance du Liber Pontificalis qu'il a utilisé comme source pour composer son Histoire Romaine, sa Vita du pape Grégoire le Grand (dont la date de rédaction est difficile à préciser), et enfin son Histoire des Lombards. Quand et comment le lettré lombard a-t-il eu connaissance du livre romain? Il est vraisemblable qu'un exemplaire se trouvait soit à la cour de Pavie où Paul a résidé pendant la première partie de sa vie, soit au Mont Cassin. Paul s'est donc familiarisé avec le Liber Pontificalis, avant son voyage en Gaule. De toute façon, l'existence d'un exemplaire dans l'entourage de Charlemagne ou à Metz à la fin du VIIIe siècle paraît hautement vraisemblable, étant donné les liens tissés entre la cour carolingienne, l'église franque et le Saint Siège, illustrés notamment par les voyages de Chrodegang à Rome ou encore par les échanges de clercs dans le cadre de la réforme liturgique. On retrouve d'ailleurs la trace du livre romain dans un manuscrit copié dans l'abbaye de Saint-Pierre de Flavigny dans la seconde moitié du VIIIe siècle3. Paul a-t-il voulu calquer son Liber sur le modèle du livre romain? Une vue d'ensemble de l'ouvrage du lettré lombard suffit pour faire naître le doute. La brièveté du texte doit tout d'abord être soulignée. Bien loin des grandes synthèses rédigées au Mans ou à Auxerre, l'oeuvre de Paul n'occupe que huit pages dans l'édition de G. Pertz, à tel point que le terme de Libellus est rapidement apparu pour la désigner. 99 passage sur Sigebaud. Le reste de l'oeuvre se rapproche plus d'une liste épiscopale, enrichie parfois par quelques détails, que de véritables notices. Peut-on invoquer les carences de la documentation qui s'offrait au lettré lombard pour expliquer ces lacunes? Nous avons montré dans les chapitres précédents que Paul n'a pas mené une enquête approfondie, et qu'il s'est appuyé sur un nombre limité de sources. Même pour les évêques les plus obscurs, il aurait pu retrouver un certain nombre d'informations qui figurent en règle générale dans le Liber Pontificalis, comme les lieux de sépulture des prélats. Comment imaginer en effet que les messins des années 780 aient ignoré où se situaient les corps des évêques du début du VIIIe siècle? D'autre part, parmi les cinq passages un peu plus étoffés, seul celui relatif à Chrodegang ressemble vraiment à une notice du Liber Pontificalis. On retrouve en effet, dans les lignes consacrées au réformateur de l'église franque, une évocation de ses nobles origines, de sa formation à la cour de Charles Martel, de son élévation, des missions politiques qu'il remplit pour le compte de Pépin III, et des réformes liturgiques qu'il mena avec l'établissement de la règle destinée aux chanoines de la cathédrale de Metz. Puis Paul évoque ensuite les embellissements apportés par Chrodegang aux églises messines, les fondations monastiques mises en chantier, et même les ordinations d'évêques et de clercs effectuées par le prélat. La notice se clôt par la mention de la durée de l'épiscopat du pontife messin, par la date exacte de son décès et par la localisation de son lieu de sépulture. Il s'agit d'une imitation fidèle du schéma proposé par le Liber Pontificalis, puisque l'ordre dans lequel sont données les informations est le même que celui du livre romain. Il en va tout autrement pour les quatre autres passages consacrés aux évêques Clément, Auctor, Arnoul et Sigebaud. Les origines de Clément et d'Auctor ne sont pas précisées, pas plus que leur lieu de sépulture. Or, si les messins de la fin du VIIIe siècle ignoraient peut-être où reposait le corps de leur premier évêque, il n'y a aucune raison de penser que le corps d'Auctor ait disparu puisque Drogon dans la première partie du IXe siècle fit cadeau de ses reliques et de celles de Céleste au monastère de Moyenmoutier. Dans le même ordre d'idée, le dies natalis d'Arnoul qui est pourtant indiqué à la fin de sa Vita, n'est pas mentionné par le lettré frioulan. La notice consacrée à l'ancêtre des carolingiens est d'ailleurs révélatrice de l'absence, chez Paul Diacre, du désir d'imiter le Liber Pontificalis : l'érudit lombard disposait dans ce cas précis d'assez d'informations pour le faire. Les circonstances dans lesquelles Arnoul devint évêque ne sont pas précisées. Visiblement le lettré frioulan n'a pas jugé bon 100 d'ordonner le passage concernant l'ancêtre de Charlemagne de la même façon que celui consacré à Chrodegang. Le Liber de episcopis Mettensibus n'a donc subi l'influence du Liber Pontificalis que de façon secondaire et il faut bien reconnaître qu'il s'agit d'un choix de son auteur, qui n'a pas voulu calquer toute son oeuvre sur le prestigieux livre romain. On ne peut pas non plus faire de l'ouvrage de Paul Diacre le précurseur d'une vague de rédaction de gesta episcoporum à l'époque carolingienne. Il y a en effet près d'un demi-siècle entre l'ouvrage du lettré Lombard et celui commandité par Aldric du Mans, et nous avons vu que ce texte sarthois s'inspire directement du Liber Pontificalis, même si l'évêque devait sans doute avoir une connaissance du travail de Paul, de par son séjour à Metz et sa fréquentation de la cour carolingienne. Les Gesta abbatum de Fontenelle s'inspirent également directement du Liber Pontificalis et leur rédaction entre 823 et 833, les placent quarante ans après la composition de l'ouvrage de Paul Diacre1. Il n'y a pas non plus de volonté, dans le Liber de episcopis Mettensibus, de dresser une géographie du sacré. Certains sanctuaires importants à l'intérieur ou autour de la cité messine ne sont pas mentionnés, comme Sainte-Glossinde, Saint-Martin, Saint-Symphorien ou encore Saint-Pierre-Aux-Nonnains, qui existaient tous à l'époque du passage de Paul Diacre sur les bords de la Moselle. Certes, tous ces établissements ne sont pas des créations des évêques mais il est à peu près sûr que Saint-Symphorien est une fondation de Pappolus, le prédécesseur de Saint-Arnoul. Les seules églises et abbayes évoquées sont Saint-Pierre-AuxArènes, Saint-Félix, la cathédrale Saint-Etienne et Saint-Arnoul, qui sont les plus importantes de la ville (si l'on excepte la première citée). Paul Diacre ne cherche pas non plus à inventorier l'ensemble des possessions de l'église messine. On est frappé par l'absence de toute mention relative à Saint-Trond dont la propriété représentait bien un enjeu majeur à l'époque d'Angilram. L'archevêque de Metz n'hésita pas en effet à faire rédiger une Vita consacrée à Trond, qui présentait de façon claire les liens de dépendance de l'abbaye de la Hesbaye envers Metz. Dans cet ouvrage, il est bien précisé que ce monastère relève au 1 Voir l'introduction de Pradié [1999], p. XXV- XXVII et p. XXXV- XXXVIII et p. LV- LVI ; p.4-6 : « Huius genitor [Wandrilli] Vuatchisus nuncupatus nomine ut veracium didicimus traditione seniorum, patruus gloriossissimi Pippini, ducis Francorurm, filii Anschisi, extitit. » 101 temporel des évêques messins, et de leurs homologues liégeois pour les problèmes d'ordre spirituel1. La manière dont le clergé messin aborda le texte de Paul Diacre dans les siècles suivants peut confirmer que le Liber de episcopis Mettensibus ne revêtait pas le caractère de gesta episcoporum complet, à une époque où ce genre littéraire avait atteint sa pleine maturité : dans la première moitié du XIIe siècle, l'évêque de Metz, Etienne de Bar, mit en chantier la rédaction de véritables gesta episcoporum2. L'auteur anonyme de cette oeuvre ne chercha pas à prendre la suite de l'ouvrage de Paul Diacre, qu'il connaissait et qu'il utilisa comme source. Il décida au contraire de commencer son oeuvre par Clément, le premier évêque envoyé par saint Pierre. Considérant certainement que le Liber de episcopis Mettensibus de Paul Diacre était incomplet, il enrichit de façon significative les notices des premiers évêques en précisant leur lieu de sépulture, la durée de leur pontificat et il établit des synchronismes avec les papes et les empereurs. Le nouveau texte était de toute évidence destiné à remplacer celui de l'historien lombard jugé trop lacunaire. Aucun manucrit du Liber postérieur au XIe siècle n'est parvenu jusqu'à nous, et ce sont les Gesta episcoporum Mettensium du XIIe siècle et non l'oeuvre du lettré lombard, qui ont reçu des continuations jusqu'en 1530. Les clercs du XIIe considéraient donc que le Liber ne jouait pas complètement le rôle de gesta episcoporum aptes à fixer le souvenir de tous les successeurs de saint Clément. Si donc l'historien lombard n'a pas écrit de Gesta, quelle organisation a-t-il donnée à son oeuvre? La grille de lecture proposée par W. 102 l'instar d'autres compositions du lettré lombard, notamment son Histoire Romaine 1. La première partie retracerait l'histoire des évêques messins jusqu'à la mort de Sigebaud. La seconde serait consacrée à Chrodegang et serait directement inspirée du Liber Pontificalis. La première partie aurait comme source d'inspiration la Genèse : trois passages de l'oeuvre de Paul Diacre, la fondation de l'église de Metz, l'invasion et la destruction de la cité par les Huns, et la bénédiction de saint Arnoul accordée à son fils Anchise, feraient implicitement référence au récit de la création du monde, au déluge et à la bénédiction de Jacob par Isaac2. La Genèse présente en effet quelques analogies avec le Liber de episcopis Mettensibus, dans la mesure où elle développe des épisodes qui sont reliés entre eux par des généalogies. Cela est surtout vrai pour les premiers chapitres du livre, avant l'évocation des patriarches avec Abraham3. Les épisodes autour d'Adam et Eve et de leurs deux fils Abel et Caïn sont suivis par les noms des descendants du premier homme. Puis vient le récit du Déluge qui précède l'exposition de la descendance de Noé etc. Encore faut-il préciser que ces généalogies indiquent le plus souvent la durée de vie des individus, ce que n'a pas cherché à faire Paul Diacre dans son oeuvre. De toute façon, la Genèse juxtapose plusieurs traditions différentes et sa structure est tellement hétérogène et tellement complexe qu'il est très hasardeux d'en faire un modèle4. D'autre part, le choix des trois thèmes bibliques retenus par W. Goffart pour établir sa grille de lecture est contestable sur de nombreux points. Ce dernier commence sa démonstration en rapprochant la bénédiction de saint ul de celle dispensée par Isaac. Rappelons que le patriarche, devenu aveugle, accorde selon le premier livre du Pentateuque, sa bénédiction à Jacob au détriment de l'aîné Esaü. Grâce à l'aide de sa mère Rebecca, le cadet réussit à tromper son père en se déguisant pour lui faire une offrande. Esaü, fou de rage, obtient quand même d'Isaac une bénédiction qui le place cependant sous l'autorité de son frère, pour une durée qui n'est pas précisée5. Chez Paul Diacre, Anchise n'est pas présenté comme un fils rusé qui abuse son père, et Arnoul n'apparaît pas non plus comme un vieillard crédule et impotent. De plus, la bénédiction dispensée par le saint n'établit aucun rapport de sujétion entre Chlodulf et Anchise.
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Prédire l'efficacité d'un inhibiteur d'AKT (LY2780301) dans le cancer du sein métastatique par analyse de l'ADN tumoral circulant plasmatique : étude ancillaire d'un essai de phase IB/II (TAKTIK) Maxime Souquet-Bres and AKT (LY2780301) dans le du sein méta par analyse de l' plasmatique cillaire d essai (TAKTIK). T H E S E Présentée et publiquement soutenue devant LA FACULTÉ DES SCIENCES MEDICALES ET PARAMEDICALES DE MARSEILLE Le 22 Octobre 2020 Par Monsieur Maxime SOUQUET - BRESSAND Né le 16 mars 1988 à Marseille 8 ém e (13) Pour obtenir le grade de Docteur en Médecine D.E.S. d' ONCOLOGIE Option ONCOLOGIE MÉDICALE Membres du Jury de la Thèse : P résident Assesseur Monsieur le Docteur (MCU-PH) SABATIER Renaud Directeur Monsieur le Docteur LAUNAY Simon Assesseur Madame le Docteur VICIER cécile Assesseur 1 Remerciements Il me sera très difficile de remercier tout le monde car c'est grâce à l'aide de nombreuses personnes que j'ai pu mener ce cursus à son terme. Je voudrais tout d'abord remercier mon directeur de thèse, Dr Renaud Sabatier, pour toute son aide. Je suis ravi d'avoir travaillé en sa compagnie car malgré les difficultés rencontrées il a toujours été là pour me soutenir et me conseiller au cours de l'élaboration de cette thèse. Je tiens à remercier le Professeur Anthony Goncalves pour avoir accepté de présider mon jury de thèse et pour sa participation scientifique ainsi que le temps qu'il a consacré au bon déroulement de ce travail. Je remercie également le Professeur François Bertucci et le Dr Cécile Vicier qui me font l'honneur de m'accompagner dans ce moment si particulier. Je remercie mon ami et mentor Dr Simon Launay pour l'honneur qu'il me fait d'être dans mon jury de thèse. Je tiens à remercier particulièrement Madame Séverine Garnier, Madame Nadine Carbuccia et Monsieur Arnaud Guille pour nos échanges et conseils qui m'ont accompagné tout au long de ce projet. Mais je tiens aussi à remercier l'ensemble des personnes avec qui j'ai pu échanger pendant mon internat. Je parle sûr de l'équipe du Pr Chinot, du Pr Blaise, du Dr Madroszyk, du Pr Duffaud, du Pr Cowen, du Dr Launay, du Pr Ouafik et du Dr Schiano. Il m'est impossible d'oublier dans ces remercîments l'équipe au grand complet du Pr Fabrice Barlesi qui m'a tant apporté au cours de ces dernières années. Je tiens également à remercier tous mes co-internes et en particulier mon ami et « statisticien » Monsieur/Docteur Amir Meskine. Je remercie toute l'équipe d'oncologie de Clairval et aussi le Pr Metellus. Mes derniers remerciements vont à mes proches, ma famille et amis, sans qui rien n'aurai été possible. Prédiction de l'efficacité d'un inhibiteur d'AKT (LY2780301) dans le cancer du sein métastatique par analyse de l'ADN tumoral circulant plasmatique : étude ancillaire d'un essai de phase IB/ II (TAKTIC) Maxime Souquet-Bressand2, Nicolas Isambert3, Florence Dalenc4, Mario Campone5, Christelle Levy6, Séverine Garnier2, Nadine Carbuccia2, Cecile Vicier, Jihane Pakradouni, Arnaud Guille2, José Adelaide2, Max Chaffanet2, Francois Bertucci1,2, Daniel Birnbaum2, Anthony Goncalves1,2, Renaud Sabatier1,2. • Aix- Mars eille Univ, Inserm, CNRS, Institut Paoli-Calmettes, CRCM-Predictive Oncology laboratory, Marseille, France; • Aix-Marseille Univ, Inserm, CNRS, Institut Paoli-Calmettes-Department of Medical Oncology, CRCM, Marseille, France • Drug Development Department, Centre Georges François Leclerc, Dijon, France • Department of Medical Oncology, Institut Claudius Regaud, IUCT-Oncopole, CRCT, Inserm Toulouse, France • Institut de Cancérologie de l'Ouest-René Gauducheau, Saint-Herblain, France • Centre François Baclesse, Department of Medical Oncology, Caen, France INTRODUCTION : Le cancer du sein métastatique (CSM) est la deuxième cause de décès par cancer chez les femmes dans les pays occidentaux [1]. Malgré les récents progrès réalisés pour les tumeurs présentant une surexpression de ERBB2, l'évolution des autres phénotypes ne s'est guère améliorée ces dernières années et le taux de survie à 5 ans pour le CSM reste faible (26 %) [2]. La voie de la phosphatidylinositol-3-kinase (PI3K)/AKT/cible mammifère de la rapamycine (mTOR) est fréquemment activée dans les cancers du sein HER2-négatifs [3]. Elle est associée à la carci èse du sein, à la positivité des récepteurs hormonaux, à la survie et à la résistance aux hormonothérapies [4,5]. De plus, elle peut jouer un rôle dans la résistance à la chimiothérapie, y compris les taxanes qui sont les principaux médicaments cytotoxiques utilisés pour le CSM [6]. À ce jour, l'alpélisib est le seul traitement ciblant PI3K qui a été décrit comme améliorant la survie dans le cadre des CSM en association avec une hormonothérapie [7]. Son efficacité est limitée aux tumeurs ayant une mutation de PI3KCA. D'autres molécules ciblant cette voie sont en cours de développement, comme les inhibiteurs d'AKT. LY2780301 est un double inhibiteur de la p70S6 kinase et d'AKT, qui s'est révélé sûr en monothérapie [8], ainsi qu'en association avec la gemcitabine pour les tumeurs solides avancées présentant des altérations de la voie PI3K/AKT/mTOR [9]. 1 L'étude de l'ADN tumoral circulant (ADNtc) permet de surveiller la réponse ainsi que la résistance aux thérapies systémiques et permet de mieux documenter l'hétérogénéité tumorale que les biopsies tissulaires [16]. Pour le cancer du sein, il a été démontré que les variations de l'ADNtc sont plus sensibles pour détecter les modifications d'évolution de la maladie que les marqueurs tumoraux actuellement utilisés tels que le Ca15-3 [17,18]. Des résultats similaires ont été publiés pour de nombreux sites tumoraux dont le cancer du poumon [19] et le cancer colorectal [20]. L'ADNtc est également un marqueur prédictif de l'efficacité de certains traitements, comme dans le cas du cancer du poumon non à petites cellules, non épidermoïde avec la mutation T790M de l'EGFR, pour lequel l'osimertinib peut être administré sur la simple base d'une analyse plasmatique [21]. En ce qui concerne le CSM, la Food and Drug Administration (FDA) a récemment approuvé l'alpelisib et un test compagnon (le kit therascreen® PIK3CA RGQ PCR) pour détecter les mutations PIK3CA dans du tissu et/ou du plasma. Les analyses plasmatiques de l'essai SOLAR1 ont en effet montré que l'efficacité de l'alpélisib peut être prédite par les résultats de l'ADNtc [22]. Le Hazard ratio (HR) de la PFS était de 0,55 (95% CI 0,39-0,79) pour les patientes ayant une mutation de PIK3CA mise en évidence dans l'ADN plasmatique contre 0,80 (95% CI 0,60-1,06) pour les patientes sans mutation de PIK3CA dans le plasma. L'objectif de ce travail était d'évaluer la valeur pronostique de l'ADNtc et de ces variations pour les patientes incluses dans l'essai TAKTIC. Nous avons év é les corrélations entre les critères cliniques d'efficacité (ORR et SSP), l'identification et le suivi de l'ADNtc plasmatique grâce à deux approches distinctes (droplet digital PCR (ddPCR) et séquençage du génome entier à faible couverture (LC-WGS)). 2 MATERIEL ET METHODES : Plan d'étude, patientes et collecte d'échantillons TAKTIC est une étude prospective, multicentrique (6 hôpitaux), nationale, non contrôlée, de phase IB/II. Toutes les patientes ont donné leur consentement éclairé par écrit. Conformément à la réglementation française, le protocole d'étude a été approuvé par le comité d'éthique (Comité de Protection des Personnes Sud Méditerranée I) et l'autorité sanitaire française (ANSM) et a été enregistré comme requis (N°EUDRACT 2013-000585-12, NCT01980277). Les détails de cette étude ont été présentés précédemment [10]. En bref, les patientes atteintes d'un CSM HER2-négatif, avec (phase Ib) ou sans (phase II) traitement cytotoxique préalable pour la maladie avancée, étaient éligibles. L'objectif de la phase IB était de déterminer la dose maximale tolérée (DMT) et la dose recommandée en phase 2 (DRP2) de LY2780301 oral (400 ou 500 mg) administrées quotidiennement en combinaison avec le paclitaxel hebdomadaire intraveineux (70 ou 80 mg/m2), tandis que la phase II visait principalement à déterminer l'efficacité de la combinaison, à la fois dans la population globale et chez les patientes ayant une activation de la voie PI3K/AKT/S6 (PI3KAKT+). Le PI3KAKT+ a été défini comme l'identification d'une mutation de PIK3CA et/ou AKT1 par séquençage de nouvelle génération (NGS) ciblé ou la perte homozygote de PTEN par hybridation génomique comparative en réseau (CGHarray) ou par immunohistochimie. L'évaluation tumorale se faisait au cycle 3 jour 1 (C3J1) puis tous les 2 cycles jusqu'à la progression de maladie ou fin du traitement, en utilisant les critères RECIST 1.1. Dans le cadre de l'étude, des échantillons de sang périphérique ont été prélevés dans quatre tubes EDTA de 5 ml à l'inclusion ou au début du cycle 1 jour 1 (C1J1), à C3J1 (c'est-à-dire après 7 semaines de traitement), et à la progression/fin de traitement. Étude de l'ADN tumoral circulant plasmatique Tous les échantillons de plasma ont été conservés à -80°C au Centre de recherche en cancérologie de Marseille (CRCM) après avoir été centrifugés dans les 2 heures suivant le prélèvement sanguin. L'ADN libre circulant (ADNcf) a été extrait du plasma à l'aide de la plateforme Maxwell® RSC Instrument et du Maxwell® RSC circulating cell-free DNA Plasma Kit (PromegaTM) conformément aux instructions du fabricant. L'ADNcf plasmatique extrait de chaque échantillon a été quantifié par le fluorimètre Qubit (kit d'ADN ds de Qubit HS, ThermoFisher Scientific TM). 3 Dans un premier temps, nous avons analysé l'ADNtc plasmatique en ciblant les anomalies mono-nucléotidiques par ddPCR (droplet digital PCR, BioRad QX200®). Chaque gouttelette était constituée d'ADNcf avec les sondes pour le loci d'intérêt et le milieu réactionnel pour la Polymerase Chain Reaction (PCR). Les sondes qui se fixent sur le variant et celles sur l'ADN non muté portent un fluorochrome différent ce qui permet de les distinguer et de les compter. Nous avons utilisé une quantité d'ADNfc plasmatique de 1ng par expérience. Le monitoring de l'ADNtc plasmatique était basé sur le suivi des mutations hotspot PIK3CA, AKT1 et TP53 qui avaient été précédemment identifiées sur les échantillons de tumeurs. Chaque point a été analysé au moins sur deux réplicas. Les données de ddPCR ont été analysées avec le logiciel d'analyse QuantaSoft (version 1.7.4). Les résultats sont présentés sous forme de pourcentage, nombre de fraction d'allèles d'ADN mutants cibles par rapport au total d'allèles d'ADN (mutant + type sauvage). Les données issues des réplicas ont été combinées pour l'analyse des fractions de variant allélique (VAF) et un minimum de deux gouttelettes positives par allèle muté ont été nécessaires pour obtenir un point positif [23]. (Figure 1) Dans un second temps, nous avons étudié ces mêmes échantillons, en ciblant les anomalies structurelles de l'ADNtc plasmatique, en utilisant une analyse par séquençage du génome entier à faible couverture (low-coverage whole genome sequencing ou LC-WGS). (Figure 2) La constitution des librairies a été réalisée à l'aide d'un kit Diagenode disponible dans le commerce (MicroPlex Library Preparation Kit v2) conformément aux instructions du fabricant. La quantité 'ADNcf plasmatique utilisée était de 5 ng / préparation de librairie. La qualité et la quantité de chaque librairie ont été évaluées respectivement par Agilent 2200 TapeStation system (Agilent HS D1000 Assay kit) et par fluorimètre Qubit (kit Qubit TM dsDNA BR Assay, ThermoFisher Scientific TM). Chaque librairie a ensuite été ramenée à 4 nano-molaires avant d'être poolée en quantités équimolaires (12 librairies par mix). Conformément aux instructions du fabricant, tous les mix de librairies ont été séquencés sur un séquenceur de nouvelle génération (NGS), NextSeq500® d'Illumina (San Diego, CA, USA) avec une moyenne de profondeur de couverture de 0,4×, générant des lectures de 2*75 paires de base (pb). Nous avons déterminé pour chaque point une évaluation de la fraction d'ADNcf issu des cellules tumorales (TF, la fraction tumorale). Enfin l tion de la fraction c a été obtenue grâce au iel CNA 2). Analyses statistiques Les critères d'évaluation cliniques étaient l'évaluation de l'ORR, défini comme le pourcentage de patientes ayant obtenu une réponse complète (CR) ou partielle (PR) selon RECIST 1.1 et la SSP, définie comme le temps entre le premier jour du traitement et la progression de la maladie ou le décès. Le temps de participation a ainsi été calculé pour chaque sujet. Tous les sujets vivants à la date de point correspondaient à des données censurées à droite pour la courbe de survie. Les fréquences ont été utilisées pour décrire les différentes variables qualitatives. Les distributions des variables quantitatives n'étant pas toujours gaussiennes, la description de ces variables a été faite à l'aide de la moyenne mais aussi de la médiane et des valeurs minimales et maximales. Les coefficients de corrélations ont été déterminés par un test de Pearson. La SSP a été estimée selon la méthode de Kaplan-Meier. La comparaison des courbes de survie en fonction des facteurs pronostiques potentiels a été réalisée à l'aide du test du Log Rank. Les analyses de Cox unies et multivariées ont été effectuées pour estimer le rapport des risques avec un intervalle de confiance (IC) de 95 %. Le seuil de signification a été fixé à 5% pour tous les tests utilisés, correspondant à une valeur p significative de p < 0,05. L'ensemble des analyses statistiques a été effectué avec le logiciel SAS® Entreprise Guide®. L'analyse quantitative de l'ADNtc par LC-WGS s'est faite avec l'évaluation de l'ADNtc à l'initiation du traitement, en évaluant la rélation entre l'absence/présence de l'ADNtc et les critères d'efficacité (SSP et l'ORR) à l'aide d'analyses univariées et multivariées. Nous avons ensuite évalué les variations de l'ADNtc en calculant un rapport entre la TF mesurée entre deux points temporels. Soit entre le début du traitement (l'inclusion ou la C1J1) et celle à C3J1 (c'est-à-dire après 7 semaines de traitement) ou à la progression/fin de traitement en absence de données à C3J1. L'évolution de la TF entre l'initiation du traitement (P1) et le C3J1 (P2) était calculée comme suit : (TF_P1-TF_P2) / TF_P1. Si nous n'avions pas d'échantillon plasmatique à C3J1 mais qu'un échantillon était disponible à la progression/fin de traitement, le rapport était calculé comme suit : (TF_P1-TF_P3) / TF_P1, (situation rencontrée dans 1 cas). 6 RESULTATS : Caractéristiques des patientes Au total, 12 et 35 patientes ont été inscrites et traitées respectivement dans la partie de la phase IB et la partie de la phase II entre janvier 2014 et juin 2017. Au moins un échantillon de plasma était disponible chez 43 des 47 patientes (93,5%) avec 31 patientes de phase II (Figure 3). Des échantillons de plasma étaient disponibles au départ, à C3J1 et à progression chez 39 patientes (12 de phase IB et 27 de phase II), 35 patientes (11 de phase IB et 24 de phase II) et 21 patientes (7 de phase IB et 14 de phase II) respectivement. La progression correspondait au C3J1 chez 2 patientes. Les caractéristiques démographiques des 43 patientes pour lesquelles au moins un échantillon de plasma était disponible, étaient similaires à celles des 47 patientes incluses dans l'essai TAKTIC. Cette cohorte était constituée de femmes dont la moyenne d'âge était de 50,6 ans. La majorité était des carcinomes canalaires infiltrant (79%), récepteurs hormonaux (RH) positif (91%). Environ 50% avait 3 sites métastatiques et 91% avait une atteinte viscérale. Une hormonothérapie et une chimiothérapie dans un contexte métastatique avant inclusion ont été rapportées respectivement chez 28% et 25,6% des patientes. L'efficacité de la combinaison LY2780301-paclitaxel était similaire dans le sous-groupe de 43 patientes par rapport à l'ensemble de la population de l'essai TAKTIC (ORR : 64,28% [49,96%-78,6%] et une SSP médiane de 9 mois [7,49-14,75]). Une activation de la voie PI3K/AKT/S6 a été mise en évidence dans les échantillons de tissus de 19 patientes. Les gènes PIK3CA et AKT1 étaient mutés respectivement dans 12 et 5 cas. Une délétion homozygote de PTEN en immuno histochimie était rapportée dans 4 cas. Le gène de TP53 était muté chez 6 patientes dont 4 étaient associées à une mutation du gène de PIK3CA ou AKT1. (Tableau 1) Évaluation pronostique de l'ADNcf initial Un échantillon de plasma initial était disponible chez 39 patientes. Aucun échec d'extraction de l'ADNcf n'a été rapporté. La concentration moyenne d'ADNcf était de 36,2 ng/ml de plasma (médiane : 9,7 ng/ml de plasma [2,2- 579,6]). Nous n'avons pas mis en évidence de corrélation significative entre la concentration d'ADNcf à l'inclusion et la SSP, mais il existe une légère tendance, avec un risque relatif de 1,03 [0,995-1,064] p=0,0928, par augmentation de 10ng/ml de plasma. 7 Comparaison des résultats obtenu par technique de LC-WGS et ddPCR Une analyse par LC-WGS a été effectuée sur 30 des 43 patientes, soit 67 (26+24+17) points temporels différents. Parmi ces 30 patientes, nous avons pu réaliser des analyses par ddPCR chez 10 d'entre elles soit 22 (8+8+6) points temporels différents. (Figure 3) En cas de plusieurs mutations analysées en ddPCR chez une même patiente, la mutation avec la valeur initiale de VAF la plus élevée a été retenue. Les coefficients de corrélation calculés entre les résultats obtenus par LC-WGS et par ddPCR à C1J1, C3J1 et à la progression étaient respectivement de 0.5075 (p <.0001), de 0.003 (p <.0001) et de 0.7629 (p <.0001). Malgré une corrélation faible à C3J1 pouvant être expliquée par le faible nombre de cas où l'analyse par les technologies a pu être réalisée pour ce timepoint, pour la suite des analyses, nous nous sommes limités à corréler les résultats de l'ADNtc obtenu par LC-WGS et les critères d'évaluations cliniques. Évaluation de l'ADNtc obtenu par LC-WGS L'analyse d'au moins un échantillon de plasma par LC-WGS était disponible au moment de l'analyse pour 30 des 43 patientes. Les caractéristiques démographiques des patientes sont rapportées dans le tableau 1. Concernant l'analyse du tissu tumoral de ces patientes, une activation de la voie PI3K/AKT/S6 a été rapportée chez 12 d'entre elles (4 délétions de PTEN, et respectivement 4 et 6 mutations du gène AKT1 et PIK3CA). Le gène TP53 était muté dans 5 cas. Des co-mutations ont été retrouvées dans 3 cas. Aucun échec du séquençage n' a été rapporté. Un échantillon de plasma initial était présent chez 26 des 30 patientes ayant eu une analyse par LC-WGS. Aucun ADNtc n'a été détecté dans 8 (30,8%) des 26 échantillons plasmatiques initiaux. La fraction tumorale moyenne à C1J1 était de 20,7% (médiane : 18,8% [0-56,89]). Évaluation pronostique de l'ADNtc initial Parmi les 26 patients pour lesquels l'analyse de LC-WGS était disponible au départ, la SSP était significativement différente entre les patientes avec et sans ADNtc détectable initialement avec respectivement une médiane de 6,1 mois [5,5-10,2] vs non atteinte [9-NE] avec un Hazard Ratio (HR) de 4,55 [1,44-0,14,3] p=0,0050. (Figure 4) Pour la SSP, en analyse multivariée ajustée sur la présence de métastases viscérales et le statut RH positif, la présence d'ADNtc détectable initialement représentait un HR de 4,93 [1,55-15,63] p= 0,0068. DISC U SSION : Les inhibiteurs PI3K/AKT sont des médicaments prometteurs pour le traitement du CSM et sont apparus avec l'approbation récente de l'alpélisib. La nécessité de mise en évidence de ces altérations mono-nucléotiques, a entrainé le développement de techniques moins invasives comme l'étude par technique NGS de l'ADNtc plasmatique. L'étude de ce dernier pourrait permettre la mise en évidence d'altérations prédictives non seulement de l'efficacité du traitement, mais aussi d'améliorer le suivi du traitement en assurant une identification précoce des non-répondeurs. Dans cette étude ancillaire de l'essai TAKTIC de phase I/II, nous avons utilisé une technique par LC-WGS sur des échantillons plasmatiques prélevés de manière prospective pour confirmer que le taux d'ADNtc initial avait une valeur pronostique sur la SSP et que les variations précoces des taux ADNtc sous traitement étaient corrélées à la SSP. Dans notre étude, la cohorte ancillaire dénombrait 43 patientes. L'analyse d'au moins un échantillon de plasma par LC-WGS était disponible au moment de l'analyse pour 30 de ces patientes. Nous avons pu détecter de l'ADNtc dans 18 (81,8%) des 26 échantillons plasmatiques initiaux dont nous disposions. Parmi ces 18 patientes, 2 (9,1%) étaient porteuses d'une mutation du gène PIK3CA. Dans l'étude de Jacot et al, portant sur 39 patientes, 10 (27,8%) présentaient une mutation du gène PIK3CA détectable par ddPCR dans le plasma, avant initiation du traitement [24]. Dans le cancer du pancréas, une étude de phase II randomisée, cherchant à évaluer par NGS (panel de 22 gènes) le caractère pronostique et prédictif de l' tc plasmatique, rapporte une positivité des échantillons initiaux chez 77 des 113 patients testés (68%) [25]. Le LC-WGS est une technique de séquençage nouvellement explorée en oncologie médicale mais ayant fait preuve de concept depuis plusieurs années en gynéco-obstétrique [26]. Les principaux avantages du LC-WGS est qu'il est peu coûteux et souvent pleinement opérationnel dans les laboratoires moléculaires de routine. On peut s'attendre à un délai d'exécution de moins de 4 jours et à un prix total (c'est-à-dire incluant les coûts de traitement) d'environ 200 dollars [27]. Cette technique met en évidence des anomalies structurelles de l'ADN ce qui nous permet d'augmenter notre capacité d'identification des tumeurs ayant de nombreuses altérations du nombre de copies mais pas forcément une charge mutationnelle élevée. De plus cette technique reste fiable avec de faibles quantités de concentration d'ADN comme c'est le cas de l'ADNcf plasmatique, à la différence du NGS utilisant un panel élargi. Cette technique présente un large potentiel d'utilisation en oncologie médicale comme par 10 exemple lors de la phase diagnostique de la maladie (principalement pour les patients fragiles et/ou présentant des lésions difficiles à atteindre) [27], ou à visée pronostique, comme dans notre étude. Des études complémentaires utilisant le LC-WGS permettront d'évaluer le caractère prédictif de la réponse au traitement, de suivi sous traitement et du risque de rechute. Dans notre étude nous avons pu mettre en évidence le fait que la présence d'ADNtc détectable à l'initiation du traitement était un facteur pronostique négatif pour la SSP. Ce résultat va dans le sens de l'article de l'équipe de Jacot et al, dans lequel la concentration initiale d'ADNcf et la fréquence de mutation de PIK3CA plasmatique initiale se sont révélées être significativement associées à la SSP. Comme nous, ils ne rapportent aucune corrélation entre la détection d'ADNtc (mutation PIK3CA plasmatique) et la réponse tumorale, quel que soit le point temporel analysé [24]. La valeur pronostique négative de la présence d'ADNtc détectable avant initiation d'un traitement a aussi été décrite dans d'autres cancers [25]. Nous avons pu mettre en évidence une corrélation positive entre la diminution précoce des taux d'ADNtc plasmatique et la SSP. Cela est cohérent avec les résultats de l'étude BEECH où la négativité de l'ADNtc à un mois de traitement était associée de façon significative à la SSP. Dans la cohorte de validation, la médiane de SSP t de 11,1 mois chez les patientes dont d'ADNtc s'était négativé contre 6,4 mois chez les patientes dont l'ADNtc était élevé (HR=0,20, 95% CI 0,083-0,50, P<0,0001), avec des résultats similaires pour les deux groupes d'étude [28]. L'équipe de Jacot et al, rapporte que la persistance de la mutation PIK3CA plasmatique, après 1 mois d'hormonothérapie, semble fortement corrélée à une plus mauvaise SSP (SSP à 1 an : 40 % contre 76,7 % ; p = 0,0053) [24]. Des observations similaires ont été faites avec d'autres médicaments, comme les inhibiteurs CDK4/6, utilisés pour le traitement du CSM [29]. L'essai POSEIDON phase Ib, décrit plusieurs cas allant dans le sens de ces essais et de nos observations [30]. REFERENCES : [1] Siegel RL, Miller KD, Jemal A. Cancer statistics, 2019. CA Cancer J Clin 2019;69:7–34. doi:10.3322/caac.21551. [2] Miller KD, Nogueira L, Mariotto AB, Rowland JH, Yabroff KR, Alfano CM, et al. Cancer treatment and survivorship statistics, 2019. CA Cancer J Clin 2019. doi:10.3322/caac.21565. [3] Miller TW, Rexer BN, Garrett JT, Arteaga CL. Mutations in the phosphatidylinositol 3kinase pathway: role in tumor progression and therapeutic implications in breast cancer. 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TAKTIC: A prospective, multicenter, 13 uncontrolled, phase IB/II study of LY2780301 (LY) in combination with weekly paclitaxel (wP) in HER2-negative locally advanced (LA) or metastatic breast cancer (MBC) patients. JCO 37, 1091–1091. https://doi.org/10.1200/JCO.2019.37.15_suppl.1091 [11] Oliveira M, Saura C, Nuciforo P, Calvo I, Andersen J, Passos-Coelho JL, et al. https://doi.org/10.1093/annonc/mdz227 [17] Dawson S-J, Tsui DWY, Murtaza M, Biggs H, Rueda OM, Chin S-F, et al. Analysis of circulating tumor DNA to monitor metastatic breast cancer. N Engl J Med 2013;368:1199– 209. doi:10.1056/NEJMoa1213261. [18] Murtaza M, Dawson S-J, Tsui DWY, Gale D, Forshew T, Piskorz AM, et al. Noninvasive analysis of acquired resistance to cancer therapy by sequencing of plasma DNA. Nature 2013;497:108–12. doi:10.1038/nature12065. [19] Newman AM, Bratman SV, To J, Wynne JF, Eclov NCW, Modlin LA, et al. An ultrasensitive method for quantitating circulating tumor DNA with broad patient coverage. 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[24] Jacot W, Dalenc F, Lopez-Crapez E, Chaltiel L, Durigova A, Gros N, et al. PIK3CA mutations early persistence in cell-free tumor DNA as a negative prognostic factor in metastatic breast cancer patients treated with hormonal therapy. Breast Cancer Res Treat 2019. doi:10.1007/s10549-019-05349-y. [25] Bachet, J.-B., Blons, H. F., Hammel, P., El Hariry, I., Portales, F., Mineur, L., et al. Circulating tumor DNA is prognostic and potentially predictive of eryaspase efficacy in second-line in patients with advanced pancreatic adenocarcinoma. Clinical Cancer Research, clincanres.0950.2020. doi:10.1158/1078-0432.CCR-20-0950 [26] Zhang, H., Gao, Y., Jiang, F., Fu, M., Yuan, Y., Guo, Y., et al. Non-invasive prenatal testing for trisomies 21, 18 and 13: clinical experience from 146 958 pregnancies. Ultrasound in Obstetrics & Gynecology, 45(5), 530–538. doi:10.1002/uog.14792 15 [27] Raman, L., Van der Linden, M., Van der Eecken, K., Vermaelen, K., Demedts, I., Surmont, V., et al. 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Les points en bleu représentent les gouttelettes comprenant uniquement des fragments mutés, les gouttelettes vertes uniquement des fragments sauvages, les gouttelettes vertes à la fois les mutés et les sauvages, et les gouttelettes grises ne comprenaient pas la séquence d'ADN recherchée. Figure 2 : Exemple de profil d'altération du nombre de copie (CNA) (Patiente P1-01001). A : Profil CNA du tissu tumoral par technique de CHGarray. En rouge les gains et amplifications, en vert les pertes et délétions. On voit clairement une amplification d'un amplicon situé dans la région 10q22 et comprenant le gène KAT6B B : Profil CNA plasmatique par technique de séquençage du génome entier à faible couverture (LC-WGS). On retrouve l'amplification de KAT6B Légende : amp : Amplification du gène ; CGHarray : Hybridation génomique comparative en réseau. Figure 3 : Flowchart de l'étude. Légende : LC-WGS : séquençage du génome entier à faible couverture ; ddPCR : droplet digital PCR. Tableau 1 : Caractéristiques démographiques Nombre de patientes, N(%) Age médian (ans, intervalle) Histologie, N(%) • Adénocarcinome canalaire infiltrant • Autres • Données manquantes Statut récepteur hormonal (RH), N(%): • Négatif • Positif Stade de la maladie à l'inclusion, N(%): • Localement avancée • Métastatique Sites métastatiques, N(%): • Viscéral • Non viscéral Nombre de sites métastatiques, N(%): • 1 • 2 • ≥3 Traitement de la maladie à un stade métastatique avant inclusion, N(%): • Chimiothérapie • Hormonothérapie Nombre de ligne de Chimiothérapie à un stade métastatique avant inclusion, N(%): • Première ligne.
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Les médecins ont préféré nous renvoyer le questionnaire dans 7 cas, les autres dossiers ont donc été complétés par téléphone. Nous avions cependant pu recueillir leurs commentaires libres par téléphone dans certains cas. Malgré notre vigilance, seulement 11 enveloppes (36,6 %) contenant notre questionnaire ont été remises aux patients à l'intention de leur médecin traitant. Cela a été oublié pour 19 patients (63,3 %). Sur les 11 patients qui ont reçu l'enveloppe, 9 (81,8 %) l'ont effectivement remise au médecin et 2 (18,2 %) ne l'ont pas fait. Nous avons été amenés à faxer 23 fois notre questionnaire et sa lettre d'accompagnement, soit parce que le médecin les avait égarés, soit parce que le patient ne les lui avait pas remis ou ne les avait pas reçus à l'hôpital ; parfois un même médecin a nécessité l'envoi de 2 fax. 2. Nombre de médecins contactés Dans les 30 dossiers sélectionnés nous n'avons jamais contacté deux fois de suite le même médecin pour deux patients différents, nous avons donc les opinions de 26 médecins différents. 3. Nombre de communications téléphoniques effectuées Nous avons utilisé 77 fois le téléphone afin de pouvoir recueillir les données nécessaires. Cela nous donne donc une moyenne de 2,6 communications par médecin. Au mieux nous n'avons eu que 2 conversations avec un médecin, au pire ce fut 8. Nous avions prévu au minimum deux communications par médecin, une pour attirer son attention sur notre questionnaire et éventuellement le lui faxer, et l'autre pour recueillir les données lors d'un rendez-vous téléphonique préalablement fixé. La durée moyenne des communications était de 6 minutes 40 secondes, avec des extrêmes de 5 à 20 mn. 4. Fiche de renseignements a) Age des patients L'âge moyen des patients est 59,3 ans, avec des extrêmes de 35 et 80 ans. - 40- b) Motif d'hospitalisation Les motifs d'hospitalisations sont très variés. Ils ont été recueillis dans les lettres des médecins ou dans les observations cliniques. Nous les avons classés dans le tableau ci-dessous. Il est à noter que plusieurs motifs sont parfois rencontrés pour le même patient. Quantité Radiothérapie, chimiothérapie 10 Symptomatologie respiratoire (dont OAP, Embolie Pulmonaire, Dyspnée) 6 4 4 Adaptation du traitement antalgique 4 Bilan d'évaluation après traitement 3 Syndrome douloureux abdominal 2 c) Tumeurs rencontrées Les cancers rencontrés sont très variés, avec cependant, une plus forte représentation des cancers ORL, du sein, bronchiques et de la prostate. Nous avons eu, là aussi, parfois plusieurs néoplasmes pour le même patient. Nous présentons les résultats dans le tableau ci-dessous. - 41 - TUMEUR QUANTITE ORL 6 Bronches 6 Sein 5 Prostate 3 Sarcomes 3 Ovaires, utérus 3 Thyroïde 2 Estomac 1 Pancréas 1 Mélanome 1 Carcinome sans primitif connu 1 d) Classification TNM Nous avons trouvé la classification (cf. p135) dans 15 dossiers (50 %). Il nous a été impossible de la retrouver dans 15 dossiers (50 %). La classification qui nous intéressait devait correspondre au début de la prise en charge par le CAV. e) Traitements Les traitements spécifiques (chimiothérapie et radiothérapie) étaient ceux que nous rencontrions en début d'hospitalisation. Nous ne comptabilisions pas les traitements antérieurs ou futurs des patients, mais bien ceux rencontrés en cours d'hospitalisation. Les chimiothérapies ont donc concerné 12 patients (40 %) et les radiothérapies 7 patients (23,3 %). Certains patients n' ent donc concernés ni par l'une ni par l'autre. Nous avons classé les traitements non spécifiques par famille médicamenteuse. Ces traitements sont ceux qui ont été retrouvés dans les courriers de sortie ou dans les dossiers de soins. Nous ne citons que les plus fréquemment rencontrés - 42- Classe médicamenteuse Nombre de fois où cette classe a été rencontrée Neuroleptiques, antidépresseurs, hypnotiques, anxiolytiques 22 Anti-ulcéreux 19 Antalgiques morphiniques 16 Antalgiques non morphiniques 9 Laxatifs 12 Corticoïdes 10 Nous avons également trouvé des anti-infectieux, des antiémétiques, des antivitamine K, des héparines de bas poids moléculaire, des antiarythmiques, des antihypertenseurs, f) Phase thérapeutique Les notions concernant la phase thérapeutique (cf. p136) dans laquelle était le patient au moment de son inclusion dans notre étude ont été trouvées dans les observations ou les courriers. La phase curative ne concernait que 8 patients sur les 30 (26,7 %). La phase palliative était représentée par 22 patients (73,3 %). La rémission était estimée possible chez seulement 8 patients (26,7 %). Le contrôle des symptômes était possible chez 24 patients (80 %). On considérait que 22 patients (73,~ %) étaient au stade terminal de la maladie. - 43- g) Localisations métastatiques Nous avons hiérarchisé les localisations métastatiques présentées par les patients dans le tableau suivant: LOCALISATIONS METASTATIQUES Nombre de fois où cette localisation a été rencontrée Pleuro-pulmonaire 15 Osseuse 14 Lymphatique 12 Hépatique 3 Péritonéale 1 Rénale 1 h) Situation générale du patient Nous avons noté la classification OMS sur les dossiers. Nous l'avons trouvée dans 20 dossiers (66,7 %). Elle n'a pas été retrouvée pour l'hospitalisation qui nous intéressait dans 10 cas (33,3 %). Nous avions 1 patient OMS 0, 3 patients OMS 1, 6 patients OMS 2 et 10 classés OMS 3. Cette classification est celle que nous avons notée dans les observations en début d'hospitalisation. Nous avons également noté et classé les principaux symptômes présentés par les patients. SYMPTOME Nombre de fois où ce symptôme a été rencontré Asthénie 14 Anorexie 9 Douleurs 8 Dyspnée 8 D'autres symptômes tels des parésies, des vomissements ont été rencontrés moins de 4 fois et ne sont donc pas cités . - 44- i) Nombre d'interventions dans les 6 mois précédents La majeure partie (19 patients soit 63,3 %) des patients n'a pas subi d'intervention chirurgicale dans les six mois précédant l'inclusion dans notre travail, 8 (26,6 %) en ont subi une et 3 en ont eu à deux reprises. j) Matériel et personnel nécessaires Nous donnons ici les relevés des matériels dont nous avons trouvé trace dans le dossier médical des patients. Ces matériels ou personnels de soins étaient parfois notés dans le courrier de sortie, ou sur le dossier infirmier. Nous n'avons pas trouvé ces éléments à chaque fois, ce qui explique une différence entre les chiffres que nous donnons ci-après, et les ffres que nous avons relevés en interrogeant les médecins sur le matériel qu'ils ont trouvé en arrivant chez leurs patients. Personnel ou matériel prévu quantité Infirmière 4 Kinésithérapie 2 Voie veineuse centrale, port a cath® 7 Oxygène 6 Lit médicalisé 5 Pompe à morphine 5 Aérosols 4 Matériel d'aspiration 4 2 Poches de néphrostomie 1 k) Données administratives Les données ci-dessous ont été recueillies par la consultation des dossiers informatisés du Centre Alexis Vautrin. Elles ne concernent que la période comprise entre le début de la prise en charge de la maladie par le Centre, et l'inclusion dans notre étude: - • Durée écoulée depuis le début de la prise en charge de la maladie La durée moyenne est de 34,3 mois, avec un écart de 1 mois à 186 mois (15,5 ans). • Nombre d' hospital isations Les patients sur lesquels nous avons travaillé ont été hospitalisés 8,8 fois en moyenne, une fois pour deux d'entre eux et 38 fois pour un autre. • Nombre de journées d'hospitalisation Ces patients ont été hospitalisés durant 73,7 jours en moyenne, avec 22 journées d'hospitalisation et 140 jours pour les extrêmes. • Nombre de consultations Ils ont consulté en moyenne 8,2 fois au Centre, avec des nombres allant de 1 à 36 fois. • Nombre de journées d'hospitalisation de jour Ils ont bénéficié de 3,6 hospitalisations de jour en moyenne, certains n'en ayant eu aucune, d'autres y étant allé 19 fois. Nous avons calculé que ces patients ont, en moyenne, passé 6,82 % de leur temps au CAV, depuis le début de leur prise en charge au centre. 5. Questionnaire a) Possibilité d'expression du patient Sur les 26 patients sélectionnés, 25 pouvaient s'exprimer (96 %). Le seul qui ne le pouvait pas était en fin de vie et a été admis à l'hôpital local de Pompey. b) Souhaits exprimés Nous demandions au médecin quel souhait son patient lui avait exprimé quant à son devenir. Nous avons relevé le retour à domicile dans 24 cas sur 25 (96 %). Un patient préférait être admis en unité de soins de longue durée et a été dirigé sur Pompey. *46 - c) Contacts entre médecin hospitalier et médecin généraliste Il Y a eu un appel du médecin traitant par le praticien hospitalier dans 9 cas sur 26 (34,6 %). 17 médecins sur 26 (65,4 %) nous ont dit ne pas avoir été contactés par téléphone avant la sortie de leur patient. 24 médecins ont reçu un courrier (92,3 %) contre 2 (7,7 %) qui n'en ont pas eu. Ce courrier était jugé satisfaisant quant à son contenu, par 23 médecins (96 %), contre 1 qui n'en était pas satisfait. Le délai de réception était jugé satisfaisant par 20 médecins (83 %) et trop long par les 4 autres (17 %). La date de réception du courrier avait été relevée par 10 médecins (38,5 %), ce qui nous a donné des délais inférieurs à 7 jours pour 8 médecins sur les 10, et de 10 jours pour les deux restants. Cette précision n'a pas été notée par les 14 autres médecins (58 %) mais, dans ce cas, le délai a été estimé à moins d'une semaine par tous. Le médecin a reçu un courrier rapide manuscrit dans seulement 5 cas. Il n'a rien eu pour les 21 autres patients. Il est à noter, cependant, que nous n'avons pas relevé le nombre de courriers rapides remis aux patients. d) Appréciation de l'état de santé du patient A la question « l'état de santé de votre patient vous semble-t-il stabilisé à sa sortie? », nous précisions que notre désir était de savoir si le médecin jugeait raisonnable la sortie à domicile. Ils ont été 21 (80,8 %) à répondre « oui» à cette question. Ont répondu par la négative: - ceux (2) qui ont repris à domicile des patients en fin de vie. - ceux (2) qui ont admis les deux patients en fin de vie à l'hôpital local de Pompey. - et celui dont le patient est sorti contre l'avis de tous les médecins. Cela explique les 4 réponses estimant qu'il était nécessaire de poursuivre une hospitalisation en service de médecine aiguë (2) ou en soins de suite et de réadaptation (2). Les autres réponses étaient négatives. - 47- L'état de santé des patients était jugé compatible avec un retour à domicile pour 22 médecins (84,6 %), incompatible pour les 4 autres (14,4 %). Là encore on retrouve 2 transferts sur Pompey et la sortie contre avis médical. Nous avons donc un état jugé « compatible avec une admission en unité de soins de longue durée» pour 4 patients. e) Appréciation des aides nécessaires Nous avons relevé les aides citées par les médecins à la question «A-t-il été prévu les différentes aides qui étaient nécessaires au maintien à domicile du patient? ». Elles sont relevées dans le tableau suivant: Personnel ou matériel Infirmière 10 Kinésithérapie 5 Oxygène 4 Lit médicalisé 10 Pompe à morphine 4 Aérosols 3 Matériel d'aspiration 3 0 Poches de néphrostomie 0 Ces aides ont été considérées comme justifiées par la totalité des médecins, trois ont cependant été amenés à en prescrire d'autres : • Un a prescrit un humidificateur, de l'oxygène et a mis en place une nutrition parentérale. • Un autre a prescrit un matériel d'aspiration et des soins de kinésithérapie. • Le dernier a prescrit de la kinésithérapie respiratoire. 48 * La famille et le milieu L'entourage est présent chez 24 patients (92,3 %) sur les 26. Le logement était adaptable ou adéquat chez tous les patients. L'environnement social était jugé favorable pour 22 patients (84,6 %), défavorable pour les 4 autres (15 %). Les ressources étaient, a priori, suffisantes par rapport aux aides nécessaires par 24 médecins. Un médecin pensait qu'elles étaient insuffisantes, et celui qui a répondu « ne sait pas» a pris en charge la patiente à sa sortie d'hospitalisation, sans l'avoir suivie auparavant. La mise en place d'une protection juridique ne se justifiait chez aucun patient de notre enquête. Aucun médecin ne nous a dit avoir eu le sentiment qu'une telle mesure était indiquée. A chaque fois, les patients étaient conscients et capables de continuer à gérer leurs biens, ou avait un entourage suffisant pour ne pas avoir à mettre en place des mesures de protection juridique. A la question globale « au total les conditions socle-familiales vous semblentelles compatibles avec un retour à domicile? », un seul médecin a répondu par la négative. Il s'agit du patient sorti contre l'avis des médecin Enfin, les souhaits des familles étaient le retour à domicile pour 20 d'entre elles (77 %), 4 s'y sont opposées (deux transferts sur Pompey, deux fins de vie à domicile dans lesquelles la famille était opposée mais a respecté le souhait du patient). 2 médecins ont répondu « ne sait pas» car les patients étaient sans famille proche. g) La coordination des soins La question était « La coordination entre vous et les différents intervenants hospitaliers vous a-t-elle semblé satisfaisante pour garantir de bonnes conditions de retour à domicile de votre patient? ». Cette dernière interrogation était suivie des commentaires libres que nous détaillerons plus loin. Nous avons reçu 18 réponses positives (69,2 %) et 8 réponses négatives (30,7 %). - 49- C. DISCUSSION 1) Difficultés rencontrées a) Sélection des patients Il nous a été nécessaire de rencontrer de nombreuses fois les internes des services, afin de leur rappeler de ne pas oublier de repérer les patients susceptibles d'être inclus dans notre étude. La charge de travail est telle, que des oublis, sans aucun doute ont eu lieu. Une rencontre à chacun de nos passages destinés à recueillir les informations dans les dossiers, a certainement permis de limiter les "échappements". Certains patients ont été inclus dans l'étude sans que l'enveloppe destinée à leur médecin leur ait été remise. Cela a compliqué notre tâche et nous a demandé d'utiliser d'autres voies afin de faire parvenir ledit questionnaire et sa lettre explicative au médecin concerné. Nous avons donc téléphoné, écrit et utilisé abondamment le fax avec ces médecins. Certes cette façon de procéder constitue un inconvénient majeur quant à la méthodologie. Cependant, nous pouvons également penser que les résultats de notre enquête ont encore plus de valeur. Nous pouvons, en effet, difficilement penser que des médecins qui ont oublié de remettre notre questionnaire aux patients, se soient appliqués à optimiser la sortie des malades. A notre avis, les réponses apportées par les médecins mettent en évidence un reflet exact de la situation. Les pathologies souvent lourdes et évolutives rendaient les hospitalisations et consultations de ces patients très nombreuses. Ainsi, alors que nous souhaitions analyser différents éléments concernant une hospitalisation donnée, nous avons été confrontés à des hospitalisations intercurrentes, ayant souvent lieu avant que nous ayons eu le temps de contacter le médecin. Cette constatation rend encore plus indispensables, à notre avis, les courriers effectués dès la sortie du patient b) Recueil des données dans le dossier médical De nombreuses données que nous avions mentionnées dans notre fiche de renseignements n'ont pu être collectées. En effet tous les dossiers ne sont pas remplis de manière aussi complète qu'ils pourraient l'être, ce qui rend certains items de notre fiche inutilisables, car trop peu souvent renseignés (classification OMS par exemple). c) Remplissage du questionnaire avec le médecin traitant De nombreux médecins étaient souvent en pleine consultation lorsque nous les avons contactés une première fois, afin de solliciter un rendez-vous téléphonique pour remplir le questionnaire. Nous avons donc été amenés à contacter plusieurs fois le médecin avant de pouvoir enfin recueillir ses avis. Parfois des médecins ont préféré nous renvoyer le questionnaire plutôt que de le remplir par téléphone. 2) Biais ~ Le nombre de médecins interrogés (26) est trop faible pour prétendre extrapoler les résultats obtenus à une échelle plus grande. ~ Le nombre de contacts qu'il a été nécessaire d'effectuer (2,6 en moyenne) montre, là aussi, une disponibilité différente des médecins. Et on peut penser que la qualité des réponses fournies peut varier d'un praticien à un autre. La durée moyenne de la conversation téléphonique (6mn 40s) reflète bien cette disponibilité variable selon nos interlocuteurs. Le temps minimum pour remplir ce questionnaire et expliquer le but de la thèse était de 5 minutes. Certains médecins plus particulièrement intéressés par le sujet et par la possibilité qui leur était donnée de fournir leur opinion, ont prolongé la conversation plus de 20 minutes. - 51 - ; La période choisie pour mener notre enquête, de mai à septembre 2000, englobait les vacances d'été. On peut se demander si cette période, du fait peut-être d'une moindre disponibilité en ville des médecins, infirmières et surtout des familles, n'a pas empêché le retour à domicile de certains patients. Cela nous a peut-être privés de plusieurs dossiers. ; La relance constante des internes et médecins des services a entraîné une inclusion des patients «en rattrapage », ce qui a bouleversé la méthodologie que nous avions prévue d'utiliser au départ (remise du questionnaire au patient afin qu'il le donne à son médecin traitant). ; Les réponses ayant parfois été obtenues par courrier, on peut se demander si les commentaires libres n'ont pas été dans certains cas plus succincts qu'ils ne l'auraient été lors d'un entretien. - III. ANALYSE DES RESULTATS ET DISCUSSION A. REMARQUES PRELIMINAIRES Nous nous intéresserons rapidement ici à quelques données que nous avons recueillies et qui auraient pu faire l'objet d'un traitement statistique avec recherche de corrélations valables, à condition d'avoir un plus grand nombre de patients. Nous ne les exploiterons pas plus dans cette étude. 1. Nombre de médecins consultés Nous avons interrogé 26 médecins. Jamais au cours de notre travail nous n'avons eu à contacter deux fois de suite le même médecin. C'est intéressant car cela montre qu'à chaque fois, ils étaient « naïfs» par rapport à notre questionnaire et à notre enquête. Les opinions exprimées en commentaire libre sont donc d'autant plus précieuses qu'elles sont citées plusieurs fois. L'intérêt de ce travail était, nous l'avons dit, le côté humain de cette enquête. Ce point a été atteint car les commentaires libres ont souvent donné lieu à une discussion constructive. Le point de départ était certes le cas présenté, mais débordait rapidement sur les relations que les médecins entretiennent avec le Centre Alexis Vautrin en général. 2. Age des patients L'âge moyen des patients est de 59,3 ans, avec 35 ans pour le patient le plus jeune et 80 ans pour le plus âgé. On peut légitimement estimer que les besoins de ces malades seront très différents, pour un degré de dépendance parfois identique. (Une jeune femme atteinte par un cancer du sein aura besoin d'une travailleuse familiale pour s'occuper de ses enfants, ce qui ne sera pas le cas du patient de 80 ans). On peut donc inviter à une grande prudence le législateur qui, parfois, met en place des aides en fixant une limite d'âge empêchant l'accès à certains patients qui pourraient en bénéficier [39]. Ce point a été soulevé pour la prestation spécifique dépendance, et des propositions pour adapter cette prestation à la dépendance, sans - 54- tenir compte de critères d'âge ou financiers figurent dans les textes des Conférences Nationales de Santé 1999 [36]. 3. Nombre de dossiers Nous n'avons recueilli que 26 dossiers exploitables en 5 mois. Nous pensions en début de travail que nous réussirions sans problème à en sélectionner plus du double. Lors de nos rencontres avec les différents médecins du Centre nous avons, plusieurs reprises, écouté les difficultés qu'ils rencontraient accepter le retour à à organiser ou à faire à domicile de leurs malades. Tantôt le personnel libéral faisait défaut, ou refusait une prise en charge trop lourde et trop mal rémunérée, tantôt les familles ou les médecins s'opposaient à cette sortie. En consultant la liste des services d'Hospitalisation à Domicile (HAD) (sur le site de la Fédération Nationale des Etablissements d'Hospitalisation à Dornlclle'), nous nous sommes aperçus que notre région n'en comptait que deux: Flavigny sur Moselle (Meurthe et Moselle, rattaché à un centre de rééducation fonctionnelle) et Gérardmer (Vosges). La seule fois où le service d'HAD a été cité dans notre enquête concernait un patient habitant Gérardmer. Y aurait-il eu plus de sortie à domicile dans ce cadre? Aurions-nous pu inclure plus de patients si la couverture du territoire en services d'HAD avait été plus dense? Nous pouvons nous poser la question. Ce, d'autant plus que nous constatons que des sociétés de services, privées, gérées par un infirmier salarié, s'occupent en liaison avec le personnel hospitalier de la coordination des soins, de la location et de la livraison du matériel nécessaire. Ce travail pourrait tout à fait rentrer dans le cadre d'un service d'HAD. On peut également se demander pourquoi les services d'HAD sont si peu développés sur la région alors que des études montrent les économies que l'assurance maladie réalise dans ce cadre [71,72,73]. Sans parler du confort et de la satisfaction que les patients en retirent. Le but de ce travail était de mettre en évidence les difficultés que peut rencontrer le médecin généraliste dans la gestion d'un retour à domicile à la suite d'une hospitalisation. Ces 26 dossiers nous donnent l'occasion de le faire puisque tous concernent une sortie d'hospitalisation avec gestion des suites par le médecin généraliste. Sur ces 26, il Y en avait 24, soit 92,3 %, qui concernaient un retour 1 www.fnehad.asso.fr - 55 - à domicile proprement dit, et seulement 2 (7,7 0/0) un transfert vers l'hôpital local de Pompey (Meurthe et Moselle) avec gestion par un médecin généraliste. 4. Procédure de remise du questionnaire Notre enveloppe cachetée, contenant une lettre explicative et un questionnaire, devait être remise au patient à sa sortie. Elle ne l'a été que dans 36,6 % des cas. Nous pensions pourtant que toutes les précautions avaient été prises pour éviter un oubli. Nous passions régulièrement dans les services. Mme COURTIOL, infirmière particulièrement impliquée dans notre travail, était sur place toute la semaine, et rappelait régulièrement à ses collègues et aux médecins l'existence de notre enquête. Tous les intervenants (internes, surveillantes et secrétaires) avaient été avisés par courrier personnel. Les panières contenant nos enveloppes étaient disposées à proximité des dossiers, dans les salles de soins. Sur les enveloppes était inscrit : « Monsieur le Médecin Traitant », ce qui interdisait toute confusion avec d'autres documents. Enfin une affiche format A4 rappelant notre travail était punaisée dans les bureaux et salles de soins. Malgré toutes ces précautions et la faible charge de travail demandée, il y a eu oubli dans 63 % des cas. Comment faudrait-il procéder pour réaliser une enquête similaire à plus grande échelle? Nous pouvons nous poser la question. Il était ici demandé de coller l'étiquette du patient (là encore dans un souci de rapidité et de simplification) et de donner un document au patient. Cela est encore trop par rapport à la charge de travail présente dans les services, et au nombre de documents remis au patient à sa sortie. Cette procédure aurait peut-être été possible si elle avait été systématique, mais cela aurait eu pour conséquence de ne pas sélectionner les patients et d'inclure des malades sans intérêt pour notre travail, ce que nous ne souhaitions pas Mais le caractère systématique est certainement la seu manière d'avoir une meilleure adhésion à une étude semblable. Peut-on attendre une utilisation importante de la fiche d'évaluation, corollaire de la Charte du Pôle Européen de Santé, permettant d'optimiser la sortie? Il faudra être persuasif pour démontrer son utilité, et ainsi favoriser son adoption par tous les personnels. 5. Motifs d'hospitalisation Les motifs d'hospitalisation sont variés mais concernent le traitement du cancer proprement dit pour 17 hospitalisations (56,6 %): 10 pour radiothérapie ou chimiothérapie, 4 pour adaptation du traitement antalgique, et 3 pour bilan d'évaluation après traitement. Il aurait, peut-être, été intéressant d'établir des corrélations entre les motifs d'entrée et certains résultats du questionnaire, mais il aurait été nécessaire d'inclure un nombre bien plus grand de patients. 6. Tumeurs rencontrées Les tumeurs les plus souvent rencontrées chez ces 30 patients, et à fréquence quasiment égale sont: - les cancers broncho-pulmonaires : 6 patients (20%) - les cancers du sein: 5 patients (16,6 %) - les cancers ORL : 5 patients (16,6 %) Sur une plus grande échelle, il aurait certainement été intéressant de dégager des corrélations entre des néoplasmes et certains items de notre questionnaire. 7. Classification TNM Elle ne nous sera d'aucune utilité dans ce travail. En revanche, le fait qu'elle ne soit pas systématiquement notée dans la moitié des dossiers, alors qu'un emplacement lui est réservée, pourrait constituer un sérieux handicap pour une recherche qui s'y intéresserait. Cette classification peut constituer un moyen simple - 57- de classer les patients. Ce résultat est lié au délai de cotation par le service des archives. 8. Médicaments utilisés Nous ne détaillerons pas davantage les fréquences avec lesquelles ont été rencontrés certains médicaments. Cela ne peut pas nous être d'une grande utilité dans notre étude. On constate cependant que les antalgiques sont présents 25 fois soit chez environ 83,3 % des patients, avec une plus forte représentation des morphiniques 16 fois sur 30 dossiers (53,3 %). On retrouve 22 fois des médicaments anxiolytiques, hypnotiques et antidépresseurs, soit 73,3 % des patients. Rappelons que les chimiothérapies ont été retrouvées en cours d'hospitalisation pour 40 % des patients, contre 23 % pour les radiothérapies. Seuls nous intéressaient les traitements en cours, durant l'hospitalisation. 9. Phase thérapeutique Cette partie de la fiche de renseignements est certainement la plus intéressante, car c'est sur ce point que l'on aurait pu espérer faire un grand nombre de corrélations avec les difficultés rencontrées par le médecin généraliste à domicile. Dans notre travail nous avions retrouvé 26,7 % des patients en phase curative, 73,3 % étant en phase palliative. Le contrôle des symptômes était estimé possible dans 80 % des cas. Enfin le stade était terminal pour 73,3 % des patients. 10. Localisations métastatiques Il aurait peut-être été instructif d'exploiter ces données mais cela n'a pas été possible ici, en regard une fois de plus au faible nombre de dossiers. 11. Classification OMS 1 La classification OMS est présente dans la majorité des dossiers (66,7 %). Elle est rapide à utiliser, connue des médecins et internes du Centre, et permet une 1 cf. p 134 - 58- classification des patients. Elle a été relevée dans les dossiers et correspond à l'entrée des patients. Les symptômes les plus fréquemment rencontrés ont été décrit dans un tableau récapitulatif cité ci-dessus. Toute ces données pourraient être utilisées pour un travail à plus grande échelle. 12. Personnel ou matériel prévu Il s'agissait avec ces données, de faire une comparaison entre le matériel nécessaire au patient et celui qui avait été réellement prévu à la sortie d'hospitalisation par le personnel hospitalier. Nous nous sommes rendus compte qu'il ne nous était pas possible de retrouver dans les dossiers, de manière précise, le matériel nécessaire aux patients. On peut également se demander, sur quels critères on peut se baser pour décider de la nécessité de tel soin, ou de tel matériel. D'autre part, nous retrouvions parfois dans le courrier de sortie la trace de prescriptions de matériels ou de soins dont nous n'avions pas eu connaissance auparavant. La différence retrouvée dans le tableau ci-dessous s'explique en mettant en relation les personnels, soins ou matériels notés dans le dossier du patient, et ce que le médecin nous a dit avoir trouvé au domicile. Il est également des cas où le médecin ne nous a pas parlé de certaines aides ou matériels en place alors que nous savions ce qui avait été fait depuis le service. Ceci montre que le médecin n'est certainement pas toujours au courant des documents annexes remis au patient (documents sur une pompe à morphine par exemple). Dans notre travail, le médecin a été amené à prescrire d'autres aides dans 3 cas: à deux reprises des séances de kinésithérapie, une fois un système d'aspiration, une fois de l'oxygène, un humidificateur et une nutrition parentérale. - 59 - Pour progresser dans la réflexion concernant la différence d'appréciation que peuvent avoir les médecins quant à l'état de santé des patients, il faudrait analyser à quelle distance de la sortie ces ajouts ont été faits. Il faut, en effet, tenir compte d'une possible dégradation de l' de santé de ces patients. Personnel ou matériel Nombre de fois où cela était prévu dans le dossier Nombre de, reponses Infirmière 4 10 Kinésithérapie 2 5 Oxygène 6 4 Lit médicalisé 5 10 Pompe à morphine 5 4 Aérosols 4 3 Matériel d'aspiration 4 3 2 0 Poches de néphrostomie 1 0 Une comparaison entre ce qui est nécessaire au patient, ce qui a été prévu par l'hôpital et ce qui est jugé utile ou inutile par le médecin traitant et enfin ce que ce dernier a été amené à ajouter, pourrait faire l'objet d'un travail de recherche intéressant. B. DISCUSSION PROPREMENT DITE 1. La communication La communication est le fait d'établir une relation avec autrui, de transmettre quelque chose à quelqu'un [68]. «La communication des informations médicales entre praticiens ayant à prendre en charge des patients communs est un facteur majeur influençant une bonne continuité des soins. En ce sens la communication entre les praticiens est un indicateur important de la qualité des soins. » [19,43,49] - 60- Nous nous intéresserons à la communication médecins-patients, puis à la communication entre professionnels. a) La communication mé decins - patients Ce point est très important car il conditionne l'acceptation ou non de la démarche de soins, et peut donc, dans le travail qui nous intéresse, conditionner l'acceptation ou le refus d'un retour à domicile. La communication entre les médecins et les patients est abordée dans les deux premières questions de notre questionnaire au médecin (cf.pl18) : quand le médecin est interrogé sur la possibilité qu'a son patient à s'exprimer, et dans l'affirmative, quand le patient exprime son souhait sur le lieu de sa prise en charge. Le questionnaire étant rempli par téléphone la plupart du temps, cette question, était en fait destinée à savoir ce que le patient avait pu dire à son médecin traitant. Dans tous les questionnaires que nous avons remplis, sauf un, le patient pouvait s'exprimer, et à chaque fois son souhait était de retourner à domicile. Cette volonté a été respectée à chaque retour à domicile que nous avons étudié. Un retour s'est même réalisé en allant contre la volonté des médecins. En effet, le retour à domicile était voulu par le patient, et, dans les faits, a été possible durant trois jours, alors que ni les médecins du CAV, ni le médecin traitant ne trouvaient raisonnable cette sortie d'hospitalisation. Nous abordions également la communication médecin-patient dans les dernières questions lorsque nous parlions des souhaits de la famille tels qu'ils avaient été entendus par le médecin traitant. Il apparaît que dans 77 % des cas le retour à domicile a été voulu par la famille, dans 4 cas une hospitalisation était souhaitée, et dans les deux derniers cas, il n'y avait pas de famille proche. Dans les 4 cas où l'hospitalisation était souhaitée, elle a été réalisée dans 3 cas. Le dernier cas concerne un patient qui avait tenu à mourir à domicile; la famille s'est pliée à cette volonté d'après les dires du médecin. Tout en tenant compte du faible échantillonnage de notre travail, nous pouvons penser que le respect des souhaits du patient est présent dans cette relation avec le - 61 - médecin. Car, même dans un cas où manifestement l'état du patient était critique et où le retour à domicile s'annonçait d'emblée comme difficile, celui-ci s'est tout de même réalisé. Une enquête téléphonique [78] réalisée par la SOFRES, à la demande de l'Ordre National des Médecins les 9 et 10 juin 2000, auprès de 1000 personnes, montrait que lorsqu'ils pensent à la médecine libérale les patients sont pour 27 % «très satisfaits» et pour 50 % « plutôt satisfaits» de l'écoute et de l'attention portée, soit un total de 77 %. Quand ils pensent à la médecine telle qu'elle se pratique à l'hôpital 18 % des patients sont « très satisfaits» et 44 % « plutôt satisfaits », soit un total de 62 %. b) Les échanges téléphoniques entre médecins Ce point est abordé quand nous demandons au médecin traitant s'il a été contacté par téléphone par le médecin hospitalier ou l'équipe soignante. La littérature est fournie en ce domaine: Dans l'enquête de M. LAXENAIRE [54], en 1973, menée auprès de 529 médecins généralistes lorrains, seulement 27 % d'entre eux étaient quelquefois contactés par téléphone par le médecin hospitalier, au cours de l'hospitalisation au CHU d'un de leurs patients, 70 % n'étant « jamais» contactés. En 1992 H.TRIBAUDOT [81] a interrogé 127 médecins généralistes travaillant autour de l'hôpital Lariboisière. II en est ressorti que 47 % des médecins n'étaient jamais avertis de l'évolution en cours 'hospitalisation, et quand ils l'étaient, l'initiative en revenait à l'hôpital dans 19,7 % des cas. En 1996, C.PENOT [67] réalise une enquête portant sur 250 hospitalisations. Les médecins ont été contactés par le service hospitalier dans 24 % des cas. Il n'y a eu aucun contact téléphonique ou écrit dans 66 % des hospitalisations. - 62- L'enquête de l'Observatoire Régional de la Santé des Pays de la Loire [64] réalisée en 1999, montre que 80 % des médecins ne sont «jamais» ou « seulement parfois» prévenus de la sortie de leurs patients. Le téléphone est le moyen de communication le plus utilisé par les centres hospitaliers pour avertir rapidement les généralistes de la sortie ou du décès d'un de leurs patients. Parmi les médecins ayant déclaré être prévenus immédiatement par le centre hospitalier (<< toujours», « souvent» ou « parfois »), plus de 80 % le sont par téléphone. Un travail en Australie met en évidence des résultats semblables. En 1994, à Melbourne [50], sur 350 généralistes 87 % estiment ne pas être avertis du décès ou des événements importants qui interviennent durant une hospitalisation. 75 0/0 déclarent ne jamais être avertis de la sortie d'hospitalisation. Si nous effectuons la moyenne des pourcentages de médecins qui déclarent n'être jamais avertis de la sortie de leurs patients, nous obtenons, dans les travaux les plus récents cités précédemment [50,64,67], un pourcentage de 73 %. Cela signifie qu'en moyenne pour 3 patients sur 4, le médecin traitant n'est pas averti de la sortie de son patient. Dans notre travail, il n'y a eu aucun contact téléphonique dans 65,4 % des cas. Tout en émettant les réserves d'usage concernant le faible échantillonnage de notre travail, ces résultats sont meilleurs que ceux retrouvés dans les articles cités. Ceci peut s'expliquer en partie par l'état de santé souvent précaire des patients repartant à domicile, ou par le fait qu'une évolutivité très rapide de la maladie, nécessite que le médecin traitant soit averti rapidement de la prise en charge qu'il va devoir assumer. Il est frappant de constater le peu dé contact téléphonique qui existe entre l'hôpital et la ville alors que les médecins généralistes en sont très demandeurs. De nombreux travaux vont dans ce sens [48,50,54,65,67,81]. Le fait de ne pas être prévenu de la sortie d'un malade est un reproche que nous avons retrouvé dans notre travail cité seulement à deux reprises en commentaires libres. Mais 6 médecins nous ont spontanément dit que c'était souvent eux qui initiaient le contact téléphonique avec le CAV. Le même nombre a jugé insatisfaisante la coordination avec le CAV car il leur incombait de téléphoner au service. - 63 - Nous n'avons pas relevé le nombre de cas où c'est le médecin traitant qui a initié le contact, cherchant directement les renseignements nécessaires à la prise en charge du patient. L'étude de C. PENOT [67] trouvait que 42 % des médecins téléphonaient eux-mêmes au praticien hospitalier; pour H. TRIBAUDOT [81] c'était 67 % ; un sondage de la SOFRES trouvait 75 % [46]. De part et d'autre, il existe des réticences et des excuses à utiliser le téléphone pour échanger les informations médicales concernant le patient. L'incompatibilité des emplois du temps des uns et des autres est souvent avancée [64,65], de même que la difficulté à joindre le praticien hospitalier [46,64,65,81]. Cette dernière remarque n'a été retrouvée que 4 fois dans les commentaires libres. Dans notre enquête, la difficulté à joindre les médecins du CAV, relevée par 4 médecins, est contrebalancée par 4 commentaires fortement positifs. Deux de nos interlocuteurs nous ont dit ne jamais avoir eu aucun problème pour joindre un correspondant au CAV, et deux autres nous ont dit apprécier le fait que les médecins du centre les recontactent systématiquement lorsqu'ils leur laissent un message. Cela était particulièrement apprécié car cela n'est pas le cas dans tous les hôpitaux. Les échanges téléphoniques entre le médecin hospitalier et son homologue de ville sont certainement à développer, car ils permettent une meilleure compréhension du patient dans toutes ses dimensions (dimensions qui ne sont pas évidentes pour l'hospitalier), et une meilleure évaluation des possibilités de retour à domicile, des capacités du malade et de son entourage à retrouver un environnement habituel. c) Les courriers de sortie d'hospitalisation.:. Les médecins reçoivent-ils toujours un courrier de sortie? Une enquête auprès de 529 médecins généralistes lorrains en 1973 par M.LAXENAIRE [54] montrait que les deux tiers des médecins reçoivent un avis les informant des résultats de l'hospitalisation (65 % dont 54 % au CHU et 74 % en périphérie). D'autres travaux plus récents [58,64,65,67,81] montrent des résultats plus flatteurs pour l'hôpital, avec des médecins déclarant toujours recevoir un courrier dans 80 % des cas en moyenne, allant même à 94 % parfois [58]. - 64- 92,3 % des médecins de notre étude ont reçu un courrier de sortie, 2 (7,7 %) nous ont répondu par la négative (pour un patient, il n'y a effectivement pas eu de courrier dicté). Cela a amené l'un d'entre eux à nous en parler en commentaire libre, et un autre à nous faire remarquer que notre enquête avait attiré son attention sur le patient et qu'il avait téléphoné à la famille pour prendre des nouvelles, faute de courrier récent retrouvé dans ses dossiers. Les résultats que nous avons obtenus sont intéressants car ils montrent, sur notre petit échantillon, que la très grande majorité (92 %) des médecins traitants reçoit un courrier de sortie du CAV. •:. Le délai de réception Le délai de réception du compte rendu d'hospitalisation mécontente toujours les médecins. Il est estimé trop long par la majorité d'entre eux, dans tous les travaux que nous avons étudiés [19,22,27,43,46,49,54,58,59,64,65,67,81] avec un pourcentage d'insatisfaction qui va de 58 % [65] à 80 % [64,81]. Ce délai est, en effet, considéré comme pénalisant dans la prise en charge du patient [19,43,46,65,67]. Ce retard a cependant nettement diminué au fil des ans, car, là où M.LAXENAIRE [54] trouvait un retard de 15 jours à trois semaines pour 92 % des patients, des comparaisons sur plusieurs années [58] effectuées en 1986 à Lyon confirmaient la tendance à un raccourcissement des délais. Des travaux plus récents [19,43,59,65] montrent des délais inférieurs à une semaine pour 54 [65] à 67 % [59] des patients. Ce délai est parfois même inférieur à trois jours dans 80 % des cas de l'enquête sur les centres hospitaliers de Vendée de 1999 [64]. Dans notre travail, 92,3 % des médecins contactés ont reçu un courrier de sortie. Le délai n'excédait pas 8 jours pour les 8 médecins sur 10 qui avaient noté la date de réception et pour ceux qui, ne l'ayant pas fait, nous ont donné le délai approximatif dont ils se souvenaient. En effet, malgré la demande faite sur notre questionnaire pour noter la date de réception, cette démarche a été rarement réalisée (10 médecins sur 26), ce qui tend à nous faire penser que cette demande est incompatible avec la pratique quotidienne. Cependant, ce délai ne semblait pas satisfaisant par rapport à leur exercice pour 6 d'entre eux qui l'ont jugé trop long et nous en ont parlé à la fin de notre entretien praticiens nous ont fait cette remarque en commentaires libres alors que - 65 - 4 seulement nous avaient dit précédemment ne pas être satisfaits). Il y a, en effet, souvent une demande de visite de la part du malade alors que le courrier n'est pas parvenu au médecin. Les patients imaginent souvent que leur médecin est averti immédiatement de leur sortie, des examens réalisés et du diagnostic ainsi que des traitements de sortie. Il faudrait donc qu'un courrier rapide systématique soit réalisé (2 demandes) ou, au moins, qu'il y ait un appel téléphonique auparavant (une remarque). Afin d'avoir une idée précise de l'état des lieux, nous avons relevé pour chacun de nos 30 patients la date de sortie d'hospitalisation et la date à laquelle le courrier de sortie a été saisi sur informatique par les secrétaires. Nous avons obtenu un délai moyen de 5 jours. A ce délai, s'ajoute celui de la signature par l'interne concerné, puis par le senior, la mise sous enveloppe et le dépôt chez le vaguemestre. Il faut, en plus, considérer le délai d'acheminement par La Poste. Nous pouvons donc considérer qu'il faut au minimum 7 jours pour que le courrier parvienne sur le bureau du destinataire. Les délais les plus courts sont ceux pour lesquels le courrier a été tapé le jour même de la sortie du patient. Cela s'est produit dans 4 dossiers: 3 concernaient un transfert vers l'hôpital de Pompey, 1 une sortie à domicile pour un patient en fin de vie. Cela montre donc qu'il est possible pour certains patients d'accélérer la réalisation du courrier, de telle sorte que le médecin l'ait le jour même. Les délais les plus longs dans notre étude (13 et 19 jours) concernent des avis de décès. Pour l'un des deux patients concernés, le médecin traitant nous a dit ne pas avoir été contacté par téléphone par l'équipe hospitalière; le deuxième n'a pu nous apporter plus de précision. Certes, d'un point de vue médical et hospitalier, lorsque le patient est décédé, il n'y a plus de véritable « urgence» à communiquer avec le médecin traitant. Mais l'opinion du médecin généraliste est à l'opposé dans tous les travaux que nous avons consultés [54,64,65]. En effet, le médecin exprime le souhait d'être immédiatement prévenu par téléphone du décès de son patient dans 88 % des cas [65], or il déclare ne jamais l'être dans 80 % des cas [64]. Les différences de point de vue entre le médecin généraliste et le médecin hospitalier sont, une fois de plus, mises en évidence. Ce dernier pensant que c'est la famille qui va avertir le médecin traitant du décès. Ce ne doit pas toujours être le cas, car de - 66* nombreux médecins se plaignent de ne pas apprendre le décès par l'hôpital. Il en résulte, pour eux, des problèmes relationnels avec la famille. Le décret du 07 mars 1974 (cf. p124) précise que lors de la sortie du malade, avec l'accord de celui-ci, et au médecin désigné par le patient ou sa famille, un courrier doit être envoyé dans les huit jours maximum donnant toutes les informations concernant l'hospitalisation, les examens réalisés, les traitements effectués et l'éventuelle thérapeutique à poursuivre. Ce texte abrogé par le décret du 30 mars 1992 (cf. P 125) qui reprend les mêmes obligations de délai et de communication ( article R.710-2-6) semble enfin appliqué, 26 ans après sa parution! Cela montre, après étude de la littérature - et réserve faite du faible échantillon de notre enquête - des progrès accomplis afin que l'information sur l'hospitalisation du malade soit transmise rapidement à son médecin. Cependant même si ces délais sont très courts, les médecins traitants souhaitent une communication plus rapide. Un retard de quelques jours se comprend mais un retard de plusieurs semaines s'explique mal aux yeux du médecin et du malade. •:. Le contenu des courriers Le contenu des courriers est jugé « satisfaisant» par la majorité des médecins qui répondent aux enquêtes [19,43,49,54,58,64,81], avec des pourcentages de satisfaction allant de 50 % [49] à 96 % [58]. Dans notre travail, nous avons obtenu des chiffres équivalents puisque le pourcentage de satisfaction quant au contenu atteint 96 %. Tous les médecins contactés, sauf un, se sont déclarés satisfaits du contenu de ce courrier : le médecin en question n'ayant pas trouvé les éléments attendus concernant le traitement du patient, s'est déclaré insatisfait par la lettre de sortie. De nombreuses études [19,22,26,43,65,80,81] ont été réalisées sur les éléments attendus par le médecin généraliste dans les comptes-rendus d'hospitalisation qu'il reçoit. Ces études dégagent les points jugés indispensables par les médecins. Et même si la grande majorité se déclare satisfaite par le contenu, on - 67- retrouve souvent [19,43,59,67,81] l'idée selon laquelle il conviendrait d'optimiser le contenu et les moyens de transmission de ces courriers. •:. La transmission de documents par le patient Nous nous sommes interrogés lors de l'élaboration de ce travail sur la transmission de courriers de sortie ou de documents au médecin traitant, par le biais du malade lui-même. La manière la plus rapide de faire parvenir des documents au médecin traitant n'est-elle pas en effet, de donner directement ces courriers au patient lui-même? Le patient peut cependant prendre connaissance du contenu du courrier, ce qui peut, dans certains cas, lui porter préjudice. Même si en l'état actuel des textes, tout courrier fait partie du dossier médical et doit être accessible au patient [60], on considère qu'il faut le faire par le biais d'un médecin afin de donner les informations appropriées au patient, en fonction de ses demandes et de son état psychologique. Mais cette question pourrait faire l'objet d'un autre débat. Cette inquiétude se retrouve dans le travail d'E. ORFILA [65], en 1991, qui montrait que les deux tiers des médecins ne souhaitaient pas qu'un compte rendu d'hospitalisation soit remis au patient, de peur que celui-ci ne le lise. En revanche, ils sont 77 % à souhaiter qu'un courrier rapide complète ce compte rendu et soit remis au patient; ce courrier rapide ne contenant que le diagnostic et le traitement. Dans le travail d'H.TRIBAUDOT [81] effectué en 1994 auprès de 127 médecins généralistes autour de l'hôpital Lariboisière, 94,5 % des médecins souhaitaient qu'une lettre succincte de sortie soit remise au patient. Cette suggestion est venue à deux reprises en commentaires libres dans notre enquête.
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NIVEAUX DE SPINS ELEVES OB US PAR α, ) Suède Résumé : Par réactions (a, 2ny) sur des cibles de Tm et Lu on excite les niveaux de et ''/'/Ta. Les différentes bandes de rotation sont identifiées. Abstract : By means of (<y, 2ny) reactions on Tm and Lu targets the levels of V/7Ta are excited. Assignments have been made for the rotational bands. La détermination des niveaux de rotation 171 177 A de Lu et de Ta a été entreprise en même temps à Grenoble et à Stockholm par étude, au moyen de détecteurs solidesGe ( Li), des rayonnements y 171 171 Lu Lu and 171 177 et 14,6 keV pour " Lu et " T a. L'état 5/2 + [402] se rencontre à 295,8 keV et est excité jusqu'à 13/2 à 840 keV 171 dans Lu tandis qu'il est excité jusqu'à 19/2 consécutifs à la réaction ( He, 2n) avec des a de à 1295 keV dans le cas de 28 MeV. Les distributions angulaires particule individuelle 5/2 + se trouve à 70,7 keV. à 90°, 110°, 125" et 150° par rapport au faisceau ont été mesurées par l'équipe de Stockholm. Les coïncidences Y - Y ont été observées par l'équipe de Grenoble. Les résultats obtenus par ces deux techniques permettent d'identifier sans ambiguité les spins et 171 177 les énergies des niveaux de Lu et Ta. Les figures 1 et 2 présentent respectivement les schémas de niveaux de 171Lu et 177Ta. Dans ces deux noyaux l'état fondamental est l'état Ta où l'état de Les valeurs du paramètre d'inertie sont très voi171 177 sines : 14,6 keV pour Lu et 14,7 keV pour Ta. Dans ce deux noyaux on trouve l'état 1/2 - [541]. A 71,1 keV on rencontre le niveau I = 1/2, K = 1/2 dans Lu tandis qu'on constate que pour 177Ta le niveau le plus bas est le niveau I = 5/2, K = 1/2, à 186,1 keV. Les deux bandes de rotation sont excitées jusqu'aux états de spin 25/2 (à 1417 keV dans 171 Lu et à 1450 keV dans 7/2 + T404] : la bande de rotation est excitée jusqu'à 1341 keV de spin 21/2 dans Lu et jusqu'à 1146,4 keV de spin 19/2 dans Ta ce qui permet de déterminer les valeurs de h /2!J * 13,6keV Fig. 1 : Niveaux de 171 Lu Fig. 2 i Nxveaux de Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphyscol:1970246 177 Ta 2B 1 7 ~ a ) Seuls. l e s niveaux ayant u n spin égal à un nombre pair + 1/2 sont e x c i t e s dans les deux cas. e s t e x c i t é e jusqutau niveau 25/2 d'énergie 1870 keV. Le niveau 19/2 ( A 1044 k e ~ )e s t f o r t e - Les paramètres de découplage ont respectivement ment alimenté par une t r a n s i t i o n de 311 keV pro- pour valeurs 4,2 e t 5,9 pour l7' LU e t 1 7 7 ~ a. venant d'un niveau isomérique à 3 quasi-particule Quant aux paramètres d'i n e r t i e, à 1355 keV qu'on peut i n t e r p r e t e r comme r é s u l t a n t i l s ont pour va- l e u r s respectives 15 keV e t 12 keV. s o i t de l a configuration n:5/2 L'état de p a r t i c u l e individuelle 112 + 14113 ne s e rencontre que dans I7'La a une énergie de 208 keV. La bande de r o t a t i o n e s t excit é e jusqu'au 11/2 à une énergie de 611 keV e t peut ê t r e 13/2 A 894 keV. I l n'a pas é t é possible - [5123 ; n:7/2 - [514) s o i t de l a configuration ; p:9/2 - r5141 - p:5/2 + [ 4 2 ] ; p:7/2 + [ 4 4 1 ; p:9/2 1514). qui conduisant l'une comme l'a u t r e au spin 21/2 -. De t e l s é t a t s avaient déjà é t é m i s en évidence dans 1 7 7 ~ eu t 1 7 7 ~ f. de l a mettre en evidance dans 1 7 7 ~ a. Ces r é s u l t a t s donneront l i e u A des publications Par contre, nous n'avons pas observé de niveaux de r o t a t i o n bases s u r l'é t a t 9/2 - [514] s i t u é à 469,5 keV dans l 7'~ u, tandis que c e t é t a t e s t l'é t a t l e plus alimenté dans 1 7 7 ~ a.Cette bande (dont l'é t a t intrinsèque e s t trouvé à 73,6 keV plus complètes..
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Au niveau radiologique les péri-implantites, de même que les parodontites, se caractérisent par des pertes osseuses verticales ou horizontales [34]. Il est cependant assez rare d'observer une perte osseuse horizontale telle qu'on en rencontre dans les cas de parodontite simple. L'image caractéristique de la péri-implantite est plus généralement celle d'une perte osseuse en forme de cratère, plus ou moins importante (fig.22). Figure 22- Perte osseuse péri-imp/antaire en [orme de cratère, d'après Khayat [34}. 58 Comme nous l'avons précisé dans le paragraphe consacré à la profondeur de poche, on considère pathologique toute perte osseuse visible supérieure au 1 mm acceptable la première année suivànt la mise en place de l'implant [6], ainsi que toute radioclarté péri-implantaire continue [10]. En effet, si l'on se réfère encore une fois aux critères d'Albrektsson et coll., 1986, caractérisant le succès implantaire, la radiographie ne doit montrer aucune zone radioclaire autour de l'implant, mais au contraire une condensation osseuse augmentant avec le temps (Strid, 1985). Il s'agit selon eux du seul critère objectif de la réussite de la thérapeutique implantaire et tout espace radioclair, témoignant de la présence de tissu fibreux, doit être considéré comme un signe d'échec. Et ceci, même si aucun autre signe d'échec n'est détecté à l'examen clinique, car ce type d'interface est totalement imprévisible dans son évolution [6]. Toutefois Zarb et coll., 1989, admettent qu'il faut tolérer un certain pourcentage de zones radioclaires, l' ostéointégration étant considérée par Branemark comme un succès dès lors qu'il existe un contact direct os-implant sur 90 % de la surface de la fixture [6]. x: le long-cône. Lorsque l'on souhaite interpréter des clichés radiographiques, il faut tenir compte d'une part de l'agrandissement de l'image, et d'autre part de la déformation qui est directement corrélée à l'angulation du tube de rayons X par rapport au film. C'est pourquoi la technique de choix pour l'évaluation correcte des résultats est celle réduisant au maximum cette déformation, préconisée pour tout bilan radiologique parodontal. Il s'agit en l'occurrence de la technique dite long-cône, rigoureuse, standardisée, et permettant la prise de radiographies rétro-alvéolaires à l'aide d'un porte-film et d'un localisateur pour le tube radiogène. Ce tube est de fait strictement perpendiculaire au film, qui est lui-même parallèle à l'implant ou à la dent. De plus, l'évaluation correcte de radiographies successives ne peut se faire que si elles sont superposables. Zarb et coll., 1989, préconisent donc l'utilisation de porte-films, idéalement personnalisés pour chaque secteur de chaque patient, grâce à un système de repositionnement réalisé en résine, et garantissant la reproductibilité des conditions de prise des clichés [6] (fig.23). 59 Figure 23- Porte-film personnalisé, indispensable à la reproductibilité des clichés, d'après Bert [6]. L'analyse de radiographies successives et reproductibles est sans nul doute un excellent moyen pour détecter la présence d'une pathologie péri-implantaire. Pourtant, il convient une fois encore d'émettre des réserves quant à son pourcentage de fiabilité, pour différentes raisons, que nous allons développer. Premièrement, nous devons souligner que, si la présence d'un espace radioclair traduit irrémédiablement l'échec, son absence ne garantit en aucun cas l'ostéointégration correcte de l'implant [6]. Deuxièmement, de même qu'en parodontologie, la radiographie donne toujours une image sous-évaluée de la lésion. Ne représentant l'implant ou la dent que dans deux dimensions de l'espace et non dans trois, elle ne peut montrer que leurs faces mésiales et distales. Les faces vestibulaires et linguales échappent donc à tout contrôle, et une perte osseuse peut de ce fait passer inaperçue [6, 34]. Troisièmement, les modifications de morphologie osseuse ne sont radiologiquement visibles que lorsqu'elles atteignent une forme et une taille significatives, ce qui constitue évidemment une entrave à la détection précoce de pathologies (Lang et Hill, 1977). Nous rencontrons donc deux types d'erreurs d'interprétation; d'un côté les faux négatifs qui sont les péri-implantites précoces non diagnostiquées et, de l'autre côté, les faux positifs, en faible proportion, qui sont les implants jugés défaillants alors qu'ils ne présentent pas de pathologie [36]. 60 Tous ces aléas sont évidemment valables pour les deux types d'imagerie, argentique et numérique, mais il convient en particulier de se méfier des radiographies numérisées qui peuvent donner l'illusion d'une perte osseuse alors qu'il ne s'agit que 'un artéfact créé par la technique de numérisation [14]. Conclusion: La radiologie conventionnelle, incluant les techniques d'imagerie argentique et numérique, est la plus souvent exploitée car facile à mettre en oeuvre et à interpréter, une lésion péri-implantaire se manifestant généralement par la formation d'un cratère osseux et l'apparition d'une radioclarté autour de l'implant. La péri-implantite diffère en cela de la parodontite, caractérisée par une perte osseuse angulaire et/ou horizontale. La technique de choix pour ce type d'examen est la technique dite long-cône, autorisant une déformation minimale et utilisant des porte-films personnalisés, indispensables pour la comparaison des clichés successifs. Malheureusement, on obtient souvent une image sousévaluée de la lésion, et lorsque celle-ci est détectable radiologiquement, elle est souvent déjà très volumineuse. Ces radiographies ne peuvent donc pas être utilisées pour la détection précoce de pathologies péri-implantaires ou parodontales. - Images densitométriques. Urs Bragger, 1998, décrit une technique d'imagerie nommée CADIA (computerassisted densitometric image analysis). Cette analyse d'images densitométriques assistée par ordinateur est un outil de diagnostic mettant en évidence les processus de remodelage osseux. Le CADIA permettrait donc de détecter aussi bien une perte de densité osseuse en cas de pathologie que, au contraire, une augmentation de densité post-thérapeutique [10]. Comme le montre la figure 24, un code de couleur permet d'objectiver la localisation, l'importance, et le type de remodelage se produisant autour de l'implant. Le vert représente ici les sites sans modification de la densité osseuse, le rouge les sites de résorption, et le bleu les sites de minéralisation. Il s'agit d'une technologie très sensible, capable de détecter les changements minimes de niveau et de densité de l'os alvéolaire [36]. Notons que ce type d'imagerie pourrait tout autant être exploité dans les cas de pathologies parodontales. Ce type d'analyse se révèle intéressant de part les différentes applications qu'on peut lui attribuer. Il a en effet tout d'abord un rôle d'aide au pronostic, en situant avec précision les sites où l'os est peu dense, et par conséquent où le risque de développer une péri-implantite est accru. Ce risque sera d'autant plus important si la phase de résorption précoce n'est pas 61 suivie par une phase stable ou appositionnelle, ce qui peut également être objectivé par le CADIA. Il a ensuite un rôle d'aide au diagnostic, en relevant très précocement les sites de résorption osseuse, ce qui permet la mise en oeuvre d'un traitement dès le début de la pathologie, et potentialise les chances de succès thérapeutique [10]. Enfin, il a un rôle dans le contrôle post-thérapeutique en objectivant par exemple un remodelage eux après une greffe, ou tout simplement après un traitement étiologique (fig.24). Figure 24- Analyse d'images densitométriques assistée par ordinateur; les gains de densité osseuse figurant en bleu et les pertes osseuses en rouge, d'après Bragger [11]. Conclusion: l'analyse d'images densitométriques assistée par ordinateur, mettant en évidence les phénomènes de remodelage osseux, semble beaucoup plus performante que l'imagerie conventiOlmelle, dans la mesure où elle a un champ d'application beaucoup plus large. Ses performances les plus appréciables sont son rôle d'aide au pronostic et sa précocité dans la détection des sites d'apposition ou de résorption osseuse. Particulièrement intéressante en ce qui nous concerne en parodontologie et en implantologie, elle pourrait également être utile dans d'autres disciplines odontologiques telles que l'endodontie ou encore l'orthopédie dento-faciale. 62 CONCLUSION SUR LE DIAGNOSTIC RADIOLOGIQUE: L'examen radiologique, quelle que soit la technique d'imagerie utilisée, conventionnelle ou densitométrique avec assistance informatique, est particulièrement intéressant de par les renseignements qu'il peut fournir. Il doit néanmoins être interprété avec précaution et demeure un examen complémentaire qui ne sera mis en oeuvre que si les signes cliniques le rendent nécessaire. De plus, il convient de relativiser son intérêt puisque, selon Bragger, 1998, la probabilité de prédire l'instabilité d'une fixture à partir d'un examen radiologique semble être faible dans la population et dépend de la prévalence des fixtures montrant une instabilité clinique, qui est en général un faible pourcentage {l 0]. De manière générale, Lindhe et coll., 1992, ont constaté que les signes cliniques et radiographiques de la destruction tissulaire étaient significativement plus prononcés autour des implants, ce qui correspond aux conclusions de la première partie de notre exposé. oeuvre de tout plan de traitement, il est indispensable de connaître le diagnostic étiologique de la péri-implantite. Or, ce dernier ne peut s'établir avec certitude que sur une analyse bactériologique. 231 - Rappels sur l'étiologie bactérienne des parodontites et des péri-implantites L'analyse microbiologique réalisée en 13 nous a permis de démontrer que la flore des sites implantaires infectés diffère significativement de celle des sites implantés avec succès. La première, dominée par des bactéries anaérobies Gram négatifs et des spirochètes est beaucoup plus complexe que la seconde, qui est dominée par des Gram positifs. Nous avons d'autre part mis en évidence des similitudes entre la flore pathogène périimplantaire et celle des lésions parodontales avancées de l'adulte. On retrouve en effet dans les deux situations Pg, Pi ou encore Aa. Cependant, d'autres micro-organismes non associés à la parodontite sont retrouvés dans les zones péri-implantaires atteintes par la pathologie, tels que des staphylocoques, des entériques ou encore des levures. Mais nous retiendrons essentiellement que les deux flores pathogènes parodontale et péri-implantaire se composent surtout de cocci anaérobies Gram positifs et Gram négatifs, de bâtonnets Gram négatifs anaérobies actifs et mobiles, et de petits spirochètes [2,14]. Conclusion: les bactéries impliquées dans les processus pathogènes parodontaux peuvent donc être identifiées autour des implants, et leur présence témoigne indiscutablement du développement d'une pathologie infectieuse péri-implantaire. 232 - Méthodes d'analyse Nous disposons actuellement de diverses méthodes pour réaliser les analyses de la flore bactérienne parodontale et péri-implantaire, que nous allons développer successivement. Culture bactériologique anaérobie conventionnelle Cette technique, qui est la plus traditionnelle et la plus couramment utilisée, consiste à effectuer des prélèvements de flore sous-gingivale. Ceux-ci sont précédés par le nettoyage des implants à l'aide de compresses et de sérum physiologique stérile. Puis le site est isolé de la salive par des rouleaux de coton, et les prélèvements effectués à l'aide de pointes de papier absorbantes stériles, mises en place dans le sillon gingival 10 à 15 secondes en fonction des expérimentations. Cette technique de prélèvement est particulièrement appréciée en raison de son efficacité dans la collecte des bactéries anaérobies. Les échantillons sont ensuite traités par le laboratoire; dispersés, dilués, puis placés en milieu de culture non sélectif Après incubation pendant 9 jours dans des conditions d'anaérobiose sur une milieu gélosé non sélectif, le nombre total de bactéries viables en anaérobiose est déterminé par comptage d'UFC (unités formant des colonies). Les différents organismes sont identifiés à partir d'une série de critères morphologiques, biochimiques et enzymatiques, après incubation en milieux de culture sélectifs. 2322 - Analyse au microscope optique à contraste de phase Cette technique est décrite par Joachim et coll., 1997, à l'occasion de la présentation d'un cas clinique [31]. Les prélèvements bactériens sont effectués au moyen de pointes de papier absorbantes stériles, au niveau de différents sites (dans le cas présent, les auteurs ont choisi les faces distales des dents nO 16, 26, 31, 46). Ces prélèvements sont ensuite analysés au microscope optique à contraste de phase. Dans ce cas clinique, on peut observer une flore constituée essentiellement de spirochètes et de vibrions, non compatible avec la santé parodontale. Cette technique, simple et rapide à mettre en oeuvre, peut tout à fait être appliquée pour étudier la flore péri-implantaire et établir un diagnostic rapide et fiable, directement au cabinet dentaire. 2323 - Etude des marqueurs de transmission. Hybridation ADN-ARN Cette méthode consiste à préparer, au laboratoire, des sondes ADN dirigées contre Pg, Pi, W.recta, Aa, puis à effectuer une analyse par Southem blot avec hybridation ADN-ARN. Les échantillons, après traitement, sont donc placés sur un gel d'agarose et mis en contact 65 avec les sondes ADN radioactives. Après rinçage, les autoradiographies réalisées mettent en évidence les hybridations éventuelles. Les électrophorèses successives permettent donc de repérer la présence de bactéries pathogènes; Pg, Pi, W.recta et Aa dans l'exemple développé. D'après Sixou et Lodter, l'analyse des résultats concernant la cinétique du nombre de bactéries de la flore sous-gingivale dans des situations d'échec et de succès implantaire, permettrait d'envisager, s'ils sont confIrmés sur une population plus importante, la mise au point d'un test prédictif des péri-implantites. test serait peu coûteux, rapide par rapport aux techniques de culture bactériologique anaérobie conventionnelle, et réalisable au cabinet dentaire par le praticien sans l'aide d'un laboratoire de bactériologie extérieur. 2324 - Analyse du fluide créviculaire Nous l'avons évoqué en 14, l'analyse du fluide créviculaire et plus précisément des activités de certaines enzymes, peut être un bon indicateur de la présence de pathologie parodontale ou péri-implantaire. En effet, phosphatase alcaline, élastase neutrophile et myelopéroxydase, dont les activités augmentent en présence de pathologie, sont de bons marqueurs de l'inflammation et de la perte osseuse, ainsi que PGE2, Ill- béta, ou encore PDGF. Il paraît donc judicieux d'avoir recours à des prélèvements de fluide créviculaire pour déterminer l'activité de ces différents marqueurs. Dans l'étude présentée par Plagnat et coll., 2000, à Genève, l'activité de phosphatase alcaline est mesurée en utilisant comme substrat p-nitrophényl-phosphate, celle de l'élastase au moyen d'un substrat fluorogénique de bas poids moléculaire, et l'inhibiteur d'alpha 2macroglobuline par ELISA. Conclusion: A l'heure actuelle, malgré la diversité des techniques d'analyse microbiologique, la tendance générale des praticiens est de réaliser des prélèvements bactériens et de les adresser à des laboratoires pour culture bactériologique anaérobie conventionnelle. Il s'agit pourtant d'une technique comportant un certain nombre d'inconvénients, notamment en ce qui concerne le transport et la durée de l'incubation. C'est pourquoi, afm de palier à ces aléas, il serait intéressant soit d'analyser directement les prélèvements au microscope optique à contraste de phase, soit de développer des tests prédictifs, simples et rapides à mettre en oeuvre au cabinet dentaire. L'analyse microbiologique permet d'établir de manière objective la présence d'une pathologie parodontale ou péri- aire. Elle présente de nombreux intérêts, aussi bien en tant qu'aide au pronostic qu'en tant qu'aide au diagnostic. 2331 - Prélèvements avant implantation chez le sujet partiellement édenté Nous avons vu précédemment que la flore bactérienne du sujet partiellement édenté diflère significativement de celle du sujet totalement édenté. Les dents résiduelles peuvent en effet jouer le rôle de réservoir de bactéries et contaminer les tissus péri-implantaires. C'est pourquoi toute chirurgie implantaire doit être précédée par un assainissement parodontal de qualité, la flore présente avant implantation déterminant la composition de la microflore autour de l'implant [8]. Donc, même si des études longitudinales prospectives sont nécessaires pour évaluer l'incidence de la flore sur les tissus péri-implantaires, il serait intéressant de procéder à des prélèvements bactériens pour réaliser des tests diagnostics microbiologiques. Ces derniers représentent un moyen de contrôler, avant implantation, les infections vraies parodontales, les infections commensales et opportunistes chez le sujet édenté partiel ou, le cas échéant, l'absence de pathogénicité de la flore. Dans cette situation, la valeur des tests réalisés est essentiellement prédictive et préventive. 2332 - Rôle de diagnostic différentiel entre péri-implantite et surcharge occlusale Au cours de notre analyse, nous avons volontairement écarté les échecs implantaires dûs à des surcharges occlusales. Toutefois, fàce à un échec, il convient toujours de procéder à un diagnostic différentiel entre une étiologie infectieuse correspondant à une péri-implantite, et une étiologie traumatique. Ce diagnostic différentiel peut être aisément posé à l'aide de l'examen bactériologique qui, en cas de problèmes occlusaux, montre une flore essentiellement aérobie Gram positive et peu mobile au microscope à contraste de phase [31]. Rôle complémentaire des diagnostics cliniques et radiologiques Nous avons pu constater, en 21 et 22, que les signes cliniques et radiographiques de la péri-implantite ne sont pas toujours complètement fiables. Il convient donc de multiplier au maximum les différents outils de diagnostic dont nous disposons et de les confronter afin d'affiner le plus précisément possible le diagnostic final. Luterbacher et coll., 2000, soulignent les limites du saignement au sondage en tant que valeur prédictive de la progression de la maladie et évoquent avec intérêt les autres sources de diagnostic que sont les échantillons microbiens ou de fluide des tissus parodontaux ou périimplantaires, notamment les taux élevés de certains médiateurs et la nature de la microflore en situation inflammatoire (Jepsen et coll., 1996, Ruhling et coll., 1999). Ils ont par ailleurs mené une étude ayant pour objectif d'évaluer un test clinique et microbiologique pour mesurer les conditions des tissus durant le traitement parodontal de maintien. Les résultats ont indiqué que l'inclusion d'un test supplémentaire augmente significativement les caractéristiques diagnostiques du saignement au sondage seul, tant au niveau des dents qu'au niveau des implants. Nous retiendrons de cette étude, d'une part le rôle des analyses microbiologiques pour affiner le diagnostic et, d'autre part, la possibilité d'appliquer ces tests au cours d'un traitement de maintien pour contrôler la stabilité parodontale ou implantaire. 2334 - Rôle d'aide dans le choix thérapeutique Enfin, le diagnostic microbiologique pourrait, selon Leonhardt et coll., 1999, être un guide dans le choix d'un traitement antimicrobien et antibiotique plus spécifique chez les patients présentant une parodontite ou une péri-implantite [2]. Nous verrons en effet dans le chapitre suivant que le traitement prescrit dépend directement de la composition de la flore bactérienne sous- [31]. Conclusion: le recours à une analyse biologique est souvent nécessaire et présente de nombreux intérêts, notamment pour déterminer chez l'édenté partiel si la pathologie parodontale est maîtrisée avant implantation, pour effectuer un diagnostic différentiel entre échec implantaire d'origine infectieuse ou traumatique, pour affiner le diagnostic clinique et radiologique, pour le contrôle de la stabilité implantaire ou parodontale, ou encore pour guider le choix thérapeutique. 68 CONCLUSION SUR LE DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE Nous connaissons actuellement les bactéries en cause dans le développement de pathologies parodontales et péri-implantaires, ainsi que certains marqueurs de l'inflammation présents dans le fluide créviculaire. Or, nous disposons également de différentes méthodes fiables pour déterminer les espèces bactériennes et les différents médiateurs présents dans les échantillons bactériens ou de fluide sulculaire. Il semble donc intéressant d'inclure dans la démarche diagnostique d'une parodontite ou d'une péri-implantite une analyse microbiologique, et de confronter les résultats obtenus à nos connaissances actuelles. Cet outil de diagnostic, remarquable par son objectivité, trouve de nombreuses applications, avant et après implantation, et est indiscutablement complémentaire des diagnostics cliniques et radiologiques habituellement réalisés. CONCLUSION En implantologie comme dans toute autre discipline odontologique, la première étape d'une démarche diagnostique est l'examen clinique du patient. C'est pourquoi nous avons développé, dans un premier temps, les signes cliniques habituels de la parodontite et de la péri-implantite ; mobilité: si toute mobilité de la fixture traduit indiscutablement l'échec, l'absence de mobilité ne garantit pas systématiquement le succès implantaire. Ce signe clinique doit donc, comme en parodontologie, être confronté à d'autres symptômes indice gingival: l'inflammation gingivale, ainsi que la profondeur du sillon gingivo-implantaire, n'ont pas été démontrés comme étant des facteurs de succès ou d'échec implantaire saignement au sondage: couramment utilisé, son absence reflète la stabilité des tissus parodontaux ou péri-implantaires, alors que sa présence peut signifier une pathologie, à condition que la pression exercée sur la sonde reste modérée profondeur de poche et perte d'attache: ces signes pathognomoniques de la parodontite n'ont pas une valeur diagnostique aussi bien définie en implantologie, du fait de la faible résistance de la muqueuse péri-implantaire. Cet examen clinique n'étant pas suffisant pour poser un diagnostic précis, il est complété dans un second temps par un examen radiologique. La péri-implantite est le plus souvent caractérisée par une perte osseuse en forme de cratère et/ou par une radioclarté périimplantaire. Les radiographies conventionnelles ne permettant souvent pas la détection précoce des pathologies, on peut avoir recours à une analyse d'images densitométriques assistée par ordinateur, mettant en évidence toute modification de densité osseuse. Dans un troisième temps, le diagnostic peut être confirmé et affmé par une analyse biologique, identifiant les bactéries pathogènes parodontales et péri-implantaires ou les marqueurs de l'inflammation présents dans le fluide créviculaire tels que phosphatase alcaline ou myeloperoxydase par exemple. En confrontant les résultats de ces trois examens, le praticien peut poser un diagnostic objectif, fiable et précis, qui va le guider dans le choix du plan de traitement le plus adapté au cas clinique considéré. E: TRAITEMENT PROPHYLAXIE Lors d'un traitement implantaire, il est primordial de mettre en oeuvre les mesures nécessaires à la prévention de toute complication et principalement, pour le sujet qui nous intéresse, l'apparition d'une péri-implantite. Ces mesures doivent être prises à différentes phases du traitement; tout d'abord la préparation de la cavité buccale et du site implantaire avant l'implantation, puis la maintenance personnelle et professionnelle post-implantaire, à court et à long terme. Nous ne développerons volontairement pas les problèmes d'infections post-opératoires immédiates liées à une faute d'aseptie per-opératoire, et non à une perte d'ostéointégration, par conséquent sans lien avec les péri-implantites. 311 - Mesures de préparation pré-implantaire Avant de diriger un patient vers l'implantologie, il convient d'effectuer un examen clinique minutieux, afin de déterminer les éventuels facteurs de risques que peut présenter ce patient. Cette observation clinique doit donc notamment mettre en évidence la présence éventuelle de parodontopathies et la nécessité de les maîtriser, ou encore les possibles besoins d'aménagements tissulaires. 3111- M aîtrise des paro dontopathies )0> parodontopathies: nous avons souligné en 133 l'intérêt d'assainir l'état parodontal avant toute chirurgie implantaire, afin de prévenir les phénomènes d'infections croisées transmises à partir des dents présentant une parodontopathie vers des sites implantaires chez un même patient. Il est donc indispensable que la parodontite, en cas de denture mixte, soit au repos clinique, radiologique et bactériologique [34]. La préparation initiale a donc pour but de prévenir les infections de voisinage et consiste à enseigner au patient un protocole d'hygiène buccodentaire, à faciliter cette hygiène en déposant couronnes et amalgames débordants, à réaliser un assainissement de la cavité buccale aux moyens de détartrage, curetage, et si nécessaire un traitement parodontal complet incluant des interventions de chirurgie [14]. Puis, il convient de 72 maintenir la stabilité parodontale obtenue par l'intermédiaire de soins parodontaux de soutien, diminuant le risque de récurrence de l'infection par un contrôle méticuleux du parodonte [68]. '" Autres infections orales : Si la maladie parodontale est la plus souvent évoquée, nous ne devons pas omettre le risque que représentent les autres infections orales telles que les infections des différentes muqueuses intra-buccales, des dents en désinclusion, ou encore les pathologi péri-apicales [36]. Ces infections doivent donc elles aussi être maîtrisées, et les éléments dentaires en cause traités ou même avulsés si nécessaire. 3112 - Aménagements tissulaires Dans son travail consacré aux tissus mous péri-implantaires, S. Fuzellier, 1998, démontre que la présence de gencive péri-implantaire stable et kératinisée semble constituer la situation la plus favorable pour l'implantation, d'autant plus qu'elle influence également la qualité de l'hygiène. Celle-ci est en effet plus efficace puisque le brossage peut être plus vigoureux, et d'autre part, une bande de gencive immobile et kératinisée est plus accessible au contrôle mécanique de la plaque. De nombreux auteurs préconisent donc différentes techniques de chirurgie muco-gingivale soit soustractives, soit additives, en espérant ainsi améliorer les conditions tissulaires initiales [25]. Bert, 1991, préconise par exemple un apport de gencive attachée alors que Palacci, 1995, décrit quant à lui une technique de régénération de la papille pour augmenter la hauteur des tissus mous péri-implantaires [6, 57]. Conclusion: L'ensemble des mesures préventives pré-implantaires, qu'il s'agisse du traitement des maladies infectieuses existantes ou de certains aménagements tissulaires, ont pour objectif de créer les conditions les plus favorables pour qu'un site donné puisse recevoir un implant et que celui-ci ne développe pas d'infection péri-implantaire. 312 - Maintenance post-implantaire Le but de la maintenance est de préserver la santé des tissus péri-implantaires ; elle est déterminante pour le succès à long terme de l' ostéointégration [16]. Egalement appelée thérapeutique parodontale de soutien, elle permet de maintenir ou de rétablir l'équilibre entre 73 les facteurs pathogènes et la résistance de l'hôte, de telle sorte qu'aucun processus pathologique ne soit initié [24]. La maintenance post-implantaire est d'une part sous la responsabilité du patient et dépend notamment de sa motivation et de sa é à assurer une hygiène buccale de qualité et d'autre part sous la responsabilité du praticien qui doit instaurer un programme rigoureux de maintenance professionnelle. Motivation et hygiène du patient ~ Intérêts: comme dans la maladie parodontale, le facteur étiologique principal des lésions péri-implantaires est la plaque bactérienne. La stabilité à long terme de la fixture est ainsi conditionnée par le maintien d'une hygiène bucco-implantaire minutieuse et régulière qui a pour but d'éliminer cette plaque. En effet, l'étude de Mombelli et Lang, 1998, montre une résorption osseuse plus importante autour des flXtures chez les patients avec une mauvaise hygiène que chez les sujets avec une bonne hygiène. Pour prévenir les infections péri-implantaires, il faut donc: éviter la colonisation bactérienne massive des surfaces implantaires élinùner régulièrement des dépôts bactériens induire une modification de l'écologie locale autour des implants pour empêcher les multiplications massives des bactéries pathogènes [54]. ~ Motivation: le praticien doit donc rappeler à son patient les règles élémentaires d'hygiène buccale et le motiver afin qu'il coopère et assure un contrôle de plaque régulier [34]. Les techniques d'hygiène recommandées sont les mêmes pour les reconstructions supraimplantaires que pour la denture naturelle, mais une attention particulière doit cependant être portée au nettoyage interproximal. Cette motivation à l'hygiène doit bien entendu concerner les implants mais aussi les dents voisines auxquelles le patient a parfois tendance à prêter moins d'attention [36]. Enfin, il est important de souligner l'importance de la motivation des patients édentés totaux récemment implantés, qui ont souvent perdu toute habitude d'hygiène buccale. ~ Méthode: afin d'aider son patient à assurer une hygiène buccale de qualité, le praticien doit tout d'abord déposer toutes les reconstructions en surcontour, en particulier dans 74 la région proximale, d'autant que les reconstructions sous-gingivales avec des limites imprécises influencent la composition de la flore sous-gingivale, en faveur d'une augmentation des bactéries pathogènes [36]. Les formes de contour interproximales doivent donc être parfaitement adaptées. Ensuite, le praticien doit enseIgner à chaque patient une méthode de brossage et l'utilisation de chacun des instruments de brossage doit être adaptée au patient. Il n'existe en fait pas une seule, mais plusieurs méthodes de maintenance individuelle entre les visites de contrôle; le praticien a donc le choix entre différentes prescriptions: les brosses post-chirurgicales de type 7/100° ou 15/1 00° facilitent l'hygiène dans les secteurs postérieurs difficiles d'accès les brosses avec pointe caoutchouc permettent de nettoyer les têtes de vis de cicatrisation ou les piliers prothétiques les brossettes interdentaires avec tige plastique montées sur des manches angulés trouvent leur application pour les surfaces linguales et palatines des vis et des piliers prothétiques [16] les instructions d'hygiène remises au patient comportent également un miroir et une brosse à dent souple, et il est recommandé d'utiliser un dentifrice peu abrasif, sans fluorures acides après la pose d'une prothèse fIxée, les brossettes interdentaires classiques sont utilisées pour les embrasures avec les différents fIls dentaires disponibles, et pour les prothèses de recouvrement sont également disponibles des brosses adaptées à l'élimination de la plaque dans l'intrados prothétique [68] l'utilisation d'antiseptique permet l'élimination de bactéries pathogènes es sur les surfaces dentaires ou implantaires. Le traitement le plus utilisé est la chlorhexidine concentrée à 0,12 % en bains de bouche, à titre prophylactique ou thérapeutique. Ces adjonctions d'antiseptique, toujours limitées à de courtes périodes, sont principalement recommandées au niveau des zones d'accès difficile et/ou en présence de signes d'inflammation. Egalement à titre prophylactique, l'hydropulseur additionné de chlorhexidine est conseillé chez les patients à dextérité manuelle réduite, en présence de poches péri-implantaires ou de proximité implantaire [16]. Conclusion: les conseils d'hygiène et de maintenance sont essentiels pour éviter les lésions des tissus péri-implantaires et, de même qu'en parodontologie, la motivation du patient est primordiale tout au long du traitement. Ces mesures doivent être accompagnées de séances de contrôle au cours desquelles le praticien procède au sondage du sillon gingivoimplantaire et à des radiographies permettant le dépistage des pertes osseuses [68]. 3122 -Visites de contrôle. Maintenance professionnelle Nous avons déjà évoqué qu'une hygiène bucco-dentaire et/ou une maintenance insuffisantes peuvent être à l'origine d'une péri-implantite, en autorisant le développement d'une flore bactérienne buccale pathogène. Selon C. Franchi, 1998, les visites de contrôle comportent trois phases bien distinctes: une première phase d'évaluation, une seconde phase thérapeutique, et une troisième phase déterminant la périodicité des visites de contrôle [24]. ~ La phase d'évaluation est elle-même divisée en plusieurs étapes. Comme tout examen clinique, elle débute par une anamnèse précise, puis le praticien procède à l'examen clinique proprement dit, le plus souvent à l'aide d'une sonde parodontale, dont les différents objectifs sont: d'apprécier l'aspect des tissus muqueux (inflammation, consistance, volume, contour) de contrôler l'indice de plaque et la quantité de tartre de mesurer la profondeur des poches autour des implants avec des sondes en plastique, en évitant toute pression excessive, pour ne pas traumatiser l'attache tissus mous-implant de rechercher un saignement au sondage et/ou une suppuration 76 Figure 25- Aspect clinique de muqueuses péri-implantaires saine et inflammatoire, d'après Davarpanah [16]. de rechercher une éventuelle mobilité implant et de contrôler l'adaptation des éléments prothétiques de contrôler l'occlusion. Puis, un examen radiographique complémentaire est généralement réalisé, à 6 mois puis une fois par an en moyenne, pour contrôler le niveau osseux péri-implantaire. };> La phase thérapeutique dans un second temps consiste tout d'abord en une remotivation du patient et en un nouvel enseignement du contrôle de plaque si nécessaire. Puis il convient d'éliminer les dépôts de plaque et de tartre. Rappelons toutefois que le détartrage péri-implantaire doit être essentiellement supra-gingival et que le détartrage sousgingival doit être évité en l'absence de pathologie [16]. L'instrumentation nécessaire présente quelques différences avec celle utilisée pour les dents naturelles. Le matériel utilisé doit être adapté pour éliminer la plaque sur les vis de cicatrisation et les piliers prothétiques sans altérer la surface en titane. Cette nécessité de maintenir un état de surface aussi lisse que possible du moignon de titane a en effet fait reconsidérer les moyens habituels utilisés en parodontologie. L'examen de moignons en titane grattés à l'aide d'une curette de parodontie (fig. 26, 27) ou d'une pointe à ultrasons (fig.28) montre une telle dégradation de l'état de surface que ces moyens doivent être contre-indiqués [6]. 77 Figure 26- Une curette métallique de parodontologie est passée 20 fois sur le moignon prothétique d'un implant, d'après Bert [6]. Figure 27- MEB grandissements x300 et xIOOO. L'état de surface laissé par la curette est très irrégulier, favorisant le dépôt de la plaque bactérienne, d'après Bert [6].,::r. Figure 28- MEB grandissements x50 et xIOOO. Traces laissées par un détartreur à ultrasons sur le moignon prothétique d'un implant, d'après Bert [6]. C'est pourquoi des kits de maintenance spécifiques ont été conçus, comprenant: curettes de Gracey en carbone ou graphite pour ne pas rayer les surfaces en titane, alors que les curettes métalliques et ultrasoniques sont contre-indiquées par l'altération du titane qu'elles provoquent. Les curettes en plastique sont donc conseillées; bien que non rigides, ce sont des instruments de choix pointes caoutchouc pour éliminer la plaque accumulée sur le pas ou têtes des vis brossettes pour éliminer les divers résidus (plaque, pâte à polir) Figure 29- Kit de maintenance et d'hygiène (Straumann), d'après Seban [68]. Le polissage est réalisé avec des cupules à polir en caoutchouc et une pâte peu abrasive (pas de fluorures acides ). L'aéropolisseur (polissage par projection d'agents abrasifs), dont l'efficacité a été prouvée par Parham et coll., 1989, peut être utilisé avec modération et toujours en supra-gingival [59]. Les irrigations sous-gingivales à l'aide de chlorhexidine sont toujours indiquées en présence de phénomènes inflammatoires. Enfin, les curettes avec une partie active recouverte d'un alliage d'or peuvent être employées, et les détatireurs ultrasoniques avec embout en plastique sont recommandés [68]. ~ La troisième phase consiste à déterminer la fréquence des visites de contrôle, trimestrielle la première année, puis l'intervalle des rendez-vous varie entre 3 et 6 mois en fonction de différents facteurs, notamment l'existence d'antécédents de parodontopathies, la santé parodontale, l'état des tissus péri-implantaires, l'efficacité du contrôle de plaque, l'importance des dépôts de tartre, le type de restauration prothétique. Conclusion: la maintenance n'est pas la fin du traitement parodontal et implantaire, mais bien sa continuation. Aussi active que les autres phases du traitement, elle obéit également à des principes rigoureux, aussi bien quant au choix de la fréquence des rendez-vous, que du déroulement d'une séance ou de l'abord psychologique du patient [24]. Ce dernier doit sans cesse être remotivé, la première cause d'échec étant la lassitude du patient. CONCLUSION SUR LA PROPHYLAXIE L'implantologie est une discipline délicate nécessitant une grande rigueur du praticien et du patient,. tous deux ont en effet un rôle très actif à jouer, avant et après implantation, dans la prévention des complications. C'est pourquoi nous avons insisté sur l'intérêt de la coopération et de la motivation perpétuelle du patient, au cours des phases de préparation pré-implantaire ainsi que tout au long de la maintenance post-implantaire, personnelle et professionnelle, à court et à long terme. En présence d'une pathologie péri-implantaire d'origine infectieuse, le praticien peut avoir recours à différentes possibilités thérapeutiques, dont les indications doivent être rigoureusement posées, en fonction de plusieurs critères. Ces critères sont essentiellement la mobilité de l'implant, la profondeur de poche, et l'objectivation radiologique de la perte osseuse [14]. Après avoir établi un diagnostic précis, le chirurgien dentiste peut donc choisir le traitement le plus adapté; à savoir l'abstention, la réduction de l'intervalle des visites de contrôle, le débridement mécanique de la lésion et le traitement de surface implantaire, l'utilisation d'antimicrobiens locaux, le recours à une intervention chirurgicale, ou la dépose de la fIxture [54]. 321 - Les traitements non chirurgicaux - Abstention Une étude de Lekholm et coll., 1996, s'intéressant à des implants dont les spIres étaient initialement exposées, ou ayant présenté des pertes osseuses importantes au cours de la première année de mise en charge, et n'ayant reçu aucun traitement, ont révélé que les pertes osseuses sont restées stables dans le temps et que les complications muqueuses ont été rares. Il semble donc que ces lésions aient été peu actives et que l'absence de traitement n'ait pas été un problème [34]. Khayat et coll., 1998, conciuent de ces résultats que, en l'absence d'une suppuration ou d'une lésion évolutive, il est préférable de s'abstenir de tout traitement, tout en précisant qu'il convient de rappeler au patient les règles d'hygiène buccale et de réaliser un contrôle radiographique annuel. Dans d'autres cas, la lésion progresse ou présente une suppuration et il est alors préférable d'intervenir, même si Marinello et coll., 1998, mettent en évidence une certaine capacité de guérison spontanée d'une lésion péri-implantaire avancée. Ils affirment en effet que ce type de lésion peut évoluer en une forme encapsulée, séparée de la surface osseuse par un tissu conjonctif fIbreux dense, comme le montre la fIgure 30 [57]. 81 1 PM- Figure 30- Représentation schématique de la capacité de guérison ::.pontanée d'une lésion péri-implantaire après une durée de 3 mois.PM: limite des tissus mous; AFJ: limite implantpilier; aJE: limite apicale de la jonction épithéliale; JCT: infiltrat conjonctif inflammatoire; BC: crête osseuse marginale, d'après Palacci [57}. - Débridement mécanique, traitement de surface Pour le traitement des infections parodontales et péri-implantaires, Joachim et coll., 1997, préconisent en premier lieu le contrôle de la plaque supra-gingivale au moyen de brosses souples, de brossettes interdentaires, de bicarbonate de soude associé à de l'eau oxygénée à 5 volumes, et seulement dans un second temps un détartrage supra-gingival, soit un mois plus tard, pour éviter toute agression iatrogène [31]. Le protocole d'élimination des germes pathogènes présents au niveau d'une lésion péri-implantaire est identique à celui mis en oeuvre pour éliminer les dépôts de plaque bactérienne et de tartre au cours de la phase thérapeutique de maintenance. Le matériel utilisé est par conséquent le même que celui décrit dans le paragraphe consacré à la prophylaxie et répond aux mêmes exigences, à savoir qu'il ne doit pas occasionner de rayures des surfaces de titane. Le système «air abrasif», qui répond à ces critères, a condition de ne pas être utilisé plus de 10 s, est pour ce faire préconisé par de nombreux auteurs (Chairay, Aughtun, Dennison). 82 Nous devons toutefois préciser que l'efficacité de la décontamination est directement dépendante de l'état de surface et essentiellement du revêtement ou non par de l'hydroxyapatite. Ce type d'implant n'est actuellement quasiment plus utilisé, mais nous avons jugé utile de le mentionner, de nombreuses publications y faisant toujours référence. En parodontologie, la décontamination est parfois réalisée à l'aide d'un traitement laser; il nous a donc semblé intéressant de rechercher si ce type de traitement pouvait s'appliquer aux défauts péri-implantaires. On retrouve dans la littérature essentiellement des données l'utilisation du laser C02 et du laser soft. Haas et coll. ont réalisé une série d'études concernant l'efficacité d'un traitement combinant l'utilisation d'une solution de bleu de toluidine et d'un laser soft dans la décontamination des surfaces implantaires : une étude in vitro, en 1997, met en évidence que la combinaison de ces deux traitements, l'irradiation étant réalisée pendant une minute, à une longueur d'onde de 905 nm, aboutit à l'élimination des bactéries présentes (Pg, Pi, et Aa) à la surface des différents échantillons (implants usinés, recouverts de plasma, traités par acide ou recouverts d'hydroxyapatite) [29] une étude in vivo, en 2001, révèle que ces deux traitements ne détruisent pas complètement les bactéries, mais réduisent leur nombre de manière significative, permettant aux défenses immunitaires de l'hôte de prendre le dessus et donc d'inverser le processus infectieux (la longueur d'onde utilisée étant de 690 nm pendant une minute) [18] en 2000, une autre étude affirme que ce traitement de décontamination doit être associé, pour un résultat optimal, à une intervention chirurgicale (autogreffe et pose de membrane), ce qu'affirment également Deppe et coll., 2001. Ces derniers, qui ont travaillé sur le laser C02, précisent que la décontamination laser dans le traitement des défauts osseux péri-implantaires n'occasionne pas, dans le modèle animal, de dommages au niveau des tissus de soutien [17]. 'Y Utilisation en parodontie Tenenbaum et coll., 1999, réalisent une étude ayant pour but d'évaluer l'efficacité d'une administration locale de chlorhexidine réalisée après traitement étiologique classique (détartrage/surfaçage) sur les paramètres de la poche. Ils ont donc pu comparer les résultats obtenus par détartrage/surfaçage seuls et par détartrage/surfaçage avec administration locale de chorhexidine sur des poches de 5 à 8 mm du maxillaire supérieur, et ont observé une réduction significativement plus élevée de la profondeur de poche, de la perte d'attache, et de l'inflammation, avec la chlorhexidine [74]. 'Y Utilisation en implantologie Les articles publiés jusqu'à ce jour concernant l'utilisation d'antiseptiques dans le traitement des défauts péri-implantaires développent essentiellement les implants recouverts d'hydroxyapatite. Nous l'avons évoqué précédemment, ces implants ne sont plus réellement d'actualité, mais la littérature étant relativement pauvre, dans ce domaine précis, concernant les implants en titane lisses ou sablés traités à l'acide, nous avons pris le parti d'exposer tout de même les résultats obtenus au niveau des implants recouverts d'hydroxyapatite. Actuellement, l'irrigation sous-gingivale de l'espace péri-implantaire avec des agents antiseptiques est reconnue par de nombreux cliniciens [54], mais si l'efficacité du gluconate de chlorhexidine est indiscutable en parodontie, elle semble moindre au niveau des poches péri-implantaires, essentiellement en ce qui concerne les implants recouverts d'hydroxyapatite [48]. L'étude de Zablotsky et coll., 1991, démontre en effet que le brunissage des surfaces implantaires par de la chlorhexidine laisse de plus grandes quantités d'endotoxines que les surfaces tém , rincées avec une solution stérile. Il en est de même pour les applications de SnF2. Ces molécules sont en effet hautement chargées, et leur combinaison avec l'hydroxyapatite aboutit à une liaison avec les endotoxines et non à leur élimination. D'autres agents chémothérapeutiques ont ensuite été testés; tétracycline, polymyxine B, et H2ü2 ne sont pas plus actifs que la solution témoin dans l'élimination des lipopolysaccharides (LPS) des surfaces implantaires. Ceci est par ailleurs également dû à l'établissement de liaisons avec les endotoxines. 84 En revanche, l'acide citrique semble inhiber la croissance bactérienne de façon remarquable. Zablotsky, 1991, démontre qu'une détoxification à l'acide citrique pendant 30 secondes laisse une quantité de LPS de 20,31 / mm2, pendant une minute de 7,76 LPS / mm2, et pendant 3 minutes de 5,09 LPS /mm2 • Ces valeurs sont bien inférieures à celles obtenues avec la chlorhexidine (249,75 /mm2 ), SnF2 (208,11 / mm2 ), la tétracycline (141,71 / mm2 ), H2ü2 (163,46/ mm2), et la polymyxine B (193,51 /mm2). L'acide citrique est donc le traitement de choix pour la détoxification des implants en titane, métalliques et les surfaces recouvertes d'hydroxyapatite [48]. Meffert et coll., 1996, recommandent eux aussi la détoxification des surfaces implantaires à l'acide citrique, et précisent les modalités d'utilisation de cet agent chémothérapeutique, dosé à 40 % de concentration et à pHI. Ainsi, pour les implants recouverts d'hydroxy-apatite, ils préconisent un brunissage de 30 secondes à 1 minute maxunum, des durées plus longues risquant d'affecter défavorablement le rapport calcium/phosphate et la critallinité de l'hydroxyapatite. Les surfaces de titane peuvent quant à elles être brunies pendant 3 minutes. La tétracycline (antibiotique utilisé pour la décontamination locale), peu efficace pour les implants recouverts d 'hydroxyapatite, peut en revanche être utilisée pour la détoxification des surfaces de titane, pendant 3 minutes également, à 50 mg/ml. Après brunissage, un rinçage à la chlorhexidine à 0,12 % est généralement conseillé [50]. Dans la thérapeutique parodontale, différents antibiotiques tels que la tétracycline, le métronidazole ou la pénicilline ont été largement utilisés, au niveau local et systémique, pour éradiquer l'infection. Les similarités entre la microflore des infections parodontales et périimplantaires ont suggéré d'utiliser des antibiotiques pour le traitement des implants défaillants, surtout dans les cas de non réponse aux traitements de débridement parodontal. Le recours à une antibiothérapie, systémique ou topique, doit obligatoirement être associé au débridement mécanique de la lésion et à l'utilisation d'un antiseptique. De même que pour le traitement des parodontopathies, le traitement d'une infection péri-implantaire doit être ciblé sur la flore spécifique affectant le site [56]. L'antibiotique retenu devra donc être reconnu actif sur la ou les souches identifiée(s), en se fondant sur les données actuelles de la 85 littérature, sans négliger les tendances observées dans l'évolution des résistances de ces bactéries aux antinùcrobiens [61]. - - MZ. EM TC AMX 1 AMC CM,--------- - - - - - - - - - - -, - - - - _. _ -'_ - - - 1 Peptostreptococcus micros 80 % Fusobacterium spp 100 %, Prevotel/a intermedia 1 87 % 1 1 PorplJyromonas gingivalis 1 100 % 1 1 __ _ __ _ _ _ _ _ 93 % i 67 %! 20 % 1 87 % 1 100 % 1 67 10 % l100 %. '-""-l.- _ %;. • 93 % 93 % 100 % 1 1 80 % 87 % 93 % 80 % 1100 % 1 100 % 1 100-%! 100 % 100 %_ 1 --l _ Figure 31- Pourcentage de souches sensibles aux différents antibiotiques testés, d'après Poulet [61]. Concernant les traitements antibiotiques topiques, l'étude de Stellini et coll., 2000, a permis d'évaluer l'efficacité du gel dentaire ELYSOL, concentré à 25 % de métronidazole. Ainsi, deux applications dans les poches péri-implantaires semblent aboutir à une diminution de l'inflammation donc à une amélioration de l'aspect des tissus mous, à une diminution de 60-70 % des Grams négatifs et une augmentation de 40-50 % des Grams positifs (qui retrouvent leur valeur normale) et à une diminution des PMN. En revanche, la radiotransparence osseuse persiste [71]. Conclusion: l'administration systémique d'antinùcrobiens combinée au nettoyage de l'implant, le curetage de la lésion osseuse et un contrôle de plaque dentaire régulier, résulte en une réduction de la lésion péri-implantaire, toujours associée, comme en denture naturelle, à une récession significative de la muqueuse paro-implantaire marginale [21]. Une fois ces traitements non chirurgicaux réalisés, une visite de contrôle est prévue pour réévaluer la situation clinique. De même qu'en parodontie, si les résultats obtenus sont satisfaisants, le patient passe en maintenance alors qu'en l'absence d'amélioration, un traitement chirurgical pourra être envisagé. 322 - Les traitements chirurgicaux Un traitement chirurgical peut être indiqué soit d'emblée après le diagnostic si la lésion osseuse est trop impOltante pour être traitée non chirurgicalement, soit en cas d'échec des thérapeutiques précédemment décrites. 86 Toutes les techniques habituelles de la parodontie sont applicables en implantologie, avec toutefois certaines modifications liées aux caractéristiques différentes des deux terrains considérés [7]. Nous développerons successivement les interventions sur les tissus mous, soustractives et addititves, puis sur les tissus durs, résectives
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2014NICE2032_20
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
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Communication transculturelle sur la santé en action : les pratiques de santé emergents [i.e. émergentes] des immigrants philippins sur la Cote [i.e. Côte] d'Azur
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French
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Le même principe du secret s'applique à ceux qui ont demandé que leurs noms réels être dissimulés. Le chercheur prend cependant, toujours des notes écrites lors de l'entretien, qu’il soit enregistré ou non, et ce toujours avec l'autorisation de la personne interrogée, autorisation qu’elle obtient souvent. Comme il est impossible d’écrire l’ensemble de la conversation, le chercheur est conscient d'écrire des mots ou des phrases clés qui répondent aux questions écrites dans le guide et fournissent des précisions supplémentaires sur les concepts étant posées. Le KII a été réalisé comme une conversation régulière où le chercheur regarde rarement son questionnaire. Elle l'a fait consciemment dans le test de l'efficacité des questions de guidage, le chercheur a observé que l’interrogé perd le fil de sa pensée quand il y a un écart entre les questions. L'ambiance était aussi informelle pour s’assurer que les personnes interrogées étaient assez confortables et n’avaient pas le sentiment d’être examinées. Le chercheur a eu quelques expériences dans le passé où les personnes interrogées étaient tendues et conscientes de leur façon de parler, d’agir et de répondre aux questions. Dans de tels cas, les personnes interrogées ont alors tendance à ne pas donner les vraies réponses mais celles qu’ils pensent être la bonne réponse. Dans cette étude, le chercheur diminue la tension et fait en sorte que la personne interrogée soit à l’aise pour discuter des questions de santé. Après tout, les problèmes de santé sont très personnels et doivent être discutés avec la plus grande sensibilité. Le chercheur à chaque KII, commence par une brève introduction d'elle-même, de la recherche qu'elle fait, du but de l'entrevue et fait en sorte que les informations qui seront recueillies, seront utilisées uniquement à des fins académiques. Leurs noms et leurs renseignements personnels ne seront pas divulgués sans leur permission. 488 Elle commence alors subtilement l'interview en demandant aux personnes interrogées de poser une question au chercheur. Ceci est stratégiquement fait pour que les personnes interrogées estiment qu'ils sont en contrôle. En répondant aux questions posées par les personnes interrogées, le chercheur a une chance de donner le ton de l'activité. Elle répond avec sincérité afin que les personnes interrogées reçoivent un exemple à suivre. 489 Figure 11: Evènements et assemblements philippins La figure 11 est un rassemblement organisé par la communauté philippine chaque année à la fin de chaque été, habituellement sur un week-end entre la première et la troisième semaine de septembre. C'est leur façon de rester en contact avec les autres membres de la communauté après un long été. Ils n'étaient pas en mesure de beaucoup se parler pendant la saison d'été parce que souvent leur « amo » (patron) sont présents ou il y a beaucoup de visiteurs dans la villa où ils travaillent. Pour ceux dont le travail est sur un yacht, ils sont souvent en mer. Pour les travailleurs indépendants, ils profitent de l'abondance des emplois supplémentaires disponibles et ils maximisent le temps dont ils disposent. Lorsque la saison d'été est sur le point de finir, ils sont en mesure de respirer et d’avoir une nuit pour manger et rattraper le temps avec leurs amis le long de la Promenade des Anglais. Les gens qui organisent cet événement sont généralement les « kapampangans ». Ce sont des Philippins qui sont venus d'une région particulière 490 des Philippines, un endroit appelé Pampanga. C’est connu que les Philippins aiment manger et qu’ils mangent tout le temps. Toutefois, les Kapampangan sont particulièrement connus pour être de très bon cuisinier et les photographies sont une preuve que la célébration équivaut à une parade de nourriture. Il est important de comprendre que cette rencontre est basée sur l'amitié et non sur une affiliation religieuse. Ces personnes, bien que la plupart soit des catholiques, ne sont pas pieux. Des opinions politiques divisent l'église et les paroissiens. Les kapampangans sont très critiques envers le curé de la paroisse philippine affecté à la région. Ils disent ouvertement leurs tiques du prêtre sans réserves. Figure 12: Après Thanksgiving dans l’Église été 491 La figure 12 est la version catholique du Thanksgiving de l’été. Elle est dirigée par le prêtre et prise en charge par les différentes organisations religieuses. Ce rassemblement consiste à partager de la nourriture, prier ensemble en tant que communauté, à la bénédiction du prêtre et plus tard à des jeux, des chants et de la danse. Figure 13: Evènements Culturel et sociaux La figure 13 montre un événement parrainé par un canal philippin qui est largement suivi par la communauté philippine dans le Sud de la France. La chaîne de télévision, ABS CBN tient une projection de film libre de l'Acropole à Nice et il a été suivi par un grand nombre de Philippins, car il présente également le spectacle des étoiles philippines. C'était le plus grand rassemblement philippin que ce chercheur a connu. Des philippins venant principalement de Nice, Cannes et Monaco étaient présents. Certains venaient même de Marseille et Aix-en-Provence. Ce chercheur est arrivé quelques heures avant la projection de film et a été en mesure de parler à un grand nombre de personnes. Guide de l'analyse des données et de la procédure Cette étude est en partie axée sur l'analyse de la langue et de la description d'un phénomène culturel grâce à l'utilisation de trois méthodes de recherche : Enquête, 492 Interview des informateurs clés et l'observation directe. En suivant la ligne de pensée dérivée des théories qui ont inspiré cette recherche, couplé avec le caractère descriptif de cette étude, les données seront analysées en utilisant de simples fichier excel pour la méthode d'enquête. Pour le KII et l'observation directe l’analyse sera facilitée par un guide de codage basé sur les hypothèses de l'étude. Ce chercheur met l’accent sur la langue, car il contient des données riches qui « fournit des indications précieuses sur la façon dont les gens regardent le monde autour d'eux » 311. Les résultats du sondage sont codés en utilisant le programme Excel et ont été plus tard interprétés en termes de répartition puisque le but principal de cette méthode est de déterminer la distribution des concepts posées de la population. Les formulaires d'enquête sont numérotés et regroupés en fonction de l'emplacement. La numérotation commence à partir des formulaires remplis par les répondants de Nice suivis par ceux de Cannes, puis Monaco. Dans le processus de codage, les données sont saisies dans Excel par groupe. Cela a été fait intentionnellement pour le référencement et l'accès facile si nécessaire plus tard. Dans le sens général, cependant, le groupement n'a pas un impact direct sur l'analyse du résultat général de l'enquête. Initialement les données de l'enquête ont été interprétées par un traitement statistique simple. Les résultats ont ensuite été transformés en un graphique « camenbert » qui révèle les réponses des répondants en termes de pourcentage. Il a ensuite été traité avec plus de vigueur et l'analyse transversale de concepts a été effectuée afin de déterminer la relation entre les concepts. Cette méthode peut sembler banale, cependant, il est important de se rappeler que pour une recherche qui n'a jamais été faite avant, avec une communauté qui n'a jamais été étudiée, les questions les plus fondamentales doivent être couvertes avant de s'aventurer dans une recherche plus profonde. 311 Tan, M.L., (2008). Revisiting Usug, Pasma, Kulam. Quezon City. University of the Philippines Press. P 8 493 Key Informant Interview (KII) a été traitée et interprétée à l'aide d'un guide de codage. Guidée par les théories utilisées dans cette étude, une matrice de codage a été conçue pour mettre en évidence les mots et les déclarations qui décrivent et expliquent directement ou indirectement ainsi que les idées de la population en ce qui concerne leurs connaissances et leurs pratiques de santé anciennes et la nouvelles. Les questions de guidage pour cette méthode ont été orientés vers susciter des réponses précises aux questions qui ont été posées. Les questions ont été rédigées en anglais, car elles sont prévues pour le chercheur. Elle les traduit automatiquement en philippin lors de l'entrevue. L’observation directe a été réalisée tout au long de l'activité de collecte de données, bien que l'intensité et le but varient. Au début, l'observation a simplement été réalisée pour savoir comment la communauté philippine est en interaction avec l'autre sur un niveau général superficiel. Ce chercheur a observé le type de relation qu'ils ont avec leurs pairs, fondées sur des croyances religieuses similaires, des appartenances régionales à une relation plus personnelle et intime comme les amis et les membres de la famille. Dans la dernière partie du processus de collecte de données, le chercheur a observé comment les personnes interrogées pour KII répondent à des questions sensibles, partagent des histoires et prennent part aux histoires des autres dans lesquelles ils peuvent s'identifier. Le chercheur a noté ses observations depuis le début de l'étude jusqu'à la fin. Dans l'analyse des résultats de l'enquête et KII, ses observations serviront de toile de fond pour les résultats. Elles seront recoupées avec les résultats de l'observation directe afin de savoir si les résultats de KII et les enquêtes ont un lien direct qui peut être expliqué en utilisant les données générées à partir de l'observation directe. Ce chercheur emploie les enquêtes, les KII et l'observation directe, parce qu'elle croit que ce sont des méthodes qui pourraient le mieux répondre à la problématique de recherche. Elles valideraient ou réfuteraient les hypothèses de recherche et généreraient des données qui répondraient à la problématique de recherche. En 494 utilisant une étude triangulaire, les résultats de chaque méthode de recherche sont validés par les résultats d'autres méthodes. Ceci scelle le bien-fondé des conclusions. Instrumentation La méthode d'enquête a été réalisée pour recueillir les informations de base sur la population de la recherche. Comme indiqué précédemment, aucune organisation, tant du côté des Philippins que du gouvernement français, n’est prête à fournir des données concrètes sur les Philippins vivant dans la région de la Côte d' Azur. Pour la partie française, ils affirment que l'information demandée par le chercheur ne peut pas être révélée parce que c'est une information confidentielle et donc protégée par la loi se référant au nombre d'immigrants philippins dans la région. L'ambassade des Philippines à Paris d'autre part, ne peut pas donner de solides statistiques parce que s’ils donnent le nombre de Philippins vivant dans le sud de la France, on peut souligner la différence entre le nombre de personnes qu'ils ont dans leurs dossiers et le nombre réel de personnes ou celui de la Préfecture. Cela compromettrait la position de certains immigrants philippins sur la Côte d'Azur dont les papiers de résidence sont toujours en cours, surtout pour ceux dont le statut est indéterminé. Ceci représentait un défi pour le chercheur au début de cette étude. Pour résoudre ce problème, le chercheur est devenue générique dans sa collecte des données elle est allée voir des personnalités clés des organisations philippines afin d'avoir une estimation approximative de la population. Ceci a fonctionné aussi bien pour obtenir des chiffres que pour connaître les liens entre les communautés. Les KII valideront certains concepts déjà établis dans l'enquête. La méthode d'enquête a fourni les données de base telles que le sexe, l'âge et la répartition des sites, les croyances de santé, les pratiques etc. KII ont fourni une discussion approfondie sur les concepts/croyances de santé et les pratiques ici et maintenant. De plus, les discussions dans cette méthode ont ouvert la voie à une source plus profonde et plus large de croyances en matière de santé et comment cela affecte-t-il directement leurs choix de santé maintenant. Et pour compliquer encore plus, leurs 495 croyances en matière de santé qui ont été façonnées par leur pays d'origine, ont pris une courbe raide car les Philippins dans la Côte d'Azur adoptent le nouveau système de soins de santé de leur pays d'accueil. Toutes ces informations riches sont sorties au cours de la FII. Portée et limites Il convient de préciser que, bien que cette recherche parle de système de soins de santé de deux pays, ce n'est pas une étude comparative. Le but de cette recherche est d'identifier les pratiques de santé actuelles des Philippins vivant sur la Côte d'Azur. Pour être en mesure d'identifier ces concepts de la population, il est nécessaire d'extraire quel est le type de système de croyances de soins de santé auxquels ils ont été exposés. Dans le même temps, il est nécessaire de présenter le système de santé du pays, auxquels ils appartiennent désormais. Dans le processus, les informations de base du pays ont été présentées d'une manière qui pourrait être interprétée comme ressemblant à une étude comparative. La comparaison n'est faite que pour arriver à des conclusions plus valides à la fin de la recherche. Le chercheur a présenté les sources et les influences du système de croyances de santé des Philippins afin de peindre une image claire de ce que sont les croyances et les pratiques de santé traditionnelles/folkloriques/indigènes des philippins. En outre, le chercheur a examiné l'environnement de santé des Philippines afin de déterminer quelle est la responsabilité des institutions de l'Etat dans la mise en œuvre des programmes de santé, quelle est l’actuelle politique de l'état et de quelle façon le budget affecte la santé de la population en général. Quand il s'agit du débat des questions de santé en France, cette recherche a porté uniquement sur le système de soins de santé et non sur le système de croyance français. Cela a été fait parce que l'objet de cette étude est la croyance et la pratique de la santé des immigrants philippins et comment elles ont changé si changements il y a ou ont été influencées par le système de soins de santé français. Rejeter les 496 croyances de santé traditionnelles des français dans cette étude va sûrement produire une surcharge de données. Les défis suivants ont été observés : a) Les défis de la Population La population de cette étude est les immigrants philippins à la Côte d'Azur. Ils ont été choisis principalement parce que le chercheur est des Philippines, qu’elle vit à Nice et que son université est située dans la même ville. Elle a choisi Cannes, Nice et Monaco pour être les principales villes pour mener sa collecte de données, car il y a une grande concentration de Philippins dans ces villes. La principale raison à cela ce n’est qu’une supposition du chercheur est parce que les emplois sont plus nombreux dans ces villes. Le chercheur a également constaté qu’il était plus pratique de se rendre dans ces villes pour mener ses entretiens que d'aller dans les grandes villes comme Marseille, Paris ou même Saint-Tropez. Les trois villes choisies pour conduire les recherches ont été choisies en tant que représentant de la Côte d'Azur ou Sud de la France des termes qui ont souvent été utilisés dans cette étude. Le chercheur a réussi à trouver des contacts avec différents organismes philippins dans ces villes. Les philippins qui vivent depuis longtemps dans la région semblent connaître tout le monde et toutes les activités. Ils donnent facilement les noms des contacts des organisations religieuses et sociales au chercheur. Cependant, obtenir sa population de recherche impliquée dans la recherche proprement dite est un défi. Les philippins ne font pas très confiance aux autres philippins. Ils ont besoin d’un certain temps pour être en confiance avec quelqu'un qui mène une enquête et le KII n'a pas été une tâche facile. Même au cours de la phase initiale de cette recherche, où le chercheur est simplement un observateur des événements, des questions lancées sur elle par la communauté philippine semble servir à mesurer si elle est une menace – quelle sorte de menace, cela n’a jamais été clair. 497 Il est difficile de déterminer le nombre exact de Philippins vivant dans la zone de recherche, car la préfecture située à Nice n'est pas autorisée à publier ces données en vertu de la loi française. Ce chercheur s'est appuyé sur les informations des chefs des différentes organisations philippines dans la région. ; combien de membres comptent leurs organisations. La meilleure estimation obtenue par le chercheur se situe entre 600-800 Philippins vivant dans la région. Les Philippins ont des réserves à répondre aux questions des étrangers, mais une fois qu'ils se sentent à l'aise, ils vont se confier sur presque n'importe quoi. Le KII a été menée dans un cadre informel, mis en place afin que les répondants ne se sentent pas intimidés. Le chercheur a voulu qu'il en soit ainsi. Cependant, une fois que le récit de l'histoire commence, tant de choses sont révélées que cela prend beaucoup de temps pour une seule entrevue à la fin. Les quelques premières entrevues que ce chercheur a faites prenaient en effet beaucoup de temps et étaient fatigantes. Elle a adapté l’entrevue afin d’instaurer une limite de temps pour chaque question. Sans être désagréable, elle pose alors une autre question lorsque le répondant commence à s'éloigner du sujet. En termes de calendrier, le délai prévu pour procéder à la collecte de données n'a pas été suivi en particulier dans la phase de l'entretien avec l'informateur. Beaucoup de modifications ont été apportées au calendrier des entrevues, le chercheur a passé beaucoup de temps à réorganiser les rendez-vous des entrevues, les lieux de rencontre et le temps de voyage. Cela a retardé la fin prévue de cette étude. Bien que la majorité des personnes interrogées étaient comme cela, certains ont été très coopératifs et accommodants. Certains sont même allés jusqu’au ouvrir leurs maisons en invitant ce chercheur à des dîners, des déjeuners et des cafés pour rendre le chercheur à l'aise et pour qu’ils se sentent bienvenu. Il est intéressant de mentionner la générosité des Philippins. Ils proposent souvent de payer pour la nourriture ou le café avançant que le chercheur est juste un étudiant 498 b) Les défis académiques et du langage Il n'était pas difficile de communiquer avec la population étudiée parce qu'ils s'engagent généralement dans la conversation en utilisant leur langue maternelle. La communication avec les organisations françaises équivaut cependant à ne pas faire n'importe quoi. Comme le chercheur est nouveau en France, elle profondément lutte avec la langue. La plupart de sa communication avec les institutions françaises afin de recueillir des données, devait être faite en français. Les traductions ont été faites en utilisant le programme de traduction de Google sur Internet en particulier au cours des premiers mois après son arrivée à Nice, les erreurs grammaticales sont alors très visibles. Souvent, la communication, principalement par email, prend beaucoup de temps pour obtenir une réponse parce que l'organisation ou la personne que le chercheur tente de contacter, doivent souvent clarifier beaucoup de choses avant que la question soit clairement comprise. Il faut dire aussi que certains mails n'ont pas été retournés, même après un certain nombre de relances du chercheur. barrière des langues a été la principale cause de blocage du chercheur. Il est intéressant de mentionner qu’en Novembre 2009, trois mois après l'arrivée de ce chercheur à Nice et après avoir suivi un cours intensif de langue à l'Université de Nice, le chercheur s'interroge sur la nécessité de poursuivre la recherche. Les défis posés par ce nouvel environnement, cette nouvelle culture et cette nouvelle langue semblent rendre la tache de l'adaptation et de l'adoption insupportable et un défi insurmontable. Le meilleur de son caractère a alors pris le dessus et elle a décidé de poursuivre ses recherches. Ce blocage l’a ralentit entrainant une prolongation de la durée de son étude. Il était trop tard quand elle a finalement réalisé que c'était une erreur de sa part de ne pas avoir pris l'apprentissage de la langue française plus au sérieux. D'autre part, les universités françaises doivent également être mises au courant des programmes de bourses d'études de l’union Européen. Une meilleure coordination entre les organismes qui octroient les bourses, les personnes qui les mettent en œuvre et l'université partenaire où le chercheur invité sera placé, est nécessaire pour s'assurer que les objectifs du programme de bourses d'études sont remplis. Lorsque ce chercheur est arrivé dans son laboratoire, elle ne parlait pas un seul mot en français, personne ne savait ce qu'elle faisait là et/ou sous quel programme elle s’était enregistrée à l'Université. Cela a immédiatement constitué un blocage psychologique pour ce chercheur. Elle a du mal à comprendre la situation scolaire dans laquelle elle est à présent. Dans des circonstances normales, un laboratoire doit savoir qui sont les étudiants qu'ils acceptent et si les élèves peuvent vraiment bénéficier de leur offre de formation. Cependant, en défense de ce Laboratoire de recherche, c'est la première fois qu'ils acceptaient un étudiant totalement étranger à la culture et à la langue française. Ils ont supposé que ce chercheur pouvait faire face aux travaux et aux activités académiques, même si elles sont principalement en français. En outre, les coordonnateurs du programme EMMA n'étaient pas en mesure de communiquer efficacement avec eux, sur ce qu’est le programme EMMA et si l'étudiant invité pouvait véritablement s'intégrer dans ce laboratoire. Ces obstacles ont constitué des défis pour ce chercheur sur le plan scolaire et personnel. 500 Importance de l'étude Les études de santé en matière de santé des immigrés en Europe ont révélé un scénario différent au cours des années. Ceci questionne le rôle des différents acteurs de la santé ainsi que des politiques d'immigration. Le statut de santé des immigrants constitue un grand intérêt dans toute l'Europe et les résultats sont souvent différents en raison de stratégies différentes pour mesurer les résultats de santé, les inégalités de santé etc. Cette étude vise à contribuer à la littérature sur l'état de santé des immigrants en informant sur les pratiques de santé spécifiques des Philippins dans la Côte d'Azur. Les résultats de cette étude ont l'intention de fournir aux professionnels de santé, aux institutions concernées et aux décideurs, des données qui pourraient les aider dans leur quête pour améliorer les services de santé. Les immigrants philippins ainsi que d'autres groupes d'immigrants pourraient aussi bénéficier de politiques élargies et de campagnes de communication sur la santé améliorées. Dans une perspective plus générale, cette recherche vise à contribuer à l'amélioration de la prestation de santé à des groupes d'immigrants. Plus précisément : a) Les professionnels de santé Le terme « professionnels de la santé » comprend non seulement les médecins et les infirmières médicales, mais tous ceux qui travaillent dans le domaine de la santé pour s’assurer qu’un service de qualité est livré au patient. Cela comprend des épidémiologistes sociaux, des chercheurs en santé, toutes les personnes travaillant dans les bureaux de santé (« premières lignes ») et tous ceux dont le travail est lié à la fourniture d'informations de santé pour le grand public. Les « premières lignes » de tous les programmes de santé sont ces gens et ainsi ils devraient connaître le rôle s sensibles qu'ils jouent dans la gestion de la santé. 501 La compréhension de la culture des immigrants reste une tâche difficile pour les travailleurs de santé. Les résultats de cette recherche donneront aux professionnels de santé une idée de ce que sont les subtilités, les bizarreries et les sensibilités des patients philippins qu'ils servent dans leur communauté. Ce groupe d'immigrants provient d'un environnement de santé différent et connaître les sensibilités culturelles et religieuses de ces personnes ce qui permettra d'aider les professionnels de santé de la Côte, à communiquer avec eux d'une manière qui est plus adapté à leurs convictions de longue date sur l'entretien de leur santé et la gestion de leur guérison par la conception d’activités de santé en harmonie avec leur culture. Il a été rapporté plus tôt que les professionnels de soins de santé français sont dédaigneux, qu’ils manquent de compétences et qu’ils sont mal préparés à gérer un environnement culturellement diversifié. En leur fournissant les informations concernant la culture philippine et ses croyances religieuses, ils connaitront mieux ce groupe d'immigrants dans l'espoir que d'autres groupes d'immigrants feront la même chose, en particulier les minorités. b) Les groupes d'immigrants Espérons que les groupes d'immigrants feront plus d'efforts pour connaitre la France et la région à laquelle ils appartiennent ; sa culture et son peuple et ne doivent pas rester des travailleurs passifs du pays. Ils devraient également être encouragés à participer à des activités sociales et à s'engager dans un dialogue actif qui permettrait aux gouvernements nationaux et locaux de déterminer leurs besoins et de concevoir des programmes appropriés. La responsabilité de l'État ne consiste pas uniquement à fournir des services à ses immigrants. Aujourd’hui plus que jamais, une synergie est exigée de tous les secteurs l'industrie de la santé pour traiter des questions liées à la santé. À condition que les résultats de cette recherche ouvrent la possibilité d'une plus grande collaboration entre les institutions de santé et les immigrants, les groupes d'immigrants organisés devraient réussir à inciter ces établissements de 502 santé de l'Etat à réaliser des campagnes de santé dans une langue qu'ils comprennent pleinement et d'une manière qui leur plaît et qui ciblent les maladies pour lesquelles les immigrés ont une prédisposition culturelle ou génétique. Ce type d'activité demande sans aucun doute plus de temps et de ressources, mais les résultats des stratégies précédentes montrent que ça ne fonctionne pas, il n'y a donc pas d’autre choix que d’améliorer la stratégie. L'approche top-down a ses gains, mais cela ne fonctionne pas avec une population immigrée en raison de leurs uniques qualités en tant que peuple. c) Les planificateurs de santé Dans le Sud de la France, les outils de communication de santé tels que des dépliants et des affiches sont destinés à la population générale. Il est clair maintenant que ces matériaux qui sont souvent destinés à des mesures préventives, n'ont pas un impact direct sur les immigrants. La principale raison est probablement parce qu'ils sont dans une langue qu'ils ne comprennent pas pleinement. Le design pourrait ne pas être attrayant pour eux, c'est pourquoi il ne leur parle pas de la manière dont ils sont supposés le faire. Les résultats de cette recherche fourniront aux concepteurs de la campagne de santé un aperçu de la façon dont le peuple philippin est sensibilisé en termes de performances de la santé. Opérant sous un scénario idéal, des outils de la santé spécifique à un groupe d'immigrants particulier sont idéals. Cependant, en utilisant l'anglais comme langue de communication pour les outils de la santé permettrait de toucher d'autres groupes d'immigrants et pas seulement les Philippins. Cela constituerait un avantage certain les bureaux de santé dans lesquels les patients vont pour obtenir des renseignements sur la santé fournissent plusieurs choix d’outils de santé. d) Les décideurs 503 Le directeur de l'Assemblée mondiale de la Santé, Margaret Chan a déclaré que les inégalités en terme de santé sont la conséquence des fautes du niveau de la politique. C'est une réalité alarmante à laquelle est confrontée les décideurs et à laquelle ils ont besoin de répondre dès que possible parce que toutes les routes mènent à l'institutionnalisation des politiques. Une loi qui exige la création de directives standardisées et normalisées dans le domaine de la collecte de données sur la santé des immigrants est un bon début. e) L’université La Communication de la santé est un très jeune domaine de recherche. Il existe d'autres disciplines auxquelles les idéaux de la communication sur la santé peuvent être appliqués et étudiés. Étudier une population immigrée met en lumière les causes et les effets des processus impliquant l'assimilation et l'intégration des immigrants. Les membres du milieu universitaire peuvent explorer la politique de santé française concernant la communication sur la santé des immigrés. Il est important de savoir comment les politiques actuelles sont réceptives aux besoins de ces personnes. Cela permettra de mettre en lumière ce qui limite ou favorise une meilleure assimilation des immigrants. Les chercheurs peuvent appliquer le modèle de communication santé transculturelle proposé à d'autres groupes d'immigrants ou d'autres membres de la population. 504 CHAPITRE IV Résultats et les implications Partie 1 A. Hypothèses Voici les résultats de l'étude en référence aux hypothèses établies par cette recherche : Hypothèses 1 : Pour les immigrants philippins à la Côte d'Azur, la langue est un obstacle à l'intégration des soins de santé Les résultats de cette recherche ont découvert que, bien que la barrière de la langue est toujours présente, elle n'affecte pas directement le comportement de recours aux soins des immigrés philippins. Ils se débrouillent pour réduire le fossé linguistique en cherchant des médecins anglophones ou en amenant un ami proche ou un membre de la famille à la consultation pour jouer le rôle de traducteurs et d'interprètes. Avec la durée du séjour en France, un grand pourcentage d'immigrants philippins à la Côte d'Azur sait déjà parler français et ils étaient capables de converser dans la langue. Cela ne signifie pas cependant qu'ils étaient capables d'exprimer en détail leurs problèmes de santé ni de totalement comprendre les explications des médecins. La conversation entre les médecins et les patients est, le plus souvent, superficielle et basique. Elle se résume surtout à « Qu’est ce qui est douloureux, où avez vous mal? Depuis quand? Voilà votre prescription ». Ce type d'interaction se produit lorsque les patients se plaignent seulement de douleurs simples. Dans les cas graves, comme le cas de Brigitte, son médecin prend très bien soin d'elle, mais peut-être uniquement parce que son médecin est en train d'écrire un livre, c'est pourquoi elle a besoin de documenter tout ce qui se passe avec Brigitte. Pour une intervention plus en profondeur, les patients ont besoin de plus que de ce type de soins médicaux, en particulier les immigrés dont les blessures ont souvent des causes plus profondes et plus multiples. 505 Les patients philippins de la Riviera font également preuve de suffisance quand ils ne cherchent pas à en apprendre plus sur leur maladie en essayant de clarifier l’information provenant de leur médecin. Ils sont des patients passifs qui ne font que suivre les conseils de leurs médecins en termes d'apport de la médecine tout en continuant à pratiquer leur médecine traditionnelle de leur côté. Pour compenser le manque d'information de leurs médecins, ils lisent de la documentation pour en savoir plus sur leur maladie, mais l’impact de cette activité sur la façon dont ile prennent soin de leur santé n’est pas clair. Les résultats de cette étude suggèrent également que l'attitude des professionnels de santé français représente un obstacle plus grand que la langue française, et nécessite une attention plus immédiate. Ils sont souvent dédaigneux au point d'être grossiers et non conciliants ainsi les patients immigrants se sentent discriminés. Les professionnels ne font pas l'effort de comprendre ce qu’un interlocuteur non français est en train de dire dans un française approximatif. Cela a été mentionné par Susan et beaucoup d’autres personnes interrogées dans cette étude. Les immigrants ne contestent pas le fait qu’il est de la responsabilité des étrangers qui ont décidé de vivre en France, d'apprendre la langue. Cependant, bien que ce ne soit pas une forme d'excuse, il devrait y avoir un arrangement pour les immigrants qui sont en période de transition. Les statistiques montrent que la dynamique des immigrés en France est en train de changer. Ils ne viennent plus seulement des anciennes colonies françaises qui connaissent la France. Un nombre croissant d’immigrants viennent d'autres parties du monde qui ne parlent pas français, et pendant la phase de transition, où ils ont le plus de besoin et où tant de documents doivent être remplis et déposés au bureau approprié, plus de patience n'est pas trop demandée. Les professionnels de la santé français se référant aux « premières lignes » en terme d’institutions publiques devraient aussi réaliser qu'ils occupent une position de service public. Ainsi, il est de leur obligation d'attribuer le temps, d’aider, de donner des informations pertinentes et du temps à tous ceux qui viennent à leur 506 bureau, pour avoir une clarification après la consultation. Il est clair maintenant que le besoin d'interprètes pour les immigrants en transition existe. C'est la responsabilité de l'État de leur en fournir un. L’assignation d'une personne qui connaît bien la façon dont le système de santé français fonctionne de l'intérieur et qui est spécifiquement formé pour aider les étrangers et les immigrés, est la meilleure façon pour diminuer le manque de communication entre les professionnels de santé et les patients issus de l'immigration. Cette technique est opérationnelle dans d'autres pays et la France pourrait l’expérimenter et voir comment elle fonctionne dans son système de santé. Hypothèse 2 : les pratiques de santé actuelles sont encore très influencées par le système de croyance traditionnel Le niveau d'influence diminue en fonction du temps passé en France. Certes, des traces de ces croyances en matière de santé sont encore présentes dans les choix de santé et les options de traitement. Un grand pourcentage d’immigrants philippins de la Riviera se souvient et parle encore des pratiques de santé philippines traditionnelles, mais cela ne se traduit pas en une pratique réelle. Certaines des personnes interrogées ont mentionné au chercheur qu'il y a des Philippins qui pratiquent des techniques de guérison traditionnelles dans la région et qui peuvent être contactés si quelqu'un est dans un besoin désespéré de consulter des guérisseurs traditionnels. Toutefois, les immigrants philippins préfèrent s'adresser à des professionnels médicaux. La principale raison fournie par la personne interrogée, c'est parce qu'ils ont plus confiance dans les médecins ayant une formation médicale que dans les guérisseurs traditionnels. Ils ont également partagé que les médecins sont plus accessibles et plus fiables. Cela montre que la croyance dans les techniques traditionnelles de guérison est éclipsée par la disponibilité des médecins occidentaux formés et l'accessibilité des médicaments. Dans le passé, les patients philippins en particulier ceux qui n'ont pas assez de ressources, cherchaient d'abord l'aide des guérisseurs traditionnels. Ils allaient voir des médecins quand ils avaient déjà épuisé toutes les ressources de la médecine traditionnelle. La raison principale est qu'ils ont peur du coût des médecins et des médicaments. Ici en France où ces 507 obstacles ne sont plus présents, les patients philippins vont principalement voir les médecins ce qui montre le changement de paradigme dans leur état d'esprit. Toutefois, les visites chez les médecins ne sont qu'un facteur pour prendre soin de ceux santé. Dans un environnement étranger, le processus d'aller chez un médecin pour un check-up n'est pas aussi facile qu'il y paraît. Quand il n'y a pas de langue commune, les patients ont souvent des doutes à aller voir le médecin. Les philippins embrassent l'idée d’une combinaison de traitement. Cette étude a révélé que les patients philippins consultent souvent un médecin et vont voir des guérisseurs traditionnels en parallèle. Maintenant qu'ils sont en France, la combinaison de traitement est également présente mais sous une forme différente : ils vont voir un médecin et vont voir un autre spécialiste médical formé comme un kiné ( physiothérapeute ), communément appelé « kene » qui est très similaire à un massothérapeute qui est appelé « hilot » aux Philippines ou à un Ostéopathe un médecin concerné de maintenir la santé des patients par l'équilibre du corps et de l'esprit en se concentrant sur le système musculo-squelettique. Hypothèse 3 : immigrants philippins ont pu s'adapter au système de santé français La première vague d'immigrants philippins qui sont venus à la Riviera ont été la plupart du temps acculturés et intégrés avec succès dans les soins de santé en français et le mode de vie français principalement en raison de leur long séjour en France et de leur capacité à parler français. Mais cette intégration ne s'étend pas à faire partie de la société française au sens large. Ils sont restés dans les limites de leurs zones ainsi leurs activités sociales sont toujours limitées à être avec d'autres Philippins. Cela a un effet sur leur vie quotidienne, y compris dans la gestion de la santé. Ils partagent leurs problèmes de santé avec d'autres Philippins, ils partagent également la gestion de la maladie, les activités de prévention et les options de traitement qui sont principalement basées sur leurs expériences de première main avec la maladie. Les techniques traditionnelles de guérison font presque toujours partie de la discussion. Parler de la médecine traditionnelle ne se traduit pas 508 littéralement à la mettre en action. La plupart des Philippins ne prennent pas ces choses au sérieux. Ils ont dit qu'ils préféraient aller voir un médecin, faire des tests quand ils soupçonnent qu'il y a quelque chose de grave, plutôt que de mettre leur santé dans les mains de l'inexpérimenté ou prendre des concoctions non testée à base de plantes qui ne sont pas des médicalement approuvés pour empêcher ou guérir les maladies. Cet état d'esprit met en évidence l'adaptation des immigrants philippins au système de santé français, qui est fortement basé sur la science médicale dure et ce système de croyance se répand à ses patients. L’intégration dans le système de santé est un concept et il doit être quantifié. Si le facteur sur lequel mesurer l'intégration de la santé est l'inscription au système et le fait d’avoir une carte vitale, alors les philippins l’ont intégré avec succès. La plupart, sinon tous, sont enregistrés dans le système de santé français. Ils reçoivent des soins en cas de besoin, ont accès aux médicaments et ils savent que si quelque chose va mal, ils ont le droit d'accéder aux soins médicaux dans les hôpitaux. Si la mesure de l'intégration est l'accès à l'information sur la santé et les mesures de prévention, il y a beaucoup à faire. Il est clair que les comportements préventifs peuvent être encouragés par les messages de santé. Si ces messages n’atteignent pas ou ne font pas appel à un groupe spécifique qui sont considérés comme les plus vulnérables et génétiquement prédisposés à certaines maladies, le comportement et le mode de vie n'est pas susceptible de changer. En outre, si ces campagnes de prévention regroupent les immigrants dans une seule catégorie, c’est problématique pour les immigrants de la Rivera qui sont culturellement fragmentés. C'est pourtant ce qui devrait être réalisé par les concepteurs de la campagne. Dans la mesure où l'état de santé des immigrants a été étudié, il manque une catégorisation en termes d'ethnicité et de la race, créant ainsi une analyse de santé unique pour le terme «immigrés». Cela ouvre la voie à un malentendu à propos des expériences de santé des immigrants. En fin de compte, l’adaptation et l'intégration des immigrés Philippins au système de santé français est encore limité à être une partie passive de celui-ci. Ils 509 se sont contentés d’être destinataires de l'information et des services. Il n'y a pas eu de réels efforts pour communiquer avec eux et savoir quels sont les informations et les conseils de santé dont ils ont vraiment besoin. Ainsi, quand ils sont exposés à des campagnes de santé, ils sont totalement détachés parce qu’elles ne sont pas dans une langue qui permette de communiquer avec eux. Les graphiques ne sont pas familiers et le message général ne se connecte pas avec leurs convictions de longue date. Comme tels, ils ne sont pas souvent touchés par la campagne et ils continuent de pratiquer la santé de la manière qu’ils connaissent. Hypothèses 4 : Il y a des pratiques de santé émergentes basées sur une combinaison intentionnelle ou non des croyances passées et présentes en matière de santé Une version révisée de la combinaison de traitements est un constat flagrant de cette étude. Au lieu de combiner les pratiques de santé traditionnelles avec les conseils des médecins, il s’agit maintenant de combiner au moins deux traitements médicaux. Un patient ira voir un GP et un physiothérapeute ou un ostéopathe. Leur état d'esprit est d'avoir un traitement médical plutôt que de chercher des philippins qui effectuent des pratiques de guérison traditionnelles. Ce n'est pas qu'il n'y a pas des guérisseurs traditionnels philippins sur la Riviera, car il y en a quelques uns. Mais l'état d'esprit général des philippins est de s'adresser à des professionnels médicaux. Demander de l'aide médicale s’inscrit dans une recherche de traitement plutôt que dans un cadre préventif. Les immigrants philippins consultent un médecin si les symptômes commencent à se manifester. Dans les maladies chroniques qui coûtent sont plus couteuses à gérer et en terme de survie, un diagnostic tardif est synonyme de gestion de la maladie, car une fois que les symptômes sont présents, cela signifie que la maladie est présente depuis longtemps et qu’elle est irréversible. Ce comportement de mise au point / traitement de cure doit être traité pour éviter la gestion de la maladie coûteuse et sauver des vies. La confection de messages de santé préventifs spécifiques et la mise en ouvre d’activités de prévention qui font 510 appel à la population cible spécifique peuvent permettre d’identifier les maladies plus tôt et ainsi de mettre en place des soins plus rapidement.
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Cette thèse est accessible à l'adresse : http://theses.insa-lyon.fr/publication/2020LYSEI104/these.pdf © [F. Villaret], [2020], INSA Lyon, tous droits réservés 3.3 Caractérisation de matériaux à gradient 316L  Fe-9Cr-1Mo Figure 3.34 : Diagramme de répartition des phases à l'équilibre à 630 °C en fonction du mélange 361L / Fe-9Cr-1Mo (calculé avec ThermoCalc, base de donnée TCFE5). Le gradient de chimie plus progressif dans cet échantillon permet d'obtenir des variations de duretés un peu plus progressives (Figure 3.35(a)). Dans la zone de gradient l'augmentation de dureté se fait sur 300 μm dans la zone correspondant à la phase austénitique. Comme pour les gradients précédents, dans cette zone, l'austénite du 316L est enrichie avec le carbone du Fe-9Cr-1Mo ce qui augmente sa dureté. Ensuite, dans la zone martensitique, la dureté atteint des valeurs autour de 430 HV, comme dans les zones 4 et 5 du gradient à 50 % de dilution et transition progressive (Figure 3.30(b)). La dureté baisse ensuite progressivement en suivant le gradient de chimie jusqu'à atteindre la valeur basse du côté Fe-9Cr-1Mo. Dans ce gradient aussi, le traitement thermique à 630 °C pendant 8 h a pour effet de globalement abaisser la dureté de l'échantillon, mais certaines zones restent plus dures. Le maximum de dureté mesuré dans le gradient après traitement thermique est autour de 300 HV, pour une composition proche de 14 %Cr (Creq/Nieq = 1,8). Dans le cas de ce gradient la variation de chimie est parabolique, contrairement au gradient à dilution 50 % et à transition progressive où la variation était plutôt linéaire. Comme la composition conduisant à dureté plus élevée est plutôt proche du 316L, elle se situe au début de la parabole, elle est donc moins étendue que dans le gradient à dilution 50 %. La zone de dureté élevée est donc plus restreinte dans ce gradient : le liseré à 300 HV s'étend sur environ 200 μm alors que dans le gradient à 50 % de dilution (Figure 3.30) la zone dure s'étend sur 1,3 mm. Cette thèse est accessible à l'adresse : http://theses.insa-lyon.fr/publication/2020LYSEI104/these.pdf © [F. Villaret], [2020], INSA Lyon, tous droits réservés Chapitre 3 : Fabrication additive de matériaux à gradient de composition Figure 3.35 : Mesures de dureté dans la zone de gradient avec 80 % de dilution. (a) profil EDX du Cr, (b) duretés moyennes en fonction de la position, (c) et (d) cartographies de dureté. Distance entre les empreintes : X = Y = 1 pt/100 μm. Cette thèse est accessible à l'adresse : http://theses.insa-lyon.fr/publication/2020LYSEI104/these.pdf © [F. Villaret], [2020], INSA Lyon, tous droits réservés 3.3 Caractérisation de matériaux à gradient 316L  Fe-9 Cr -1Mo Ces caractérisations de matériaux à gradient construits avec différents taux de dilution montrent qu'il est possible d'anticiper et de contrôler la variation de chimie dans le gradient. Ces variations de chimie modifient directement la microstructure et la dureté de la zone de gradient. En fonction de la dilution et du nombre de couches de transition utilisé, il est possible d'obtenir des variations de dureté plus ou moins progressives. En fonction de l'objectif visé, il est envisageable de pouvoir contrôler l'étendue de la zone dure avant ou après traitement thermique, par exemple le gradient à 80 % de dilution présente une zone dure beaucoup plus fine que les gradients à 50 % de dilution. Ces matériaux permettent d'identifier la gamme de compositions conduisant à une dureté plus élevée. Ici, c'est généralement la zone présentant une composition entre 15 %Cr et 13 %Cr (entre Creq/Nieq = 1,8 et Creq/Nieq = 2,0) qui est la plus dure après traitement thermique et qui serait éventuellement à éviter. Les matériaux à gradient fabriqués ici présentent quelques similitudes avec les soudures FE étudiées au chapitre 1 (Figure 3.36). Comme la zone fondue obtenue en soudage FE, la majeure partie de la zone de gradient est martensitique. Au cours du traitement thermique, une partie de la zone de gradient se transforme en un mélange fin de martensite et d'austénite, comme ce qui est observé dans les soudures FE. De plus cette zone de gradient présente une dureté élevée après fabrication comme la zone fondue. En fonction de la position dans le gradient, la dureté peut être plus ou moins réduite par le traitement thermique. En utilisant le lien entre dureté après traitement thermique et chimie dans le matériau à gradient, il est possible d'identifier les compositions à éviter pour obtenir une dureté optimale dans le gradient ou la zone fondue. Dans le cas étudié dans la thèse, ce serait donc le mélange entre 60 % et 40 % de Fe-9Cr-1Mo (entre Creq/Nieq = 1,8 et Creq/Nieq = 2,0) qui serait à éviter. Un article reprenant ces comparaisons entre soudures FE et matériaux à gradient de composition a été soumis dans la revue Additive Manufacturing [66]. Figure 3.36 : Schéma résumant les changements de microstructure observés dans les soudures FE et les matériaux à gradient DED-LB après fabrication et après traitement thermique à 630 °C pendant 8 h. Cette thèse est accessible à l'adresse : http://theses.insa-lyon.fr/publication/2020LYSEI104/these.pdf © [F. Villaret], [2020], INSA Lyon, tous droits réservés Chapitre 3 : Fabrication additive de matériaux à gradient de composition 3.3.1.4 Origine des variations de dureté dans la zone de gradient à l'état brut de fabrication. Comme vu précédemment, la zone de gradient présente une dureté plus élevée que le reste du matériau. Après le traitement thermique de revenu, les écarts de dureté observés peuvent être expliqués par l'augmentation de la teneur en éléments d'alliages de la martensite du gradient par rapport à la martensite du Fe-9Cr-1Mo. On peut aussi imaginer que la microstructure dans la zone de gradient contient de petits domaines austénitiques plastifiés lors du refroidissement, qui participent également à l'augmentation de la dureté. Cependant, à l'état brut de fabrication dans le matériau à forte dilution, la martensite du Fe9Cr-1Mo a déjà subi un effet de revenu au cours de la fabrication, alors que la martensite dans la zone de gradient présente des valeurs de dureté plutôt caractéristiques d'une martensite fraiche. La martensite dans le gradient a subi le même cycle thermique que la martensite du Fe-9Cr-1Mo mais l'effet de revenu intrinsèque au procédé de fabrication additive est beaucoup moins fort. Au cours de la fabrication, une couche de matériau donnée construite au milieu du mur va subir plusieurs traitements thermiques successifs dus à la construction des couches supérieures [1]. Dans le 316L par exemple (Figure 3.37), la ferrite delta subsistant éventuellement après la construction de la couche pourra être dissoute si la température maximale atteinte et le nombre de couches construites est suffisant. Si la température est assez élevée pendant la construction des couches suivantes, des phénomènes tels que de la croissance de grains pourront aussi être observés. Figure 3.37 : Schéma du cycle thermique et des changements de phases vus par une couche de 316L pendant la fabrication. Cette thèse est accessible à l'adresse : http://theses.insa-lyon.fr/publication/2020LYSEI104/these.pdf © [F. Villaret], [2020], INSA Lyon, tous droits réservés 3.3 Caractérisation de matériaux à gradient 316L  Fe-9Cr-1Mo Dans le Fe-9Cr-1Mo, les phénomènes sont un peu plus complexes du fait de la transformation martensitique. En plus des transformations décrites précédemment, la martensite peut subir une éventuelle ré-austénitisation au chauffage, ce qui entraine la formation de martensite fraiche ensuite au refroidissement. Dans l'exemple illustré Figure 3.38, la couche de Fe-9Cr1Mo déposée va subir des cycles de transformation austénite ↔ martensite pendant le dépôt des cinq couches suivantes. Ensuite, la martensite ne se transformera plus et subira un recuit jusqu'à la fin de la construction. Ceci permet d'expliquer l'obtention d'une martensite partiellement revenue à moins de 300 HV du coté Fe-9Cr-1Mo, plutôt qu'une martensite trempée (voir aussi 3.2.2.3). Figure 3.38 : Schéma du cycle thermique et des changements de phases vus par une couche de Fe-9Cr-1Mo pendant la fabrication. Cette thèse est accessible à l'adresse : http://theses.insa-lyon.fr/publication/2020LYSEI104/these.pdf © [F. Villaret], [2020], INSA Lyon, tous droits réservés Chapitre 3 : Fabrication additive de matériaux à gradient de composition Au niveau de la zone de gradient, le principe des transformations pendant la fabrication est le même mais la variation de composition chimique dans cette zone déplace les températures d'équilibre Ae3, Ae1 et Ms vers le bas (Figure 3.21 et [64]). Comme illustré sur la Figure 3.39, une couche construite avec une composition « 50/50 » (50 % en masse de 316L, 50 % en masse de Fe-9Cr-1Mo, (Creq/Nieq = 1,9), pourra être austénitisée un plus grand nombre de fois (neuf couches sur le schéma) qu'une couche de Fe-9Cr-1Mo qui aurait subi le même cycle thermique. Dans ce cas, la martensite formée dans le gradient subira un recuit plus court (trois passages sur le schéma) que la martensite du Fe-9Cr-1Mo. D'autre part, la température Ms peut éventuellement n'être jamais atteinte au refroidissement pendant la construction, ce qui provoque alors la formation de martensite fraîche uniquement à la fin de la construction. C'est ce qui est illustré sur le schéma Figure 3.39, où la courbe de température ne descend en dessous de Ms qu'à la fin. Dans ce cas, une martensite beaucoup plus dure que celle du Fe9Cr-1Mo est obtenue. Ces transformations se produisant lors du cycle thermique induit par la fabrication permettent d'expliquer la présence de martensite fraiche dans la zone de gradient alors que la martensite du Fe-9Cr-1Mo a subi un effet de recuit. Figure 3.39 : Schéma du cycle thermique et des changements de phases vus par une couche du gradient, de composition 50 % Fe Cr-1Mo. Les températures de transformation autres que Ms sont calculées avec ThermoCalc (TCFE5). Cette thèse est accessible à l'adresse : http://theses.insa-lyon.fr/publication/2020LYSEI104/these.pdf © [F. Villaret], [2020], INSA Lyon, tous droits réservés 3.3 Caractérisation de matériaux à gradient 316L  Fe-9Cr-1Mo 3.3.2 PBF-LB La technique de PBF-LB nécessite le remplissage préalable d'une réserve de poudre qui est ensuite étalée sur le plateau de construction. Cette étape de remplissage fait de la PBF-LB une technique moins pratique pour la construction de matériaux à gradient car le contrôle précis de la chimie est difficile. Cependant, quelques essais de fabrication et de caractérisation de matériaux à gradient avec cette technique ont été conduits dans cette thèse et sont présentés dans cette partie. Malgré l'étape de remplissage de la réserve de poudre, il est possible de contrôler l'étendue du gradient par la manière de remplir la poudre, quelques exemples de différentes possibilités sont illustrées Figure 3.40. Dans le cadre de cette thèse, deux types de remplissage ont été étudiés pour moduler l'étendue du gradient : un remplissage à plat des deux poudres (G1, Figure 3.40(a)) et un remplissage avec une empreinte en dents de scie (G2, Figure 3.40(c)). Il serait aussi possible d'imaginer remplir le cylindre avec une inclinaison dans la poudre ((Figure 3.40(b)) et de contrôler l'étendue du gradient en fonction de l'angle d'inclinaison, ou encore d'introduire une ou plusieurs épaisseur(s) de couche(s) de poudre(s) pré-mélangée(s) de composition connue(s) ((Figure 3.40(d)). Les effets de dilution observés avec la DED-LB se produisent de la même manière, mais la hauteur des couches fabri es étant beaucoup plus faible (20 μm en PBF-LB contre 200 μm ou 600 μm en DED-LB), le changement de composition peut être plus court. Figure 3.40 : Exemples de différents remplissages de la poudre pour l'obtention de matériaux à gradient en PBF-LB. (a) et (c) correspondent au remplissage utilisé pour la fabrication des matériaux à gradient G1 et G2. Dans les deux cas étudiés ici, une zone de gradient continue et sans défaut majeur est obtenue (Figure 3.41). Cette zone de gradient est constituée de quelques couches dans lesquelles les deux poudres sont mélangées et diluées avec les couches précédentes. Comme en DED-LB, la zone de gradient entre les deux matériaux n'est révélée par aucun des deux réactifs d'attaque utilisés, ce qui permet d'estimer son étendue facilement : dans le cas de G1 elle est d'environ 120 μm (Figure 3.41(b)) et dans le cas de G2 elle est d'environ 1400 μm (Figure 3.41(d)). Dans le cas de G2 on retrouve une zone de gradient dont l'étendue est du même 121 Cette thèse est accessible à l'adresse : http://theses.insa-lyon.fr/publication/2020LYSEI104/these.pdf © [F. Villaret], [2020], INSA Lyon, tous droits réservés Chapitre 3 : Fabrication additive de matériaux à gradient de composition ordre de grandeur que pour l'échantillon à transition directe et 50 % de dilution en DED-LB. Ceci montre qu'il est effectivement possible de contrôler dans une certaine mesure l'étendue de la zone de gradient par la manière dont sont remplies les poudres dans la réserve initiale. L'attaque métallographique révèle des deux côtés la microstructure de chaque matériau, déjà discutée précédemment : de gros grains colonnaires du côté 316L et un mélange de ferrite et de martensite du côté Fe-9Cr-1Mo. Figure 3.41 : Métallographie optique de gradient 316L Fe-9Cr-1Mo par PBF-LB : schémas de remplissage de la poudre pour (a) G1 et (c) G2, métallographies de (b) G1 et (d) G2 Attaque au réactif de Villela puis à l'acide oxalique. Cette thèse est accessible à l'adresse : http://theses.insa-lyon.fr/publication/2020LYSEI104/these.pdf © [F. Villaret], [2020], INSA Lyon, tous droits réservés 3.3 Caractérisation de matériaux à gradient 316L  Fe-9Cr-1Mo L'analyse plus fine par EBSD de l'échantillon G1 (Figure 3.42 (a) et (b)) montre que la zone de gradient est majoritairement martensitique comme ce qui était observé en DED-LB, alors que du côté Fe-9Cr-1Mo on retrouve la microstructure ferrito-martensitique observée sur le matériau seul du fait de la vitesse de refroidissement plus rapide en PBF-LB qu'en DED-LB (voir 3.2.2.2). Du côté 316L, la microstructure est austénitique avec de gros grains colonnaires. Le profil EDX du Cr et du Ni (Figure 3.42 (c)) permet de mettre en évidence le changement de composition dans la zone de gradient. Il confirme que la zone de gradient a une étendue d'environ 120 μm, ce qui correspond à 6 couches de construction. Par un changement de poudre direct, comme sur G1, il est possible d'obtenir un gradient assez progressif et beaucoup plus court qu'en DED-LB. Figure 3.42 Caractérisation EBSD dans la zone de gradient entre le 316L et le Fe9Cr-1Mo sur l'échantillon G1. (a) carte de phases traitée avec la méthode présentée en Annexe B, (b) carte IPF projetée parallèlement à DF, (c) profil EDX au niveau de la ligne pointillée blanche. Pas d'indexation : 1 pixel = 0,2 μm. Comme sur les échantillons DED-LB, les changements locaux de chimie et de microstructures observés dans la zone de gradient modifient les propriétés locales. Comme en DED-LB, la zone de gradient présente une dureté plus élevée que les deux matériaux de base (Figure 3.43 et Figure 3.44). Cependant, dans G1 la zone de gradient étant beaucoup plus réduite, la zone dure est aussi moins étendue (Figure 3.43 (a) et (b)). Le maximum de dureté mesuré dans le cas de G1 se situe autour de 350 HV, ce qui est un plus faible que ce qui est observé en DED-LB. Cependant, comme l'étendue de la zone de gradient de G1 est à peine supérieure à la distance entre les empreintes (100 μm), il est donc délicat de conclure sur le maximum de dureté atteint dans le gradient pour cet échantillon. Les mesures de dureté dans l'échantillon G2 (Figure 3.44), où la zone de gradient est plus étendue, montrent un maximum de dureté autour de 390 HV, ce qui reste inférieur aux 470 HV mesurés sur les matériaux à gradient obtenus en DED-LB. Du côté Fe-9Cr-1Mo, les cartographies de dureté montrées ici (Figure 3.43(c) et Figure 3.44(c)) permettent de se rendre compte des écarts locaux de dureté 123 Cette thèse est accessible à l'adresse : http://theses.insa-lyon.fr/publication/2020LYSEI104/these.pdf © [F. Villaret], [ ], INSA Lyon, tous droits réservés Chapitre 3 : Fabrication additive de matériaux à gradient de composition occasion nés par la microstructure ferrito-martensitique : par endroits la dureté peut passer rapidement de moins de 250 HV (bleu) à plus de 300 HV (orange). Pour abaisser la dureté dans la zone de gradient, l'effet du même traitement de revenu à 630 °C pendant 8 h est étudié. Comme pour les gradients DED-LB, La dureté globale de l'échantillon est abaissée par le traitement de revenu, et notamment dans la zone de gradient. Dans le cas de G1 la dureté maximale est abaissée autour de 260 HV. Cette th 3.3 Caractérisation de matériaux à gradient 316L  Fe-9Cr-1Mo Figure 3.43 : Dureté Vickers de l'échantillon G1. (a) duretés moyennes en fonction de la position dans le gradient, (b) et (c) cartographies de dureté. Distance entre les empreintes : X = Y = 1 pt/100 μm. Cette thèse est accessible l'adresse : :// Chapitre 3 : Fabrication additive de matériaux à gradient de composition Figure 3.44 : Dureté Vickers de l'échantillon G2. (a) duretés moyennes en fonction de la position dans le gradient, (b) et (c) cartographies de dureté. Distance entre les empreintes : X = Y = 1 pt/100 μm. Cette thèse est accessible à l'adresse : http://theses.insa-lyon.fr/publication/2020LYSEI104/these.pdf © [F. Villaret], [2020], INSA Lyon, tous droits réservés 3.4 Bilan sur les caractérisations microstructurales des matériaux obtenus par fabrication additive 3.4 BILAN SUR LES MICROSTRUCTURALES DES MATERIAUX OBTENUS PAR FABRICATION ADDITIVE Le but de ce chapitre était d'étudier la possibilité de fabriquer des matériaux de raccord à gradient entre l'acier 316L et l'acier Fe-9Cr-1Mo par fabrication additive DED-LB ou PBF-LB. Dans un premier temps, les deux matériaux seuls sont étudiés. Les pièces en acier 316L obtenues dans le cadre de la thèse ont une microstructure austénitique formée de gros grains colonnaires, en PBF-LB ils sont orientés préférentiellement <011>// DF, en DED-LB l'orientation cristallographique est plus aléatoire. La dureté mesurée est assez homogène dans la hauteur des échantillons, elle est un peu plus élevée en PBF-LB (autour de 240 HV) qu'en DED-LB (autour de 210 HV). Ces observations sont conformes à ce qui est observé habituellement dans la littérature sur le 316L. L'acier Fe-9Cr-1Mo est bien moins documenté dans la littérature. En DED-LB, la microstructure obtenue est martensitique, les anciens grains austénitiques sont plus gros en haut du mur qu'au milieu. Cette augmentation de la taille de la microstructure est liée à l'augmentation de la température autour du bain fondu dans le haut du mur. En PBF-LB, la microstructure ferrito-martensitique obtenue est plus inhabituelle, compte tenu de la vitesse de refroidissement 10 à 100 fois plus élevée qu'en DED-LB. L'étude fine de la poudre Fe9Cr-1Mo a révélé que les petits grains de poudre sont également ferrito-martensitiques alors que les gros grains de poudre, qui ont refroidi plus lentement, sont martensitiques. Ces observations montrent que la formation de la microstructure ferrito-martensitique est liée à la vitesse de refroidissement, qui est suffisamment rapide en PBF-LB pour maintenir la ferrite δ jusqu'à température ambiante. Un scénario permettant d'expliquer les différences observées entre les microstructures de DED-LB et de PBF-LB est proposé dans ce chapitre. Ce scénario est basé sur le calcul de la séquence de solidification et de l'évolution de la taille d'un germe d'austénite formé lors du refroidissement, en fonction de la vitesse de refroidissement. Ce scénario montre que les germes d'austénite peuvent avoir plus de difficulté à se former en PBF-LB du fait des ségrégations chimiques fortes entre les cellules de solidification. Ces germes n'ont ensuite pas le temps de croitre en PBF-LB, au contraire de la DED-LB où le temps de passage dans le domaine austénitique est cent fois plus long. Ces calculs ont montré que l'obtention de ferrite δ dans les aciers martensitiques en fabrication additive pouvait être liée à la fois à la séquence de solidification (possibilité ou non de former de l'austénite en fin de solidification) et aussi principalement, au temps de passage dans le domaine austénitique. Ce temps de passage peut être modifié, soit en modifiant la vitesse de refroidissement comme nous l'avons fait dans cette étude, soit en modifiant l'amplitude du domaine austénitique, par la composition chimique de l'alliage comme cela a été montré par ailleurs dans la littérature [57]. Cette étude de l'acier Fe-9Cr-1Mo montre que le contrôle de la microstructure dans les aciers martensitiques en fabrication additive passe nécessairement par un contrôle précis du couple composition chimique/paramètres de fabrication. Les mesures de dureté sur le Fe-9Cr-1Mo fabriqué par PBF-LB, sont assez dispersées du fait de la microstructure ferrito-martensitique. En DED-LB, la dureté augmente progressivement en fonction de la hauteur dans le mur. Cette augmentation est liée à l'effet de recuit induit par les nombreux passages du laser lors de la construction qui permettent un recuit des couches inférieures. Ces observations montrent l'intérêt que peut avoir l'étude de matériaux à changements de phases pour remonter au cycle thermique particulier provoqué en fabrication additive. Quel que soit le procédé, le traitement thermique de revenu à 630 °C pendant 8 h 127 Cette thèse est accessible à l'adresse : http://theses.insa-lyon.fr/publication/2020LYSEI104/these.pdf © [F. Chapitre 3 : Fabrication additive de matériaux à gradient de composition étudié pour la comparaison avec les matériaux soudés permet d'abaisser globalement la dureté de la martensite. Dans un second temps, nous nous sommes concentrés sur les matériaux à gradient obtenus par DED-LB et PBF-LB. Une méthodologie pour l'étude de ces matériaux à gradient est proposée dans ce chapitre. Avant même la fabrication des échantillons, nous avons montré qu'il est possible de prévoir la chimie et l'étendue du gradient en connaissant la hauteur de couche, la dilution d'une couche sur l'autre et la composition de la poudre projetée. Ce calcul, appliqué pour le gradient 316L/Fe-9Cr-1Mo, peut être généralisé pour tous les gradients possibles, à partir du moment où les matériaux se mélangent de manière assez homogène dans le bain fondu. Il constitue la base d'une construction réfléchie de matériaux à gradient, et peut être utilisé en complément de méthodes de calcul de « chemin de chimie », permettant d'éviter des compositions problématiques (fissuration, phases fragiles), comme celles proposées pour des systèmes multi-éléments par Eliseeva et al.[67] ou par Kirk et al. [68]. Ensuite, les caractérisations métallographiques usuelles permettent de vérifier l'étendue de la zone de gradient et d'avoir une première idée de sa microstructure. L'utilisation de l'EDX permet de vérifier la chimie réelle dans le gradient par rapport au calcul conduit en amont. Dans les matériaux à gradient 316L/Fe-9Cr-1Mo construits dans la thèse, les calculs de chimie dans le gradient sont en très bon accord avec les mesures EDX. Les mesures EDX permettent aussi de lier la microstructure et les propriétés locales (dureté par exemple) à la chimie de l'alliage, ce qui peut être particulièrement utile lorsque le gradient traverse des compositions inhabituelles dont la microstructure n'est, à priori, pas connue. Les caractérisations fines au MEB-EBSD permettent de déterminer la microstructure locale, et éventuellement d'anticiper des variations de propriétés mécaniques. Dans le cas des matériaux à gradient fabriqués dans la thèse, ces observations ont montré qu'il était possible de contrôler l'étendue et la progressivité du changement de chimie dans le gradient. Avec une dilution faible (50 % ici), le changement de chimie peut être très rapide si le changement de poudre se fait direct . Il peut aussi être plus progressif si plusieurs couches de mélange intermédiaires sont introduites. Avec une dilution plus élevée (80 % ici), il n'est pas nécessaire d'utiliser des mélanges de poudres et le gradient est progressif même dans le cas d'un changement direct de poudres. Les caractérisations EBSD ont montré que le passage d'une microstructure majoritairement austénitique à une microstructure martensitique se faisait brutalement, y compris si le gradient de chimie est progressif. Enfin les caractérisations en microdureté peuvent venir compléter l'étude microstructurale afin d'évaluer les propriétés locales dans le gradient. Dans les matériaux à gradient fabriqués dans la thèse, de fortes variations de dureté à l'état brut de fabrication sont observées, que ce soit avec un gradient progressif ou non. Cette thèse est accessible à l'adresse : http://theses.insa-lyon.fr/publication/2020LYSEI104/these.pdf © [F. Villaret], [2020], INSA Lyon, tous droits réservés 3.4 Bilan sur les caractérisations microstructurales des matériaux obtenus par fabrication additive Des matériaux à gradient ont également été fabriqués en PBF-LB bien que la machine utilisée ici ne permette pas un contrôle précis de la chimie. Les variations de microstructure et de dureté sont analogues à celles observées dans les matériaux à gradient fabriqués par DEDLB. Les couches étant plus fines en PBF-LB, il est possible d'obtenir un gradient progressif mais moins étendu qu'en DED-LB. L'ensemble de ces caractérisations montre qu'il est possible d'obtenir des matériaux à gradient 316L/Fe-9Cr-1Mo sans défauts majeurs relativement facilement. Il est possible de contrôler l'étendue et la progressivité du gradient, soit par un choix judicieux du procédé, soit en modifiant la dilution (par les paramètres de fabrication) et la chimie de la couche construite en DED-LB. Un autre intérêt de ces matériaux à gradient est de pouvoir étaler le changement de composition chimique sur plusieurs centaines de micromètres, voire plusieurs millimètres, alors que dans les soudures le changement de composition se produit en moins de 50 μm. Cette possibilité peut présenter plusieurs avantages, par exemple cela peut permettre d'obtenir un changement de coefficient de dilatation plus progressif entre le 316L (17,5 μm.m1 -1.K [69]) et le Fe-9Cr-1Mo (12,5 μm.m-1.K-1[69]). Un autre intérêt des matériaux à gradient est de ralentir la diffusion du carbone depuis le Fe-9Cr-1Mo vers le 316L lors d'un vieillissement à haute température, ce qui permet d'allonger for tement la durée de vie de ces jonctions. Zuback et al. on notamment démontré ce point sur des jonctions Fe-2,25Cr-1Mo (acier martensitique)/800H (acier austénitique à 21%Cr et 34%Ni) [11], quelques résultats marquants de cette étude sont repris en annexe J. Ce chapitre a montré qu'il était possible d'obtenir des matériaux à gradient 316L/Fe-9Cr-1Mo de bonne qualité métallurgique par fabrication additive. Le chapitre suivant a pour objectif de vérifier la tenue mécanique de cette zone d'interface entre les matériaux par une évaluation des propriétés mécaniques en traction. Cette thèse est accessible à l'adresse : http://theses.insa-lyon.fr/publication/2020LYSEI104/these.pdf © [F. Villaret], [2020], INSA Lyon, tous droits réservés Chapitre 3 : Fabrication additive de matériaux à gradient de composition 3.5 BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE 3 [1] J. Maisonneuve, C. Colin, Y. Bienvenu, et P. Aubry, « Etude des phénomènes thermiques associés à la fabrication directe de pièces en TA6V par projection laser », Mater. 2006, p. 12, 2006. [2] M. 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Les éprouvettes ont été caractérisées par tomographie X afin de mesurer leur rugosité et d'étudier leur porosité (taille et forme des pores, répartition dans l'éprouvette). L'état de surface étant très rugueux après fabrication, la mesure de la section des échantillons au pied à coulisse est imprécise. Afin de pouvoir comparer les essais entre eux et avec les résultats obtenus sur les matériaux des chapitres 1 et 2, la section est mesurée de manière plus précise par tomographie X. Sommaire du Chapitre 4.1 Caractérisation des éprouvettes de traction DED-LB par tomographie X 136 4.1.1 Étude de la porosité 137 4.1.2 Mesures de rugosité 141 4.1.3 Mesure des sections pour les essais mécaniques 143 4.2 Essais mécaniques en traction sur les échantillons DED-LB 146 4.2.1 Essais mono-matériaux 147 4.2.2 Essais sur matériaux à gradient 151 4.2.3 Comparaison avec le comportement des soudures FE 153 4.3 Bilan sur la caractérisation mécanique en traction des matériaux DED-LB 154 4.4 Bibliographie du chapitre 4 155 135 Cette thèse est accessible à l'adresse : http://theses.insa-lyon.fr/publication/2020LYSEI104/these.pdf © [F. Villaret], [2020], INSA Lyon, tous droits réservés Chapitre 4 : Caractérisation mécanique en traction des matériaux DED-LB 4.1 CARACTERISATION DES EPROUVETTES DE TRACTION DED-LB PAR TOMOGRAPHIE X La technique de tomographie X permet l'observation interne et externe d'échantillons massifs par rayons X. Le principe est de reconstruire une tranche de l'échantillon à partir de l'acquisition de radiographies de cette tranche d'échantillon (Figure 4.1(a)). Pour cela, l'échantillon est monté sur un plateau tournant entre un tube à rayon X et le détecteur puis une succession de radiographies de l'échantillon (typiquement 720) est enregistrée à un intervalle angulaire régulier sur 360°. L'échantillon d'acier absorbe les rayons X, ce qui crée une différence de contraste entre l'échantillon d'acier et l'air autour de l'échantillon ou contenu dans les pores (Figure 4.1(b)). À partir de l'ensemble de ces radiographies, il est possible de reconstruire numériquement des coupes tomographiques de l'objet initial (Figure 4.1(c)). Par cette méthode, la longueur utile d'une éprouvette par type d'échantillon (matériaux se s ou gradient, Δh = 600 μm ou 200 μm) a été caractérisée sur le tomographe GE Phoenix v|tome|x s du laboratoire MATEIS de l'INSA de Lyon. Après un premier traitement des données, une séquence d'images en niveau de gris est obtenue, chaque image correspondant à une section de l'échantillon (Figure 4.1(c)). Après seuillage des images, il est possible d'analyser diverses caractéristiques des échantillons telles que la porosité, la rugosité ou la section. Les analyses d'images sont conduites avec le logiciel ImageJ à partir de la pile d'images seuillées. Cette partie décrit la méthode utilisée pour chaque mesure et les résultats obtenus sur les échantillons DED-LB étudiés précédemment. Ce traitement peut être réalisé à la main étape par étape sur chaque échantillon, mais pour accélérer le dépouillement des données nous avons choisi de coder différentes macros sur imageJ et MatLab. Cette thèse est accessible à l'adresse : http://theses.insa-lyon.fr/publication/2020LYSEI104/these.pdf © [F. Villaret], [2020], INSA Lyon, tous droits réservés 4.1 Caractérisation des éprouvettes de traction DED-LB par tomographie X Figure 4.1 : Schéma de principe de la tomographie X : l'échantillon est placé sur un support tournant entre une source de rayons X et un détecteur (a), puis un ensemble de radiographies X à différents angles est acquis (b), ce qui permet de reconstruire des coupes de l'intérieur de l'objet (c). Schéma adapté de [1]. 4.1.1 Étude de la porosité Avant l'étude des échantillons de fabrication additive, il peut être intéressant de caractériser la poudre initiale par tomographie X. Pour la caractérisation de la poudre, celle-ci est placée dans un tube fin (capillaire) transparent aux rayons X qui est monté sur le plateau tournant. L'acquisition se déroule ensuite comme pour un matériau massif. Un extrait d'une image de la pile obtenue après l'acquisition pour chaque poudre est présenté Figure 4.2. Sur ces images, les grains de poudre apparaissent en gris clair, le noir correspond à l'air contenu dans le capillaire ou dans les pores de la poudre. Ces images montrent que la poudre Fe-9Cr-1Mo contient dès le départ un grand nombre de pores internes, au contraire de la poudre 316L. La porosité dans la poudre peut être déterminée par analyse d'images en utilisant l'algorithme de segmentation en 3D WEKA segmentation sur ImageJ. Après une étape d'entrainement de l'algorithme sur quelques images de la pile, celui-ci est capable de distinguer les pores dans la poudre, de l'air entourant les poudres, ce qui permet de quantifier la porosité interne. Le principe de la méthode de segmentation d'images est expliqué plus en détails dans [2]. Par cette méthode, la porosité est estimée à 4 % dans le Fe-9Cr-1Mo et à 1 % dans le 316L. Ces images peuvent permettre une analyse plus fine de la poudre et de sa porosité interne, comme par exemple la caractérisation de la forme des pores ou du ratio volume d'un pore/volume du grain de poudre. En effet, il existe un lien entre la porosité initiale de la poudre et la porosité finale de l'échantillon en DED-LB [3]. Cependant, l'utilisation d'une poudre poreuse ne conduit pas systématiquement à l'obtention d'un matériau poreux. Le résultat dépend notamment du Cette thèse est accessible à l'adresse : http://theses.insa-lyon.fr/publication/2020LYSEI104/these.pdf © [F. Figure 4.2 : Extrait des images en tomographie X sur les poudres (a) 316L et (b) Fe9Cr-1Mo. La porosité dans les éprouvettes de traction peut être directement obtenue par seuillage de la pile d'images, puis par analyse de ces images. Dans le cas des éprouvettes, il n'est pas nécessaire d'utiliser un algorithme de segmentation pour quantifier la porosité car il est beaucoup plus facile de séparer l 'air autour de l'échantillon de l'air dans les pores, contrairement au cas des poudres. La ré partition des pores dans le matériau peut être mise en évidence soit par un rendu 3D , soit par une project ion des images selon l'axe Y ou Z comme sur la Figure 4.3. La porosité peut aussi être quantifiée sur chaque image ce qui permet d'en déduire la porosité globale de l'échantillon (Tableau 4.1). Dans le cas des matériaux homogènes (316L ou Fe-9Cr-1Mo seuls), les pores sont répartis sur toute la longueur de l'échantillon. Seuls quelques pores sont mis en évidence dans le 316L alors que le Fe-9Cr-1Mo est plus poreux. Les paramètres utilisés ici ont été optimisés pour le 316L, ce qui explique que le Fe-9Cr-1Mo puisse présenter plus de porosité. D'autre part, l'observation de la poudre (Figure 4.2) a montré que la poudre Fe-9Cr-1Mo présentait de nombreux pores, ce qui peut aussi augmenter la porosité finale des échantillons [3]. Dans le cas des échantillons à gradient, la porosité est concentrée du côté Fe-9Cr-1Mo des échantillons, ce qui est cohérent avec les observations précédentes. En plus de la qualité de la poudre initiale, les paramètres de fabrication influencent la porosité finale de l'échantillon. La porosité pour les échantillons construits avec des couches 600 μm est plus élevée que pour ceux construits avec des couches de 200 μm (Tableau 4.1). Le fait de refondre une couche de matière contenant des pores permet de les éliminer en partie [3]. Lors de la construction d'échantillons avec des couches de 200 μm, 80 % de la couche précédente est refondue, ce qui permet à une partie des bulles de gaz piégées d'être libérées, ainsi la porosité est réduite par rapport aux échantillons avec des couches de 600 μm où la refusion de la couche précédente n'est que de 50 %. Figure 4.3 : Projections sur l'axe de fabrication des images de tomographie X pour mettre en évidence la répartition de la porosité interne dans l'échantillon.
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6.2.2 Equation de Gibbs-Thomson La forme la plus utilisée pour le calcul de la vitesse de croissance est la relation de Gibbs-Thomson [2]. Cette relation, particulièrement étudiée pour la croissance dendritique [13], exprime la vitesse de croissance en fonction de la température, mais aussi du rayon de courbure de l'interface : avec : ∂α + un.∇α = 0 ∂t (6.10) un |Γ = μk (Tf − TI − Γκ)∇α (6.11) 140 Figure 6.1 Exemple d'application du modèle germination/croisssance pour la croissance dendritique de grains [13] où Tf est la température de fusion, TI est le champ de température à l'interface, κ la courbure d'interface, μk'2.10−5m/sK est le coecient cinétique de croissance, Γ'2.10−7mK est le coecient de Gibbs-Thomson. α est considéré comme une fonction distance proche de l'interface, soit |∇α| = 1 Pour l'ensemble de nos calculs, la taille de maille est de l'ordre du millimètre, nous ne pouvons donc pas capter de rayon de courbure inférieur au millimètre, soit κ < 103m−1, et Γκ < 10−2K, ce qui est négligeable face aux variations de température observées ; ce terme est donc négligé par la suite. La vitesse de croissance est donc réduite à la forme suivante : un |Γ = μk (Tf − TI )∇α (6.12) La vitesse de croissance est ainsi calculée en tout point de l'interface. On peut extrapoler cette relation en tout point du domaine Ω : un |Γ = μk (Tf − T )∇α (6.13) Cependant, pour plus de précision, nous décidons d'utiliser une interpolation de la température à l'interface [13] : TI = T − (∇α * ∇T )α (6.14) Cette formulation permet d'obtenir une vitesse de croissance plus régulière près de l'interface, ce qui améliore la stabilité du transport par Level-Set, en particulier lorsque la distance entre l'interface liquide/solide et l'isosurface Tf du champ de température est inférieure à la taille de maille. 6.2. interface 6.2.3 Applications numériques 6.2.3.1 Croissance d'une boule Nous nous intéressons maintenant à la croissance d'une boule liquide dans un environnement solide (gure 6.2). 6.2.3.2 Interpolation au niveau macroscopique La formulation de Gibbs-Thomson étant correcte à l'échelle dendritique, il devient impossible de l'utiliser à l'échelle macroscopique, notamment compte tenu du terme relié 142 à la courbure. Certains auteurs se sont donc intéressés à généraliser cette formulation au niveau macroscopique [8, 10, 11], On peut alors retenir la forme générale : (6.15) vn = A(Tf − T )b où A et b sont deux constantes à déterminer en fonction du matériau. Ce type de modèle est notamment très utilisé pour déterminer l'évolution et la forme des grains lors de la solidication des métaux. Nous nous intéresserons cependant uniquement à ce que l'interface liquide-solide suive de manière très proche l'isosurface de la température de fusion, sans aucune considération de croissance de grain. Ainsi, an de ramener l'échelle d'évolution du changement de phase à l'ordre de l'évolution mécanique et de la thermique, nous allons dénir notre propre loi selon la formule suivante : vn = vnmax tanh Tf − T ∆T (6.16) où vnmax est la vitesse de troncature, de l'ordre de la vitesse caractéristique du système, ∆T est un intervalle nominal de température dépendant du problème considéré, idéalement légèrement inférieur à l'écart de température caractéristique du système. Cette forme de loi d'évolution permet d'être appliquée à tout type de système, quel que soit son échelle. Pour des températures proches du point de fusion, on retrouve la forme dénie par l'équation (6.15) ; lorsque les températures s'éloignent trop du point de fusion, on tronque la vitesse de croissance à la valeur nmax an de limiter les divergences possibles. 6.2.3.3 Application numérique avec convection naturelle Nous allons maintenant intégrer la croissance de phase aux équations de la thermique et de la mécanique. On s'intéresse à une cavité bidimensionnelle de 20 cm de côté ayant pour centre l'origine du repère, remplie d'eau et à une température initiale T0 = 20C. On initialise le domaine solide pour y > 7.5cm, puis on applique une température Tf = −50C sur la partie supérieure de la cavité. 6.2.4 Calcul dynamique du coecient cinétique Dans ce paragraphe, nous présentons une méthode de calcul locale et dynamique du coecient cinétique de changement de phase. Cette méthode permet d'optimiser le temps de calcul en diminuant les vitesses de croissance données par l'équation (6.16). En eet, pour des changements de phase relativement lents, on peut avoir des vitesses de croissance locales bien supérieures à l'évolution réelle de l'interface ainsi que par rapport aux vitesses en présence dans l'écoulement. 6.2.4.1 Calcul de la vitesse d'avancée du front de température On pose Γ0 (t) = {x ∈ Ω; T (x, t) = 0} l'isosurface de température nulle, on va établir à quelle vitesse Γ0 se déplace : Au temps t + ∆t, on cherche ∆x tel que : T (x + ∆x, t + ∆t) = T (x, t) = 0 (6.17) 144 On peut réaliser un développement limité : (6.18) On recherche maintenant le déplacement ∆l qu'à eectué l'isosurface le long de sa normale ∇T x = ∆l : |∇T | ∇T ∆x + Ṫ ∆t = 0 ∆l |∇T | + Ṫ ∆t = 0 (6.19) La vitesse d'évolution peut donc être approch ée : Ṫ ∆l = − ∆t |∇T | ∇T v = −Ṫ |∇T |2 (6.20) (6.21) 6.2.4.2 Calcul de l'avancée du front de solidication On pose Γ1 (t) = {x ∈ Ω; α(x, t) = 0} l'isosurface de Level-Set nulle. On dénit également T1 (x) comme la température du point y le plus proche de x sur Γ1(t), cette température peut être approchée par l'équation (6.14). : T1 (x) = T (y) = T (x) + ∇T (y − x) y = x − α∇α + O (α 2) T1 (x) = T (x) − α∇T ∇α (6.22) (6.23) (6.24) la vitesse de croissance est la suivante : soit : v = c(T1 − Tf ) (6.25) v = cT1 (6.26) Si les deux fronts sont assez proches, on peut supposer que ceux-ci avancent de manière parallèle, c'est-à-dire : ∇T = ∇α |∇T | (6.27) Pour que les deux fronts avancent à la même vitesse, on reprend les équations (6.21) et (6.26) : c=− 1 Ṫ |∇T | T1 (6.28) 6.3.1 Équations L'équation de la thermique peut être réécrite de la manière suivante : ρcp dH(α) dT = ∇ * (λ∇T ) − Lf dt dt (6.34) De la même manière que (3.41) On peut dénir la fraction liquide à partir de la fonction α et d'une épaisseur de changement de phase E, constante ou dépendant de la taille de maille, à la manière de (3.44) : H(α) =  0 1 2 1 + sin 1 πα 2E si α < −E si −E < α < E si α > E (6.35) La variation de H étant grande d'un élément à un autre, on décide de calculer dH en dt fonction de α : avec : dH dt dH dt   0π cos δ(α) =  2E 0 dH dα dα dt dα = δ(α) dt = πα 2E si α < −E si −E < α < E si α > E (6.36) (6.37) (6.38) 147 6.3. Thermique et changement de phase d'où la nouvelle équation de la thermique : ρcp ∂T + v * ∇T ∂t − ∇ * (λ∇T ) = Lf δ(α) dα dt (6.39) On remarque dans cette nouvelle forme de l'équation de la thermique que l'épaisseur de changement de phase E a une grande importance. La première contrainte évidente est que celle-ci doit être plus grande qu'une taille de maille an de ne pas introduire trop d'erreur de discrétisation. Si sa valeur est trop grande, on diuse le transfert de chaleur entre les deux phases sur une zone très large, ce qui n'est pas du tout représentatif de la transformation. Cependant, une épaisseur très ne augmente localement le terme source introdu it, ce qui peut dans certains cas introduire une divergence des calculs. Pour la suite de nos calculs, nous retiendrons la valeur E = 2h. 6.3.2 application numérique On reprend la géométrie du cas développé précédemment dans le paragraphe 6.2.3.1 en modiant les paramètres suivants : température initiale : T0 = 10C chaleur latente de fusion : Lf = 2.107J.m−3 capacité calorique : 4.106J.m−3.K −1 conductivité thermique : λ = 2W.m−1.K −1 pas de temps ∆t = 5s L'équation de la thermique est cette fois résolue. on introduit le terme Lf dfdt comme terme source, les frontières du domaine sont adiabatiques. La gure 6.5 représente l'évolution de la température à diérents instants. Le système se stabilise à T∞ = 6.01C. À t = 0s, on peut calculer l'énergie thermique E(t = 0) contenue dans le système : l E(t = 0) = À t → ∞, on a : Z E(t → ∞) = h(t = 0s)dV = ρcp T0 l2 + πR2 Lf (6.40) h(t → ∞)dV = ρcp T∞ l2 + l2 Lf (6.41) Ω Z Ω L'enceinte étant adiabatique, on peut écrire la conservation de l'énergie : E(t = 0) = E(t → ∞) Z Z h(t → ∞)dV = h(t = 0s)dV Ω Ω 2 2 ρcp T0 l + πR Lf = ρcp T∞ l2 + l2 Lf Lf R2 T∞ = T0 + (π 2 − 1) l ρcp T∞ = 5.98C (6.42) (6.43) (6.44) (6.45) (6.46) 148 Figure 6.5 Champ de température à t = 50s, 100s, 200s, 400s, 800s 6.3. Thermique et changement de phase 149 On obtient donc une erreur inférieure à 1% sur la diérence de température prédite T0 − T∞. 150 6.4 Chapitre 6. Résolution du changement de phase Applications numériques 6.4.1 Solidication dans un coin Dans ce paragraphe, nous allons nous intéresser au cas de solidication dans un coin, dont les résultats analytiques sont disponibles dans [7]. Ce cas ne fait intervenir que les équations de la thermique et du changement de phase. Le domaine est une cavité carrée 1 m de côté, initialement à une température de 0.3C. A l'instant initial, on impose une température de −1C sur la partie inférieure ainsi que sur la partie gauche. Figure 6.6 Isosurface pour t = 0.01 s La gure 6.6 compare notre résultat aux résultats analytiques. On remarque la bonne corrélation entre nos résultats et la théorie, à l'erreur d'interpolation près. Cette simulation permet également de valider le calcul dynamique du coecient cinétique pour un calcul simple avec prise en compte de la chaleur latente, ceci permet en eet d'optimiser localement paramètres d'évolution an de limiter le coût de calcul. 6.4. Applications numériques 6.4.2 Solidication de l'étain On s'intéresse dans ce paragraphe à un cas de solidication classique de la littérature [17]. De l'étain liquide est placé dans une cavité 8.89 × 6.66 × 12.6 cm ; compte tenu de la symétrie du problème, on se ramène à une cavité bidimensionnelle de 8.89 cm de large sur 6.66 cm de haut. La paroi de droite est maintenue à une température inférieure à la température de fusion tandis que la paroi de gauche est maintenue à une température au dessus de la température de fusion, comme le présente la gure 6.7. Le mouvement de convection naturelle est entretenu par le maintien de la paroi de gauche à une température constante, au dessus de la température de fusion. Adiabatique Tf Tg Td Solide Liquide Adiabatique Figure 6.7 Conditions aux limites du problème A l'instant initial, l'étain est à la même température que la paroi de gauche, on a donc : Tg = 233C ; Tf = 231.9C ; Td = 229C ; T (t = 0) = Tg = 233C. Les données physiques sont présentées table 6.1 [9] : Symbole Unité Solide Liquide ρ kg/m3 7 300 7 300 k W/mK 56.5 32.6 cp J/kgK 255.0 255.0 μ P a.s f C 231.9 β Lf 1/K J/kg −4 1.06 10 5.9 104 3.77 10−3 Table 6.1 Données physiques de l'étain [9] Le nombre de Stefan de la transformation vaut Ste = 1.32 10−2, ce qui correspond à une très grande importance de la chaleur latente. Nous avons lancé la simulation sur 152 un maillage xe isotrope homogène de 3 400 n÷uds, avec un coecient cinétique de 5.10−4. La gure 6.8 présente le champ de température ainsi que la position de l'interface liquide/solide pour diérents instants donnés. On remarque que la convection naturelle fait que l'interface n'avance pas de manière homogène. 6.4.3 Calcul triphasique avec solide mobile Dans ce paragraphe, nous allons intégrer le changement de phase dans un calcul triphasique gaz/liquide/solide turbulent. 6.4.3.1 Calcul 2D Le domaine de calcul est une cavité de 0.1 × 0.2 m2, initialement remplie d'une petite quantité d'eau avec la présence d'un glaçon. Initialement, la température de l'eau est de 20C, la température du glaçon est de −50C, jusque t = 1 s, on injecte de l'eau à une température de 50C et à une vitesse de 0.3 m.s−1, la température de la paroi inférieure est imposée à 50C durant tout le calcul. Calcul sans chaleur latente On se propose dans un premier temps de résoudre le calcul en ne prenant pas en compte la chaleur latente. La gure 6.10 représente le champ de température ainsi que les interfaces eau liquide/glace et eau/air pour diérents instants donnés. On retrouve les tourbillons dus à la turbulence déjà présents dans le calcul du chapitre précédent (5).on remarque également que l'intégration du changement de phase se fait sans soucis dans le calcul turbulent. Le glaçon est totalement fondu au bout de 6 s. L'utilisation d'une fonction Level-Set de phase permet de dénir les diérents domaines et lois de mélange grâce aux fonctions Heavyside présentées dans le chapitre 3.5, au paragraphe 3.3.1.1. L'intégration de la vitesse de croissance dans l'équation de transport de la level-set de phase permet de résoudre simultanément et de manière ecace le transport et le 153 6.4. Applications numériques Figure 6.8 Champ de température pour t = 594 s, 1 904 s, 6 825 s 154 Figure 6.9 Position de l'interface à diérents instants, comparaison avec [5] (les réfé- rences sont telles que présentées dans l'article ) 6.4. Applications numériques 155 Figure 6.10 Évolution des interfaces et du champ de température pour t = 0 s, t = 1 s, t = 2 s, t = 4 s, t = 6 s, changement de phase. La vitesse de convection nale Vl−s devient la suivante : Vl−s = v + vn (6.47) où v est le champ de vitesse obtenu par les équations de Navier-Stokes et vn est la vitesse de croissance obtenu par l'équation 6.16. Cette application permet également de se rendre compte de la capacité de l'approche monolithique développée dans le chapitre 3.5 à représenter diérentes phases solideliquide-gazeuse de manière naturelle grâce à l'utilisation de plusieurs Level-Sets sur un maillage xe. Le solide est immergé dans le solveur uide en lui xant une viscosité très élevée (103P a.s), an d'assurer une déformation minimale, il peut ainsi se mouvoir librement dans tout le domaine. L'intégration du solide dans le solveur thermique se fait également de la même manière que pour les uides. Calcul avec chaleur latente On reprend le calcul précédent en intégrant le calcul de la chaleur latente, le nombre de Stefan est de l'ordre de 1 dans notre cas. La partie délicate du calcul réside dans le fait de calculer le terme advectif v * ∇α de la dérivée dαdt dans l'équation (6.39). En eet, le gradient ∇α de la fonction level-set linéaire par élément devient constant par élément, soit d'un ordre diérent de la vitesse v. La première solution, la plus précise, consiste à projeter cette dernière dans l'espace des fonctions continues par élément ; cette solution nécessite cependant de projeter également le terme δ(α), perdant ainsi beaucoup de précision sur ce terme très abrupte, et ne bénécie pas de la stabilisation du terme source optimale de notre solveur thermique. Nous avons donc décidé de projeter le terme ∇T dans l'espace des fonctions continues linéaires par élément, puis de l'assembler avec les autres termes δ(α) et v linéaires. Les gures 6.11 et 6.12 comparent les résultats obtenus avec ceux du paragraphe précédent. On remarque que le terme source introduit dans l'équation de la chaleur latente ralentit considérablement fonte du glaçon, en eet dans ce dernier calcul, le glaçon met 35 s à fondre complètement. Ce retard est l'eet attendu par l'intégration de la chaleur latente. 6.4.3.2 Calcul 3D On s'intéresse dans ce cas à une cavité tridimensionnelle de dimensions 0.1 × 0.1 × 0.2 m3, initialement remplie d'une petite quantité d'eau avec la présence d'un glaçon. La température initiale du système est de 20C, on injecte pendant 3 s de l'eau à 20C pour une vitesse de 0.3m.s−1. Le glaçon a une température initiale de −50C. 6.4. Figure 6.13 Évolution des interfaces pour t = 0 s, t = 1 s, t = 2 s, t = 3 s, t = 4 s - Calcul sans chaleur latente La gure 6.13 montre l'évolution de l'interface eau/glace et de l'interface eau/air. De même que pour le calcul précédent, l'intégration du changement de phase dans un calcul turbulent tridimensionnel se fait de manière naturelle. Le glaçon peut se mouvoir librement dans la cavité, entraîné par le jet d'eau, puis fond progressivement. On note cependant que du à l'absence de chaleur latente, le changement de phase se fait d'une manière très rapide par rapport à la réalité : le glaçon gagne légèrement en volume, ce qui montre la réversibilité de notre méthode, puis disparaît quasiment totalement au bout d'à peine 4 s. On réalise le même calcul en introduisant la chaleur latente. La gure 6.14 présente les résultats pour les mêmes instants que le calcul précédent. On remarque que, bien qu'on n'aperçoive pas de grands changements pour la phase de remplissage, le glaçon a à peine diminué pour t = 4 s alors qu'il est quasiment disparu pour la simulation diérente. Figure 6.14 Évolution des interfaces pour t = 0 s, t = 1 s, t = 2 s, t = 3 s, t = 4 s - Calcul avec chaleur latente Cette dernière application permet de valider le couplage entre tous les solveurs de ce manuscrit et montre qu'il est possible et ecace de combiner : solveur Navier-Stokes avec approche Variational Multi Scales ; approche monolithique avec immersion de domaines gaz/liquide/solide ; méthode level-set pour le transport de l'interface entre deux uides ; modèle de turbulence Large Eddy Simulation de type Smagorinsky dynamique ; solveur de convection diusion thermique stabilisé ; 6.5. Conclusion 161 couplage turbulence - thermique ; modèle de croissance avec fonction level-set pour le changement de phase ; introduction de la chaleur latente en tant que terme source dans l'équation de la thermique. L'ensemble de ces solveurs constitue la base solide d'une simulation de remplissage turbulent avec changement de phase. 6.5 Conclusion Nous avons développé dans ce chapitre une méthode novatrice permettant de représenter l'évolution de la solidication/fusion d'un matériau grâce à une approche level-set. Cette méthode est basée sur un modèle de germination-croissance porté à l'échelle macroscopique, dont les paramètres de croissance sont calculés en fonction des grandeurs physiques du système (températures et vitesses). Ceci a pour avantage d'optimiser la description de la transformation en restant dans des échelles de vitesse et de température raisonnables. L'intégration du saut d'énergie lié à la chaleur latente se fait grâce à l'ajout d'un terme source dans l'équation de la thermique. Ce terme source est calculé uniquement avec la variation de la fonction level-set de phase, ce qui le rend conservatif que s'il était calculé à partir de la variation d'une fonction heavyside régularisée, moins régulière. Les diérentes applications numériques ont pu valider la bonne conservation de notre méthode, et attester le couplage avec les équations du mouvement et de la thermique développées dans les chapitres précédents. Nous avons également pu tester l'intégration d'un solide mobile avec changement de phase dans l'approche monolithique avec turbulence. Cette dernière application nous a permis de valider la robustesse du couplage de toutes les équations pour un cas bidimensionnel ainsi qu'un cas tridimensionnel. Chapitre 6. Résolution du changement de phase Bibliographie [1] V. Alexiades and A.D. Solomon. Mathematical Modeling Of Melting And Freezing Processes. Taylor Francis, 1993. [2] C. Beckermann, H.J. Diepers, I. Steinbach, A. Karma, and X. Tong. 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Chapitre 7 Conclusion et Perspectives Contents 7.1 Conclusions. 166 7.2 Perspectives. 167 165 166 7.1 Chapitre 7. Conclusion et Perspectives Conclusions Nous avons développé tout au long de ce manuscrit une méthode eulérienne complète permettant de simuler par éléments nis le remplissage turbulent d'une cavité par un uide newtonien à changement de phase. La construction de cette méthode a nécessité le développement et la validation de nombreux outils numériques dont le détail des étapes suit. Dans un premier temps, nous avons montré comment développer la base de toute simulation d'écoulement de uides, c'est à dire le solveur des équations de Navier Stokes. Après avoir explicité la formulation variationnelle ainsi que la discrétisation numérique du problème, nous avons présenté une première approche permettant de stabiliser le caractère hyperbolique de l'équation. Cette formulation P1+/P1, qui vérie la condition de stabilité de Brezzi-Bbu2ka, ne permet de représenter que des nombres de Reynolds modérés. Nous avons alors choisi d'introduire une résolution avec une approche de type Variational-Multi-Scale, présentant l'avantage de modéliser plus nement les écoulements modérément perturbés. L'application numérique présentée permet de montrer la robustesse de la méthode VMS qui permet de représenter une large gamme nombres de Reynolds. Celle-ci commence à présenter des écarts pour un nombre de Reynolds Re = 12 000, limite au delà de laquelle il est judicieurx d'utiliser un modèle de turbulence. La prise en compte des diérents domaines en présence (solides, liquides ou gazeux) se fait grâce à une approche monolithique. Cette approche, couplée à une méthode level-set, permet d'utiliser une unique fois par incrément les solveurs de l'écoulement (Navier-Stokes et thermique). La résolution se fait par immersion de domaines sur un seul maillage. Cette méthode a pour avantage de s'aranchir des étapes de remaillage des domaines ou de prise en compte des contacts et des recouvrements, relativement complexes à mettre en ÷uvre et coûteuses en temps de calcul. Notre méthode de capture d'interface est quant à elle basée sur une approche level-set. La fonction distance associée permet de dénir de manière simple et régulière les diérentes transitions et lois de surface entre les diérentes phases. Son caractère local permet de réduire le temps de calcul et d'optimiser les conditions aux limites, tandis que la combinaison de l'équation de transport avec l'équation de réinitialisation permet de conserver la forme caractéristique de la fonction sans équation supplémentaire. Les diérentes applications numériques ont pu valider le comportement de notre méthode, le cas de l'écroulement de barrage a également pu montrer la capacité du solveur NavierStokes à représenter des écoulement relativement perturbés. Nous avons également fait le tour des méthodes de modélisation de la turbulence, nous avons opté pour une méthode de type Large Eddy Simulations, plus pratique et moins dissipative que les méthodes de type Reynolds Average Navier Stokes. Le modèle dynamique de Smagorinsky utilisé permet de décrire de manière optimale les caractéristiques de la 7.2. turbulence sans paramètre supplémentaire nécessaire. Le cas test de l'écroulement de barrage a pu montrer que le modèle de turbulence, associé au solveur de Navier-Stokes VMS, n'introduit pas d'erreur supplémentaire malgré la viscosité élevée ajoutée. La conception d'une maquette à eau a permis de créer un cas de référence d'écoulement tridimensionnel turbulent. La comparaison aux résultats expérimentaux a également validé le bon choix du modèle de turbulence et les conditions aux limites à utiliser. Une autre étape importante est la résolution des équations de la thermique. La modélisation d'un écoulement à convection dominante nécessite une stabilisation de type SUPG, que nous avons également enrichi d'une prise en compte des chocs thermiques. Cette méthode s est révélée assez robuste pour simuler des écoulements relativement perturbés. De la même manière que pour les équations de l'écoulement, l'approche monolithique permet d'immerger diérents domaines (gazeux/liquides/solides) sur un seul maillage et ne résout qu'une seule fois l'équation de la thermique par pas de temps. L'utilisation d'une vitesse obtenue par un modèle de turbulence en tant que vitesse de convection nécessite l'introduction d'un nouveau terme de diusion dans l'équation de la thermique, directement proportionnel à la viscosité turbulente introduite précédemment. Le solveur ainsi obtenu a permis de faire une première simulation concluante de remplissage turbulent avec prise en compte des équations de la thermique. Enn, nous avons introduit une méthode novatrice de prise en compte de la solidication. Cette méthode, basée sur un modèle de germination croissance, décrit chaque phase en présence par une fonction level-set associée à un champ de vitesse de croissance. Les paramètres d'évolution de chaque phase sont calculés en fonction des grandeurs caractéristiques de l'écoulement, ce qui permet de se placer dans une même échelle de temps. L'utilisation d'une fonction level-set a pour avantage d'introduire naturellement le changement de phase dans le modèle monolithique, elle permet également de dénir une épaisseur de changement de phase sur laquelle est répartie la chaleur latente de transformation. Les diérentes applications numériques ont validé chaque étape de l'intégration du changement de phase. Nous avons enn montré par la dernière simulation que la combinaison de toutes les méthodes étudiées au cours de ce document permettait d'obtenir un code de simulation robuste et complet. 7.2 Perspectives Nous avons étudié dans ce manuscrit une méthode robuste et ecace permettant de simuler des écoulements à haut nombre de Reynolds avec changement de phase. Cependant, la turbulence nécessite une description très ne des interfaces uides et la description du changement de phase nécessite la même description pour les interfaces associées. L'utilisation de maillages xes requiert par conséquent un nombre d'éléments très élevé (de l'ordre de plusieurs millions), ce qui donne au nal des temps de calcul conséquents. Le 168 remplissage en fonderie de pièces de plusieurs dizaines de tonnes pouvant durer quelques dizaines de minutes, le nombre d'incréments nécessaires pour la simulation est d'autant plus grand, d'où la nécessité de limiter au maximum les degrés de liberté. Les technologies d'adaptation de maillage à l'aide d'estimateurs d'erreur sont une solution intéressante pour localiser le ranement là où il est le plus nécessaire. L'introduction de notre modèle de turbulence dans le code de simulation Rem3D, utilisant l'adaptation de maillage anisotrope développé dans les thèses de Gruau [2] et Zerguine [3] et un pas de temps adaptatif optimisé pour le transport de la level-set a ainsi permis de réaliser la simulation présentée gure 7.1. Nous avons pour cela repris la simulation du chapitre 4 appliquée aux paramètres physiques de l'acier en fusion (ρ = 8 000kg/m3, η = 10−3P a.s). Le temps de calcul correspondant a été de 15h sur 6 processeurs pour 6s de simulation. Bibliographie Éléments Finis Stabilisés Pour le Remplissage en Fonderie à Haut Reynolds Résumé : L'objectif de cette thèse est de développer un code de simulation complet pour le remplis- sage en fonderie de pièces de grandes dimensions (jusqu'à plusieurs mètres). Ce type de procédé fait entrer en jeu de nombreux phénomènes physiques couplés, nécessitant des méthodes numériques adaptées. La faible viscosité du métal liquide (de l'ordre de 10−6 m2 /s) requiert l'emploi d'un modèle de turbulence basé sur un solveur Navier Stokes stabilisé et une méthode de suivi/capture d'interface. Nous avons pour cela choisi un approche stabilisée de type Variational Multi Scales (VMS), qui s'est révélée efficace pour simuler des nombres de Reynolds modérés, alliée à une méthode level-set permettant de déterminer de manière précise et à tout moment la position de l'interface liquide/air. La turbulence est quant à elle prise en compte grâce à un modèle dynamique de type Large Eddy Simulations (L.E.S.), ne faisant pas apparaître de paramètre empirique. Chacune de ces méthodes numériques a été confrontée à des résultats expérimentaux, numériques ou analytiques. Nous avons également conçu notre propre maquette expérimentale de remplissage d'eau, afin de valider le couplage des solveurs pour un cas représentatif. Une autre caractéristique de ces procédés à durée relativement longue (jusqu'à plusieurs dizaines de minutes) est l'importance des transferts thermiques, pouvant mener à la solidification du métal en cours de remplissage. Il convient donc de développer une méthode de résolution stabilisée de la thermique avec convection dominante. Cette méthode doit prendre en compte les variables turbulentes introduites précédemment. Enfin, nous proposons une méthode innovante simuler le changement de phase, basée sur une approche germination/croissance avec fonction level-set. L'application de toutes ces méthodes au cas du remplissage avec glaçon mobile a enfin permis de valider la robustesse numérique de notre code et le bon couplage de ses différentes entités. Mots clés : Navier Stokes, Méthode Éléments Finis Stabilisés, Level-Set, Large Eddy Simulations, Changement de Phase.
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Un système de traduction de verbes arabe standard et arabe dialectal par analyse morphologique profonde Un système de traduction de verbes entre arabe standard et arabe dialectal par analyse morphologique profonde Ahmed Hamdi1 Rahma Boujelbane1,2 Nizar Habash3 Alexis Nasr1 (1) Laboratoire d'Informatique Fondamentale de Marseille- CNRS - UMR 7279 Université Aix-Marseille (2) Multimedia, InfoRmation Systems and Advanced Computing Laboratory, Sfax 3021, TUNISIE. (3) Center for Computational Learning Systems Columbia University New York, NY 10115, USA ❞✳❤❛♠ Le développement d'outils de TAL pour les dialectes de l'arabe se heurte à l'absence de ressources pour ces derniers. Comme conséquence d'une situation de diglossie, il existe une variante de l'arabe, l'arabe moderne standard, pour laquelle de nombreuses ressources ont été développées et ont permis de construire des outils de traitement automatique de la langue. Etant donné la proximité des dialectes de l'arabe, le tunisien dans notre cas, avec l'arabe moderne standard, une voie consiste à réaliser une traduction surfacique du dialecte vers l'arabe moderne standard afin de pouvoir utiliser les outils existants pour l'arabe standard. Nous décrivons dans cet article une architecture pour une telle traduction et nous l'évaluons sur les verbes. ABSTRACT Translating verbs between MSA and arabic dialects through deep morphological analysis The developpment of NLP tools for dialects faces the severe problem of lack of resources for such dialects. In the case of diglossia, as in arabic, a variant of arabic, Modern Standard Arabic, exists, for which many resources have been developped which can be used to build NLP tools. Taking advantage of the closeness of MSA and dialects, one way to solve the problem consist in performing a surfacic translation of the dialect into MSA in order to use the tools developped for MSA. We describe in this paper an achitecture for such a translation and we evaluate it on arabic verbs. MOTS-CLÉS : dialectes, langues peu dotées, analyse morphologique, traitement automatique de l'arabe. KEYWORDS: dialects, Arabic NLP, morphological analysis . 1 Introduction Le monde arabophone connaît une situation de diglossie (Ferguson, 1959). Une forme d'arabe, l'arabe moderne standard (MSA) est partagée par tout le monde arabe, mais ne constitue la langue maternelle d'aucun arabophone. Le MSA est, en particulier, la langue de la presse écrite et parlée. D'autre part, il existe une grande variété de dialectes qui constituent les langues maternelles des arabophones. Les dialectes ne sont généralement pas écrits et ne possèdent par conséquent pas de conventions orthographiques standard. Cette situation particulière est problématique pour le traitement automatique des dialectes de l'arabe dans la mesure où les ressources pour ces langues sont quasiment inexistantes. En revanche, il existe des ressources importantes pour le MSA. L'idée que nous explorons dans cet article consiste à « traduire » un dialecte de l'arabe vers le MSA afin de pouvoir y appliquer des outils conçus pour le MSA. Le verbe traduire a été ici mis entre guillemets car l'objectif n'est pas d'obtenir une traduction parfaite mais une traduction de qualité suffisante pour appliquer des outils conçus pour le MSA. De façon plus précise, la traduction que nous proposons repose largement sur la morphologie et le lexique. C'est en effet à ces deux niveaux que se manifestent la majorité des différences entre les variétés de l'arabe. Le système proposé relève d'une architecture à transfert. Un mot en langue source est analysé sous la forme d'une racine, d'un schème 1 et de traits morphologiques. Un lexique bilingue permet alors de traduire la racine et le schème source vers une racine et un schème cible. Dans le cas, fréquent, où la racine est identique dans la langue source et la langue cible, la traduction se limite aux schèmes. La racine et le schème cible, a que les traits morphologiques vont alors permettre de générer un ou plusieurs mots cibles. Nous nous limiterons, dans cet article, au traitement des verbes. Une particularité de notre approche est de procéder à une analyse morphologique profonde, de manière à identifier la racine du mot cible alors que l'on aurait pu se contenter d'une analyse plus surfacique, sous la forme d'un lemme. La raison de ce choix est double. D'une part, la morphologie dérivationnelle de l'arabe est très régulière, l'identification de la racine peut être réalisée, de manière fiable et économique, à l'aide de règles. D'autre part, le fait de réaliser le transfert au niveau des racines permet de minimiser la taille du dictionnaire bilingue. On estime en effet à 7502 le nombre total de racines de l'arabe et 2903 racines fréquement utilisées (Altabbaa et al., 2010), ce qui permet de définir une borne supérieure de notre dictionnaire. D'autre part, le système que nous proposons est bi-directionnel : tous les modules qui le composent sont réversibles, ce qui permet de réaliser la traduction depuis un dialecte vers le MSA et vice-versa 2. Ce travail s'inscrit dans le contexte du traitement automatique des langues peu dotées, tel que les travaux de (Seng, 2010) sur le khmer et le laotien, ou les travaux de (Abdillahi et al., 2006) sur le somali. Cependant, comme nous l'avons mentionné ci-dessus, la situation de l'arabe est particulière dans la mesure où les différentes variétés de l'arabe entretiennent une relation privilégiée avec le MSA pour lequel nous disposons de ressources importantes. En ce sens, notre travail se rapproche des travaux de (Scherrer et al., 2009) sur les dialectes suisses allemands. L'auteur propose un système de traduction depuis l'allemand vers différents dialectes. Ce système repose sur une analyse syntaxique de l'allemand et c'est à l'issue de l'analyse syntaxique qu'un mécanisme de transfert permet de générer une traduction en dialecte. Notre approche se distingue de ces travaux par deux aspects importants. D'une part, le transfert dans notre cas est réalisé au niveau morphologique. Ce choix repose, comme nous l'avons vu, sur une hypothèse théorique (le niveau morphologique est un niveau de transfert acceptable dans notre cas) mais aussi sur une considération pratique qui est que l'on ne dispose d'un système d'analyse syntaxique pour le tunisien. Le second aspect qui distingue notre travail de (Scherrer et al., 2009) est que notre système est bi-directionnel, il permet aussi bien de traduire du tunisien vers le MSA que l'inverse. Plus proche de nous linguistiquement, (Shaalan et al., 2007) décrit un système de transfert de 1. Rappelons que l'arabe est une langue gabaritique. Les mots pleins de l'arabe peuvent être analysés sous la forme d'un gabarit ou schème et d'une racine. 2. La traduction du MSA vers un dialecte peut être intéressante dans une application de transcription automatique de la parole : on traduit en dialecte un corpus MSA afin de construire un modèle de langage pour le dialecte. l'égyptien vers le MSA. 2 Morphologie verbale de l'arabe Le système morphologique verbal de l'arabe est complexe : il met en jeu des phénomènes d'agglutination, de flexion et de dérivation. En revanche, il est très régulier, ce qui permet de le décrire de manière fiable et économique à l'aide de règles. L'objectif de cette section est de décrire brièvement les différents aspects de la morphologie verbale de l'arabe, en particulier les notions de clitiques, d'affixes, de lemmes, de racines et de schèmes. Ces notions nous permettront, en 3, de décrire de manière précise les différences entre la morphologie verbale du MSA et du tunisien et, en 4, d'introduire le système d'analyse et de génération morphologique que nous utilisons. Dans la suite de cet article, nous présenterons nos exemples en alphabet arabe et sous une forme translitérée mise entre crochets. Pour cela, nous utilisons la translitération proposée par (Buckwalter, 2004). 2.1 Agglutination La langue arabe est fortement agglutinante : des articles, des conjonctions, des prépositions, matérialisés par des clitiques, se rattachent aux formes fléchies. On distingue généralement les proclitiques qui se situent avant la forme fléchie et les enclitiques qui se situent après. Les clitiques sont optionnels et invariables (leur forme ne varie pas selon le verbe auquel ils se rattachent). Le verbe arabe admet un seul enclitique, le pronom complément d'objet direct (PRN_D), qui varie en genre et en nombre et les proclitiques suivants présentés selon leurs positions, du plus éloigné au plus proche du verbe : - - - - QST : la particule d'interrogation ‫أ‬Á [>a] "est-ce que" CNJ : les conjonctions ‫و‬ Á [wa] "et" et ‫ف‬Á [fa] "alors" PRP : la préposition ‫ـ‬i‫[ ل‬li] "pour" et la particule d'accentuation ‫ـ‬a‫[ ل‬la]. PRT : la particule de futur ‫ـ‬a‫[ س‬sa] et les particules de négations ‫[ لا‬lA] et ‫[ ما‬mA] La structure d'un verbe arabe peut être décrite par l'expression régulière suivante : QST? CNJ? PRP? PRT? forme fléchie PRN_D? Illustrons cela sur le verbe ‫ا‬a‫نه‬a ‫و‬u‫تب‬u ‫ك‬a‫ست‬ a ‫أ‬Á [>asataktubuwnahA], qui se traduit en français par "est-ce que vous l'écrirez". Ce verbe est composé de deux proclitiques, l'article d'interrogation ‫أ‬Á [>a] et la particule de futur ‫ـ‬a‫[ س‬sa], une forme fléchie ‫ن‬Á ‫و‬u‫تب‬u ‫ك‬a‫[ ت‬taktubuwna] et un enclitique pronom d'objet direct ‫ا‬a‫[ ه‬hA]. L'opération qui consiste à séparer les clitiques du verbe est généralement appelée segmentation. Celle-ci pose des problèmes d'ambiguïté dans une perspective de traitement automatique. En effet, dans certains cas, plusieurs segmentations sont possibles, comme dans le cas du verbe ‫[ وعده‬wEdh] qui peut être décomposé en wEd+h "il l'a promis" ou bien comme w+Ed+h "et il l'a compté". L'ambiguïté est plus importante lorsque les diacritiques ne sont pas représentés, comme c'est généralement le cas dans les corpus arabes. 2.2 Flexion La flexion verbale de l'arabe est très régulière. Elle est fondée sur la concaténation d'affixes aux lemmes verbaux. La détermination des affixes repose sur les valeurs des traits morphologiques suivants : - Aspect : l'arabe distingue trois aspects : le perfectif utilisé quand l'action est accomplie. C'est l'aspect le plus simple d'un point de vue morphologique. Utilisé avec la troisième personne du singulier, il représente la forme canonique d'un verbe, à l'instar de l'infinitif en français. L'imperfectif indique que l'action est en train de se réaliser, sans être achevée. Il exprime le présent, et permet d'exprimer le passé et le futur à l'aide des particules. L'impératif indique l'injonction. Il ne peut être conjugué qu'à la deuxième personne. - Mode : l'indicatif employé dans une proposition principale. Le subjonctif employé dans une proposition subordonnée. Le jussif ou l'apocopé exprime la négation, l'interdiction ou le conditionnel. Le mode s'applique uniquement à l'aspect imperfectif. - Personne, genre et nombre du sujet : comme en français, on distingue trois personnes, deux genres, le masculin et le féminin. En revanche, l'arabe distingue trois valeurs pour le nombre le singulier, le duel et le pluriel. Le tableau 1, décrit les affixes de la première personne selon le nombre, l'aspect et le mode du verbe. Le duel, l'impératif et le genre n'interviennent pas quand il s'agit de la première personne. personne nombre singulier 1 Aspect perfectif imperfectif perfectif pluriel imperfectif Mode indicatif subjonctif jussif indicatif subjonctif jussif préfixe > > > n n n suffixe tu u a o nA u a o Exemple [katab] katabtu >aktubu >aktuba >aktubo katabnA naktubu naktuba naktubo TABLE 1: Affixes de flexion des verbes arabes pour la première personne 2.3 Racines et schèmes Les lemmes verbaux arabes sont dérivés à patir d'une racine et d'un schème. La racine est une séquence de trois ou quatre lettres qui définit une notion abstraite. La racine ‫[ كتب‬ktb], par exemple, est associée à la notion d'écriture alors que la racine ‫[ درس‬drs] et liée à la notion d'étude. Un schème, appelé aussi gabarit ou patron, est une séquence composée de chiffres et de lettres qui définit le format du lemme. Le processus de génération d'un lemme consiste à remplacer chaque chiffre du schème par la lettre correspondante dans la racine. Reprenons a [katab], il est obtenu à partir de la racine ‫ ك ت ب‬ktb et le l'exemple du lemme verbal ‫ب‬a‫كت‬ schème 1a2a3 en remplaçant, les chiffres 1, 2 et 3, par les lettres correspondantes de la racine. Un schème est porteur d'un sens général, tel que le factitif, le nom prototypique de la personne qui effectue l'action, le résultat de l'action..le schème marque aussi la voix (on distinge l'actif et le passif sans agent) et l'aspect. Le tableau 2 représente quelques schèmes des verbes arabes pour l'aspect perfectif ou imperfectif ainsi que leurs significations. Nous avons indiqué entre parenthèse le schème de la voix passive. perfectif 1a2a3 (1u2i3) 1a22a3 (1u22i3) 1A2a3 (1uw2i3) ta1A2a3 (tu1uw2i3) 1a23a4 (1u23i4) ta1a23a4 (tu1u23i4) imperfectif a12a3 (u12a3) u1a22i3 (u1a22a3) u1A2i3 (u1A2a3) ata1A2a3 (uta1A2a3) u1a23i4 (u1a23a4) ata1a23i4 (uta1a23a4) signification sens de base causalité réciprocité implicite réciprocité explicite sens de base forme réfléchie de 1a23a4 TABLE 2: Exemples de schèmes verbaux arabes 3 Morphologie verbale du tunisien Plusieurs travaux récents s'intéressent au dialecte tunisien : (Mejri et al., 2009) a présenté la situation linguistique en Tunisie en décrivant les systèmes phonologiques, morphologiques et syntaxiques du tunisien. (Ouerhani, 2009) a étudié les phénomènes d'interférence entre la morphologie verbale du tunisien et celle de l'arabe standard d'une part, et la relation entre les verbes tunisiens et français (le cas de l'emprunt) d'autre part. 3.1 Agglutination Au niveau de l'agglutination, deux phénomènes distinguent le tunisien du MSA. D'une part certains clitiques MSA sont réalisés sous la forme de particules indépendantes en tunisien et vice-versa. D'autre part, la forme de certains clitiques change. Ces phénomènes sont décrits plus en détails ci-dessous : - le proclitique d'interrogation MSA ‫أ‬Á [>a] "est-ce que" devient en tunisien l'enclitique ‫ش‬ [$] La forme verbale MSA ‫ت‬Á ‫ت ْب‬a ‫ك‬ a ‫أ‬Á [>akatabta] "est-ce que tu as écrit", par exemple, se traduit en tunisien par ‫ش‬i‫بت‬i‫[ كت‬ktibti$]. - la préposition ‫ـ‬i‫[ ل‬li] "pour" et le proclitique du futur ne sont plus rattachés aux verbes. Tous les deux se traduisent par la particule indépendante ‫[ باش‬bA$] qui se situe avant le verbe : les formes ‫ب‬u‫كت‬a‫لت‬i [litaktub] "pour que tu écrives" et ‫ب‬u‫كت‬a‫[ ست‬sataktub] "tu écriras" sont exprimés en tunisien par ‫ب‬i‫كت‬i‫[ باش ت‬bA$ tiktib]. - le pronom complément d'objet indirect (PRN_I) qui est détaché du verbe en MSA se réalise sous la forme d'un enclitique en tunisien, par exemple les deux formes ‫ك‬ Á ‫ل‬a ‫ت‬Â ‫ب‬a‫كت‬ a [katabtu laka] en MSA sont rattachées en tunisien ‫ك‬i‫بتل‬i‫[ كت‬ktibtlik] "je t'ai écrit". La structure d'un verbe tunisien peut être décrite par l'expression régulière suivante : ? PRT? forme fléchie PRN_D? PR N _I ? ( NEG|QST)? 3.2 Flexion De manière générale, la flexion des verbes tunisiens est plus pauvre que celle des verbes MSA. En particulier, le mode n'est plus marqué, les valeurs du nombre qui étaient au nombre de trois en MSA (singulier, duel et pluriel) sont réduits à deux (singulier et pluriel). Quant au genre, il n'est spécifié que lorsqu'il s'agit de la troisième personne du singulier. La liste des affixes sujet de la première personne sont représentés dans le tableau 3. Ce dernier peut être mis en regard du tableau 1. personne nombre singulier 1 pluriel Aspect perfectif imperfectif perfectif imperfectif préfixe n n suffixe t o nA uwA Exemple : ktib "écrire" ktibt niktibo ktibnA niktbuwA TABLE 3: Affixes de flexions des verbes tun is iens pour la première personne D'autre part, contra irement au MSA qui marque la voix dans le schème verbal, le tunisien marque la voix passive sous la forme du préfixe ‫[ ت‬t] 3. La forme MSA passive ‫ب‬Á ‫ت‬i ‫ك‬ u [kutiba] "il est écrit" devient en tunisien ‫ب‬i‫كت‬Ã‫[ ت‬tiktib]. 3.3 Racines et schèmes Hormis les emprunts, les lemmes verbaux tunisiens dérivent d'une racine et un schème, comme pour le MSA. Il y a en général correspondance bi-univoque entre un schème MSA et un schème tunisien sauf dans certains cas où un schème MSA peut correspondre à deux schèmes tunisiens 3. Nous aurions aussi pu définir le passif avec les schèmes, en ajoutant un /t/ au début de chaque schème de la voix active. ou bien à aucun schème tunisien. La correspondance entre les schèmes MSA présentés dans la section 2 et les schèmes tunisiens est donnée dans le tableau 4. perfectif schème_MSA schème_TUN 1a2a3 12a3 1a22a3 1a22a3 1A2a3 1A2a3 ta1A2a3 t1A2a3 1a23a4 1a23i4 ta1a23a4 ta1a23i4 imperfectif schème_MSA schème_TUN a12a3 a12a3 u1a22i3 1a22a3 u1A2i3 1A2a3 ata1A2a3 it1A2a3 u1a23i4 1a23i4 ata1a23i4 ta1a23i4 TABLE 4: Correspondance des schèmes MSA et tunisiens 4 Analyse et génération morphologiques L'analyse et la génération morphologiques de notre système sont réalisées par l'outil MAGEAD (Habash et Rambow, 2006; Habash et al., 2005). Ce dernier est un système à base de règles qui permet de décrire les systèmes morphologiques des différentes variétés de l'arabe (dialectes et MSA) et de les compiler sous la forme d'un transducteur fini. Une des idées maîtresses qui sous-tendent le système MAGEAD est le partage des connaissances linguistiques communes à plusieurs variétés de l'arabe. En , comme nous l'avons vu ci-dessus, les variétés de l'arabe se distinguent par certains aspects lexicaux et morphologiques mais en partagent d'autres. L'architecture de MAGEAD permet de ne représenter qu'une fois ce qui est commun à plusieurs variétés de l'arabe. MAGEAD effectue une analyse morphologique profonde. Partant d'une forme verbale ou nominale de l'arabe, il en fait l'analyse sous la forme d'une racine, d'une classe et de traits morphologiques. Ces derniers sont au nombre de 9 : P❊❘, ●❊◆, ◆❯▼, ❆❙P, ❱❖■❈❊, ◗❙❚, ❈◆❏, P❘❚, P❘◆. Les cinq premiers traits définissent respectivement la personne, le genre, le nombre, l'aspect et la voix. Alors que les quatre derniers traits indiquent les clitiques (question, conjonction, particule et pronom d'objet direct). La combinaison de ces traits va permettre de sélectionner un schème, des affixes, des clitiques et de les combiner afin de produire une forme verbale. MAGEAD distingue quatre niveaux de représentation. Nous les décrirons ci-dessous en nous appuyant sur un exemple, qui est la forme ‫[ ازدهرت‬Aizdaharat], "elle a prospéré". - la représentation profonde. A ce niveau de représentation, une forme est représentée, comme nous l'avons mentionné ci-dessus, sous la forme d'une racine, d'une classe, appelée MBC (pour Morphologic Behavioural Class) et de traits morphologiques. Ce niveau est commun à toutes les variantes de l'arabe. A ce niveau, notre exemple est représenté sous la forme suivante : ❘❖❖❚✿3❤r ▼❇❈✿✈r❜✲❱■■■ P❖❙✿❱ P❊❘✿✸ ●❊◆✿❢ ◆❯▼✿s ❆❙P✿♣ - la représentation en morphèmes abstraits. Les morphèmes abstraits sont des morphèmes qui pourront se réaliser différemment dans des variétés différentes de l'arabe. Notre exemple est représenté à ce niveau de la façon suivante : ❘❖❖❚✿3❤r P ❆❚ P❱✿❱■■■❱❖❈P❱✿❱■■■✲❛❝t✰❙❯❇❏❙❯❋P❱✿✸❋❙ Les trois premiers morphèmes décrivent la racine, le schème (patron) et le vocalisme 4. L'ensemble de ces trois morphèmes définissent un lemme. Le dernier morphème décrit un suffixe indiquant le genre, le nombre et la personne du verbe. Un tel suffixe pourra se réaliser différemment selon la variété d'arabe considérée. Le passage du niveau profond au niveau morphologique abstrait est réalisé à l'aide des MBC. Ces derniers permettent d'associer des traits morphologiques à des morphèmes abstraits. Cette association est réalisée à l'aide de règles dont la partie gauche est constituée d'un ou plusieurs traits et la partie droite est constituée d'un morphème profond. C'est en particulier la règle suivante qui donnera naissance au morphème ❙❯❇❏❙❯❋P❱✿✸❋❙ : ❆❙P✿♣P❊❘✿✸●❊◆✿❢◆❯▼✿s ✲❃ ❙❯❇❏❙❯❋P❱✿✸❋❙ Les MBC sont représentés sous la forme d'une hiérarchie, les MBC héritent de leurs MBC ancêtres un certain nombre de propriétés. C'est cette représentation hiérarchique qui permet de factoriser des règles communes à plusieurs MBC. - la représentation en morphèmes concrets. A ce niveau de représentation, les morphèmes abstraits sont réalisés sous la forme de morphèmes concrets. Notre exemple se représente maintenant de la façon suivante : ❁3❤r✱ ❆❱✶t❱❱✸✱ ✐❛❛❃ ✰ ❛t le suffixe ✰❛t indique la personne, le genre et le nombre du sujet. Le triplet ❁3❤r✱ ❆❱✶t❱❱✸✱ ✐❛❛❃ regroupe les trois composantes du lemme : la racine, le schème et le vocalisme. Ces trois composantes vont permettre de générer le lemme proprement dit. Le principe de génération relève de la morphologie non concaténative, elle consiste à remplacer les symboles 1,2 et 3 du schème par le permier, second et troisième symbole de la racine. Les symboles V sont quant à eux remplacés par les symboles qui consituent le vocalisme. Le résultat de cette opération est la chaîne ❆✐3t❛❤r❛. La première consiste à créer la nouvelle hiérarchie des MBC spécifiques au dialecte décrit. Dans notre cas, nous avons défini, pour chaque schème tunisien, un nouvel MBC dans la hiérarchie. La deuxième étape consiste à définir de nouveaux morphèmes abstraits tels que, dans notre cas, l'enclitique de négation, ainsi que les morphèmes concrets leur correspondant. Dans le cas du tunisien la majorité des morphèmes concrets sont différents de ceux du MSA. La troisième étape concerne les règles phonologiques et orthographiques propres au dialecte 4. MAGEAD ne manipule pas directement des schèmes, il les décompose en deux parties, d'une part une forme non diacritée du schème et d'autre part les diacritiques qui vont permettre de vocaliser cette forme afin d'obtenir un schème décrit. Il existe en particulier une règle spécifique au tunisien qui remplace la troisième lettre de la racine, si cette dernière est défectueuse 5, ainsi que la voyelle qui la précède par la voyelle longue ‫[ ا‬A] lorsque le suffixe sujet commence par la voyelle fermée [u] ou [i] (ce qui est le cas pour la troisième personne du singulier féminin et la troisième personne du pluriel). Le verbe ‫[ مشى‬m$aY] conjugué à la troisième personne du singulier féminin donne ‫[ مشات‬m$At] alors qu'à la troisième personne du pluriel il donne ‫[ مشاوا‬m$AwA]. 5 Lexique Comme nous l'avons décrit dans l'introduction, notre lexique apparie des couples (racine, MBC) en MSA avec des couples (racine, MBC) en tunisien. Le lexique est composé de 1638 entrées. Il a été réalisé à partir du corpus de l'Arabic Tree Bank (ATB) (Maamouri et al., 2004) qui est composé de 120 transcriptions d'émissions d'actualité en MSA diffusées par différentes chaînes arabes. Ce corpus comporte 29911 occurences verbales. Afin d'extraire les lemmes et les racines de ces verbes, nous avons eu recours à l'analyseur morphologique ELIXIRFM (Smrž, 2007) qui permet, étant donné une forme fléchie en MSA, d'en extraire le lemme et la racine. Chaque occurrence de lemme MSA a été ensuite traduite, en contexte, par un locuteur natif, en tunisien. A ce stade, les entrées du lexique sont composées, côté MSA d'un lemme et d'une racine et, côté tunisien, d'un lemme. Nous avons alors associé à chaque entrée, du côté MSA, un MBC et pour chaque lemme, côté tunisien, un MBC et une racine. Comme nous l'avons décrit dans la section 4, lorsque le comportenement d'un verbe tunisien n'était pas décrit par un MBC MSA, un nouvel MBC a été créé. En ce qui concerne les racines, dans 81,49 % des cas, nous avons identifié une racine arabe existante. Lorsqu'il n'existait pas de racine pour un lemme donné, nous avons eu recours à une méthode déductive pour en créer une nouvelle. En effet, étant donné l'équation racine + schème = lemme, lorsque nous disposons d'un lemme et d'un schème il est possible d'en déduire une racine. A l'aide de ce processus, nous avons défini une centaine de nouvelles racines spécifiques au tunisien. Dans sa forme actuelle, le lexique est composé de 1638 entrées. Du côté tunisien l'ensemble des racines s'élève à 646 et du côté MSA à 1050. L'ambiguïté est donc plus importante dans le sens tunisien → MSA que dans le sens MSA → tunisien. De manière plus précise, dans 587 cas, à un couple (racine, MBC) tunisien correspond un couple (racine, MBC) MSA et dans 333 cas, il lui en correspond plusieurs. Nous reviendrons plus en détails sur l'ambiguïté dans la partie 6. 5. Les lettres défectueuses dans l'arabe sont ‫[ و‬w] et ‫[ ي‬y] 6 Evaluation Le processus de traduction d'une forme verbale en tunisien en une forme verbale MSA se décompose en trois étapes : l'analyse morphologique à l'aide de l'outil MAGEAD adapté au tunisien, le transfert lexical réalisé au niveau des racines grâce à un lexique MSA-tunisien et la génération de la forme verbale MSA grace à l'outil MAGEAD pour le MSA. Rappelons que chacune de ces étapes est réversible et que l'on peut symétriquement traduire une forme verbale MSA en une forme verbale en tunisien. De manière plus précise, à partir d'un verbe source, MAGEAD produit toutes ses analyses possibles, chacune d'elles est composée d'une racine-source, d'un MBC-source et de différents traits morphologiques. Le couple (racine-source, MBC-source) permet de faire un accès au dictionnaire pour extraire un ou plusieurs couples (racine-cible, MBC-cible). Les traits morphologiques sont quant à eux conservés tels quels. Le processus est décrit dans la figure 1. racine source verbe source MAGEAD_ANA MBC source traits morpho. lexique traits morpho. verbe cible MAGEAD_GEN MBC cible ra cine cible FIGURE 1: Traduction d'une forme verbale d'une langue source vers une langue cible Cette architecture recèle deux sources d'ambiguïté. D'une part, l'analyse peut créer plusieurs couples (racine-source, MBC-source) et, d'autre part, le lexique peut proposer pour un couple (racine-source, MBC-source) plus d'un couple (racine-cible, MBC-cible). Comme nous l'avons mentionné dans l'introduction, l'objectif général de ce travail n'est pas de produire un système de traduction du tunisien vers le MSA mais de générer à partir d'un texte tunisien une version de ce dernier sous une forme se rapprochant du MSA, de sorte que des outils de traitement automatique du MSA, tel que des étiqueteurs morpho-syntaxiques ou des analyseurs syntaxiques puissent être utilisés sur cette nouvelle forme du texte avec des résultats satisfaisants. La réelle évaluation sera donc réalisée sur la sortie de ces outils. Les expériences décrites ici ne fournissent qu'une évaluation partielle, elles permettent de mesurer dans quelle mesure, pour une forme verbale tunisienne en entrée, la forme verbale MSA correcte est générée en sortie. L'évaluation de ce processus est confronté au problème de l'absence de ressources écrites pour les dialectes. Afin de pallier ce problème, nous avons eu recours au livre (Dhouib, 2007) qui est une pièce de théatre écrite en tunisien. Les 1500 occurrences de formes verbales ont été identifiées et traduites en contexte, en tunisen, par deux locuteurs natifs. A l'issue de ce processus, 1500 couples (forme tunisienne, forme MSA) ont été produits et cet ensemble a été divisé en deux parties égales. La première constituant un de développement et la seconde un ensemble de test. Deux métriques standard ont été utilisées pour évaluer le processus : la précision, qui indique la proportion de cas pour lesquel la forme cible correcte a été produite et l'ambiguïté, qui indique le nombre de formes cible produites en moyenne, pour une forme source. Les expériences ont été réalisées dans le sens tunisien vers MSA et dans le sens MSA vers tunisien. Nous avons distingué les résultats sur les types et sur les occurrences. L'ensemble de développement a permis de combler quelques lacunes de l'analyseur et du générateur morphologique et d'enrichir notre lexique. Les résultats des expériences sur le corpus de développement sont donnés dans le tableau 5. TUN ⇒ MSA MSA ⇒ TUN précision occurences types 87.65 86.68 89.56 88.74 ambiguïté occurences types 25.42 23.33 1.25 2.87 TABLE 5: Précision et ambiguïté de la traduction des verbes de l'ensemble de développement Ces expériences ont été, ensuite, lancées sur l'ensemble de test (cf. tableau 6). La grande différence entre l'ensemble de développement et celui du test est le lexique. En effet, dans les expériences sur les données de développement, toutes les paires (racine, MBC) qui ne se trouvent pas dans le lexique ont été rajoutées. TUN ⇒ MSA MSA ⇒ TUN précision occurences types 76.43 74.52 79.24 75.1 ambiguïté occurences types 26.82 25.57 1.47 3.1 TABLE 6: Précision et ambiguïté de la traduction des verbes de l'ensemble de test Une analyse d'erreurs dans le sens TUN⇒MSA a montré que 34.6% des erreurs proviennent du lexique, alors que 14.5% d'erreurs proviennent de MAGEAD MSA et 51.9% proviennent de MAGEAD tunisien. La plupart des erreurs commises par MAGEAD sont dûes aux phénomènes morphologiques qui n'ont pas encore été implémentés, en particulier les verbes quadrilitères et l'impératif des verbes défectueux. D'autres erreurs spécifiques à MAGEAD tunisien proviennent des verbes pour lesquels la première ou la troisième lettre de la racine est "hamza" ‫ ]'[ ء‬qui nécéssitent un traitement spécifique. D'autre part, cette analyse d'erreurs a révélé deux types d'ambiguïtés : l'ambiguïté lexicale, dans 30% des cas et l'ambiguïté morphologique dans 70% des cas. 7 Conclusion Nous avons proposé dans cet article un système de traduction de formes verbales depuis le tunisien vers le MSA et vice-versa. Ce travail s'inscrit dans un projet plus général de traduction des dialectes de l'arabe vers des approximations du MSA. Les résultats donnés par ce système sont environ 76% pour le passage du dialecte tunisien à l'arabe standard et 79% de performances dans l'autre sens. L'architecture développée va être utilisée pour traduire les noms. Nous n'avons pas traité ici le problème de l'ambiguïté : comment choisir une traduction lorsque plusieurs sont proposées par le système? Il sera traité dans une étape ultérieure par l'utilisation d'un modèle de langage, appris sur des corpus MSA. Un tel modèle de langage permettra de sélectionner la séquence de meilleure probabilité..
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a) Les perceptions de la BCE comme un acteur distinct de la Bundesbank. Tout d'abord, certains acteurs de l'UEM considèrent que la BCE a su adopter dès sa création des positions se distinguant de la Bundesbank et de l'orthodoxie monétaire qu'elle représente. Par exemple, on sait que l'adoption de deux piliers d'analyse dans la fixation de sa politique monétaire représente un écart par rapport à la Bundesbank pour qui l'analyse de l'évolution de la masse monétaire était prépondérante dans ses décisions (cf. chapitre 3, II, B). Ainsi un agent de la Commission ayant une vision plutôt négative des influences orthodoxes au sein de la BCE précise que : « Ils ont toujours adopté une position très pragmatique dans leur lutte contre l'inflation, vous ne m'entendrez jamais dire que c'est des ayatollahs de la lutte contre l'inflation, ce n'est pas le cas. Si vous regardez leur track record dans les années 2000, il est arrivé à beaucoup de moments qu'ils baissent les taux à un moment où l'inflation était supérieure à leur objectif. En pratique, ils ont toujours suivi une espèce de mixte tacite inflation/croissance même s'ils ne l'ont jamais dit. Les différence réelles entre la BCE et la Fed sont beaucoup moins importantes qu'on ne le croit595. » Pour un autre agent de la Commission, le choix du SMP par la BCE n'a pas été une surprise car : « Ils ont toujours adopté des comportements rationnels, ils ont su s'arracher à certains dogmes, elle s'est départie de la tutelle de la Bundesbank et de sa manière de penser [] ils étaient émancipés dès le départ596. » Face aux mesures exceptionnelles prises par la Banque pendant la crise, ces ne considèrent pas que ces décisions représentent un changement fondamental dans son action. Ainsi, un ancien membre de l'EFC considère qu'il n'y aucune adaptation du credo de la BCE sur sa doctrine fondamentale (la stabilité des prix) et que toutes les mesures prises depuis le 595 596 EN 01. EN 17. 441 début de la crise restent dans son mandat597. De même, un membre de l'EPC considère que la BCE est restée orthodoxe d'une certaine manière car elle n'a pas mis en place d'actions exceptionnelles comme celle que la Fed a mises en place598. b) La flexibilité de la BCE par rapport au paradigme ordo-libéral comme un atout Si pour ces agents l'action de la BCE pendant la crise n'a pas été particulièrement surprenante, ceci n'est pas le cas pour la majorité de ses audiences599. On a pu se rendre compte plus haut que la réputation de la BCE s'est principalement développée autour de sa dimension orthodoxe. Le risque que courrait la BCE pendant la crise était alors de rester trop attachée à ses principes ordo-libéraux et de ne pas répondre à la situation exceptionnelle provoquée par la crise. Ceci pouvait alors engendrer soit un effondrement de la zone euro, soit une remise en cause de son indépendance par les dirigeants de l'UEM recherchant un acteur plus coopératif. L'analyse de ses instruments de politique monétaire a montré que la Banque a bien dévié de son orthodoxie monétaire tout en cherchant à en limiter les risques. Ce jeu lié à la défense de sa réputation a été perçue de manière positive par les audiences de la Banque, comme l'expose cet extrait d'entretien avec un membre de l'EFC : « La BCE a ajouté un montant extraordinaire de crédibilité [au SMP] en étant dogmatique quand c'était ok d'être dogmatique et en étant extrêmement pragmatique quand il a fallu l'être []. Il faut atteindre le bon équilibre en étant dogmatique quand c'est nécessaire et du coup, quand vous devenez pragmatique, vous avez beaucoup plus de crédibilité parce que vous savez que c'est sérieux.600 ». De même, un autre membre de l'EFC déclare que : « Si la BCE était restée sur sa ligne d'orthodoxie, ça n'aurait pas été efficace et elle aurait perdu de sa crédibilité. L' ie c'est bien en temps normal, mais pas en temps exceptionnel. Il y a une frontière étroite entre la gestion et le leadership. La gestion c'est quand vous suivez la procédure, les règles et le travail ordinaire, le leadership c'est quand vous comprenez que le monde a changé, qu'il y'a des nouvelles 597 EN 09. EN 03, notons que cet entretien s'est pourtant déroulé après le choix du SMP. 599 Seuls 5 des enquêtés sur un total de 30 ont déclarés ne pas être surpris par l'action de la BCE ou ne pas considérer qu'elle représente un réel changement. 600 EN 29. 598 442 règles et que vous avez besoin d'un nouveau modèle. Stark est plus un gestionnaire et Trichet est plus leader. C'est une bonne chose que la BCE ait su adopter un comportement de leader601. » Enfin, une dernière confirmation de la bonne réception de ce jeu est illustrée par cet extrait d'entretien avec un autre membre de l'EFC : « Trichet a été très bon étant donné qu'il a été orthodoxe quand il fallait l'être et flexible quand il devait l'être tout en ne perdant pas son statut d'orthodoxie, c'était très subtil602. » Ces trois extraits d'entretiens illustrent parfaitement ce que nous avions analysé dans le chapitre 5 sur les ajustements de la BCE sur sa réputation. Elle a su garder auprès de ses audiences sa réputation orthodoxe tout en gagnant du crédit grâce à son adaptation aux circonstances exceptionnelles provoquées par la crise. Ainsi, un agent de la Commission considère que : « Depuis la crise, la BCE a gagné du prestige du fait de son activité. Elle a mieux réagi que la Fed ou la Banque d'Angleterre, elle s'en sort avec un prestige considérable, toutes leurs décisions ont été très très importantes et dans le bon timing603. » Un des coordinateurs de l'EFC considère aussi que « La BCE a fait du très bon travail en tant que banque centrale, son bilan en terme d'inflation est impressionnant. Ils ont dû intervenir pour stabiliser les situations des marchés après le 9 mai, ça a été un vrai défi pour eux et je ne me serai certainement pas attendu à ceci il y a 10 ans mais je pense que c'était approprié604. » Cette notion de défi est aussi relevée par un parlementaire européen : 601 EN 27. 603 28. 604 602 443 « Le besoin est tel qu'ils ont besoin de prouver qu'ils sont flexibles, je suis positivement surpris et impressionné par les capacités de prise de décision de la BCE605. » Même l'enquêté de la Commission ayant des vues négatives sur le rôle joué par la BCE dans l'UEM déclare que : « La BCE ne fait pas ces achats pour le plaisir et au moment où elle l'a décidé, c'était un saut dans l'inconnu. c) L'absence de critiques des dirigeants orthodoxes de l'UEM Plus surprenant en revanche : nous n'avons recueilli aucune critique parmi les participants au processus décisionnel sur cette flexibilité alors que les mesures prises par la BCE avaient entraîné des tensions dans les cercles économiques orthodoxes (cf. chapitre 5, III, B). Ainsi, même l'entretien mené avec un banquier central allemand détaché à la représentation permanente allemande ne nous a pas livré de critiques sur les mesures exceptionnelles prises par la BCE608. Les principes défendus par la Bundesbank et les audiences orthodoxes de la BCE ne sont pas repris dans les cercles des décideurs de l'UEM. Ce constat peut s'expliquer par le jeu subtil de la BCE qui donne des gages d'orthodoxie tout en développant des instruments s'éloignant de ces préceptes ainsi que par l'intérêt que peuvent avoir certains dirigeants à cet éloignement. En effet, la personnalité politique dont on aurait pu attendre une critique envers la BCE et un rappel à l'orthodoxie, est sans doute le chef de gouvernement allemand. Or, tout au long de la crise, aucune critique n'a été émise par A. Merkel envers les risques inflationnistes que peuvent provoquer les instruments de la BCE. Ceci peut se comprendre de la manière suivante. Les contraintes électorales pesant sur les dirigeants allemands les empêchent de mettre en place des solutions financières d'envergure supérieures à celle du FESF pour stabiliser les économies des pays périphériques. Le fait que la BCE se substitue aux Etats dans la stabilisation de la zone euro auprès de ses créanciers609 en tant que prêteur en dernier ressort, permet à la chancelière allemande de ne pas avoir à soutenir des décisions qui pourraient mettre danger sa majorité législative au Bundestag. Ainsi, lors de chaque sommet européen, la chancelière doit demander son accord sur le contenu des négociations au Bundestag avant d'en entériner les conclusions. Le fait que la BCE prenne des mesures hétérodoxes en toute indépendance lui permet ainsi d'arriver à des résultats stabilisants pour la zone qu'elle n'aurait pas pu obtenir auprès de son parlement. Il est ainsi logique qu'A. Merkel ne critique pas l'hétérodoxie de la BCE. Au contraire, la chancelière déclare soutenir les décisions que la BCE prend en tout indépendance (Peel et al. 2011). 445 relativement isolés des pressions domestiques lors du processus de négociation leur permet de valider des positions qui pourraient être plus polémiques sur leur espace national. Finalement, l'éloignement des principes ordo-libéraux par la BCE a été une condition indispensable au maintien de sa réputation, et ainsi de son influence, auprès de ses audiences de l'UEM. Encore une fois, un raisonnement contrefactuel aide à la compréhension de ce fait : si la BCE n'avait pas développé d'instruments s'éloignant des principes orthodoxes, les Etats auraient connu des difficultés de refinancement plus accrus sur les marchés et les risques sur la zone euro dans son ensemble se seraient accentués. Il est alors paradoxal de remarquer que la combinaison de la répétition de valeurs ordo-libérales avec la déviation de ces principes dans l'instrumentation de sa politique monétaire permet à la Banque de protéger sa réputation et de conserver son autorité morale auprès de ses audiences scindées en deux groupes aux intérêts pourtant opposés. La manière dont la BCE a géré ce paradoxe dans son discours est étudiée maintenant. 4) l'adaptation du paradigme ordo-libéral dans le discours de la BCE Deux éléments ont permis à la Banque maintenir le paradigme ordo-libéral tout en s'en éloignant suite aux tensions provoquées par la crise. Le premier est le paramétrage de ses instruments de politique monétaire, déjà analysée dans le chapitre 5. L'autre élément est l'adaptation des concepts ordo-libéraux aux nouvelles politiques menées par la BCE dans son discours. De la même manière que la Commission a joué avec la notion de marché (Jabko 2006), la BCE interprète son objectif de stabilité des prix de manière suffisamment flexible pour qu'elle puisse justifier les ajustements successifs sa politique monétaire. Plusieurs politiques liées à la défense et l'adaptation de la réputation se retrouvent alors dans le discours de la BCE. Celles-ci structurent notre analyse. La première est celle de l'utilisation de l'ambiguïté à travers le remaniement sémantique du concept de stabilité des prix (4.a). Ensuite, la BCE cherche à rétablir les frontières entre politiques monétaires et économiques altérées depuis les mesures exceptionnelles prises pendant la crise (4.b). La BCE restreint le champ de responsabilité de la politique monétaire afin d'attribuer la responsabilité d'éventuels échecs du processus de résolution de crise à ses partenaires gouvernementaux. Enfin, la BCE essaye de diffuser une image d'organisation stable dans un univers d'incertitude particulièrement marqué (4.c). 446 a) L'utilisation flexible du concept de stabilité des prix Selon Diez (2001), pour qu'un discours puisse être accepté, il faut qu'il puisse être articulé avec un autre discours dominant dans un système politique donné. Il appelle cette articulation les discursive nodal points. Ces points d'articulation entre les métadiscours présents dans chacune des différentes phases de la crise et la stabilité des prix dans la communication de la BCE sont analysés, ce qui permet de mettre en évidence que la Banque a cherché à adapter le concept de stabilité des prix afin de lier ses nouvelles actions avec son objectif politique initial. En effet, le modèle continental de responsabilité l'oblige à se référer en permanence à ses missions inscrites dans le Traité, car la déviation effectuée par rapport à celui-ci pendant la crise l'obligerait, en théorie, à rendre plus de comptes aux autorités élues. Six mois avant la crise des subprimes, les risques pesant sur la stabilité des prix étaient principalement associés aux prix des biens (nourriture et baril d'essence) et surtout à la fixation des salaires, items classiques des revendications de la BCE (cf. intro). Afin de défendre l'objectif de stabilité des prix, la BCE invoque le fait que depuis sa création les emplois créés dans la zone euro ont été plus nombreux qu'auparavant610 et que ces mesures ont pour but de protéger les couches les plus défavorisées de la population, plus affectées par l'inflation. L'expansion du crédit et de la masse monétaire sont aussi considérés comme des risques potentiels pour la stabilité des prix. Pourtant, ce n'est qu'un mois après le déclenchement de la crise, que la Banque fait part de la montée de l'incertitude liée à la nervosité des marchés et à la réappréciation des risques. Toute comme la question salari , l'instabilité financière est présentée comme un risque pour la stabilité des prix qui n'en devient que plus importante pour calmer les marchés financiers611. Cette articulation circulaire entre stabilité financière et stabilité des prix montre bien les efforts de la BCE pour protéger le bien-fondé de sa mission principale dans un contexte changeant. Jusqu'en octobre 2008, la Banque n'associe pas les notions de stabilité des prix et de stabilité financière, du fait de son besoin de garder ses instruments monétaires orientés vers la lutte contre les tensions inflationnistes qui disparaissent suite à la chute de Lehmann Brothers. 610 « Let me remind all of us that since the euro was set up, we have created more than 12 million jobs. This is much higher than what was achieved in the eight years before the setting-up of the euro, which was over 2 million ». Conférence de presse de J.-C. Trichet, Francfort, 6 juin 2007. 611 Providing such an anchor for medium and long-term inflation expectations is all the more important at times of financial market volatility and increased uncertainty", Conférence de presse de J.-C. Trichet, Vienne, 4 octobre 2007. La Banque va alors mettre en relation sa mission de stabilité des prix à la stabilité financière ; elle ne faisait pas au préalable car les principes ordo-libéraux soutiennent que tout autre objectif que la stabilité des prix n'est pas désirable pour une banque centrale612. Cette position est mise en avant par Jürgen Stark, selon qui, une dualité des instruments se transformerait en dualité d'objectifs et que si la BCE devait prendre en charge la responsabilité de la stabilité financière de la zone euro, elle devrait aussi porter le fardeau de l'instabilité financière de certains pays de l'UEM, l'amener dans des querelles politiques et constituer un risque à son indépendance613 (Atkins 2010b). Afin de protéger sa réputation auprès de ses audiences ordo-libérales, la Banque va subordonner l'objectif de stabilité financière à celui de stabilité des prix. Ainsi, dans la même phrase introductive de l'allocution du président de la BCE, la notion de stabilité financière a remplacé celle de pouvoir d'achat qui prévalait avant septembre 2008614. Une des explications à ce nouveau lien entre la stabilité des prix et la stabilité financière est le début de la révision du système de surveillance macrofinancier en novembre 2008 (cf. chapitre 7, I, B). La Banque qui peut voir ses compétences étendues au delà de la sphère monétaire, développe un argumentaire où sa mission principale (la stabilité des prix) peut garantir la stabilité financière615. Une autre preuve de cette redéfinition stratégique de la stabilité des prix est la justification utilisée par la Banque lorsqu'elle est critiquée sur sa politique monétaire. En période pré-crise, elle mettait en avant le nombre d'emplois créés dans la zone Euro, depuis elle rappelle sa décision du 9 août 2007 et avance qu'elle était la première à prédire type de développements616. 612 Cette position réfère à la vision « stricte » de la politique monétaire (cf. chapitre, I, C) « There is a significant risk that the duality of instruments would translate into a duality of objectives. If the ECB were to take responsibility for financial stability in the euro area, it would also take responsibility of sharing the burden of financial instability across countries in the EMU. This would ultimately drag the ECB into political quarrels that would pose a risk to its independence. ». 614 "The Governing Council will continue to keep inflation expectations firmly anchored in line with its mediumterm objective. In so doing, it supports sustainable growth and employment and contributes to financial stability", Conférence de presse de J.-C. Trichet, Bruxelles, 4 décembre 2008, je souligne. 615 "I can mention that Article 105(6) of the Treaty itself explicitly mentions the possibility for executive branches to decide to confer upon the ECB additional responsibilities in the domain of banking surveillance [] I know that the de Larosière Commission might also examine the issue. I will not say anything else at this stage", Conférence de presse de J.-C. Trichet, Francfort, 15 janvier 2009. 616 "We have many economic difficulties in particular because our fellow citizens have lost some of their confidence. So we have to continue to be able to tell them "you can trust us; we will do all that is necessary, as we have done in the past, we will do what is called for in the circumstances". Remember that we were the first – and we were criticized for it – to diagnose that we were in a very difficult situation and that we had to take bold measures. It was 9 August 2007", Conférence de presse de J.-C. Trichet, Francfort, 2 avril 2009. 613 448 Dès novembre 2009, un nouvel enjeu va prendre une place de plus en plus importante dans la prise en compte des risques pesant sur la stabilité des prix, celui de la soutenabilité des finances publiques. La BCE un lien sans équivoque entre la réussite de la reprise de la zone euro et celle-ci, alors que les difficultés budgétaires des pays de la zone euro n'étaient pas encore une priorité politique617. On assiste ici à la construction d'une nouvelle logique associée à la stabilité des prix qui ne peut pas être assurée si les différents Etats de la zone Euro ne sont pas crédibles envers les marchés, ce qui nécessite des finances publiques équilibrées. La Banque revient ainsi à des thèmes classiques de sa communication et remémore qu'elle a été la seule institution à défendre le PSC en 2005. La dérégulation financière et l'instabilité des marchés, qui sont deux autres causes de la crise, ne sont pas mises au même plan618 que les problèmes liés à la soutenabilité budgétaire. Il existe une dichotomie dans la manière dont la Banque s'adresse aux Etatsmembres en leur demandant de prendre leurs responsabilités et la manière dont elle s'adresse aux marchés financiers dont la régulation est présentée comme un sujet complexe sur lequel il ne faut pas se hâter (cf. chapitre 7, II, C). Un exemple marquant est la réponse de Trichet à un journaliste qui lui demandait si le SMP était destiné à corriger l'attribution de la valeur par les marchés : « Le marché a toujours raison. Et il doit être complètement respecté à tout moment619 ». Le même type d'argument est utilisé dans le débat existant sur la réduction de la valeur des bons du trésor grecs détenus par les investisseurs privés (cf. infra). Répondant à une question sur ce débat, le président de la Banque change le sens de « l'implication du secteur privé620 » et court-circuite la question en développant la réponse sur le sujet des privatisations621. Cette dichotomie entre traitement des marchés et des finances publiques se 617 "As regards fiscal policies, many euro area governments are faced with high and sharply rising fiscal imbalances. If not addressed by a clear and credible exit , this could seriously risk undermining public confidence in the sustainability of public finances and the economic recovery. The very large government borrowing requirements carry the risk of triggering rapid changes in market sentiment, leading to less favorable medium and long-term interest rates.", Conférence de presse de J.-C. Trichet, Venise, 8 octobre 2009. 618 Même si la BCE concède que les agences de notation ne sont pas « optimales » mais qu'il n'existe pas de solutions « évidentes » à ce problème « complexe », Conférence de presse de J.-C. Trichet, Francfort, 7 juillet 2011. 619 « The market is always right. b) La restriction du champ de responsabilité de la politique monétaire Une des tactiques utilisées par la BCE pour gérer le paradoxe entre ses actions pendant la crise et sa réputation originelle est le refus de prise de responsabilité dans la stabilisation de la zone euro. Elle définit le champ de la responsabilité de ses politiques monétaires de manière restrictive conformément aux positions ordo-libérales même si ses nouveaux instruments visent d'autres objectifs que la seule stabilité des prix. Ainsi, quand des questions se portent sur les programmes de rigueur mis en place dans les pays en difficulté, le président de la Banque fait systématiquement reposer tous les enjeux sur leur mise en oeuvre plutôt que le contenu de ceux-ci623. De même, la stabilité financière, qui fait pourtant partie de ses missions, n'est pas considérée comme dépendante des politiques de la Banque. La BCE met en place des nouveaux instruments pour assurer cette stabilité mais refuse d'être garante du résultat et ne présente son rôle que comme de l'assistance something that we have encouraged considerably, particularly in the case of Greece », Conférence de presse de J.-C. Trichet, Francfort, 9 juin 2011. 622 « When you share a single currency with others, the counterpart is that you have to have a sound fiscal policy. It's been said since the very beginning and there is nothing new there. I said all that myself when, at the time, there was some teasing of the concept of the Stability and Growth Pact. A number of us might have a very vivid memory of that. There was a strong call to weaken the Stability and Growth Pact. We said "No! ». It is a crucial part of EMU and there is nothing new in what happens now. », Conférence de presse de J.-C. Trichet, Francfort, 4 février 2010. 623 « There is a plan, and we call for the implementation of the plan! That's all to say, full stop! », Conférence de presse de J.-C. Trichet, Helsinki, 5 mai 2011. technique624. Pour la BCE, la réponse aux problèmes de stabilité financière est nationale et européenne. Sur le plan national, elle consiste à rétablir l'équilibre budgétaire et à implémenter des réformes structurelles625. Sur le plan européen, la Banque réclame l'automaticité des sanctions en cas de dépassement de la limite du déficit budgétaire 626 et l'absence de défauts « non-volontaires » sur dettes des pays en difficulté. Encore une fois, la Banque rappelle des points liés à sa réputation originelle car la soutenabilité budgétaire, les réformes structurelles et de gouvernance de la zone euro sont les items habituels des recommandations ordo-libérales de la BCE. c) La BCE comme une « ancre de stabilité et de confiance » Le titre de cette partie reprend un des éléments de langage les plus fréquemment utilisés par la BCE. Depuis les prémisses de la crise financière, elle se présente comme une « ancre de stabilité » et une « ancre de confiance627" destinées à restaurer la confiance des participants aux marchés financiers dans la zone euro. Cette métaphore maritime renforce les principes ordo-libéraux dans son discours. En effet, elle effectue un raisonnement circulaire entre les notions d'ancre de stabilité, de confiance des investisseurs et d'indépendance des banques centrales. La BCE établit que les difficultés rencontrées lors de la crise financière proviennent essentiellement d'un manque de confiance de la part des citoyens européens et la Banque, du fait de son rôle d'ancre de stabilité, joue une part essentielle pour restaurer cette confiance628. Un élément indispensable, selon la Banque, 624 « However, it is clear that – as I have said many times – the responsibility for maintaining financial stability and orderly financial conditions lies first and foremost with national economic policies », Conférence de presse de Mario Draghi, 3 Novembre 2011. 625 « The main pillar of this is the national economic policy response, which is made up of two components: first, put your public finance in order and, second, undertake structural reforms. In doing so, competitiveness is enhanced, thereby fostering growth and job creation », Conférence de presse de Mario Draghi, 3 Novembre 2011. 626 « More recently, we have been calling for quasi-automaticity, reinforcing sanctions very substantially. I have been asking for a quantum leap », Conférence de presse de J.-C. Trichet, Francfort, 2 décembre 2010. 627 « We consider ourselves as an anchor of stability and an anchor of confidence. I call upon all market participants, economic agents and authorities to take into account that confidence is absolutely of the essence at the present juncture », Conférence de presse de J.-C. Trichet, Francfort, 3 Juillet 2007. 628 « We are extremely keen on preserving what we consider essential in the present circumstances, namely the fact that this institution, the ECB, is an anchor of stability and confidence, and that all that we do must be understood and perceived as such by our fellow citizens. You know that the confidence of our fellow citizens is the most important thing today. We have many economic difficulties in particular because our fellow citizens have lost some of their confidence. So we have to continue to be able to tell them "you can trust us; we will do all that is necessary, as we have done in the past, we will do what is called for in the circumstances ». Remember that we were the first – and we were criticized for it – to diagnose that we were in a very difficult situation and 451 pour préserver cette confiance est la mission de stabilité des prix de la BCE et ainsi son indépendance629. Ceci est un excellent exemple des raisonnements circulaires posés par la BCE. Son indépendance et sa mission de stabilité des prix sont des éléments indispensables pour permettre la confiance des citoyens dans l'institution, ce qui permet alors une stabilisation de l'environnement économique et ainsi la stabilité des prix et le rôle d'ancre de stabilité de la Banque. Ce rôle d'ancre de stabilité est une des composantes de l'autorité morale de la BCE sur ses partenaires de l'UEM. A l'instar de la notion de stabilité des prix, la Banque promeut ce concept « d'ancre de confiance » pour renforcer sa réputation et l'utilise comme un argument d'autorité dans ses relations avec ses partenaires. De même, la confiance des citoyens et des participants aux marchés est présentée comme la solution à la crise. Ceci est un raisonnement marqué par des principes ordo-libéraux que la Banque rappelle afin que ses partenaires ne s'en éloignent pas. En fin de compte, le discours de la Banque est tourné vers la réaffirmation des principes ordo-libéraux auprès de ses partenaires alors que les politiques monétaires s'en éloignent et que la crise met ces principes sous tension. Ce n'est ainsi pas la reddition de comptes démocratiques qui motive et construit le discours de la BCE630 mais ses stratégies de défense et d'adaptation de réputation aux tensions provoquées par la crise. Ce constat renvoie aux questionnements sur les modèles de gouvernance, de régulation et de délégation dans un contexte de rapports de force entre les Etats et les marchés financiers. Jouant son rôle d'interface entre ces deux mondes, la BCE développe sa communication de manière à garder la confiance des marchés et à inciter les responsables étatiques à en faire de même. that we had to take bold measures. It was 9 August 2007 », Conférence de presse de J.-C. Trichet, Berlin, 6 octobre 2011. 629 « At the same time, it is essential that we preserve their confidence that we will continue to deliver price stability in line with our definition in the medium and long run », Conférence de presse de J.-C. Trichet, Berlin, 6 octobre 2011. 630 cf. chapitre 3, III, B. Tout d'abord, les dimensions d'expertise et de monopole sur la monnaie ne permettent pas à elles-seules de comprendre l'influence de la BCE sur les politiques de ses partenaires. Si la BCE n'avait pas été perçue comme un acteur coopératif ou, au contraire, avait été considérée comme une institution s'étant trop éloignée de ses principes originels, elle aurait subi davantage de pressions et de critiques de la part de ses partenaires de l'UEM. Son indépendance et sa crédibilité auraient même pu être en danger et elle aurait pu subir un jugement critique de son action à l'instar de la Fed devant le Congrès (cf. chapitre 6, II, C). La place centrale d'un paradoxe fondamental dans la construction de l'autorité morale de la Banque pendant la crise renforce le fait que la réputation d'une institution n'est jamais figée : elle doit s'adapter en permanence à un contexte changeant tout en prenant en compte le poids de sa trace historique. En effet, c'est le jeu subtil entre écart de l'orthodoxie et promotion de celle-ci qui a permis à la Banque de garder son autorité morale auprès de ses audiences orthodoxes et hétérodoxes pourtant animées par des intérêts différents. Elle a pu mettre ce jeu en place grâce à la gestion de ce paradoxe dans l'instrumentation de sa politique monétaire et dans son discours, ce qui lui a permis de construire des ponts entre ses partenaires et de former des coalitions gagnantes dans le processus de résolution de crise comme le montre l'exemple de la création du FESF lors du week-end du 9 mai. A l'instar de la Commission pendant la création de l'UEM (Dyson et Featherstone 1999; Jabko 2006), la BCE a su construire des « coalitions improbables » pour s'assurer qu'elle doive pas assurer seule le rôle de prêteur en dernier ressort de la zone euro. Le renforcement de l'autorité morale de la BCE auprès des dirigeants de l'UEM pendant la crise lui a permis d'être au coeur du processus de résolution de crise et de faire en sorte que les décisions prises lors de celui-ci soient conformes à ses préférences. C'est le sujet abordé maintenant. 453 III) L'impact de l'influence de la BCE sur le processus de résolution de crise La troisième section de cette partie étudie la manière dont la BCE a su contraindre le choix des réponses à la crise par les dirigeants de l'UEM. Ce phénomène est à la fois un indicateur de l'étendue de son influence et une composante des politiques liées à la défense de sa réputation. En effet, cette capacité de fixer des limites est une résultante des perceptions de la réputation de la BCE analysée précédemment car elle ne possède pas de compétences pouvant lui permettre de bloquer directement le résultat de négociations entre les dirigeants de l'UEM. Les intérêts poussant la Banque à poser ces lignes rouges, consistent en la défense de sa réputation. En effet, elle cherche à s'assurer que les solutions choisies par les dirigeants de l'UEM ne remettent en cause ni son indépendance, ni certains principes ordo-libéraux. Cette capacité de contrôle du résultat des négociations est d'abord abordée (A) avant que des limites à cette influence soient exposées, sans qu'elles indiquent un affaiblissement de la Banque pour autant (B). A) La capacité de la BCE à contrôler le résultat des négociations des acteurs l'UEM La démonstration des preuves indiquant une extension de l'influence au sein du processus de gestion de crise de la zone euro relevées tout au long de ce chapitre auraient été invalidées si les décisions prises par les acteurs de l'UEM étaient allées à l'encontre des préférences exprimées par la BCE. Afin de prouver l'influence de la Banque, les points contentieux soulevés par celle-ci en amont des sommets intergouvernementaux sont relevés et nous vérifions si les dirigeants de l'UEM décident de passer outre les ré ences de la BCE grâce à l'analyse des conclusions de ces sommets. Durant toute notre période d'étude, la Banque n'avait soulevé que deux points qui n'ont pas été pris en compte par les dirigeants de l'UEM mais elle est cependant arrivée à obtenir des concessions sur ceux-ci (cf. infra). L'influence de la Banque sur le processus de résolution de crise grâce à l'aspect coercitif de ses instruments, telles que la définition des plans de rigueur n'est pas prise en compte car elle a déjà été abordée dans le chapitre 5. Enfin, la majorité des décisions prises lors du processus de résolution de crise ne sont pas analysées car elles n'ont pas révélé de désaccords majeurs entre la Banque et ses partenaires, ce qui ne permet pas de dégager une influence particulière de la Banque sur leurs décisions. Dans 454 certaines situations, il est néanmoins possible de montrer que les préférences de la Banque ont directement influencé les décisions de ses partenaires comme dans le cas de l'obtention de la note AAA pour le FESF (A.1), pour son mode de financement (A.2) et enfin dans la décision d'effectuer un sauvetage financier en Irlande (A.3). 1) L'obtention de la note AAA pour le FESF Tout d'abord, lors de la création du FESF, les dirigeants de la BCE ont cherché à s'assurer que la mise en place du fonds soit en coordination avec celle du SMP et qu'il puisse disposer de la notation la plus élevée par les trois agences principales comme le précise un membre de l'EFC ayant participé au week-end du 9 mai : « Leur principale préoccupation lors de l'accord était que le fond obtienne la note AAA. C'était basé sur l'analyse que, pour être efficace en temps de tumulte financier, c'est la seule certitude d'avoir un accès aux marchés. A part ceci, ils voulaient avoir la bonne conditionnalité des politiques à implémenter si un programme spécifique devait être établi. Ici, la conditionnalité a été copié-collé du plan grec631 ». Le FESF a effectivement obtenu la note AAA (Spiegel et al. 2010) en septembre 2010 ce qui lui a permis d'effectuer des levées de fonds sur les marchés secondaires couronnées de succès du fait de la sécurité offerte par la notation et des taux d'intérêt offerts aux investisseurs plus élevés que les titres souverains not de manière équivalente (Oakley et Mallet 2011). Un phénomène typique des politiques de la réputation peut être observé ici. La BCE a su influencer ses partenaires pour orienter l'architecture institutionnelle du FESF grâce à son expertise sur le fonctionnement des marchés financiers, la réussite du fonds a ensuite permis à la Banque de renforcer la reconnaissance de son expertise auprès de ses partenaires de l'UEM. 2) Le financement du FESF Un point contentieux entre la BCE et les dirigeants de l'UEM sur l'architecture des fonds de sauvetage a été relevé dans le cas du MES. 455 liquidité BCE632, ce qui aurait permis à ces instruments d'augmenter leur masse financière (et donc leur capacité de secours aux pays en difficulté financière) sans que les gouvernements n'aient à élever leur capitalisation. Cette solution a d'abord été proposé par un groupe d'intérêt influent633 (Gros et Mayer 2011) et a été ensuite soutenu par plusieurs pays européens (dont la France) et les Etats-Unis, mais l'Allemagne n'était pas en sa faveur (Pisani-Ferry 2012). Audelà du refus de l'Allemagne, la BCE s'est aussi positionnée en mars 2011 contre cette proposition via une opinion légale sur le MES (European Central Bank 2011) dans son article 9. La BCE insiste notamment sur le fait que le MES ne peut pas devenir une contrepartie dans ses opérations monétaires car ceci s'apparenterait à de la monétisation de la dette interdite par l'article 123 du TFUE634. L'opposition de la BCE et de plusieurs BCN comme les banques centrales irlandaise et allemande (Atkins 2011i) et l'Allemagne à ce projet a été une force politique suffisante et témoigne de l'influence de la BCE et de ses alliés ordo-libéraux au sein de l'UEM. De la même façon, une autre solution proposée par le G20 en novembre 2011 a été repoussée par la même coalition d'acteurs. Elle proposait d'utiliser un outil peu connu, les Special Drawing Rights (SDR) pour permettre des solutions d'emprunts à l'Italie (Beattie 2011b). Les SDR sont une unité d'acompte regroupant un panier de quatre devises (le dollar, l'euro, le yen et le sterling) utilisés par les organisations internationales pour payer leurs fonctionnaires. Un des aspects du SDR est que les gouvernements participants au FMI peuvent créer des actifs fondés le SDR et se les échanger. Le plan du G20 était que les pays de la zone euro réunissent leurs actifs fondés sur les SDR et les prêtent à l'Italie. L'idée a cependant été repoussée par la Bundesbank, la BCE et l'Allemagne car cette solution se rapprochant trop du financement monétaire (Beattie 2011b). Quand les acteurs ordo-libéraux de l'UEM sont unis contre une proposition, celle-ci ne peut aboutir à un accord. Il n'est pas possible de distinguer l'influence de la BCE parmi ces autres acteurs mais le fait qu'elle participe à des coalitions gagnantes montre une forme d'influence de celle-ci. 456 période d'observation a atténué la forme de conditionnalité liée à l'assistance financière635 et que la rationalité économique derrière les solutions proposées par la zone euro n'ont pas dévié de celle inscrite dans le PSC et dans les objectifs de Lisbonne de 2000, toutes deux défendues par la BCE. 3) Le sauvetage financier de l'Irlande Le dernier point abordé ici concerne le cas du sauvetage financier irlandais mis en place à la demande de la BCE. Avant la mise en place de l'assistance financière et des plans correctifs en Irlande, les banques irlandaises absorbaient un quart de la liquidité émise par la BCE et 45 milliards d'euros via ses instruments de soutien exceptionnel à la liquidité (ELA) (Atkins 2010c). L'utilisation intensive en volume et dans le temps de l'ELA par les banques irlandaises avait la potentialité d'étendre de manière significative la base monétaire en circulation dans la zone euro et de mettre à mal la cohérence globale de la politique monétaire de la BCE. De plus, la qualité des contreparties lors de l'ELA se détériorait rapidement du fait de l'aggravation de la crise irlandaise et de la dépréciation de la valeur de ses bons du trésor. L'utilisation de cet instrument à d'autres fins que des situations exceptionnelles, constituait ainsi un risque pour le bilan et la réputation de la BCE. La Banque a alors agi pour protéger sa réputation et réduire la dépendance des banques irlandaises à ses offres exceptionnelles de liquidité en montant une coalition au sein du Conseil Européen pour forcer l'Irlande à accepter un plan de sauvetage de l'UE, principalement destiné à recapitaliser ses banques en novembre 2010 (Atkins et Murray 2010). Précisons qu'à ce moment les taux d'intérêts associés à l'émission de dette irlandaise étaient élevés et insoutenables le long terme636 mais que l'économie irlandaise était financée jusqu'au printemps637. La position des autorités irlandaises consistait à attendre une baisse des taux d'intérêts dont la montée était plutôt due aux discussions européennes sur la participation du secteur privé aux plans d'aide plutôt qu'aux fondamentaux de l'économie irlandaise (cf. infra). La BCE précisa le 15 novembre 2010 que les fonds dégagés par le FESF pourraient être utilisés pour recapitaliser son secteur bancaire alors que les autorités irlandaises n'avaient pas demandé d'aide et n'étaient pas favorables à la procédure de secours 635 Basée sur des réformes structurelles et sur la rigueur budgétaire. Ils atteignaient alors 9% (Saunders 2010c). 637 cf. annexe 2. 636 457 financier (Oakley et al. 2010). Il est notable que les banquiers centraux étaient les seuls acteurs à vouloir engager la procédure d'aide financière dans le cas irlandais, les autorités allemandes n'étant notamment pas favorables à l'utilisation des fonds du FESF pour un pays qui ne rencontrait pas de difficulté immédiate de financement (Atkins 2010d). Cette influence de la BCE dans le déclenchement du plan de secours est aussi visible à travers les réactions des autorités nationales à l'activation du FESF comme l'illustre une déclaration du ministre de la justice irlandais : « Les gens à l'intérieur de la BCEont essayé de nous forcer, nous Etat souverain, à demander la mise en place du FESF et à jeter l'éponge alors que nous ne l'avions même pas considéré en tant que gouvernement (Gardner 2010)638 » et d'un représentant syndical « Ce sont des gens qui n'étaient pas invités et qui sont venus quand même, ils sont venus ici pour protéger les banques européennes plutôt que pour nous aider et le méchant de la pièce est Trichet (Gardner 2010)639 ». En aparté, l'impact de ces perceptions nationales sur le rapport à l'Europe n'est pas le sujet de la thèse mais ouvre des pistes de recherche intéressantes : dans quelle mesure les caractéristiques de la mise en place des plans de sauvetage modifient les perceptions sur l'UE dans les pays concernés? Même après le plan de sauvetage, la BCE a veillé à ce que l'utilisation excessive de l'instrument de l'ELA ne nuise pas à son indépendance (et ainsi à sa réputation). Un des aspects de la restructuration du secteur bancaire lié au plan de sauvetage de 'Irlande concernait l'extension des pouvoirs du ministre des finances sur certains établissements de crédit. Parmi ceux-ci, figurait la définition des contreparties devant être acceptés par la banque centrale irlandaise lors des opérations d'ELA. La BCE s'est alors exprimée contre cette mesure dans une opinion légale sur le plan de stabilisation des établissements de crédit en insistant sur la primauté de l'indépendance de la banque centrale irlandaise (European Central Bank 2010c). La mesure n'a pas été appliquée. Au final, ces trois points prouvent que la BCE exerce une influence dans la gestion de la crise de la zone euro hors de son champ de compétences monétaires. 458 offres de liquidité ont suffi pour qu'elle puisse mettre en place une coalition forçant le pays à demander l'aide du FESF. Les caractéristiques et le mode de financement de cette structure ont d'ailleurs été établis selon les préférences initiales de la BCE. Les autorités gouvernementales sont néanmoins allées à l'encontre des préférences initiales de la Banque à deux occasions lors de la crise de la zone euro ; elles sont abordées maintenant. B) Les limites de l'influence de la BCE Deux points du processus de résolution de crise ont exposé un conflit ouvert entre la BCE et les autorités gouvernementales : la participation du FMI aux opérations de sauvetage de la zone euro (1) et le débat autour du défaut partiel des dettes grecques (2). 1) La participation du FMI aux opérations de sauvetage de la zone euro La participation du FMI aux plans d'aide pour les pays en difficulté financière de la zone euro (Grèce, Irlande, Portugal) a été une disposition originale dans la zone euro sur laquelle la BCE n'était pas a priori favorable. Dès le 18 mars 2010, l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas et la Finlande déclarent soutenir une intervention du FMI en Grèce si le pays en a besoin, sur le modèle de l'intervention du Fond dans d'autres pays européens hors zone euro comme la Lettonie ou la Hongrie. L'Allemagne appuie cette position le 23 mars 2010 en déclarant que la participation du FMI est un des trois facteurs indispensables à la mise en place d'un accord sur la Grèce et devient l'avocat le plus tenace en faveur d'une participation du fond640. Cette option a rapidement obtenu l'accord global des acteurs de la zone euro, dont la France. Dès le lendemain, la BCE réagit de manière prononcée à cette proposition par l'intermédiaire d'un entretien de Bini Smaghi641 avec un journaliste de l'hebdomadaire allemand Die Zeit (Atkins 2010e). Il précise que l'intervention du FMI serait dommageable pour l'image de la zone euro et que les réactions des marchés financiers montrent que la participation du FMI pourrait être une mauvaise chose pour la stabilité de la zone euro. La position de la BCE est soutenue implicitement par la Bundesbank qui déclare dans son bulletin mensuel que la contribution du FMI doit être restreinte aux situations comportant un risque de change (Atkins 2010e). Cette intervention particulièrement ferme de L. Bini-Smaghi suivait un message allant 640 cf. annexe 2. 641 Membre du directoire de la BCE en mars 2010. dans le même sens de J.-C. Trichet lors de sa conférence de presse mensuelle qui précisait que la participation financière du FMI au plan d'aide n'était pas une bonne chose642. Malgré ces interventions répétées de la BCE en défaveur d'une intervention du FMI, celle-ci a bien été effective dans le cas grec et des autres plans d'assistance ayant suivi celuici. Il faut noter que la Banque a changé ses positions sur le FMI par la suite en s'accommodant de sa présence et de son partenariat avec celui-ci. J.-C. Trichet a ainsi déclaré qu'il était entièrement satisfait de la participation du FMI au plan d'aide à la Grèce dès le 26 mars (Peel et al. 2010). Ce changement de position peut être interprété comme une simple manoeuvre destinée à ne pas perdre la face suite à la participation in fine du FMI. On peut aussi le comprendre en considérant que ceci n'est pas un sujet essentiel pour la Banque ou par le fait qu'elle ait été rassurée sur le rôle limité du FMI lors des plans d'aide. Nous penchons plutôt pour les deux derniers éléments d'explication car l'exemple suivant montre que quand la BCE considère qu'un projet ne doit pas être adopté, elle reste sur ses positions. L'autre question soulevée par le FMI mais aussi par les études précédentes, est le positionnement de l'Allemagne. Celui-ci semble être le principal facteur expliquant la réussite ou l'échec d'une proposition. Cette affirmation est cependant à nuancer avec l'étude du débat entourant l'implication du secteur privé dans les plans d'aide (PSI) qui est abordé maintenant. 2) Le débat autour du défaut partiel des dettes grecques Le débat autour du PSI a été l'indicateur le plus marquant dans rapport de force entre la BCE et les autres acteurs de l'UEM. Le point de départ du débat est marqué par une rencontre informelle entre A. Merkel et N. Sarkozy à Deauville le 18 octobre 2010. La chancelière allemande a insisté pour qu'une procédure de défaut d'une partie de la dette soit décidée, les représentants français étant d'accord avec le principe mais préférant un remplacement d'anciens titres par des nouveaux643 à la valeur moindre sur la base d'une participation volontaire des investisseurs privés (B. Hall et Peel 2010). 460 pas aux éléments de ce plan » (Euractiv 2010). J.-C. Trichet reprochait notamment à cette idée qu'elle risque de créer un précédent et d'éroder la confiance des investisseurs dans la zone euro. Certaines analyses mettent d'ailleurs en avant que la crainte des investisseurs sur leur droit de créance a enclenché la hausse des taux d'intérêts des pays périphériques sur l'émission de leur dette, amenant l'Irlande à être secourue financièrement par ses partenaires de l'UEM (Saunders 2011; Saunders 2010d). Cette analyse est soutenue par le fait que les participants aux marchés financiers n'ont pas réagi à l'annonce du sauvetage de l'Irlande mais que des variations étaient plus visibles suites aux différentes déclarations des responsables de l'UEM sur le sujet du PSI. La réaction d'A. Merkel aux critiques de la BCE est particulièrement intéressante : « Le président de la BCE essaye de faire tout ce qu'il peut pour calmer les marchés. Nous l'appuyons là-dessus mais nous avons aussi une perspective sur nos citoyens et leur opinion très légitime qu'ils ne devraient pas être les seuls à supporter le coût [des plans de secours] (Spiegel 2010)644 ». Cette déclaration est intéressante car elle illustre des éléments théoriques portant sur l'analyse du modèle de responsabilité démocratique de la BCE (cf. chapitre 3, III, A): ses sources de légitimité ne sont basées que sur ses résultats et non sur la prise en compte des volontés démocratiques comme dans le cas des gouvernements de la zone euro. Ce sont bien ces deux sources de légitimité différentes qui transparaissent dans la réaction de la chancelière allemande. La BCE consolide sa réputation ordo-libérale et garde son rôle d'intermédiaire entre les marchés financiers et les Etats en insistant sur l'importance de la discipline fiscale imposée par les investisseurs et ne se soucie pas des attentes électorales. L'opposition de la BCE n'est pourtant pas prise en compte par les gouvernements de la zone euro qui décident en mai 2011 de mettre en place une opération de défaut ordonnée sur les bons du trésor grec (Chaffin, Hope, et al. 2011). La Banque n'a pas hésité à menacer les dirigeants de l'UEM de provoquer un effondrement complet du système bancaire grec en n'acceptant plus les bons du trésor grecs comme contreparties de ses opérations de politique monétaire (cf. chapitre 5, II, B). Cette lutte entre les acteurs sur le PSI est en plein coeur d'un 644 "The president of the European Central Bank looks at doing everything to calm the markets," Ms Merkel said. "We support him on this, but we also look at our people and their very legitimate belief they should not bear the cost." 461 des enjeux soulevés au début de ce chapitre, à savoir définir qui supporte le coût financier des résolutions de la crise. La BCE s'oppose au PSI du fait de la baisse de confiance supposée des investisseurs qu'il provoque mais aussi des risques que cette mesure peut faire peser sur son bilan financier. En effet, suite aux interventions du SMP, le montant des bons du trésor grec détenus par la BCE était estimé à 45 milliards d'euros en mai 2011 (Anonyme 2011b). Si la réduction de la valeur nominale des bons du trésor grec atteignait 50% ceci correspondrait à une perte de 22,5 milliards d'euros dans le bilan de la BCE. Or, on a déjà pu constater que les banquiers centraux ont peur que les pertes comptables entachent leur réputation : ainsi ils essaient de les éviter (cf. chapitre 5). Les pertes comptables et la perte de confiance des investisseurs sont donc les deux raisons pour lesquelles la BCE s'oppose au PSI645. Pour les Etats de la zone euro, le PSI est un moyen d'alléger la charge financière leur incombant dans les plans de secours mais aussi de donner des gages à leurs électorats en montrant que les investisseurs financiers sont aussi touchés par le coût de la crise. Les raisons les poussant à mettre en place le PSI sont ainsi les mêmes que celles qui ont mené à la participation du FMI aux plans de secours (allégement de la charge financière). Cependant, la BCE ne s'aligne pas sur les positions Etats-membres et va être soutenue par la Bundesbank dans cette lutte sur le PSI (Atkins 2011j). Malgré la convergence des positions de tous les Etats-membres en faveur du PSI, les banquiers centraux vont obtenir trois compromis importants sur celui-ci. En effet, la BCE a déclaré le 22 juillet 2011 être satisfaite par les conclusions du sommet, et Jens Weidmann a précisé que les décisions ont pris en compte les remarques de la Bundesbank et de l'Eurosystème (Wilson 2011). 462 parvenue à éviter que la restructuration des bons du trésor s'applique à ceux détenus dans son bilan (Wilson 2011). Ces concessions révèlent la force de l'influence de la BCE et la difficulté qu'ont les pays de l'UEM à mettre en place des solutions à la crise auxquelles la Banque s'oppose. Pourtant le PSI ne rentre pas à priori dans le champ de compétence de la BCE et est plutôt placé au coeur des enjeux régaliens propres à un Etat car il touche in fine à leur fiscalité. Le positionnement de la Banque sur cette question et sa capacité à obtenir des compromis importants montrent bien sa volonté de défendre des principes et ainsi sa réputation, ainsi que sa capacité à le réaliser. Finalement, il est intéressant de noter que le « précédent de Deauville » est régulièrement pointé par les banquiers centraux comme une des causes de l'aggravation de la crise. Ainsi, L. Bini-Smaghi, lors de son départ du directoire, déclarait dans une interview que les marchés avaient pu être désorientés par les décisions européennes comme cela avait été le cas pour le PSI (Atkins 2011k). Il rappelait que la BCE a « combattu férocement contre l'accord désastreux de Deauville » et qu'au regard des dégâts créés, il faudrait du temps pour regagner la confiance des marchés. Nous notons ici une attitude de défense des principes ordo-libéraux par la BCE que nous avions déjà repérée dans le cas du PSC. La Banque n'hésite pas à adopter un ton moralisateur quand les gouvernements s'éloignent des principes ordo-libéraux du bon fonctionnement des marchés et rappellent leurs positions de principe de manière répétée dans le temps à ses partenaires « fautifs ». En rés de cette partie, deux points sont intéressants à noter. Le premier est la capacité de la BCE à prendre part à des coalitions gagnantes. Ses positions n'ont été que rarement en désaccord avec celles des gouvernements quand ils arrivaient à atteindre une décision commune. Bien sûr, la Banque cherche à rendre les conditionnalités économiques plus strictes dans le cadre des plans d'aide et à imposer une automaticité des sanctions dans le cas de dépassement fiscal. Ceci fait cependant partie du jeu itératif entre la Banque et les gouvernements et quand les deuxièmes ne s'alignent pas sur les positions les plus orthodoxes de la première, ceci ne signifie pas une perte d'influence. 464 IV) Conclusion du chapitre Dobry (1992) estime que les crises sont des moments permettant de révéler les « êtres profonds647" d'un système donné, ces phénomènes étant des moments de vérité pour celui-ci (cf. chapitre 4, III, C). La crise budgétaire de la zone euro a permis de constater que la BCE a eu un rôle politique important dans la gestion de celle-ci par l'ensemble des acteurs de la zone. Elle a ainsi pu participer à la définition des problèmes et des solutions à y apporter. Ni les analyses des causes de la crise de la zone euro, ni les conditions posées en contrepartie des aides financières ne sont allées contre les principes ordo-libéraux défendus par la BCE. Elle n'a évidemment pas été le seul acteur défendant ces principes car l'Allemagne648 a été un vetoplayer essentiel (Matthijs 2011; Dyson 2010) dans la gestion de la crise. Certains aspects de la résolution de la crise ont néanmoins montré des points de désaccord entre ces deux acteurs, comme l'épisode du PSI et, dans ce cas, la Banque su aussi défendre ses préférences. Ceci montre qu'elle n'est pas un simple supplétif de l'Allemagne n'ayant plus d'influence à partir du moment où ses positions divergent de celles de cet acteur important. Cette absence de remise en cause des positions ordo-libérales peut aussi se comprendre par les préférences des dirigeants de trouver des solutions favorisant le court-terme plutôt que de réfléchir aux fondations de l'UEM. Ce sentiment d'urgence et d'incertitude a marqué le processus de résolution de crise et a été un des facteurs permettant l'extension du pouvoir par la Banque. Les banques centrales développent au rôle plus central au sein des systèmes sociopolitiques auxquelles elles appartiennent une crise financière car leur monopole sur la liquidité devient une ressource stratégique et un enjeu politique essentiel (cf. chapitre 4, I, A). Ce chapitre, et le précédent, ont mis en évidence l'importance de cette donnée et ont exposé les raisons pour lesquelles cette seule variable ne suffisait pas à expliquer l'ensemble des interactions observées entre la Banque et ses partenaires de l'UEM. En effet, le monopole de la BCE sur la liquidité n'explique pas pourquoi aucun de ses partenaires de l'UEM n'a émis de critiques sur son action depuis le début de la crise ; pourquoi ses agents ont eu une place 647 Dobry parle ici des différentes composantes d'une société donnée, comme les acteurs, les ressources Et dans une moindre mesure, les autres pays ordo-libéraux/créditeurs comme la Finlande, les Pays-bas et sur certains points la Commission et l'Autriche. 648 465 importante dans les groupes d'experts envoyés dans les pays en difficulté ; et pourquoi elle a pu déterminer le moment où ses partenaires devaient apporter une réponse aux risques systémiques de la crise grecque lors de la création du FESF. Notre réponse à cette interrogation est qu'on doit prendre en compte nos trois variables indépendantes qui sont distinctes d'un point de vue analytiques mais entremêlées dans les perceptions des audiences de la Banque. Pour le dire autrement, l'expertise de la Banque, son monopole sur la liquidité et son autorité morale sont les trois éléments essentiels façonnant la perception qu'entretiennent les audiences de la Banque sur celles-ci. Cette perception est à son tour un élément essentiel permettant l'influence de la BCE dans des domaines où elle n'exerce pas de compétence directe (hypothèse 2). Une autre conclusion est l'importance de la gestion de la multiplicité des images renvoyées auprès de ses différentes audiences dans la crise. Du fait de son indépendance, les principaux dangers affectant la marge de manoeuvre de la BCE, résident dans la perception de ses audiences. A moins d'une rupture complète du contrat de délégation qui modifierait les termes de son indépendance (rendue peu probable par la multiplicité des principals), les acteurs de l'UEM ne peuvent pas peser sur la définition des politiques de la BCE. L'enjeu politique principal pour celle-ci, outre la défense de son indépendance, est ainsi la défense de sa réputation auprès de ses audiences. Un des aspects cruciaux de cette défense de la réputation est le maintien d'une balance dans la construction de son autorité morale. La BCE réussit à conclure des alliances avec les différents acteurs de l'UEM aux intérêts divergents en diffusant une image paradoxale d'acteur orthodoxe mais coopératif. Ce constat est un élément essentiel dans la construction de l'influence de la Banque tout en étant un défi permanent et une limite potentielle à celle-ci.
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Figure 47 : Effet de la microstructuration de surface du PDMS sur la croissance des cellules neuro2a. Haut : Images prises au microscope optique à fluorescence des cultures obtenues. A : culture sur PDMS plat. B : culture sur PDMS microstructuré. La flèche indique l'axe des micrsoillons. En encart : vue schématique de la localisation des cellules et de leurs neurites. Bas : représentation des cultures obtenues après avoir retracé et recentré les neurites de 7 neurones. A' : culture sur PDMS plat. B' : culture sur PDMS microstructuré. Largeur des microsillons : 20μm espacés de 20μm. Profondeur=25μm. La flèche indique l'axe des microsillons. La Figure 48 montre les représentations obtenues pour les différentes largeurs de microsillons. Le cas des microsillons de 5μm de largeur n'est pas représenté car très peu de cellules ont développé des neurites (seulement 4% de différenciation). Figure 48 : Effet de la largeur des microsillons présents sur la surface du PDMS sur la croissance des cellules neuro2a. Les flèches indiquent l'axe des microsillons. L'observation de la Figure 47B, complétée par des observations au micrsocope confocal (voir Figure 49) montrent que lorsque les neurites sont alignés, ceux-ci se développent majoritairement dans le sillon, le long de l'arête interne. L'alignement le plus rigoureux est obtenu pour le cas des microsillons de 20μm. En effet, dans ce cas, toutes les cellules sont au fond des microsillons et les neurites se développent dans le même microsillon (voir image B de la Figure 47), en suivant les arrêtes. Ils ne naviguent pas entre les microsillons voisins (ou sur la « bosse » de séparation des microsillons), comme nous l'avons relevé pour des sillons de 10μm ou 50μm de largeur (voir Figure 48 et Figure 49). Figure 49 : Observation au microscope confocal de cellules neuro2a cultivées sur une surface de PDMS comportant des microsillons de 10μm de largeur espacés de 10μm. Les « bosses » des structures apparaissent en vert (acquisition en champ clair puis colorisation artificielle) et l'actine des cellules neuro2a a été marquée en utilisant la phalloïdine couplée à un fluorophore Alexa 546nm, rouge. a. Reconstitution en trois dimensions. b. Vue de profil. L'actine est dans le microsillon, sauf à l'endroit où un neurite passe au-dessus d'une structure. 2.2. Effet de la microtopographie sur le comportement des cellules de la lignée humaine « Luhmes » a. Adhérence des cellules Luhmes sur des surfaces de PDMS comportant des microstructures Nous avons ensemencé les différents échantillons de PDMS, sur lesquels on a au préalable déposé de la laminine et de la polylysine, avec la même densité de cellules en suspension (30 000 cellules/mL). Nous avons réalisé les mêmes analyses que pour la lignée «neuro2a » et les résultats sont présentés sur la Figure 50a. On observe qu'environ 35% des cellules Luhmes adhèrent sur les surfaces de PDMS microstructurées, ce qui est comparable au cas d'une surface de verre couverte de laminine et de polylysine. Ce score était de 100% pour les cellules neuro2a, ce qui montre que la lignée humaine Luhmes est plus sensible et plus fragile que les neuro2a. Cela se rapproche du comportement cellules souches. La largeur des microsillons n'a pas d'influence significative sur la densité cellulaire, contrairement à ce que l'on avait observé pour les neuro2a. Les corps cellulaires des Luhmes sont plus petits que ceux des neuro2a, et leur diamètre est du même ordre de grandeur que les plus petits microsillons utilisés. 75 En effet, la Figure 50b montre que le corps cellulaire des Luhmes mesure entre5μm et 10μm de diamètre et la Figure 50c montre que la grande majorité des cellules est localisée dans les microsillons. Leur largeur a seulement une légère influence sur ce score. Figure 50 : Résultats de quantifications effectuées sur l'adhérence et la localisation des cellules Luhmes en fonction de la largeur des microsillons présents sur les surfaces de PDMS. a : densité cellulaire. La ligne en pointillés représente la densité cellulaire que l'on obtiendrait si toutes les cellules adhéraient sur la surface. b : distribution des cellules en fonction de la taille de leur corps cellulaire sur un échantillon de PDMS plat. c : proportion des cellules localisées dans les microsillons en fonction de la largeur des microsillons. Le rectangle gris permet de visualiser la plage du diamètre des corps cellulaires de la majorité des cellules. b. Différenciation La Figure 51 présente les pourcentages de différenciation des cellules Luhmes obtenus pour les différentes conditions de topographie . Figure 51 : Pourcentage de différenciation des Luhmes obtenu sur des surfaces de PDMS comportant des microsillons de différentes largeurs (calcul de la proportion de cellules ayant au moins un neurite mesurant au moins 20μm de long). 76 On observe que pour les microsillons de 5μm de largeur, seulement 80±4% des cellules se sont différenciées. Cette proportion augmente avec la largeur des microsillons. Elle atteint 100% pour les microsillons plus larges, score comparable à la condition contrôle, dans laquelle le PDMS est plat. De plus, on constate que l'évolution de la proportion de cellules dans les microsillons et le score de différenciation sont corrélés (coefficient de corrélation de 0,97). c. Interactions entre les cellules « Luhmes » et des surfaces de PDMS comportant des microstructures Comme les cellules Luhmes développent un réseau complexe de longs neurites, on peut observer plus clairement l'effet de leur interaction avec la surface qu'avec les cellules neuro2a. La Figure 52 montre l'influence des microsillons sur le développement et l'organisation des neurites. Dans le cas de l'image a, la surface de PDMS ne comporte pas de microsillons, la direction de croissance des neurites paraît aléatoire et désorganisée. Sur l'image b, la surface de PDMS comporte des microsillons parallèles, ils mesurent 10μm de large, 25μm de profondeur et sont espacés de 10μm. On note une forte directionnalité de la croissance des neurites sur cette surface microstructurée. Figure 52 : Effet de la microstructuration de surface du PDMS sur la croissance des cellules Luhmes. Images prises au microscope optique à fluorescence. Les neurofilaments ont été marqués en utilisant le marqueur Tuj-I et un anticorps secondaire fluorescent (Alexa 488nm, vert). Les filaments d'actine ont été marqués en utilisant la phalloïdine, couplée à un fluorophore (Alexa 546nm, rouge). Les noyaux ont été marqués avec le DAPI (bleu). a : culture sur PDMS plat. b : culture sur PDMS microstructuré. La flèche indique la direction axiale des microsillons. Largeur des microsillons : 10μm, espacés de 10μm. Profondeur = 25μm. La Figure 53 montre une image prise au microscope bi-photon de cellules cultivées sur une surface de PDMS microstructurée. On observe en particulier sur la vue en coupe présentée sur l'image b que les cellules (et en particulier leurs noyaux) se trouvent au fond des microsillons et que la quasitotalité des neurites est guidée par les arêtes interne des microsillons. 77 Figure 53 : Image prise au microscope bi-photon de cellules Luhmes cultivées sur une surface de PDMS microstructurée. Les microsillons mesurent 10μm de largeur et sont espacés de 10μm. La profondeur des sillons est de 10μm. La densité d'ensemencement est de 30 000 cellules/mL. Les neurofilaments sont marqués en utilisant le marqueur Tuj-I couplé à un anticorps secondaire fluorescent (Alexa 488nm, vert). Les noyaux ont été marqués en DAPI (bleu). L'échantillon est imagé sur toute son épaisseur (direction z). Une image est acquise tous les 500nm sur l'axe vertcial z de l'échantillon. Nous superposons ensuite toutes ces images pour avoir une vue de l'échantillon sur toute son épaisseur. a : image représentant la superposition des intensités maximales de chaque plan focal de l'échantillon. b : vue en coupe de la section au niveau de la ligne en pointillés rouge représenté sur l'image a. Pour évaluer l'influence de la largeur des microsillons sur l'alignement des neurites, nous avons utilisé le protocole de quantification de l'alignement décrit dans le paragraphe 1.3 page 66. Les résultats obtenus sont présentés sur la Figure 54. On observe que la variation de la largeur des microsillons a un effet sur le pourcentage d'alignement des neurites. De manière logique, sur une surface plate, il n'y a pas d'alignement. De plus, on relève que plus la topographie contraint les cellules (c'est-à-dire plus la largeur diminue), plus le pourcentage d'alignement est élevé. On obtient un pourcentage d'alignement de presque 100% pour les microsillons de 10μm et 20μm de largeur. Pour les sillons de 5μm de largeur, la contrainte est trop importante. Les cellules ne se développent pas toutes au fond des microsillons (comme montré sur la 78 Figure 50c) et l'alignement des neurites est moins bon. Des cellules restent sur les « bosses » et leurs neurites ne pouvant pas être guidés par les arêtes internes des sillons, elles « naviguent » de sillon en bosse, comme on peut le voir sur la Figure 55 (voir flèches). Figure 54 : Résultats de l'analyse de l'alignement des neurites par rapport à la direction des microsillons, pour différentes largeurs de microsillons. Leur profondeur est de 25μm. Les résultats sont le calcul du pourcentage de longueur de neurites orienté entre -10° et +10° ou entre -45° et +45° par rapport à la direction des microsillons. Pour chaque motif de surface, les neurites de 100 neurones ont été analysés. Voir 1.3 pour les détails sur la méthode de quantification. Figure 55 : Image prise au microscope optique à fluorescence de cellules Luhmes cultivées sur un échantillon de PDMS comportant des microsillons de 5μm de largeur, espacés de 5μm et de 25μm de profondeur. Les neurofilaments ont été marqués en utilisant le marqueur Tuj-I et un anticorps secondaire fluorescent (Alexa 488nm, vert), les filaments d'actine oint été marqués en utilisant la phalloïdine, couplée à un fluorophore (Alexa 546nm, rouge). Les noyaux ont été marqués avec le DAPI (bleu). Les flèches orange mettent en évidence des neurites qui naviguent de sillon en sillon en passant au-dessus d'une microstructure. En encart : coupe schématique de la localisation des cellules et de leurs neurites. 79 Les réseaux de neurites formés sont des connexions entre neurones. Les cellules interagissent entre elles et échangent des signaux chimiques. Nous avons souhaité étudier plus précisément les interactions entre les cellules neuronales et la microstructuration de surface et voir s'il y a une « compétition » entre les interactions entre cellules et les interactions entre les cellules et la topographie. Pour cela, nous avons fait varier la profondeur des microsillons ainsi que la densité d'ensemencement. Nous avons utilisé des profondeurs de 25μm, 10μm et 1μm. Les densités utilisées sont de 30 000 cellules/mL (comme sur les expériences déjà réalisées précédemment) et 60 000 cellules/mL. Les résultats obtenus pour la variation de la densité seront commentés dans le paragraphe d) suivant, page 84. La Figure 56 montre, pour chaque condition de topographie, et pour les deux densités d'ensemencement, des images représentatives des cultures obtenues. Cette figure permet de comparer l'effet de la profondeur des sillon , pour une largeur de sillon donnée (colonnes) et de voir l'effet de la largeur des microsillons, pour une profondeur donnée (lignes) et ceci pour deux densités d'ensemencement. 80 Figure 56 : Comparaison de l'effet de la largeur des sillons, de l'effet de la profondeur des sillons et de la densité d'ensemencement sur le développement des cellules Luhmes. Images prises au microscope optique à fluorescence des 81 cultures réalisées sur des surfaces de PDMS comportant des microsillons parallèles de différentes dimensions, après 5 jours de culture en phase de différenciation. Les ensemencements ont été réalisés en utilisant deux densités : 30 000 cellules/m L et 60 000 cellules/mL. Les neurofilaments ont été marqués en utilisant le marqueur Tuj-I et un anticorps secondaire fluorescent (Alexa 488nm, vert), les filaments d'actine ont été marqués en utilisant la phalloïdine, couplée à un fluorophore (Alexa 546nm, rouge). Les noyaux ont été marqués avec le DAPI (bleu). a : images de cellules sur une surface comportant des sillons mesurant 1μm de profondeur. b : images de cellules sur une surface comportant des sillons mesurant 10μm de profondeur. c : images de cellules sur une surface comportant des sillons mesurant 25μ m de profondeur. L'examen visu el de ces images met clairement en é vidence que : - les cellules et les neurites interagissent toujours avec la topographie de la surface. Quelles que soient les conditions, les neurites ont tendance à se développer dans la direction des sillons. - l'augmentation de la densité d'ensemencement se traduit toujours par une augmentation du nombre de cellules ayant adhéré et du nombre de neurites développé. - l'alignement diminue quand la densité en cellules augmente. - l'alignement diminue quand la largeur des sillons augmente. - la profondeur de 1μm ne permet pas un alignement rigoureux, comme c'est cas pour certaines conditions avec des sillons plus profonds. De manière plus quantitative, nous pouvons découvrir sur la Figure 57 comment la profondeur des microsillons influence l'alignement des neurites et la densité neuritique (pourcentage de l'aire de l'échantillon recouverte de neurites) obtenue pour les différentes conditions de culture. Par exemple, pour un échantillon comportant des microsillons de 5μm de largeur, de 1μm de profondeur, 55% des neurites sont alignés et les neurites représentent 10% de l'aire de l'échantillon. On relève la tendance suivante : la densité en neurites augmente lorsque la profondeur des sillons diminue. Cette tendance est commune à toutes les largeurs de microsillons. On note également que la densité neuritique apparaît plus élevée dans le cas de microsillons de 1μm de profondeur que sur le contrôle plat, mais cette différence n'est pas statistiquement significative. 82 Figure 57 : Evolution de l'alignement des neurites et de la densité en neurites en fonction de la profondeur des microsillons, pour différentes largeurs de microsillons. Les quantifications résultent de l'analyse d'environ 200 neurones, pour chaque condition, pour une densité d'ensemencement de 60 000 cellules/mL. La surface notée « ctrl plat » est la surface de PDMS qui ne comporte pas de microsillons (surface plate). Cette étude systématique permet d'identifier les meilleures conditions de topographie à générer sur une surface pour obtenir un guidage rigoureux des neurites tout en préservant leur développement neuritique. La Figure 58 montre un exemple d'une telle optimisation. Il s'agit d'une image prise au microscope bi-photon de cellules sur une surface comportant des sillons de 10μm de largeur et de 10μm de profondeur, espacés de 10μm. On observe que les noyaux et les neurites sont dans les microsillons, que les neurites sont nombreux et très bien guidés par la topographie. Cette géométrie de microsillons ne frustre pas le développement des cellules. L'ensemble forme un véritable réseau de « câbles » de neurites disposés de manière définie et maîtrisée. L'ingénierie de surface utilisée de manière sélective permet ainsi de créer « à façon » des structures neuritiques et des réseaux neuronaux. Par le contrôle des paramètres de largeur et de profondeur des microsillons, il est ainsi possible d'ajuster la morphologie des réseaux et de 83 favoriser des connexions axiales sans connexions horizontales (cas de la Figure 58) ou bien d'autoriser des connexions latérales, par exemple en diminuant la profondeur ou la largeur des sillons. Figure 58 : image prise au microscope bi-photon de cellules Luhmes cultivées sur une surface de PDMS comportant des microsillons mesurant 10μm de largeur et 10μm de profondeur, espacés de 10μm. Ensemencement à 60 000 cellules/mL. L'échantillon est imagé sur toute son épaisseur (direction z). Une image est acquise tous les 500nm sur l'axe vertcial z. Nous superposons ensuite toutes ces images pour avoir une vue de l'échantillon sur toute son épaisseur. d. Compétition entre les interactions cellules-surface et les interactions entre cellules Lors de la culture des cellules, celles-ci sécrètent des enzymes, des molécules et échangent ainsi des signaux chimiques. Ces interactions entre cellules peuvent modifier leur comportement et il nous a paru intéressant d'étudier l'effet des interactions entre les cellules et d'étudier la « compétition » avec l'effet de la topographie de surface. Pour cela, nous avons fait varier la densité d'ensemencement. Les résultats des cultures sont présentés dans la Figure 56. Nous observons visuellement que lorsque l'on double la densité d'ensemencement, la quantité de cellules ayant effectivement adhéré sur la surface est augmentée. On constate également que l'augmentation du nombre de cellules et aussi de neurites atténue l'alignement des neurites par rapport à la topographie. Cet effet est d'autant plus marqué que les profondeurs des sillons sont faibles. La Figure 59 montre une image de cellules Luhmes cultivées sur une surface comportant des microsillons de 60μm de largeur espacés de 10μm et mesurant 1μm de profondeur. L'ensemencement est réalisé en utilisant la forte densité (60 000 cellules/mL). 84 On observe que les neurites sont majoritairement alignés dans la direction des microsillons. Cependant, un grand nombre de neurites traverse la surface (neurites obliques sur l'image, voir flèches oranges) sans interagir avec la topographie. Les neurones se regroupent en paquets (voir cercles en pointillés orange). Ces observations montrent que pour une faible profondeur de sillon (1μm), les cellules interagissent plus entre elles que dans des conditions de topographie où les sillons sont plus profonds (voir Figure 56 et Figure 59). Figure 59 : a : image prise au microscope bi-photon de cellules Luhmes cultivées à forte densité (60 000 cellules/mL) sur une surface de PDMS comportant des microsillons mesurant 60μm de largeur et 1μm de profondeur, espacés de 10μm (symbolisés par les lignes en pointillés blancs). L'échantillon est imagé sur toute son épaisseur (direction z). Une image est acquise tous les 500nm sur l'axe vertical z. Nous superposons ensuite toutes ces images pour avoir une vue de l'échantillon sur toute son épaisseur. Les cercles orange en pointillés mettent en évidence des zones où les cellules se sont regroupées en paquet. Les flèches orange montrent des groupes de neurites n'interagissant pas avec la topographie de surface. b : image prise au microscope optique à fluorescence de cellules Luhmes cultivées à forte densité (60 000 cellules/mL) sur une surface de PDMS comportant des microsillons mesurant 60μm de largeur et 25μm de profondeur, espacés de 10μm. 85 2.3. Effet de la microtopographie sur le comportement des cellules souches neurales adultes humaines Les résultats obtenus avec des cellules neuronales issues de lignées nous ont permis de voir que les surfaces de PDMS étaient bien compatibles avec la culture de neurones et que la géométrie des microsillons créés sur le PDMS a une grande influence sur le comportement des cellules. Cependant, pour ces études, les populations de cellules étaient homogènes (il n'y avait qu'un seul type de cellule neuronale sur une même surface). Ce n'est pas le cas dans les tissus cérébraux, qui comprennent différents types cellulaires. Les cellules souches neurales adultes humaines sont des cellules primaires, qui peuvent se différencier en trois types cellulaires : les neurones, les astrocytes et les oligodendrocytes. D'un point de vue thérapeutique, une meilleure compréhension des mécanismes et des conditions qui favorisent leur différenciation ouvrirait la voie à de nouvelles stratégies pour utiliser au maximum la capacité de ces cellules à régénérer des lésions par exemple. C'est pourquoi, après l'étude du comportement de modèles de cellules neuronales qui nous a donné une connaissance des paramètres topographiques qui influencent la croissance et la différenciation cellulaire, nous avons voulu confirmer ces résultats avec des cellules souches neurales adultes humaines. Les cellules souches que nous utilisons proviennent de prélèvements de patients (biopsies), il peut donc exister une variabilité du comportement des cellules d'un patient à un autre. Cette variabilité est plus importante que dans le cas de lignées cellulaires, populations homogènes et stables, donnant un seul type cellulaire. Pour prendre en compte cette variabilité, nous avons réalisé nos expériences avec 4 prélèvements de 4 patients différents. a. Adhérence des cellules souches neurales adultes humaines sur des surfaces de PDMS comportant des microstructures Nous avons ensemencé les différents échantillons de PDMS, sur lesquels on a au préalable déposé une couche de polylysine et de laminine, avec une densité de cellules souches en suspension constante (30 000 cellules/mL). La Figure 60 montre une image représentative des cultures obtenues pour chaque type de microsillon. Tous les noyaux cellulaires ont été marqués avec le DAPI (bleu). Les cellules souches qui se sont différenciées en neurones sont visualisées grâce au marquage immunofluorescent de la béta-III tubuline, protéine constituant les neurofilaments et que l'on trouve chez les neurones immatures. Pour cela, nous avons utilisé le marqueur Tuj-I couplé à un anticorps secondaire fluorescent (Alexa 546nm, rouge). On constate que les cellules souches ont adhéré sur tous les types de surfaces et que certaines d'entre elles se sont différenciées en neurones. Ceux-ci étendent des neurites dans la direction des microsillons. Les cellules dont les noyaux ne sont pas entourés de 86 neurofilaments sont des cellules souches qui ont adhéré sur la surface mais qui ne se sont pas différenciées en neurones. Figure 60 : Images représentatives des cultures de cellules souches réalisées sur des surfaces de PDMS comportant des microsillons de différentes largeurs. La profondeur est de 25μm. Les cellules souches ont été maintenues pendant 5 jours dans la phase de différenciation en neurones. La protéine béta-III tubuline des neurofilaments que l'on trouve chez les neurones immatures a été marquée avec le marqueur Tuj-I couplé à un anticorps secondaire fluorescent (Alexa 546nm, rouge). Les noyaux de toutes les cellules ont marqués en DAPI (bleu). Les flèches représentent la direction des microsillons. A partir de ce type d'images, nous avons quantifié les mêmes paramètres que pour les précédents types de cellules. La Figure 61 montre les résultats obtenus pour 4 biopsies. On relève d'après la Figure 61a qu'environ un tiers des cellules adhère sur les surfaces de PDMS. Ce résultat est comparable à celui obtenu pour une culture réalisée sur une lamelle de verre couverte de polylysine et de laminine, qui est la surface habituellement utilisée pour la culture de ces cellules. On constate que la largeur des microsillons n'a pas d'influence significative sur la densité de cellules ayant adhéré. La Figure 61b montre que le corps cellulaire des cellules souches mesure entre 5μm et 10μm de diamètre et la Figure 61c montre que la grande majorité des cellules est localisée dans les microsillons. Cela dépend peu de la largeur des microsillons. Ces résultats sont donc très semblables à ceux obtenus avec les cellules de la lignée humaine (Luhmes). Figure 61 : Résultats de quantifications effectuées sur l'adhérence et la localisation des cellules souches adultes humaines en fonction de la largeur des microsillons présents sur les surfaces de PDMS. La profondeur des microsillons est de 25μm. a : densité cellulaire. La ligne en pointillés noirs représente la densité cellulaire que l'on obtiendrait si toutes les cellules adhéraient sur la surface. Les différents symboles correspondent aux expériences réalisées avec les différentes biopsies. Les expériences ont été menées avec 4 biopsies humaines, notées B1, B2, B3 et B4. b : répartition des cellules en fonction de la taille de leur corps cellulaire. c : proportion des cellules (différenciées ou non) localisées dans les microsillons en fonction de la largeur des microsillons. b. Différenciation et développement des neurones La Figure 62 présente les pourcentages de différenciation des cellules souches neurales adultes humaines obtenus pour les différentes conditions de topographie, pour des cellules provenant de 4 biopsies. Nous avons réalisé un test de student 13 pour comparer les valeurs obtenues sur les surfaces avec des microstructures avec la valeur obtenue sur le PDMS plat (valeur de référence). Les pvaleurs 14 résultant de la comparaison sont indiquées. Ici, nous ne fixons pas de valeur seuil pour indiquer la significativité obtenue mais indiquons l'évolution des valeurs de p. Contrairement aux modèles cellulaires constitués par les lignées, comme les neuro2a et les Luhmes, les pourcentages de différenciation des cellules souches obtenus sont très éloignés des 100%. Les lignées sont des cellules qui ont été sélectionnées et sont d'un seul type. Ce n'est pas le cas pour les cellules souches, dont le processus de différenciation est plus complexe. Ainsi in vitro, même avec des milieux contenant des facteurs de différenciation, une partie de ces cellules va rester au stade de cellule progénitrice et ces cellules ne donneront jamais naissance à des cellules différenciées. Le graphe de la Figure 62 indique que le pourcentage de cellules différenciées en neurones augmente avec la largeur des microsillons. Pour les microsillons les plus étroits, dont la largeur est proche du diamètre du corps cellulaire des cellules souches (5μm et 10μm), le pourcentage de différenciation est plus faible que sur la surface référence qui ne comporte pas de microtopographie. 13 Le test de Student est couramment utilisé pour comparer la moyenne observée d'un échantillon statistique à une valeur fixée, ou bien pour comparer les moyennes de deux échantillons gaussiens. 14 La p-valeur est la probabilité de se tromper en rejetant l'hypothèse nulle du test de student. On fixe une valeur de p seuil à partir duquel on considère que la différence observée dans une comparaison est statistiquement significative, c'est-àdire avec une faible chance d'être due au hasard. 88 En revanche, pour les microsillons les plus larges (20μm et 60μm), le pourcentage de différenciation est comparable à celui obtenu sur la surface référence. Figure 62 : Pourcentage de différenciation des cellules souches neurales adultes humaines obtenu sur des surfaces de PDMS comportant des microsillons de différentes largeurs (calcul de la proportion de cellules ayant au moins un neurite mesurant au moins 20μm de long, repéré par marquage immunofluorescent de la beta-III tubuline). Les valeurs de p résultent d'un test de student. c. Interactions entre les cellules souches neurales adultes humaines et des surfaces de PDMS comportant des microstructures La microtopographie influence également fortement le développement des neurites. Pour étudier les influences et les interactions entre les cellules en développement et la microtopographie, nous avons étudié le nombre de neurites, leur longueur et leur orientation. La Figure 63a montre l'évolution du nombre moyen de neurites par neurone en fonction de la largeur des microsillons. On constate que celui-ci augmente avec la largeur des microsillons. Les contraintes imposées par les microsillons de 5μm, 10μm et 20μm ont une influence significative sur le nombre moyen de neurites par neurone (respectivement 1,2-1,6 et 1,9 neurites par neurone) en comparaison à la surface référence de PDMS plate (2,4 neurites par neurone). Pour les sillons de 60μm espacés de 10μm, le nombre moyen de neurites par neurone est de 2,3, ce qui est comparable au score obtenu sur la surface de référence (2,4). Plus particulièrement, comme la Figure 63b le présente, les microsillons ont une influence sur la polarité des neurones. Nous appelons polarité 15 d'un neurone le nombre de neurites qu'il possède. Sur une surface de PDMS plate, les populations ayant un, deux, ou au moins trois neurites sont en proportions sensiblement équivalentes. En revanche, pour les microsillons les plus étroits (5μm de largeur), une très grande majorité des neurones (83%) ne possède qu'un seul neurite. Les contraintes 15 voir paragraphe 1.3 pour la définition du terme « polarité » dans ces travaux. 89 imposées par les microsillons étroits frustrent le développement neuritique alors que les cellules qui sont sur une surface plate, sans aucun confinement latéral, développent davantage de neurites. La proportion de neurones ayant un seul neurite décroit progressivement lorsque les largeurs de sillons augmentent. Cette proportion atteint 27% pour les sillons de 60μm de largeur, score comparable à celui relevé pour la surface de référence (25%). Simultanément, la proportion de neurones ayant au moins trois neurites augmente avec la largeur des sillons. Figure 63 : Influence de la microtopographie sur le développement des neurites de neurones isus de la différenciation de cellules souche. a : Moyenne du nombre de neurites par neurone pour différentes largeurs de microsillons. Pour chaque condition, et pour chaque biopsie, environ 250 neurones ont été observés. Les valeurs obtenues pour chaque biopsie, la moyenne de ces 4 biopsies et les p-valeurs obtenues après le test de student sont indiquées. b : diagrammes représentant la proportion de neurones possédants un seul neurite, deux neurites ou au moins trois neurites pour les différentes conditions de topographie. La profondeur des sillons est de 25μm. 90 - étude de la longueur des neurites Nous avons étudié l'influence de la largeur des sillons sur la longueur des neurites. La Figure 64 résume les résultats obtenus. De nouveau, on relève que les sillons les plus étroits limitent le développement des neurites. Leur longueur est significativement plus petite pour des sillons de 5μm et 10μm de largeur (respectivement 234μm et 256μm) par rapport à la surface plate (309μm, p<0,05). En revanche, les longueurs des neurites développés sur les sillons plus larges sont comparables à celles mesurées sur la surface plate Nous avions observé la même tendance avec les cellules de la lignée Luhmes. Figure 64 : Influence de la topographie sur la longueur des neurites. Le calcul de la longueur moyenne des neurites résulte de la mesure d'au moins 500 neurites pour chaque biopsie et pour chaque condition. L'effet des microsillons est analysé en réalisant un test de student, dont les p-valeurs sont indiquées au-dessus du graphe. - étude de l'alignement des neurites Enfin, nous avons étudié l'influence de la largeur des microsillons sur l'alignement des neurites. La Figure 65 présente les résultats que nous avons obtenus. Les observations au microscope à fluorescence montrent que les neurites se développent préférentiellement dans les sillons, contre les parois. La Figure 65a représente pour chaque condition de topographie les neurites présents sur un champ d'observation (surface du champ = 0,16mm2). Ils ont été retracés et recentrés à partir des images optiques fluorescentes. Cela nous donne une visualisation directe du nombre de neurites, de leur longueur et de leur orientation. On voit que l'orientation des neurites sur la surface contrôle paraît aléatoire. Cela n'est plus le cas lorsque l'on impose une topographie aux cellules. L'alignement des neurites le long des microsillons est très prononcé pour les sillons les plus étroits. La proportion des segments de neurites formant un 91 angle inférieur à 10° avec la direction des sillons est de 95% pour les sillons de 5μm (voir Figure 65b). Cette proportion passe à 75% pour les sillons de 20μm et diminue à 44% pour ceux de 60μm. Figure 65 : Influence de la topographie sur l'alignement des neurites dans la direction des microsillons, en fonction de leur largeur. a: représentation de l'orientation des neurites. Tous les neurites présents sur un champ d'observation (surface = 0,16mm2) ont été retracés et recentrés. La direction des microsillons est indiquée par la flèche. b: effet de la topographie sur la proportion de segments de neurites alignés avec les microsillons à ±10° et à ±45°. Ces analyses du développement des neurites nous apprennent que les sillons qui induisent un alignement parfait (cas des sillons de 10μm de largeur, espacés de 10μm) ont aussi pour effet de réduire considérablement le score de différenciation ainsi que le nombre et la longueur des neurites. Les sillons les plus larges (cas des sillons de 60μm de largeur espacés de 10μm) au contraire, ne frustrent pas le développement des neurones et permettent tout de même d'obtenir un alignement de la croissance. d. Compétition entre les interactions cellules-surface et les interactions entre cellules Nous avons observé avec les cellules de la lignée Luhmes que des neurites en croissance étaient parfois capables de passer au-dessus d'une structure et d'être guidés par un sillon voisin. Ce genre d'échappement est plus fréquent quand la densité en neurones est importante. Cela a également été observé dans le cas des cellules souches différenciées en neurones. Ce cas est illustré sur la Figure 66a1 et b1. La comparaison des alignements obtenus pour ces deux cas est présentée sur la Figure 66 a2-b2. On observe que pour une faible densité en neurones, l'alignement obtenu est parfait. Il est perturbé dans le cas d'une forte densité en neurones. 92 Figure 66 : effet des interactions entre cellules sur le guidage des neurites pour des microsillons de 20μm de largeur. a1-b1 : images prises au microscope optique à fluorescence des neurofilaments des neurones (marquage immunofluorescent de la beta-III tubuline) pour une faible densité (moins de 10 neurones/mm2) (a1) et pour une forte densité (plus de 70 neurones/mm2) (b1). a2-b2 : tracé de tous les neurites présents sur un champ d'observation (0,16mm2), pour une faible densité (a2) et pour une forte densité (b2). La direction des microsillons est indiquée par les flèches. Pour approfondir cette analyse, nous avons ensemencé les surfaces de PDMS avec trois densités différentes de cellules souches, respectivement 30 000, 60 000 et 90 000 cellules/mL. Les résultats de culture obtenus sont présentés dans la Figure 67. Nous avons réalisé les marquages des cellules souches différenciées en neurones mais aussi des cellules souches différenciées en astrocytes. On observe que la densité de cellules ayant adhéré sur les différentes surfaces est proportionnelle à la densité d'ensemencement. Les microsillons ont pour effet d'aligner les deux types de cellules observés, les neurones et les astrocytes. L'alignement est meilleur lorsque la densité d'ensemencement est la plus faible. Figure 67 : Images représentatives de cultures de cellules souches réalisées avec différentes densités d'ensemencement (30 000, 60 000 ou 90 000 cellules/mL) sur des surfaces de PDMS comportant différentes topographies (surface plate, microsillons de 20μm et de 60μm de large). Profondeur des microsillons = 25μm. Les cellules souches ont été maintenues pendant 5 jours dans la phase de différenciation en neurones. La protéine béta-III tubuline des neurofilaments que l'on trouve chez les neurones immatures a été marquée avec le marqueur Tuj-I couplé à un anticorps secondaire fluorescent (Alexa 546nm, rouge). Les astrocytes issus de la différenciation des cellules souches sont repérés en vert (fluorophore alexa 488nm), par le marquage de la GFAP. Les noyaux de toutes les cellules ont été marqués en DAPI (bleu). La Figure 68 montre l'évolution du pourcentage de différenciation des cellules souches en neurones en fonction de la densité en cellules souches. Il apparaît que plus la densité d'ensemencement est élevée, plus le pourcentage de différenciation en neurones est élevé. Il y a donc un effet bénéfique de l'augmentation de la densité d'ensemencement pour la différenciation en neurones ce qui montre encore l'importance de l'interaction entre cellules, notamment dans le cas de cellules primaires. Dans le cas d'une surface comportant des microsillons de 20μm de large, cet effet bénéfique est atténué. En effet, le pourcentage de différenciation en neurones obtenu est comparable pour les densités d'ensemencement de 60 000 et 90 000 cellules/mL. Cela montre certainement que cette topographie limite les interactions entre cellules. On relève également que la différenciation est légèrement meilleure sur la surface de PDMS plate que sur les surfaces comportant des microsillon Figure 68 : Evolution du pourcentage de différenciation des cellules souches en neurones en fonction de la densité d'ensemencement, pour des surfaces comportant différentes topographies. Profondeur des microsillons = 25μm. L'observation des images optiques présentées sur la Figure 67 montre encore une fois que le fait d'augmenter la densité d'ensemencement altère l'alignement des neurites. Cela est confirmé par l'analyse quantitative du pourcentage d'alignement des neurites présenté dans le Tableau 6. Tableau 6 : Effet de la densité en cellules souches sur l'alignement des neurites (pourcentage de segments de neurites formant un angle de ±10° avec la direction des microsillons) pour des cellules cultivées sur des surfaces de PDMS avec des microsillons de 20μm de large espacés de 20μm ou bien des sillons de 60μm de large espacés de 10μm. La profondeur des sillons est toujours de 25μm. e. Compatibilité du PDMS avec une culture à long terme Pour tester la viabilité des cellules souches neurales adultes humaines à long terme sur les surfaces de PDMS, nous avons cultivé des cellules souches provenant d'une même biopsie pendant 7 jours pour une partie d'entre elles et pendant une durée plus longue que celle pratiquée habituellement, soit 25 jours pour la partie restante. Comme le pourcentage de différenciation est fortement atténué pour les microsillons de 5μm et 10μm de largeur, nous nous sommes concentrés sur l'utilisation des microsillons de 20μm et 60μm de large. La Figure 69a montre des images des cellules cultivées pendant 25 jours sur les différentes surfaces de PDMS. Nous avons réalisé les mêmes marquages immunofluorescents que précédemment (voir Figure 67) nous permettant de repérer les neurones et les astrocytes issus de la différenciation des cellules souches. 95 Pour qualifier la viabilité des cellules souches sur les surfaces de PDMS, nous avons quantifié les mêmes paramètres que précédemment, à savoir : l'adhérence cellulaire, le pourcentage de différenciation en neurones, le développement neuritique. Les résultats obtenus pour une culture de 7 jours et pour une culture de 25 jours sont comparables pour tous ces paramètres. Seule la longueur moyenne des neurites a significativement évolué. La Figure 69b compare les longeurs moyennes des neurites mesurées sur une culture de 7 jours et sur une culture de 25 jours. On voit qu'après 25 jours de culture, les neurites des cellules sont deux fois plus longs que celles des cellules qui n'ont été cultivées que pendant 7 jours. Cela montre que les neurones continuent leur développement sur les surfaces de PDMS et donc que le PDMS est un matériau adapté pour la culture organisée de ces cellules sur des longues durées. En plus de permettre le guidage des neurites à long terme, nous montrons sur la figure 69c que les neurites sont guidés sur une longue distance (pour améliorer la lisibilité, nous avons retracé les neurites en rose, en utilisant le logiciel NeuronJ). Un réseau continu et aligné de neurones peut être suivi sur une distance supérieure à 2mm. Figure 69 : Culture à long terme de cellules souches différenciées en neurones et en astrocytes et guidage sur une longue distance sur une surface de PDMS microstructurée. Les cellules souches neurales adultes humaines sont 96 maintenues en phase de différenciation pendant 7 jours ou 25 jours. a : images représentatives des cultures obtenues après 25 jours de différenciation. La béta-III tubuline a été marquée par immunofluorescence en utilisant le marqueur Tuj-I (couplé à un fluorophore alexa 546nm, rouge). Les astrocytes ont été marqués par la GFAP (lié à un fluorophore Alexa 488nm, vert). Les noyaux ont été lmarqués avec le DAPI (bleu). b : longueur moyenne des neurites mesurée après 7 jours et 25 jours de culture en phase de différenciation. c : image prise au microscope optique à fluorescence du guidage de neurones sur une longue distance. La direction des microsillons est indiquée par la flèche. Quelques neurites ont été retracés en rose afin d'améliorer la lisibilité de l'image. 3. Discussion de l'influence de la géométrie des microsillons sur le comportement de trois types de cellules neuronales Comme support et point de départ à notre discussion, nous avons rassemblé sur un même graphe les résultats obtenus pour les trois types de cellules et pour chaque largeur de microsillons. La profondeur des microsillons considérés est de 25μm. Ce graphe comporte 4 axes, chaque axe représente un critère étudié : - adhérence - différenciation - développement neuritique - alignement des neurites En utilisant les résultats des études décrits précédemment, à chaque type de cellules et pour chacun de ces critères, nous attribuons des notes comprises entre 0 et 10. La surface ne comportant pas de microsillons (surface plate) sert de référence pour l'attribution des notes pour les critères d'adhérence, de différenciation et de développement neuritique. Ainsi, on attribue à cette surface plate les notes de 10/10 pour ces critères. Pour le calcul des notes dans les autres conditions de topographie, nous normalisons les valeurs obtenues pour les différents critères observés par rapport à la cette surface plate référence. Cette surface ne comportant pas de topographie, on lui attribue la note de 0/10 en ce qui concerne l'alignement des neurites. Ces notes ont une valeur qualitative afin d'orienter la discussion. Pour les aspects plus détaillés, le lecteur intéressé se reportera aux figures et aux courbes antérieures. La Figure 70 présente le graphe tracé pour le cas de l'échantillon plat (surface référence). L'évolution relevée lorsque l'on augmente la densité cellulaire pour la lignée Luhmes (densité d'ensemencement doublée ) est tracée en point illés pour les surfaces comportant des microsillons. La même tendance a été observée pour les cellules de la lignée neuro2a et les cellules souches différenciées en neurones. Figure 70 : Graphe résumant le comportement des cellules neuronales étudiées sur un substrat de PDMS plat. Les notes entre 0 et 10 ont été attribuées en considérant les études présentées précédemment. Le substrat plat sert de référence par rapport aux autres surfaces, comportant des microsillons. Cas des microsillons de 5μm de largeur, espacés de 5μm Figure 71 : Graphe résumant le comportement des trois types de cellules neuronales étudiées sur un substrat de PDMS comportant des microsillons de 5μm de largeur, espacés de 5μm. Les notes entre 0 et 10 ont été attribuées en considérant les études présentées précédemment. - l'adhérence des cellules Luhmes et des cellules souches est bonne. Les cellules sont majoritairement localisées dans les sillons. En revanche, l'adhérence des cellules neuro2a est moins importante. Nous pensons que pour ces cellules, cette faible adhérence relevée est liée à la taille des corps cellulaires. Les neuro2a ont un corps cellulaire mesurant plus de 10μm de diamètre (12±3μm), 98 alors que les cellules Luhmes et les cellules souches sont plus petites (7±2μm). Les neuro2a n'entrent pas « complètement » en contact avec le fond des sillons. Pour y arriver, elles doivent se déformer (ainsi que leur noyau) pour se développer au fond des microsillons, ce qui rend difficile leur développement. - la différenciation et le développement neuritique des trois types de cellules sont inhibés par les sillons de 5μm de large. Le pourcentage de différenciation est encore plus faible pour les cellules neuro2a. Leur déformation ainsi que celle de leur noyau pourrait expliquer cette observation. On s'aperçoit que les fortes contraintes imposées par la topographie affectent le développement des neurones. - les neurites sont rigoureusement alignés le long des arrêtes internes des microsillons. L'alignement obtenu est parfait. Les interactions entre la topographie et les cellules sont importantes mais les contraintes imposées affectent le développement cellulaire. Lorsque l'on double la densité en cellules, on relève que les neurites sont sensiblement plus nombreux et leur alignement est légèrement perturbé. Lorsque la densité en neurones est très élevée, les cellules adhèrent aussi sur les bosses de la topographie. Les neurites de ces cellules interagissent moins avec la topographie que les cellules qui sont localisées dans les sillons et il résulte une diminution de l'alignement global des neurites et les neurites semblent davantage interagir entre eux.
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Diversité des répertoires d'action et divergences sur les stratégies collectives des réseaux. En second lieu, la diversité des répertoires d'action des participants aux réseaux thématiques nous apporte des éclairages supplémentaires quant aux effets de l'hétérogénéité sur l'émergence de conflits ouverts ou latents expliquant l'incapacité à engager des actions communes. Nous avons défini le répertoire d'action dans le chapitre 1 comme un ensemble limité de modes d'actions à la disposition des groupes qui cherchent à se faire entendre dans la sphère publique, propre à une époque ou à un lieu. Nous avons également vu que ce répertoire était propre à des groupes au sein d'une même époque ou dans un même pays. Le fait qu'une relative diversité d'acteurs ait été impliquée dans la création des réseaux thématiques est ainsi à l'origine d'orientations différentes quant à la meilleure façon de peser sur les politiques de l'Union européenne sur le plan des modalités d'actions. La diversité des répertoires est donc susceptible de créer des divergences au sein des réseaux sur la stratégie collective qu'il conviendrait d'adopter dans le cadre de ces réseaux. Dans les faits, on observe 277 Cf. infra, p.158 et suiv. ainsi que la question des stratégies constitue une facette importante des conflits internes à chacun de nos trois réseaux. Le cas du réseau de la Charte : réseau de discussion ou réseau de mobilisations? D'abord, la question des objectifs du réseau constitue un premier niveau de divergence lié au répertoire d'action portant sur les stratégies. Il prend la forme d'une opposition entre ceux qui privilégient l'idée de mettre en oeuvre et d'entretenir un processus de discussion et ceux qui considèrent que ce processus de mise en réseau doit être adossé à la préparation de mobilisations. Ce clivage est particulièrement présent dès 2005-2006 au sein du réseau de la Charte, dont il constitue la principale explication du retrait des participants, notamment dans sa première année d'existence. La position qui consiste à voir dans le réseau un moyen d'approfondir une discussion théorique au sein du mouvement est parfaitement illustrée par cette représentante de la Fondation Rosa Luxembourg au sein du Forum : « Je pense que le plus grand apport du groupe de la Charte n'est pas ce « stupide » document, mais la discussion et les activités en elles-mêmes »278. L'objectif de la Charte n'était donc pas de donner une vision commune et arrêtée du mouvement altermondialiste, mais bien plus de permettre d'organiser un débat entre organisations afin de faire changer les positions des uns et des autres, voire de les rapprocher. Dans cette optique, la Charte n'est qu'une étape, pleine de défauts, qui doit permettre d'approfondir encore la discussion. Implicitement, elle fait référence au pouvoir des échanges d'idées et de points de vue pour changer la réalité : d'abord au sein des mouvements puis au sein de la société dans son ensemble, l'expansion d'un tel processus de discussion permettra de changer le point de vue des citoyens sur la construction européenne. A l'opposé, cette figure altermondialiste membre d'Attac France exprime après le FSE d'Athènes la nécessité de connecter la production intellectuelle avec des mobilisations : « La construction d'alternatives n'est pas simplement un processus d'élaboration intellectuelle, les rayons des bibliothèques sont pleins de propositions diverses. Pour qu'une proposition devienne réellement une alternative portée socialement, il faut qu'elle soit coélaborée et appropriée par les différents mouvements »279. 278 Notre traduction: "I think that the biggest achievement of the Charter group is not this "stupid" paper but the discussion and the activities in themselves", Entretien, représentante de la Rosa Luxemburg Stiftung, mai 2009. 279 Khalfa, Pierre, « Forum social européen d'Athènes : un moment charnière pour le mouvement altermondialiste en Europe », 9 mai 2006, disponible à l'adresse http://www.europesolidaire.org/spip.php?article2156, page consultée le 30 septembre 2011. A cet égard, il précise ensuite que le problème posé au réseau de la Charte est que la discussion n'est pas appropriée par les mouvements, qui par définition supposent des mobilisations. Cette divergence entre ces deux modes d'actions (l'un basé sur la discussion, l'autre sur la mobilisation) mérite d'être précisée au regard du critère de classification retenu dans le chapitre 1. Tandis que le fait d'insister sur la discussion au sein du mouvement altermondialiste peut sembler plus conventionnel et moins confrontationnel que la mobilisation de masse, on peut appliquer un autre critère de classement. Il s'agit plutôt ici d'opposer le pouvoir réel du nombre au pouvoir symbolique des idées280. Tandis que le premier vise à défendre un point de vue en s'appuyant sur le fait que les acteurs mobilisés représentent une part importante de la société, le second repose sur la puissance du message véhiculé, considéré comme légitime en soi, indépendamment du nombre de personnes qui le portent. Si on s'intéresse aux organisations représentées par ces deux acteurs, on peut alors rapprocher leur opposition au répertoire d'action de ces dernières. En tant que centre de recherche lié au PDS, devenu die Linke en 2007, la fondation Rosa Luxemburg est conçue comme un réservoir d'idées pour ce parti de la gauche radicale allemande. Si elle participe aux Forums Sociaux, son activité principale consiste néanmoins à produire et publier des analyses de la situation économique, sociale et politique, organiser des conférences ou encore financer des recherches académiques281. Dans le réseau de la Charte, il n'est donc pas étonnant que sa représentante y voit avant tout un espace de production d'analyses et d'échange d'idées. Quant à Attac, conçue en 1998 comme un mouvement d'éducation populaire, elle associe pleinement la production d'analyses avec l organisation et la participation à des campagnes qui peuvent passer par des publications mais également par des manifestations. Son répertoire d'action est donc plus large : il s'agit bien de mobiliser les citoyens afin de modifier l'ordre existant. Dès lors, la position exprimée par son représentant est cohérente avec ce projet d'origine. 280 A cet égard, on se rapproche de la distinction entre la logique du nombre et la logique du témoignage proposée par della Porta et Diani : le première repose sur la prise en compte des demandes d'un groupe dès lors qu'il fait la preuve de sa grande taille, alors que la seconde repose sur la force de l'engagement et des exigences portées par les acteurs mobilisés. Voir della Porta, Diani, Social movements, op. cit., p.171 et suiv. L'analogie comporte cependant ses limites puisque la rédaction de la Charte ne suppose pas un engagement fort induisant des risques personnels pour les personnes engagées. En même temps, la logique reste bien symbolique : il s'agit de porter des valeurs alternatives en essayant d'élargir progressivement la prise de conscience sur le besoin de changer la forme de l'Union européenne, sans se soucier de l'influence du nombre de personnes participant. 281 Voir son site Internet: http://www.rosalux.de/stiftung.html 154 Pour revenir aux participants au réseau de la Charte, il est frappant de constater que les personnes qui se sont retirées des activités du réseau (plus ou moins tardivement) appartiennent toutes à des associations ou à des syndicats de base qui ne voyaient pas l'intérêt de produire un document s'il n'était pas adossé à des mobilisations (Attac282, Solidaires, Cobas, FIOM-CGIL). Ainsi, ce syndicaliste des Cobas (syndicat de base italien) explique son retrait précisément pour cette raison: « On a participé à la Charte parce qu'on pensait que la Charte devait être un programme de mobilisations pour les mouvements. Quand elle est devenue une chose de discussion à l'intérieur du Parlement européen, à peu près, on a commencé à dire non et on a terminé de participer »283. Cet activiste belge Marches européennes ajoute: « J'y vais moins parce que c'est un réseau thématique, et on a un peu le même problème avec les Marches européennes, dans lequel on réfléchit aux revendications, à la façon de les faire aboutir. Et plus on discute, plus on se politise, et on devient un mouvement semi-politique, pas un parti mais un mouvement à caractère politique. () De plus en plus, cela devient un petit espace restreint de gens très politisés qui s'éloignent de plus en plus des luttes immédiates dans la société »284. Les grandes confédérations syndicales dans le mouvement altermondialiste : entre le répertoire d'action promu par la CES et le répertoire d'action altermondialiste La question du répertoire d'action pèse en effet directement sur les relations entre les grandes confédérations syndicales nationales et les acteurs du Forum Social Européen, et nous permet de mieux comprendre le clivage sur les modes de décision dans les réseaux Travail et mondialisation et Services publics. Ainsi, dans le réseau Travail et mondialisation, les réticences des grandes organisations syndicales à soutenir l'appel à un contre-sommet européen en mars 2009 doivent être mises en relation avec les activités syndicales au niveau des institutions européennes, qui passent principalement pour ces organisations par la Confédération Européenne des Syndicats. Au niveau européen, les activités de la CES renvoient avant tout à la participation aux activités de consultation auprès de la Commission européenne et au Dialogue Social Européen, initié sous la Commission dirigée par Jacques Delors dans les années 80 et institutionnalisé dans le Traité de Maastricht. Historiquement, le positionnement de la CES dans le système politique européen a toujours consisté à se saisir des opportunités offertes par les institutions européennes pour participer au processus décisionnel afin de gagner en légitimité en tant qu'interlocuteur auprès de ces dernières 287. La conséquence de cette stratégie a été marqué par le développement d'un syndicalisme d'expertise, relativement déconnecté des réalités des militants syndicaux de base 288. Si des euromanifestations ont régulièrement été organisées par la CES, notamment dans le cadre des mobilisations européennes qui se sont développées à partir de 1997 la stratégie menée au niveau européen passe avant tout par des canaux institutionnalisés289. 287 Debunne Georges, À quand l'Europe sociale?, Paris, Syllepse, 2003 ; Gobin Corinne, L'Europe syndicale, op. cit. ; Martin Andrew and Ross Georges, « Trade Unions Organizing at the European Level », in D. Imig et S. Tarrow (dir.), Contentious Europeans, op. cit., p. 53-76. 288 Hyman, Richard, 'Trade Unions and the Politics of European Integration', Economic and Industrial Democracy, Vol.26(1), February 2005, p.9-40; Wagner Anne-Catherine, Vers une Europe syndicale? Une enquête sur la Confédération Européenne des Syndicats, Bellecombes en Bauges, Éditions du Croquant, 2005. 289 Alors que les stratégies contestataires font partie du répertoire classique des syndicats d'Europe occidentale et méditerranéenne, ce n'est pas le cas des syndicats d'Europe centrale et orientale et des syndicats scandinaves. Dès lors, la stratégie de représentation institutionnalisée apparaît comme le plus petit dénominateur commun assurant une unité de représentation syndicale à l'échelle européenne. L'explication réside donc dans l'importante diversité du fait syndical en Europe avec laquelle le secrétariat fédéral de la CES est tenu de composer. Voir Gobin, Corinne, op. cit. Or, dans le mouvement altermondialiste, la CES est souvent critiquée pour sa participation institutionnalisée aux mécanismes décisionnels de l'Union européenne, tandis que les acteurs du Forum Social Européen s'inscrivent majoritairement dans une posture contestataire vis-à-vis des politiques menées à ce niveau. Dans ce cadre, la position des confédérations syndicales membres de la CES au sein du mouvement altermondialiste apparaît ambigüe. Bien que participant aux Forums Sociaux, par définition marqués par une posture contestataire, leurs représentants sont ainsi très attentifs de ne pas s'impliquer dans des activités communes avec les altermondialistes qui pourraient apparaître en contradiction avec la stratégie impulsée par la CES. Ainsi, ce représentant de la CGT explique : « La CES est une grosse machine qui est difficile à mobiliser et à bouger. Et si des initiatives sont cadrées et prises sans elle, c'est le meilleur prétexte pour ne pas bouger. Donc on a dit, si on veut faire quelque chose de masse, on ne le fera pas sans la CES »290. De même, à propos de l'organisation d'une conférence sociale commune avec des acteurs et réseaux altermondialistes à Bruxelles, ce syndicaliste de la CSC exprime également la prudence de son syndicat : « A la CSC, on m'a dit qu'on ne ferait rien sans la FGTB pour rester en bonne entente, et qu'on ne ferait rien que la CES ne désapprouve »291. Dans cette perspective, l'engagement des confédérations nationales CGT, CSC, mais également FGTB ou encore CGIL dans des activités communes avec les altermondialistes européens reste largement limité par la volonté de ne pas empiéter sur les activités de la CES, qui est elle-même limitée dans son répertoire d'action, plutôt institutionnalisé et plutôt peu contestataire. Tels que présentent les représentants syndicaux rencontrés, le frein principal à l'engagement dans des activités communes avec les altermondialistes n'est donc pas tant leur conception non contestataire des formes d'action qu'ils privilégient, mais plutôt leur souci de ne pas empiéter sur les prérogatives de la CES et la division du travail syndical au niveau européen. Du côté des autres participants au réseau Travail et mondialisation, cette grande prudence de la part des grandes confédérations nourrit une grande méfiance, voire une certaine hostilité : « Je pense qu'il y a des syndicats qui sont présents pour regarder ce qu'il se passe, faire en sorte que tout cela ne bouscule pas trop ce qu'ils peuvent penser par ailleurs »292. Diversité des répertoires d'action dans le réseau Services publics Cette question de l'incompatibilité entre les stratégies d'action européennes de la CES et celles des altermondialistes peut également être mobilisée en ce qui concerne le réseau Services publics. Dans le cadre de la campagne contre la directive Bolkestein, la stratégie de la CES avait été marquée par l'organisation de manifestations de contestation, dont celle du 19 mars 2005 à Bruxelles, mais également par sa participation aux négociations visant à réécrire un nouveau projet de directive, en lien avec le Parlement européen295. Sa participation au compromis atteint explique ainsi la position de soutien affichée en février 2006 lors de son vote par les parlementaires. En revanche, les altermondialistes se sont eux inscrits dans une perspective exclusivement contestataire, se concentrant sur les mobilisations de masse. En mai 2006, le réseau Services publics constitué à Athènes affichait alors parmi ses objectifs la poursuite de la lutte contre la nouvelle directive Services, considérant le compromis atteint comme insuffisant. Dans ce contexte, des syndicats membres de la CES mais désireux de s'investir dans le travail en commun dans le FSE avaient participé à la constitution du réseau Services publics. C'est le cas de la CGT, de la CGIL ou encore de la FGTB et de la CSC. Néanmoins, dès la réunion de la Convention Internationale sur les Services publics à Genève en octobre 2006, un conflit éclata entre les animateurs de cette réunion et ceux du réseau Services publics qui déboucha notamment sur le retrait des syndicats belges membres de la CES ainsi que des animateurs du groupe AGCS-Services 293 Entretien, représentante d'Attac Autriche, juin 2009. Si on les compare notamment à leurs partenaires syndicaux d'Europe scandinave et des pays d'Europe centrale et orientale. 295 Voir Crespy, Amandine, article cité, p.988-9. 158 publics du Forum Social de Belgique296. Selon l'un de ces derniers, la Convention internationale avait développé une approche pragmatique visant à collaborer avec les élus locaux dans la défense des services publics et en établissant des contacts avec des parlementaires européens, par exemple pour promouvoir l'adoption d'un règlement européen sur les services publics297. Du côté des acteurs du réseau Services publics, ce dernier était décrit comme étant, « d'abord et avant tout, un réseau d'élus et de décideurs des collectivités qui posent la question des territoires dans leur relation avec la démocratie »298 A l'opposé, le réseau Services publics était perçu comme défendant une approche plus radicale basée sur la lutte contre les privatisations et sur la construction de mouvements contestataires à l'échelle européenne, sans pour autant abandonner le monde politique299. Alors que des acteurs se retrouvaient simultanément dans ces deux réseaux, on ne peut exclure le rôle qu'ont pu jouer des rivalités entre personnes concernant le leadership de l'animation de réseaux portant sur le même thème300. Cependant, il apparaît clairement que le réseau issu de la campagne horsAGCS était plutôt orienté vers des modes d'actions institutionnalisés301, tandis que le réseau Services publics apparaissait comme plus contestataire. Ce conflit qui éclata à Genève en octobre 2006 est alors directement lié au retrait des syndicats belges du réseau Services publics, tel que nous le raconte l'animateur belge du groupe AGCS-Services publics du Forum Social de Belgique : « Nous sommes allés avec des responsables de la FGTB et de la CSC qui nous ont dit qu'il fallait choisir : soit on continuait dans l'optique du réseau d'Athènes, mais sans eux, soit on continuait à travailler comme dans la dynamique de Liège avec eux. On a quand même travaillé à Genève, mais ça a été très malsain »302. Si le retrait des syndicats belges et du groupe AGCS-Services publics du Forum Social de Belgique fut très rapide après la constitution du réseau Services publics, il a bien été enclenché par un conflit sur le degré de radicalité des modes d'actions privilégiés, comportant à la fois une dimension de personnes et de radicalité des modalités des revendications. Par la 296 Entretien, représentant de Sud-PTT, juillet 2008 ; Entretien, participant au réseau des Marches européennes contre le chômage, avril 2009. 297 Entretien, membre d'Attac-Wallonie-Bruxelles, animateur du groupe OMC/AGCS du FSdB, avril 2009. 298 AITEC-réseau IPAM, « Rencontre de Genève - Compte rendu des débats et prises de décision », octobre 2006, disponible sur le site de l'AITEC : http://aitec.reseau-ipam.org/spip.php?article399, page consultée le 2 mars 2011. 159 suite, le retrait de ces organisations syndicales majeures sur la question des services publics en Europe devenait alors problématique pour les représentants syndicaux français et italiens par exemple, qui voyaient moins l'intérêt de prendre part au réseau Services publics si le spectre des organisations qui y participaient se rétrécissait303. Si le retrait des confédérations syndicales membres de la CES du réseau Services publics ne renvoie pas directement à l'ambiguïté de la position de ces dernières par rapport au mouvement altermondialiste, elle résulte bien d'un conflit sur les modes d'actions qui éclata entre ce réseau et les animateurs de la Convention internationale sur les Services publics. Dans nos trois réseaux, nous pouvons donc observer que la diversité des modes d'actions privilégiés est directement liée à l'apparition de conflits ouverts ou latents concernant les objectifs des réseaux thématiques. De façon plus générale, la question des modes de décision ainsi que celles des stratégies collectives qu'il conviendrait de mettre en oeuvre à partir des réseaux thématiques constituent des éléments importants nous permettant d'analyser les conflits apparus dans chacun de nos trois cas d'étude. Dans la section suivante, nous synthétisons ces conflits liés à l'hétérogénéité afin de spécifier leur relation avec le contexte de la constitution des réseaux, qui débouche sur l'incapacité à prolonger ou relancer des mobilisations collectives européennes. c) Des conflits structurants propres aux réseaux : retour sur les effets du contexte sur le déclenchement de conflits et le retrait de participants. Après avoir mis en évidence dans la section précédente les différentes dimensions de l'hétérogénéité qui sont à l'origine de divergences et de conflits à l'intérieur des réseaux, nous revenons maintenant sur une vision plus globalisante de chacun de nos cas afin de distinguer pour chacun d'entre eux le conflit central qui les empêche de déboucher sur des actions communes. De plus, cette section nous permet de revenir spécifiquement sur le lien entre le contexte de démobilisation à l'échelle européenne et les effets perçus de l'hétérogénéité sur les réseaux thématiques. 303 Entretien, représentant de l'UGFF-CGT, novembre 2008 ; Entretien, représentant de la CGIL-FP, février 2010. Un conflit central dans chacun des réseaux Dans les trois réseaux que nous étudions, nous pouvons mettre en évidence un conflit central au sein de chacun d'entre eux, permettant d'expliquer, dès les premiers mois qui ont suivi leur constitution, leur incapacité à renforcer la coopération dans diverses initiatives de contestation à l'échelle européenne. A ce titre, le réseau qui apparait rétrospectivement comme le moins conflictuel est le réseau de la Charte. Néanmoins, nous avons expliqué que des divergences sont apparues sur les stratégies collectives qu'il convient de mener pour se faire entendre efficacement à l'échelle européenne. Alors que les animateurs (plutôt proches des fondations du réseau Transform! et du Parti de la Gauche Européenne) concevaient le réseau comme un espace d'élaboration théorique, les participants issus des syndicats de base ou du réseau des Attac d'Europe avaient plutôt tendance à mettre en avant la nécessité de mobilisations impliquant des militants de base. Dans le réseau Services publics, à la fin de la mobilisation contre la directive Services, le conflit qui a éclaté autour de la compétition entre ce réseau, issu du FSE, et le réseau issu de la Convention de Liège contre l'AGCS, s'exprimant en particulier dans les modes d'actions privilégiés pour défendre les services publics à l'échelle européenne, traduit un clivage politique entre les plus radicaux et les plus modérés des acteurs impliqués dans la défense des services publics à l'échelle européenne après la campagne Bolkestein. La principale conséquence de ce conflit fut ainsi le retrait des syndicats belges du réseau Services publics du FSE d'Athènes, tandis que le réseau de la Convention internationale pour la promotion des Services publics ne serait lui-même plus en mesure d'organiser de nouvel é vénement européen. Enfin, en ce qui concerne le réseau Travail et Mondialisation, le conflit qui a éclaté plus tardivement (étant entendu que le réseau a lui-même été constitué au début de l'année 2007) renvoie à l'opposition entre les syndicats traditionnels, membres de la Confédération Européenne des Syndicats et les syndicats de base, le réseau des Attac européens, et l'ensemble des activistes les plus impliqués dans le Forum Social Européen. S'il se cristallise autour des modes de décisions au sein du réseau tout autant que sur le plan des répertoires d'action privilégiés, il traduit une attitude plus ou moins contestataire des politiques de l'Union européenne, qui tend à opposer le syndicalisme européen et le mouvement altermondialiste. Hétérogénéité et conflits internes dans un contexte de fin de mobilisations européennes : retour sur notre modèle explicatif Le fait de nous concentrer sur les conflits qui ont traversé nos réseaux thématiques du fait du caractère souple du fonctionnement de ces structures ainsi que de l'hétérogénéité des participants nécessite de ramener la question du contexte dans notre analyse, comme c'est le cas dans notre schéma théorique rappelé en introduction de ce chapitre. En effet, selon notre cadre théorique, nous supposons que ces conflits ne seraient pas apparus, ou en tout cas n'auraient pas empêché l'action collective entre les participants, si le contexte européen pour les mouvements sociaux n'avait pas été marqué par un déclin des mobilisations relativement vives à l'échelle européenne depuis le début des années 2000. Dans cette section, nous mettons en lien le contexte de démobilisation avec le fait que les conflits centraux que nous avons observés aient empêché les réseaux de déboucher sur des actions communes. En ce qui concerne le réseau de la Charte des Principes pour une autre Europe, le constat d'une divergence de vues entre les partisans de la discussion et de l'élaboration d'un modèle politique alternatif et ceux qui privilégient la construction de mobilisations européennes ne suffit pas pour expliquer la tendance au retrait de ces derniers. Ainsi, ces deux positions ne sont a priori pas incompatibles : dès le départ, l'objectif du réseau accepté par tous a été de fournir aux mouvements sociaux un ensemble de principes communs permettant de renforcer la force de proposition des altermondialistes dans les mobilisations concernant les orientations générales des politiques de l'Union européenne. En fait, c'est le contexte de fin de mobilisations de l'année 2005-2006 sur les questions institutionnelles européennes qui a mis en lumière la différence de stratégie entre ces différents types d'acteurs. Ainsi, dans ce contexte, on observe que parmi les activistes européens engagés dans le rejet de la Charte des droits fondamentaux puis dans le soutien aux organisations altermondialistes françaises défendant le Non au Traité constitutionnel304, ce sont ceux qui étaient les plus attachés à la 304 Il ne s'agit pas de dire que la campagne contre le TCE a constitué un cas de mobilisation altermondialiste véritablement européenne, mais bien de s'intéresser au noyau d'activistes européens engagés depuis plusieurs années dans la contestation des réformes institutionnelles au niveau européen, dont la campagne référendaire française a donné le point d'appui pour constituer le réseau de la Charte. 162 nécessité d'articuler l'élaboration d'une Charte avec des mobilisations de masse à l'échelle européenne qui ont tendance à se retirer le plus rapidement des activités du réseau. La rencontre européenne de Paris de juin 2005 réunissait environ 200 personnes, et encore 150 personnes à Florence en novembre 2005 lorsqu'une première version de la Charte fut discutée dans différents groupes de travail. Alors que l'objectif était de présenter ce document lors du FSE d'Athènes en mai 2006, celui-ci n'était pas prêt et sa publication fut reportée à une date ultérieure. Ce report s'explique selon Pierre Khalfa, engagé dans les réunions de Paris et de Florence, par un manque d'investissement des organisations ayant participé et par une limitation du processus de rédaction de la Charte au volontarisme de quelques individus : « Le problème en l'occurrence est moins dans des divergences politiques, réelles, mais dépassables, que dans l'implication des différents mouvements à ce processus qui reste encore trop confiné à quelques individus, malgré le fait que, sur le papier, un nombre important de mouvements y participe »305. Si la forte participation dans les réunions de Paris et de Florence n'est ensuite pas atteinte au Forum d'Athènes, le plus frappant n'est donc pas un retrait massif des organisations participantes mais plutôt un moindre investissement, et le resserrement de l'animation du réseau autour de figures proches du Parti de la Gauche Européenne. Si on cherche à rapprocher ces éléments du processus de démobilisation tel qu'il a été formulé par Sidney Tarrow et que nous avons rappelé précédemment dans ce chapitre, il convient d'y apporter quelques précisions propres au réseau de la Charte. D'abord, comme la campagne d'opposition au Traité constitutionnel européen n'a jamais mobilisé un très grand nombre militants venus de plusieurs pays européens, on ne peut pas voir de retraits massifs liés à la lassitude des participants dans la fin de la mobilisation. Limité à un petit groupe d'activistes impliqués dans le mouvement altermondialiste, ce processus européen a néanmoins atteint son objectif immédiat, à savoir le Non en France et aux Pays-Bas en mai 2005, donnant un coup d'arrêt à la ratification du Traité. Malgré l'absence d'une démobilisation de masse, cette fin de campagne semble peser sur le réseau de la Charte une fois constitué, mais sans déboucher sur une forte polarisation et un conflit ouvert entre différents acteurs du réseau. 163 Ensuite, le déclin rapide du réseau Services publics dans les mois qui ont suivi sa constitution contraste fortement avec l'enthousiasme qui avait marqué sa naissance pendant le Forum Social Européen d'Athènes. Toutefois, il s'explique aisément si l'on revient sur le contexte de sa constitution et du conflit qui a éclaté avec certains animateurs de la Convention internationale sur les Services publics. A la fin de la campagne d'opposition à la directive Services, qui s'est traduite par un relatif succès des revendications portées par les syndicats européens et les altermondialistes, la CES et la majorité de ses confédérations membres n'étaient pas disposées à continuer ce mouvement d'opposition à la directive. Dans le même temps, l'échec des négociations sur l'AGCS dans le cadre du cycle de Doha au sein de l'OMC fut reconnu en juillet 2006, peu avant la réunion de la Convention internationale sur les Services publics à Genève. En octobre 2006, sur la directive Services comme sur l'AGCS, aucune mobilisation n'était envisagée dans un futur proche, qui aurait pu constituer un objectif commun pour les participants à la réunion de Genève. La première conséquence de ce contexte fut alors que la Convention de Genève ne réunit pas autant de participants que celle de Liège un an auparavant. En particulier, les syndicats qui étaient auparavant impliqués n'étaient plus présents en grand nombre à Genève, ce qui fut déploré pendant les travaux306. Dès lors, dans ce contexte, la seconde conséquence était que différentes stratégies pouvaient être définies pour la défense et la promotion du statut particulier des services publics à l'échelle européenne, défendues par les acteurs qui restaient impliqués dans ce processus (que ce soit dans le réseau d'Athènes ou le réseau de Genève). 'une était la plus radicale et basée sur l'organisation de mobilisations contestataires : c'est celle défendue notamment par les animateurs du réseau Services publics. L'autre était plus institutionnelle et basée sur le lobbying auprès d'acteurs clés du système politique de l'Union européenne, permettant de s'appuyer sur des textes juridiques existants : c'est celle qui était plutôt favorisée par les animateurs de la Convention de Liège. Ici, le déclin de la campagne européenne de défense des services publics (incarnée en 2006 par deux réseaux différents) s'inscrit précisément dans le processus de démobilisation tel que proposé par Sidney Tarrow. 164 restaient impliqués, opposant les plus radicaux et les plus modérés. En résumé, on peut alors interpréter l'opposition qui a éclaté à Genève en octobre 2006 comme le signe de la démobilisation en Europe autour de la question des services publics, entrainant ensuite un déclin du réseau Services publics en termes de participants. Enfin, les conflits au sein du réseau Travail et mondialisation peuvent également être interprétés en relation avec le contexte dans lequel ce réseau a été constitué. Nous avons expliqué que le réseau visait notamment à ramener les grandes confédérations syndicales dans le FSE, dans un contexte de relations chaotiques avec le syndicalisme européen incarné par la CES après 2005. Alors que la CES avait eu tendance à se démarquer du mouvement altermondialiste, les réticences des confédérations nationales membres de la CES peuvent être mises en relation avec leur position ambivalente au regard du clivage opposant la CES au mouvement altermondialiste. A ce titre, le refus formulé par la FGTB et la CSC (soutenues par la CGT et la CGIL) de supporter l'organisation d'un contre-sommet de l'Union européenne en mars 2009 à Bruxelles apparait comme le signe de cette position ambivalente de ces confédérations dans un contexte d'éloignement du syndicalisme européen incarné par la CES vis-à-vis du mouvement altermondialiste. Si on revient au modèle de processus de démobilisation proposé par Tarrow, le cas du réseau Travail et mondialisation s'inscrit toutefois moins aisément dans les mécanismes retenus. En effet, sur le plan chronologique, la constitution du réseau Travail et mondialisation ne répond pas à une volonté de continuer une campagne en cours, comme les deux précédents réseaux, mais vise déjà à répondre à des conflits connus des initiateurs qui existent entre le syndicalisme européen et l'altermondialisme. Ainsi, la création du réseau intervient alors que la polarisation entre les différents types d'acteurs susceptibles de se mobiliser sur les politiques économiques et sociales de l'Union européenne s'est déjà consolidée dans les années précédentes. Néanmoins, notre schéma d'explication reste valable ce réseau : dans un contexte d'affaiblissement de la dynamique contestataire de l'altermondialisme à l'échelle européenne depuis 2005-2006, ces différents types d'acteurs entrent en conflits au sein du réseau Travail et mondialisation au sujet de leur capacité à décider collectivement de l'organisation d'un contre-sommet de l'Union européenne. Malgré cette différence entre ce dernier de nos trois réseaux et les deux précédents, liée à la date à laquelle a été constitué le réseau Travail et mondialisation, il est donc possible 165 pour chacun d'entre eux de relier les conflits ouverts ou latents qui ont pu être observés au contexte de démobilisation dans lequel ils sont apparus, afin d'expliquer leur incapacité à prolonger les mobilisations passées à l'échelle européenne. Conclusion de la deuxième partie Après avoir retracé la dynamique européenne dont sont issus nos réseaux thématiques, cette deuxième partie a permis de recentrer l'analyse sur l'étude des dimensions concrètes de l'hétérogénéité des participants. Paradoxalement, l'analyse empirique nous amène d'abord à comprendre que cette hétérogénéité n'est en réalité pas si grande, si on compare la composition des réseaux thématiques au spectre des organisations ayant participé à la dynamique européenne de protestations du début des années 2000. Cela ne signifie pas pour autant que des conflits ne sont pas susceptibles d'apparaitre parmi les participants restants, ce que montre également Tarrow dans son analyse des processus de démobilisation. Ainsi, tant sur le plan des conceptions de la démocratie que sur celui des répertoires d'action, nous avons pu mettre en évidence des conflits ou des divergences qui aboutissent à des retraits de participants, différents selon nos réseaux, et selon une temporalité variable. En mettant en relation ces conflits avec le contexte de démobilisation dans lequel ils sont apparus, nous pouvons bien affirmer que l'affaiblissement des réseaux thématiques s'explique d'abord par des conflits internes aux réseaux, qui n'auraient pas forcément éclaté dans une dynamique contestataire plus favorable pour le mouvement dans son ensemble. Conclusion du chapitre 3 L'analyse présentée dans ce chapitre porte très largement sur les années qui ont précédé la naissance des trois réseaux thématiques étudiés ici. Après avoir montré les liens directs entre des campagnes menées à l'échelle européenne et la création des réseaux, nous avons établi le fait que ces derniers sont nés dans un contexte de fin de mobilisations. Afin de poursuivre l'examen de notre hypothèse supposant que c'est la combinaison de ce contexte avec l'hétérogénéité des participants aux réseaux thématiques qui peut expliquer leur situation d'incapacité à déboucher sur des actions communes, nous avons dans la deuxième partie 166 développé l'analyse en la portant au niveau des caractéristiques des participants. Sur la base de la mise en évidence de conflits internes aux réseaux liés à nos deux dimensions de l'hétérogénéité (conceptions de la démocratie et stratégies d'action), nous avons alors expliqué le fait que l'apparition de ces divergences ne peut se comprendre en dehors du contexte de démobilisation dans lequel nos réseaux s'inscrivent, ainsi que nous l'avions posé au départ. Au terme de cette analyse, le constat qui semble s'imposer est celui d'un échec déjà consommé dès leur constitution en tant que réseau, c'est-à-dire en tant que structure organisationnelle destinée à favoriser les actions collectives entre les organisations participantes. En effet, les éléments présentés dans ce chapitre tendent à accréditer l'idée selon laquelle les réseaux thématiques seraient dès leur création des structures organisationnelles vouées à l'échec, dont la capacité d'action collective serait fortement écornée par le contexte de leur constitution et leur composition interne. Dans le chapitre suivant, nous relativisons cette idée en revenant sur le process même du Forum Social Européen. Intervenant après cette première vague de retrait de participants en ce qui concerne les réseaux de la Charte et Services publics, la préparation du Forum Social Européen de Malmö leur permet d'endosser un rôle moteur. Là encore, le réseau Travail et mondialisation se distingue : créé seulement dans le cours de la préparation de Malmö, il ne débouche sur un conflit ouvert qu'après la tenue du FSE de Malmö. L'examen rétrospectif de la préparation de cet événement nous permet également de mettre en évidence le dynamisme dont il avait précédemment bénéficié. 167 Chapitre 4 : Le maintien de réseaux thématiques actifs dans l'objectif du FSE de Malmö (2007-2008) Introduction Malgré l'enthousiasme qui accompagnait la constitution de nos réseaux thématiques, nous avons vu que ces derniers ont rapidement été confrontés à l'apparition de conflits sur les stratégies collectives à adopter, dans un contexte de fin de mobilisations à l'échelle européenne (chapitre 3). Le corollaire de cette combinaison de facteurs a alors été le retrait rapide des activités de nos réseaux de certains participants aux campagnes précédentes. On pourrait penser a priori que ces éléments empiriques sont suffisants pour expliquer le déclin progressif de l'activité des réseaux thématiques après 2006-2007. En effet, ainsi que nous l'avons expliqué, le fait que leur constitution formelle intervienne à la fin de mobilisations communes rend d'autant moins probable la mise en route de nouveaux projets collectifs entre les participants. Si l'on s'en tient à notre cadre théorique initial, les conclusions du chapitre 3 nous amènent donc à supposer une diminution de l'activité de nos réseaux thématiques dans la période qui suit, marquée en particulier par la préparation du Forum Social Européen de Malmö en septembre 2008. En effet, on peut poser l'hypothèse selon laquelle les conflits apparus dans les mois qui ont suivi leur constitution et les retraits de participants observés sont susceptibles de peser dans la capacité des réseaux thématiques à agir en commun au cours de la période suivante. Cette hypothèse peut être résumée selon le schéma suivant, qui ajoute une étape par rapport au schéma proposé au début du chapitre précédent: 169 Contexte de fin de mobilisations européennes Hétérogénéité des participants aux réseaux Conflits au sein du réseau sur les modalités de l'action en commun Re de participants et improbabilité de l'action collective Figure 4: Retraits de participants et improbabilité de l'action collective à la suite de conflits internes aux réseaux Et pourtant, malgré ces retraits rapides de participants, notre impression au départ de cette recherche (initiée à la fin de l'année 2007) reposait sur des signes de renouvellement et de structuration du mouvement altermondialiste à l'échelle européenne. Plus précisément, notre idée consistait à supposer que les réseaux thématiques permettaient à la fois de renforcer les liens entre des groupes issus de pays différents et de favoriser la formulation de revendications communes concernant les politiques économiques de l'Union européenne. Cette impression était liée au fait que, dans le cours de la préparation du Forum Social Européen de Malmö, organisé en septembre 2008 (au moment donc du début de cette recherche), les réseaux thématiques participaient activement à l'élaboration du programme du Forum, à la fois en proposant des séminaires décidés en commun dans les réunions du réseau lors des Assemblées Européennes de Préparation et en participant à la fusion des propositions de séminaires déposées sur Internet à l'intérieur de certains axes thématiques. Alors que les réseaux thématiques apparaissaient comme des espaces relativement hétérogènes et hautement conflictuels dans un contexte de fin de mobilisations dès le moment de leur constitution, ils deviennent ainsi des acteurs structurants dans la préparation du FSE de Malmö, entre fin 2006 et septembre 2008. Ce chapitre est consacré à l'explicitation de cette contradiction apparente entre l'hypothèse découlant de notre cadre théorique et du chapitre 170 précédent (les conflits internes sensés diminuer la capacité d'activité des réseaux) et le déroulement de la préparation du Forum de Malmö (leur fort dynamisme à l'approche du Forum). La compréhension du dynamisme des réseaux thématiques durant cette période nous conduit, sur le plan théorique, à discuter de la question du rôle de l'identification d'un objectif commun à l'ensemble des membres d'un groupe pour expliquer leur action collective, postulat de base de l'action collective. Pour cela, il s'agit dans un premier temps de partir de notre cadre théorique général en expliquant que dans une dynamique contestataire européenne qui reste affaiblie par rapport au début des années 2000, les participants à nos trois réseaux thématiques, parmi lesquels on peut identifier de nouveaux venus, sont marqués dans la période 2007-2008 par certains points de divergences, qui ent sur des conceptions de la démocratie et/ou des stratégies d'action différentes (Partie 1). Dans un second temps, nous montrons que ces divergences n'aboutissent pas à des retraits de participants comme on a pu l'observer dans le chapitre précédent. Dans cette perspective, la préparation du prochain FSE apparaît comme une incitation à travailler collectivement à partir de nos trois réseaux. Ainsi, un contexte de mise en avant des réseaux dans le processus du FSE et la présence d'un objectif commun clair et délimité semble limiter les effets combinés de la démobilisation et de l'apparition de conflits entre les acteurs des réseaux (Partie 2). Des divergences persistantes dans une dynamique contestataire affaiblie. Dans la période qui nous intéresse ici, nos trois réseaux thématiques restent parcourus par des divergences internes concernant les objectifs à poursuivre en commun dans la perspective du FSE de Malmö et au-delà. L'analyse approfondie des ressorts de ces 307 Olson, Mancur, The Logic of Collective Action, op. cit. 171 divergences, qui recoupent partiellement celles mises en évidence dans le chapitre précédent, confirme là encore la pertinence de notre cadre théorique initial. Celui-ci nous permet de comprendre pourquoi des conflits émergent au sein de nos réseaux, en prenant en compte le processus de démobilisation observable à l'échelle européenne. En premier lieu, un retour sur la chronologie de la création de nos trois cas nous incite à envisager l'interdépendance entre ces derniers et à préciser nos hypothèses sur l'apparition de conflits entre des acteurs hétérogènes dans la période 2007-2008 (a). Ensuite, nous réexaminons successivement les deux dimensions de l'hétérogénéité que nous avons retenues (conceptions de la démocratie et stratégies d'action) pour voir dans quelle mesure elles donnent lieu à des points de vue différents sur le fonctionnement et les objectifs des réseaux thématiques (b et c). a) Retour chronologique sur l'apparition des réseaux thématiques : hypothèses sur les effets de l'hétérogénéité après le FSE d'Athènes. Nous avons déjà eu l'occasion de souligner le fait que le réseau Travail et mondialisation n'était pas directement issu de campagnes communes à l'échelle européenne que cette structure nouvelle aurait permis de continuer. Nous avons montré que sa création répondait plutôt à la nécessité de ramener vers le processus du FSE les grandes organisations syndicales membres de la Confédération Européenne des Syndicats, après les rapprochements occasionnés par la série de mobil isations du début des années 2000. Cet objectif sin gulier s'est traduit par une apparition plus tardive pour ce réseau que pour les réseaux de la Chart e et Services publics308. Ici, l'objectif est de revenir sur cette succession chronologique entre nos trois réseaux, en examinant le niveau de la participation pour chacun d'entre eux, afin d'en tirer des hypothèses sur la probabilité d'éclatement de conflits entre les participants à l'approche du FSE de Malmö. 308 Rappelons ici que pour la clarté de notre analyse, le réseau Travail et mondialisation n'a pas été traité de manière chronologique, contrairement aux réseaux Charte et Services publics. Ainsi, les conflits qui ont éclaté après le Forum de Malmö ont été abordés dans le chapitre 4, nous permettant d'analyser les effets combinés de l'hétérogénéité des participants et de la dynamique générale des mouvements sociaux en Europe sur l'évolution de ce réseau. Dans ce chapitre, le retour sur la dynamique interne du mouvement altermondialiste à l'approche du FSE de Malmö nous conduit donc à revenir sur cette période concernant le réseau Travail et mondialisation. L'apparition du réseau Travail et mondialisation comme explication du déclin des réseaux Charte et Services publics? Apparu en janvier 2007 au Forum Social Mondial de Nairobi, le réseau Travail et mondialisation a été décliné au niveau européen dès l'Assemblée Européenne de Préparation suivante à Lisbonne en mars 2007, à la fois pour permettre d'aborder dans ce réseau les problématiques spécifiques à l'espace européen et en vue de la préparation du prochain Forum européen prévu pour l'année 2008. Chronologiquement, sa constitution intervient après l'émergence des conflits et des retraits de participants dans les réseaux Charte et Services publics, que nous avons mis en évidence dans le chapitre précédent. Nous avons montré que la non participation des grandes organisations syndicales pour le premier, le retrait des syndicats belges pour le second (faisant naître les réticences des autres syndicats à s'impliquer fortement), permettaient d'expliquer le déclin rapide de ces deux réseaux après le FSE d'Athènes en mai 2006. Dans le même temps, le réseau Travail et mondialisation visait précisément à favoriser la participation des grands syndicats au processus du Forum européen. Cette correspondance chronologique entre le déclin des certains réseaux et l'apparition d'un autre pousse ainsi certains acteurs à souligner le rôle de l'apparition du réseau Travail et mondialisation dans le déclin des réseaux Charte et Services publics. Ainsi, l'animateur italien du réseau de la Charte explique : « Nous avons eu une concurrence avec le réseau Labour and Globalization, parce que les mêmes personnes que nous avons eu dans la Charte, maintenant, vont [dans ce réseau] »309. De la même façon, selon l'une des initiatrices du réseau Services publics, également participante régulière du réseau Travail et mondialisation : « Il y a une espèce de jeu de chaises musicales qui se produit : quand le réseau Travail et mondialisation est arrivé, il a un peu supplanté [le réseau Services publics]. C'est-àdire qu'à un moment donné, une thématique concentre un peu la problématique générale du Forum contre le libéralisme, la marchandisation, etc. C'est passé à Athènes par le réseau Services publics, et après, entre les deux Forums, il y a eu une déperdition »310. Chez ces deux acteurs, la référence au réseau Travail et mondialisation est mobilisée pour expliquer le déclin du réseau dans lequel ils étaient précédemment engagés. 310 Entretien, membre de Rifondazione Communista, février 2010. Entretien, représentante de la FSU, mars 2009. Dans les faits, nous avons cependant montré au chapitre précédent que des conflits sont apparus dès la naissance des réseaux Charte et Services publics (dans un contexte de démobilisation), ce qui ne nous permet pas de retenir l'hypothèse de l'apparition du réseau Travail et mondialisation comme explication première du déclin de ces derniers. Pour autant, il s'agit ici de se voir que l'apparition de ce réseau Travail et mondialisation en 2007 permet à certains acteurs de trouver un point d'investissement dans le cadre du FSE, renforçant d'autant le déclin des réseaux Charte et Services publics. C'est en particulier le cas des personnes représentant les Attac européennes. Tandis que ces dernières avaient constitué une force importante pour la création des réseaux Charte et Services publics en 2005 et en 2006, on ne les retrouve plus en 2007 que de manière limitée311. Dans le même temps, dans le courant de l'année 2007, les représentants d'Attac France, Allemagne, Autriche, tendent à s'impliquer fortement dans le réseau Travail et mondialisation, auquel participent les grandes organisations syndicales du FSE. Ce constat est également valable pour les principales organisations syndicales du Forum Social Européen dont les représentants ont tendance à moins s'investir dans le réseau Services publics en particulier, pour s'impliquer en priorité dans le réseau Travail et mondialisation312. A partir de la naissance du réseau Travail et mondialisation, on peut ainsi affirmer que celui-ci semble devenir un espace d'investissement privilégié pour ces acteurs, au détriment des réseaux de la Charte et Services publics, dont l'intérêt avait précédemment diminué (en raison des conflits et divergences mis en évidence au chapitre précédent). Si la cause première reste le contexte de démobilisation et les conflits internes aux réseaux, le réseau Travail et mondialisation une opportunité nouvelle d'investissement de certains acteurs travaillant sur les politiques économiques et sociales de l'UE, et vient s'ajouter à l'explication de la moindre participation dans les réseaux Charte et Services publics. Cette relative succession des réseaux entre eux reflète ici l'interdépendance existante entre nos trois cas. constitution d'un front européen de résistance aux politiques de l'Union européenne en matières économiques et sociales, nos trois cas d'études constituent dans cette optique trois tentatives liées entre elles de poursuivre ou renforcer un tel mouvement européen. A ce titre, il n'est pas étonnant qu'une bonne partie de nos acteurs soient ou aient été actifs dans plusieurs de ces réseaux successivement ou simultanément. Ce retour chronologique sur la succession de nos trois cas nous conduit à détailler, pour chacun d'entre eux, ses conséquences sur la probabilité que des conflits émergent entre les participants, dans la période de préparation du FSE de Malmö qui nous intéresse en particulier ici. Evolution de l'hétérogénéité des participants et probabilité d'éclatement de conflits internes aux réseaux A partir des éléments détaillés dans le paragraphe précédent, il est possible de poser l'hypothèse d'une absence de divergences internes dans les réseaux Charte et Services publics. Plus précisément, on peut supposer que le retrait de participants tend à atténuer les conflits internes, en raison de la diminution de l'hétérogénéité des participants. A l'opposé, le réseau Travail et mondialisation est susceptible de voir apparaître des conflits entre ses participants, en particulier lié aux divergences stratégiques et idéologiques entre le mouvement syndical européen et le mouvement altermondialiste. L'observation des faits nous conduit toutefois à réfuter ces hypothèses. D'abord, sur le réseau Travail et mondialisation, on observe une absence de conflit ouvert entre les différents acteurs parties prenantes dans la perspective du FSE de Malmö. Ainsi, en mars 2007, alors qu'il vient d'être constitué au niveau européen, le réseau se fixe l'objectif d'être « un espace de communication, d'échange d'expériences et de promotion du débat »313. Il est avant tout constitué avec l'idée de redonner une place importante à la question du travail dans le Forum Social Européen. A cet égard, nous avons expliqué que les initiateurs du réseau sont très attentifs en 2007 à ne pas fixer des objectifs collectifs trop ambitieux afin de ne pas susciter l'opposition des grandes organisations syndicales. Au moment de sa constitution, le réseau Travail et mondialisation n'est donc pas marqué par des conflits sur l'organisation de mobilisations à l'échelle européenne comme nous avons pu le 313 Labour and Globalization network, « Report of the meeting of Lisbon EPA », March 2007.
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possibilité au sujet d'imputation passif de s'adresser à un tiers indépendant et impartial qui viendrait trancher les litiges afférant à la mise en oeuvre des pouvoirs contractuels, reviendrait à ouvrir la porte à la rancoeur et à la vengeance privée. Aussi, le véritable objectif, avoué à demi-mot, serait-il de parvenir à désengorger les tribunaux, et donc, de réduire les coûts de fonctionnement de la justice, en tentant de réduire quantitativement les cas de saisine du juge. Cependant, certains doutent que le mécanisme des pouvoirs contractuels soit de nature à réduire significativement le nombre de procès 1, de telle sorte que les avantages d'une déjudiciarisation seraient, finalement, illusoires. En effet, la société contractuelle serait elle-même une société contentieuse2. Dès lors, le juge apparait appelé à faire toujours partie de la matière contractuelle, et cela, dans la mesure où le contrat ne saurait exister sans droit ni juge3. Plutôt qu'une disparition du juge, le phénomène de pouvoir contractuel doit donc conduire à une redéfinition de la place de ce dernier dans le contentieux contractuel. Une telle problématique n'est pas nouvelle. En son temps, René CASSIN avait déjà pu constater que le mécanisme de la résolution unilatérale était de nature à conduire à une « transformation du rôle du juge »4. Dans le prolongement de cette idée il fut souligné, il y a déjà trente ans, que la politique qui consiste à laisser les parties prendre en charge leurs intérêts « implique un changement profond dans le rôle du juge »5. Tout l'enjeu est alors de déterminer en quoi consiste exactement cette transformation du rôle du juge. Cette transformation du rôle du juge qu'il s'agira d'identifier s'avère être liée au déplacement de son intervention dans le temps. En effet, il est possible de constater que le mécanisme des pouvoirs contractuels entraine le passage d'un système où les parties sont, par principe, tenues, soit, de trouver un accord, soit, de s'adresser préalablement au juge, pour qu'une modification des effets du contrat ait lieu, à un système où l'une ou l'autre des parties peut modifier seule les effets du contrat, sans avoir à s'adresser préalablement à son cocontractant ou au juge. Dans un premier temps exclu de la sphère contractuelle, et ce, essentiellement pour des raisons d'efficacité économique, le juge redeviendrait, dans un second temps, ce personnage indispensable lorsqu'il s'agit de contrôler la mise en oeuvre des pouvoirs contractuels. Plus 35 exactement, dès lors qu'il est admis que l'éviction totale du juge est impossible, on se réjouit de ce que ce dernier puisse faire son retour en exerçant un contrôle a posteriori1. Bien que l'accent soit généralement mis sur l'intervention des juges du fond, il convient toutefois de ne pas oublier la possibilité d'une intervention du juge des référés. En effet, ne doivent pas être mésestimés les avantages que peuvent présenter, d'une part, la suspension en référé de la procédure de mise en oeuvre des pouvoirs contractuels, du moins, lorsque celle-ci est appelée à s'étaler dans le temps2, et d'autre part, la suspension en référé des effets résultant de l'exercice des pouvoirs contractuels avant que ceux-ci ne trouvent une traduction matérielle dans les faits3. Quoiqu'il soit souhaité, le retour du juge n'en est pas moins craint. En effet, dans la conception traditionnelle, le contrat est considéré comme « la chose des parties ». Dès lors, la « loi » contractuelle s'imposant aux parties, comme au juge, ce dernier est classiquement perçu, à l'image des pouvoirs contractuels, comme « l'ennemi du contrat »4, dont il ne saurait redéfinir les termes. Dans la conception classique du contrat, le mécanisme de la réfaction judiciaire du contrat ne saurait donc être toléré. Si cette conception classique tend à être remise en cause5 notamment depuis que la réforme du droit des contrats autorise le juge, sous certaines conditions, à modifier les termes du contrat en cas de changement imprévisible de circonstances6, elle ne semble cependant pas prête de céder, totalement7, en matière de pouvoirs contractuels. Le mécanisme de contrôle des pouvoirs contractuels ne donc doit pas se présenter comme une possibilité offerte juge d'accroitre, outre mesure, ses pouvoirs en matière contractuelle. Comme certains l'ont évoqué, l'unilatéralisme ne doit pas devenir un « cadeau empoisonné propre à promouvoir le règne du L'image alors souvent employée pour décrire cette situation est celle du juge « chassé par la porte qui ferait son retour par la fenêtre ». (v. not. pour l'emploi de cette image : M. JAOUEN, La sanction prononcée par les parties au contrat, étude sur la justice privée dans les rapports contractuels de droit privé, op. cit., n° 10, p. 13). 2 Dans cette hypothèse, il semble possible de parler de contrôle a priori, dans la mesure où le juge sera appelé à se prononcer avant que le pouvoir ait été exercé, c'est-à-dire avant que le contrat ait été unilatéralement modifié. 3 L'objectif est ici de permettre une intervention rapide postérieurement à l'exercice des pouvoirs contractuels. Dans le cadre de la résolution unilatérale, cette intervention rapide consisterait à suspendre les effets de la résolution et donc, à empêcher leur traduction matérielle dans les faits, comme, par exemple, l'ordre donné au débiteur défaillant de vider un entrepôt. 4 Comp. : D. MAZEAUD, « Le juge et le contrat. Variations optimistes sur un ''couple illégitime'' », in, Propos sur les obligations et quelques autres thèmes fondamentaux du droit, Mélanges offerts à Jean-Luc AUBERT, Dalloz, 2005, p. 235 et s., qui évoque le « couple illégitime » formé par le juge et le contrat. 5 Au sujet du développement du mé canisme de la réfaction du contrat, v. : K. DE LA ASUNCION PLANES, La réfaction du contrat, Préf. Y. PICOD, LGDJ, 2006. L' auteur e y traite du mécanisme de la réfaction manié par le juge ou les parties. 6 Le nouvel art. 1195 du C. civ. autorise, en effet, les parties à demander au juge de procéder à l'adaptation du contrat. Cette demande doit être faite d'un commun accord des parties. 7 À travers l'adverbe « totalement », il s'agit d'évoquer l'accroissement des pouvoirs du juge résultant des arrêts d'Assemblée plénière du 1er décembre 1995. En effet, il est possible d'observer que ces arrêts autorisent le juge à réparer le préjudice causé par le titul du pouvoir de détermination unilatérale du prix en octroyant au cocontractant des dommages-intérêts. Pour beaucoup, il s'agirait d'une manifestation du mécanisme de la réfaction judiciaire du contrat. L'octroi de dommages-intérêts venant en diminution du prix, le juge serait-il, dès lors, indirectement investi du pouvoir de modifier le contrat en précisant la quotité de l'objet de l'obligation du débiteur. (v. not. : en ce sens : D. FERRIER, « Les apport s au droit commun », in La détermination du prix : nouveaux enjeux un an après les arrêts d'Assemblée plénière, Dalloz, 1997, coll. Thèmes et commentaires , 1997 , n° 43, p. 66 ; M.A. FRISON-R OCHE, « De l'abandon du carcan de l 'indétermination à l'abus dans la fix ation du prix », RJDA, 1996 1, p. 3 et s., spéc., p. 10 : « L'indemnisation équivaut à une modification du prix par le juge de la même manière que l'annulation partielle d'un contrat conduit à la réécriture judiciaire de ce dernier »). 1 36 juge »1. Par conséquent, l'intervention du juge en matière de pouvoirs contractuels se doit-elle nécessairement d'être encadrée. Pour que les pouvoirs contractuels et le juge puissent coexister de manière harmonieuse, il apparait, alors, nécessaire de définir les contours de l'intervention de ce dernier. Cela signifie qu'il convient d'essayer de tracer les contours de l'objet du contrôle judiciaire des pouvoirs contractuels, mais aussi de chercher à identifier les mesures qui sont à la disposition des juges. L'identification de ces éléments constitue un enjeu d'autant plus important que les dispositions issues de la réforme du droit des contrats ne traitent que de manière éparse des outils de contrôle et de sanction des pouvoirs contractuels. Celles-ci évoquant, çà et là, la notion d'abus, sans en définir précisément les contours2, et faisant, de temps à autre, allusion à des sanctions telles que la résolution du contrat3, l'allocation de dommages-intérêts4, ou encore, à la reprise forcée de l'exécution du contrat5. Autrement dit, les dispositions issues de la réforme du droit des contrats n'offrent pas une vision globale et unitaire d'un régime de contrôle associant à des outils de contrôle précisément définis des mesures de sanction susceptibles d'être prononcées ou constatées par les juges. Ainsi, bien que la réforme du droit des contrats ait admis les pouvoirs contractuels parmi les mécanismes généraux du droit des contrats, celle-ci n'a pas, concom amment, mis au point un régime général de contrôle de ces prérogatives. Dès lors, le second intérêt de toute étude dédiée, aujourd'hui, aux pouvoirs contractuels est de tenter de mettre sur pied un mécanisme général de contrôle adapté à ces prérogatives. La mise au point de ce mécanisme de contrôle judiciaire contribuera à redéfinir la place du juge et permettra de savoir si notre système juridique dispose des moyens qui permettent d'appréhender efficacement le phénomène pouvoir contractuel. 16. La méthode d'identification des pouvoirs contractuels et de leur régime de contrôle.- L'étude des pouvoirs contractuels semble soulever, au final, deux enjeux auxquels il convient de répondre. Pour chacun de ces enjeux auxquels il doit être apporté une réponse, il convient, alors, de préciser la démarche analytique employée. Le premier de ces enjeux se présente comme celui de l'identification des pouvoirs contractuels. En effet, l'un des intérêts d'une étude dédiée aux pouvoirs contractuels consiste à v. : Ph. JESTAZ, « Rapport de synthèse », in L'unilatéralisme et le droit des obligations, op. cit., p. 99. La notion d'abus est évoquée par les articles 1164 et 1165 du Code civil relatifs à la détermination unilatérale du prix, respectivement, dans les contrats-cadre et les contrats de prestation de service. Cependant, les contours de l'abus n'y sont pas définis. 3 La résolution est évo quée, par exemple , par les nouveaux articles 1164 et 1165 du C. civ. Cette sanction est également évoquée par l'art. 1228 du C. civ. qui définit l'office du juge lorsqu'il est saisi en matière de résolution. Étant donné que dans ce dernier article ne précise pas que la résolution doive être prononcée « aux torts du débiteur », il semblerait que cette sanction puisse être prononcée en cas d'exercice irrégulier d'un pouvoir de résolution unilatérale. (À ce sujet, v. : infra, n° 571, spéc., p. 702 et s.) 4 v. : les nouveaux art. 1164 et 1165 du C. civ. 5 v. en ce sens : le nouvel art. 1228 du C. civ. qui apparait offrir la possibilité de condamner la partie qui viendrait à faire un usage irrégulier d'un pouvoir de résolution, à reprendre l'exécution du contrat. Cette possibilité semble offerte en ce que le nouvel art. 1228 du C. civ. se réfère indistinctement aux mesures susceptibles d'être prises par le juge, que ce soit tant dans le cadre d'une saisine qui visait à obtenir la résolution judiciaire du contrat que dans le cadre du contrôle a posteriori de la résolution unilatérale (Au sujet de l'application de cette sanction, notamment en cas de dépassement de pouvoir, v. : infra, n° 572, p. 705 et s.). 1 2 37 saisir leur nature, c'est-à-dire de tenter de trouver une qualification adaptée. Qualification qui doit, certes, permettre de saisir la nature d'une prérogative qui autorise l'une des parties à imposer à son cocontractant une modification de la situation juridique contractuelle définitivement formée qui les unit, mais qui doit, aussi, permettre à ces prérogatives de se fondre dans la logique contractuelle. Si cette opération de qualification s'inscrit dans un processus dont le point d'aboutissement est la proposition d'un concept de pouvoir contractuel, il ne saurait, pour autant, être question d'élaborer un concept détaché de toute réalité. Dès lors, afin d'éviter cet écueil, la méthode ici proposée est de partir de l'observation des données du réel. Ainsi, il est proposé de partir d'une identification précise des manifestations des pouvoirs contractuels pour, ensuite, essayer de saisir la nature de ces prérogatives, c'est-à-dire de procéder par induction. Le choix d'une démarche inductive plutôt que déductive apparait, d'ailleurs, d'autant plus justifiée que les contours de la notion de pouvoir contractuel, sont, pour le moment, trop incertains. La démarche déductive suppose, en effet, de partir d'une définition certaine et précise avant de faire appel au procédé de déduction logique1. En cela, cette méthode d'analyse apparait plus adaptée à une opération de « délimitation du domaine d'une catégorie bien définie afin d'y faire rentrer ou d'exclure certains cas particuliers nouveaux »2, qu'à l'identification d'une nouvelle notion ou à l'élaboration nouveau concept. Hormis le fait qu'une telle démarche déductive ne permette pas d'offrir une meilleure connaissance de la notion qui lui sert de point de départ, celle-ci présente également le risque de conduire à la formulation de conclusions dénuées de portée, et ce, dans l'éventualité où la définition de départ ne serait pas en accord avec la réalité concrète et matérielle. Si ce risque d'aboutir à des conclusions erronées est également présent dans la démarche inductive, celui-ci est néanmoins atténué en raison du point de départ de cette étude qui prend appui sur la réalité concrète et matérielle. Dans la démarche inductive, tout dépend, alors, du cadre d'étude préalablement établi. Cadre qui n'est, au final, rien d'autre qu'une première définition de la tion. Afin de ne pas partir d'une définition qui ne décrirait qu'imparfaitement la réalité concrète et matérielle du phénomène qu'il s'agit d'étudier, il est généralement conseillé, pour plus de prudence, de s'appuyer sur une définition qui soit susceptible de saisir un large nombre d'hypothèses se rapportant au phénomène en question. En outre, il est conseillé que parmi ces hypothèses, certaines soient reconnues par tous comme appartenant audit phénomène3. Ici, la définition de départ des pouvoirs contractuels semble suffisamment large. Pour rappel, il a pu être proposé de définir les pouvoirs contractuels comme des prérogatives, distinctes du contenu obligationnel, dont la jouissance est conférée exclusivement à l'une des parties ou réciproquement à chacune d'elles et dont la mise en oeuvre, qui dépend d'une v. not. en ce sens : J.-M. VERDIER, Les droits éventuels, Contribution à l'étude de la formation successive des droits, Préf. H. MAZEAUD, Paris, ROUSSEAU, 1955, spéc., p. 3 2 Ibid, loc. cit. 3 Pour un rappel de ces conseils dans la méthode inductive, v. not. : V. LÊ-COMBY, L'unilatéralisme et le droit des contrats, th. préc., n° 18, p. 22. 1 38 manifestation unilatérale de volonté, permet, à la partie qui s'en prévaut, d'imposer à son cocontractant une modification des effets du contrat définitivement formé qui les unit. En effet, cette définition permet d'englober des manifestations du phénomène de pouvoir contractuel telles que la résolution unilatérale aux risques et périls du créancier, la résolution du contrat en vertu d'une clause résolutoire, la fixation unilatérale du prix, l'exercice d'un droit de résiliation, d'un réméré, d'un dédit, ou encore, la décision d'agréer le cessionnaire d'un contrat. Autant de manifestations qui sont, d'ailleurs, reconnues par les auteurs comme appartenant traditionnellement au phénomène de pouvoir contractuel1. La définition retenue semble donc suffisamment sûre pour initier une analyse inductive du phénomène de pouvoir contractuel. Analyse qui doit, alors, permettre de donner une qualification aux pouvoirs contractuels à travers l'identification de leurs manifestations. C'est alors cette identification précise de toutes les composantes de la notion de pouvoir contractuel qui devra permettre de faire accéder celle-ci au rang de concept, c'est-à-dire au rang d'objet de connaissance au contenu entièrement défini. En outre, c'est ce caractère d'objet de connaissance au contenu entièrement connu et défini qui pourra leur conférer une dimension opératoire, utilis , dans la matière contractuelle. La clé de la connaissance et de l'appréhension des pouvoirs contractuels résidant, ainsi, dans leur identification précise, ce premier enjeu d'identification des pouvoirs contractuels apparait, donc, naturellement appelé à constituer le premier axe de l'étude ici entreprise. Le second enjeu d'une étude dédiée aux pouvoirs contractuels est de tenter de mettre sur pied un mécanisme de contrôle adapté à ces prérogatives. En d'autres termes, une fois les pouvoirs contractuels identifiés, il convient de chercher à leur associer un régime de contrôle. La mise au point de ce régime de contrôle, ou, plus exactement, d'un régime général de contrôle adapté à tous les pouvoirs contractuels, étant, comme il a été souligné, d'autant plus nécessaire que la réforme du droit des contrats n'a pas pris le soin de l'élaborer. 39 techniques de contrôle plus adaptées à celui-ci que le droit privé qui est, pour sa part, plus centré sur la notion de droit subjectif. L'objectif étant, au final, de mettre au point la structure de contrôle la mieux adaptée aux pouvoirs contractuels. Structure qui doit mettre en évidence les points du contrôle, les techniques utilisées et les sanctions susceptibles d'être constatées ou prononcées par les juges1. C'est donc cette structure qu'il conviendra d'identifier dans le cadre du second axe de cette étude dédiée au contrôle judiciaire des pouvoirs contractuels. Ces deux axes de réflexion tenteront, alors, d'apporter quelques pierres à l'élaboration d'une théorie générale des pouvoirs contractuels que les auteurs de la réforme du droit des contrats n'ont pas pris le soin de consacrer. Si certains nient l'utilité d'une théorie générale des pouvoirs contractuels2, il semblerait, pourtant, qu'une telle théorie soit indispensable à l'heure actuelle où le pouvoir et le contrat ne peuvent plus s'ignorer. Dès lors que le contrat et le pouvoir sont appelés à coexister, il apparait donc indispensable de prendre la mesure du phénomène de pouvoir contractuel en identifiant ces prérogatives et en leur associant un régime de contrôle adapté. Ainsi, à l'identification des pouvoirs contractuels (Partie I), succèdera la proposition d'un mécanisme de contrôle judiciaire des pouvoirs contractuels (Partie II). Très prosaïquement, l'objectif est donc de mettre sur pied une « grille de lecture » détaillant les points du contrôle, les techniques utilisées et les mesures à la disposition des juges. 2 v. : C. POMART-NOMDÉDÉO, « Le régime juridique des droits potestatifs en matière contractuelle, entre unité et diversité », spéc., p. 227, où l'auteure estime que : « l'heure de l'élaboration d'une théorie générale des droits potestatifs en matière contractuelle n'est assurément pas venue et ne viendra sans doute jamais ». Adde, Ph. JESTAZ, « Rapport de synthèse », in L'unilatéralisme et le droit des obligations, op. cit., p. 90 : « je n'imagine donc pas qu'il y ait matière, à côté de la théorie du contrat, à une théorie de l'unilatéralisme en tant que celui-ci s'insère dans le contrat ». Partie I L'identification des pouvoirs contractuels 17. Un enjeu actuel.- Tant que le phénomène de pouvoir contractuel était simplement considéré comme un phénomène dérogatoire, marginal, l'identification précise de ses contours ne semblait pas nécessaire. D'ailleurs, proposer une identification générale du phénomène de pouvoir contractuel aurait contribué à affaiblir les principes premiers du contrat auxquels ces prérogatives viennent déroger, à savoir, le consensualisme, le postulat d'égalité des parties, mais aussi, pour certains, la nécessité de s'adresser au juge. Dès lors, les études qui tentèrent de saisir les contours de ce phénomène ou d'une partie de celui-ci furent assez rares. Et lorsqu'elles furent entreprises, celles-ci ne manquèrent pas d'en souligner le caractère dangereux et exceptionnel1. ujourd'hui, la dynamique est toute différente. Depuis que le phénomène de pouvoir contractuel est passé du statut de mécanisme marginal, exceptionnel, au statut de mécanisme reconnu et admis parmi les mécanismes généraux du droit des contrats, il apparait nécessaire de l'identifier précisément, c'est-à-dire d'en prendre la pleine mesure. Or, prendre la pleine mesure du phénomène de pouvoir contractuel invite, naturellement, à en clarifier les contours. 18. La nécessité de clarifier les contours des pouvoirs contractuels.- Bien que de nombreuses études se soient déjà intéressées au phénomène de pouvoir contractuel, il s'avère, paradoxalement, à l'heure actuelle, difficile de se faire une image précise de ces prérogatives, c'est-à-dire de savoir exactement quelles sont leurs manifestations et quelle est leur qualification. Autrement dit, il semble régner, de nos jours, un certain flou, autour des manifestations et de la qualification des pouvoirs contractuels. peut sembler délicat de savoir quelles sont exactement les manifestations des pouvoirs contractuels. À ce premier facteur qui contribue au manque de lisibilité des manifestations des pouvoirs contractuels, il est possible d'en ajouter un second qui tient au fait que, malheureusement, bien souvent, lorsque les auteurs font allusion aux pouvoirs contractuels, leurs manifestations sont évoquées au travers d'une série d'exemples, ce qui ne permet pas vraiment d'avoir vision exacte et complète de celles-ci1. Bien entendu, certaines études ont pu proposer d'organiser et de synthétiser les manifestations des pouvoirs contractuels. Mais leur nombre assez restreint et le fait que les points abordés ne soient pas systématiquement les mêmes font qu'il est, en fin de compte, assez difficile de se faire une idée précise des manifestations des pouvoirs contractuels2. Au flou qui entoure les manifestations des pouvoirs contractuels s'ajoute celui de leur qualification. En effet, il possible de constater que, dans l'optique de saisir la nature des pouvoirs contractuels, les auteurs ont pu avoir recours à des qualifications multiples et variées, ce qui ne contribue pas à la lisibilité du phénomène. Pour n'en citer que quelques-unes, les pouvoirs contractuels sont, selon les auteurs, des « droits-subjectifs » 3, des « pouvoirs » 4, ou encore, des « droits potestatifs » 5. Identifier les pouvoirs contractuels suppose donc de clarifier tant la question des manifestations des pouvoirs contractuels que celle de leur qualification. Qualification qui devra, alors, être susceptible de saisir les manifestations des pouvoirs contractuels et de se fondre dans la logique contractuelle6. Cette connaissance précise des manifestations et de la qualification 1 v. par ex. : F. TERRÉ, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit , Les obligations, Dalloz 2009, 10ème éd., coll. Précis, n° 440, p. 458. Adde, pour une présentation similaire, au travers d'exemples : D. FERRIER, « Une obligation de motiver? », art. préc., n° 1 ; Ph. DELEBECQUE, « Prérogative contractuelle et obligation essentielle », art. préc., spéc., n° 2. 2 v. par ex. : C. POMART-NOMDÉDÉO, « Le régime juridique des droits potestatifs en matière contractuelle, entre unité et diversité », art. préc., p. 214 et s., où l'auteure s'intéresse aux manifestations des droits potestatifs contractuels en examin ant l' acte unilatéral de volonté qui leur sert de support, l'objet et la cause de leur réalisation, ainsi que les effets qu'ils produisent. Comp. : J. ROCHFELD, « Les droits potestatifs accordés par le contrat », art. 42 des pouvoirs contractuels permettra de dépasser la simple approche intuitive que l'on peut avoir de ce phénomène et conduira, peut-être même, à élever les pouvoirs contractuels au rang de concept. 19. Vers l'élaboration d'un concept.- Comme évoqué, c'est par la méthode inductive qu'il s'agira de tenter de dégager un concept de pouvoir contractuel1. Cette méthode va alors guider le processus d'identification des pouvoirs contractuels qui constitue le moyen d'y parvenir. En effet, la méthode inductive suppose de partir de l'observation des données du réel, c'est-à-dire de l'identification des manifestations d'un phénomène, pour ensuite essayer d'en déceler la nature, c'est-à-dire, ici, d'en proposer une qualification. Par conséquent, ce n'est qu'après avoir identifié les manifestations du phénomène de pouvoir contractuel (Titre I), qu'il conviendra de s'intéresser à la qualification des pouvoirs contractuels (Titre II). 1 Pour l'exposé de la méthode d'analyse retenue, v. : supra, n° 16, p. 37 et s. 43 44 Titre I Les manifestations des pouvoirs contractuels. 20. Trois points d'étude.- Afin d'identifier les manifestations des pouvoirs contractuels et de prendre, par la même occasion, la mesure de ce phénomène en droit privé des contrats, trois points qui renvoient, d'ailleurs, à trois questions très classiques, semblent devoir être examinés. Le premier de ces points nécessaires à la compréhension d'un phénomène est celui de l'examen de son domaine. Autrement dit, il s'agit de répondre à la classique question du « où? » en essayant de tracer les contours du domaine dans lequel les pouvoirs contractuels sont appelés à se manifester. Si l'adjectif épithète « contractuel » accolé à la notion de « pouvoir » délimite, naturellement, le domaine de l'étude à la sphère du droit des contrats, la question qui se pose alors, plus précisément, est celle de savoir s'il est possible de trouver trace du phénomène de pouvoir contractuel dans tout type de contrat? La réponse à cette question permettra, ainsi, de conférer une assise contextuelle aux pouvoirs contractuels. Le second point qui doit être examiné pour avoir une connaissance plus précise d'un phénomène est celui de son objet. Ici, il s'agit donc de répondre à la traditionnelle question du « quoi? » en essayant d'identifier, très prosaïquement, « ce que font les pouvoirs contractuels ». S'il a pu être retenu, dans la première définition des pouvoirs contractuels proposée1, que ceux-ci ont pour objet de modifier les effets d'un contrat définitivement formé, l'analyse de l'objet des pouvoirs contractuels permettra de préciser quels sont les effets du contrat susceptibles d'être modifiés suite à la mise en oeuvre de ces prérogatives. Enfin, un troisième et dernier point, relatif aux modalités de réalisation d'un phénomène, doit être étudié pour avoir une connaissance plus précise de ce dernier. En somme, il s'agira de répondre à la question du « comment? » en cherchant à identifier par l'intermédiaire de quel moyen se manifestent les pouvoirs contractuels. La réponse à cette question permettra, alors, de préciser la nature de l'élément appartenant à la technique juridique qui sert de support à l'expression des pouvoirs contractuels. Ainsi, afin d'avoir une connaissance plus précise des manifestations des pouvoirs contractuels, il conviendra d'identifier, successivement, le domaine des pouvoirs contractuels (Chapitre I), l'objet des pouvoirs contractuels (Chapitre II) et le support de l'expression des pouvoirs contractuels (Chapitre III). 1 Au sujet de cette définition, v. : supra, n° 6, p. 15 45 46 Chapitre I Le domaine des pouvoirs contractuels. 21. Un domaine rationae materiae vaste. - Affirmer que le domaine matériel dans lequel les pouvoirs contractuels peuvent jouer est vaste peut sembler, a priori, incongru. En effet, « le droit des contrats, bâti sur le postulat d'égalité entre les parties, est perçu comme répugnant aux phénomènes d'autorité. Celui-ci voit, au contraire, dans la convention, « l'instrument naturel de l'accomplissement de la liberté, de l'égalité et, peut-être moins nettement aujourd'hui, de la fraternité »1. Ainsi, les pouvoirs contractuels, qui sont des instruments qui assurent la domination d'une partie sur l'autre en lui permettant d'imposer une modification des effets du contrat, se heurtent-ils, par principe, au consensualisme qui innerve la matière contractuelle. De là, il serait possible de penser que le domaine matériel des pouvoirs contractuels est restreint. Cependant, il n'en est rien. Il semblerait, en effet, possible de trouver trace de ce phénomène dans tout type de contrat, c'est-à-dire, plus exactement, dans les différentes familles de contrats dégagées par la doctrine. Pour autant, avant de le démontrer, il apparait nécessaire de déterminer ce que l'on entend par « famille de contrat ». Autrement dit, il s'avère nécessaire de s'accorder préalablement sur une classification des contrats. 22. La traditionnelle classification binaire.- S'il existe plusieurs types de classification des contrats, dont les plus courantes reposent sur la distinction entre les contrats synallagmatiques et les unilatéraux, les contrats à titre onéreux et les contrats à titre gratuit, les contrats commutatifs et les contrats aléatoires, certains auteurs ont pris l'habitude de classer les contrats en fonction de l'opération économique globale qu'ils ent. Cette classification se décline traditionnellement sur un mode binaire. Ce mode binaire de classification oppose, alors, classiquement, d'un côté, les contrats réalisant un transfert unilatéral ou bilatéral de valeurs, c'est-à-dire une commutation2, et, de l'autre, les contrats qui v. : L. AYNÈS, « Rapport introductif », in L'unilatéralisme et le droit des obligations, sous la dir. Ch. JAMIN et D. MAZEAUD, Economica, coll. Études juridiques, n° 9, 1999, n° 4, p. 4. Cette citation sera toutefois nuancée par la suite dans la mesure où il pourra être montré que l'altruisme, fondement de la fraternité, doit guider l'exercice des pouvoirs contractuels (v. : infra, n° 256 et s., p. 289 et s., et n° 276 et s., p. 307 et s.). 2 Le terme de contrat-commutation qui doit permettre de saisir à la fois les transferts unilatéraux et bilatéraux de valeurs est emprunté à M. CHÉNEDÉ. L'auteur critiquant, dans sa thèse, l'assimilation qui s'est opérée entre les termes « synallagma » (ou « commutatio ») et « permutatio ». En traduisant ces deux termes (« synallagma » et « commutatio ») par le mot « échange » (permutatio), l'auteur constate que les juristes ont immédiatement placé les commutations sous le règne de la bilatéralité. Or, comme le fait remarquer l'auteur : « ''commutation'' et ''permutation'' ne sont guère synonymes : la première est le genre, la seconde est l'espèce ; tandis que les commutations recouvrent tous les transferts de valeurs, les permutations visent uniquement les transferts bilatéraux de valeurs ». Sur ce point : v. F. CHÉNEDÉ, Les commutations en droit privé, Contribution à la théorie générale des obligations, Préf. A. GHOZI, Economica, 2008, n° 32, p. 40. Adde, la référence citée par F. CHÉNEDÉ note 6, 1 47 auraient pour objet une mise en commun dans l'optique de réaliser une activité conjointe et qui sont, ainsi, généralement considérés comme étant à l'origine d'un groupement sociétaire ou associatif, c'est-à-dire d'un groupement de droit privé1. Bien que longtemps utilisé, ce mode de classification binaire semble appelé à être supplanté par une classification ternaire des contrats en raison de la reconnaissance progressive d'un troisième genre de contrats. 23. L'émergence d'une classification ternaire.- La reconnaissance d'une troisième catégorie autonome de contrats trouve ses origines dans les travaux des économistes. Ces travaux sont fondés sur l'observation de la tendance contemporaine selon laquelle les entreprises, au lieu de développer en leur sein ou d'acquérir sur le marché des compétences techniques spécifiques, préfèrent, pour des raisons de coût, coopérer afin d'assurer une meilleure exploitation de leurs ressources respectives2. La découverte de ces « accords hybrides qui empruntent leurs caractéristiques à la fois au marché et à l'entreprise »3, a conduit les économistes à soutenir que « les hybrides sont un troisième ordre économique entre les p. 40 : J.-M. POUGHON, Histoire doctrinale de l'échange, Préf. J.-P. BAUD, LGDJ, 1997, n° 49 et s., p. 49 et s., où l'auteur estime que le passage de la « mutation » à « l'échange » est le fait des juristes qui ont ajouté à la notion de « déplacement », de « mouvement », celle de « réciprocité ». 1 Plusieurs dénominations ont pu être utilisées pour décrire cette classification binaire. Toutes traduisant, peu ou prou, la même réalité. Il a, par exemple, été proposé de distinguer, les contrats qui réalisent des « commutations » et les contrats qui créent des « communications » (v. : Ch. DUMOULIN, Sommaire du livre analytique des contrats, usures, rentes, constitutes, interest, et monnayes, 1547, n°2, p. 333. L'auteur distingue ainsi les contrats qui réalisent une commutation, un échange de valeurs, et les contrats qui réalisent une « communication », c'est-à-dire les contrats qui sont à la base d'une communauté, d'une société. Le mot tirant son origine du latin communicatio, dérivé de communicare qui désigne une mise en commun. Pour un commentaire de ce passage : D. BERTHIAU, Le principe d'égalité et le droit civil des contrats, Préf. J.-L. SOURIOUX, LGDJ, 1999, n°324, p. 177-178), les contrats qui « laissent les intérêts séparés » et les contrats qui « réunissent les intérêts » (v. : GROTIUS, Le droit de la guerre et de la paix, nouvelle traduction par BARBEYRAC, Tome I, DE COUP, 1724, livre II, Chap. XII, p. 418, spéc. § III, 1), les « contrats intéressés » et les « contrats d'association » (v. : A. COLIN et H. CAPITANT, Cours élémentaire de droit civil français, t. II, Paris, Dalloz, 6ème éd. 1931, p. 608-609), les « contrats d'échange lato sensu » et les « contrats associatifs » (v. : M.-E. ANCEL, La prestation caractéristique du contrat, Préf. L. AYNÈS, Economica, 2002, n°173 et s., p. et s.), les contrats « échange » et les contrats « alliance » (v. : A. SÉRIAUX, Le Droit, une introduction, Ellipses, 1997, n° 125, p. 109 et s. Adde, la distinction entre les contrats qui créent des « opération de redistribution » et les contrats qui créent des « opérations de commutations » du même auteur, Les Contrats civils, PUF, coll. Droit fondamental, 2001, n°3, p. 15. À propos du contrat « alliance », v. aussi, J.-F. HAMELIN, Le contrat alliance, th. Paris II, 2010), ou encore, les « contrats-échange » et les « contrats-organisation » (v. : P. DIDIER. « Brèves notes sur le contrat-organisation », in L'avenir du droit, Mélanges en l'hommage de François TERRÉ, Dalloz-PUF, Juris-classeur, 1999, p. 636. Adde, du même auteur, « Le consentement sans l'échange : contrat de société », in L'échange des consentements, RJ. com. contrats et les sociétés »1. Ainsi, les économistes procèdent-ils à une distinction en trois temps : le marché, la firme, et les transactions de coopération. Si la distinction entre le marché et la firme fait référence à la distinction entre les contratscommutation et les contrats qui se rapportent aux groupements de droit privé, les contrats d'intérêt commun renvoient à des figures qui se situent entre ces deux familles de contrats 2. Cette réalité intermédiaire a d'abord été mise en lumière par les juristes au travers de l'analyse des contrats de distribution intégrée3. Proposant de dépasser une telle conception qui réduit la troisième catégorie de contrats aux contrats de distribution intégrée, Mme LEQUETTE a poursuivi le mouvement tendant à reconnaitre l'autonomie d'un troisième genre de contrat et a démontré que cette catégorie, qu'elle dénomme « contrat-coopération »4, couvrait un domaine beaucoup plus large. En effet, selon l'auteure, la qualification de « contrat-coopération » s'appliquerait notamment aux contrats d'édition, au mandat d'intérêt commun, aux contrats de franchise et de concession commerciale, aux joint-ventures ainsi qu'aux contrats de consortium. 24. Le recours à la classification ternaire pour décrire l'étendue du domaine des pouvoirs contractuels.- L'évolution des analyses juridiques relatives à la classification des contrats tend ainsi à substituer à la traditionnelle approche binaire une nouvelle classification ternaire des contrats composée du contrat-commutation, du contrat présent dans les groupements de droit privé, et du contrat-coopération. Ici, il s'agira alors de démontrer que le domaine des pouvoirs contractuels est très large en ce qu'il transcende les différentes familles de contrats dégagées par la doctrine. Autrement dit, il conviendra de mettre en évidence la présence de pouvoirs contractuels, d'abord, dans le contrat-commutation (Section I), puis, dans les groupements de droit privé (Section II) et, enfin, dans le contrat-coopération (Section III). SECTION I : LA PRÉSENCE DE POUVOIRS CONTRACTUELS DANS LE CONTRAT-COMMUTATION. 25. Méthode retenue.- Si la présence de pouvoirs contractuels dans les contrats qui réalisent une commutation ne semble plus, à l'heure actuelle, faire de doute il ne saurait, pour autant, être question de faire l'économie d'une telle démonstration. Cependant, avant de 1 v. : G. TEUBNER, art. préc., p. 59. v. sur ce point : S. LEQUETTE, Le contrat coopération, Contribution à la théorie générale du contrat, op. cit, n° 7, p. 12. 3 M. LICARI, prenant appui sur les travaux de la doctrine allemande, a pu distinguer « trois modes de rapports d'intérêts dans les contrats. Si les intérêts des parties peuvent être contraires (Interessengegensatzverträge) (contrat-échange) ou être communs (Interessengemein-Schaftsverträge) (contrat de société) il est possible de trouver une catégorie dans laquelle une partie confie ses intérêts à l'autre (Interessenwahrungverträge). v. : F. X. LICARI, « L'application par analogie du droit de l'agence commerciale, fondement possible de la reconnaissance d'une indemnité de fin de contrat au concessionnaire et au franchisé », RLDA 2007, n° 785 ; et du même auteur : La protection du distributeur intégré en droit français et allemand, préf. C. WITZ, Litec, 2002, avant-propos M. MARTINEK, p. 74 et s. 4 S. LEQUETTE, Le contrat coopération, Contribution à la théorie générale du contrat, th. préc. 2 49 procéder à une telle mise en lumière, encore faut-il déterminer la réalité juridique que recouvre la notion de contrat-commutation. Ces deux objectifs constitueront donc les deux étapes du raisonnement. Par conséquent, après avoir précisé brièvement les contours du contratcommutation (§I), il s'agira de mettre en lumière le phénomène de pouvoir contractuel au sein du contrat-commutation, et ce, en procédant à un recensement des pouvoirs contractuels présents dans le contrat-commutation (§II). §1- LA STRUCTURE DU CONTRAT-COMMUTATION. 26. Structure : intérêts opposés ou simplement distincts.- Dans le contrat-commutation les obligations sont créées sur un plan horizontal où elles sont le support d'un transfert unilatéral ou bilatéral de valeurs. Aussi, afin de décrire la structure analytique du contrat-commutation, la doctrine utilise aujourd'hui la notion d'intérêt pour expliquer les raisons d'un engagement. Aussi, l'idée de « raison d'être » ou de « justification » de l'engagement du débiteur semble-telle renvoyer à la défunte notion de cause objective1. Tirant son origine du droit administratif, et notamment des études de DUGUIT2, le critère de l'opposition d'intérêts a été utilisé, en droit privé, pour la première fois par DEMOGUE. En effet, pour le célèbre auteur, « ce qui caractérise l'acte bilatéral : convention ou contrat, c'est d'être une transaction entre deux intérêts opposés »3. Cette conception qui fait du contrat un lieu de conciliation entre des intérêts4 opposés a été, par la suite, largement reprise. Pour l'emploi de la notion d'intérêt pour définir la cause, v. not. : Vocabulaire juridique, ss. la dir. de G. CORNU, op. cit., V° « Cause », sens n° 3 : « intérêt de l'acte juridique pour son auteur (cause finale) [] » ; J. MAURY, Essai sur le rôle de la notion d'équivalence en droit civil français, t. I, La notion d'équivalence en matière contractuelle, op. cit., p. 71 et s., où l'auteur décrit la cause dans les contrats à titre onéreux comme « un équivalent économique » et dans les contrats à titre gratuit comme un « intérêt moral » ; J. CARBONNIER, Droit civil, t. 4, Les obligations, PUF, 22ème éd., coll. Thémis, 2000, n° 58 et 64 ; F. TERRÉ, Ph. SIMLER et Y . LEQUETTE, Dro it civil, Les obligations , op. cit., n° 332, p. 352 ; B. F AGES, Droit des obligations , op. cit ., n° 159, spéc. p . 134 ; Ph . MALINV AUD et D. FE NOU ILLET, Droit des obligations, LexisNexis , 2012 , 12 ème éd., n° 316, p . 238 ; G. PIETTE, La correction du contrat , Préf. M. MENJUCQ, P UAM, 2004 , n° 582 et s., où l'auteur voit dans la cause la combinaison d'un intérêt patrimonial et d'un intérêt psychologique ; J. ROCHFELD, Cause et type de contrat, Préf. J. GHESTIN, LGDJ, 1999, p. 82 et s., et p. 91, où l'auteure définit la cause de l'obligation « non seulement comme la contreprestation ou plus largement comme l'intérêt ». 2 v. : L DUGUIT, Tra ité de droit constitutionnel, t. I, Paris , DE BOCCARD, 1927, 3ème éd, § 38, sp é c . p . 381 , où l'auteur écrit en ce qui concerne le contrat : « Ainsi se forme entre les deux contractants un lien de droit parfaitement déterminé ; les deux contractants ont une situation et des intérêts opposés ; l'un a l'obligation d'accomplir une certaine prestation envers l'autre, lequel a le pouvoir d'exiger l'accomplissement de cette prestation » (Nous soulignons). Le critère de « l'opposition d'intérêts » dans le contrat étant reprise plusieurs fois, v. : p. 384 ; p 404 ; et p. 407 et s. pour rejeter l'application de la qualification de contrat aux groupements et lui préférer l'idée d'une pluralité de déclarations unilatérales de volonté : c'est-à-dire la théorie de l'acte collectif. 3 v. : R. DEMOGUE, Traité des obligations en général, I, Source des obligations, t. I , Paris , A . ROUSSEAU , 1923, n° 16 bis, p. 37. Cette définition du contrat est reprise à plusieurs endroits : n° 16, spéc. p. 35, où l'auteur retient : « En principe, l'acte juridique bilatéral mettant en face deux intérêts opposés, le fait que ces intérêts ont pu s'accorder présente une grande importance, aussi on admet que la plupart des actes juridiques puissent se réaliser sous cette forme » ; n° 22, p. 65 : « Parmi les actes juridiques, ceux qui mettent en présence plusieurs personnes ayant des intérêts opposés, portent le nom de conventions ». L'auteur ne cherche pas à dissimuler sa filiation intellectuelle avec le droit administratif, v. not. la note n° 5, p. 35 où l'auteur cite les travaux de JÈZE. 4 Rappr. : G. ROUHETTE, Contribution à l'étude critique de la notion de contrat, th . Paris , 1965 , p. 503 et s., spéc. p. 519, pour qui le fondement du contrat n'a pas à être recherché dans la volonté, mais dans l'intérêt que représente l'acte pour les parties. Le consentement ne serait plus l'expression d'une volonté mais l'expression d'un intérêt. Si le critère de l'opposition d'intérêts a été déduit de ce que la raison d'être de l'engagement d'une partie résidait dans la contrepartie attendue du cocontractant, ce critère, qui permet de décrire adéquatement la structure des commutations bilatérales de valeurs, est apparu en revanche trop restrictif pour décrire les contrats réalisant un transfert unilatéral de valeurs tels que le commodat, le dépôt, ou encore, le mandat, lorsqu'ils sont conclus à titre gratuit. Une définition permettant d'englober les contrats à titre onéreux ainsi que les contrats à gratuit fut alors proposée par M. ROUJOU DE BOUBÉE. Ainsi, le contrat ou la convention apparaissentils comme « le compromis entre des intérêts antagonistes ou tout au moins différents »1, c'està-dire distincts. Dans le cadre d'une telle structure qui met en rapport des intérêts au moins distincts, il sera possible de constater que l'une ou l'autre des parties peut être amenée à faire prévaloir ses intérêts sur ceux de son cocontractant au moyen de pouvoirs contractuels. § 2 - LE RECENSEMENT DES POUVOIRS CONTRACTUELS PRÉSENTS DANS LE CONTRAT-COMMUTATION. 27. Classification selon leur fonction. - Afin de mettre en évidence les manifestations du phénomène de pouvoir contractuel dans le contrat-commutation, il sera procédé à un recensement desdits mécanismes unilatéraux qui permettent à une partie d'imposer à son cocontractant, ou à ses cocontractants, une modification des effets du contrat. Les pouvoirs de sanction de l'inexécution. 28. Pluralité de pouvoirs de sanction.- Une pluralité de mécanismes unilatéraux permettent à l'une des parties d'imposer à son cocontractant, ou à ses cocontractants, une modification des effets du contrat dans la perspective d'en sanctionner une mauvaise exécution. Il en va, ainsi, de la résolution unilatérale aux risques et périls du créancier (1), de la clause résolutoire (2), de l'exception d'inexécution (3), de la réduction unilatérale du prix (4), du remplacement (5), ou encore, du laissé pour compte (6). L'auteur définit ainsi le contrat comme « un acte productif de normes bilatérales, c'est-à-dire liant deux centres d'intérêts ». (Nous soulignons.) 1 v. : G. ROUJOU DE BOUBÉE, Essai sur l' acte juridi que collectif, Préf. G. MARTY, LGDJ, 1961 , p. 13-14. 1. La résolution unilatérale aux risques et périls du créancier. 29. Origine jurisprudentielle.- Si l'ancien article 1184 al. 3 du Code civil posait expressément le principe de la résolution judiciaire du contrat pour inexécution, la jurisprudence1 avait très tôt admis des dérogations à ce principe2. Cependant, afin de ne pas porter une trop forte atteinte au principe de la résolution judiciaire, la résolution unilatérale, a été admise, dans un premier temps, de manière restreinte. En effet, la résolution unilatérale a d'abord été cantonnée à des hypothèses d'inexécution qui, si elles avaient été soumises à l'appréciation du juge, auraient conduit ce dernier à prononcer sans délai la résolution. La jurisprudence avait de la sorte admis la résolution unilatérale dans des cas justifiés par l'urgence ou l'état de nécessité, c'est-à-dire des situations dans lesquelles existe un risque de dommage irréparable ou un risque d'aggravation dudit dommage3, et ce essentiellement pour des raisons de logique4 et d'équité5. La jurisprudence avait également pu admettre la résolution unilatérale en cas d'inexécution grave prenant place dans des situations contractuelles impliquant une dose particulière d'entente et de confiance6. Cette possibilité de résolution unilatérale avait aussi été Il convient également d'ajouter que la loi, à travers par exemple le pouvoir unilatéral de résolution en matière de vente de denrées et d'effets mobiliers de l'article 1657 du Code civil, avait également reconnu des exceptions à la résolution judiciaire. Cet article permet ainsi au vendeur, aussi bien dans le cadre d'une vente civile que d'une vente commerciale, dans l'hypothèse où l'acheteur manquerait à son obligation de prendre livraison du bien mobilier dans le dél fixé, de résoudre unilatéralement le contrat, c'est-à-dire sans passer par le juge. Le passage devant le juge sera cependant nécessaire si le vendeur désire obtenir le paiement de dommages-intérêts. 2 S'il existe des exceptions au recours au juge afin de voir prononcée la résolution du contrat, celles-ci ne sont pas récentes. En effet, en droit canon, le recours au juge n'était pas nécessaire pour obtenir la résolution du contrat pour inexécution. v. sur ce point : G. BOYER, Recherches historiques sur la résolution des contrats, Paris, PUF, 1924, p. 257 et s., et p. 400. 3 v. en ce sens : Trib. civ. Seine, 31 juillet 1897, S. 1898, 2, p. 85, où il était question de l'expulsion d'un spectateur qui troublait une représentation (cependant cet arrêt est ambigu dans la mesure où l'on ne sait pas exactement s'il s'agit de résolution unilatérale ou d'exception d'inexécution. Rappr. Ch. MALECKI, L'exception d'inexécution, Préf. J. GHESTIN, LGDJ, 1999, n° 105 et s., p. 103 et s. qui considère que l'exception d'inexécution, en plus de sa fonction passive, disposerait d'une fonction active autorisant la résolution unilatérale du contrat. Adde, J. ROCHEDAHAN, « L'exception d'inexécution, une forme de résolution unilatérale du contrat synallagmatique », D. 1994, chron. p. 255, spéc. n° 10, où l'auteur retient que, parfois, l'exception d'inexécution « joue un rôle de procédé indirect d'extinction des obligations » en soulignant, que la rupture sera consommée, de fait, si ce mécanisme a vocation à se prolonger dans le temps. Contra. Y.-M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, op. cit., n° 193, p. 272-273, qui considère qu'il ne s'agit que d'une « équipollence factuelle et ponctuelle entre la résolution unilatérale et l'exception d'inexécution [] qui ne permet pas de conclure à une identité de nature [des deux mécanismes] »). v. également : Cass. civ. 4 janvier 1910, S. 1911, I, p. 195, où il s'agissait du cas d'un représentant risquant de voir sa clientèle subtilisée par des manoeuvres déloyales ; Req. 22 décembre 1920, S. 1922, I, p. 369, note MOREL, où l'es èce concernait un groupe de commerçants dont les intérêts étaient gravement menacés. 4 Il serait illogique d'obliger la partie victime de l'inexécution de subir un dommage dont elle pourrait ensuite demander réparation à la partie fautive, v. : en ce sens : J. SAVATIER, note sous C.A. Poitiers, 9 juin 1913, et 12 juin 1918 et 23 décembre 1918, D. 1920, II, p. 41 et spéc. p. 43. 5 Il serait inique de contraindre une partie à supporter « stoïquement [] un préjudice qui est susceptible de s'aggraver chaque jour », v. en ce sens : MOREL, art. préc. note sous Req. 22 décembre 1920. 6 v. en ce sens : Cass. civ. 26 février 1896, S. 1897, 1, p. 187 ; Cass. civ. 5 avril 1936, DH 1936, p. 331. Comme certains ont pu le souligner, la rupture unilatérale serait ici justifiée notamment par le manquement au devoir de bonne foi, qui autoriserait la partie victime à se dégager « immédiatement des liens du contrat » en raison de l'« impossibilité morale qui empêche la continuation des relations des parties », v. : R. CASSIN, De l'exception tirée de l'inexécution dans les rapports synallagmatiques (Exception non adimpleti contractus) et de ses relations avec le droit de rétention, la compensation et la résolution, th. Paris, Sirey, 1914, p. 354 ; Adde, B. FAGES, Le comportement du contractant, PUAM, 1997, n° 815. 1 52 reconnue dans les situations dans lesquelles le débiteur fait savoir à son créancier, de manière non équivoque, qu'il refusait de manière définitive d'exécuter ses obligations1. Si ces hypothèses sont révélatrices de l'existence d'un lien entre un élément substantiel et un élément temporel, l'inexécution doit être tellement grave – élément substantiel – qu'elle nécessite la rupture immédiate du contrat – élément temporel –, la Cour de cassation avait, par la suite, « désolidarisé les éléments substantiels et temporels »2 de la résolution à l'occasion de son célèbre arrêt TOCQUEVILLE3. En effet, en retenant que « la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, et que cette gravité, [] n'est pas nécessairement exclusive d'un délai de préavis », celle-ci reconnait donc que la résolution unilatérale puisse jouer dans des cas moins graves que ceux retenus précédemment. Le manquement du débiteur n'a plus à être tellement grave » qu'il nécessite la rupture immédiate du contrat. De la sorte, la Cour de cassation avait pu reconnaitre la résolution unilatérale comme un principe concurrent 4 à la résolution judiciaire, et ce, dans la mesure où celle-ci était susceptible d'être mise en oeuvre pour sanctionner des manquements d'un même degré de gravité5. 30. Consécration légale .- La réforme du droit des contrats du 10 février 2016 est venue donner une expression légale au mécanisme de la résolution unilatérale aux risques et périls du créancier qui vient s'inscrire dans la droite lignée de ce qu'avait pu mettre au point la jurisprudence. En effet, le nouvel article 1226 du Code civil reprend, en son alinéa premier, la formule de la résolution unilatérale « aux risques et périls » du créancier tout en précisant le v. : Req. 4 janvier 1927, S. 1927, I, p. 188, si la Cour retient l'expression : « résolution de plein droit », celle-ci ne désigne pas le caractère automatique de la résolution, dans la mesure où celle-ci dépend d'une manifestation de volonté du créancier qui a le choix entre l'exécution et la résolution, mais semble plutôt renvoyer à l'idée de faculté reconnue par le droit de mettre fin au contrat. 2 Pour un tel constat, v. not. : Y .- M. LAITHIER, Étude comparative des sanctions de l'inexécution du contrat, op. cit., n° 190, p. 270. 3 v. : Cass. civ. 1ère, 13 octobre 1998, Bull. civ. I, n° 300, D. 1999, note Ch. JAMIN ; Ibid, somm. p. 115, obs. Ph. DELEBECQUE ; Defrénois, 1999, p. 374, obs. D. MAZEAUD ; JCP. G 1999, note N. RZEPECKI ; RTD. civ. 1999, p. 394, obs. J. MESTRE ; Ibid, p. 506, obs. J. RAYNARD. 4 Rappr. B. FAGES, Droit des obligations, op. cit., n° 301, p. 237 , qui considère que la résolution unilatérale « [] s'impose progressivement comme un principe général [] ». Adde, dans le même sens : Ph. MALINVAUD et D. FENOUILLET, Droit des obligations, op. cit., n° 424, spéc. p. 326 ; Rappr. : Ch. JAMIN, « Les conditions de la résolution du contrat : vers un modèle unique ? Rapport français », in Les sanction s de l'ine xécution des obligations contractuelles : étud es de droit compar é, ss. la dir. de M. FONTAINE et G. VINEY, Bruxelles et Paris, Bruylant et LGDJ, 2001 , coll. Bibliothèque de la Faculté de droit de l'Université catholique de Louvain, t. 32, n° 16, sp éc. p. 482, qui s'interroge sur la portée de l'arrêt Tocqueville : « Ne pour rait-il pas préfigurer un possible renversement de tendance, c'est-à-dire de futurs arrêts qui ne joueraient plus à la marge (l'urgence, l'état de nécessité, etc.) mais auraient pour but de mettre à bas cet article [1184 du C. civ]? ». 5 v. en ce sens : E. SAVAUX, Defrénois 2001, n° 11, p. 705 et s., note sous Cass . civ. 1ère, 20 février 2001, n° 99 15170, Bull. civ. I, n° 40, p. 25, où l'auteur retient : « Afin de protéger le débiteur contre un risque d'abus, on peut être tenté d'exiger du créancier qu'il démontre des manquements d'une particulière gravité, mettant gravement en péril ses intérêts. Mais, à la réflexion, il s'agit d'une précaution inutile. La résolution unilatérale est mise en oeuvre aux risques et périls du créancier. Un contrôle judiciaire a posteriori est donc réservé. Or, on ne voit pas pourquoi le juge sanctionnerait une résolution dans des circonstances où il l'aurait lui-même prononcée. La gravité du comportement du débiteur doit donc être appréciée de la même manière dans les deux cas ». (Nous soulignons). Adde, dans le même sens : D. MAZEAUD, note sous : Cass. civ. 1ère, 28 octobre 2003, Bull. civ. I, n° 211, p. 166, RDC. 2004, n° 2, p. 273 et s., ; F. TERRÉ, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, op. cit., n° 661, p. 671. 1 53 mode de mise en oeuvre de ce mécanisme de résolution, à savoir, l'envoi d'une notification au cocontractant. En outre, tout comme semblait l'avoir fait la jurisprudence, le législateur est venu consacrer la résolution unilatérale comme un principe concurrent à la résolution judiciaire. En mettant sur un pied d'égalité, dans le nouvel article 1224 du Code civil, la résolution judiciaire et la résolution unilatérale aux risques et périls du créancier, le législateur parait ainsi vouloir indiquer, à l'image de ce que laissait entendre la jurisprudence, que ces mécanismes sont susceptibles d'être mis en oeuvre pour sanctionner des manquements dotés d'un même degré de gravité1. Quoiqu'il en soit, la consécration légale du mécanisme de la résolution unilatérale aux risques et périls du créancier ne lui a pas fait perdre sa qualité de pouvoir contractuel. Assurément, ce mécanisme qui permet au créancier de l'obligation inexécutée d' er à son cocontractant, par le biais d'une manifestation unilatérale de volonté, un anéantissement du contrat et, donc, une modification de ses effets, présente, bel et bien, les traits caractéristiques matériels et volontaires d'un pouvoir contractuel. 2. La clause résolutoire. 31. Reconnaissance jurisprudentielle.- La clause résolutoire, ou pacte commissoire exprès2, est une stipulation contractuelle par laquelle les parties conviennent que le contrat sera résolu ou résilié3 de plein droit4, c'est-à-dire sans avoir besoin de s'adresser au juge, en cas d'inexécution par l'une ou l'autre des parties de telle ou telle obligation expressément visée par ladite clause. Cette possibilité de mettre fin au contrat n'appartient qu'au créancier de l'obligation inexécutée. Il constitue un mécanisme unilatéral dans la mesure où le débiteur fautif ne peut se prévaloir de la résolution. Cette précision permet d'éviter que le débiteur puisse, en faisant jouer la clause, d'une part, échapper trop facilement à l'exécution de sa prestation, et d'autre part, faire obstacle à l'option du créancier5. 1 v. not. en ce sens : G. CHANTEPIE et M. LATINA, La réforme du droit des obligations, Commentaire théorique et pratique dans l'ordre du Code civil, Dalloz, 2016, n° 655, p. 567-568. 2 Cette précision quant au caractère « exprès » du pacte commissoire permettait de le distinguer de celui qui était toujours sous-entendu dans les contrats synallagmatiques (art. 1184 al. 1 er du C. civ.) et qui supposait de recourir au juge pour qu'il prononce la résolution du contrat. v. not. sur cette distinction entre les deux types de pactes commissoires tacite et exprès : V. MARCADÉ, Explication théorique et pratique du Code civil, t. IV, op. cit ., n° 567, p. 481 et s . ; Ch. AUBRY et Ch. RAU, Cours de droit civil français d'après la méthode de ZACHARIAE, t. IV, Paris, COSSE et MARCHAL, 1871, 4ème éd., § 302, p. 82 et s. ; G. BAUDRY-LACANTINERIE, Précis de droit civil, t. II, Paris, LAROSE et FORCEL, 1883, n° 905 et s., p. 652 et s. ; A.-M. DEMANTE et E. COLMET DE SANTERRE, Cours analytique de Code Napoléon, t. V, Paris, PLON, 1865, n° 104 et 105, p. 170-176. 3 Tel est le cas dans les contrats à exécution successive, v. not. en ce sens : Ch. AUBRY et Ch. RAU, Cours de droit civil français d'après la méthode de ZACHARIAE t. IV, op. cit., § 302, p. 86 ; Ph. LE TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats 2012-2013, Dalloz-Sirey, 9ème éd., 2012 coll. Dalloz action, n° 1236. 4 Sur ce point concernant une dispense d'action en justice, v. not : A. COLIN et H. CAPITANT, Cours élémentaire de droit civil français, conforme au programme de deuxième année, t.2, Paris, Dalloz, 7ème éd., 1932, n° 160, p. 147 ; Ch. AUBRY et Ch. RAU, Cours de droit civil français d'après la méthode de ZACHARIAE, t. IV, op. cit., § 302, p. 84. 5 v. sur ces points : A. COLIN et H. CAPITANT, Cours élémentaire de droit civil français, conforme au programme de deuxième année, t.2, op. cit., loc. cit ; M. PLANIOL et G. RIPERT, Traité élémentaire de droit civil conforme au programme officiel des facultés de droit, t. Si l'ancien droit admettait déjà la licéité des clauses résolutoires, celles-ci ne pouvaient avoir pour objet ou pour effet de conférer au créancier le droit de rompre unilatéralement le contrat : elles n'étaient considérées que comme des clauses comminatoires1. Bien que cette conception traditionnelle du pacte commissoire exprès se soit maintenue pendant les premières années du Code civil2, la Cour de cassation, dans un important arrêt du 2 juillet 18603, avait rapidement affirmé la validité des clauses résolutoires expresses jouant de plein droit. 32. Consécration lég ale.- La réforme du droit des contrats de février 2016 a donné une expression légale à ce mécanisme au nouvel article au nouvel article 1225 du Code civil. Il est présenté par le nouvel article 1224 du Code civil comme l'un des trois modes de résolution du contrat, aux côté de la résolution judiciaire et de la résolution unilatérale aux risques et périls du créancier. Aussi, le nouvel article 1225 du Code civil, en son alinéa second, soumet, en l'absence de dispositions contraires4, la résolution à une mise en demeure du débiteur. Ce faisant, il reprend une distinction connue depuis bien longtemps de la pratique et de la doctrine privilèges et les hypothèques, Paris, PICHON et DURAND-AUZIAS, 1931, 11ème éd., n° 1323, spéc. p. 497 ; F. TERRÉ, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, op. cit., n° 662, p. 673 ; R. ENCINAS DE MUNAGORRI, L'acte unilatéral dans les rapports contractuels, Préf. A. LYON-CAEN, Paris, LGDJ, 1996, n° 47, spéc. p. 58, où l'auteur ligne que la clause présente une certaine « extériorité » à l'égard du débiteur ; Ch. PAULIN, La clause résolutoire, op. cit., n° 143 et s., p. 157 et s. 1 v. en ce sens : J. DOMAT, Les loix civiles dans leur ordre naturel, le droit public et legum delectus, t. I, Paris, SAVOYE, Nouvelle édition, 1756, n° XVIII, p. 29 : « Les clauses résolutoires & les clauses pénales ne s'exécutent pas toujours à la rigueur ; & les conventions ne sont pas résolues, ni les peines encourues, au moment que le porte la convention ; quand il serait même convenu que la résolution sera encourue par le seul fait, & sans ministère de justice. 55 qui partage les clauses résolutoires entre celles qui, d'un côté, nécessitent une mise en demeure1, et celles qui, de l'autre, ne nécessitent pas une mise en demeure2. Le premier type de clause résolutoire correspond bien à un phénomène de pouvoir contractuel puisqu'il est possible d'y trouver trace d'une manifestation unilatérale de volonté de la part du créancier. Celle-ci se matérialise par une mise en demeure et permet au créancier d'imposer au débiteur la résolution du contrat dans l'hypothèse où l'inexécution persisterait pendant un certain délai. La question est plus délicate pour le second type de clause résolutoire. En effet, si le nouvel article 1225 alinéa second du Code civil dispose que la mise en demeure pourra résulter du seul fait de l'inexécution3, il demeure silencieux sur la nécessité d'une notification par le biais de laquelle le créancier indiquerait au débiteur qu'il entend se prévaloir des effets de la clause résolutoire. Si l'on combine les dispositions du nouvel article 1225 aux dispositions du nouvel article 1229 alinéa second du même Code qui dispose notamment que « la résolution prend effet [] dans les conditions prévues par la clause résolutoire », la porte semble ouverte aux clause résolutoires qui produisent leurs effets de manière automatique, dès lors que les parties en auront convenu ainsi. Dans l'hypothèse où la seule inexécution met en demeure le débiteur d'exécuter dans un certain délai et où la production des effets de la clause résolutoire ne résulte pas d'une manifestation unilatérale de volonté du créancier, qui se manifesterait par une notification, il ne s'agit pas d'un phénomène de pouvoir puisque les effets ne sont pas imposés par la volonté du créancier, mais se produisent automatiquement. On rapproche alors de la stipulation d'une condition résolutoire ordinaire, dont les dangers ont pu être signalés4.
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Industrie ~ armes + soie M cotonnades • chanvre • papier + poterie - laques • saké 0 0 km 300 Un tableau de 1714 fait état des produits entrés cette année-là dans la ville d 'Ôsaka : Riz pour une valeur de 40 813 kan ( 1 kan= 3,75 kg argent) Grame de colza pour 28 048 kan Bois de construction pour 25 751 kan Sardines sèches pour 17 7 60 kan Coton blanc pour 15 749 kan P.:pier pour 14 464 kan Fe& pour 11 803 kan Bois à brûler pour 9 125 kan Cuivre pour 7 171 kan 352 Coton pour 6 704 kan Tabac pour 6 495 kan Sucre pour 5 614 kan Haricots (soja) pour 5 320 kan Sel pour 5 230 kan Blé pour 4 586 kan etc., jusqu'à un total de 286 561 kan, et de ceux qui en sont sortis: Huile de colza pour 26 005 kan Cotonnade rayée pour 7 066 kan Cuivre pour Nagasaki pour 6 587 kan Coton blanc pour 6 264 kan Huile de coton pour 6 116 kan Objets de seconde main poUl' 6 044 kan Filés de coton pour 4 299 kan Shôyu pour 3 898 kan Objets de fer pour 3 750 kan Tourteaux pour 3 267 kan Objets laqués pour 2 839 kan Mercerie pour 2 838 kan Huile de sésame pour 2 088 kan Céramique pour 1 574 kan Saké pour 1 200 kan etc., jusqu'à un total de 95 799 kan. (Tableau donné dans le tome 19 de Nihon rekishi, Genroku jidai, éd. Shôgakkan.) Au début du XVIIIe siècle, le commerce de Nagasaki suscitait de sérieuses réserves chez certains conseillers du bakufu, notamment Hakuseki, qui le rendaient responsable de la disparition des trois quarts de l'argent extrait dans le pays au cours du xvne siècle. Déjà, en 1668, comme le manque de numéraire, conjugué avec l'accroissement des échanges intérieurs, devenait fort gênant, on interdit l'exportation de l'argent. Mais les marchands chinois préféraient l'argent à l'or, de sorte que ce règlement fut fort mal appliqué : en 1669, 30 000 kan furent exportés. En 1685, le bakufu restreignit le commerce de Nagasaki à une valeur de 6 000 kan pour les Chinois et moitié moins pour les Hollandais. Plus tard, le nombre des jonques chinoises admises fut réduit à 70. (Commentaire de la carte,; Voies de communication et principales vi/leu) Les échanges étaient particulièrement actifs sur le Tôkaidô, la voie qui reliait Edo à Ôsaka. Cinquante trois relais de postes munis chacun de cent chevaux et de palefreniers se succédaient le long de la route. Sur mer des lignes réguUères de caboteurs transportaient les produits lourds. Sur la route, les courriers officiels circulaient à grande vitesse. A partir de 1663, on étabUt un service pour les particuliers, trois fois par mois; les lettres d'Edo mettaient ainsi huit jours pour parvenir à Ôsaka. Les autres routes étaient un peu moins fréquentées. Le riz des plaines du Nord-Ouest venait par bateau à Ôsaka. La circulation des cortèges de daimyô mettait de l'animation sur les routes principales où existaient des auberges spécialisées pour recevoir les daimyô, les honjin :$:liJ, dont le nom rappelle le caractère guerrier des chefs de fief. On n'utilisait pas la voiture mais le cheval de bât ou, pour les voyageurs, le palanquin. Un autre facteur d'animation était les pèlerinages, se rendant à Ise notamment. Les barrières, sekisho ~~~~~,n'étaient pas tant des postes de douane ou de perception de taxes que des postes de police ; on y contrôlait l'importation des armes à feu en direction d'Edo et la sortie des femmes, car les daimyô devaient obligatoirement laisser leurs épouses principales à Edo. La vie urbaine devint très brillante, notamment dans les quartiers de plaisir qui faisaient la mode et donnaient le ton. A Edo, le Yoshiwara fut organisé en 1617. Le théâtre, kabuki, théâtre de poupées, fut illustré à la fin du siècle par la production de Chikamatsu Monzaemon il[~,-,tr:Jeil"l (1653-1724 ). Toute une littérature de récits romanesques, ayant pour cadre ces quartiers et pour personnages des bourgeois, donna ses chefs-<l'oeuvre avec Ihara Saikaku ;11:Jf.l!iU ( 1642-1693). Quelques esthètes d'un goût plus épuré se livraient à la composition de brefs poèmes de dix-sept syllabes dont le modèle le plus achevé se trouve dans l'oeuvre de Matsuo Bashô UHt ê!li (1644-1694). 355 A. Le règne de Yoshirnune (1716-1745) Réformes de l'ère Kyôhô Yoshimune 38 est le dernier shôgun qui ait gouverné par lui-même. On parle à son sujet de réformes de l'ère Kyôhô (1716-17 35), mais une partie des mesures qu'il prit est postérieure. Par ailleurs, sa politique ne s'est pas toujours développée de façon cohérente. Il dut, par force, accorder une grande attention aux affaires économiques. Or, ni lui ni son personnel, de par leur formation et de par leurs préjugés, n'étaient tout à fait préparés à maîtriser les problèmes fmanciers. Un des traits de la doctrine politique inspirée de la philosophie officielle, était qu'il fallait décourager la consommation et limiter les désirs, et qu'on pouvait diriger l'économie au moyen d'exhortations morales. Yoshimune, pour se conformer à l'idéal du gouvernement sage et bienfaisant, veilla à entendre les plaintes et suggestions du peuple 39 et à s'entourer d'hommes compétents. Il rétablit donc les indemnités40 pour les hommes employés dans l'administration du bakufu, ce qui lui permettait de mettre dans des postes assez importants des individus que le montant de leur pension ne qualifiait pas pour ces fonctions. 38. Yoshtmune n'avatt pas été élevé pour devenir shôgun; en sa personne, pour la première fois, a joué la règle du choix du shôgun dans une des trois branches collatérales instituées par leyasu, en l'occurrence celle de Kü. Quand il devint shôgun, il était déjà adulte et avait l'expérience de l'administration d'un fief important. Après les encouragements à l'étude des lettres prodigués par Tsunayoshi, Yoshimune a voulu redonner une place importante à la préparation m litaire et aux vertus guerrières. 39. Installation à la porte du tribunal des hyôjôsho d'une boite dite meyasu* bako!::11fR, «boite pour recevoir les écrits qui ainsi viennent facilement devant les yeux des autorités supérieures», boite à plaintes contre les excès des fonctionnaires et à pétitions. Normalement, les plaintes et pétitions devaient passer par la voie hiérarchique et avaient chance d'être arrêtées avant d'arriver au som* met. Yoshimune fit placer cette boite en 1721. Il mit en application diverses mesures relatives à des institutions charitables et à la lutte contre le feu à Edo qui lui avaient été suggérées par ce moyen. 40. Système dit des «compléments de revenu», tashidaka lÈ iii. Une des difficultés de la gestion fmancière du bakufu tenait à l'insuffisance du numéraire et surtout à sa thésaurisation par des particuliers, ainsi qu'à l'instabilité extrême du cours du riz, tributaire des variations du climat, des mauvaises chances des transports et de la spéculation des marchands. En effet, les redevances perçues par le bakufu l'étaient en riz et même celles perçues en espèces dépendaient en définitive du prix du riz qui commandait celui de tous les autres produits. Yoshimune essaya d'agir sur ces facteurs. Il continua d'abord la politique de Hakuseki de retour à la bonne monnaie, dans l'espoir de faire sortir les pièces thésaurisées. Devant l'échec de cette mesure, il procéda en 17 36 à une dévaluation et fit émettre de nouvelles pièces en or et en argent, dans lesquelles la proportion de cuivre était fort augmentée, opération qui profita au trésor public. Yoshlmune s'attacha à accroître les revenus du domaine par l'encouragement des défrichements, par l'augmentation du taux de prélèvement fiscal qu'il réussit à porter au-dessus du tiers de la récolte (le taux de la moitié n'était qu'un idéal qui ne put dans la réalité être réalisé), et par la généralisation du système des taux fixes pour le calcul de l'impôt (voir note 20, p. 323). Il prit aussi une mesure exceptionnelle, en 1722, en faisant appel aux daimyô 41 • Mais il ne réussit pas, malgré son désir, à taxer suffisamment les marchands dont les revenus étaient difficiles à connaître. En défmitive, sa politique fut un demi-échec. EUe eut le malheur supplémentaire de rencontrer la famine de 1732 (on estime que la population diminua alors de près 800 000 habitants)42. Faute d'avoir prise sur les mécanismes économiques, Yoshlmune dut, en 1719, prendre une mesure qui équivalait à la suppression des dettes de ses hommes de la bannière et de la maison43 • La pension de ceuxci dépendait du cours du riz; quand le riz était bon marché, elle diminuait, quand il était cher, ils ne gagnaient guère car tout le reste augmentait. Ils étaient donc souvent endettés à l'égard des négociants qui se chargeaient de commercialiser le riz de leurs 41. 357 pensions. Quand l'endettement était trop grand, le bakufu décrétait une sorte de moratoire. Yoshimune perfectionna les organes de l'administration financière et conçut le dessein de faire compiler les règlements émis par le bakufu. Le recueil publié en 1742 comprenait 3 500 textes44. Ces recueils, qui furent continués, étaient préparés pour l'usage de l'administration et non de la population. C'est aussi Yoshimune qui, administrateur moderne et éclairé, commanda le premier recensement général de la population en 1721 ; cette pratique devait être continuée tous les six ans par la suite. Enfin, ce shôgun tint à maintenir à un bas niveau le commerce avec l'étranger; cependant, il a assoupli les règlements relatifs à l'entrée des livres étrangers, en 1719, mesure qui a préparé l'épanouissement des études hollandaises et scientifiques, et a permis la lecture au Japon d'ouvrages d'astronomie écrits en chinois par les Jésuites de Péking. B. Gouvernement de Tanuma Okitsugu Réformes de l'ère Kansei (1789-1800) La seconde moitié du XVIIIe siècle fut marquée par les carrières antithétiques de Tanuma Okitsugu et de Matsudaira Sadanobu. Le premier est le type du parvenu. L'historiographie officielle lui a donc été défavorable, insistant sur les conséquences funestes de son administration, qui aurait ruiné la morale du bakufu, généralisé l'usage du pot de vin, etc. On tend maintenant ~ers plus d'indulgence et on met l'accent sur le caractère moderne de ses projets, sur son goût pour les questions pratiques et le développement économique. Cependant, l'entreprise de mise en valeur de la région du lac Inbanuma45 qu'il patronna ne fut pas un succès, le projet de colonisation de l'île de Yezo par des Eta 'Edo ne reçut pas le moindre commencement d'exécution. Sa politique monétaire, dont le but était de faire faire 44. Kujikata osadamegaki ~-jjl.J~•. Décisions relatives aux procès, compilation de règlements et, surtout, de précédents et décisions prises par des rôjû ou la cour, hyôjôsho, touchant principalement à la justice pénale. Les textes étaient classés dans l'ordre chronologique. On dit que Yoshimune prit personnellement grand intérêt à ce travail, qui dura de 1736 à 1742, et qu'il aurait révisé et corrigé certains textes. Ce recueil marque certains adoucissements dans les peines par rapport à la période précédente. Sa consultation était limitée aux fonctionnaires à qui il appartenait de prendre des décisions. 45. Lac situé sur la rive droite de la Tone. 358 des profits au bakufu, contribua à augmenter le numéraire en circulation, mais il commit l'erreur d'émettre trop de billon pour intensifier les transactions, ce qui contribua à faire monter les prix. Son intérêt pour les corporations avait surtout pour but de créer des monopoles, qu'il était relativement facile de taxer. Il a pensé faire entrer du métal précieux au Japon46 grâce au commerce de Nagasaki et a encouragé l'exportation de produits de la pêche vers la Chine. Son passage aux affaires fut troublé par des calamités naturelles: 1770 sécheresse, 1772 grand incendie d'Edo, 177 3 épidémies, 1778 éruptions volcaniques à Kyû-Shû, 1783 éruption de l'Asama qui coïncide avec la grande famine de l'ère Tenmei. La population, stagnante depuis le début du siècle, aurait diminué d'environ un million entre 1780 et 1790. La situation dans les campagnes et dans les villes devenait difficile et les troubles qui n'avaient jamais été absents depuis la fondation du régime commencèrent à se multiplier et ne devaient jamais s'arrêter. Carrière de Tanuma Okitsugu oem:t:i.X 1719 naissance; son père est un homme de la maison, venu avec Yoshirnune du fief de Kii où il était ashigaru. 17 34 il est mis au service de l'héritier de Yoshirnune; son père est chargé de la bourse particulière du slzôgun. 1735 il hérite du revenu de 600 koku de son père. 1745 reste au service d'Ieshige devenu shôgun. 1748 dirige une des troupes d'hommes de la bannière; doté d'un revenu de 2 000 koku. 1751 entre dans le groupe des chambellans. 1758 son revenu passe à 5 000 koku. 1760 avènement d 'Ieharu; sa veur s'accentue. 1767 devient grand chambellan sobayônin ; revenu de 20 000 koku. 1769 assimilé à ancien, rôjû. 1772 nommé ancien. 1783 son fils est nommé du conseil auxiliaire. 1785 daimyô de Sagara avec 53 000 koku. 1786 perd son poste de rôjû et, en deux fois, 40 000 koku. 1788 meurt ; un de ses fils se maintient dans un petit fief du Nord; sa descendance devait revenir à Sagara au XJXe siècle. 46. Avide de trouver de nouvelles mines, il a incité Hiraga Gennai.if!.ililf.J"' à faire des recherches et à développer de nouveaux procédés dans l'industrie métallurgique, mais sans grands résultats. Il pensait aussi se procurer du métal précieux par importation, payée par des exportations de cuivre et de balles de poissons séchés, tawaramono ~~,produits recherchés en Chine. Les troubles dans les campagnes et dans les villes ont pris à partir du milieu du XVIIIe siècle plus d'ampleur et des formes variées. La fuite et surtout la plainte directe4? étaient, dès longtemps, les procédés les plus fréquents. Normalement les plaintes, pour être reçues, devaient porter le cachet des chefs du village et être présentées par eux. Mais ceux-ci s'abstenaient souvent de les transmettre, de sorte que les paysans étaient obligés de faire appel directement à l'autorité supérieure, sans passer par la voie hiérarchique, procédure qui était rigoureusement interdite depuis 1741, sous peine de mort pour les contrevenants. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les révoltes affectant une province ou une fraction de province, impliquant donc entente entre les meneurs, se sont multipliées. Elles pouvaient avoir des causes variées. Celle de Chôshû en 1831, par exemple, était dirigée contre les monopoles du papier, du sel et de l'indigo, dont le fief prétendait tirer des sommes importantes. D'autres fois, les paysans se soulevaient pour demander la suppression d'une imposition nouvelle ou de corvées exceptionnell~s. A Kurume, en 1754, le mouvement fut déclenché contre la levée d'une taxe pour le voyage du daimyô à Edo. En 1764, les provinces de Musashi, Kôzuke et Shimotsuke s'enflammèrent parce qu'on demandait des corvées supplémentaires pour l'arrivée d'une ambassade coréenne: 200 000 hommes s'approchèrent d'Edo. Les ambassades furent désormais arrêtées à Tsushima. En effet, souvent les demandes étaient acceptées, mais les responsables de l'émeute étaient sévèrement châtiés. La révolte de Kurume avait mis en branle plus de 50 000 paysans; il y eut 18 condamnations à mort et 100 au bannissement. Au XIXe siècle, la solidarité villageoise tendit à disparaître et un fossé à se creuser entre riches et pauvres. A l'intérieur des villages, des mouvements s'élevèrent contre l'administration des chefs. Par ailleurs, les paysans riches, notamment dans les régions centrales, ont suscité des mouvements contre le monopole des marchands des villes. Comme la population des villes augmentait, notamment dans les périodes de disette et de catastrophes, une augmentation du prix du riz pouvait déclencher des troubles qui prenaient la forme de pillages, incendies et destructions, uchikowashi, de maisons de riches marchands. Les troubles, nombreux mais limités dans l'espace, ne furent qu'une gêne pour le bakufu, mais jamais une menace. 47. L'appel direct, jikiso il::lf, en sautant les échelons de la voie hiérarchique, prend le nom d'osso l!&:lf. Ceci peut aussi être le fait du chef de village qui, ne pouvant faire parvenir sa plainte jusqu'au sommet de la hiérarchie, essaie de toucher directement le daimyô, dans un de ses déplacements par exemple 360 Matsudaira Sadanobu48, l'auteur des réformes de l'ère Kansei, arriva aux affaires en 1787 en vertu de sa naissance: c'était un petitfils deYoshimune, adopté par le chef du fief de Shirakawa (100000 koku). Il était fort imbu de morale confucéenne et inquiet du développement des études non orthodoxes, notamment sur des questions d'économie et de défense (comme celle de Hayashi Shihei) 49 ; il tenta, sans grand succès d'ailleurs, d'établir officiellement un enseignement orthodoxe. Alors que le bakufu avait toujours montré beaucoup d'éclectisme dans le choix de ses conseillers lettrés, et qu'il finançait l'école des Hayashi, mais sans imposer de programme d'enseignement, Sadanobu, lui, imbu de l'idée que l'éducation est le fondement du bon gouvernement, imposa des professeurs et un programme étroitement néo-confucianistes, les autres écoles étant déclarées hétérodoxes et l'exercice de la composition poétique en chinois à peine toléré. Le bakufu rebâtit alors l'école, qui prit le nom de Shôheizaka gakumonjo50, Centre d'études de Shôheizaka, les inscriptions étant réservées aux bushi, vassaux du shôgun; des bushi d'autres fiefs ne furent admis qu'un peu plus tard et les roturiers exclus, alors que les Hayashi en ont gardé dans leurs cours privés. Des examens publics furent même organisés en 1793 et ont continué jusqu 'à la fm du bakufu avec une certaine périodicité. A partir de cette date les écoles de fief, elles aussi, se sont multipliées. Matsudaira Sadanobu voulait avant tout défendre et développer l'agriculture. En revànche, il nourrissait de grandes préventions contre les marchands et leurs activités. Il essaya de renvoyer dans les 48. Matsudaira Sadanobu ~ if'jt f! ( 1758-1829), chef du fief de Shirakawa en 1783; il trouva dans cette région pauvre du nord du Japon une situation désastreuse qu'il aurait améliorée par sa sage administration. D fut choisi pour rôjû en 1787 après l'avènement du shogûn Ienari. 49. Hayashi Shihei t'*T-.if (1738-1793), bushi du fief de Sendai qui, conscient de la poussée des Russes vers les iles du nord du Japon, s'intéressa au études de géographie et d'art militaire. C. Mizuno Tadakuni et les réformes de l'ère Tenpô ( 1830-1843) Le long règne du shôgun lenari 55 fut assez prospère, notamment durant les ères Bunka et Bunsei (1804-1829). Les marchands, de plus en plus actifs, ont pris de l'assurance et pouvaient se sentir portés à regarder 51. En 1789, fut publié l'édit Kien-rei • ~ ~ de suppression des dettes contractées auprès des fudasashi d'Edo par les vassaux du bakufu, dettes antérieures à 1784. Pour les dettes postérieures à cette date un taux d'intérêt modéré fut imposé. Un fonds de secours pour les pauvres en général fut instauré dans la ville d'Edo. 52. Kakoimai 911 le riz mis en réserve; des magasins furent établis à Edo, Kyôto et Ôsaka. Mais des mesures du même genre ont toujours plus ou moins été prises à toutes les époques, sous des noms divers ; celui de kakoimai apparut à l'ère Kansei. 53. Institution des ninsoku yoseba A.li! tf tl, lieu où on enfenne les manoeuvres, la main.<J'oeuvre sans qualification. 54. Sant ô Kyôden WJOitE, un auteur de livres du genre sharebon i'Hi:i: à la mode (des quartiers de plaisir) se vit condamné à avoir les mains liées pour cinquante jours. 55. lena ri fut shôgun de 17 86 à 183 6, puis se retira mais resta présent jusqu'à sa mort en 1841. Ce fut un shôgun assez terne, peu zélé pour les affaires, surtout connu pour les intrigues de son palais et de ses nombreuses épouses, pour l'abondance de ses enfants et l'influence que certains membres du clergé bouddhique ont pu exercer sur lui. *, 362 de haut les guerriers appauvris. Certains en vinrent à formuler des propositions hérétiques affirmant que les marchands étaient aussi utiles que les guerriers, contre l'idée courante chez ces derniers, selon laquelle les activités de commerce sont méprisables. On considère que, dès ce temps, les deux tiers de la production agricole n'étaient pas consommés sur place et passaient par le marché. Les marchands des villes groupés en corporations rencontrèrent une sorte de concurrence, surtout dans les régions centrales, celle de paysans enrichis qui se livraient aux activités de prêt ou de commerce. Une sorte de capitalisme commercial fleurit, les marchands faisaient travailler des artisans-paysans dans les campagnes. Ces développements n'étaient pas très favorables au bakufu qui avait une certaine prise sur les marchands organisés des grandes villes qu'il contrôlait, mais beaucoup moins sur les marchands locaux, dépendant d'une poussière de fiefs. Les émeutes de paysans ou d'habitants des villes n'avaient jamais cessé, comme des sortes d'exutoires périodiques; elles n'ont jamais menacé le bakufu. Cependant, le mouvement déclenché en 1837 par un petit fonctionnaire du bakufu à Ôsaka pouvait sembler plus dangereux. Ôshio Heihachirô **i~/\aa (1793-1837), imbu de la philosophie d'Ô Yô mei, voulait abattre le bakufu corrompu, incapable d'assurer la vie et la sécurité du peuple, et restaurer un bon gouvernement. En dépit des lettres qu'il adressa aux paysans des alentours, il ne réussit qu'à allumer quelques incendies à Osaka avant de se suicider. Néanmoins, après quelques mauvaises années et des disettes en 1832 et 1838, l'ultime campagne de réformes du régime se développa la mort d'Ienari. Mizuno Tadakuni }j(tf~fts (1794-1851) était ancien depuis 1834, mais il ne put appliquer sa politique qu'après la mort du shôgun retiré Ienari. Son administration ne dura que deux ans, de 1841 à 1843, avec un bref retour en 1844. Comme tout programme de réformes, le sien comprenait un chapitre relatif à l'économie, à la sobriété et au retour aux bonnes moeurs 56, ce qui motiva les peines prononcées contre des auteurs: Ryûtei Tanehiko M•ll~ (17831842), auteur d'ouvrages sentimentaux et pornographiques qui mourut en prison, et Shunsui (1790-1843) qui fut empêché d'écrire. 56. Le début du XIxe siècle fut une époque très prospère pour Edo, la plus grande ville du pays, active et gaie dans la basse ville, les quartiers de marchands et d'artisans où il eXIstait un public pour le théâtre, la littérature licencieuse et parodique, les fêtes. On y trouvait aussi des mesures relatives à l'agriculture. Des famines venaient de sévir et les autorités se préoccupaient de la diminution des cultures vivrières au profit des cultures industrielles 57. La mesure la plus neuve était la suppression des corporations, considérées comme responsables de la hausse des prix. En fait, cette dissolution provisoire n'aboutit qu'à la désorganisation des marchés, sans résultat sur les prix. La suppression d'une partie des dettes du bakufu et des hommes de la bannière, la limitation du taux des intérêts ne nuisirent qu'aux gros marchands, mais les petits prêteurs développèrent lems affaires. Une tentative de reprise de terrains concédés en fief autour d'Ôsaka souleva l'irritation de fiefs, dont celui des Tokugawa de Nagoya : Tadakuni dut se retirer. Les conséquences de la guerre de l'Opium engagèrent le baku[u à songer à un effort militaire: l'artillerie et la défense des côtes devinrent des sujets à la mode, mais rien de vraiment sérieux ne put être entrepris 58. Le bakufu échoua dans sa tentative de réformes, gêné par sa taille, par sa double structure qui lui imposait des charges supérieures à celles des fiefs, par l'affaiblissement de son autorité sur les fiefs de daimyô dits «extérieurs». En revanche certains fiefs, Satsuma et Chôshû en tête, réussirent des réformes. Le fief de Satsuma (Kagoshima) était dans une situation financière déplorable à la suite de la gestion inconsidérée et des grandes dépenses de son daimyô Shimazu Shigehide Aitiif (1745-1833), grand amateur de curiosités exotiques. Zusho Hirosato fiJJm/1:1! (1776-1848), promu conseiller principal en 1833, fit faire une sorte de banqueroute 59 au fief pour nir la situation. Puis il tira ptofit du monopole sur les ventes de sucre, acheté quatre fois moins cher dans les îles du Sud, et d'un commerce semi-clandestin de produits chinois venus des Ryû Kyû. Quand l'héritier du fief Nariakira JifW prévint un des anciens, Abe Masahiro Jïg' S~iE ~, Hirosato préféra se suicider, mais le fief était dans une situation financière satisfaisante. A Chôshû (Hagi) aussi, le fief pour sortir des embarras financiers fit une banqueroute partielle et chercha à tirer profit de la situation de 57. 364 Shimonoseki sur le trajet entre les côtes de la mer du Japon et Ôsaka, en y établissant des entrepôts60. D'autres fiefs ont, au même moment, rétabli leurs finances (généralement au détriment des marchands, leurs créanciers): Hizen où la proximité de Nagasaki a permis un développement industriel précoce, Kanazawa qui fit une sorte de banqueroute, Kumamoto sagement géré. La troisième étape de l'époque d'Edo a vu un développement intellectuel considérable. Le Japon s'était déjà doté d'un système scolaire: presque tous les fiefs entretenaient une école61 quelquefois ouverte aux non-guerriers. Par ailleurs, des écoles privées à l'usage des adultes fleurissaient: établissements où on enseignait les classiques de façon plus ou moins orthodoxe, ou le hollandais et les sciences naturelles et physiques dont il était la clef, ou la morale ou les arts militaires ou les classiques japonais. Il existait dans les grandes villes, Kyôto ou Ôsaka, des établissements ouverts pour les marchands62 et les roturiers. lshida Baigan :0 EB ~!fi (1685-1744) fonda le mouvement d'Etude morale, Shingaku ~t'~ (littéralement «du coeur») qui créa des salles de réunion et d'enseignement de plus en plus nombreuses (80 en 1803, 134 en 1830). Enfin, il existait pour les enfants des 60. En 1838, les dettes accumulées du fief atteignaient vingt-quatre fois les revenus annuels. La situation fut redressée sous la direction d'un officier du fief, Murata Seifû ftWiiJI (1783-1855), qui supprima les dettes de trente-sept années et développa les activités d'un bureau d'administration financière du fief, le koshinikata i!Hiiin, qui faisaitdes prêt et finançait des activités commerciales, entrepôts, ventes à la commission, etc. 61. Les écoles de fief hankô ii~ étaient ouvertes et patronnées par les fiefs pour la formation de leurs officiers; la plus ancienne est celle fondée au XVIIe siècle par Ikeda Mitsumasa (cf. p. 347), daimyô d'Okayama. Dans les débuts de l'époque d'Edo, le nombre des créations fut assez faible: en 1764 on ne comptait que cinquante et une écoles de fief, vers 1848 cent quarante-quatre nouvelles écoles s'étaient ajoutées à ces cinquante et une; enfin, lors de la suppression des fiefs, deux cent soixante-quatorze écoles existaient. 62. 365 villes et des villages un réseau de petites.écoles dites «de temple », terakoya ~~NI, parce qu'à l'origine elles avaient pu être installées dans les temples, mais qui fonctionnaient aussi bien dans des maisons privées. La moitié des garçons avaient fréquenté l'école et, du moins dans les villes, une petite proportion de filles. Les régions centrales étaient sur ce point beaucoup plus avancées que le Nord. La fin du XVIIIe et le XIXe siècle sont une période de diversification des écoles de pensée. Chaque auteur se laisse difficilement classer dans un genre particulier, beaucoup ayant eu à coeur d'étudier à la fois les classiques et les sciences hollandaises. Les penseurs ne sortent plus seulement de la catégorie des guerriers, mais il y a parmi eux des fils de marchands et beaucoup de médecins (une partie d'entre ces derniers étaient d'ailleurs au service de fiefs et donc assimilés à des guerriers). Un maître respecté pouvait vivre de son enseignement, même si aucun fief ne le subventionnait. La philosophie dérivée principalement des classiques chinois a perdu sa place prépondérante. L'étude en partie philologique de la recherche des sens anciens est représentée par un élève d'Ogyû Sorai, Dazai Shundai ::t*W# (1680-1747) qui s'intéressa aussi à l'économie, par Tominaga Nakamoto Z }k f4'1Ç (1715-1746), un des fondateurs de l'école d'Ôsaka, «Pour la vertu», Kaitokudô tlif.~, et Nakai Chikuzan tlJ#1tLl.J (1730-1804), autre illustration de cette institution. Miura Baien.=ïmttflll (1723-1789) fut un éclectique quijoignit l'étude du hollandais à celle des classiques. Un courant d'études politiques formé de keiseika n~~ «Ceux qui s'intéressent au gouvernement d'un point de vue pratique», positif, apparut, représenté par Honda Toshiaki ::$:~f1JBJJ (1743-1820) et par Hayashi Shihei t'* T 5fl (17 38-1793). L'Ecole des Etudes nationales, Kokugaku 00~. est une réaction contre la pensée chinoise; elle a pour but de rechercher dans le passé ce qui est purement japonais, de là des études de philologie et d'histoire, cette dernière non plus comprise comme un recueil de précédents montrant les oscillations autour d'un point idéal mais comme changement, évolution linéaire. La religion et la littérature nationales furent aussi des sujets privilégiés de cette école dont les principaux représentants sont Ka da no Azumamaro foi lB WiM (1669-17 36) et Kamo no Mabuchi iilfJU~ (1697-1769) les précurseurs, Motoori Norinaga :$:liS X~ (1730-1801) l'illustration du groupe, auteur du monumental «Commentaire sur le Recueil des choses anciennes», Kojiki-den -o•:atz;, et Hirata Atsutane lJZ.IBK.II (1776-1843), plutôt théoricien religieux que philologue. Takeno.uchi Shikibu 1tJ1;JÂSf5 (1712-1767) et Yamagata Daini Ll.J~:k=t (1725-1767) 366 furent des précurseurs du mouvement pour la restauration impériale et le payèrent de leur vie. Les études étrangères, yôkagu?$~, ou hollandaises, rangaku M~, ne se développèrent que quand l'étude du hollandais ne fut plus la spécialité d'un petit groupe de familles d'interprètes, tsÏ4ji i!lil, de Nagasaki, fort surveillés par les autorités et longtemps peu curieux de sciences. C'est le bakufu qui encouragea ces études et permit l'importation de livres étrangers, puis toléra que des particuliers possédassent des livres de mathématiques ou d'astronomie et, progressivement, de toutes sortes. Les principaux noms sont: Aoki Kon.yô •-*.fUJ (1698-1769), précurseur qui oeuvra dans le domaine de la botanique; Noro Genjô ff§Jt:Jt (1693-1761), autre précurseur, médecin et botaniste; Maeno Ryôtaku.fijff.!i:UR (1723-1803), et Sugita Genpaku ~m~S (1733-1817), médecins traducteurs d'une anatomie 6 \ ôtsuki Gentaku ;k!l~lR (1757-1827), médecin, auteur du premier ouvrage sur la langue hollandaise; Motoki Yoshinaga **.li!Jk (1735-1794), interprète, introducteur de l'astronomie occidentale; Shizuki Tadao ~îil.!etl (1760-1806), interprète, traducteur de Kaempfer; Inô Tadataka iti~!e~ (1745-1818), géographe et cartographe; Takahashi Tôkô ifim:~nill (1764-1804), traducteur de l'astronomie de Lalande; Sakuma Shôzan ~~ r, at L1J (18111864), spécialiste en arts militaires. Ainsi, vers le milieu du XIXe siècle, le Japon disposait d'une élite instruite, rompue aux travaux intellectuels, déjà initiée en partie aux sciences physiques et naturelles. C'était un des résultats de deux siècles et demi de paix. Un autre était, en dépit des crises et des disettes toujours menaçantes, une mise en valeur des ressources du pays aussi intense que possible, dans les conditions techniques du moment. L'agriculture considérée comme l'activité essentielle, très minutieuse et plus savante qu'en aucun autre pays de l'Extrême-Orient, nourrissait environ 29 millions d'habitants, mais elle tendait à atteindre ses limites depuis un siècle et la population veillait à ne pas accroître les bouches superflues. La production artisanale allait vers l'apparition de la manufacture. 367 de modifier l'ordre établi. Les organes du bakufu, même gênés par les difficultés financières, continuaient donc, en vertu des précédents, à gouverner le pays, mais une situation exceptionnelle devait révéler leur usure. L'arrivée des bateaux des Etats-Unis ne fut cependant pas une surprise. Depuis la fin du XVIIIe siècle, les étrangers essayaient d'entrer en relation avec le Japon, ou se heurtaient à lui dans la région d 'Ezo. Tableau simplifié des relations du bakufu avec l'étranger Le bakufu avait proclamé la fermeture du pays et considérait comme une loi fondamentale l'interdiction de tout contact avec des pays autres que la Hollande (par Dejima), la Chine (par Nagasaki) et la Corée (par le daimyô de Tsushima). Le fief de Satsuma, suzerain du royaume des Ryû Kyû, avait par lui des relations indirectes avec la Chine. Cependant, dans le Nord, l'île d'Ezo et les Kouriles restaient occupées par des peuplades Aïnous. Le bakufu avait confié ces régions au fief de Matsumae (Ezo), mais aucunes frontières n'avaient été délimitées avec les zones d'influence russe. 1673 les Anglais, qui ont abandonné le comptoir de Hirado en 1623, font une tentative vaine pour reprendre des relations. 1739 Spanberg, explorateur russe, arrive dans la province de Mutsu, entre en relations avec des officiers du fief de Sendai. 1764- 1771 les Russes reconnaissent les îles au nord d'Uruppu. 1786 à la suite des révélations d'un Hongrois exilé par les Russes au Kamtchatka d'où il s'est enfui, le bakufu, inquiet des menées russes, fait explorer Ezo et les Kouriles par Mogami Tokunai A:J:t!;pg (1755-1836) qui devait parcourir ces régions fois jusqu'en 1808. 1791 -1793 les Russes envoient Laksman qui engage des négociations par le fief de Matsumae; ils sont priés de passer par Nagasaki. 1796 -1797 le navigateur anglais Broughton fait le relevé des côtes du nord du Japon; il échange des cartes avec des officiers du fief de Matsumae. 1798 Kondô Morishige ll[fi;rt (1771-1829), chargé d'une mission d'exploration, enlève à Etorofu des marques laissées par les Russes; il devait parcourir ces régions jusqu'en 1808. 1799 le fief de Matsumae est supprimé et les régions dll Nord sont placées sous le contrôle direct du bakufu. 1805 les Russes envoient un bateau à Nagasaki pour demander l'ouverture de relations. 1808 Mamiya Rinzô r.,-stt:E (1780-1844) et Matsuda Denjûrô ~ BHï;+ 1!!$ (1769-?) commencent une campagne d'exploration qui les mène à Sakhaline ou Karafuto: ils prouvent que c'est une île. 1809 1'Angleterre, profitant de l'annexion de la Hollande par Napoléon, tente de se substituer à elle et envoie le Phaeton dans le port de Nagasaki. 1811 à la suite de heurts dans le Nord, le Russe Golovnin est fait prisonnier; il est échangé en 1813 à Hakodate. 1814 nouvelle tentative anglaise à Nagasaki. 1818 un bateau anglais devant Uraga. 1821 rétablissement du fief de Ma tsumae 1822 un bateau de pêche anglais entre dans la baie d'Edo et demande des vivres. 1824 même incident, ce qui motive la promulgation d'un décret par le bakufu, ordonnant de couler tous les bateaux qui s'approcheraient des côtes. 1837 un bateau américain tente de ramener à Uraga des pêcheurs japonais naufragés, il est refusé. 1842 suppression du décret de 1824; les Français font une première tentative aux Ryû Kyû; ils recommencent en 1846. 1845 un bateau anglais se présente à Nagasaki: il essuie un refus, mais un bateau américain peut débarquer des naufragés japonais. 1848 les baleiniers américains sont très nombreux dans les eaux qui bordent l'archipel (en 1850 au moins 80 bateaux); des pêcheurs américains sont fait prisonniers puis libérés par l'entremise des Hollandais. 1849 un bateau anglais reconnaît la baie d'Edo et Uraga. 185 3 les Russes installent un comptoir à Sakhaline IV FIN DU BAKUFU, BAKUMATSU •* En quatorze ans, le régime s'effondra et le Japon, non seulement admit de traiter avec les étrangers, mais encore en vint à désirer de tenir sa place dans le système international, tel qu'il existait alors. Durant ces années, pressions des étrangers et événements intérieurs interférèrent sans cesse; les opinions et les partis se formèrent et se modifièrent quelquefois très vite. C'est le bakufu qui, le premier, jugea que le mieux était de réviser sa politique traditionnelle, et pourtant tout se passa comme si cette décision, qui manifesta son incapacité à maintenir une loi fondamentale du régime, était le signe visible 370 de son affaiblissement, la preuve de son incapacité à conduire les affaires du pays. Son droit à le faire était fondé sur la tradition et les précédents, mais aussi sur la délégation donnée par la cour. La prééminence théorique de l'empereur n'avait jamais été niée par quiconque, le bakufu en tête. De sorte que ceux qui étaient mécontents du bakufu furent tentés de jouer la carte de la cour et de faire pression sur l'empereur pour obtenir de lui un désaveu du shôgun. A. Problèmes intérieurs et extérieurs jusqu'en 1860 Quand les étrangers demandèrent formellement l'ouverture du Japon, le conseil des anciens présidé par Abe Masahiro FiJSaiEOE; (1819-1857) était dans une situation délicate. Le shôgun était malade et on savait que la succession serait difficile puisqu'il n'avait pas d'héritier. il existait une tension latente entre les membres du conseil et les représentants des familles Tokugawa aptes à fournir un héritier, notamment le daimyô de Mito, Tokugawa Nariaki t!.JII:A=!ij. Les E.tats-Unis furent les premiers à demander l'ouverture et devancèrent l'Angleterre, embarrassée alors dans les affaires de Chine (révolte des Taiping) et d'Europe (la guerre de Crimée commença en 1854). Devenus puissance du Pacifique, ils désiraient obtenir des ports d'escale vers la Chine et des ports de relâche pour leurs très nombreux bateaux de pêche. Les bateaux de l'escadre de Perry arrivèrent devant la baie d'Edo en 1853, transmirent la lettre du président des E.tats-Unis demandant la signature d'un traité et annoncèrent qu'ils reviendraient chercher la réponse au printemps suivant. Le bakufu, depuis la guerre de l'Opium et les tentatives des Français aux Ryû Kyû, était conscient des menaces extérieures, mais sur le moment il y eut un certain désarroi à Edo. TEXTE « La situation interne du bakufu n'est que néant et contradictions : on ne veut pas abolir les règles du bakufu. On ne veut pas ruiner le prestige du bakufu. Il n'y a parmi les anciens personne qui puisse traiter avec les étrangers. Les préparatifs militaires sont insuffisants. Personne n'a la moindre ardeur pour se battre contre les étrangers. On ne veut pas ruiner les institutions. Le conseil ne peut arriver à prendre une décision. Dans Edo, certains, pensant profiter des circonstances, se répandent dans la ville comme des oiseaux de proie. D'autres, désobéissant aux ordres des autorités municipales, font des préparatifs de fuite ou restent tapis dans leurs demeures comme 371 dans une carapace de tortue.» (Fragment du jownal d'un habitant d'Edo, sans doute fonctionnaire du bakufu, quelques jours après l'arrivée des bateaux des Etats-Unis, soit le 10 juillet 1853.) La Russie, dès qu'elle eut connaissance en 1852 des intentions des Etats-Unis, prépara une flotte qui arriva trois mois après celle de Perry. Dans ces circonstances Abe Masahiro agit de façon tout à fait nouvelle, il prit l'avis des daimyô, demandant une réponse écrite. Toutes affirmèrent que la fermeture du pays était une loi fondamentale, mais, mis à part ceux, nombreux, qui déclarèrent faire confiance au bakufu et n'émirent aucune opinion, les conseils reçus furent de deux sortes. Les uns, comme le daimyô de Mito, Nariaki, jugeaient que, militairement, le Japon était en état d'infériorité, mais qu'il fallait quand même refuser, au risque d'une défaite. Les autres, comme celui de Hikone, Ii Naosuke #tltiê:~, considéraient qu'il fallait gagner du temps, donc négocier avec les étrangers et faire des concessions pendant qu'on renforcerait les capacités militaires du pays, en empruntant les techniques, maritimes notamment, de l'Occident. Le bakufu avait donc pris le risque de modifier la structure du gouvernement et de créer une sorte de conseil des grands daimyô, qu'ils soient membres de la maison Tokugawa ou daimyô extérieurs. Il signa la convention de Kanagawa en mars 1854. Elle stipul ait que, désormais, les bateaux étrangers pourraient recevoir vivres et combustible au Japon, que les ports de Shimoda (à l'extrémité méridionale de la péninsule d'lzu) et de Hakodate (à Ezo) seraient désormais ouverts et que les bateaux en difficulté seraient secourus. Un consul des Etats-Unis vint s'installer à Shimoda. En outre, Edo prit hâtivement des mesures, comme organisation d'un bureau de traduction, envoi d'un homme de la bannière Katsu Kaishû 64 à Nagasaki pour se former aux arts de la navigation et de l'artillerie. Mais, dès novembre 185 5, Abe Masahiro laissa la place à Hotta Masayoshi 65 (1810-1864), représentant du parti desdaimyô 64. Katsu Kaishù llilffl- (1823-1899), hatamoto (mais d'une famille qut avait acheté ce statut), désireux d'étudier l'art militaire, il se mit à l'étude du hollandais. Attaché dès 1855 au bureau de traduction yôgakusho ~~m, en 1856 bansho shirabejo ••~m, et envoyé à Nagasaki. Il y séjourna trois ans pour se former aux sciences de la navigation. Il fut le commandant du bateau qui fit la première traversée du Pàcifique en 1860. A partir de 1862, il enseigna les techniques de la navigation, réunissant des hommes de divers fiefs. joua un rôle d'intermédiaire entre le bakufu et les troupes de la cour au moment de la prise d'Edo. 65. Hotta Masayoshi ISWiEU (1810-1864), daimyôfudai, du fief de Sakura ; il fit carrière dans l'administration du bakufu et fut nommé rôjû en n 372 vassaux héréditaires mécontents de l'influence prise par les daimyô extérieurs. Au printemps de 1856, Hotta prit la charge des relations extérieures. Le consul des Etats-Unis, Harris, arrivé en août 1856, ne cessait de presser le conseil de négocier un traité modèle avant que l'Angleterre ne s'intéressât vraiment au Japon. Installé dans le petit port de Shimoda (il ne put aller à Edo pour une audience qu'en octobre 1857), il négocia, trouvant parmi les fonctionnaires du bakufu des éléments assez faciles à convaincre des bienfaits de la liberté du commerce. Il ne manqua pas de faire connaître l'incident de l'Arrow, à la suite duquel la flotte anglaise avait canonné Canton. Dès juin 1857, un projet de traité avait été élaboré, mais il restait à le signer et à le ratifier. C'est à cette occasion que les étrangers commencèrent à s'interroger sur le véritable souverain du Japon. En effet, le bakufu, en partie pour gagner du temps, mit en avant la nécessité d'avoir l'approbation de l'empereur. ta Masayoshi se décida à aller à Kyôto en février 1858, pour obtenir la sanction de la cour et faire ainsi passer le traité. Mais quantité de daimyô extérieurs, profitant de l'affaiblissement des contrôles du bakufu et d'alliances de famille, avaient des relations avec la cour et la poussaient au refus. Hotta Masayoshi dut revenir à Edo les mains vides et céder la place à li Naosuke, qui signa en juillet 1858 le traité laborieusement négocié précédemment. Ce traité d'amitié et de commerce prévoyait que les deux pays échangeraient des représentants diplomatiques, que le Japon ouvrirait progressivement les ports de Kanazawa (Yokohama), Nagasaki et Niigata, que le commerce serait libre, diverses clauses relatives aux droits de douane n'étaient pas alors très désavantageuses pour le Japon. 373 suppression des traités inégaux devait devenir un des premiers objectifs du gouvernement de Meiji pendant toute la fin du siècle. Le problème de la succession était à l'arrière-plan depuis longtemps et a!itait au moins autant le monde politique que celui de l'ouverture. En effet, même un farouche xénophobe comme Tokugawa Nariaki avait alors admis l'ouverture. Les sentiments de cette sorte agitaient surtout la couche inférieure des guerriers, mais, dans les couches supérieures, l'opposition aux traités a souvent été une tactique pour embarrasser le bakufu. Il y avait deux candidats à la succession. Les daimyô extérieurs, désireux de voir évoluer le bakufu vers une fédération de grands fiefs dirigée par un conseil des principaux daimyô, appuyaient la candidature d'un fils du daimyô de Mito Tokugawa Nariaki, Yoshinobu qui avait été adopté dans la maison Hitotsubashi. Les daimyô vassaux héréditaires, représentant le camp conservateur, soutenaient lemochi de la branche des Tokugawa de Kii. Ils l'emportèrent. Ii Naosuke 66 leur chef, nommé tairô, essaya de revenir aux règles anciennes, c'est-à-dire d'empêcher les alliances entre les daimyô, leurs intrigues à Kyôto auprès de la cour, et s'engagea dans une politique sévère, daimyô mis aux arrêts, guerriers de rang plus modeste, leurs agents, condamnés à mort. Parmi les victimes, on cite Hashimoto Sanai (1834-1859) du fief de Fukui, représentant de son daimyô à Kyôto, condamné pour s'être occupé, sans charge officielle du bakufu, d'une affaire comme celle de la succession; Rai Mikisaburô Hi.=.W.=.~ (1825-1859), condamné, lui aussi, pour avoir osé présenter un mémoire à la cour. Umeda Unpin~anr~08151859), du fief d'Obama, mourut en prison avant sa condamnation, coupable d'avoir demandé une réforme du bakufu et d'avoir professé dans son école de Kyôto des opinions favorables à la cour et xénophobes. Yoshida Shôin ~EBUH~ (1830-1859), du fief de Chôshû, qui avait conspiré contre la vie d'un ancien et se donnait pour un loyal serviteur de la cour, donc un opposant du bakufu, fut aussi condamné à mort. Il avait eu le temps, par son enseignement d'influencer un groupe de jeunes guerriers de Chôshû qui devaient jouer un rôle important dans la restauration. C'est ce qu'on appela la «répression de l'ère Ansei, Ansei 110 taigoku ~it<D:kit (littéralement «le grand emprisonnement de l'ère Ansei »). Les sentiments anti-bakufu qui s'exprimaient de façon positive par la devise «respect **:ti:JJg 66.li Naosuke #tJiïaffi (1815-1860), héritier de la plus importante fam1lle de fudai daimyô. Il recommanda en 1853 de négocier et d'ouvrir le pays, mais pour gagner du temps et renforcer le pays. Il paya de sa vie sa tentative de redonn er au gouvernement du bakufu un pouvoir absolu. 374 pour l'empereur, expulsion des étrangers», sonnô jôi W&ti:Jl, en furent exacerbés. La politique d'li Naosuke prit fin quand il fut assassiné à la fin de mars 1860. Il avait à peine eu le temps de voir les résultats de l'ouverture du port de Kanagawa (Yokohama) en juillet 1859. De juillet à novembre, les transactions ne purent vraiment commencer et les autorités furent surprises par une hémorragie d'or. En effet, au Japon, l'argent avait relativement à l'or une valeur plus grande qu'en Chine. Les bateaux qui fréquentèrent le marché de Kanagawa se livrèrent donc à un trafic fructueux, y apportant de l'argent qu'ils échangeaient contre de l'or. Il fallut modifier le taux de change de l'argent. Le commerce, en fait, ne débuta vraiment qu'en 1860, et très vite, il apparut que les exportations de soie grège (la sériciculture française souffrait de la maladie du vers à soie) et le thé seraient les produits les plus demandés par les étrangers. Un mois après l'assassinat de Naosuke, le bakufu essaya en vain de réserver aux marchands de ses domaines les bénéfices de ce commerce en ordonnant que certains produits, dont la soie grège et les tissus de soie, passent obligatoirement par les grossistes d'Edo 67• B. Echec de la politique d'union nationale (cour et bakufu) et alliance des fiefs du Sud contre le bakufu Le successeur de Naosuke, Andô Nobumasa 3ilii!iE (1819-1871), se tourna alors vers Kyôto, pour retirer à ses adversaires toute de se prévaloir du soutien de la cour. Il proposa le mariage d'une princesse impériale et du jeune shôgun. L'empereur Kômei n'était pas personnellement désireux de détruire le bakufu mais, dans son entourage, des hommes, comme lwakura Tomomi, nourrissaient déjà ce dessein et, opposés à cette alliance, voulaient au moins en jouer pour contrer le bakufu et lui poser des conditions telles qu'il ne puisse les remplir et qu'il perde un peu plus la face. Le mariage se fit contre promesse du bakufu de se débarrasser des étrangers et de revenir sur les traités signés qui prévoyaient l'ouverture de nouveaux ports. Le bakufu dut négocier avec les étrangers pour obtenir des délais, 67. 375 arguant de l'opposition de la cour. Dès lors, il était pris entre deux feux et soumis à des pressions contradictoires. Au début de 1862, Andô, attaqué et blessé dut se retirer et ce fut le tour des grands daimyô de reprendre l'initiative. Shimazu Hisamitsu.ls it ~ :Yt, chef du fief de Satsuma, entra à Kyôto avec des troupes et en chassa les plus agités des partisans de la restauration. Il se fit donner par la cour mission de conseiller au bakufu une modification de son organisation. Ceci était la manifestation d'une tendance politique intermédiaire entre la recherche de la destruction du bakufu ou celle de son maintien, tendance réformiste connue sous le nom d'«alliance entre la cour et les guerriers», kôbu-gattai ~ it-& ~. En conséquence, de nouvelles fonctions furent créées pour diriger le bakufu, un tuteur du jeune shôgun, kôken ftR., fonction confiée à son rival malheureux Hitotsubashi Yoshinobu, président de son conseil seiji sôsai ~i~leli, fonction confiée au daimyô d'Echizen, Matsudaira Yoshinagat~.iJZ. ~}"ket gouverneur de Kyôto, Kyôto shugo m:U~!i, fonction confiée au daimyô d'Aizu Matsudaira Katamori t'.l!lf!#ii. Il y avait donc trois partis: l'ancienne administration du bakufu, les ennemis du bakufu qui étaient actifs à Kyôto et s'abritaient sous la bannière de l'expulsion des étrangers, et le tiers parti des grands dainzyô. La xénophobie restait forte parmi les groupes de guerriers dits « patriotes», slzishi ~±, souvent en rupture de fief, qui se rassemblaient à Kyôto pour y faire de l'agitation. Chassés une première fois de Kyôto par les troupes du fief de Satsuma au début de l'été 1862, ils y revinrent bientôt. Au début de 1863, Yoshinobu arriva à la cour avec le shôgun. En juin, il dut accepter de s'engager à faire partir les étrangers: il obtint seulement de gagner du temps pour négocier avec eux. Mais Chôshû, prenant au pied de la lettre l'édit impérial, canonna les bateaux étrangers qui passaient le détroit de Shimonoseki. Les flottes des puissances étrangères détruisirent les batteries de Chôshû, de même que l'Angleterre incendia Kagoshima en représaille pour l'attentat de Namamugi (Namamugi jiken ~~-#) perpétré contre des Anglais par l'escorte du daimyô. Ces épisodes, en fait, nuisirent plus au bakufu qu'aux victimes. Ils montrèrent clairement aux étrangers qu'il ne pouvait plus se faire obéir et que ses relations avec la cour étaient pour le moins ambiguës. Parkes, le représentant anglais, dès lors commença à jouer les fiefs du Sud et la cour contre le bakufu, tandis que le représent~nt de la France s'attacha à renforcer les forces du régime d'Edo. A la fin de 1863, le fief de Satsuma agit conformément à la politique du tiers parti en participant à une opération dirigée contre les bandes de partisans de la restauration, adversaires du bakufu, et 376 contre les hommes du fief de Chôshû qui essayaient de s'emparer de la garde du palais impérial 68 • Le parti de l'union de la cour et des grands fiefs, ainsi que Yoshinobu, avait là une dernière chance, mais il ne put amener Chôshû à participer à l'opération et, de son côté, l'administration du bakufu à Edo ne désespérait pas de prendre une revanche militaire et se préparait à intervenir contre Chôshû. Le recul des sentiments xénophobes dans les fiefs de Chôshû et de Satsuma après l'été 1863, ne les rapprocha pas du bakufu. Bien au contraire, ayant pris conscience de la nécessité de moderniser, et surtout de doter le pays d'une armée moderne, ces fiefs n'en furent que plus désireux de changer la forme du gouvernement. L'administration du fief de Chôshû après les événements de la fm de 1863 préféra, en 1864, devant la menace de l'arrivée des troupes shogounales, faire sa soumission au moins de façon formelle. Mais les partisans de la lutte contre le bakufu firent une sorte de coup d'Etat ou de révolution qui les porta à la tête du fief. Parmi eux : Takasugi Shinsaku ili~lf~ ( 1839-1867), organisateur d'une armée qui incluait des paysans, et Kido Takayoshi :fi= ft (alors Katsura Kogorô ~ ,J, 1iS(l833-l877). Ils ont cherché à s'allier avec le fief de Satsuma. Les négociations se firent non par les daimyô mais par les nouvelles administrations de ces fiefs aux mains de guerriers de rang médiocre. Pour Satsuma, ce furent Saigô Takamori i!ISJI.tl (18271877) et Ôkubo Toshimichi *-IJ-. 1if1Jil (1830-1878). Sakamoto Ryôma iJi:$:31.~ (1835-1867). du fief de Tosa, qui servit d'intermédiaire, appartenait à la couche intermédiaire entre les guerriers et les paysans. En 1865-1866, Chôshû put ainsi victorieusement repousser les troupes du bakufu. L'incapacité du bakufu à venir à bout de Chôshû appelait une médiation. Elle vint dù fief de Tosa 69 qui conseilla au shôgun, (depuis 1866 Yoshinobu) de démissionner. 377 prépondérante. Mais le parti anti-bakufu, rendu plus sûr de lui depuis la mort de l'empereur Kômei, fit un coup de force, s'empara des portes du palais: l'empereur déclara son pouvoir rétabli, la moitié du domaine du shôgun confisque0 • La restauration fut donc accomplie, presque par surprise. Les étrangers reçurent l'assurance que les traités seraient maintenus. Restait à venir à bout de la résistance des partisans du bakufu 11 et à improviser les institutions du nouveau régime. Pour commencer rien ne fut changé au système des fiefs. Ainsi, un régime vieux de plus de deux siècles disparut en une dizaine d'années. L'irruption des étrangers avait fait apparaître clairement qu'il avait perdu en partie son autorité sur les fiefs extérieurs. Il ne put résister à la perte de prestige que fut pour lui l'abandon de règles fondamentales : ne pas tolérer l'ingérence des grands daimyô extérieurs dans la conduite des affaires; ne pas ouvrir le pays aux étrangers. TEXTES Opinions émises dans la période bakumatsu au sujet de l'ou verture du pays Le débat sur l ' ouverture Kai koku . ron il' 00 :a Extrait de la réponse d'li Naosuke à la demande d'Abe Masahiro en 1853 au sujet de la réponse à donner aux Etats-Unis; lettre datée du 2 octobre 1853. « Avant la 12e année de l'ère Kan.ei [1635] , il existait à Nagasaki, Sakai, Kyôto, neuf bateaux munis d'autorisations officielles . Mais, du temps de son altesse le shôgun lemitsu, à cause de la politique d'interdiction du christianisme , le bakufu mit un terme aux voyages des neuf bateaux susdits et établi t la loi portant interdiction d'aller sur l'océ an et fermeture du pays. Les relations commerciales furent 70. Satsuma et Chôshû avaient fait alliance avec le noble de cour Iwakura Tomomi. En janvier 1868 (selon l'ancien calendrier 12e mois de l'année Keiô 3), prise du palais et proclamation de la Restauration. 71. Yoshinobu et les siens, en janvier 1868 ont battu en retraite vers Ôsaka. Les troupes du fief d' Aizu, pour soutenir l'ex-shôgun ont attaqué celles de Chôshû et furent vaincues. Yoshinobu rembarqua pour Edo. L'armée de la cour se dirigea vers Edo par le Tôkaiaô, région où depuis l'année précédente avaient éclaté des mouvements paysans sur le thème de la rénovation, de l'amélioration du sort de tous (mouvements dits eejanaika, dans lesquels des troupes de paysans dansant et chantant allaient piller les maisons des riches, mouvements dont on ne sait s'ils furent spontanés ou lancés par les partisans de la restauration). En avril 1868, Edo se rendit sans combattre. La résistance de quelques fiefs du Nord fut brisée dès la fin de 1868. 378 limitées à la Chine et à la Hollande ; en dehors de ces deux pays absolument aucune autre permission [de commercer] n'a été accordée. Cependant, considérant avec soin la situation actuelle, en dépit des discussions et prévisions diverses auxquelles ne cessent de se livrer des hommes valeureux et patriotes qui étudient l'apparition récente des ennemis, je ne peux penser que, dans la crise actuelle, le bakufu obtiendra un règlement tel qu'il maintienne la paix et la sécurité de l'empire, en se contentant de réaffirmer les anciennes lois de fermeture du pays comme on le pratiquait jadis. Il est évident que, si nous ne disposons pas de mois et d'années pour nos préparatifs de défense des côtes, ils ne pourront être menés à bien. Or, depuis qu'à la 14e année de Keichô [ 1609 ], on a interdit les bateaux des fiefs de plus de 500 koku de charge, nous n'avons plus, dans les mers qui bordent l'empire, de bateaux de guerre capables de repousser avec des canons les attaques des ennemis Nous avons appris que si, assiégé dans un château, on enlève le pont et s'installe dans une crainte impuissante, il est impossible de tenir et aussi que, si on fait la guerre à un ennemi qui est de l'autre côté de la rivière, le camp qui passe la rivière pour engager le combat obtient la victoire. A toutes les époques, un principe s'est imposé, c'est que marcher permet d'avancer et de prendre, attendre est une position de recul. Bien que nous soyons sous la règle de la fermeture du pays, règle posée par les premiers shôgun, on a provisoirement maintenu un pont avec la Chine et la Hollande. Or ce pont peut fort heureusement être utilisé pour gagner du temps sans engage les hostilités, puis obtenir une victoire complète, une sécurité absolue Quant à la question du commerce (avec les étrangers), quoique une loi nationale l'interdise, les temps ont changé, il est maintenant de règle dans le monde de faire des échanges. Il faut en prévenir les divins ancêtres et envoyer nos bateaux de commerce dans le comptoir hollandais de Djakarta. Dans notre commerce avec l'étranger, il faudra confier aux Hollandais le soin de répartir et vendre nos produits soit à l'Amérique soit à la Russie. Comme il est évident qu'il faut deux ans à partir d'aujourd'hui pour construire de grands bateaux capables de traverser les océans, si nous proposons de traiter [les Américains] à peu près comme les Hollandais, nous les devancerons sans qu'ils s'en doutent. Nous ferons revivre les bateaux de permission comme avant l'ère Kan.ei, nous donnerons des ordres aux riches marchands d'Ôsaka, Hyôgo, Sakai, nous leur attribuerons des parts, nous construirons des bateaux à vapeur, et en premier lieu de solides bateaux de guerre, nous les chargerons de ce dont nous ne nous servons pas au Japon, nous emploierons pendant quelque temps des Hollandais comme marins et capitaines, nous mettrons sur ces bateaux, mêlés aux Hollandais, des hommes honnêtes, mais aussi 379 ingénieux, nous leur ferons apprendre à utiliser des canons, à diriger de grands bateaux. Ostensiblement, nous déclarerons qu'il s'agit de bateaux de commerce, mais notre intention profonde et principale sera d'entraîner une marine de guerre. Petit à petit nous deviendrons plus expérimentés; les Japonais circuleront librement sur les océans et, sans dépendre des informations confidentielles des Hollandais, ils se rendront compte de l'état du monde et plus tard achèveront de préparer une marine de guerre. Il me semble que si nous discernons et supprimons les difficultés qui proviennent des menaces et des tromperies, si nous corrigeons nos mauvaises habitudes de luxe et de gaspillage, si nous faisons des préparatifs militaires et mettons en ordre nos affaires intérieures, et si nous faisons en sorte de déployer notre valeur dans les mers lointaines, nous ne nous laisserons pas enfermer et, notre oeuvre accomplie au dedans et au dehors, l'empire sera en sécurité Etant donné que l'Amérique et la Russi n'ont atteint que récemment la maîtrise dans l'art de la navigation, pourquoi devraiton admettre que notre peuple, qui est habile et prompt, serait inférieur aux Occidentaux s'il s'entraîne à partir d'aujourd'hui? » Réponse de Môri Yoshichika ~liJIUI (1819-187/), daimyô tozama de Chôshû, datée du 2 octobre 1853. «J'ai bien compris vos intentions nous demandant de considérer avec attention le sens de la lettre apportée par le bateau américain et de présenter nos observations sur ce sujet. L'examen approfondi de la susdite lettre montre que, en dépit de la diversité des points sur lesquels portent les demandes, en bref [les Etats-Unis] réclament l'ouverture de relations commerciales amicales. Je n'ai évidemment pas les moyens d'approfondir la chose, mais il semble que [ce pays] a la ferme intention d'envoyer des bateaux de guerre. En vérité, dans une situation si difficile, je me demande s'il y aurait un moyen de ne pas ternir le prestige de notre pays. Quoique j'essaie de réfléchir à ce problème, il ne me vient pas d'idées d'une qualité exceptionnelle. Dans le cas où, dès maintenant nous autoriserions l'ouverture de relations commerciales comme le demandent les Etats-Unis, quel que soit notre sang-froid dans la conduite de nos relations avec les étrangers, ce qui a été accordé cette fois à l'Amérique, nouer des relations commerciales, nous sera demandé par les autres barbares. Ne seronsnous pas entraînés sur une voie telle que notre pays entrera en décadence à cause du commerce? Il y a peu de temps, en Chine aussi, des incidents se sont produits à cause des relations commerciales, ils ont dégénéré en guerre et le peuple souffre de la détresse. Il existe aussi des précédents des dernières années des Song et des Ming, ils montrent qu'il est désirable de faire preuve d'une grande circonspection 380 dans la question des échanges et des relations amicales. Quant au Japon, à l'ère Kôan (invasions mongoles) et à d'autres époques, il a montré la gloire de ses armes lors de confrontations avec les barbares étrangers, ce qui a contribué à rendre prospère et florissante notre nation. Ce que je souhaiterais, c'est que vous preniez une décision ferme qui soit de nature à abattre le courage des barbares. N'entrerat-il pas dans vos projets de donner des ordres sévères relativement aux moyens de défense de telle sorte qu'à l'avenir les demandes de barbares étrangers se repoussées? Il va sans dire que, dans ces sortes d'affaires, le but que vous avez eu en instituant cette pénible discussion doit être réalisé. Vous trouverez sans doute dans d'autres consultations des plans excellents d'une exceptionnelle sagesse et bravoure, le mien, que je vous présente pour obéir à 1~ règle, n'est pas de ct>axlà. Cependant, jugeant qu'il était difficile de ne pas déférer à vos ordres, je vous ai fait part du résultat de mes faibles réflexions.» (On voit que le souci du prestige national est le même chez les deux hommes, mais Naosuke, qui sait qu'il peut être appelé aux affaires, cherche un plan concret, une pcrade, un moyen de gagner du temps pour être en mesure d'entrer en compétition avec les étrangers. Le daimyô de Chôshû suggère seul~ment qu'il vaudrait mieux éviter de faire du commerce, donc d'entrer en relation avec les étrangers.) Extrait d'un mémoire présenté par Sakuma Shôzan (1811-1864) en février 1863 au chef du fief de Matsùshiro. «Nous n'avons dans notre pays jamais eu de politique relative à l'artillerie et à la marine Comme je ne cesse de le répéter, le système de fortifications de l'empire ne répond pas aux normes de l'art militaire moderne, la défense contre les étrangers manque tout à fait de cohésion - à commencer par les trois capitales, aucune n'est entourée d'une enceinte; si nous comparons le pays à un homme, il est dans la situation d'un individu nu et sans armes Dans les cinq continents, les sciences et les arts se développent progressivement et ceci entraîne le renforcement de la puissance militaire de chaque pays; au vrai, ils bénéficient de conditions favorables, mais notre pays seul en sera-t-il privé? D'ailleurs, les moyens de maintenir le pays fermé ne peuvent réussir si manquent force et habileté suffisantes. De plus, les sciences et les techniques se sont développées grâce aux échanges mutuels; la puissance et la capacité de notre pays en ces domaines seront finalement inférieures à celles des autres pays, si nous maintenons la fermeture, et nous en arriverons même à ne plus pouvoir le faire Que dorénavant on fasse en sorte que le pays entre en relations officielles avec les étrangers; que, l'union de 381 la cour et des guerriers ayant été entre-temps réalisée, tous rivalisent de diligence ; que se répande la remarquable vertu, celle des saints règnes de jadis qui rejette l'égoïsme, agit suivant les besoins des hommes et leur fait du bien; qu'on rassemble les procédés développés par les autres pays ; qu'on créé progressivement des colonies japonaises dans les pays étrangers ; que la puissance de notre pays surpasse celle des autres pays ; que notre artillerie, nos fabrications de munitions soient supérieures à celles des autres pays; que le nombre de nos bateaux de guerre soit supérieur à celui des autres pays; que nous ayons plus de chefs de guerre capables que les autres pays; que nos soldats soient mieux entraînés que ceux des autres pays; que nos fortifications soient plus résistantes que celles des autres pays; [si tout cela est réalisé], alors les pays qui nourrissent contre nous des intentions perfides auront tout naturellement peur de nous et, sans attendre que notre pays résiste, ils se retireront. En outre, attirés par la vertu de notre gouvernement, ils paieront tribu à notre pays et se soumettront à lui. » (Sakuma Shôzan, du fief de Matsushiro. avait commencé sa carrière comme conférencier de son chef de fie[. chargé de lui exposer les théories néo-confucianistes. Or ce daimyô fut nommé rôjû et Shôzan eut ainsi l'occasion après la guerre de l'Opium de réfléchir sur la défense du pays. fl exposa le fruit de son travail dans un KPian en huit articles sur la défense maritime», Kaibô hassaku ~~Ji J\ Ji. Il étudia alors le hollandais et l'art militaire occidental et fit beaucoup de disciples qu'il engageait à apprendre les sciences occidentales, spécialement celles liées à l'art militaire. Yoshida Shôin fut son disciples et ce serait Shôzan qui l'aurait incité à faire une tentative de départ clandestin qui motiva le premier emprisonnement de Shôin et la mise aux arrêts du maitre. Ce dernier. libéré en 1862.
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La définition d'un interlocuteur et coordonnateur unique des problématiques HN pourrait être une piste pour faciliter l'accès au dispositif ainsi qu'un mandat au TGIR Huma-Num afin qu'il soit un guichet unique pour la définition des projets et de leur orientations, notamment par la diffusion de recommandations, la documentation des méthodes et des outils disponibles, l'identification des structures et la coordination avec les MSH. Dans tous les cas, les moyens humains et matériels d'Huma-Num doivent être renforcés à la hauteur du rôle que la TGIR doit assumer dans un domaine de cette importance. 3.2. Transparence de la gouvernance Une cartographie des acteurs et des budgets alloués et une plus grande transparence dans leur gouvernance est nécessaire. La dimension bottom up des Consortiums est rare et il convient de la maintenir, mais les missions des TGIR et des UMS et USR devraient encore mieux se rapprocher des besoins concrets des structurations émanant des chercheurs, la pertinence par rapport à leurs besoins devant être l'impératif central. 3.3. Meilleure articulation entre les acteurs À défaut de centres d'HN dans les établissements de recherche et d'enseignement supérieur français, une meilleure articulation des acteurs des dispositifs au sein du CNRS et à l'extérieur est essentielle. Et notamment celle d'Huma-Num avec le Campus Condorcet et les COMUE parisiennes qui souhaitent se doter de plateformes de données quantitatives en HN. Pour l'heure, la TGIR Huma-Num n'intervient qu'indirectement dans les projets portés par les EquipEx et les LabEx dont les dotations sont plus importantes qu'à Huma-Num, qui est pourtant le maillon européen des HN, mais qui n'a pas les moyens de prendre en charge ces projets. Ainsi, les articulations COMUE/MSH/sites resten à construire et le CNRS doit veiller à y prendre sa part. Au niveau des Consortium, qui sont force de proposition dans la création d'outils et assurent l'ancrage dans la communauté des chercheurs, un effort doit être fait afin qu'ils associent davantage les universités et les COMUE, et qu'ils opèrent, dans un avenir proche, le passage indispensable à l'échelle européenne. Afin de rendre plus lisible l'offre proposée par les différents acteurs du CNRS et de l'ESR et pour que les chercheurs et IT sachent à qui s'adresser (InIST, TGIR, MSH, universités) il est important de communiquer clairement sur l'offre proposée, le périmètre des missions et les modalités d'interaction. 3.4. Besoins en personnel, en formation et en équipement, accompagnement à de nouvelles pratiques de travail Afin que cette offre soit bien comprise et qu'ils soient en capacité d'interaction, les porteurs de projet doivent être formés aux HN. Les conditions de travail nécessaires à l'aboutissement des projets très ambitieux en HN ne peuvent être réalisées que dans des laboratoires bien dotés, d'où la nécessité de l'accès généralisé des infrastructures et des plateformes mutualisées, mais aussi à des lieux permettant l'expérimentation numérique, l'initiation à des formes nouvelles de modélisation en sciences sociales (recours aux systèmes complexes ou à la simulation numérique par exemple) et le 25 travail collaboratif au service de la recherche ainsi qu'un brassage favorisant l'interdisciplinarité. 3.5. Recrutement Le rapport stratégique de l'IST émanant du CNRS reconnaît qu'il y a en SHS pour les IT en BAP D, E et F un chantier stratégique à bâtir autour de la formation, de l'évolution des métiers et du développement des carrières, mais il élude la question du recrutement. Une baisse ultérieure de recrutements d'IT est annoncée pour les années prochaines, au risque de voir disparaître les compétences techniques et d'augmenter la charge de travail pour le personnel en place. Or, nous savons que les IT de l'InSHS sont investis massivement dans les projets en HN et que leur présence est cruciale pour son développement. Les mutations en cours ont donné lieu à un travail d'actualisation du référentiel des métiers, Referens (en attente de publication par le Ministère), afin d'intégrer de nouveaux métiers et de nouvelles compétences dans les profils des IT. Il est souhaitable que les IT recrutés sur ces nouveaux profils orientés HN soient accompagnés dans leurs prises de fonction. À l'a , la présence d'ingénieurs spécialisés, notamment en analyse des données dans les UMS et USR, mais pas seulement, est essentielle à l'aboutissement des projets en HN. Les moyens des MSH dont le périmètre devrait être amené à s'élargir au niveau régional et des TGIR Huma-Num et PROGEDO devraient être renforcés pour être en mesure de répondre aux demandes des équipes de recherche et à l'élargissement de la feuille de route des TGIR aux "enjeux du big data"17. Pour le recrutement de chercheurs, à la place de profils ciblés « Humanités numériques » restrictifs et ne prenant pas en compte la généralisation de ce domaine à toutes les disciplines, il est nécessaire de viser des profils originaux comportant une plus grande pluridisciplinarité et des savoirs transversaux. Remarquons que l'offre de formation est assez riche mais portée principalement par les IT et que peu de chercheurs y participent. Il serait donc utile d'encourager la création de réseaux ou formations impliquant chercheurs et IT dans le domaine des HN. 3.6. Formation, valorisation L'essor des HN fait émerger le besoin de nouveaux métiers et de nouvelles compétences qu'il faudra pouvoir traduire en termes de recrutements, mais également de formation. Il s'agit de proposer à tous les agents une acculturation au numérique et aux méthodologies qui en découlent car les HN se généralisent et vont irriguer tous les domaines des SHS. Encore plus que dans d'autres domaines, les chercheurs investis dans les HN doivent endosser le rôle de chefs de projets. Ils sont dans la nécessité d'obtenir des financements, de mener des équipes composées de chercheurs et d'ingénieurs, de gérer des budgets et d'assurer la promotion de leurs résultats. Ils doivent avoir acquis et appris à maîtriser des compétences Les SHS, un investissement pour l'avenir. 10 premières mesures en faveur des sciences humaines et sociales (SHS ). [en ligne ]. Minist ère de l ' É ducation nationale , de l'enseignement supérieur et de la recherche, 04 ju illet 2016 [dernière consultation le 13 /07/2016]. Disponible sur : http:// cache .media. enseignementsupre cherche . gouv. fr/file/A ctus /33/2/ plan _SHS_04-07-20 16 _ 6043 32.pdf. informatiques et documentaires. L'InSHS doit se donner les moyens de les accompagn avec des aides et des formations appropriées. L'expérimentation est une notion centrale pour les HN. Un niveau d'équipement à la hauteur des enjeux, et adapté aux équipes de recherche est indispensable. Cet effort important, complémentaire des dispositifs mis en place au sein des sites universitaires (learning centers notamment) est à fournir pour répondre aux besoins spécifiques des chercheurs. La création d'espaces polyvalents (expérimentation, formation, collaboration) inspirés des tiers lieux et open labs18 restent à mettre en place favorisant aussi l'interdisciplinarité, notamment si ces équipements sont mutualisés (dans le cadre des MSH) et induisant des pratiques innovantes. Au niveau du déroulement des carrières, ces nouvelles activités doivent être prises en compte dans l'évaluation (RIBAC propose des grilles assez complètes pour les recensements des travaux en HN). Il est nécessaire que l'HCERES adapte ses critères d'évaluations à ces nouveaux chantiers de recherche et surtout que ses commissions d'évaluation des laboratoires se dotent de membres qui possèdent les compétences nécessaires à leur expertise. La réussite d'un projet numérique passe par la conjonction de trois domaines de compétence celui du chercheur, celui de l'ingénieur et celui de l'informaticien. Une véritable synergie fondée sur la complémentarité est nécessaire entre ces différents métiers. Les IT doivent pouvoir prendre toute leur place dans les projets en HN et leur apport doit être mieux reconnu. Le test pilote de l'outil VariSHS qui, à l'instar de RIBAC pour les chercheurs s'adresse aux ingénieurs des BAP D, E et F afin de recenser leurs activités en appui à la recherche va dans le bon sens. Reconnaître pleinement l'apport des IT dans le processus de recherche en matière d'HN est un préalable à une meilleure coopération. Les relations très hiérarchiques héritées par le passé sont désormais inappropriées et inefficaces. Le CNRS pourrait proposer des formations à tous les chefs de projet, directeurs d'unité et de MSH, DAS à la hauteur de ces enjeux. Les humanités numériques nécessitent également des mutations managériales19 et technologiques. Une infrastructure et des outils adaptés, fiables et sécurisés sont indispensables. Certaines initiatives vont en ce sens mais restent très insuffisantes (espaces collaboratifs déployés par la DSI, grille de service de la TGIR Huma-Num) par manque de moyens alloués notamment. Il est important de prévoir les dispositifs techniques qui permettront de travailler aussi efficacement à distance qu'en présentiel avec une équipe projet, de prévoir l'intégration 'équipes compétentes et qui puissent accompagner de façon pérenne les projets de recherche. L'offre de formation continue a permis à de nombreux IT et chercheurs d'acquérir de nouvelles compétences dans le domaine des humanités numériques (ex : web sémantique, XML-TEI, 18 Le livre blanc des Open Labs : Quelles pratiques? Quels changements en France? [en ligne]. ANRT, mars 2016 [dernière consultation le 02/09/2016]. Disponible sur : http://www.anrt.asso.fr/fr/futuris/pdf/rapportprojetlab_web.pdf. 19 « Il y a une remise en cause nécessaire de la fonction managér iale : il ne s 'agit plus de tout sa voir , mais de sa voir gérer c eux qui savent. Pour diffuser cette culture dans l'administration, dans les institutions, dans les médias, il faut diversifier les capteurs , donc diversifier les profil s. » in : Sixième petit-déjeuner du 32. Laure Bélot. La déconnexion des élites, comment internet dérange l'ordre établi. Notamment, "Visualiser les données de la recherche en SHS : un nouvel horizon pour les humanités numériques?" (23 au 26 septembre 2013), "Le Web sémantique pour les Sciences Humaines et Sociales" (22 au 25 septembre 2014), "Gérer les données de la recherche : de la création à l'interopérabilité" (21 au 25 septembre 2015). L'internationalisation des SHS au CNRS Comme on le verra plus avant l'ensemble des rapports de conjoncture des sections du Comité National relevant de l'InSHS du CNRS soulignent que la plupart des unités mixtes de recherche jouissent d'un rayonnement à l'étranger et développent des activités de recherche au niveau international. Ils ont en commun de faire état des thématiques abordées, des points forts des recherches menées mais également des difficultés posées par une internationalisation croissante, incontournable, nécessaire. L'InSHS peut à ce titre indiscutablement faire valoir une valeur ajoutée du CNRS au regard de la situation d'ensemble de la recherche française en SHS. La question centrale demeure toutefois celle des formes et orientations que peuvent prendre les actions et collaborations internationales et la façon de les développer. 1. Les constats, acquis et alertes des rapports de sections La section 31 « Hommes et milieux : évolution, interactions » - dont 7 unités sont opérées par l'InSHS en tant qu'institut principal et 14 en tant qu'Institut secondaire – se caractérise par un ancrage fort de ses chercheurs de terrain sur l'ensemble des cinq continents. Les recherches relevant de son champ s'inscrivent dans divers réseaux au niveau international (Écoles françaises et UMIFRE), tout comme pour les sections 32 et 33. Des fondations étrangères contribuent au financement de la recherche alors que le recours en la matière à la Commission européenne semble peu développé. La section 31 fait partie de celles qui alertent sur les risques que fait courir la faiblesse des recrutements en France au plan international dans certains domaines (ex. production de référentiels expérimentaux et ethnoarchéologiques indispensables à l'interprétation de la documentation archéologique, bio-archéologie) ou sur les difficultés pour elle à être présente aujourd'hui sur des thèmes devenus « d'intérêt international » (interactions de la géomorphologie avec les systèmes biologiques). La Section 32 « Mondes anciens et médiévaux » s'interroge essentiellement à propos de la langue des publications et la visibilité internationale, à travers les revues notamment. Dans son champ, la visibilité des publications françaises passe notamment par la possibilité d'être correctement indexée dans des bases de données bibliographiques. Or, les titres des articles de recherche rédigés en français sont souvent mal pris en compte ou saisis de manière fantaisiste par les plateformes de recherche bibliographique du type Thomson Reuters Web of Science. Par ailleurs, depuis que les fonds pour colloques sont affectés par le CNRS à la traduction de cinq revues (hors du domaine de la section 32), cela ne s'est traduit par aucune compensation. Les chercheurs travaillants sur des terrains à l'étrange sont, par nécessité, fortement internationalisés. Enfin, les chercheurs qui s'intéressent aux textes antiques et aux sources littéraires ne peuvent que déplorer la menace qui pèse sur deux outils bibliographiques majeurs : l'Année épigraphique et l'Année philologique. Les philologues et historiens de l'Antiquité publiant en France courent actuellement le risque d'être exclus de l'outil bibliographique jadis créé dans le but même de donner à leur recherche une dimension internationale. 29 La section 33 « Mondes modernes et contemporains » souligne l'importance de la constitution de réseaux, tout particulièrement via les GDR et GDRI. Par exemple, le GDR Connaissance de l'Europe médiane, qui a pris en compte le renouveau historiographique suivant la recomposition européenne post 1989, s'inscrit pleinement dans l'entreprise de décloisonnement des historiographies nationales à l'oeuvre dans les pays de la zone et de restitution à l'Europe médiane de sa place comme « aire culturelle » dans le champ de la recherche française, tout en augmentant la visibilité internationale des participants, en synergie avec les UMIFRE. Le section 33 convient d'une faiblesse de la présence française dans les instances internationales, d'un manque de stratégie claire en ce qui concerne la complémentarité avec les MSH, et/ou avec les universités en particulier en matière de formation des étudiants ainsi que du peu de revues d'histoire multilingues. Sur ce dernier point, on note qu'il y a là un enjeu scientifique de communication et de visibilité à l'international qui n'est pas toujours pris en compte au niveau de l'InSHS et demanderait à ce que l'expertise de certains chercheurs et IT dans ce domaine soit valorisée plus activement. La section 34 « Science du langage », comme d'autres sections en SHS, souligne les risques que font courir la faiblesse des recrutements et le vieillissement de ses chercheurs à un moment où l'évolution de la discipline et l'orientation vers l'internationalisation des productions devrait au contraire favoriser l'arrivée des jeunes générations. Elle remarque que les recrutements récents ont favorisé des candidats ayant réalisé leurs doctorats à l'étranger, tendance largement due à la relative faiblesse des formations en sciences du langage en France. La discipline dans son ensemble profiterait d'une restructuration, notamment au niveau l'université, favorisant l'ouverture vers les pratiques internationales, en particulier en ce qui concerne les approches formelles. La section 35 « Sciences philosophiques et philologiques, sciences de l'art » relève la place importante qu'occupent les laboratoires dans la politique d'internationalisation du CNRS. Elle souligne notamment que plus d'un tiers des programmes ERC starting grant en SHS concerne des projets philologiques sur le texte médiéval. Par ailleurs, le dynamisme international des recherches philologiques est attesté par les projets de coopération scientifique dans les LIA et GDRI : quatre des six GDRI relevant de la section 35 concernent ainsi les sciences du texte. L'ouverture internationale des études sur les aires culturelles, en particulier sur l'Asie, est largement supportée par les unités de recherche à l'étranger qui constituent également un atout pour le développement de la recherche. D'autres UMIFRE, au Proche- et Moyen-Orient et en Amérique Latine sont autant de points d'ancrage de la recherche française à l'étranger contribuant à la valorisation des aires culturelles. Si la section 35 regrette la grande dispersion des bases de données, elle souhaite, comme la 32, que le CNRS propose une aide à la traduction qui ne se limite pas à certaines revues, mais concernerait plus largement la production des chercheurs. La plupart des unités de recherche relevant de la section 36, « Sociologie et sciences du droit », affiche aujourd'hui un « intérêt pour le comparatisme, qu'elles le placent au coeur de leur projet scientifique ou le mobilisent dans un de leurs axes », intérêt en partie lié à l'importance prise par le financement de la recherche sur projet. La section relève qu'en sociologie « certaines 30 formes de comparatisme bien établies dans le monde anglo-saxon n'y occupent qu'une place marginale ». Par ailleurs, elle note que la démarche comparatiste en droit n'est plus « dédiée à la seule connaissance des droits étrangers » mais « davantage conçue comme ressort de réflexion critique sur le droit », qui reste largement construit à une échelle national. De fait, si cette section peut apparaître, du fait de ses objets et méthodes, moins « internationalisée » que d'autres, on doit paradoxalement souligner l'importance de l'ouverture internationale des chercheurs CNRS ; celle-ci est, singulièrement chez les juristes, sans commune mesure avec celle (plus que relative) du milieu traditionnel universitaire. On peut ainsi estimer que le CNRS remplit ici une fonction indiscutable d aiguillon et d'orientation à l'international de la recherche. L'européanisation et la mondialisation sont les vecteurs principaux d'internationalisation des chercheurs en droit et en sociologie de la section 36. Si l'activité de recherche s'internationalise via la constitution de réseaux et l'inscription dans des activités contractuelles européennes et internationales, on observe moins qu'ailleurs un intérêt pour les structures de type UMIFRE et GDRI, Ceci appelle sans doute à une sensibilisation à la structuration des relations internationales. La section 37 réunit « Economie et gestion », deux disciplines connaissant une internationalisation plus importante que dans la plupart des autres domaines des SHS, qu'il s'agisse de la production de la recherche, des publications ou du marché du travail. Un nombre croissant de chercheurs français mène une partie de leur carrière dans des universités ou des organismes étrangers (Europe, Etats-Unis, Asie), pour des séjours de courte, moyenne ou longue durée. Ces séjours à l'étranger débouchent sur des publications conjointes. Les plus jeunes s'engagent dans une thèse ou des séjours postdoctoraux à l'étranger avant de briguer, en France, une position stable à l'université ou dans un organisme de recherche. Parallèlement, les laboratoires français accueillent de plus en plus de post-doctorants étrangers, de professeurs et de chercheurs invités, ainsi que des doctorants d'origine étrangère. L'activité scientifique apparaît fortement structurée par l'internationalisation. Les travaux de recherche en économie et gestion s'inscrivent le plus souvent dans un corpus de savoir international ; les références à la littérature englobent un ensemble de travaux publiés dans des revues internationales. La mobilité des chercheurs et le financement de grands programmes de recherche sont désormais pensés avec une visée internationale reflétant le fonctionnement effectif de la communauté scientifique. Dans ce contexte, la visibilité des publications est un enjeu de toute première importance, pour les chercheurs. Les revues françaises, et plus largement francophones, connaissent une situation différente de celles des autres sciences sociales. Elles se retrouvent souvent reléguées derrière les revues internationales et connaissent en conséquence une remise en question, provoquée par les classements bibliométriques et les préoccupations des chercheurs concernant l'impact de leurs publications. La langue « non-anglaise » est un handicap certain, appelant très concrètement un soutien à la traduction. Toutefois, la force des grandes revues anglo-saxonnes d'économie n'est pas tant dans la langue que dans la domination scientifique des universités américaines. L'analyse de certaines d'entre elles montre ainsi que leurs comités de rédaction sont constitués uniquement de personnalités issues d'universités américaines retenant des publications d'auteurs évoluant en très grande majorité dans les institutions américaines et s'intéressant à des problématiques reposant sur les seules données 31 américaines. La question est alors clairement celle non pas de l'internationalisation mais du type et du contenu de cette dernière. La Section 38 « Anthropologie et étude comparative des sociétés contemporaines » souligne l'ouverture actuelle de l'anthropologie à des terrains multi-situés en raison des mutations qui affectent le monde. Un des aspects remarquables de la modernité est la manière dont chacun se meut en permanence d'un référentiel à un autre, du local au global. L'anthropologie, dans la mesure où elle appréhende de l'intérieur cette dialectique à partir de terrains localisés où les préoccupations du proche et du quotidien s'articulent avec la perception d'une appartenance planétaire, est susceptible d'éclairer la globalisation entendue comme processus pluridimensionnel, brouillant les repères traditionnels, reconfigurant les relations entre le singulier et le collectif et affectant en profondeur les modes de penser et d'agir aux quatre coins de la planète. À la figure du chercheur spécialisé dans l'étude d'un isolat culturel, s'est substituée une dynamique d'investigation où l'on pratique des observations multi-situées. Pour ce qui est du concept de la culture et de ses modes de transmission, la mondialisation redistribue les cartes, ce qui amène les anthropologues à s'intéresser à la manière dont la culture est invoquée comme forme de résistance face aux menaces du global, dans des termes identitaires, et en tension par rapport à la modernité. Au premier rang de ces grandes transformations, se placent les mobilités humaines. Il s'agit aujourd'hui de mieux comprendre les caractéristiques et les conditions de ces circulations, y compris dans leur dimension d'altérisation, de violence, de rejet et d'exclusion, et de traiter des politiques migratoires et de leurs conséquences. Une préoccupation importante pour les équipes de la section quant à leur capacité à garder leurs places dans la recherche internationale tient aux modalités actuelles de financement de la recherche et la réduction du nombre des ingénieurs et techniciens. Enfin, les recherches en sciences sociales menées dans les sections 39 « Espaces, territoires et sociétés » et 40 « Politique, Pouvoir, Organisation » sont elles-mêmes largement internationalisées. Ce mouvement est porté par la spécificité de certains types de questionnements mais aussi par l'intégration des processus internationaux dans des problématiques traditionnellement centrées sur des terrains hexagonaux. En section 39, l'internationalisation de la recherche est associée à la présence des chercheurs sur de nombreux terrains étrangers (Amérique latine, Afrique). En Section 40, les travaux menés en analyse des relations internationales relèvent également d'une dynamique proche même si les chercheurs français sont comparativement bien moins nombreux que leurs homologues étrangers en particulier anglo-saxons. Mais l'internationalisation est aussi étroitement liée au développement récent de questionnements et d'objets de recherche qui interrogent directement des phénomènes de plus en plus globalisés. C'est le cas en section 39 où l'analyse des réseaux et des flux est au coeur de bien des recherches passées et en cours. En section 40, si on peut aisément concevoir que les relations internationales, l'analyse comparée de l'action publique et les études européennes sont par nature « internationalisées », il faut également souligner que l'ensemble des disciplines sont engagées dans l'étude de processus internationaux ou transnationaux. Cette prise en compte de la fluidité accrue du monde des recherches menées dans les sections 39 et 40, n'empêche pas, bien au contraire, l'analyse et la compréhension des processus d'appropriation nationale, régionale et locale des dynamiques inter et transnationales 32 ni l'étude des réseaux, de groupes sociaux ainsi et des organisations qui, structurés à une échelle internationale, les rendent possible. L'internationalisation de la recherche en sections 39 et 40 est donc d'autant plus évidente que la diversité des sujets abordés et des travaux menés porte très largement sur la pluralité et l'hétérogénéité des dynamiques qui concourent à la mondialisation. Dans les sections 39 et 40, l'internationalisation croissante de la recherche est soutenue par des programmes, des partenariats et des publications développés à l'international. En section 39, ces travaux s'appuient souvent sur des partenariats avec des institutions de recherche étrangers, ou avec d'autres organismes français comme l'IRD, l'Institut des Amériques les UMIFRE. Mais la dimension internationale de la recherche en section 39 – son internationalité – passe également par la structuration de réseaux et de projets internationaux où les équipes françaises peuvent jouer le rôle de coordinatrices ou valoriser leur expertise thématique et leur savoir-faire pour la construction de protocoles comparatifs. En section 40, la recherche internationale dépasse depuis longtemps les seules relations interpersonnelles pour se déployer au sein de coopérations régulières avec des universités présentes sur les cinq continents mais aussi des associations étrangères ou internationales de science politique. Dans plusieurs sections rattachées à l'InSHS, les activités de recherche se font de plus en plus en langue étrangère et à l'étranger. Les jeunes générations de chercheurs sont globalement mieux familiarisées avec l'anglais et/ou les méthodes quantitatives et semblent donc mieux équipées pour relever les défis que représente cette profonde transformation des pratiques professionnelles en sciences sociales. Tout en étant une réalité de la recherche, les modalités de l'internationalisation suscitent cependant un certains nombres d'interrogations portant notamment sur les dispositifs propices à l'internationalisation et sur « l'emprise de l'anglais ». Les sections lancent ainsi un avertissement : « ne pas confondre internationalisation et alignement sur les problématiques et les méthodes anglo-saxonnes », ne pas substituer un « anglais d'échanges » à une réflexion conceptuelle de haut niveau en français. S'il convient donc de soutenir la publication en anglais, la publication anglophone ne peut être le seul label de l'internationalité. Il nous semble qu'un effort particulier doit être fait pour d'une part apporter sa contribution au développement et au soutien de la francophonie, de l'autre aller vers des langues de publication en pleine croissante et jusqu'ici peu usitées par les chercheurs français, telles que le chinois ou l'arabe. Pour une majorité des sections relevant de l'InSHS, le réseau des Unités mixtes des instituts de recherche français à l'étranger (UMIFRE) joue un rôle de premier ordre, en particulier pour les recherches portant sur les aires culturelles extra-européennes. À partir de 2010, une partie de ces instituts sont devenus des USR (Unités de service et de recherche) sous la double tutelle du ministère des Affaires étrangères et du CNRS avec parfois l'association d'autres partenaires français et étrangers. Le CNRS peut donc leur affecter du personnel et des enseignantschercheurs en délégation. Mais la tendance au désengagement du Ministère et les conditions politiques locales peuvent remettre leur existence en question. On observe également que faute de moyens, les comités de visite de l'AERES, puis du HCERES, pour l'évaluation de ces unités n'ont pu se rendre sur place et que les conditions d'évaluation n'ont pas été à la hauteur ni des enjeux ni du travail effectué par ces unités. Les nominations et renouvellements de détachement 33 des directeurs et des chercheurs de ces équipes ne sont par ailleurs soumis aux sections que pour information. La satisfaction des demandes de délégation dans ces unités par les enseignants-chercheurs, comme de détachement de chercheurs CNRS, reste limitée par les contraintes budgétaires (surcoût dû aux indemnités d'expatriation) malgré l'intérêt de ces séjours pour l'avancement de leur projet et plus généralement pour l'internationalisation de la recherche française. Il faudrait donc considérer une ouverture des possibilités d'affectation dans les UMIFRE, ainsi qu'une ouverture des possibilités de séjours de longue durée à l'étranger pour les chercheurs travaillant hors périmètres des UMIFRE existantes 2. Une recherche internationale à visibilité internationale Le CSI de l'InSHS recommande avant tout de bien distinguer la pratique internationale de la recherche (qui concerne la manière même de faire de la recherche qui se fait) des questions de visibilité internationale (qui relèvent de la communication et de la valorisation). En ce sens, si « l'international » doit être de plus en plus pris en compte lors des recrutements des chercheurs SHS, il faut soutenir l'internationalisation de l'activité de ces derniers et les structures y contribuant, tout en veillant à la diffusion et la valorisation à l'international des travaux de recherche des chercheurs SHS au CNRS. 2.1. Prendre en compte l'international lors des recrutements Il apparaît important de veiller à maintenir le taux de recrutement des chercheurs étrangers (au sens de chercheurs formés dans des institutions étrangères), mais en même temps d'intégrer les risques que fait courir la faiblesse des recrutements sur la position française au plan international dans certains domaines et sur les difficultés à être présent aujourd'hui sur des thèmes devenus « d'intérêt international ». Il est bon de recruter des candidats disposant de formations complémentaires à l'étranger et d'une expérience de réseaux internationaux, mais il faut veiller à la diversité et à la pluralité expériences, et éviter que la variable internationale devienne un critère général de discrimination afin de tenir compte des spécificités de disciplines appelant moins l'international que d'autres. 2.2. Soutenir l'internationalisation des activités des chercheurs Dans un contexte de développement au plan européen et international de la recherche sur projet, il convient de veiller à préserver des conditions matérielles et financières permettant l'autonomie intellectuelle des chercheurs afin que la diversité des situations et des points de vue sur le monde perdure en dehors de quelques paradigmes dominants. Il faut éviter d'enfermer les collaborations scientifiques internationales dans des recherches chronophages et somptuaires, notamment à l'heure où le numérique facilite le travail collaboratif à distance. Face au développement de la recherche sur projet, il devient urgent de faire connaître et de 34 renforcer l'aide du CNRS (InSHS et/ou Délégations régionales) au montage de réponses aux appels à projets européens et internationaux. Le CNRS doit mobiliser ses chercheurs afin d'assurer une présence française dans les lieux d'élaboration et de décision des appels à recherches européens et internationaux, agir dans l'objectif d'amoindrir la gestion administrative « dissuasive » des contrats européens et internationaux, inciter à une présence plus forte des chercheurs du CNRS dans les comités scientifiques et d'organisation des colloques internationaux organisés hors de France, soutenir les contributions de chercheurs du CNRS dans les colloques internationaux organisés hors Europe, faire connaître le dispositif à la mobilité internationale de 3 à 9 mois (SMI), les possibilités données, notamment, par les UMIFRE et UMI, faire savoir aux chercheurs (et aux directeurs de labo) que les missions courtes doivent être prises en charge par les laboratoires et doter ces derniers en conséquence. Des mesures permettant à davantage de chercheurs de partir en séjour de longue durée restent ainsi à développer. Il faudrait notamment rééquilibrer la distribution des moyens sur toutes les régions du monde et pas seulement sur quelques régions touchées par les UMIFRE. Le CSI recommande fortement l'ouverture de mises à dispositions pour tous les pays qui n'entrent pas dans le périmètre des UMIFRE comme cela existait auparavant. Le CSI recommande également la mise en place d'un roulement plus conséquent des affectations dans les UMIFRE, ce qui permettrait à davantage de urs d'en bénéficier. Les affectations dans les UMIFRE devraient être limitées dans le temps et idéalement réduites à 2 années consécutives, possiblement renouvelable 1 an, ce qui permettrait l'affectation, pour le moins, du double de chercheurs. Enfin, il convient de ne pas s'inscrire dans une logique d'abandon de la proie pour l'ombre : il faut maintenir un soutien et agir pour la reconnaissance scientifique de la recherche menée en langue française, veiller au maintien, à l'originalité et la qualité des réseaux internationaux francophones. 2.3. 3. Traduction et/ou publication en anglais des travaux des chercheurs en SHS 3.1. Une diversité (très relative) des langues de publication Une analyse détaillée des langues de publication des chercheurs CNRS en SHS a pu être possible grâce aux données recueillies par RIBAC22. Cette analyse a porté sur les articles de revues, les chapitres d'ouvrages collectifs et les ouvrages parus en 2014 (4332 documents), soit plus de deux-tiers des documents publiés par les chercheurs SHS du CNRS. En plus du français – 61% des textes – et de l'anglais – 35% des publications –, langues largement majoritaires, les chercheurs ont publié des documents dans 37 autres langues, de façon en réalité marginale au regard de l'anglais et du français23. français anglais espagnol allemand italien articles 56,1% 40,4% 1,2% 0,8% 1,3% chapitres 64,1% 30,3% 2,5% 2,4% 1,1% ouvrages 72,7% 18,4% 2,0% 1,2% 1,6% Part des publications dans les différentes langues en fonction du type de document Par ailleurs, si les économistes relevant de la section 37 et les linguistes de la section 34 publient majoritairement en anglais, les archéologues de la section 31 publient à parts égales en français et en anglais, les chercheurs des autres sections publient plus souvent en français, en particulier les sociologues et juristes de la section 36 (plus de 80% en français) et les chercheurs en science politique de la section 40 (plus de 70% en français). Les données varient également selon le type de publication considéré. Ainsi, les articles de revues sont publiés à plus de 56% en français et plus de 40% en anglais, tandis que les ouvrages sont à plus de 72% en français et moins de Nous tenons à remercier Michèle Dassa pour avoir interrogé la base RIBAC (Recueil d'Informations pour un oBservatoire des Activités de reCherche en SHS) en ce sens et avoir fourni une première analyse des donnée (Cf. M. Dassa et Ph. Auvergnon, L'internationalisation des SHS au prisme des publications et des contributions à des colloques internationaux des chercheurs du CNRS, La lettre de l'InSHS, juillet 2016, p. 3-8). Hormis le français et l'anglais, de façon très minoritaire les autres langues de publication sont par ordre décroissant l'espagnol, l'allemand, l'italien, le portugais, le japonais, le russe, le chinois et l'arabe. 22 36 20% en anglais ; les pourcentages pour les chapitres d'ouvrages collectifs se situent entre les deux. Par conséquent, l'aide à la traduction ou à la correction de publications en anglais doit porter impérativement sur les trois types de publications. Enfin, sans s'interdire de questionner des résistances et surtout certaines limites de l'internationalisation s'exprimant au travers les langues de publication, il faut veiller à ne pas trop faire parler les chiffres. Si la question du soutien (diversifié) aux publications en anglais s'impose, il convient certainement de maintenir un soutien à l'édition scientifique francophone, voire aux publications multilingues dans un souci de réel impact des résultats d'une grande part de la recherche en SHS. 3.2. Mise en place par l'InSHS d'une aide à la traduction de cinq revues SHS En 2011 l'InSHS a décidé de mettre en place un programme d'aide à la traduction portant exclusivement sur un échantillon de cinq revues SHS ; il s'agit d'accompagner les revues souhaitant proposer une version en anglais disponible en ligne parallèlement à la version papier française et à la version électronique française de la revue24. En 2014 les cinq revues bénéficiant de cette aide étaient les Annales Histoire, Sciences Sociales, la Revue française de science politique, la Revue française de sociologie, l'Espace Géographique et Clio femmes genre histoire. Cette opération a pour objectif d'internationaliser les travaux des chercheurs français. Cette aide à la traduction est accordée par convention pour 4 ans renouvelable avec pour but d'arriver pour ces revues à un autofinancement à terme. Un bilan de cette opération a été présenté lors de la réunion du CSI de l'InSHS de septembre 2016 par D. Torny, DAS en charge du pôle IST. Selon ce dernier, le bilan est plutôt contrasté car plusieurs revues ont choisi comme diffuseur Cairn international, or la fré ation de ce portail reste très limitée comparée à Muse ou JSTOR. Le choix de faire porter cette aide sur des revues, parfois très disciplinaires, plutôt que sur des chercheurs ou sur les laboratoires ne nous a pas paru très pertinent. L'opération représente annuellement 110 000 € pour les cinq revues, soit 20 000 à 30 000 € par revue ; un tel montant divisé par le nombre de chercheurs de l'InSHS équivaut à 2 000 € par chercheur, une aide qui pourrait être substantielle pour aider au polissage de l'anglais, non seulement pour des articles de revue, mais aussi pour des ouvrages et chapitres d'ouvrages. 3.3.1. La traduction des ouvrages Les SHS se distinguent des autres disciplines présentes au CNRS par l'importance en leur sein de la publication des livres de recherche fondamentale, en complément des ouvrages d'enseignement ou de vulgarisation. La publication d'ouvrages dans des presses universitaires est l'un des principaux critères de reconnaissance, aux Etats-Unis l'obtention de la tenure étant elle-même conditionnée à la publication d'un nouvel ouvrage. Dans une perspective de soutien à l'internationalisation des SHS, le CNRS a donc tout à gagner à développer une politique ambitieuse d'aide aux chercheurs dans le domaine de la traduction d'ouvrages. Or, les statistiques précédentes ont montré le faible taux de publication des ouvrages en langue anglaise par des chercheurs de SHS au CNRS. Le CSI de l'InSHS recommande donc l'adoption de différents dispositifs destinés à permettre une évolution significative dans ce domaine : a) Le CSI préconise la réaffectation d'une large partie du budget actuellement dévolu à l'aide à la traduction de revues françaises à un fond de soutien aux traductions d'ouvrage. Ces bourses pourraient être attribuées par les sections ou par un jury ad hoc qui comporterait, par exemple, un représentant de chacune des sections du Comité National et possiblement du CSI ou de toute autre instance de ce type. b) Plusieurs financements existent toutefois déjà. Certains n'atteignent pas complétement leurs buts pour des raisons légales. Le CSI préconise ainsi que le CNRS sollicite le Centre National du Livre (CNL) pour une réforme de sa procédure, du moins pour ce qui concerne les ouvrages scientifiques. À ce jour, l'obtention de l'aide du CNL est conditionnée à son versement à l'éditeur étranger, versement lui-même conditionné à la signature d'un contrat entre l'éditeur et le traducteur. Cette chaîne juridique est un obstacle important sur un marché éditorial peu profitable et plus encore pour des chercheurs en début de carrière pour lesquels les éditeurs français comme américains ne veulent pas prendre de risque. Un éditeur ne voudra pas s'engager par contrat avec un traducteur alors même que l'auteur, à qui revient le plus souvent la charge de trouver l'argent de la traduction, est incapable de lui garantir dès le départ qu'il trouvera l'intégralité de la somme nécessaire pour que le contrat du traducteur soit honoré. La situation actuelle favorise ainsi les positions dominantes de chercheurs installés ou capables de s'appuyer sur des institutions riches au détriment des jeunes chercheurs ou des chercheurs moins installés, pourtant souvent investis sur des thématiques très innovantes. Cette difficulté pourrait être contournée par exemple si le CNL était autorisé à verser l'aide à l'UMR dont relève le chercheur plutôt qu'à l'éditeur lui-même. c) Le CSI préconise la prise en compte d'exigence en matière d'aide à la traduction dans les contrats de site qui lie le CNRS et les différents acteurs de l'ESR. Le CNRS doit inciter les COMUE et nouvelles universités à créer un guichet ambitieux d'aide à la traduction d'ouvrages pour les populations de chercheurs SHS qui relèvent de leur périmètre. d) Le CSI encourage le CNRS, et plus particulièrement l'InSHS, à créer un nouveau métier en matière de traduction. À l'étranger comme en France, la publication d'ouvrages passe de manière croissante par l'intermédiaire d'agents. Compte tenu du peu de rentabilité de la plupart 38 des ouvrages scientifiques, le marché ne peut suffire à soutenir l'instauration de ce type de métier dans le paysage éditorial français en SHS, du moins à court terme. Le CSI recommande ainsi la création d'un poste d'IR qui viendrait en appui aux chercheurs dans leur démarche de traduction ou de publication à l'étranger. Cet ingénieur assurerait également une mission de veille et d'incitation auprès d'eux, en identifiant des niches éditoriales pertinentes. La création d'un tel profil rendrait ainsi les démarches plus nombreuses et quasi systématiques et est susceptible de créer un cercle vertueux qui, à terme, pourrait permett de se passer d'un tel intermédiaire. 3.3.2. La traduction des articles Comme cela est déjà apparu dans ce qui précède, le CSI s'interroge sur la pertinence de la politique de traduction des articles de revues françaises mise en oeuvre par le CNRS. Comme il a été d'ailleurs reconnu lors du CSI du 20 juin 2016, cette politique de traduction s'accompagne par ailleurs d'une politique de mise en ligne systématique sur de grands bouquets internationaux. Cette action simultanée rend impossible l'évaluation isolée de l'effet traduction quant à la diffusion des revues concernées. Des choix comme ceux fait par la Revue de synthèse confirment l'importance première du vecteur de diffusion sur la langue des articles. Conclusion Avec le présent rapport de prospective, le CSI de l'InSHS réaffirme l'excellence des Sciences Humaines et Sociales en France, qui dans certains domaines hissent notre pays parmi les premiers au niveau international. Pour maintenir une recherche de qualité, les SHS nécessitent un soutien constant, voire un renforcement en personnels et en moyens de la part du CNRS et du MENESR. Le CSI de l'InSHS s'est efforcé de donner des pistes de réflexion et d'émettre des recommandations (résumées ci-dessous) sur quatre grandes thématiques qui lui ont paru importantes et qui font régulièrement l'objet de débats dans le cadre de l'ESR. Les membres du CSI se sont ainsi investis dans des enquêtes approfondies sur - l'impact à court et à long terme de la politique de site menée depuis quelques années par les instances dirigeantes des EPST, sur incitation du MENESR, - la pratique réelle de l'interdisciplinarité au sein des unités de recherche, des sections disciplinaires du CoNRS, de l'InSHS ou entre chercheurs et enseignants chercheurs relevant d'unités de recherche appartenant à différents instituts du CNRS, - l'organisation des Humanités Numériques et les efforts faits et à faire dans l'investissement en moyens et personnels pour développer les Humanités Numériques et permettre à notre pays de rester compétitif dans ce domaine au niveau international, - les moyens de favoriser la visibilité des SHS française à l'international, en améliorant par exemple les aides à la traduction et les séjours à l'étranger. Bien d'autres thèmes de réflexion auraient pu trouver leur place dans ce rapport de prospective, à commencer par la relation entre chercheurs, monde politique et société, relation interrogée par l'appel « attentats-recherche » lancé par le président du CNRS en novembre 2015 après les événements tragiques qui ont ébranlé la France. À cet égard, le CSI de l'InSHS a immédiatement rédigé et diffusé une note en réponse à cet appel 25. Il y faisait des propositions concrètes et originales. Il y mettait déjà en avant le rôle que pourrait tenir CNRS Éditions avec une politique éditoriale ambitieuse consistant à valoriser les travaux qui existent, en les diffusant par exemple en libre accès, ou encore commander de nouveaux ouvrages sur des thématiques pertinentes. Recommandations du CSI de l'InSHS Pour un CNRS opérateur national de la recherche : - S'interdire d'affecter les chercheurs en fonction de rééquilibrages géographiques globaux, - Favoriser la mobilité des chercheurs en n'affectant pas les nouveaux entrants là où ils ont préparé leur doctorat, - Maintenir le niveau actuel de recrutement des chercheurs et des Ingénieurs et Techniciens face à l'érosion de ces dernières années. Pour renforcer l'interdisciplinarité au CNRS - Prendre garde à une logique à court-terme consistant à adosser les SHS uniquement à des « enjeux sociétaux » afin de préserver la recherche fondamentale, - Favoriser l'interdisciplinarité interne à l'InSHS par des appels à projet financés de type PEPS, - Renforcer les structures de recherche transversales et pluridisciplinaires que sont les RTP, les GDR et les GDRI en les appuyant sur des appels publics, ouverts et réguliers, et en associant les sections à leur évaluation, - Préserver une majorité de postes totalement ouverts pour recruter des potentiels interdisciplinaires variés et novateurs, - Permettre l'accès bibliographique à des revues relevant d'autres Instituts du CNRS, - Accompagner d'une réflexion épistémologique approfondie, et vigilante, l'introduction des sciences cognitives ou comportementales en SHS. Pour la diffusion des Humanités numériques - Maintenir la CID 53 et créer une nouvelle CID « Méthodes expérimentales, données et modèles en SHS » touchant spécifiquement aux humanités numériques et approches expérimentales, - Clarifier les profils « Humanités Numériques » en favorisant des compétences interdisciplinaires spécifiques, - Clarifier le rôle des différents acteurs nationaux et leurs responsabilités, - Assurer la transparence de la ance des TGIR et les adosser aux besoins concrets de soutien des chercheurs par une politique bottom up, - Renforcer parallèlement les moyens des TGIR comme infrastructures transversales top down comme pour l'accompagnement dans le pilotage et la gestion des projets, - Soutenir la création d'espaces polyvalents de type open-labs, qui pourraient être inscrits prioritairement dans les MSH, qui se verraient dotées de moyens conséquents. - Soutenir les réseaux métiers et écoles thématiques. Pour l'internationalisation des SHS au CNRS - Veiller à maintenir le taux de recrutement des chercheurs étrangers, Recruter des candidats « internationalisés » en tenant compte des spécificités des disciplines, Veiller au maintien, à l'originalité et la qualité des réseaux internationaux francophones. Réaffecter une large partie du budget actuellement dévolu à l'aide à la traduction de cinq revues françaises à un fonds de soutien aux traductions d'ouvrage, Assurer aux unités des crédits récurrents d'aide à la réécriture d'articles en langues étrangères et concevoir des formations spécifiques, Créer un nouveau métier IT en matière de soutien à la traduction. Rapport de prospective et recommandations votés à l'unanimité du de l'InSHS en sa séance du 43 Anne xes Les Instituts du CNRS InSB InC InEE InSHS InS2I INSIS INSMI InP IN2P3 INSU Institut des sciences biologiques Institut de chimie Institut écologie et environnement Institut des sciences humaines et sociales Institut des sciences de l'information et de leurs interactions Institut des sciences de l'ingénierie et des systèmes Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions Institut de physique Institut national de physique nucléaire et de physique des particules Institut national des sciences de l'Univers Les Sections et Commissions Interdisciplinaires Sections du CoNRS ayant pour rattachement principal l'InSHS 32 Mondes anciens et médiévaux 33 Mondes modernes et contemporains 34 Sciences du langage 35 Sciences philosophiques et philologiques, sciences de l'art 36 Sociologie et sciences du droit 37 Economie et gestion 38 Anthropologie et étude comparative des sociétés contemporaines 39 Espaces, territoires et sociétés (rattachée secondairement à l'InEE) 40 Politique, pouvoir, organisation Sections du CoNRS ayant pour rattachement secondaire l'InSHS 26 Cerveau, cognition, comportement 31 Hommes et milieux : évolution, interactions CID du CoNRS rattachées à l'InSHS 52 Environnements sociétés : du fondamental à l'opérationnel 53 Méthodes, pratiques et communications des sciences et des techniques Sigles AERES ANF BAP BSN CA CAC CCSD CEA CESSDA CID CLEO COMUE CNL CNRS CNU Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur Action nationale de formation Branches d'activités professionnelles (D : Sciences humaines et sociales, E : Informatique, statistique et calcul scientifique, F : Information, documentation, culture, communication, édition, technologies de l' et de la communication pour l'éducation) Bibliothèque scientifique numérique Conseil d'administration Conseil académique Centre pour la communication scientifique directe Commissariat à l'énergie atomique Consortium of European Social Science Data Archives Commissions interdisciplinaires Centre pour l'édition électronique ouverte Communauté d'universités et d'établissements Centre national du livre Centre national de la recherche scientifique Conseil national des universités 44 CoNRS CSI DARIAH DAS DIST DSI EHESS ENS EPCS EPHE EPSCP EPST EquipEx ESR ESS FMSH GED GDR GDRI GIS HAL HCERES HEC HESAM HN IdEx IdF IE IEA IHES INED InIST INRA INRIA INSERM IR IRD ISA ISH ISITE IST IT LabEx LIA LRU MI MSH ONERA PEPS PPP PRES PROGEDO PSL RBDD RIBAC RTP SHS SMI STS TEL Comité national de la recherche scientifique Conseil Scientifique d'Institut Digital Research Infrastructure for the Arts and Humanities Directeur adjoint scientifique Direction de l'information scientifique et technique du CNRS Direction des systèmes d'information École des hautes études en sciences sociales École Normale Supérieure Établissement public de coopération scientifique École pratique des hautes études Établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel Établissement public à caractère scientifique et technologique Équipement d'excellence Enseignement supérieur et recherche European Social Survey Fédération des maisons des sciences de l'Homme Grand équipement documentaire Groupement de recherche Groupement de recherche international Groupement d'intérêt scientifique Hyper articles en ligne Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur école des hautes études commerciales Hautes études.
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-38- 0.6 0r 0.G 05 oitt 0r 0.6 0.7 0.t5 0t Ftc. I.27 - comparaisonschémaboîte (1.37)et B-schéma boîte (1.78)p : Ll8, -0.5. Zoomsur [0.3,0.8]. T - 2.!0-2,0: CHnPTTRE2 Quelques s ché mas bo îte sur maillages en triangles 2.L fntroduction Lesschéma.s boîte ont été introduits par H.B. Keller en 1971,pour desproblèmesparaboliques[31J.Aprésl'étude au Chapitre 1, de schémasboîteassociés à l'équationde la chaleur en dimensionL, nous souhaitonsgénéralisercette étude en dimension2 pour un domaine muni d'un maillageen triangles.Sur le principe de discrétisationintroduit par B. Courbet dans [1a] pour le problèmede la chaleursur des maillagesen triangles,B. Courbet et J.-P. Croisille ont introduit un schémaboîte de type volumesfinis pour I'équation -Au : / sur ', un domaineO maillé par destriangles[15],, Dans ce chapitre, nous rappelonsla constructionet le principe du schémaboîte CourbetCroisille et son lien avecla méthodedes élémentsfinis mixte. Puis nous introduisonsdes schémasboîte d'ordre plus élevébasessur les mêmesprincipes,pour lesquelsnousprouvons desestimationsd'erreurspar rapport à la solutionexactedu problèmede Poisson.La partie analysenumériquede ce travail a été publiéedans [19J.Quelquesapplicationsnumériques illustrent les résultats théoriquesobtenus.Par ailleurs,signalonsque la généralisationau problèmede Poissonavectenseurde [15]a été établiepar Chou et Co., [10J. 2.2 2.2.L Rappels sur les méthodes mixtes Formes mixtes du problème de Poisson Nous considéronsun domainepolygonalO E R2. Le problèmede Poissondéfini sur CI est : trouver u e Hl,(O) tel que : dansO!-Au=f u : 0 s u r l l. (2.1) Si / € L'(A) et O g pz est un domaineconvexe,le problème(2.1) admet une unique solutionu e H[,(O)nH'(O) telleque llullz,n< Clllo,n. Nousutilisonsdansla suitelesdeux -39- Quelques sclrémae boîte aur maillryae en trianglee du problèmede Poisson formesmixtessuivantes (i) Laformulationmixte primale: trouver(u,p) e HË(A)x llai.,(Q)tel que | (divp+ l,u)o,n:0, Vu€ 1,'(O) (2'2) t @ vu,g)o,o=o,vsetr'thli' (ii) Laformulationmixte duale: trouver(u,g) e Lz(O)* (r'(O))2 tel que | -(Vu,{)o,n: -(f,u)o,n, Vu € I/ô(O) t ù,ùo,n+ (divP,a)o,n:0, Yp eËo'"io) (2'3) Rappelonségalementles deuxformesmixtesusuelles (iii)Laformulationmixte : trouver(u,p) e Hi(O) x (L'(AD'tel que -(p,Vu)o,g : -(.f,u)o,o'.Yl e rj(O) t ("(0))t vq 1 @ Yu,{)o,no, € e.4) équiyalenteà la forme variationnelleusuelle: (Vu, Vu)o,n - ("f,u)o,navecP : Yu. (iv) Laformulation mixte variationnelle: trouver (u,p) e Lz(n) x Hdi"(O) tel que (divP* Î,u)o,n: o, Vu € L'(A) (2.b) t * (udivg)s,ç :0, Yq e lra;"(a) t (P,q)o,n commeétant La solution (u,p) € I2(O) X IIai,,(O)de la formulation(2.5) est caractérisée I'unique point sellesur V : L2(O) * I/ai"(O) de la fonctionnelleJ J(r,q): 1 i l e l f i, n + ( d i v qf+, u ) o, n - (2.6) I La forme bilinéaire B définiesur I/ x V par B((u,p);(a,q)) : (P,g)o,n-F(u,divg)s,ç+ (divp,a)o,n Q.7) est symétrique,continue,V-elliptique ([16]), donc le problème(2.5) admet une solution unique(u,p) eV qui est la solutionde B((",p); (a,q))= (.f,u)o,o. (2.S) Cesquatre problèmesmixtes ont pour uniquesolution (u,Yu), où u e Hà(A)n //2(O) est l'uniquesolutionde (2.1). pour la preuve,on peut utiliser le théorèmede Babu5ka-Brezzi,que nous rappelons. 2.2.2 Le théorème de Babu5ka-Brezzi Le lemme de Babu5ka Soient(Hr, (.,.),), (Hz, (.,.)r) deux espacesde Hilbert et B(',') une forme bilinéaire continue sur Ifi x Hz.Soient J : H1 -> Hi et J' : Hz + Hl les deux opérateurslinéaires continus associésà la forme B Par B(ura) : ( J ura )nL,nr= 1 J* uru')117,g, Ona -40- (2'9) Quelgues sdrérnâs boite sur maillryae ut triangles Théorème 2.2.t (Lemme de Babu5ka, [2J) L'opérateurJ : H1 + HI est un isomorphismesi et seulernentsi les deun conditions(i) et (ii) sont satisfoites (i) il enisteune constanteC > 0 telle que sup B(u,u)> Cll"llt, Vu€ Hr (ii) si u € Hz esttettle 0 pour tout u € orr";.;]ï: De plus,la constantede continuitéde J est LlC. Cas particulier H1, ators,: 0. où H1 - Mr x X1 et Hz - M2 x X2 Dansle casparticulierd'espaces de Hilbert produit,Brezzi [3], Nicolaides[35],Bernardi et al. [7] ont prouvéle Théorème2.2.2que I'on peut déduiredu Lemmede Babu5ka.Soient (Mr, (.,.)r,), (Xr, (.,.)x,), (Mr, (.,.)rr), (Xr, (.,.)r") quatreespaces de Hilbert.Définissons produits les espaces I/r M1 x Xr, et H2 M2 x Xz, munis des normes: ll(p,r)llr,: (lhll*,+ llrll,,,,)''', vk),u)e H1 : (lloll",+ llr ll^a,)''',v(s,u)e H2. ll(q,r)11", (2.10) Soit B la forme bilinéairedéfiniesur.E[ x H2 par : a(p,q)* ôrk',u)+ bz@,u) B((p,u);(q,u)) (2.11) où o o est une forme bilinéairecontinuedéfiniesur X1 x Xz, o h et b2 sont des formes bilinéairescontinuesdéfiniesrespectivementsur M1 x X2 et M2 x X1. Définissons les espacesnoyarDcVr, Vz V 1= { p e X r l b z ( p, t ù : Vz- {q e Xzl br(q,À) 0, Yp e MzI, VÀe MrI. (2.12) Soient lz, trtr2tdes formes linéairescontinuesdéfiniesrespectivementsur X2 et M2. On considèrele problème: chercher(p,u) e Xr x Mr solution de I a(p,q)* ôr(q,u) = ( lz, I ),Yq €,X2 u ),Vu €,M2 h(p,u) : ( rTL2, I (2.13) Théorème 2.2.2 Leproblème(2.13)odrnetune uniquesolution(yt,u) quidépendcontinûment des données(lz, mz) e XL x Mt si et seulernentsi les conditionssuiaontessont aérifiées: (i) il aeiste une constantea > 0 telle queYq € Vz, sup p€Vr,llpllx, <1 a(p,q)2 ollqllx,, -41- Quelgues *},émas boîte sur maillryae en trianglae (ii) pour tout p € Vr, Y q €. V 2,a ( p, q ) : 0 + p : 0, (iii) iI eoisteune corwtante0, > 0 te|Ie que (q'u)> fl'll"llt'' vu€ Mr' o'"'ltlllt",s'ôt (i") it esisteune constanteP2 > 0 telle que 2 Êzll'llu" vu € Mz' o.x,TrlP",srh(p'o) Les deux formesmixtes (2.2), (2.3) entrent dans ce cadre : (1) Soient les espacesde Hilbert X1 : I/ai"(O), Mt : Hot(O), Xz : @'(q)' et à la formemixte (2.2)est : chercher(p,u) € X1xM1 Mz: L'(A). Le problème(2.13)associé solution de équivalent à I ( P, Q ) o, n - ( V r, g ) o, no:, Y q e x 2 t (divp,u)o,n: -U,u)o,o,Vu €,M2 (2.r4) I a@,q)* ôr(q,u) - 0,Yqe X2 -(f,u)o,n,VuE M2 t ht(p,u): (2.15) pour les formes bilinéaires continues a(p,q) :'(p,g)g,n, br(q,u) : - (Vt, Ç)o,o et b2@,u): (div p,a)o,n.Les hypothèsesdu Théorème2.2.2sont vérifiées,[16J,en effet : Les espacesYl et Vz définis par '0 V1- {p e IIai"(O)| (divp,u)o,o, Yae Lz(O)} Vu€Hô(O)} Vz- {qe (I'(O))'l -(V",q)o,n:0, satisfontV - Vz- V. Doncpour tout Q€ V, on a l'égalité (2.16) - llqllo'n nsrob'q) o.,r,l|1fl, Ainsi, les hypothèses(i) et (iù du Théorème 2.2.2 sont vérifiées.D'autre part les hyaux problèmes pothèses(iii) et (iv) du Théorème 2.2.2sont lesconditions"inf-sup" associées (M,X): (I/or(O),(f'(O))t) *t mixtes standards(2.a) et (2.5) pour las couplesd'espaces (M, X) : (I/ai.,(O),f'(O)). (2) Soient les espacesde Hilbert X1 : (f'(O))', Mr : L'@), Xz : I/ai'(O) et (p,r) € Xr xMr à laformemixte (2.3)est : chercher Mz: flJ(O). Le problème(2.13)a^ssocié solution de + (divQ,u)o,n- 0,Vq €' X2 I (P,q)o,n (2.17) -(vr,P)o,n -(/'u)o,n t :,vu € M2 équivalentà I a(p,q)* ôr(q,u) : 0,Vq € X2 (2.r8) -U,?,)o,n,Vu € M2 t br(p,o) : pour les formes bilinéairescontinuesa(p,q) : (P,Q)g,n, br(q,u) = (div q,u)o,n et bz@,u): -(Vu,p)0,o. Notations géométriques Danstoute la suite, on supposeque le domaineO est connexeet convexeK désigneun triangle quelconque,d'aire notée l^ffl. La Figure 2.1 représenteles donnéesd'un triangle K. Soient : o hx : diamètredu cerclecirconscrità K.. px : diamètredu cercleinscrit dans K. 1 oK : M ) I : mesurede la non dégénérescence de K. ^9g Ftc. 2.1 - Donnéesgéométriquesd'un triangle If Soit Tn un maillage en triangles du domaine O de paramètre de discrétisation h - m?thx. Tn estdéfinitel que O - U K. Noussupposonsque le maillageest uniformémentrégulier KÊTn c'est-à-dire: c h: maxhn -r 0 K€Tn r il existedeux constantesa ) 0 et r ) 0 indépendantes de h, telles que rhshxlopx. 2.2 - Vecteur normal à l'a,rêteo vecteur Le vecteurnormal unitaire à une arêtea de K orientévers I'extérieur est noté'vorle directe' tangent est noté ro (Figure 2.2), tels que (uo, ro) forment une base orthonormée à travers Soient K1 et Kz deux triangles d'arête communea,. Le saut d'une fonction u triangle l,arêtea est [r] -,t)Kz,o-uKtaroù uci,aestla valeurde u le long de I'arêtea dansle : (ïrf,ilof ), son rotationnel Ki, i - 1, 2. Le gradientd'une fonction I e H'(O) est V/ (/r, /2) est noté est rot f - @nf,- arf ). Lr rotationnel scalaired'une fonction vectorielle - ùrfz' de façon identique,défini par rot( fr, h) : ùsh - y{oU,,4i est constitué des arêtesfrontières'40 et L,ensembledes arêtesdu maillage noté A d'arêtes des arêtesinternes,4+.Nous notons NAr le nombretotal d'arêtes,NAt le nombre maillage, frontièreset NAile nombred'arêtesinterns, NP, le nombretotal de noeudsdu de la N n le nombre de noeudsinternes du maillage. N E désignele nombre de mailles triangulation Tn. Les relationsd'Euler pour le maillagesont : NE - NA* NP: 1 et ïNE : NA + NAi. (2.1e) 2.2.4 Quelques Lemmes et Définitions L2(K), Les espacesde poly nômes de degrétotal k sur K sont notés Pk (K). Pour a e flku désignela projection ortho gonal ede u sur Pe(K) tel que l*@ro-u)qds-0, vs € Po(K). Lemme 2.2.! (Interpolation' [23]' [30]) Il esisteune constanteC > 0 indépendantedu triangleK telle que (i)siueHk+t(K), lu -Ilkal*,x<CofthlT'-^lol**r,r, 0 1m < k+ 1 (2.20) (ii) sia e HI+t(K), 1 ( I <k 1 f lu -IIeul^,x < C ofr h'I'-*lolr*r,*, 0 m S I + - 44- (2.21) Quelgues sclrémas boîte eur maillagae en triangles o Flc. 2.3 - Maillagedu domaineO Soit Po(") la restriction à l'arête e des polynômesde degrék. Il.-désignela projection de L'(") sur Pe(e). Rappelonsle lemmesuivant Lemme2.2.2(Interpolationd'arêtedeCrouzeix-Raviart|22|) Soite e N, Ym € N tef que,01mSlr, il eri,steune constanteC> 0 indépendante de K telle quepour tout ô e H'(K), a e H^+'(K), s co* hfr*'lôlr,xlrl**,,*. tJIe oo - nlùd,ol Rappelonsle patch-testau sensde Irons etRazzaque[22],[32J,[43J.Il s'agit d'une condition de recollementdes espacesde polynômestotalement discontinusau niveau des arêtesdu maillage. Lemme 2.2.3 (Patch-test d'rrons et Razzaque, l2zl, [92J, [49]) Un espaced'éléments frnis Vn, sousespoae,aectoriel local de Ph sotisfait le potch-testau serwde lrons et Razzaquesi : pour tout an e V6, ofl a o, Vpe pk-r(a) I,rUpd,o(ii Va€ Aa, 0, VpeP*-t(o). I"ropdo= (i)Vae Ai, -45- Quelguee schémas boîte sur maïllryae en trianglae qui est la Rappelonsle théorèmesuivant, eu€ I'on retrouve par exempledans [16J' [34]' version discrètedu Théorème2.2.2 de Babu5ka-Brezzi.On définit les espacesde Hilbert produit discrets Ki,n : X;,n x M;,n et H;51 : H; * Ki,h, où I/d est I'espacede Hilbert Hi - X; x M;. L'approximationdu problème (2'13) est : chercher(pn,un) € Xr,n x M\n solution de + h,n(qn,un)- ( lz,n,qn), Vgn e Xz,n! an(pn,qo) : ( rrùz,h, an ), V an € Mz,h I b2sr(Pnran) Q.zz) où o ahtb1,1et fo,6sont desapproximationsdesformesbilinéairesa, bt erb2de la Section2.2.2o lz,het m2,6des approximationsdes formeslinéaites12,my Soit B6la forme bilinéaire discrètedéfinie sur H\n x H2,6 prt gr,)* br,n(qn,ra) * bz,n(pn,an)' rr,)) : an(Pn, Bn((pn,un);(q,,, (2'23) que Résoudrele problème(2.22)est équivalentà trouver (pn,uù € X\nx M\h tel (qn,ro)):1 Bn0pnrun); ), lz,h,gn) + I rrtrz,h,uh V (qn,on)€ Xz,nx Mz,n' Q'24) Soientles espacesnoyaux discretsde dimensionfinie : = 0, Vr,h: {pu e X\ni bz,n(on,Pa) V an € Mz,n}-, v;;eur.iî Vz,,n:tqi.xr'i;u;;i"^,'qii=0, 2'25) '6inf-suptt) Théorèrrre 2.2. 3 (Babu5ka- B rezzi discret - Condition Le problème(e.gg) admetune uniquesolutionQt6,u6)continûmentdépendantedesdonnées (Ir,urmz,n)€ XL,ox Mi,n si et seulementsi les conditionssuiaantessont aérifiées: (ù it aei,steune constanteo > 0 in dépendantede h telle QU%.rou(Pn' o^.r,,rÏË1,*,,^ qn)à "llq"ll"''o (ii) dim M\n* dimXr,r, : dim Mz,n* dim Xz,n (iiù iI esisteune constantefu > 0 telle que b''n(qn''n) >- Ê'llu;lt''u'qoexr,^:jl;|16r'(1 Yun € Mt'n (iu) il aeiste une constonteflz > 0 telle que sup pr,€xr,a,llPtllxr,u( I h,n(pn,oo)) grllrnllrr,^, Yan€ Mz,n 2.3 Principe des schémas boîte 2.3.L Introduction Dans le cadre de l'équation de la chaleur, B. Courbet introduit un schémaboîte sur maillagetriangulaire [14]. L'idée principaleconsisteà évaluerla moyennepar maille de la quantité conservéep en fonction de sesvaleursà I'interfacede la maille. On obtient ainsi une formulation compactedu schéma: la moyennene dépendque des valeurs de u et p prisessur la boîte. La discrétisationdes équationsne se fait que sur une maille, ce qui est particulièrementintéressantpour imposerles conditionslimites sur la frontière. Sur cette idée,B. Courbet et J.-P. Croisilleont introduit le schémaboîte [15J.Ce schémafait le lien entre le schémaboîte algébriquede B. Courbet [1a] et les schémasde type élémentsfinis. Dansun premiertemps,nousdéfinissons lesespaces d'élémentsfinis dont nousauronsbesoin. Nousrappelonsensuitele schémaboîte de B. ',, Lemme 2.3.3 (Inégalité de Poincaré discrète pout Hi(Q) + PL,o, [30]) II ecisteune constanteC qui ne dépendque de Q telle que (2,28) lrlo,u< Clulr,h, Yn,e Ht(O)+ P)",0. Preuve : Soit u e H[,(O) + P],",0.Alors, lrlo,n: sup l(u,g)o'nl s€Lz(O) (2.2e) lgl0,O par remplaçantg Soitg e Lz(O),Jp e Ht (O)'tel quedivp - g et llpllt,n< Clglo,o.En sa valeur,puisen intégrantpar parties,on obtient ( r, g ) o, :n( u d i v p ) s, e : - I I? J* O".pdx+t T permet d'estimer l(/)l : (i) L'inégalité de Cauchy-Schwarz. lplo,n It I*o"'pdrl S l,rl,,u -48- p'uud,o t? lax- UI) (2.30) Quelgues aehémas boîte eur maill4ges en trianglae (r/ Puisquep e Ht (O)'fl I/ain(O),sa composantenormalele long d'une arête interne a est continue,(/I) devient donc : ( II):+ Ir.p't,ud,o:à I"r.t/ortrd,o àl,p-uaruldo (2.81) Soit m € Po(o)la moyennede p. ua le long de I'arêtea. L'espace'sàtisfait ùLP'uofu Hot(Q)* P,,r",o le patch-test(Lemme2.g.2),donc Irmudo : 0, T:mï"ldo:0, Vae ,Aa Q'32) Vae.Ai. L'égalité(2.31)devient: T |r.p' uud,o: à l"W' vo- m) udo- à l"u -uo- f. u) lrJdo : t I fw.ue-wùudo K eeïK{e Le Lemme2.2.2donneI'estimation I | | (p. ve- Tu") u dol < C hx luh,x lplr,* Je Ainsi, l(//)l: lD, I p.uudolSsChlulr,nlpl,,n JAK K Finalement, < Clulr,r, S (c hlplr,n+lplo,n)lrlr,u l(r,g)o,nl llpllr,n Ot, llpffr,o ( C(O)lglo,n,d'où le résultatannoncé. t En particulier, nous avonsle résultat suivant : Lemme 2.3.4 La semi'norrned'energiel.lr,r, estune norrne sur l'espoceHj(O) pl",o. * 2.3.3 Ltespace R7û de Raviart-Thomas L'espaceW Hro: est I'espacede Raviart-Thomas[39]de plus basdegré.II est défini par (p'(K))r+po(K) eTn,qux€ (: ) t '\v {nu€r/ai"(o),vK / t (2.ss) La composante normale d'un élément q de ae est constante par arête. De plus HIû E I/ar"(O), oD a en particulier la continuité le long d'une arête interne de la composantenormale d'un élémentde W. C'est-à-dire,si a = ïKrfi|Kz est une arêteinterne du maillage, des triangles Kr et K2 Ph,Kr(c)' uo * Ph,K2("). ua : 0, On en déduit -49- Vx e, a. (2.34) Quelquae aehémae boîte aur marllqgco en trianglae Lemme 2.3.5 (Fonctions de base ) (i) Hp estun espaceaectorietde dirnensionN A, dont les degrésde libetté sont lesformes linéaires{Lo}oee, où Lo est défini p&r : vsr,e HIû. L,(qn)= à I"ou'uodo, (ii) Lo baseglobalede I'espaceRf (2.35) est(P)o€At où Po est défini par : Po@,Y) : PYr,o(fi, Y)ilx, - Pxr,o(fi' a)ilx" (2.36) et sur chaquetriangle K, Px,o est dé'fini par Px,o(s,y):=} ( :-it \ Ml \ s-y' )' (2.37) où s désignetouioursIe sommetopposéù I',orêtea (Figure 2.5)- Ftc. 2.5 - Degrésde tibertéde nfo(.Pf) 2.3.4 Le schéma boîte de courbet et croisille Cro isille ' [15J' Illustrons la méthodeboîte, dans le cas du schémaboîte de Courbet et homo gène Après introduction d,une variable auxilliaire p : YU , le problèmede Poisson (2.1) devient ( divp*.,f :0, surO { p-Yu:0,surO t u : 0, s u rl. -50- (2.38) Quelgues aeIzéntae boîte aur maillryae en trr'angles On intègreles équations(2.38) sur chaquecellule K du maillage.On obtient Ie système (2.39),dont la solutioncontinue(u,p) de (2.38)est solution rf f)dn:0, I Jr(divP+ I?J.t'/;r:0. vK eTn v") d'x: o' YKe Tn (2.3e) l Approchonsles inconnuesdu problème continu u et p respectivementpar les inconnues discrètesua e Mt,n et pn € Xr,à, où M1,6et X1,t. sont des espacesd'élémentsfinis approchant les espacescontinusHgl(A) et I/6;r,(O).Considéronsle problèmeapproché: chercher (un,pn)ê M\n X Xr,;, tel que t 'f[{aruro+ild,: o, ) : o' l*@u-Yu)dr I( u F :0. VK eTn YK eTn (2.40) En appliquantla formulede Greensur un triangleK, l'équation(2.40)devient : à |" oo' u"do+ llrltto.f: o, VK e Tn n)x-à l/(l(tlop urF - 0. o vK ÇTn U""^*)'r-, (2.41) Cette réécrituredu problèmefait apparaîtreun choix naturel de degrésde liberté pour?,16 et pn donnéspar les moyennesd'arêtes: undo, Ye €,A (2.42),. u"d,o, Ye e *4 Pour quele problèmediscretsoit bienposé,il est nécessaire de choisirdesespaces d'inconnues Mr,n et Xyl, tels que le nombre global d'inconnuessoit éSalau nombre d'équationsdu système(2.41).C'est-à-dire3NE * NA6 équations,ou encore2NA équations(en utilisant la deuxièmerelation d'Euler). Le choix de ZNA inconnuessuggérépar (2.42)satisfait donc la relation nombred'équationsdiscrètes: nombred'inconnuesdiscrètes. D'autre part, lesdegrésde liberté donnéspar (2.a2),correspondent aux degrésde liberté des espacesPl",ode Crouzeix-Raviartdéfini au paragraphe2.3.2et ft 7m,l'espacede RaviartThomas de plus bas degrédéfini au paragraphe2.3.3. Choisissonsdonc Mr1 : P]",0 et -51 - Quelquae aehémae boîte sur maillryae ea trianglae X\n : RTo. Revenonsà la formulation (2.40). Elle est encore équivalenteà chercher (un,pn)€ P,l",ox ffi tel que t D|.divp6+/) I T'r a n d'n - o'u 7'€P o (2.43) -vur')'Qndx=' o' 8n€ (Po)'' I"@n I + Notons' *r,h: {on,(r'(o))' (2.44) €.(po(K))', v K e ro} ; 8n1* vectorielde R2, despolynômesconst antspar triangle, totalementdiscontinus, le sous-espace de dimensiondim Xz,n: 2N E et Mz,n: {oo€ (2.45) I2(o) i untxe Po(K), v K e fn} l'espace des polynômes constants par triangle totalement discontinus, de dimension dim Mz,n: NE. On note aussices espaces(Po)' et P0. Le problème (2.43) se réécrit : chercher(un,pn)€ M\n x X\n tel que ( I lz- Pn* iland,n:g, / (airn an € Mz,h (2.4G) { 7'f Vur). Qndr==0, 8n€, Xz,n. I LI. J KI " @u" lt " Définition 2.3.1 (Le schéma boîte de Courbet et Croisille) On définit le schémaboîte suiaont associéau problèmede Poisson(2.1) commeétant le problèrnediscrvt: chercher(u6,po) e PL,o x ffi tel que ( t [@irou+ilu1,d'r='0, YuT,ePo J TIx - euo)'sndx:o' vqn'e (Po)' l.@o I + (2.47) C'est une formulation mixte de type "Petrov-Galerkin",c'est-à-direque les espacesd'aP proximation M1,h : Pl",oet X1,1 : HTo sont des espacesd'élémentsfinis, distincts des esprrcestest M2,7r: P0 et Xz,n: (Po)'. L'espacediscret Xr,;, est un espaced'éléments finis de type conforme (Xr,a ç llai.,(Q)) mais l'espaceM\n est de type non-conforme (Mr,o ç HË(O)). " 1 ) l s : 0 s i a e s t u n e a r ê t e f r o n t i è r e et flopn.uolulrldo: 0 si a est une arêteinterne.Donc I(v"n, vur)o,r: ftuol,un)o,x KK (ii) Le flux discrct p^ e HTv(K), est donné localementpar (Ilopr,)r* pnlx: + ry G -îi ) que divp616: -(no/)fr. L'équation (2.47)2implique que Nous avonsvu précédemment - (IIoVuo)W:Yuux, puisqueYu6ly€.P0(K). D'où on déduitle résultat. I (Ilopn)',,' Proposition 2.3.2 ( St abilité) La solution(u1r,pn)e P,l",ox ffi du schéma(2.47) uérifie < clllo,n + llpollot*,,n lfrrollt,r, Preuve : D'aprèsla formulationéquivalentede la Proposition2.3.L,Iechoix uh : u6 dansl'équation (2.50)donne (2.53) lrult,o< c l/lo,n. En utilisant le Lemmede Poincarê2.3.3,on déduit que S c Vlo,n. ;lurllr,a (2.54) De plus l'écriture localedt pn (2.51) donne lpr,lo,nS lrult,u + C h l/lo,n. Ce qui donne en combinantavec (2.53) < c l/lo,n. lpolo,n De plus, div pnlx: -(IIo/)t*' on en déduit doncque < c l/lo,o. llpullot",n D'où le résultat. et HIo dans le schémaboîte (2.47) donne une bonne Cette combinaisondes espacesP,nl",s approximationà la fois de I'inconnuescalaireu et de I'inconnuede gradient Vu. En effet : Proposition 2.3.3 (Estimations dterreur a priori) Soit (u,p) € /4(O) x I/ai"(O) la solution du problème continu (2.2).Soit f e H'(O)' (un,pn) € PL,ox ffi, la solutiondu schémaboîte(2.47). Si u € I/2(O) "t alors on o les estimationsd"etreur suiaantes: ( i ) 1 " - u 1 1 l r(, rC, h l f l r, n ; U i ) l u - u n l o <, oC h'l l l o, n <C hl/lt,o (iii)lp-polo,n S Chlllo,n ; Ua)lp-polat",o -54- (2.55) Quelgues schémac boîte sur mal'Il4ges en trianglae Preuve : Rappelonsla démonstrationde [15].Nous supposons que u e Hz(o). (i) Notors tlt la forme bilinéaire définie sur I'espacer/or(o) + P,l",opar an(u,u): f(V", Vu)0,r, Vu,a e Htt(O)+ P).,0. K Pour tout an € Pl",o,ona * lru - anft,n lu - unft,n S lu - anlt,n Or, par définition de a1, luu - onl?,n : : an(un- uhtun - an) an(un- Ltru6- ru) * ou(u- uhtun- an) (2.56) Donc luu- unlr,n uL€Pj",q luu (2.57) - unlt,n ce qui donne : - u, wn)l * sup lan(un s,,^L?1 - wnlr,n lu- unlr,n wn€P],.,olu l*nlr,n (2.58) acrO (D (I I) o EstimonsI'erreur de consistance(//). Soit wn € Pl",o, -u).Yw6dn an(un-u,wn) +l"V(ru I I oun.yuthdAE-|]. I ou.yw1,d,r : 7r*?l* Soit encore,puisqueu6 est solution de la formulationvariationnelle(2.50) - r.t,ru) : f tnol,wn),,x.. v)w1,do (2.be) an(un I*o"wnd*|u*(ou? F Or, -Au: f dansL'(n), donc an(un-u,wn) r I mor-ilwndr-3 +r JK\" Iu*Fu.u)w1,do Notons Lrla forme linéairedéfiniesur l'espaceI/j(O) + P)",0par: L,(wn):f K fu*Fr. u)w1,do, Vu€ r4(o)n H2(o) -55- (2.60) Quelguea echémae bolte sur maillag:ae en trtanglae Estimonsle termE Lu(rn) pour u e H[(O) n A2(O) : vottl,do(2.61) :*à u )wnd,o L,(wn): I"o"' EK Iuu*Fu. I"ou'uolwnld,o à i Soit Po(o) la restriction à I'arête o despolynômesconstants.On définit la moyennede u sur I'arêtea par A : I [ou d,oe P0(a). Or, P]",osatisfaitle patch-test(Lemme2.3.2),wn € P]",0 et@, e Po(a), ce qui donne I"or. -W" u) lroldr, a €.4i t/@ uolwniflpr 1"F". et JIoo r. t l a t D h f l,, r : J[o( o r't l o - W, ) r u d o, aeJ*. Ainsi, l'équation (2.61) est équvalenteà : L,(wn) - -F*|"(o"'r,e -à Wuïlw*ld,o (2.62) I"F"'vo-w'n)wndo : t t l'(o".,e-W)wndo u Ke eeflK e En appliquantle Lemme2.2.2(k: 0, ffi:0), on obtient I'estimation '' I f.tv"-ue -W7A wntul< c ox hxlur6lr,rlvrl,,* L"(wn) est donc majoré par : lL,(rr)l S Cr hl*nlr,nlulz,n (2.63) Estimonsmaintenantle termeF I Uo 't - rilwnd,r. ''?Jx' constants, Par définitionde II0, opérateurde projectionsur lespolynômes I dae I t (rn- rrow1,) -t ftww r - rilt ww1,d,xI rno?J*'?J"r-'J et l'estimation (2.20) : Ainsi, nous obtenonsen utilisant l'inégalité de Cauchy-Schwarz lt l*W't - flw.,dnls I l/lo,xlwn-Ilo'ulo,* K S CzHfb,nlrolt,o -56- (2.64) Quelquae aehémas boîte sur maillryae en trianglae - utwh): pour Doncen remplaçant (2.63)et (2.64)dans(2.60),on a I'estimation de ay,(uh tout wn € Pln,o lon(uu- r.t,ru)f D o n c( I I ) S C â l l l o, n. o D'autrepart,en notantIIi l'opérateurde projection P2-Lagrange desfonctionsde L2(A) sur I'espace Prl,oet par inclusionde Pj,odansPrl",o,on obtientI'estimationde I'erreurd'ap proximation(/), donnéepar le Lemme 2.2.!, (/) : < fu- nlrlt n S Cshlulr,n lu- wnlr,n S CsHfb,n _^l?1",, Cecinouspermetde conclureen regroupantles termes(/) et (Ifidans (2.58)que lu-unlt,n<Chlllo,n Nous avonsainsi démontréI'assertion(i). (ii) Ce résultat se démontrepar un argumentde type Aubin-Nitsche.Nous ne démontrons pas ce résultat dans I'immédiat. Cette démonstrationest analogueà celle réaliséedans la preuvede la Proposition2.5.2,que nousdétailleronsau Paragraphe2.5. (irr) En utilisant l'écriture locale (2.51)d" pu et la définition de p, ot obtient I'inégalité lp - pol\,n KKal En utilisant (r), ott déduit l'assertion(iii). (iu) lp - pr,l3ir,o: Dr I divp - div pnlzo,x.Or, noussavonsque Ie flux du problèmecontinu vérifiedivp : -f, d'autre part, nousavonsvu précedemment que divplrly: -(flo/)lr. On obtientdonc lp-pnl!,",n: Ir lT - tlo/lfi,r.Le Lemme2.2.L(i) permetde conclure. f De plus, la solutiondu schémaboîte (2.47)est donnéeen fonctionde la solutiondu problème classiquede Raviart-Thomas: chercher(û6,Fù e P0 x ffi tel que € Po I (divPl,+ f,ùa)o,n o, vûp, t (Fn,[n)o,n(tr, v' Qa)o,n o vqne W ( 2.65) Proposition 2.3.4 (Lien avec le problème mixte classique de Raviart-Thomas) Soit (rtn,Fn) la solutiondu problèmerniste clossiquede Raaiaft-Thornus(2.65), alorsIa solution(un,pn) du schémaboîte(2.17) est telle que : pn: Fn et ûh:Ilora * f *. K (no/)* R*f,* où Ry estle rayon de giration da trùangleK, c'est-àdire Rzy: ÉTI*lld *ril'dr étont le centredu triangle K. -57-, G1ç Quelguee echémar boîJe eur maillryae en trianglae La preuvede ce résultat est donnéedans [16J. Dans le cas plus général du problème de Poissonavec tenseur de diffusion, Chou et al. 2.4 Schémas boîte quadratiques Nous cherchonsmaintenant à construire des schémasboîte d'ordre plus élevé sur le principedu schémade Courbet et Croisille.De façonnaturellenousconsidéronsI'espa,ce Pz non-conformedes polynômesquadratiques,[2S].Nousutilisonsdans la suite Mr,n: Pl",o pour approcheru. Avant d'aborderla descriptionde quelquesschémasboîte du type (2.70) aux Paragraphes2.5 et 2.6, nous rappelonsdans cette sectionles propriétésdes espa€es d'approximationpour u et son gradient. 2.4.L Ltespace dtéléments finis P],o,,, L'espaced'élémentsfinis Pr2est l'espacedespolynômesquadratiquessur chaquetriangle (P'(K)), continussur le domaineO. C'est I'espaceP2-Lagrange[30], [40],défini par P: :. co(O)i untxe Pz(K), vK e 7n}. {* La restriction de I'espaceP! aux fonctionsnullessur la frontièreest noté Pto. Pt,o: {'u. P!; 'utr: o}' En particulier, les espac es P"2et P!,0sont desespacesconformesdans Ht (O) et H[,(O). Lemme 2.4.1 (Fonctions de base de P!) (i) Les degrésde liberté de l'espaceP! sont les fonctiorae {tr}ts i<Np U tlii}ts ij SNA. (2.71) o ù I ; ( r ) : u ( S de) t l ; i ( r ) : T h I u d o. (ii) La baseglobalede l'espoce P! est {a}ts d<NP u {Pii}t <ii lNAt (2.72) oùp;-Ài etp;i:4ÀiÀr. Lesespaces P! et P!,osontrespectivement de dimensionNA+NP et NA;+NPi.Les degrés de liberté sont situéesaux noeudset au milieu desarêtesdu maillage(Figure 2.6). 2.6 - Degrésde liberté de I'espaceP.2 2.4.2 L'espace d'éléments finis Pk La formule de quadrature de Gauss à deux points permet d'intégrer exactementles polynômesde degréB sur un segment.Soit / un polynômede degré3 sur le segment[0, lJ. des deux points de Gaussdu segment[0' 1l définiespar On note gr et gz les abscisses er:|tt* fl et ez:1l(r fl Alors, la formule d'intégration exacteaux deux points de Gaussest dr- |trtn,l+tb2)). tal l,' (2.7s) Fortin et Soulie [28Jont défini I'espaced'élémentsfinis P2 non-conforme,noté Pk, des polynômesquadratiquessur chaquetriangle continusaux deux points de Gaussdes arêtes internesdu maillage : p2 'nc. € &, e Pz(n,vo ;vK€Tn,ailx {rn..r'(o) I"rUao:0I L'espacePkest non-conformedans I/t(O), puisqu'iln'y a pas existencede la trace d'une fonction de Pf;" au niveaudes arêtesinternesdu maillage. Soientgr,gz, ga,g$ gset 96lessix pointsde Gaussdestrois arêtesdu triangleK, représentés sur la Figure 2.7. La définition de I'espacePj" suggèrede choisir commedegrésde liberté les valeursdes fonctionsu6 € Pf;" aux six points de Gausspar triangle. Mais cesvaleulEne forment pas un ensembleunisolvantpuisque,sur chaquetriangle K, il existe une relation linéaire(2.74)qui lie cessix points [28] : u(gr)- u(gz)+u(gs)- a(sù + u(sa)- u(go): 0, Vu€ P'(K)-60- (2.74) Quelguee sclrémae boîte eur maillagae en trïanglae Ftc. 2.7 - Pointsde Gaussd'un triangle.fi( Lemme 2.4,2 (Bulle non-conforme de P2) Soitp, l'appliae,tionlinéaire définiepar tt : Pz(K) -r a Po (r(g,))rs,su où gi désignele icpoint de Gaussdu triangte K (Figiire 2.7). Alors, Ie noyou de p,, Ker p,, est de dimensionI et est engendré,par Ia bullenon-conforrnequodratiquenotéeb7a,où b x : 2 - 3 ( À r '+ À r'+ À s 2 ), ori À1,À2,Às désignentles coordonnées barycentriquesossociées aw sommetsrespectifsd,u tri,angleK. Preuve : La bulle non-conformeô6 est définiecommeI'uniquefonction quadratique(à une constante multiplicative près) s'annulantaux six points de Gaussdu triangle K. Elle est donnéeexplicitement sur le triangle de référenc e k. La conservationdescoordonnées barycentriques par l'application affine pr gui'transformele triangle de référenceK eo triangle physiqueK donnedonc la formule de ôr. La Figure 2.8 représentela bulle non-conformeassociéeau triangle de référence.La bulle s'annuleaux points de Gaussdesarêteset prend la valeur-1 aux sommets et I /2 aux milieux des arêtes.Rappelonsquelquespropriétésde la fonction "bulle non-conforme"bK, [28J. ti'rianglae Lemme 2.4. g (Propriétés de la bulle ô1ç) pour tout K eT n et tout a e Pz(K ), la bullenon-conforrnebssatisf ait : r (i) I rotbpVuds:0 JK t' ô6' v) ado : 0. ( nn ) Ju*( rot Preuve : (i) En utilisant une intégration par partie, I I f '\r 'r)do rot (Vu)du 'V u d, n: l- ô6 I rotb6 l -. U*(V, - tiil -1 r { 'r ) est un Le termerot(Vu) : 0 pour toute fonctionu, donc( II ):0. D'autre part, bv(Yu polynômede de gréB qui s'annuleen chacundesdeux points de Gaussdesarêtesdu triangle K . Donc (/) est nul. (ii) Par la formule de Green,on a 'Yads tln,, r o t ô 6. u n f l p r : JY / a i r r l r o t b 6 u) d a + [ - - r o t b 6 (2.75) (rr) (r) (i ). D'où le Le terme div ( rot ôr) est nul, donc l'intégrale (/) est nulle. Et ( I /) est nulle ij ." I résultat Définition 2.4.1 ( Espace tl des bulles non-conformes) K ' Soit V l,espaceuectorielengendrépar la bultenon-conforrneb11lur chaquetriongle \P: {r: Io*U K t e t K€ R }. (2'76) K Alorsdim{r : NB et {t Ç Pk ,o Lemme 2.4.4 (Propriétés de I' espace V) Ona iûn co(f,): vecr(I u") Q.77) K En particulier, puisquesur chaquetriàngleK, bx e P'(K), on a aussi P! n\P- vect(I,") K -62- et Pl,onv: {o}' @.78) Quelques schémas boîte sur maillages en triangles 0O FIC. 2.8 - Bulle quadratique non-conformebx sur le triangle de réfrren Ê. Preuve : Soit 1, - D,. arcbx un élément de V, continu par triangle. La continuité de,1,le long de chaquearête interne implique que eK : a, VK. C'est-à-diretlt: aD*b*. I La restriction de I'espaceP:" aux fonctions s'annulant aux points de Gauss des arêtes frontières est notée P3,".0, définie par : Pl,",o_ {rn : o}.. Pl";Ya€ Au, I"rnao Fortin et Soulie [28] ont prouvé que I'espaceP1",, est la sommedirectede I'espaced'éléments finis P!,0 et de I'espacevectoriel V engendrépar la bulle non-conformebs. Ce résultat est rappelé dans le lemme suivant : Lemme 2.4.6 (Caractérisation de ltespace P3",0) (i) P3*: P! + v (i.i,)ik,o -"P"',oo u/ Q'79) Preuve : (i) Par définitiondesespaces, nousdéduisonsI'inclusionP: + {/ -CPl". Prouvonsl'égalité -63- Quelques schémas boîte sur maillages en triangles des dimensionsdimP]" - dim(P"2+ V). Or, par le Lemme2.4.4, Soit M - P: +V. Alors,dim M - dimP! *dim![-dim(P:nV). dim(P"zn ù) - 1, Ia dimensionde M est donc (en utilisant NP - NA+ Il'E : I) n v) dimiI' - dim(P"2 dimM : *lÏ;;'. : 2NA ;';!r* L'inclusionM ç P:" donneI'inégalité (2 80) 2NASdimP|". Considéronsmaintenant I'application linéaire J,P:"+NNA u F--) (u(g))r<nszruo I' ensembledespoints de Gaussdesarêtesdu maillage.Par définition où (gr)t<i<2NAreprésente de la bulle non-conformebx et de I'espaceV, le noyau de l'application J est I'espaceV. Donc, dimKer J - NE. D'autre part, par la relation (2.74),I'imagede I'applicationJ est telle que : ImJ C, que YK €Tn, u e P 3,. tels {{r(oo))rso.rwl, u ( h * ) - u ( t r * ) + r ( g t * ) - u(9+*)+ r(9r*) - u(eo*) - o) (2.81) et donc, puisque les relations (2.74) sont indépendantes les unes des autres, dim Im J < 2N A - N E. D'après le théorèmedu rang dim Pl" - N E * dim Im J. (2.82) De I'inégalité(2.80)et de l'égalité (2.82),on déduit l'égalitédesdimensionsdim P3,": 2N A, d'où I'identité des espaces P3+v: Pl". bK) Donc un élément de P3 aV nul sur la (ii) Or, nous avons vu que p3 nil/ - Vect (f " I frontière est identiquementnul. Ceci conclut Ie lemme. une basede l'espacevectorielPl",o,vu commesomme Le Lemme2.4.5nouspermet,C'obtenir directe des espacesvectorielsP!,0 et!Ir. La base de Pj,o est explicitéepar le Lemme 2.4.I. La basede I'espaceV est donnéepar sa définition 2.4.L. Lemme 2.4.6 (Base de I'esp ace Pl",o) L'espaceP3,",0est de dimens'ionZNAz f 1, de baseglobale {pr}rsi<Npi u {poi}t<nis"oou {bx} xern (2'83) où {po}rS,Sra U{pti}rsor<ron est la baseglobalede P},o(Lemme2./r.1)etby est la fonction bulle non-conformepar trzangleK. -64- Quelgues echémae boîte eur maillageo ea trianglae Tout commeI'espacede Crouzeix-RaviartPrrl",o, I'espacenon-conformed'ordre 2, Pf;.,, satisfait le patch-testau sensde Irons et Razzaque1221, [32J,[ 3J: Lemme 2.4.7 (Patch test pour ltespace Pk,o) Pour toutefonction un € Pkp (i) Vo e,Al, (ii) va e At, I"rUpdo:0, vpe P'(o) - 0, Ype P'(o). l"rupdo Preuve : Soit an e Pk,o. Sur une arête a, lanlp est un polynômede degré3 qui s'annuleaux deux points de Gaussde l'arête a (par continuité de u1 âux deux points de Gaussde I'arête a). Puisqueles polynômesde degré 3 sont intégrésde façon exactepar la formule de Gauss aux deux points de Gaussd'une arête,on'en déduit (i). De même,anp est un polynôme de degré3 qui s'annuleaux deuxpointsde Gaussd'une'arêtefrontière.D'où on déduit (ii). f'Lemme 2.4.8 (Inégalité de Poincaré discrète pour I4(O) + PL,o) Il eriste une constanteC > 0 qui ne dépendque de Q telle que lrlo,u< Clulr,h,Yu,€ l/ot(O)+ PL,o. (2.84) Preuve : La démonstrationest analogueà celledu lemmede Poincarédiscretsur I/j (O) + Pl",o.Soit ueHt(O)+ Pl",o.Alors 'lrfo,n 'v'!r : Soitg € r'(O),1p parties,on obtient g)o'nl sup l('' (2.85) ser.,i@) lrlo,o =! et llpllt,n < C l g l o, n. Einn t é g r a n r p a r e HL(O)'telquedivp ( u, g ) o, n : ( u d i v p ) 6:, e- D r f.uudo ta*+Jr.P'uudo I Yu.pd vlK (2'86) (I I) (i) Majorons (f) en valeur absolue: F1 lL S lplo,n J*o"'pdr I lult,n (ii) Evaluons (I I) : p e Ht (O)'n I/air(O) implique que sa composantenormalele long de chaquearête interne est continue et (I I) se réecrit -.à'Ir.p'vudo: I,o'uortdo I,o'voluldo + à -65- (2.87) Quelquae schémae boîte eur maillryae en trtanglae Soit m: uofu la moyennede p. ud le long de I'arêtea. Puisqueu e Ht,* Pln,o Ë I"p. et que I'espacef/ot * Pk' satisfait le patch-test, on a : va€-4a et lrmudo-0, va€.4. Ï"ml"lfu-0, (2.88) L'égalité (2.87)devient : : Ir.p'uudo llo't'|o-m)udo- à l"W'to-m)\u\tu + "à : t t IU.uc-{.u)udo K EEOKJC Le Lemme2.2.2donneI'estimation -m) I IW. r,te udol < C hxlulr,xlplr,*. Je Ainsi, l(//)l : l, I p. uutul < 3C hlulr,flplr,n n JïK Finalement,on obtient a Cluh,n S (Chlplr,n+ l(r,g)o,nl lplo,n)lrlt,u l4l.g 5c(o)lglo,n d'où le résultat annoncé. On en déduit I, " Lemme 2.4.9 La semi-norrne|. lt,u définit une norrne sur I'espaceHJ + Pk,o. 2.4.3 Les espaces pour le flux Vu Avant d'aborder les schémasboîte construits à I'aide de I'espanePf;oopour I'inconnue scalaireu, nous rappelonsles espacesd'élémentsfinis utiliséspour approcherle flu* p. Ltespace BDMI Soit I'espacede Brezzi-Douglas-Marini[5] d'ordre 1, noté BDMy BDM. : {pn€ I/ai*,(O) ; pn € @, (K))t, V K e Tn} (2.8e) Lemme 2.4.tO L'espaaeBDMy est de dimension2NA, sesdegresde liberté sont situés au niae.audes arêtes (Figure 2.9) et donnéspar lesforrnes li,néairesLo,1,Lo,z,pour toute arêtea€A,par f L o t ( p ) : I p. u o d o, V pe B D M r Jo Lo,z(p): I o. uosd,o(s), Vpe BDM: Jo -66- Quelquae aeJr,émasboîte sur maillryae en trianglae FIc. 2.9 - Représentationdes degrésde liberté de I'espaceBDIuIt Ltespace HTr RTr désigneI'espacede Raviart-Thomasd'ordre 1, [gg], défini par HTr : {oo€ avecpour tout triangle K e n, IIoi,,(O); pntx e ETr(K), V K e -ih} (2.e0) RTt (I() : p, (K)r+ ^Pl(IO' LIAI I J Lemme 2.4.1t L'espacede Rauiart-Thomas HTr eû de dimension2NE+2NA. Il possèd,e dew degré,s de libertépar arête et dew par maiftes(Figure 2.10). Sesdegrésde liberté sont donnéspar lestoryneslinéairesLo et LK défrniespar L"(p): ù î " v p - u o d o, V pe E T r, V g € P r Lx@):È fixpdn, VpeHTr. (2.e1) HTr estun espace d,e dimensiondim HTr : ZN A + ZNE. Ltespace des rotationnels de bulle DéfinissonsO, I'espacedesrotationnelsde la bulle quadratiquenon-conforme,engendré par rot ô6 sur chaquetriangle K O = r o t Û : { p W - e, K r o t b y,e K € R, V K e T n } (2.e2) où itr est I'espacevectorieldonnépar la Définition 2.4.L Voici quelquespropriétésliant les espacesvectorielsO, BDM1 et RTr : -67- Quelgues schémae boîte aur maillryae en tianglae FtC. 2.10 - Rcprésentationdes degrésde liberté de l'espaceftTr Lemme 2. 4.12 O f't.Elai"(O): Vect( | rot b1ç) (2.93) R€Tn RTt (f(), nous avonsles égalitéssuivantes En particulier, puisquerotbl ç € ( Pt ( K )) ', Q n BD MI - Vect(f rot bx), K€Tn o n.R?r : Vect(t rot ô6). K€Tn Preuve : Soit ô € O n Hain(O),alors,/ -- I* o,yrctby. Or, Ô € I/ai"(O) si et seulementsi la composantenormalede ô est continuele long de chaquearête interne. C'est-à-dire Ô@)' ua,Kr+ Ô@)' t/o,Kz: 0, Va € A;, a : ïKt î ïKz, Yr €' a (2'94) qui est équivalent à'gj.rrotblç, 't/o,Krj a3zrotblç, 't/o,Kz- 0, Va €' Ai, a= ïKtîïKz (2'95) : QKz,ce qui D 'autre pafr, la bulle ô1çsatisfait rot bK,'uo,K,* rot bxr' uo,Kr: 0' Donc dKr I impose que d doit s'écrire ô : aD* rot b6, o € R Ce qui prouve le lemme. Nous concluonsles rappels sur les espacesd'approximation.Nous proposonsmaintenant, deux nouveaux schéma.sboîte pour le problèmede Poisson,où I'inconnuescalaire?, est approchéepar u6 choisiedans I'espacePk,o et le gradient p est approchépar pp,dans les -68- Quelgues srhémae boîte sur maillryae en trîanglae espaces d'élémentsfinis de Brezzi-Douglas-Marini ou de Raviart-Thomasenrichistous deux par I'espaceO desrotationnelsde la bulle quadratiquenon-conforme. 2.5 Schéma(un,ph)€ Pk,ox (BDML+ O) 2.5.L Présentation du schéma Danscette partie, nous construisonsun schémaboîte de type (2.70),d'ordreplus élevé pour les inconnuesup et p6. Liespaced'approximationde l'inconnueu est l'espacequadratique non-conformede Fortin et SoulieM\n : Pl",o.Pour approcherle flux, nous utilisons Xr,h,l'espace introduit par Fahrloulet Fortin [29] : Xr,n: BDMv + O où BDMrdésignel'espacedeBrezzi-Douglas-Marini définiau Paragraphe2.4.3et O l'espace défini par (2.92): (2.e6) O : { p l * - a, K r o t ô 6, e K€ l R V K e T n } : r o t r l r L'espaceX\h: BDMy + O coî'ncideavecl'espacedesfonctionsaffinessatisfaisantlesconditions suivantes,[29],de div-conformitéd'arête et div-conformitéponctuelle: d,o: 0, Ye : ùKru aKz "' ( (i) Ï"(powr' t/e,Kr * Pnlxr' u",Kz) { (ii) Pour tout sommetinterneM, D* ïu*@u v)ûu: 0, où thu f, est la fonction Pl-Lagrangecorrespondanteà M. (2.e7) En appliquantle Lemme2.4.12et en utilisant les dimensionsdes espacesBDMI et O, on constateque la dimensionde X1p êst d i mX \ h = d i mB D M v * d i m 0 - d i m ( B D M r î i D ) : z N A + N E Les espacesde fonctions test associésaux espacesd'approximation M\n : X\h: BDMy + O sont : Mz,n:{oo€tz(o)iuntx€Po(K), vKeTn}, 1 Pk,o et (2.98) I'espace des polynômes constants par triangle totalement discontinus, de dimension dim Mz,n: N.E et (r2(o))'; Qn1* Xz,n: € (P'(K))', v K eTn}, {ou€ (2.ee) le sous-espace vectorielde R2, des polynômesaffinespar triangle, totalementdiscontinus, de dimensiondim Xz,n:6N8. Par simplicité,on noteraaussicesespace,s Mz,n: P0 et Xz,n: (Pl)2. Définition 2.5.1 Soitle schémaboîte: chercher (u1r,pn)€ Pk,ox (BDMy+ O) tel que ( I (ai"Pn* f,an)o,x- 0, Yule Po o, vsr, e (P')' I fL^-Yun,8n)o,x= (2'1oo) t i"^ Lemme 2.5.1 Ce chois d'espacesd'inconnues Mt,n et X1,11 et d'espacesde testMz,n et X2,11 satisfait I'égalité des dimensions (2.J9) : dim Mr,h* dimXr,n :|NE: dim Mz,n* dim Xz,n (2.101) Preuve : En utilisant la premièrerelation d'Euler, nous pouvonsécrire : dimM\n*dim Xt,n: (zNAi+ 1)+ (zNA+ NE - 1) :7NE : dimMz,n* dim Xz,n (2.r02) I Maintenant,prouvonsI'existenceet I'unicité de la solutiondiscrètedu problème (2.100). Proposition 2.6.1 Le problème(2.100)odmetuneuniquesolution(u6, pn)€ Mt,nX Xr,r,, définiepar (i) un € Pk,o est solution du prcblèrneaoriationnel : f(vun, V wn)o,x:f{no f,ru)o,K, Vwnê P3",0 (2.103) KK (ii) pn e (BDMy + O) est donné sur chaquetriangle K du mailloge par Pnlx-Vunlx. (2.r04) Notons que la formulation variationnelle(2.103)est la formulation non-conformepour l'espace Pk, introduite par Fortin et Soulie [28], dans le cas d'un terme sourceconstantpar triangle Preuve : Nous prouvons que (un,pn) € M\n X Xr ,â est solution de (2.100)si et seulementsi il est solution de (2.103- 2.104).Soit (un,pn) € PL,ox (BDM1+ O) une solutionde (2.100). Commençonspa^rprouver (ii). (ii) En prenant 96 : pn - Y un € (Pt)' dans l'équation (2.100)2,nous avonsclairement Pn:Yun. (i) Soit ur6 € Pk,o.En prenant q6 - Ywn dans l'équation (2.100)2,la formule de Green donne?,o : -+ uh,v wn)o,x I. p7,w6d*. div w1,d,o? Iu*ro.u) -70- (2.105) Quelgues edtémes boîte aur maillryae en trtanglae : -[I0i6. r L'équation(2.100himpliqueque divp111ç + I.div Donc p,,w1,d,n: w1,d,n + I"IIo/r*. Pn € Xr,h, doncil s'écritPn: pt,n * pz,navecpt,ne BDIlrh et pz,n: DreT,dKrotôr. En utilisant I'inclusionBDMI Ç Har"(O),I'intégralede bord du terme (2.105)se réécrit Ç |r.@u' u)w6d,o: + Ir. : à pt,h'u rnnd,o *Ç". t / a l n h d- à o I"or,n. Ir.rot'I/lD6do ô1ç.volw;,ldo (2.106) f"or,o +T o*Iu*#wndo K D'après le Lemme 2.4.3,le terme E* o* Iu* W*udo s'annule.De plus, puisque [*o) (respectivementu.r1,) s'annuleaux points de Gaussde chaquearête interne (respectivement frontière),quewn G Pz et gu€pr,a.uo € P'(o), I'intégrrl. JI pr,h.uolwnldo(respectivement Io pr,u.t/orrhda) est nulle. On obtient donc la formulationvariationnelle(2.103). gui admetune uniquesolution. Ainsi, toute solutionde (2.100)est solutionde (2.103-2.104), prouve Ceci I'unicitéde la solutiondu schéma(2.100).L'existencede la solutionde (2.100) provientde la linéaritédu problème(2.100)et de l'égalité(2.101). I, Remarque : Existence et unicité par le lemme de Babu5ka-Brezzi discret Il est intéressantde voir commentse prouve directementI'existenceet I'unicité de la solution du schémaboîte (2.100)en appliquantdirectementle théorèmede Babu5ka-Brezzi. Les : : pn pour formesbilinéairesassociées Xr,n BDMy définies O, un € M\n Pl",r, sont € * gn € Xz,net u1 €, M2,1s : - qndae : (pn,qn)o,o : qn) an(pn, I.pn + =br,n(un,qn) sndr? I*ouuundn h,n(a6,pn):D I divpl, T JK l'application nulle et m2,7r Soit l2,1r la forme linéairecontinuedéfiniesur M2; par ( TTtrz,h, un):E -7L- l.f anda (2.107) Quelgue o slcJr,émaeboîte eur marTlageeen trîenglae discret. Vérifionsles hypothèsesdu Théorème2.2.3de Babu5ka-Brezzi (r) Montrons eue Vrû V2,1où V,h: {poe Xt,ni[ -i? xz,ni [* divplralrd,r:0, Vuri€ Mz,n], (2'10s) ouu. sndr'-0, vua€ Mun] [ K Jx L'égalité)(2.L01)des dimensionsentre espacesd'inconnueset espacesde test donne : dimVr,h: dim X\n - dim Mz,n: dimXz,n- dim M\n: dimVz,n' Il resteà prouver I'inclusion z Vr,hÇ Vz,n. Soit pn EVr,n. PuisqueBDMy Ç Xz,net rotbx ê Xz,h,alorsPn € Xz,n.Vérifionsdonc que :0, Pour tout un € M\* br,n(unrPn) Pn € Vr,n implique que divp1r17: 0,VK (puisquePn € X\h : BDM, * O, donc divp616€ Po(r()). Soit un € M\n.En utilisant la formulede Green, :- I bt,n(un,pn) I ouo.pndx: t -, [--uo$fqr.d,r /J*?1" Y f Çlax unFn'vd,o (2.109) selon D'autrepart, pr s'écritlocalementp4y: Pr,n1x*axrotbyroùpr,aest la composante (2.109) est équivalenteà: unê constantede lR. L'équation BDM. Ç llai"(O) et @1ç : r, I unPn'udAE br,n(un,pn) JaK V: t : t tt: u do+ t rrhpr,h' rot bx)'u [^K raK "n(olç " t FerJo luopr,h.uotu-t fW;pn,n-uotu (2.110) oeAiro,offa, *Io* Jax [. T Par le Lemme2.4.3,Iaxunffao - 0, puisqueun € P2.D'autrePaÉ, Pr,ne (Pr(If))2 et un, Iunl€ Pk,o.DoncI'intégrationde uhpr,n.zo(respectivement [u6]Pr,h'uo)le longd'une arête0,e A est exacteaux deuxpointsde Gaussde a. Lesfonctions%net [ulrJs'annulent en cesdeuxpointsde Gauss.Donc, I : fpolpr,h. "r' "'r vodo 0 et.?rnrJo' t uotu- 0. I uupr,h' TurJo :0. Finalement,tous les termesde l'équation(2.110)sont nuls, donc br,n(un,pn) prouve l'égalité V1 : Vz,h- V6. I De plus, la solution du schéma(2.100)satisfait les estimationsd'erreur a priori suivantes. Proposition 2.5.2 (Estimations dterreur a priori) de type Petroa-Golerkin(2.2). Soit (r,p) € ^t/d(O)x fIai,(O) Ia solutiondu prcblèmern'ùxte (2.100).On'suppose de plus Soit(un,pn)€ Pk,ox (BDM1+O) la solutiondu schémaboîte queu € I/3(O), on o alors: (i) lu - unlr,n< C h' (lulr,n+ l/[,n) (ii) lu - unlo,n< C h'(lrlr,n + l/lt,o) (iii) lp-pnlaiu,n<Câlflt,o (io) lp-pnlo,n< Ch'(lult,n+ l/lt,n) (, 117\ \-''^'// Preuve : Dans la suite, otr supposeque?,,€ Ht(O). (i) Notonsa1 la forme bilinéairedéfiniesur I'espace Hot(O) * Pjr,6 par :I(V", an(u,u) Vr)0,r, Yu,a e Ht(O)+ P?n,o. K On utilise un argumentclassique.Pour tout un € PI",,o,on a lu - u6lr,n Or, par définition de 41, tuo- ant?'n : ::i:: -î,'::-:;'* -74- (2 118) - u) (u - nh,1trh ",, Quelguee aehémae bolte sur malTqgco en trianglee Donc luu-anlr,n S sup loo(un-r.t,,un-un)l + lu - un|,n anlt,n an€P;2,,o luu (2.11e) ce qui donne : - u,wn) l * sup lan(un s,.^l!Ï*.ol, - wnh,n lu- unlr,n whEPL,s lrulr,n - (r) (2.120) (II) o EstimonsI'erreurde consistance (//). Soitwn € PL,o, -u).yw6dn a n ( u n - u, w n ): Çl"V(rn - f I o u u. y w n d, r- t?J*-'ft, ds, x nw / Vw nw. yYww 1?1" Soit encore,puisque u11estsolution du problèmeéquivalent(2.103) : ftnol,un)o,x+t I o"w6d,x-I f (vu.v)w1,tu. an(un-u,wn) K Or, -Au: 7J* ÇJax T dansL'@), donc,,, r f rnor-/)wnd,s-P an(un-u,wn).L J *t" Iu*Fu.v)w1,do NotonsLu laforme linéairedéfiniesur I'espaneHl(O) + Pk,opar : L,(rn) :D. [ (Vr, u) wndo, J ox' V! Vu € HJ(O)n H2(O). Estimonsle termeLu(w1)pour u e H](O) n Hz(O) : -Lu(wn): u)wnd,o (z.r2l) + D, [,r. u6tD1tu t [^or. uolwnlao DIr Iu*Fu. oe.ÏrJ A,J " " Soit P'(o) Ia restrictionà l'arête a des polynômesde degré1.IIl désignela projectionde L'(o) sur Pr (o). Pl*,ssatisfaitle patch-test(Lemme2.4.7),wn € PL'et n|(V y.vo) € Pr (o), donc uolwnlflrr va -n|(vu. uo))[rn]do,a e -+ 1"o". 1"F". De même, I"or. r / a t i l h d- o l,Fr. L, a-. I I ] ( v u. v o ) )w 6 d, oa, e. 4 b. -75- Quetgues sclrémae boîte aur maillagee en trianglae Ainsi, l'équation(2.121)devient: -,à L,(wn) : I,F"'va. I":"'L'|o à : t -II|(vu''o)) lw1,ld'o t -rl|(vu'uo))w7'd'o (2.122) 'r"))ut6d,o IF".,,e-n](vu Ke eelK r e on obtientI'estimation L, ffi:1), En appliquantle Lemme2.z.2(k:'S C o* h'xl'r,lr,*lYulr,* I I F"'ve -II](Vu,")) w11d,ol Je L,,(wn)est donc majoré Pax: lL,(rn)l S C, h'lrolu, luls,n. Estimonsmaintenantle terme |l-/ [ J K' (2.123) f,|,'t - il w1,dt' par définition ile flo, opérateurde projection sur les polynômesconstants, ff d,n' (*o - T\0w1) | | (ilo/ - /) wntu: t /_-tnol f) TJK TJ* (2.20) : Ainsi, nous obtenonsen utilisant I'inégalitéde Cauchy-schwarzet I'estimation Inol-flo,xlru-rlorulo' lt l*Wot-flwld,nl S f s I(tr hdfln,x)(", hxlwnlr,r) K Cecidonnel'estimationde an(un- u,,*o): I*J;(fIo/ - f)wnd,r - Lu(w) : lou(uo r.trro) l On en déduit que (//) S C h' (lrlt,n + l/lt,n)', n?h : Lz(O) -l Pj,ssur r D,autre part, en notant IIfl t'operateurde projection Pz-Lagrange pl,o,et par inclusionde rjf aans Pl", o,on obtient I'estimationde I'erreurd'approximation - wnlr,n s lu- fLzl'ulr'n lu,,nLS:",' En utilisant le Lemme2.2.L, (/) : - w1,lt,n S Csh'lulr,n,^t?1*,lu -76- Quelgues aehémae bolte aur maillryae en trianglae Ceci nouspermet de conclured'après (2.L20)que : lu - ullr,n< C h'(lrlr,n+ l/lt,n) Nous avonsainsi démontréI'assertion(i). (ii) Utilisons un argument de type Aubin-Nitsche pour évaluer la norme 7z de I'erreur (commele suggèreD. Braess[+J)t lu -uaf o,n: sup (u -'Y"n'g)o'n geLz(çr) lgl0'o Soit g une fonction de ^L2(O).Définissonsde (respectivement ôn) la solution du problème continu (2.2) (respectivement discret (2.100))de terme sourceg e L2(Q) : ôn € Hot(O)n H2(O) solutionde (2.r24) (Y ôo,Vr)o,n: (,g,u)0,n,a € Hâ(O). ôn e Pk,o solution de f :f Vur,)o),K, 1)hE Pl",o. {noa,an)o,x tv,Or,, (2.L25) KK Alors (u - un,g)o,ns'écrit : (u- un,g)o,n-, oo(u-'ttrhtÔe- Ôn)- (o^(u -'ttrhtÔù- fu- un,g)) -(oo(u,ôn - ôù - U,ôù + (rlo/, ôù) Ainsi, -'ttrhtôù - (u - uh,g)l - ôn)1.*.1a1(u l(" - un,g)o,nlS loo(,,- rtrh,Qg * la6(u,ôg- ôn)- (f, ô) + (no/, dâ) gII) r Evaluonsle terme (/) : lon(u- uhtôg - ôn)1.Par définition de la forme bilinéairê aht donne l'inégalité de Cauchy-Schwarz 'tlhtôs - ôùl S lu - unlr,nlôn- ônlr,n loo(uPar le résultat précédent: < Chz(lrlr,n+ l/[,n) lu - unlr,n En procédantde la mêmefaçonqu'au (i), on prouve l'estimation lL6,(wù| S C h lw6lr,nlôolz,n. Q.128) Puisquelôolr,n< Clglo,oroD obtient l(4 | : lal(u - uhtôg dr)l 1 Cths (lrlr,n * l/lt,o) lglo,n (2.129) o Posonsulr : ut,- u,1, Qtrintégrant par parties, on obtient lou(r-Lthtô) - (u-un,9)l lou(ro,Ôù (*u,g)o,nl : - lt ur,htul: lLo,(ra)l |u*r ro' Grâceà I'estimation(2.126)et l'inégalitélÔolr,n< Clglo,oroDâ, loo(u-rtrh,ôù-@-un,9)l S Chlglo,nlu-unlr,n (2.130) Finalement,en utilisantl'estimation(i), ontrouve, (l.rlr,n* l/lt,n) l(/41 : loo(u - un,ôù- @ - un,g)l S Czhslglo,n'':' o Estimonsle terme(III). Posons u)h: ës - Ôn lou(u,ôg-ôù - U,ô)+ (II0/, ôt)l : : t2.131) lou(u,ru)- U,rn) - U,Ôn)+ (IIo/, Ôùl lL,(*n) - (f - no/, dh)| + l/lt,o) 5 Chzlrrlt,,,(luls,n +lr - flo/lo,nlÔn- Ilodr,lo,n Ot, ldu- Ilodrlo,nS C hlônltnS C hlglo,n.Donc, l(IIDI: - ôn)- U,ôù + (II0/,dr,)l s c hslglo,n(lrls,n + l/lt,o) la1,(u, ôe +C hzlllt,nlglo,n uneestimationde lu- unlo,n: lestermes,nousobtenons Finalement, en regroupant lu- ualo,ns 1r + l/h,n)lglo,n + c2h3(lrlr,n + l/lt,n)lglo,n Lttot(lulqn lffi,jrlo*, + (1+ h)lfl,,n)lolo,n] *Csn2(nlulr,n S Chz(l/lt,o* lulg,n) -78- Quelgues aehémas boîte sur maïllagae en trianglae On nepeutobtenirunemeilleureestimationde I'erreurlu-urlo,o en raisonde I'estimation du termel/ - [Io.flo,n. (iii) Nous avons vu que divp616 - -fl0i1ç, donc lp-pnl3,u,u: I lp-pnl2ain,x: I ldivp- divp6l3,r: I U- no/13,* e.rg2) KKK on prouve(iii) grâceau Lemme2.2.L. (iv) L'estimationd'erreuren p se déduit de l'écriture (2.L0a): : f lp- pnl3,n p - pnl8,r : f lv" - vur lï,x:I KKK l" - ull].,x: lu- unl?,n(2.rBB) On conclut en utilisant l'estimation (i).
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Mobilité sociale en cours de carrière et trajectoires de classe : une contribution à l’étude de la stratification sociale en France entre 1970 et 2015. Sociologie. Institut d'études politiques de paris - Sciences Po, 2022. Français. &#x27E8;NNT : 2022IEPP0022&#x27E9;. &#x27E8;tel-04011393v2&#x27E9;
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La nomenclature des PCS est regroupée de façon standard, en distinguant les : agriculteurs, indépendants, cadres, professions intermédiaires, employés et ouvriers. Les épisodes d’inactivité et/ou de chômage ne sont pas considérés comme position sociale. Les effectifs diffèrent selon les lignes car pour le calcul du taux d’immobilité à chaque âge, pour que l’individu soit pris en compte, il faut qu’on dispose au moins de deux observations sur sa carrière : si l’on prend l’exemple d’immobilité après 40 ans, tous les individus âgés de 41 ans et plus sont retenus dans le champ. Chapitre 6 – Annexe 6.2. CHAPITRE 6 – ANNEXE 6.2. La nomenclature des PCS – regroupement initial et révision proposée TABLEAU A-6.2.1. – La nomenclature des PCS (distribution à l’âge de 49 ans), codage habituel PCS à 1 chiffre PCS à 2 chiffres Hommes Femmes Agriculteurs exploitants 10 - Agriculteurs 5,1 (5,1 %) 5 (5 %) Artisans, commerçants et chefs d'entreprise 21 - Artisans 22 - Commerçants et assimilés 23 - Chefs d'entreprise de 10 salariés ou plus 4,7 3,8 1,1 (9,6 %) 2,1 2,4 0,1 (4,6 %) Cadres et professions intellectuelles supérieures 31 - Professions libérales 33 - Cadres de la fonction publique 34 - Professeurs, professions scientifiques 35 - Professions de l'information, des arts et des spectacles 37 - Cadres administratifs et commerciaux d'entreprise 38 - Ingénieurs, cadres techniques d'entreprise 1,5 3,8 2,9 1 5,3 4,7 (19,2 %) 0,6 1 2,5 0,4 2 0,3 (6,8 %) Professions intermédiaires 42 - Instituteurs et assimilés 43 - Professions intermédiaires de la santé et du travail social 44 - Clergé, religieux 45 - Professions intermédiaires administratives de la fonction publique 46 - Professions intermédiaires administratives et commerciales des entreprises 47 - Techniciens 48 - Contremaîtres, agents de maîtrise 2,1 1,4 0 2,2 4,6 6,7 4,4 (21,4 %) 3,2 3,9 0 1,4 4,6 0,6 0,5 (14,2 %) Employés 52 - Employés civils et agents de service de la fonction publique 53 - Policiers et militaires 54 - Employés administratifs d'entreprise 55 - Employés de commerce 56 - Personnels des services directs aux particuliers 4,2 2,1 1,7 0,4 0,5 (8,9 %) 8,2 0,1 8,4 2,3 8,9 (27,9 %) Ouvriers 62 - Ouvriers qualifiés de type industriel 63 - Ouvriers qualifiés de type artisanal 64 - Chauffeurs 65 - Ouvriers qualifiés de la manutention, du magasinage et des transports 67 - Ouvriers non qualifiés de type industriel 68 - Ouvriers non qualifi de type artisanal 69 - Ouvriers agricoles 8,1 5,8 3,9 2,4 4,7 1,2 0,7 (26,8 %) 2,3 1,2 0,1 0,2 2,8 0,2 0,4 (7,2 %) 84 - Elèves, étudiants 89 - Personnes au chômage 90 - Personnes inactives Echec 0 1,4 7,2 0,3 (8,9 %) 0,2 3 30,7 0,6 (34,5 %) 100 % 100 % Autres Ensemble Source : Insee, enquête Histoire de vie, 2003. Champ : Hommes et femmes, résidant en France métropolitaine, âgés de 49 à 68 ans à la date de l’enquête. Lecture : À l’âge de 49 ans, 1,2 % des femmes exerçaient une profession d’ouvrière qualifiée de type artisanal ; 7,2 % des femmes faisaient partie du groupe des ouvriers. Annexes Codage alternatif des PCS des employés et des ouvriers La distinction des ouvriers selon leur niveau de qualification ne représente pas un véritable problème du fait que cette distinction est inscrite dans la nomenclature ellemême (voir le Tableau A-6.2.1.). Il n’en va pas de même pour les employés, dont la composition en termes de catégories sociales à 2 chiffres est assez hétérogène, en particulier pour les CS 52 et 53. Pour le reste, il est généralement admis de considérer la CS 54 comme faisant partie de la fraction qualifiée, et les CS 55 et 56 comme faisant partie de la fraction non qualifiée des employés (voir Burnod et Chenu, 2001 ; Razafindranovona, 2017). Dans leur article reposant sur l’exploitation de l’enquête Histoire de vie, afin de séparer les fractions qualifiée et non qualifiée des employés et des ouvriers, Amossé et Chardon (2006) adoptent deux types de codages : un, plus précis, pour la profession à la date de l’enquête (où les auteurs ont procédé au codage direct des libellés des professions détaillées) et un autre, moins détaillé, pour les autres positions occupées par l’individu au cours de sa carrière (et où les informations disponibles ne permettaient pas le même degré de précision dans le codage). Sachant que leur article repose principalement sur l’emploi occupé à la date de l’enquête, tandis que la variable de carrière joue un rôle secondaire, cette hétérogénéité de codage ne représente pas un véritable problème. Dans notre cas, en revanche, étant donné que le poids accordé à la position au dernier emploi n’est pas plus grand que celui accordé aux positions occupées pendant le reste de la carrière, introduire une telle hétérogénéité de codage n’était pas souhaitable. Pour cette raison, nous avons préféré le codage moins précis mais harmonisé pour toutes les positions occupées pendant la vie active, en adoptant la seconde version – moins détaillée - du code d’Amossé et de Chardon (et que Thomas Amossé a eu la gentillesse de partager avec nous). Les Tableaux A-6.2.2, A-6.2.3 et A-6.2.4. reprennent les variables utilisées et la façon dont leurs modalités ont été combinées pour séparer les fractions qualifiée et non qualifiée des employés, car la profession détaillée de l’enquêté n’était pas disponible. En plus de la PCS à 2 chiffres, il s’agit de la variable concernant la position professionnelle de l’enquêté, qui a été combinée avec la CS 52 afin d’essayer d’isoler notamment une partie des agents de service (les professions les moins qualifiées de cette catégorie), et de les ranger parmi les employés non qualifiés1. En revanche, c’est la variable de statut d’emploi qui a été croisée avec la CS 53, afin de repérer – certes, indirectement – les agents de sécurité, les professions les moins qualifiées de cette catégorie (travaillant par ailleurs souvent dans le secteur privé, d’où l’intérêt pour la variable de statut dans la profession) 1 Cette information n’a toutefois pas été disponible pour décrire la position sociale des parents de l’enquêté. afin de les classer également dans les rangs des non qualifiés. TABLEAU A-6.2.2. – PCS à deux chiffres Séparation des travailleurs selon le niveau de qualification 52 Employés civils, agents de service de la fonction publique (n.q. si l_posit = 1) 53 Policiers et militaires (n.q. si l_statut = 4) 54 Employés administratifs d'entreprise 55 Employés de commerce 56 Personnels des services directs aux particuliers 62 Ouvriers qualifiés de type industriel 63 Ouvriers qualifiés de type artisanal 64 Chauffeurs 65 Ouvriers qualifiés de la manutention, du magasinage et des transports 67 Ouvriers non qualifiés de type industriel 68 Ouvriers non qualifiés de type artisanal 69 Ouvriers agricoles Légende fraction non qualifiée fraction qualifiée italic catégorie partagée entre les deux fractions ( * n.q. = non qualifié.e) TABLEAU A-6.2.3. – Position professionnelle Position professionnelle durant l'année concernée (variable l_posit) Non concerné 1 Manœuvre ou ouvrier spécialisé 2 Ouvrier qualifié ou hautement qualifié; technicien d'atelier 3 Technicien (non cadre) 4 Agent de maîtrise, maîtrise administrative ou commerciale, VRP (non cadre), personnel de catégorie B de la fonction publique 5 Ingénieur ou cadre (les employés, techniciens, agents de maîtrise n'ayant pas la qualité de cadre ne devront pas se classer ici, même s'ils cotisent à une caisse de retraite des cadres), personnel de catégorie A de la fonction publique 6 Employé de bureau, employé de commerce, personnel de service, personnel de catégorie C ou D de la fonction publique 7 Autre cas Note : variable croisée avec CS 52. Annexes TABLEAU A-6.2.4. – Statut dans la profession Statut dans cette profession (variable l_statut) Non concerné 1 Salarié de l'état 2 Salarié d'une collectivité locale (y.c. HLM, hôpitaux publics) 3 Salarié d'une entreprise publique ou nationale (y.c. Sécurité Sociale) 4 Salarié du secteur privé (autre que cas suivant en 5) 5 Salarié de sa propre entreprise ou salarié de son conjoint 6 Non Salarié : Aide ou aidait un membre de sa famille dans son travail sans être salarié 7 Non Salarié : A son compte, indépendant, employeur, gérant, associé d'une société, co-exploitant Note : variable croisée avec CS 53. Enfin, afin de vérifier le degré d’imprécision du codage retenu, en se centrant uniquement sur la position occupée à la date de l’enquête, nous avons appliqué les deux types de codage des professions des employés et des ouvriers : un que nous venons d’exposer (et qui est moins précis car il ne fait pas recours à la profession détaillée) et l’autre où l’on utilise la variable de Thomas Amossé (mobilisée dans Amossé et Chardon, 2006) qui distingue les ouvriers et les employés selon leur qualification à partir du codage très détaillé des libellés de professions (qui, pour rappel, n’a été effectué par l’auteur que pour la position à la date de l’enquête). Les Tableaux A-6.2.5. et A-6.2.6. montrent que les différences de codage ne sont pas très prononcées, et concernent notamment une partie de la population des employés non qualifiés dans le codage d’Amossé et de Chardon, qui, chez nous, en raison de la faible puissance discriminante de la variable l_posit, figurent dans le groupe des employés qualifiés. Hormis cette légère surestimation du niveau de qualification du groupe des employés et d’ouvriers, le codage moins précis s’avère donc suffisamment efficace pour permettre la séparation du travail qualifié et non qualifié dans ces milieux. TABLEAU A-6.2.5. – Comparaison du codage en utilisant la variable d’Amossé et le codage selon la position et le statut dans l’emploi PCS Codage AC Codage MV Valeurs manquantes 0,2 % 0,1 % n 25 16 Agriculteur·rice·s exploitant·e·s 1,9 % 1,9 % n 126 126 Artisans, commerçants et chefs d'entreprise 3% 3% n 241 241 Cadres 8,2 % 8,2 % n 691 691 Professions intermédiaires 12,6 % 12,6 % n 1 045 1 045 Employé·e·s et ouvrier·e·s qualifié·e·s 17% 17,4 % n 1 406 1 473 Employé·e·s et ouvrier·e·s non qualifié·e·s 9,4 % 9,1 % n 855 797 Chômeur·euse·s 4,8 % 4,8 % n 542 542 Inactif·ve·s 35,9 % 35,9 % n 3 062 3 062 En formation 6,9 % 6,9 % n 410 410 Ensemble 100 % 100 % n 8 403 8 403 Source : Insee, enquête Histoire de vie, 2003. Champ : Hommes et femmes, résidant en France métropolitaine, âgés de 18 ans ou plus à la date d’enquête. Lecture : En appliquant le codage précis à partir de la profession détaillée pour séparer les ouvriers et les employés selon leur niveau de qualification, nous observons que 9,4 % des individus font partie des employés et ouvriers non qualifiés, contre 9,1 % des individus lorsque l’on applique le codage plus simplifié. Note : Codage AC se réfère au codage d’Amossé et de Chardon. Codage MV représente la solution retenue par Marta Veljkovic . Les deux codages diffèrent ici uniquement dans la façon dont les catégories d’employés et d’ouvriers ont été différenciées selon leur niveau de qualification (pour le reste des catégories, c’est bien le codage retenu dans ce travail qui a été appliqué). Annexes TABLEAU A-6.2.6. – Différences entre les deux types de codage Échelle Nombre de différences Ensemble % Population 212 8 403 2,5 % Les deux catégories d'employés et ouvriers 212 2 270 9,3 % Valeur manquante Fraction qualifiée Fraction non qualifiée Ensemble Fraction qualifiée 4 1 336 133 1 473 Fraction non qualifiée 5 70 722 797 Ensemble 9 1 406 855 2 270 Codage AC Codage MV Source : Insee, enquête Histoire de vie, 2003. Champ : Hommes et femmes, résidant en France métropolitaine, âgés de 18 ans ou plus à la date d’enquête. Lecture : Au total, les deux types de codage classent de façon différente 2,5 % de la population totale, soit 9,3 % des catégories ouvrières et employées. Ainsi, 133 individus qui sont dans le codage retenu dans le présent travail classés dans la fraction qualifiée de cette classe font plutôt partie de la fraction non qualifiée selon le codage d’Amossé et de Chardon. Note : Codage AC se réfère au codage d’Amossé et de Chardon. Codage MV représente la solution retenue par Marta Veljkovic. Chapitre 6 – Annexe 6.3. CHAPITRE 6 – ANNEXE 6.3. Les biais de mémoire dans les enquêtes rétrospectives Il existe deux façons principales de recueillir des informations sur les biographies et les parcours de vie des individus : les enquêtes prospectives et les enquêtes rétrospectives. Si les premières souffrent des biais introduits par les effets d’attrition, les secondes sont sujettes à des biais de mémoire et de sélection importants (Courgeau et Lelièvre, 1989b). Dans le premier cas, on perd progressivement des enquêtés (du fait de l’émigration et de la lassitude, par exemple), tandis que dans le second cas nous ne pouvons interroger que des individus survivants et des personnes n’ayant pas émigré avant l’interrogation (ibid.). Aucun de ces deux mécanismes – d’attrition et de sélection – n’est aléatoire : en touchant certaines parties de la société davantage que les autres, ils impliquent tous deux une image partielle de celle-ci. Ici, nous nous intéresserons uniquement aux biais associés aux enquêtes rétrospectives (à savoir, la sélection sociale des enquêtés, mais aussi les biais de mémoire) dont l’enquête Histoire de vie (Insee, 2003) fait partie. Pour résumer l’essentiel des développements qui suivent, tout en reconnaissant l’existence de divers biais importants dans les enquêtes faisant intensivement appel à la mémoire des individus, nous en relativisons la portée, car ils ne semblent pas fausser substantiellement les résultats auxquels on aboutit. Les objections typiquement faites aux données biographiques sont multiples et viennent s’ajouter à celles qui concernent toute collecte de données d’enquête, à savoir les refus de participation, les non-réponses et les réponses du type « ne sait pas » (Auriat, 1996, p. 13), dont il était question dans la première partie de la thèse (voir l’ associée au chapitre 2). Ainsi, la première critique que l’on adresse aux données rétrospectives est qu’elles sont dites « tronquées à droite », car elles ne nous fournissent que des informations sur les événements qui ont survenu avant l’enquête, en laissant inconnue la suite du parcours (Courgeau et Lelièvre, 1989b). Cette situation est toutefois moins problématique que celle où les données seraient « tronquées à gauche », où les interrogations portent seulement sur le passé récent, et où l’on ne peut pas reconstruire tous les événements antérieurs à cette période (courte) couverte par les questions de l’enquête, alors même que les événements observés dans l’enquête sont fortement dépendants des événements qui remontent à un passé plus lointain (Courgeau et Lelièvre, 1989b). L’enquête Histoire de vie étant une enquête rétrospective ayant pour objectif de retracer l’ensemble des événements professionnels, familiaux et résidentiels connus par l’individu, nous connaissons l’intégralité du parcours de l’individu jusqu’au moment de l’interrogation, donc seul le problème de troncature à droite se pose. Pour limiter, dans la mesure du possible, la portée de la troncature à droite, qui conduit entre autres au risque d’attribuer l’absence d’un événement à son retard, les enquêtes biographiques consistent le plus souvent à interroger des individus qui sont âgés, et pour qui nous pouvons imaginer que la plupart des événements d’intérêt se sont déjà produits. En outre, en interrogeant les individus au moment de leur retraite, on cherche à conférer « une homogénéité temporelle » à leurs évaluations rétrospectives (Laborde, Lelièvre et Vivier, 2007, p. 570) qui autrement seraient difficilement comparables. Or, l’enquête Histoire de vie est de ce point de vue spécifique, car elle porte sur des individus âgés de 18 ans ou plus. Les trajectoires des individus sont donc d’une durée très inégale et d’un degré de réalisation/achèvement très hétérogène. En simulant un cadre biographique plus typique, nous avons restreint nos observations aux individus âgés de 49 à 68 ans à la date de l’enquête. Cette décision nous expose toutefois à la seconde objection la plus fréquente faite aux données rétrospectives, à savoir la sélection sociale des enquêtés, l’échantillon étant composé des seuls survivants et nonémigrés de la population d’intérêt. Néanmoins, différents tests empiriques qui ont consisté à comparer les données issues des enquêtes rétrospectives et les données administratives ont montré que la fiabilité des premières est très satisfaisante, que les deux mesures étaient globalement cohérentes, et que les biais introduits par les sorties d’observation par décès ou émigration étaient de ce fait mineurs (Carroll et Mayer, 1986, p. 326 ; Brée et al., 2016 ; Andersson et Sobolev, 2013). Le troisième type d’objections, qui concerne les biais de mémoire, est peut-être le plus sérieux : à la différence des deux premiers, qui remettent en question la représentativité des données rétrospectives, ici c’est leur fiabilité qui est en jeu. Cela implique une remise en cause de la qualité de la mesure, dont la validité est limitée soit en raison de l’oubli d’un événement, soit en raison de la mauvaise datation de celui-ci, aucune des deux erreurs ne relevant du hasard, mais bien de mécanismes sociaux sélectifs (Poulain, Riandey et Firdion, 1991). Plus généralement, cette distinction entre les types d’erreurs renvoie à une différence entre leurs sources : on distingue ainsi les erreurs involontaires (où l’omission ou l’information erronée n’ont pas été désirées) et les erreurs volontaires dans les déclarations des enquêtés (où il s’agit d’erreurs et d’omissions recherchées)1 (Auriat, 1996, p. 17‐19). Les sources des erreurs involontaires sont multiples, et renvoient souvent à la défaillance de la mémoire humaine (ibid.). Les erreurs volontaires sont, en revanche, le plus souvent associées au fait que l’individu cherche à donner une image de soi qui est « plus favorable que ne le ferait l’exacte vérité » (ibid., p. 19). Les erreurs peuvent concerner trois dimensions de l’événement : son existence 1 La réalité est parfois plus floue que ne le laisserait entendre une telle division : on pourrait omettre de mentionner un événement de façon involontaire, du fait que nous l’avons oublié, ou refoulé, car il nous a été trop douloureux. (reconnaissance, nombre d’occurrences), sa datation et sa durée (Couppié et Demazière, 1995, p. 7). Quel que soit le type d’erreur, il convient d’en analyser les conditions d’apparition en fonction du type d’événements, des conditions de l’entretien et du questionnaire (Poulain, Riandey et Firdion, 1991). Les deux derniers éléments étant moins propres aux enquêtes rétrospectives2, nous nous intéressons en particulier à la première dimension, qui renvoie aux erreurs de mémoire qui varient selon les différents faits « autobiographiques », tels que la mobilité résidentielle, la mobilité professionnelle ou encore la datation des événements démographiques, tels que le mariage ou la naissance des enfants3 (Auriat, 1996, p. 14). En d’autres termes, les souvenirs (et les erreurs qui y sont associées) diffèrent selon le type d’événement, qui détermine en grande partie la nature de son empreinte dans la mémoire, preuve ultime du caractère social de celle-ci (Auriat, 1996, p. 151). S’agissant des caractéristiques des événements qui sont susceptibles d’influencer la facilité de leur récupération rétrospective, on sait que parmi les facteurs qui jouent, et à part la charge émotionnelle d’un événement, on trouve par exemple le caractère unique/renouvelable d’un événement et le rythme qui le caractérise ; sa place par rapport 2 Certaines études ont néanmoins montré que les obstacles principaux à dépasser en matière d’enquêtes rétrospectives tenaient précisément à ces autres sources d’erreurs, et consistaient à améliorer les conditions de l’entretien, la qualité du questionnaire et la formation des enquêteurs (Carroll et Mayer, 1986, p. 326). Ainsi, citons l’exemple d’une technique de réduction d’erreurs de mémoire qui a été aussi appliquée dans le questionnaire de l’enquête HDV : on propose à l’enquêté un calendrier biographique multidimensionnel, où il a la possibilité de situer simultanément les événements de plusieurs sphères de sa vie (résidentielle, familiale et professionnelle) sur une même grille temporelle, en lui demandant également d’indiquer les événements qui l’ont le plus marqué à ces différentes étapes de la vie. Le fait de restituer simultanément les événements de plusieurs domaines de vie et d’évoquer des événements-repères apparaît bénéfique, car cela améliore la précision de la mémoire (voir Lelièvre et Vivier, 2001, p. 1047‐1048). Cela s’explique par la nature contextuelle des souvenirs, fondés sur des repères multiples et dont les temporalités sont mémorisées davantage en termes d’ordre relatif des différents événements qu’en termes de dates précises. Par conséquent, en utilisant des événements repères (qui peuvent être d’ordre privé ou d’ordre public) la trace dans la mémoire est relativement précise, l’individu peut corriger ou mieux cerner le moment où s’est produit un autre événement : par exemple, la date de naissance d’un enfant pourra servir comme repère de la date de déménagement (Auriat, 1996, p. 69‐70; 150‐151). Puisque c’est souvent cet ordre et non pas la temporalité en soi qui intéresse le chercheur, tant que celui-ci est bien restitué, peu importe la date précise de l’occurrence de l’événement. Il est à noter que ces observations concernant les déterminants et la variation des erreurs de mémoire selon les différents facteurs résultent de plusieurs démarches empiriques : premièrement, les auteurs comparent parfois les informations issues des données administratives (recensements, états civils, etc.) avec les données d’enquêtes, et en cas d’incohérence, assimilent les premières à la « vérité ». Un autre dispositif d’enquête pour identifier les erreurs de mémoire en mesure plutôt l’incohérence, et consiste à comparer les déclarations des individus interrogés à plusieurs reprises sur le même événement (une fois lorsqu’il correspondait à la situation actuelle, puis au moment où il relevait du passé), la première déclaration étant souvent considérée comme plus vraie. Enfin, nous avons identifié une troisième façon de procéder, en comparant les déclarations des individus au sein d’une même enquête sur des questions qui mesurent la même chose, mais qui ont des formulations et des organisations différentes. Il est évident qu’en aucun cas nous ne disposons d’information exacte sur ce qui s’est véritablement produit, car toute donnée enregistrée (par l’administration, par l’enquêteur ou par l’enquêté) est par définition déclarative et donc sujette à des erreurs. Le fait que l’on accorde moins de légitimité à la déclaration individuelle qu’à celle des autres acteurs mentionnés relève d’un autre biais, nullement inintéressant. La reconnaissance de ce biais a amené certains auteurs à parler d’ « écart de mémoire » plutôt que d’ « erreur de mémoire », en cherchant à détourner ainsi l’attention de la question de la fiabilité de l’information vers celle de sa construction sociale (Couppié et Demazière 1995, p. 3). à d’autres événements semblables (en termes de proximité et primauté) ; l’ancienneté de l’événement ; la fréquence et la durée d’exposition qui y sont associées4 ; enfin, l’importance de cet événement pour la personne, voire le degré auquel elle est directement concernée jouent également sur son empreinte dans la mémoire (Auriat, 1996, p. 49-63 ; 152‐157). Les événements récurrents sont paradoxalement plus durs à reconstruire, car ils créent des souvenirs « génériques », le souvenir global contribuant à sous-estimer le vrai nombre d’événements. Parmi ces événements en série (dont les épisodes professionnels font partie), on tend à mieux mémoriser les événements qui marquent le début de série (« effet de primauté ») et ceux qui sont les plus récents (« effets de proximité »), en oubliant ou en lissant la complexité des étapes intermédiaires. L’ancienneté d’un événement, mais aussi l’âge de l’individu au moment où il est survenu, interagissent au point de créer l’effet de génération chez le groupe de personnes qui en sont le plus directement concernées (ibid.). Enfin, le rythme d’un événement joue sur l’empreinte temporelle du souvenir, tout comme sur l’erreur qui lui est associée : s’agissant, par exemple, de rendre compte de la dernière fois où nous avons fait les courses au marché, on va reconstruire plus facilement le jour de semaine que la semaine, le mois ou l’année ; l’anniversaire, en revanche, constitue un événement-repère dont les trois unités temporelles (jour-mois-année) interagissent dans le souvenir (Auriat, 1996, p. 150‐156). En termes plus sociologiques, on pourrait également penser que plus l événement est « ritualisé » et donc institutionnellement encadré (voire, calé sur les rythmes collectifs), moins les erreurs seraient probables (Couppié et Demazière, 1995). Concrètement et pour toutes les raisons évoquées, les erreurs sont moins fréquentes dans les déclarations des dates de mariage ou des dates de naissance des enfants que dans les datations des expériences de migration résidentielle. Les caractéristiques sociales des enquêtés n’y sont pas pour rien, car la qualité de l’information est plus importante lorsque c’est l’épouse, plutôt que son conjoint, qui fournit des informations sur la vie familiale ou le parcours migratoire, mais elle est optimale lorsque les deux conjoints confrontent leurs souvenirs (ce qui prouve l’effet de l’importance d’un événement et de son impact sur la vie de la personne dans la structuration de la mémoire associée) ; en outre, plus le couple est mobile géographiquement, plus les erreurs sont fréquentes ; plus l’épisode est court, plus il y a de risque d’oubli (Poulain, Riandey et Firdion, 1991), ce qui confirme empiriquement l’effet de la fréquence et de la durée d’un événement sur la trace qu’il laisse dans la mémoire. Les effets de ces erreurs de datation sont néanmoins très modérés, ce qui 4 Les épisodes courts (de mobilité résidentielle par exemple) tendent à être plus souvent omis à moins qu’ils ne soient accompagnés par des circonstances remarquables ou spécifiques qui les rendent particulièrement visibles : pour reprendre l’exemple de l’auteur, un séjour outre-mer de quatre mois sera ainsi plus facilement mémorisable qu’une mobilité qui ne serait pas accompagnée d’un déplacement contextuel aussi important (Auriat, 1996, p. 154). 6.3 s’explique sans doute en partie par le fait que « la mémoire semble [donc] fiable, là où l’analyse l’exige », à savoir que les erreurs de datation des différents événements préservent l’ordre logique et chronologique de ceux-ci (Courgeau, 1991, p. 103). Sachant que, contrairement aux modèles de durée, c’est l’ordre chronologique plutôt que la datation précise des différents épisodes d’emploi qui nous importe le plus dans l’analyse de séquences telle que nous la mobilisons dans le présent travail, cela représente un point essentiel. En effet, pour revenir au sujet qui nous intéresse le plus ici, à savoir les erreurs des déclarations liées à la vie professionnelle, il apparaît que les réponses à ces questions sont souvent faussées intentionnellement, lorsque les individus cherchent à effacer ou à raccourcir les épisodes de leurs parcours qui sont peu valorisés socialement, comme par exemple l’inactivité (Auriat, 1996, p. 139). En d’autres termes, dans leurs récits, les individus cherchent spontanément à faire correspondre le cours et les caractéristiques de leur vie à l’ordre normatif qui les régit (Manzoni et al., 2010, p. 44). Selon Thélot (1989), le temps passé dans une situation d’emploi ou de non-emploi est le facteur déterminant de la fiabilité de l’information qui lui est associée. Les épisodes plus courts donnent lieu à un souvenir plus fragile que les épisodes plus longs, dont on peut imaginer qu’ils sont plus structurants de l’ensemble du parcours5. Ainsi, si les réponses des personnes avec des emplois stables apparaissent plus fiables et cohérentes, il ne s’agit certainement pas d’un indicateur de la plus grande qualité de leur mémoire, mais bien d’un effet de la qualité de leur situation professionnelle qui est le principal déterminant de la qualité du souvenir (Auriat, 1996, p. 143). En outre, la tendance générale de la raison humaine à simplifier plutôt qu’à complexifier les événements conduit plus souvent à sous-estimer qu’à surestimer le nombre de transitions qui ont eu lieu, impliquant qu’au fil du temps, les carrières qui ressortent des déclarations des enquêtés tendent à apparaître plus simples et moins turbulentes qu’elles ne l’étaient en réalité6 (Couppié et Demazière, 1995 ; Manzoni et al., 2010, p 44‐47). De façon analogue, les carrières qui sont plus simples (c’est-à-dire, composées d’un petit nombre de transitions) tendent à être décrites de façon plus cohérente et moins erronée que les carrières plus complexes. Étonnamment, le genre et l’âge n’ont pas d’incidence significative sur les erreurs de déclaration, qui dépendent 5 En outre, l’auteur rappelle qu’une incohérence et une erreur de déclaration peuvent résulter du caractère flou d’une situation. On peut imaginer qu’un épisode court de travail précaire exercé ponctuellement serait plus facilement assimilable à une période de chômage ou d’inactivité qu’à une situation de travail stable à temps plein : l’absence d’ambigüité dans le caractère social d’une situation serait donc associée à l’absence d’ambiguïté dans les déclarations la concernant. 6 La volatilité croissante des carrières au fil du temps pourrait ainsi en partie être surestimée du fait des erreurs de mémoire, car les enquêtés ont tendance à minimiser le nombre de transitions associées au début de la vie active (plus éloignées temporellement et donc plus sujettes aux simplifications) et à mieux restituer les étapes récentes de la carrière (Manzoni et al., 2010, p. 47). 517 Annexes principalement du nombre de transitions et de la fréquence des é pisodes de chômage vé cus au cours de la c arrière (Manzoni et al., 2010, p. 52). Nous avons néanmoins de bonnes raisons de penser que les implications de ces différents biais sur les résultats demeurent limitées, au moins dans le cadre de notre étude. Tout d’abord, s’il est vrai que les enquêtés sous-estiment la complexité des carrières, il n’y a pas de raison de penser que leurs déclarations et les erreurs qui en font partie effacent les différences entre les carrières stables d’une part (restituées avec la plus grande précision) et les carrières complexes et turbulentes (restituées certes sous forme simplifiée, mais avec une logique sociale néanmoins préservée). En outre, contrairement à l’hypothèse d’une simplification déclarative accrue des parcours avec l’âge en raison de la hausse de l’écart temporel entre l’événement et le moment auquel il est évoqué, l’âge ne semble pas jouer un rôle important dans la fréquence des erreurs de déclaration, et il n’y a donc pas de raison de penser que les individus plus jeunes de notre échantillon reconstruiraient avec une précision significativement plus élevée leurs carrières que les personnes plus âgées au moment de l’interrogation. Enfin, ce sont notamment les épisodes de chômage et de transitions fréquentes qui sont plus fréquemment associés à une incohérence de déclarations, mais du fait de leur moindre importance dans les carrières des individus appartenant à des générations retenues dans notre échantillon (voir le chapitre 4), cela ne devrait pas perturber de façon importante nos résultats7. Enfin, étant intéressée par les trajectoires de classe et non pas par des trajectoires d’emploi à proprement parler, nous sommes d’autant moins préoccupée par de telles omissions. En définitive, ces différentes observations alimentent la théorie des « empreintes », qui consiste à souligner le caractère social de la mémoire, impliquant que les erreurs de mémoire prennent des formes non aléatoires qui varient en fonction des caractéristiques particulières des événements à mémoriser : « autrement dit, des éléments différents laissent des traces différentes [...] » (Auriat, 1996, p. 151). En poussant cette réflexion plus loin, les erreurs de mémoire peuvent dès lors être considérées comme un phénomène plutôt épistémologique que méthodologique, car elles engagent le et relèvent du processus de la construction subjective des biographies et de leur sens, autant individuel que social (Couppié et Demazière, 1995 ; Mercklé et Octobre, 2015). On aurait alors (à tort) tendance à chercher à corriger la matière empirique qui devrait en réalité être analysée. Les auteurs attribuent ceci à une double illusion : 7 Il n’en va pas de même pour les périodes d’inactivité, fortement structurantes des parcours féminins dans ces générations. Du fait de leur datation facilitée par leur association à des événements démographiques familiaux, et en raison de leur durée souvent importante, nous n’avons pas de raisons de penser que leur traitement rétrospectif serait assimilable à celui des épisodes plus ou moins longs de chômage. essentialiste (car nous supposons, en parlant des erreurs de mémoire, qu’il existe une vérité absolue) et biographique (car nous interprétons toute incohérence comme signe d’erreur8). Même si, en l’état, on ne peut déterminer ce qui relève d’un véritable changement de comportement, de l’évolution de son empreinte subjective ou d’une « simple » erreur de mémoire, au lieu d’y chercher une preuve de futilité de tout effort de connaître l’histoire de vie, il faudrait interpréter ces « erreurs » comme l’ultime preuve du processus temporel de construction et de narration de l’histoire personnelle, qui se produit avec l’âge (Mercklé et Octobre, 2015, p. 582). À moins de tomber dans un relativisme complet, il nous semble important de considérer le récit que l’individu fait de sa vie comme crédible, ou du moins révélateur des logiques sociales dont il est le produit. 8 Cet impératif de la cohérence et l’illusion biographique à laquelle il est susceptible de donner lieu ont été abordés dans l’article fameux que Bourdieu a dédié à la question (Bourdieu, 1986). 519 520 Chapitre 7 – Annexe 7.1. CHAPITRE 7 – ANNEXE 7.1. Les mesures de la qualité de partition associées à la typologie des destins de classe La librairie WeightedCluster (Studer, 2013) propose différentes mesures de la qualité d’une partition (voir le Tableau A-7.1.1.). Les Tableaux A-7.1.2. et A-7.1.3. présentent les valeurs de ces statistiques selon les différents types de coûts appliqués (en privilégiant le temps, l’ordre ou bien l’équilibre entre les deux) et selon la méthode choisie pour regrouper les séquences (en utilisant le clustering hiérarchique, i.e. le critère de Ward et l’algorithme PAM). La solution finalement retenue figure à la toute fin du tableau (label « MV »). Dans les lignes de ces tableaux, on retrouve les différentes mesures de la qualité de la partition présentées dans le Tableau A-7.1.1., tandis que les deux colonnes principales indiquent respectivement le premier et le second nombre optimal de groupes à retenir dans la partition selon ces différentes mesures et les valeurs des statistiques de la qualité qui leur sont associées1 (Studer, 2012, p. 89). TABLEAU A-7.1.1. – Mesures de la qualité de la partition (Studer, 2012) Source : Tableau repris de Studer (2012, p. 85). Le lecteur intéressé pourra se référer à Studer (Studer, 2012, p. 84‐92) pour plus de détails sur le calcul et l ’interprétation de ces différentes mesures de la qualité de la partition. Annexes TABLEAU A-7.1.2. – Mesures de la qualité de la partition (hommes) Mesures de la qualité de la partition et deux solutions optimales pour la taille de la partition selon les différentes mesures de distance Clustering hiérarchique (maximisation du critère local) I. Levenshtein I / NEUTRE mesure PBC HG HGSD ASW ASWw CH R2 CHsq R2sq HC * indel = 1, subst.costs = constant n de groupes a) n de groupes solution 1 7 20 20 7 7 2 20 6 20 7 stat. solution 2 7.91E-01 9.52E-01 9.49E-01 4.60E-01 4.60E-01 1.22E+06 6.17E-01 2.49E+06 8.18E-01 5.51E-02 II.a Time matters / Hamming simple 6 19 19 6 6 4 19 7 19 6 7.85E-01 9.50E-01 9.47E-01 4.46E-01 4.46E-01 1.22E+06 6.11E-01 2.41E+06 8.14E-01 6.06E-02 7.54E-01 9.49E-01 9.46E-01 4.31E-01 4.31E-01 1.18E+06 6.07E-01 2.33E+06 8.11E-01 6.85E-02 9 19 19 5 5 2 19 5 19 20 7.52E-01 9.47E-01 9.45E-01 4.05E-01 4.05E-01 1.16E+06 6.03E-01 2.29E+06 8.06E-01 6.90E-02 7.87E-01 9.53E-01 9.53E-01 4.53E-01 4.53E-01 1.23E+06 6.14E-01 2.44E+06 8.16E-01 5.50E-02 6 16 16 6 6 4 19 5 19 16 7.83E-01 9.50E-01 9.50E-01 4.44E-01 4.44E-01 1.20E+06 6.09E-01 2.36E+06 8.12E-01 5.71E-02 7.91E-01 9.57E-01 9.57E-01 4.60E-01 4.60E-01 1.25E+06 6.19E-01 2.44E+06 8.20E-01 5.27E-02 6 19 19 6 6 4 19 5 19 19 7.85E-01 9.56E-01 9.56E-01 4.47E-01 4.47E-01 1.21E+06 6.14E-01 2.38E+06 8.16E-01 5.35E-02 8.00E-01 9.55E-01 9.52E-01 4.66E-01 4.66E-01 1.13E+06 6.24E-01 2.72E+06 8.26E-01 5.18E-02 9 10 10 5 5 4 19 7 19 9 7.76E-01 9.52E-01 9.49E-01 4.20E-01 4.20E-01 1.12E+06 6.20E-01 2.53E+06 8.22E-01 5.23E-02 PBC HG HGSD ASW ASWw CH R2 CHsq R2sq HC 6 9 9 6 6 6 20 20 9 7.95E-01 9.54E-01 9.51E-01 4.63E-01 4.63E-01 1.12E+06 6.16E-01 2.66E+06 8.20E-01 5.33E-02 9 10 10 7 7 4 19 7 19 6 7.77E-01 9.50E-01 9.48E-01 4.17E-01 4.17E-01 1.11E+06 6.10E-01 2.48E+06 8.14E-01 5.63E-02 PBC HG HGSD ASW ASWw CH R2 CHsq R2sq HC 6 9 9 6 6 4 20 6 20 9 7.98E-01 9.50E-01 9.50E-01 4.67E-01 4.67E-01 1.14E+06 6.21E-01 2.74E+06 8.23E-01 5.22E-02 9 10 10 5 5 6 19 7 19 6 7.77E-01 9.47E-01 9.47E-01 4.26E-01 4.26E-01 1.14E+06 6.15E-01 2.54E+06 8.18E-01 5.38E-02 PBC HG HGSD ASW ASWw CH R2 CHsq R2sq HC 6 9 9 6 6 5 20 6 20 6 8.01E-01 9.49E-01 9.49E-01 4.71E-01 4.71E-01 1.15E+06 6.23E-01 2.77E+06 8.25E-01 5.18E-02 9 10 10 5 5 6 19 7 19 9 7.75E-01 9.46E-01 9.46E-01 4.30E-01 4.30E-01 1.15E+06 6.17E-01 2.56E+06 8.19E-01 5.32E-02 6 11 11 6 6 4 20 6 20 6 7.91E-01 9.58E-01 9.55E-01 4.96E-01 4.96E-01 1.39E+06 6.68E-01 3.63E+06 8.64E-01 3.96E-02 5 10 10 5 5 6 19 7 19 11 7.52E-01 9.56E-01 9.53E-01 4.53E-01 4.53E-01 1.37E+06 6.63E-01 3.25E+06 8.61E-01 4.78E-02 6 10 10 6 6 4 20 6 20 6 7.94E-01 9.58E-01 9.58E-01 4.99E-01 4.99E-01 1.39E+06 6.67E-01 3.71E+06 8.64E-01 3.74E-02 7 11 11 5 5 6 19 10 7.52E-01 9.53E-01 9.53E-01 4.59E-01 4.59E-01 1.38E+06 6.65E-01 3.36E+06 8.63E-01 4.17E-02 6 8 8 6 6 2 20 6 20 8 7.63E-01 9.55E-01 9.55E-01 4.91E-01 4.91E-01 1.56E+06 6.71E-01 3.89E+06 8.68E-01 3.75E-02 8 9 9 8 8 6 19 8 19 6 7.35E-01 9.50E-01 9.50E-01 4.63E-01 4.63E-01 1.45E+06 6.66E-01 3.69E+06 8.64E-01 3.78E-02 * no subst. solution 2 * no indels, subst.cost = time-varying transition rates a) Ward PBC HG HGSD ASW ASWw CH R2 CHsq R2sq HC n de groupes b) PAM 7 17 17 7 7 2 20 6 20 17 II.c. Time matters / Hamming Dynamic PBC HG HGSD ASW ASWw CH R2 CHsq R2sq HC PBC HG HGSD ASW ASWw CH R2 CHsq R2sq HC stat. solution 1 * no indels, subst. costs définis selon les taux de transition a) Ward PBC HG HGSD ASW ASWw CH R2 CHsq R2sq HC n de groupes b) PAM b) PAM 6 20 20 6 6 4 20 6 20 10 II.b. Time matters / Hamming with TRATE PBC HG HGSD ASW ASWw CH R2 CHsq R2sq HC mesure * no indels, subst. costs = constant a) Ward PBC HG HGSD ASW ASWw CH R2 CHsq R2sq HC Clustering Partitionning Around Medoids - PAM (maximisation du critère global) Hommes b) PAM 7 20 20 7 7 2 20 7 20 20 7.31E-01 9.60E-01 9.60E-01 4.56E-01 4.56E-01 1.48E+06 6.59E-01 3.25E+06 8.60E-01 3.67E-02 6 19 19 6 6 4 19 6 19 19 7.25E-01 9.57E-01 9.57E-01 4.41E-01 4.41E-01 1.37E+06 6.54E-01 3.21E+06 8.56E-01 3.95E-02 PBC HG HGSD ASW ASWw CH R2 CHsq R2sq HC Chapitre 7 – Annexe 7.1. TABLEAU A-7.1.3. – Mesures de la qualité de la partition (femmes) Mesures de la qualité de la partition et deux solutions optimales pour la taille de la partition selon les différentes mesures de distance Clustering hiérarchique ( maxim isation du crit ère local ) I. Levenshtein I / NEUTRE me PBC HG HGSD ASW ASWw CH R2 CHsq R2sq HC * indel = 1, subst.costs = constant n de groupes a) Ward stat . n de groupes solution 1 9 10 10 7 7 2 20 7 20 10 stat. solution 2 7.35E-01 9.31E-01 9.28E-01 4.15E-01 4.15E-01 1.12E+06 5.99E-01 2.10E+06 8.00E-01 6.84E-02 II.a Time matters / Hamming simple 7 9 9 8 8 3 19 6 19 9 7.35E-01 9.26E-01 9.22E-01 3.96E-01 3.96E-01 1.07E+06 5.94E-01 2.08E+06 7.93E-01 7.20E-02 7.34E-01 9.24E-01 9.20E-01 4.12E-01 4.12E-01 1.11E+06 5.93E-01 1.98E+06 7.89E-01 8.04E-02 7 18 18 8 8 3 19 7 19 8 7.34E-01 9.23E-01 9.20E-01 3.92E-01 3.92E-01 1.04E+06 5.89E-01 1.98E+06 7.83E-01 8.52E-02 7.33E-01 9.07E-01 9.07E-01 4.20E-01 4.20E-01 1.05E+06 5.94E-01 2.02E+06 7.91E-01 8.94E-02 6 19 19 6 6 4 19 6 19 6 7.25E-01 9.03E-01 9.03E-01 3.99E-01 3.99E-01 1.01E+06 5.87E-01 2.01E+06 7.85E-01 9.58E-02 7 7 7 7 7 5 20 7 20 7 7.71E-01 9.27E-01 9.23E-01 4.38E-01 4.38E-01 1.04E+06 6.12E-01 2.27E+06 8.15E-01 6.09E-02 6 20 20 6 6 6 19 6 19 6 7.40E-01 9.16E-01 9.12E-01 4.19E-01 4.19E-01 1.03E+06 6.06E-01 2.26E+06 8.11E-01 8.66E-02 PBC HG HGSD ASW ASWw CH R2 CHsq R2sq HC 7 7 7 7 7 5 20 7 20 7 7.70E-01 9.25E-01 9.21E-01 4.37E-01 4.37E-01 1.02E+06 6.07E-01 2.23E+06 8.10E-01 6.22E-02 6 20 20 6 6 6 19 6 19 6 7.39E-01 9.12E-01 9.08E-01 4.17E-01 4.17E-01 1.01E+06 6.02E 2.22E+06 8.05E-01 8.77E-02 PBC HG HGSD ASW ASWw CH R2 CHsq R2sq HC 7 7 7 7 7 4 20 6 20 7 7.67E-01 9.14E-01 9.14E-01 4.37E-01 4.37E-01 1.04E+06 6.09E-01 2.26E+06 8.12E-01 6.41E-02 6 10 10 6 6 5 19 7 19 6 7.40E-01 9.08E-01 9.08E-01 4.19E-01 4.19E-01 1.03E+06 6.04E-01 2.25E+06 8.07E-01 8.59E-02 7 7 7 7 7 5 20 6 20 7 7.69E-01 9.16E-01 9.16E-01 4.40E-01 4.40E-01 1.04E+06 6.10E-01 2.28E+06 8.13E-01 6.26E-02 6 10 10 6 6 6 19 7 19 6 7.41E-01 9.09E-01 9.09E-01 4.21E-01 4.21E-01 1.03E+06 6.05E-01 2.27E+06 8.08E-01 8.49E-02 6 19 19 6 6 4 20 6 19 6 7.51E-01 9.35E-01 9.31E-01 4.57E-01 4.57E-01 1.29E+06 6.58E-01 3.19E+06 8.55E-01 5.49E-02 5 15 15 5 5 6 19 8 20 10 7.27E-01 9.32E-01 9.28E-01 4.21E-01 4.21E-01 1.28E+06 6.54E-01 3.12E+06 8.55E-01 6.83E-02 6 11 11 6 6 6 20 6 20 6 7.45E-01 9.27E-01 9.27E-01 4.55E-01 4.55E-01 1.28E+06 6.57E-01 3.18E+06 8.56E-01 6.01E-02 5 10 10 5 5 5 19 8 19 11 7.19E-01 9.24E-01 9.24E-01 4.19E-01 4.19E-01 1.28E+06 6.52E-01 3.13E+06 8.53E-01 6.21E-02 7 7 7 7 7 5 20 7 20 7 7.39E-01 9.47E-01 9.47E-01 4.65E-01 4.65E-01 1.32E+06 6.57E-01 3.50E+06 8.56E-01 3.44E-02 6 10 10 6 6 6 19 10 7.12E-01 9.26E-01 9.26E-01 4.43E-01 4.43E-01 1.31E+06 6.52E-01 3.28E+06 8.53E-01 5.61E-02 b) PAM 7 20 20 7 7 2 20 7 20 7 7.47E-01 9.04E-01 9.04E-01 4.29E-01 4.29E-01 1.11E+06 5.91E-01 2.11E+06 7.90E-01 7.80E-02 III.a.
48,783
8552358c346bc79b9b4ef2bcc7e804e8_9
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,017
Consultations de médecins
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Spoken
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S’agissant des médicaments prescrits, 7.1 % des personnes en moyenne ont signalé y avoir renoncé en raison de leur coût, ch i f f re f o n d é s u r l e s d o n n é e s d e 1 5 p ay s d e l ’ O C D E (graphique 5.5). La plupart des pays de l’OCDE imposent une participation des patients aux frais de médicaments, mais prévoient souvent des exemptions pour certaines catégories de la population (Paris et al., 2016). Les plus forts pourcentages de la population ayant renoncé à des médicaments prescrits sont observés aux États-Unis (18 %) et en Suisse (11.6 %), les plus bas en Allemagne (3.2 %) et au Royaume-Uni (2.3 %). Dans la plupart des pays, cette proportion a légèrement diminué ces dernières années. De nettes améliorations sont signalées en Israël, en Estonie et en Australie. En Israël, ce progrès est peutê t re e n p a r t i e l ié à d e s m e s u res v i s a n t à re n d re l e s médicaments plus accessibles et abordables aux patients atteints de maladies chroniques et aux personnes âgées. Dans les pays de l’OCDE, les besoins non satisfaits en raison de leur coût concernent systématiquement davantage d’individus parmi les catégories à faible revenu que parmi les catégories à revenu élevé (graphique 5.6), sauf au Royaume-Uni, où ils sont identiques chez ces deux groupes et dans le reste de la population. Ils sont particulièrement importants parmi les tranches de revenu inférieures aux États-Unis, où 43 % des adultes relevant de ces catégories indiquaient avoir renoncé à des soins pour des raisons financières en 2016. Des disparités 96 importantes de besoins non satisfaits étaient également observées entre les personnes à revenu élevé et ceux à faible revenu en France et au Canada. Les besoins en soins de santé non satisfaits déclarés par les individus doivent être examinés en parallèle à d’autres indicateurs d’obstacles potentiels à l’accès aux soins, comme l’étendue de la couverture d’assurance maladie et le montant des dépenses à la charge des patients. Les stratégies visant à améliorer l’accès aux soins des populations défavorisées ou mal desservies doivent s’attaquer à la fois aux obstacles financiers et non financiers, et favoriser une offre et une répartition adaptées du personnel de santé. Définition et comparabilité L’OCDE recueille, auprès de sources nationales et internationales, des données relatives aux soins de santé auxquels les populations déclarent renoncer en raison de leur coût, et le nombre de pays qui communiquent ces indicateurs augmente avec le temps. Ceux-ci font appel à des questions similaires à celles posées dans le cadre de l’Enquête internationale sur les politiques de santé du Commonwealth Fund. Les données des graphiques 5.4 et 5.5 concernent les soins primaires et secondaires et ont été standardisées selon l’âge et le sexe sur la base de la structure démographique de l’OCDE en 2010 pour neutraliser l’incidence des différences de structure de population d’un pays à l’autre. En raison du changement de source pour cet indicateur, les données ne sont pas directement comparables avec celles présentées dans les éditions précédentes du Panorama de la santé. L’Enquête internationale sur les politiques de santé 2016 du Commonwealth Fund demande aux personnes si elles ont omis de consulter un médecin alors qu’elles avaient un problème de santé, si elles ont manqué un examen médical, un traitement ou un suivi recommandé par un médecin, ou si elles n’ont pas pris les médicaments prescrits ou omis des doses pour des raisons financières au cours des 12 derniers mois écoulés. Comme l’enquête recueille également des données relatives au milieu socio-économique, notamment le niveau de revenu, elle permet d’analyser les besoins en soins non satisfaits par catégorie de revenu. Cette enquête a été réalisée dans 11 pays. Références Fujisawa, R. et N. Klazinga (2017), « Measuring Patient Experiences (PREMs) : Progress Made by the OECD and its Member Countries 2006-15 », Documents de travail de l’OCDE sur la santé, Éditions OCDE, Paris. OFSP – L’Office fédéral de la santé publique (2016), “Prise en charge médicale : la population suisse est satisfaite”, Communiqué de presse, Berne, www.bag.admin.ch/bag/fr/ home/aktuell/medienmitteilungen.msg-id-64545.html. Paris, V. et al. (2016), « Health Care Coverage in OECD countries in 2012 », Documents de travail de l’OCDE sur la santé, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/5jlz3kbf7pzv-en. PANORAMA DE LA SANTÉ 2017 © OCDE 2017 5. ACCÈS AUX SOINS Besoins en soins de santé non satisfaits en raison de leur coût Graphique 5.4. Renoncement aux consultations en raison du coût, 2016 (ou année la plus proche) 33.0 % (Taux standardisés par âge et sexe pour 100 habitants) 35 9.7 8.5 8.3 6.6 5.9 4.8 4.7 4.2 3.9 2.8 2.6 5 10.3 15 10 10.5 14.5 20 16.2 20.9 25 22.3 30 e¹ is Po s- lo gn Un se is No uv el Ét Au at st Su ra nd li e ¹ e¹ 17 -Z é le Pa OC ys la DE -B ni to Es Fr as ¹ e¹ ce l¹ an ga da Po Ca r tu na èg rv ya No Is It a ra e li e ¹ ë l¹ i Un e eum Su Ro Al Es le m pa ag gn èd e¹ ne 0 Note : Sources nationales. Source : Commonwealth Fund, Enquête internationale sur les politiques de santé 2016 et autres sources nationales. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933607630 Graphique 5.5. Renoncement aux médicaments prescrits en raison du coût, 2016 (ou année la plus proche) 18.0 % (Taux standardisés par âge et sexe pour 100 habitants) 20 10.5 10.1 7.8 6.8 6.7 6.4 5.7 5.4 4.1 4.0 3.6 3.2 2.3 5 7.1 10 11.6 15 Un is se is da Ét at s- Su na Ca r tu Po st ra ga l¹ li e ¹ 15 Au OC DE e èd Su -B ys No uv Ro ell Pa Es eZé as ¹ e¹ ni to nd la ra Is e¹ ë l¹ e¹ gn Fr pa an e Es ya Al le No m rv ag èg ne i Un eum ce 0 1. Sources nationales. Source : Commonwealth Fund, Enquête internationale sur les politiques de santé 2016 et autres sources nationales. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933607649 Graphique 5.6. Besoins en soins non satisfaits en raison du coût, par niveau de revenu, 2016 Adultes à faible revenu % 50 45 40 35 30 25 20 15 10 5 0 Autres adultes 43 30 28 31 30 25 24 32 20 16 16 22 18 8 Un is se Ét at s- is Su da Ca na ce Fr an e No uv ell eZé OC la DE nd 10 li e ra st rv No Au èg e e èd ag m le Al Su ne i Un eum ya Ro 13 8 7 6 14 14 13 7 Note : N’a pas consulté de médecin lors d’un problème médical, n’a pas reçu les soins recommandés ou n’a pas suivi une prescription. Les ménages sont considérés à "faible revenu" lorsque leur revenu est inférieur à 50% du revenu médian national. La taille des échantillons est faible (n < 100) aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Source : Commonwealth Fund, Enquête internationale sur les politiques de santé 2016. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933607668 PANORAMA DE LA SANTÉ 2017 © OCDE 2017 97 5. ACCÈS AUX SOINS Dépenses de santé à la charge des patients La protection financière apportée par les régimes d’assurance maladie obligatoires ou volontaires peut sensiblement réduire les dépenses médicales à la charge directe des patients. Toutefois, dans certains pays, cette charge financière peut créer des barrières à l’accès aux soins de santé et à leur utilisation. Les ménages qui ont des difficultés à payer les frais médicaux risquent de reporter les soins de santé dont ils ont besoin, voire d’y renoncer. Globalement, dans les pays de l’OCDE, un cinquième des dépenses de santé sont réglées directement par les patients (voir l’indicateur sur les « Financement des dépenses de santé »). Les soins à la charge des patients reposent sur la capacité de ces derniers à payer. Si le financement des soins repose davantage sur les paiements directs, sa charge se reporte, en théorie, sur ceux qui utilisent le plus ces services et, éventuellement, des hauts salaires vers les bas salaires, dont les besoins en soins sont généralement plus importants. Dans la pratique, de nombreux pays ont mis en place des filets de protection sociale pour éviter que les catégories vulnérables de la population (les pauvres, les personnes âgées, ou les personnes souffrant de maladie chronique ou de handicap) aient des dépenses directes trop importantes. Il peut s’agir d’exemptions partielles ou totales, ou d’un plafonnement des paiements directs, définis en termes absolus ou en fonction des revenus (Paris et al., 2016). On peut mesurer la charge des dépenses directes de santé (hors services de soins de longue durée) soit en proportion du revenu total des ménages, soit en proportion de leur consommation totale. La part de la consommation des ménages allouée aux soins médicaux variait considérablement selon les pays de l’OCDE en 2015 ; elle allait de 1.5 % de leur consommation totale en France, au Luxembourg et au Royaume-Uni à plus de 5 % en Corée, et en Suisse (graphique 5.7). Dans les pays de l’OCDE, les ménages consacrent en moyenne 3 % de leurs dépenses aux biens et services médicaux. Le degré de couverture des différents services et biens de santé varie selon les systèmes de santé des pays de l’OCDE. Dans la plupart des pays, la part des dépenses à la charge directe des patients est plus élevée pour les produits pharmaceutiques et les soins dentaires et ophtalmologiques que pour les soins hospitaliers et les consultations médicales (Paris et al., 2016). Compte tenu de ces disparités, et de l’importance relative de ces catégories de dépenses, il n’est pas surprenant de constater d’importantes variations de la participation directe des ménages au coût des soins médicaux entre les pays de l’OCDE. Dans la majorité des pays de l’OCDE, les dépenses consacrées aux produits pharmaceutiques et aux soins ambulatoires (dont les soins dentaires) sont les deux principaux postes de dépenses à la charge des ménages (graphique 5.8), et représentent généralement près des quatre cinquièmes de leurs dépenses de santé. La participation aux coûts et des services supplémentaires peuvent augmenter la part des frais hospitaliers à la charge directe des ménages – en Grèce, en Belgique et aux Pays-Bas, les soins hospitaliers représentent 98 une fraction plus importante des dépenses des ménages (de 20 % à 32 %) qu’en moyenne dans l’OCDE (moins de 10 %). Dans quelques pays d’Europe centrale et orientale, comme la Pologne, la République tchèque et la Hongrie, ainsi qu’au Canada et au Mexique, les médicaments représentent 50 % ou plus des dépenses à la charge des ménages. Cela peut-être lié non seulement à la participation au coût des médicaments prescrits mais aussi à des dépenses élevées de médicaments en vente libre destinés à l’automédication. Les appareils thérapeutiques, qui comprennent les produits ophtalmologiques et les appareils auditifs, peuvent aussi représenter une part sensible des dépenses d’un ménage. La couverture par les régimes obligatoires des lunettes se limite souvent à une participation aux coûts des verres correcteurs, ce qui oblige les ménages à en supporter le coût s’ils n’ont pas souscrit une assurance privée complémentaire. La dépense en appareils thérapeutiques représente plus de 20 % des dépenses des ménages aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Slovénie, en Allemagne et en République slovaque. La couverture des traitements dentaires est généralement faible ; de ce fait, les soins dentaires occupent une place substantielle dans les dépenses en soins ambulatoires et dans les dépenses totales des ménages, puisqu’ils représentent 20 % de l’ensemble des dépenses à la charge des patients dans les pays de l’OCDE. En Espagne, en Norvège et en Estonie, ce chiffre atteint 30 % ou plus. Cette situation tient, en partie au moins, à la prise en charge limitée des soins dentaires par les régimes obligatoires de ces pays en comparaison à celle, plus complète, d’autres catégories de soins. Définition et comparabilité Les dépenses directes sont celles supportées directement par les patients lorsque les systèmes d’assurance obligatoires et volontaires ne couvrent pas en totalité le coût d’un produit ou d’un service de santé. Cela inclut la participation des patients aux coûts et d’autres dépenses payées directement par les ménag es, et devrait également comprendre les estimations des paiements non officiels aux prestataires de soins. Seules les dépenses médicales (à savoir les dépenses en soins de santé moins les dépenses pour le volet sanitaire des soins de longue durée) sont présentées ici, car la capacité des pays à évaluer les dépenses privées liées aux soins de longue durée varie considérablement. Références Paris, V. et al. (2016), « Health Care Coverage in OECD Countries in 2012 », Documents de travail de l’OCDE sur la santé, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/5jlz3kbf7pzv-en. PANORAMA DE LA SANTÉ 2017 © OCDE 2017 5. ACCÈS AUX SOINS Dépenses de santé à la charge des patients Graphique 5.7. Dépenses de santé à la charge des patients en pourcentage de la consommation finale des ménages, 2015 (ou année la plus proche) 5.1 5.3 % 6 1.4 1.4 1.8 2 1.5 2.1 2.0 2.3 2.2 2.4 2.4 2.5 2.5 2.6 2.5 2.7 2.6 3.0 3 2.9 3.0 3.0 3.1 3.1 3.2 3.1 3.4 3.3 3.7 3.6 4 3.8 3.9 4.1 4.4 4.4 5 1 Su is s Co e ré Gr e Ho è c e ng rie C L e hili t to Po ni e r tu Es ga pa l M gn e ex iq u Is e ra Su ë l Be ède lg A u iqu e st ra Is li e la nd e It a F i li e nl a Au nde tr i OC che D No E 3 4 rv è Es ge Da ton ne ie m ar Ja k po Po n lo g Ir l n e Ét a n Ré at de spu bl P a Uni Ré iq y s pu u e s- B bl slo a s iq v u e aq tc u e hè No u v C qu e ell an e- ad Zé a la Sl nde ov A é Ro l l e m n i e ya ag u n Lu me e xe - U m ni bo u Fr r g an ce 0 Note : Cet indicateur correspond aux dépenses de santé courantes à l’exception des dépenses de soins de longue durée. Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2017. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933607687 Graphique 5.8. Dépenses de santé à la charge des patients par type de biens et services médicaux, 2015 (ou année la plus proche) % 100 3 9 3 7 16 14 13 80 7 16 21 6 8 14 Produits pharmaceutiques Appareils thérapeutiques¹ Soins dentaires Soins ambulatoires² Soins hospitaliers³ Autres 7 2 16 16 16 12 10 28 23 6 29 19 7 2 6 18 9 14 35 27 29 22 55 26 21 10 14 12 11 21 22 8 13 30 29 11 6 42 8 15 7 17 20 27 20 15 59 10 6 48 48 46 15 44 43 42 42 42 41 38 37 36 36 36 36 35 33 33 32 31 30 29 28 27 27 27 26 25 25 16 da 1 10 19 20 18 10 14 3 56 27 31 34 20 8 8 26 23 20 19 26 8 5 16 28 32 51 25 1 13 15 e 64 30 1 40 42 1 40 4 25 31 10 28 10 13 12 12 3 9 8 3 21 6 60 9 27 3 30 30 10 19 1 5 20 iq Ré pu bl bl pu Ré ue Jap slo on va q L e ue t to n Ro E s i e ya ton um i e eU Is ni la Au nde st ra l Fr i e an OC ce DE 31 Su èd Sl ov e én ie Is ra ë Gr l èc e It a F i li e nl an Es de pa gn e Co ré e Ir l Da and ne e m B e ar k lg iq No ue rv Pa ège ys A l -B a le m s ag Au ne tr i Po che r tu ga S Lu u l xe i s s m e bo ur g e rie ng Ho qu na hè iq ue tc gn Ca lo Po M ex iq ue 0 Cet indicateur correspond aux dépenses de santé courantes à l’exception des dépenses de soins de longue durée. 1. Inclut les produits ophtalmologiques, les appareils auditifs, les fauteuils roulants, etc. 2. Inclut les soins à domicile et les services auxiliaires (et les soins dentaires s’ils ne sont pas montrés séparément). 3. Inclut les soins de jour. Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2017. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933607706 PANORAMA DE LA SANTÉ 2017 © OCDE 2017 99 5. ACCÈS AUX SOINS Répartition géographique des médecins L’accès aux soins médicaux nécessite un nombre suffisant de médecins et une répartition géographique adéquate de ces derniers sur l’ensemble du pays. La concentration des médecins dans une région et des pénuries dans d’autres peuvent créer des inégalités d’accès aux soins de santé – un accroissement de la durée de déplacement ou des délais d’attente par exemple. La répartition inégale des médecins et les difficultés à les recruter et à les retenir dans certaines régions posent un problème majeur dans la plupart des pays de l’OCDE, en particulier ceux où il existe des zones isolées à faible densité de population, et des zones rurales et urbaines défavorisées. de les attirer et de les retenir dans les zones mal desservies, notamment des subventions à versement unique pour les aider à s’installer et des versements réguliers comme des garanties de revenu ou des primes (Ono et al., 2014). Plusieurs pays ont aussi instauré des mesures visant à encourager les étudiants originaires de régions mal desservies à s’inscrire en faculté de médecine. Le Japon a créé en 1973 l’Université de médecine Jichi dans l’objectif spécifique de former des médecins destinés à exercer dans les collectivités rurales, ce qui a concouru à améliorer l’accès aux soins dans les régions rurales mal desservies (Ikegami, 2014). Le nombre moyen de médecins par habitant varie d’un pays de l’OCDE à l’autre, allant de deux pour 1 000 habitants en Turquie, au Chili et en Corée, à plus de cinq pour 1 000 habitants en Grèce et en Autriche (voir les indicateurs sur les médecins au chapitre 8). Il varie aussi considérablement selon les régions d’un même pays (graphique 5.9). Dans de nombreux pays, on observe une forte densité de médecins dans les capitales ; c’est tout particulièrement le cas en Autriche, aux États-Unis, en Grèce, au Mexique, au Portugal, en République slovaque et en République tchèque. Les États-Unis affichent l’écart de densité médicale entre régions le plus prononcé, avec un rapport proche de un à cinq ; tandis qu’en Australie, en Belgique et en Coré il se situe seulement aux environs de 20 %. L’efficacité et le coût des différentes stratégies visant à promouvoir une meilleure répartition des médecins peuvent varier sensiblement, les résultats dépendant des spécificités de chaque système de santé, des caractéristiques géographiques de chaque pays, des comportements des médecins et de la conception des politiques et des programmes. Pour obtenir des résultats significatifs et durables, les mesures doivent être bien adaptées aux intérêts du groupe cible (Ono et al., 2014). La densité médicale est aussi systématiquement plus élevée dans les régions urbaines parce que c’est là que se concentrent les services spécialisés, comme la chirurgie, et que les médecins préfèrent exercer en ville. Il existe des disparités de densité médicale considérables entre les régions principalement urbaines et les régions rurales au Canada, en République slovaque et en Hongrie, bien que la définition des zones urbaines et rurales varie selon les pays. La répartition des médecins entre régions urbaines et rurales est plus uniforme au Ja po n e t en C o r é e, m a is le no m bre d e m é de c in s es t généralement inférieur dans ces deux pays (graphique 5.10). Les médecins sont parfois peu enclins à exercer en milieu rural pour des raisons professionnelles (revenus, horaires de travail, possibilités d’évolution professionnelle, manque de contact avec leurs confrères) et sociales (établissements scolaires pour leurs enfants et perspectives professionnelles pour leur conjoint). Plusieurs instruments d’action peuvent influencer le choix du lieu d’exercice des médecins, notamment : 1) l’offre d’incitations financières à l’installation dans les zones mal desservies, 2) l’inscription en plus grand nombre, dans les établissements de formation médicale, d’étudiants originaires de régions ou de milieux sociaux ciblés, ou la délocalisation de ces établissements, 3) l’encadrement de l’installation des médecins (pour tous les nouveaux médecins ou les médecins formés à l’étranger) et 4) la réorganisation des services de santé afin d’améliorer les conditions de travail des médecins dans les zones mal desservies. Dans de nombreux pays de l’OCDE, différentes sortes d’incitations financières ont été proposées aux médecins afin 100 Définition et comparabilité Les régions sont réparties en deux niveaux territoriaux. Le niveau supérieur (niveau territorial 2) englobe de vastes régions qui correspondent généralement aux régions administratives nationales. Ces régions peuvent être composées de populations urbaines, intermédiaires et rurales. Le niveau inférieur est constitué de régions plus petites, classées comme principalement urbaines, intermédiaires ou rurales, la classification des régions variant toutefois selon les pays. Les données portant sur la distribution géographique des médecins proviennent des Statistiques sur les régions de l’OCDE. Références Ikegami, N. (2014), « Factors Determining the Distribution of Physicians in Japan », Universal Health Coverage for Inclusive and Sustainable Development : Lessons from Japan, Banque mondiale, Washington, DC, http ://dx.doi.org/10.1596/978-14648-0408-3. OECD (2016), Health Workforce Policies in OECD Countries: Right Jobs, Right Skills, Right Places, Éditions OCDE, Paris, http:// dx.doi.org/10.1787/9789264239517-en. Ono, T., M. Schoenstein et J. Buchan (2014), « Geographic Imbalances in Doctor Supply and Policy Responses », Documents de travail de l’OCDE sur la santé, n° 69, Éditions OCDE, Paris, http ://dx.doi.org/10.1787/5jz5sq5ls1wl-en. PANORAMA DE LA SANTÉ 2017 © OCDE 2017 5. ACCÈS AUX SOINS Répartition géographique des médecins Graphique 5.9. Densité de médecins, par région de niveau territorial 2, 2015 (ou année la plus proche) Australie Autriche Belgique Canada Chili République tchèque Danemark Estonie Finlande France Allemagne Grèce Hongrie Israël Italie Japon Corée Lettonie Luxembourg Mexique Pays-Bas Nouvelle-Zélande Norvège Pologne Portugal République slovaque Slovénie Espagne Suède Suisse Turquie Royaume-Uni États-Unis Chine Lituanie Fédération de Russie Vienne Bruxelles Prague Copenhague Helsinki Mayotte Hambourg Région d'Athènes District Fédéral Région d'Oslo Lisbonne Bratislava Washington, DC Massachusetts Pékin St-Petersbourg 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Densité pour 1 000 habitants Source : Statistiques de l’OCDE sur les régions 2017. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933607725 Graphique 5.10. Densité de médecins dans les zones urbaines et rurales, 2015 (ou année la plus proche) Principalement urbaine Principalement rurale 1.3 2.2 2.4 2.3 2.4 2.0 1.0 2 2.6 2.3 2.0 2.2 2.7 3.8 3.9 3.9 4.2 3.6 2.7 2.7 2.8 3.2 3.2 4 3 4.2 4.4 3.8 4.2 4.2 5 4.4 4.7 5.0 5.1 6 5.4 5.7 6.8 Densité pour 1 000 habitants 7 1 ie qu Tu r Ja po n e ré Co da na Ca ra li e e ni t to st Au ce Le an Fr DE ni to 16 e OC e Es èd Su nl an de se Fi is Su e No rv èg rie ng l Ho ga r tu Po tc ue bl pu Ré Ré pu bl iq iq ue slo hè va qu qu e e 0 Source : Statistiques de l’OCDE sur les régions 2017. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933607744 PANORAMA DE LA SANTÉ 2017 © OCDE 2017 101 5. ACCÈS AUX SOINS Délais d’attente pour une chirurgie élective Les longs délais d’attente pour bénéficier de soins médicaux est un enjeu majeur des politiques de santé pour de nombreux pays de l’OCDE (Siciliani et al., 2013), mais moins important dans d’autres (Allemagne, Belgique, Corée, États-Unis, France, Japon, Luxembourg, Suisse). Les longs délais pour une chirurgie élective (non urgente), comme une opération de la cataracte, une arthroplastie de la hanche ou du genou, suscitent le mécontentement des patients car les bienfaits escomptés du traitement sont reportés, et la douleur et les handicaps perdurent. Ces délais résultent d’une interaction complexe entre la demande et l’offre de services de santé, les médecins jouant un rôle essentiel sur les deux plans. La demande de services de santé et de chirurgie élective est déterminée par l’état de santé de la population, l’évolution des technologies médicales (dont la simplification de nombreuses procédures, comme les opérations de la cataracte), les préférences des patients et la part des frais laissés à la charge des patients. Les médecins jouent un rôle central dans la mesure où ils traduisent le souhait des patients d’améliorer leur santé en une demande de soins médicaux. Du côté de l’offre, la disponibilité de différentes catégories de chirurgiens, d’anesthésistes ou d’autres personnels de santé intervenant dans les procédures chirurg icales, ainsi que l’existence des équipements médicaux nécessaires influent sur les taux d’activité chirurgicale. L’indicateur utilisé ici porte sur les délais entre le moment où un spécialiste ajoute un patient à la liste d’attente d’une intervention et le moment où celle-ci a lieu. Les graphiques présentent les délais moyens et médians. Comme certains patients attendent très longtemps, le délai médian est systématiquement et considérablement inférieur au délai moyen, et constitue peut-être une mesure plus fiable de la tendance centrale de l’indicateur. L’écart substantiel entre les deux mesures, surtout dans des pays comme le Chili, l’Estonie et la Pologne, met en lumière l’existence de groupes de patients problématiques qui attendent nettement plus longtemps que d’autres pour recevoir un traitement. En 2015, le délai moyen pour une opération de la cataracte était légèrement supérieur à 37 jours aux Pays-Bas, mais beaucoup plus long en Estonie et en Pologne (graphique 5.11) – 253 et 464 jours respectivement. Dans de nombreux pays, comme le Royaume-Uni, le Danemark, l’Espagne et le Chili, les temps d’attente sont restés relativement stables ces dernières années. Dans d’autres, comme le montre le graphique, les délais se sont généralement raccourcis au cours de la décennie écoulée, mais tendent à s’allonger depuis 2013. Le délai moyen pour une arthroplastie de la hanche était d’environ 42 jours aux Pays-Bas, contre 289 jours en Estonie et plus de 400 jours au Chili et en Pologne (graphique 5.12). Le délai médian était d’environ 41 jours au Danemark, de 49 jours en Italie et de 54 jours en Israël. Il atteignait entre 100 à 150 jours en Espagne, en Norvège, au Portugal et en Australie, et plus de 200 jours en Estonie, en Pologne et au Chili. Les délais d’attente pour une arthroplastie du genou sont similaires à ceux de l’arthroplastie de la hanche, si ce n’est les cas particuliers de l’Estonie et la Pologne qui affichent des chiffres encore plus élevés, le délai médian atteignant plus de 350 jours en Pologne (graphique 5.13). 102 Les garanties de délais sont devenues les mesures les plus fréquemment utilisées pour réduire les temps d’attente dans de nombreux pays. C’est le cas en Finlande, où la mise en place, en 2005, d’un système national de garantie de soin s’est traduite par une réduction des temps d’attente pour la chirurgie élective (Jonsson et al., 2013). En Angleterre, les statuts du NHS prévoient depuis avril 2010 un droit d’accès à certains services dans des délais maximum précis, ou autorisent le NHS à prendre toutes les dispositions nécessaires pour proposer une liste de prestataires de remplacement si cela n’est pas possible (Smith et Sutton, 2013). Ces garanties ne sont efficaces que si elles sont appliquées. Leur mise en œuvre peut s’effectuer selon deux approches : fixer des objectifs en matière de délais et tenir les prestataires de santé responsables de leur réalisation, ou bien, permettre aux patients de choisir d’autres prestataires de santé, y compris du secteur privé, s’ils doivent attendre au-delà d’un délai maximum (Siciliani et al., 2013). Définition et comparabilité Il existe au moins deux façons de mesurer les délais pour une intervention élective : 1) mesurer le temps d’attente des patients traités au cours d’une période donnée, ou 2) mesurer le temps d’attente des patients figurant encore sur la liste d’attente à un moment donné. Les données présentées ici concernent la première catégorie de mesure (les données obtenues avec la seconde sont disponibles dans la base de données de l’OCDE sur la s a n t é ) . E l l e s p rov i e n n e n t d e b a s e s d e d o n n é e s administratives, et non d’enquêtes. Les délais d’attente sont présentés sous forme de délais moyens et de délais médians. La médiane est la valeur qui sépare une distribution en deux parties égales (ce qui signifie que la moitié des patients attendent plus longtemps, et l’autre moitié moins longtemps). Par rapport à la moyenne, la médiane minimise l’influence des cas extrêmes (des patients avec des délais d’attente extrêmement longs). Références Jonsson, P.M. et al. (2013), « Finland », Waiting Time Policies in the Health Sector : What Works?, Études de l’OCDE sur les politiques de santé, Éditions OCDE, Paris, http ://dx.doi.org/ 10.1787/9789264179080-10-en. Siciliani, L., M. Borowitz et V. Moran (2013), Waiting Time Policies in the Health Sector : What Works?, Études de l’OCDE sur les politiques de santé, Éditions OCDE, Paris, http ://dx.doi.org/ 10.1787/9789264179080-en. Smith, P. et M. Sutton (2013), « United Kingdom », Part II, Chapter 16 in Waiting Time Policies in the Health Sector : What Works?, Études de l’OCDE sur les politiques de santé, É d i t i o n s O C D E , P a r i s , h t t p : / / d x . d o i . o rg / 1 0 . 1 7 8 7 / 9789264179080-19-en. PANORAMA DE LA SANTÉ 2017 © OCDE 2017 5. ACCÈS AUX SOINS Délais d’attente pour une chirurgie élective Graphique 5.11. Temps d’attente pour une chirurgie de la cataracte, moyennes et évolution, 2015 Médiane Moyenne Pays-Bas Estonie Portugal Jours 500 414 464 Jours 500 Finlande 400 253 400 132 96 82 83 105 95 117 99 103 89 104 93 89 103 200 100 n.d 15 20 14 20 13 20 12 20 11 10 20 09 08 07 20 20 20 20 05 20 ys Pa 06 0 20 74 73 64 87 43 88 59 72 58 300 -B as It a l R C ie No oya ana u v um d a ell e e- U Z é ni Da land ne e m Ho ar k ng Au rie st ra li e Ch F i ili nl a Po nde r tu Es gal pa N o gn e rv OC ège DE 16 Is r Es aël to Po ni e lo gn e 0 n.d 100 n.d 37 24 50 200 97 128 300 Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2017. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933607763 Graphique 5.12. Temps d’attente pour un remplacement de la hanche, moyennes et évolution, 2015 Moyenne Médiane Royaume-Uni 410 200 100 70 n.d 50 15 20 14 20 13 20 12 20 11 10 20 09 08 20 20 20 07 20 05 No 20 06 0 20 79 97 94 108 114 n.d 42 41 55 76 75 49 79 54 91 92 150 Pa ys Da -B a uv n s el em le -Z ark él an de It a li e Is ra Ro C a ë l ya na um d a eF i Uni nl a Au nde st r Po a li e r tu No gal rv è Ho ge n E s gr i e pa O C gn e DE Es 16 to Po ni e lo gn e Ch ili n.d 100 116 135 125 145 200 146 130 150 115 159 202 300 237 290 243 400 0 Finlande Nouvelle-Zélande Jours 250 405 Jours 500 Danemark Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2017. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933607782 Graphique 5.13. Temps d’attente pour un remplacement du genou, moyennes et évolution, 2015 Moyenne 541 100 50 15 20 14 20 13 20 12 20 10 11 20 09 08 20 20 20 07 06 0 20 n.d. 150 05 200 208 226 124 204 188 137 143 182 158 175 129 77 109 n.d. 83 104 78 78 42 75 Pa ys Da -B a ne s m No ar uv k ell It e - a li Z Ro é l e ya an um d e eU C a ni na F i da nl an de Is ra No ël rv è OC ge DE Au 15 st r E s a li e pa Po gn e r tu Ho gal ng r Es ie to n Po ie lo gn e 0 49 60 100 n.d. 42 200 110 126 300 Royaume-Uni 200 286 400 357 393 500 Canada Nouvelle-Zélande Jours 250 20 Jours 600 Australie 20 Médiane Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2017. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933607801 PANORAMA DE LA SANTÉ 2017 © OCDE 2017 103 6. QUALITÉ ET RÉSULTATS DES SOINS Vécu des patients en soins ambulatoires Prescriptions dans le cadre des soins primaires Admissions évitables à l’hôpital Traitement du diabète Mortalité après un accident vasculaire cérébral Mortalité après un infarctus aigu du myocarde (IAM) Taux de mortalité hospitalière Délais d’attente pour une opération après une fracture de la hanche Complications chirurgicales Traumatismes obstétricaux Soins aux personnes atteintes de troubles mentaux Cancer du sein : dépistage, survie et mortalité Cancer colorectal : survie et mortalité Leucémie chez les enfants : survie et mortalité Vaccinations Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem-Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international. PANORAMA DE LA SANTÉ 2017 © OCDE 2017 105 6. QUALITÉ ET RÉSULTATS DES SOINS Vécu des patients en soins ambulatoires La prestation de services de santé adaptés et centrés sur le patient occupe une place grandissante dans les politiques de santé des pays de l’OCDE. Partout, le recours à l’usager des services de santé comme source d’information directe se développe. Depuis le milieu des années 90, les pouvoirs publics s’emploient à institutionnaliser l’évaluation et le suivi du vécu des patients. L’évaluation et le suivi de leur parcours responsabilisent les patients et les citoyens, les associent aux décisions relatives à la prestation et à la gouvernance des services de santé, et indiquent dans quelle mesure ils maîtrisent leurs problèmes de santé et les traitements qu’ils reçoivent. Dans de nombreux pays, des organismes ont été créés, ou des institutions existantes ont été désignées, pour prendre en charge l’évaluation et la notification de leur parcours. Ceux-ci mettent au point des outils d’enquête afin de recueillir régulièrement des données sur le vécu des patients, et élaborent des procédures normalisées pour leur analyse et leur communication. Un nombre croissant de pays collectent des mesures du vécu déclaré par les patients (Patient-reported Experience Measures, ou PREM), mais aussi des mesures des résultats déclarés par les patients (Patient-reported Outcome Measures, ou PROM) qui rassemblent des informations sur la perception qu’ont les patients de leur état pathologique particulier et de leur santé en général, notamment du point de vue de la mobilité, de la douleur/inconfort et de l’anxiété/ dépression, avant et après une intervention médicale donnée – cancer et arthroplastie de la hanche et du genou, par exemple. Étant donné l’importance que revêt l’avis de la population pour perfectionner les systèmes de santé et améliorer la qualité des soins, les travaux internationaux visant à établir des mesures reposant sur les déclarations des patients et à en assurer le suivi se sont intensifiés ces dernières années (OCDE, 2017a; OCDE, 2017b). Les pays utilisent différemment les données déclarées par les patients pour améliorer la qualité des systèmes de santé. Pour renforcer la responsabilisation et la transparence des prestataires, et ainsi rehausser la qualité des services de santé, de nombreux pays publient les données relatives au parcours des patients dans des rapports périodiques sur le système de santé national ou sur des sites web publics, en indiquant les différences entre prestataires, entre régions, et leur évolution dans le temps. La Norvège utilise les indicateurs du vécu des patients dans le cadre de leurs mécanismes de paiement ou pour financer les allocations destinées à encourager l’amélioration de la qualité et les soins centrés sur les patients. L’Australie, le Canada, le Danemark, la France, le Royaume-Uni et la République tchèque s’en servent pour informer les autorités de réglementation de la santé à des fins d’inspection, de réglementation et/ou d’accréditation. Les indicateurs fondés sur les déclarations des patients sont également utilisés dans certaines régions du Canada, au Danemark, en France et aux Pays-Bas pour faire remonter des informations précises en vue d’améliorer la qualité des prestataires (Fujisawa et Klazinga, 2017). Les patients se déclarent généralement satisfaits de la communication et de l’autonomie dans le système de soins ambulatoires. Dans tous les pays, ils se disent en majorité satisfaits du temps passé avec le médecin (graphique 6.1), de la clarté des explications fournies (graphique 6.2), et de leur participation aux décisions relatives aux soins et au traitement (graphique 6.3). Sur ces trois points, la Belgique et le Luxembourg sont bien notés, plus de 95 % des patients faisant 106 part d’une expérience positive, la Pologne obtenant par contre des notes inférieures : par exemple, un patient sur deux seulement déclare avoir été informé des soins et du traitement durant la consultation. Le Japon aussi est mal noté en ce qui concerne la perception par le patient du temps passé avec le médecin, qui est au moins partiellement du fait du nombre élevé de consultations, par habitant et par médecin (voir l’indicateur « Consultations de médecins » au chapitre 9). Dans plusieurs pays, la proportion de patients portant un jugement favorable sur leur expérience a diminué ces dernières années. En Pologne, par exemple, le pourcentage de patients satisfaits du temps passé avec le médecin a baissé entre 2010 et 2016. D’autres pays, comme l’Australie, l’Estonie et la Suède, ont en revanche amélioré certains aspects du vécu des patients dernièrement. Définition et comparabilité Pour mesurer et suivre le vécu global des patients dans le système de santé, l’OCDE recommande de recueillir des informations sur l’expérience des patients dans le cadre de soins dispensés par un médecin d’un service ambulatoire. Un nombre croissant de pays recueillent des données sur la base de cette recommandation dans le cadre d’enquêtes représentatives de la population à l’échelle nationale, alors que le Japon et le Portugal les collectent par sondage auprès des utilisateurs de services représentatifs au niveau national. La moitié environ des pays présentés recueillent toutefois les données relatives au vécu des patients avec leur médecin traitant. Onze pays ont pris pour source les enquêtes internationales sur les politiques de santé 2010 et 2016 du Commonwealth Fund, malgré les critiques concernant la taille de l’échantillon et le taux de réponse. Les données de ces enquêtes portent sur l’expérience des patients avec leur médecin traitant plutôt qu’un autre médecin. En 2016, les Pays-Bas, qui participent à cette enquête, ont mis au point une enquête nationale auprès de la population qui a donné lieu à une amélioration des taux de réponse et de la qualité des données. Les données ont été standardisées selon l’âge et le sexe sur la base de la population de l’OCDE en 2010, afin de neutraliser l’incidence des différentes structures de population d’un pays à l’autre. Références Fujisawa, R. et N. Klazinga (à paraître), « Measuring Patient Experiences (PREMs): Progress Made by the OECD and its Member Countries 2006-15 », Documents de travail de l’OCDE sur la santé, Éditions OCDE, Paris. OCDE (2017a), « Déclaration ministérielle: La prochaine generation des réformes de la santé », Réunion ministérielle de l’OCDE sur la santé, OCDE, Paris, www.oecd.org/health/ ministerial/ministerial-statement-2017.eps. OCDE (2017b), « Patient-reported Indicators Survey (PaRIS) », OCDE, Paris, www.oecd.org/health/paris.htm. PANORAMA DE LA SANTÉ 2017 © OCDE 2017 6. QUALITÉ ET RÉSULTATS DES SOINS Vécu des patients en soins ambulatoires Graphique 6.1. Durée de consultation avec le médecin suffisamment longue, 2010 et 2016 (ou année la plus proche) 2016 97.5 97.2 95.5 86.7 89.6 88.3 86.6 86.0 84.7 84.0 81.3 80.8 79.3 85.4 78.8 59.6 72.9 77.9 75 94.1 2010 91.7 Intervalles de confiance 2016 Taux standardisés par âge et sexe pour 100 patients 100 se e² Zé la nd Po e ² r tu ga l Es ¹ to n Au ie¹ st ra P a li e ² ys -B a Ré Lu x em s ² pu bo bl iq u e ur g ¹ tc hè qu Be e¹ lg iq ue ¹ Su is ne ell No uv Ro ya Al le m Is ag ra ² ë l¹ i² ² Un e- um Fr OC an DE ce 18 ² ² is Un s- at Ét No Ca na èg rv da e² e¹ Co ré e² èd Su gn Po lo Ja po n¹ 25 e¹ , ² 39.0 50 Note : Les intervalles de confiance à 95% ont été calculés pour tous les pays, représentés par les surfaces grises. 1. Sources nationales. 2. Les données se rapportent au vécu des patients avec leur médecin traitant. Source : Commonwealth Fund, Enquête internationale sur les politiques de santé 2016 et autres sources nationales. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933607820 Graphique 6.2. Clarté des explications fournies par le médecin, 2010 et 2016 (ou année la plus proche) Intervalles de confiance 2016 2010 2016 97.8 97.4 96.9 96.3 96.2 93.5 93.4 90.7 90.6 89.5 89.4 89.1 89.0 88.9 85.9 83.7 75 82.9 69.5 85.8 87.1 Taux standardisés par âge et sexe pour 100 patients 100 50 iq lg bo Ré No pu bl iq Lu xe Be m ys ue ¹ g¹ ² ur as -B ga r tu Pa Po hè l¹ e¹ qu li e ra ue tc st Ja Au Su ya Ro ell uv ² n¹ se is po ² i Un um at Ét e- Un ra Is s- nd is ë l¹ e² ² eZé Ca la na da 17 e¹ DE OC Co ré ne ² e¹ Al le Es m to ag ni e² e² èg No rv èd Su Po lo gn e¹ , ² 25 Note : Les intervalles de confiance à 95% ont été calculés pour tous les pays, représentés par les surfaces grises. 1. Sources nationales. 2. Les données se rapportent au vécu des patients avec leur médecin traitant. Source : Commonwealth Fund, Enquête internationale sur les politiques de santé 2016 et autres sources nationales. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888933607839 Graphique 6.3. Participation aux décisions portant sur les soins et le traitement, 2010 et 2016 (ou année la plus proche) Intervalles de confiance 2016 2010 2016 95.6 95.1 90.9 88.9 87.8 87.6 87.1 86.5 84.6 83.1 82.2 81.8 84.3 81.8 79.5 79.0 79.0 75 87.9 Taux standardisés par âge et sexe pour 100 patients 100 47.9 50 xe m bo ur g¹ ue ¹ iq Lu Be lg ga r tu Un Po e- l¹ i² ² li e ra ya um st Ro ell Au la nd e² ² ne eZé m le Al uv No ys Pa ag -B se as ² ² ² is Un s- at Ét Su is ² da na Ca OC DE 16 ë l¹ ra Is e¹ Co hè tc ue iq bl pu Ré ré e¹ qu e¹ ni e² Es to èd Su èg rv No Po lo gn e² e² 25 Note : Les intervalles de confiance à 95% ont été calculés pour tous les pays, représentés par les surfaces grises. 1. Sources nationales. 2. Les données se rapportent au vécu des patients avec leur médecin traitant. Source : Commonwealth Fund, Enquête internationale sur les politiques de santé 2016 et autres sources nationales.
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8,189
12,695
Voici par ailleurs, ce que propose Tokitsu (1979), sous forme de schéma, comme explication de cette notion spécifique que décrit aussi Hall (1971), le « maaï ». Le « maaï », ou distance spatiale entre les combattants se complète d'une seconde notion, pour Tokitsu (1979), celle de « hyoshi » ou cadence / rythme, qui est pour nous l'indice de comportements moteurs agressifs praxiques. Figure 1. Représentation de la notion de « maaï » selon Tokitsu (1979). YOMI : Prévision MAAI : Distance spatiale Intervalle temporel Temporalité HYOSHI : cadence, rythme Technique et force physique Dans ce schéma, Tokitsu interprète comment selon les pratiques martiales, se vivent les notions de distance et le « maaï » décrit par Hall, en représentation des distances d'interactions sociales entre les individus. Dans sa démarche d'apprentissage, le karatéka devra aborder la distance le séparant de ses partenaires / adversaires comme quelque chose d'obligatoirement mouvant, et devra accepter l'échange produit sous formes d'exercices variés proposés par cette activité. Présentation du second volet de la grille d'observation, montée selon les travaux de Hall (1971) : 164 Table au 13. Grille d ' observation des agressivités illicites, instrumentales et affectives. ECHELLE 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 N° Menacer / insulter en reculant Menacer / insulter à distance publique: 3,60 m et plus Menacer / insulter à distance sociale: 1,20 m à 3,60 m Menacer / insulter à distance personnelle: 45 cm à 1,20 m Menacer / insulter à distance intime: contact à 45 cm Menacer / insulter à distance personnelle ou intime en criant Menacer / insulter à distance personnelle ou intime en hurlant Frapper un partenaire d'entraînement, hors situation praxique Frapper un partenaire d'entraînement à plusieurs reprises, hors situation praxique Frapper un partenaire d'entraînement à plusieurs reprises malgré sa demande d'arrêter ou sa mise hors combat, hors situation praxique Montée et utilisée en parallèle de la grille permettant l'observation des agressivités praxique, kinésique et des saluts, celle-ci permet selon les cas de relever des comportements agressifs jugés non permis et donc illicite dans le cadre de la pratique du karaté. Elle s'inspire à la fois, et comme cités ci-dessus, des travaux de Hall et Tokitsu, tout en interpellant les principes de distances liés aux surfaces de pratiques et de combat des karatékas, en lien avec les assauts conventionnels ou libres qu'ils pratiquent, tels que nous venons de le voir dans le présent chapitre sur le matériel et les méthodes. Afin de conclure cette seconde partie et en complément des éléments apportés plus haut quant au cadre institutionnel de cette pratique et les processus décrits par la FFKDA dans le cas de la pratique carcérale, les enseignements de karaté réalisés à la Maison d'Arrêt de Fresnes sont d'aspects plus traditionnels et en conséquence, moins ancrés dans la tendance actuelle exprimée par le karaté et sa sportivisation, ou sportification pour Elias & Dunning (1994). Ici point de recherche de compétition pour elle-même (l'enjeu dépassant ou pouvant dépasser le principe du jeu), ni de performance, mais bien une pratique physique exercée pour soi, en vue d'un objectif personnel de poursuite de la construction identitaire, voire d'objectif collectif, soit voulu par l'administration pénitentiaire, soit voulu par le détenu, ou les deux. 165 Cette pratique ayant toujours en ligne de mire un objectif terminal visé par l'administration pénitentiaire, celui d'une possible réinsertion. Et encore une fois, si les propos de détenus pratiquant le karaté dans les travaux de Gras (2003, 2005) et Marie Louise (2014) tendent à reconnaître ce fait que le karaté peut nous mener vers un meilleur vivre ensemble, dire n'est pas faire, et il nous faudra l'illustrer par la preuve d'observations réalisées. 166 4. Résultats après 271 observations (réalisées en association et en détention): Ceux-ci ont été obtenus à l'aide du traitement statistique réalisé sur le logiciel Sphinx. Les observations sont au nombre de 77 pour les détenus, 6 pour les extérieurs et 188 pour les pratiquants. Des différences de moyennes sont relevées, et la plupart sont significatives. 4.1. Concernant l'agressivité des actions lancées, on observe: détenus < extérieurs < pratiquants. La comparaison faite des moyennes des modalités détenus et pratiquants en club indiquent pour les actions lancées : 0,86 (détenus ; écart type = 1,17) / 1,71 (pratiquants ; écart type = 0,58). La différence est donc très significative (t=6,13 ; 1-p=>99.99%). La comparaison complémentaire des moyennes des modalités détenus et extérieurs (en prison) montre une différence non significative (t=1,00 ; 1-p=67,7%) avec 0,86 (détenus) / 1,17 (extérieurs). Enfin, la comparaison des moyennes des modalités extérieurs (en prison) et pratiquants en club donne 1,17 (extérieurs) / 1,71 (pratiquants) ce qui représente une différence peu significative (t=1,91 ; 1-p=94,5%). Les détenus ont moins d'agressivité dans leurs actions que les pratiquants en club. Les extérieurs sont un peu plus agressifs que les détenus, même si la différence n'est pas significative du fait de leur petit nombre. Tableau 14. Observations réalisées et traitées en matière d'agressivité praxique. Caté gor ie de pr atiquants Actionslancé e s Détenus 0,86 Ex térieurs (en pris on) 1,17 Pratiquants en c lub 1,71 TOTAL 1,45 Le tableau ci-dessus exprime les observations de l'ensemble des actions lancées exprimées en « kihon » seul ou ciblé, en assauts conventionnels ou libres et en « kata », pour des publics détenus et associatifs des 2 sexes. Ils montrent des écarts significatifs selon les publics observés. 4.2. Concernant l'agressivité des « kiaïs », on observe: détenus < extérieurs < pratiquants. La comparaison faite des moyennes des modalités détenus et pratiquants en club indiquent pour les « kiaïs » : 0,30 (détenus ; écart type = 1,08) / 1,42 (pratiquants ; écart type = 0,81). La différence est donc très significative (t=8,29 ; 1-p=>99.99%). La comparaison des moyennes des modalités extérieurs (en prison) et pratiquants en club donne 1,33 (extérieurs) / 1,42 (pratiquants) ce qui représente une différence non significative (t=0,28 ; 1-p=22,9%). Au niveau des « kiaïs », la différence devient flagrante et les détenus ont beaucoup moins d'agressivité que les pratiquants en club. Les extérieurs remontent (par rapport aux actions lancées) à un niveau d'agressivité proche des pratiquants en club. Il se retrouve ici l'aspect du cri en tant que réflexe conditionné et donc moins maîtrisé. Il est possible de supposer qu'étant donné que pour les détenus, crier a une connotation interdite en détention, ils ne s'expriment donc pas à ce niveau. Tableau 15. Observations réalisées et traitées en matière d 'agressivité kinésique. Caté gor ie de pr atiquants Kiaïs Détenus 0,30 Extérieurs (en prison) 1,33 Pratiquants en club 1,42 TOTAL 1,10 Le tableau ci-dessus exprime les observations de l'ensemble des « kiaïs » exprimés en « kihon » seul ou ciblé, en assauts conventionnels ou libres et en « kata », pour des publics détenus et associatifs des 2 sexes. Ils montrent des écarts significatifs selon les publics observés. 4.3. Concernant le respect des saluts, on observe: pratiquants < extérieurs < détenus. La comparaison faite des moyennes des modalités détenus et pratiquants en club indiquent pour les saluts : -0,81 (détenus) / -2,00 (pratiquants). La différence est donc très significative (t =10,1 ; 1-p=>99.99%). Pour finir, la comparaison des moyennes des modalités extérieurs (en prison) et pratiquants en club donne -1,67 (extérieurs) / -2,00 (pratiquants) ce qui représente une différence peu significative (t=1,7 ; 1-p = 91,4%). Les détenus respectent bien moins la forme du salut que les pratiquants en club, pour lesquels le respect est absolu. Les extérieurs sont entre les deux catégories, sans doute avec un salut non agressif intégré mais influencés par le manque de civilité des détenus. Tableau 16. Observations réalisées et traitées en matière de civilités et de saluts. Caté gor ie de pr atiquants Saluts Détenus -0,81 Extérieurs (en prison) -1,67 Pratiquants en club -2,00 TOTAL -1,65 Le tableau ci-dessus exprime les observations de l'ensemble des saluts réalisés avant et après les pratiques de « kihon » seul ou ciblé, d'assauts conventionnels ou libres et de « kata », pour des publics détenus et associatifs des 2 sexes. Ils montrent des écarts significatifs selon les publics observés. Les commentaires pouvant illustrer ces résultats sont les suivants : pour les actions lancées comme pour les « Kiaïs », on observe le phénomène suivant: les détenus sont moins agressifs que les extérieurs, qui le sont à leur tour moins que les pratiquants. Si on compare les extérieurs et les détenus, une différence particulièrement significative concerne les « Kiaïs », comme si le cri était finalement un « réflexe conditionné » ou automatisme moins contrôlable que l'action motrice elle-même. Quant aux saluts, les extérieurs semblent à nouveau se rapprocher du comportement des détenus, c'est-à-dire être moins civils que les pratiquants en club. et Tableau 17. Récapitulatif des observations réalisées et traitées en matière d'agressivité praxique, kinésique et de salut. Actions lancées Détenus Kiaïs Extérieurs Pratiquants Saluts -3 -2 -1 0 1 2 Ce tableau récapitulatif fait nettement apparaitre les écarts significatifs, à la fois entre les typologies de pratiquants, et à la fois entre les items observés. Il nous offre, sur une même figure, la possibilité d'observer que les détenus s'engagent très significativement moins, à la fois dans les formes d'agressivités mises en jeu dans la pratique du karaté que ne le font les pratiquants associatifs, et à la fois dans la pratique des saluts pour lesquels ils ont moins de respect et considération que les pratiquants associatifs. 4.4. Résultats des 12 questionnaires remplis par des détenus et traitant de la pratique du karaté et de l'agressivité en détention . La tendance générale observée des résultats de ces questionnaires remplis par les détenus de façon anonyme, conduit sous réserve de deux points importants, à des éléments intéressants au regard d'une justification de cette pratique au sein de la Maison d'Arrêt de Fresnes. Premier point de réserve : le dire présenté par les détenus peut révéler des informations contradictoires avec les observations réalisées, et n'être ainsi que « question de point de vue » ou « doxa », c'est-à-dire, ne pas révéler d'élément susceptible de répondre à la présente question de thèse. 171 Second point de réserve : le trop faible nombre de questionnaires restitués conduit le traitement des réponses à ne pas pouvoir livrer de catégories possibles de détenus, comme autant de profils possibles, de tendances découlant de cette étude. Cependant, le traitement de ces questionnaires fait apparaitre les points suivants : - Au plan individuel, 10 détenus sur 12 affirment que le karaté leur est bénéfique (sur le plan de la santé, pour 10 d'entre eux, du mental pour 4, pour les canaliser pour 4, et pour engendrer une baisse des soucis, pour 1). 2 détenus ne livrent pas de réponses. - Au plan des relations aux autres, 8 détenus déclarent que le karaté est bénéfique et améliore leur capacité à entrer en relation avec les autres, ou améliore leurs relations avec les autres. 1 détenu juge que le karaté est sans effet quant à cela, et 2 autres ne livrent pas de réponses. - Concernant les questions de la maîtrise de soi et de l'agressivité, les réponses sont les suivantes : 11 détenus considèrent qu'il faut savoir se maîtriser en vue de donner ou porter une attaque ou une technique à l'autre, contre 1 qui ne le pense pas. Quant au fait de prendre une attaque ou une technique, 10 pensent qu'il faut savoir se maîtriser, contre 1 détenu qui pense que non et 1 qui ne livre pas de réponse. Pour ce qui est de l'agressivité, porter des attaques n'implique pas d'être agressif pour 11 détenus contre 1 qui ne livre pas de réponse, et 9 détenus estiment que dans le fait de recevoir une attaque, il n'est pas nécessaire d'avoir un comportement agressif contre 3 qui ne livrent pas de réponse. - Concernant la considération de leur propre agressivité, sur une échelle de 1 (très peu agressif) à 5 (très agressif), la moyenne des détenus donne 1,5, avant le début du karaté, contre 1,16, depuis qu'ils ont commencé le karaté. 172 - 10 détenus souhaitent, durant leur incarcération, poursuivre le karaté. 1 détenu ne le souhaite pas et 1 détenu ne livre pas de réponse. Au sortir de l'incarcération, 6 détenus désireraient poursuivre, contre 4 qui déclarent non et 2 qui ne livrent pas de réponse. - Sur une échelle de 1 (peu signifiant) à 5 (très signifiant), voici le sens que les détenus donnent du karaté : se dépenser est ce qui fait le plus sens pour eux, avec une moyenne de 4. Vient ensuite le fait de vivre en groupe et de développer une éthique personnelle, avec 3,4 pour ces deux faits, puis seulement se défendre avec 2,9 et vivre selon une philosophie pour 2,6. - Enfin, et toujours sur une échelle de 1 à 5, la définition qu'ils donnent du karaté révèle les points suivants : le karaté est avant tout pour eux un équilibre et une maîtrise du corps et de l'esprit, pour une valeur de 4, puis vient avec 3,8 la maîtrise de soi, 3,5 pour le fait de développer une éthique personnelle, 3,4 pour le fait de vivre selon une philosophie commune à tous les pratiquants et 2,8 pour pratiquer un art martial. Les résultats liés au traitement des questionnaires permettent de plus, un certain nombre d'interprétations complémentaires : Au plan individuel et de la vie collective, le résultat de ces questionnaires penche en la faveur de la pratique du karaté en détention, les détenus décrivant ce qui leur apparait comme étant des bienfaits, individuellement, sur le plan de la santé et du bien-être, et collectivement par la mise en oeuvre de cette activité socio-motrice. Par rapport à la question de la maîtrise de soi et de l'agressivité, il est intéressant de noter que les détenus considèrent, connaissant ou subodorant des éléments de logique interne de l'activité, qu'il leur faut à la fois maîtriser des paramètres liés au comportement et au fait de ne pas frapper, et à la fois d'autres paramètres liés au fait de maîtriser des habiletés motrices en vue de réussir à atteindre cet objectif du savoir ne pas frapper, c'est à dire exercer un 173 contrôle moteur au cours des réalisations d'actions motrices. On peut en effet lire dans leurs entretiens et dans les observations qui sont faites de leur pratique ce double savoir : savoir maîtriser sa motricité en vue de ne pas frapper, et savoir se maîtriser au niveau comportemental pour réaliser cet objectif qui tient autant de l'action motrice que d'un aspect conatif. Quant à la question de l'agressivité, et à l'inverse de ce que nous mettons en avant dans le cadre théorique, les détenus ne reconnaissent pas cette activité comme permettant la pratique de certaines formes d'agressivités (nous les appelons praxique, kinésique, entre autres). Des notions indéfinies et parfois floues continuent à être utilisées en la matière, et il semble encore une fois répandu – du moins chez les détenus, de consid que cette activité abaisse l'agressivité de qui la pratique. Après la pratique du karaté, peut-être. Pourtant, rien ne semble moins sûr. Enfin sur les deux questions en lien avec des systèmes de valeurs vécus ou envisagés, il est particulièrement intéressant de constater que le sens donné au karaté par les détenus est avant tout un sens lié à l'exercice physique personnel. L'autre n'y entre en considération qu'après cette notion. Peut-être peut-on y voir la trace d'une explication de la moindre importance donnée aux détenus aux saluts que le karatéka doit exprimer à ses partenaires, vis-à-vis des pratiquants en club. 5. Discussion : 5.1. Discussion des résultats des observations. En association, on observe dans le cadre de la pratique du karaté une forte agressivité praxique et kinésique et une grande civilité, tandis qu'en détention, on observe moins d'agressivité praxique et kinésique et moins de civilité. Va-t-on dès lors interpréter ces résultats à la lumière des travaux de Lamarre & Nosanchuk (1999) : s'agit-il d'un abaissement de l'agressivité, vu de manière générale? Va-t-on plutôt les interpréter en suivant le cours les travaux Collard et Oboeuf (2007), c'est-à-dire en interrogeant la logique interne et propre à l'activité karaté où, « l'agressivité, bien que maîtrisée, est suscitée », Collard (2004). A la faveur de ces observations, nous optons pour une acceptation de règles collectivement partagées, certes, mais plutôt qu'une atténuation des conduites agressives, la sollicitation de celles-ci en vue d'intégrer la logique même de cette activité et de réaliser ses apprentissages psycho et socio-moteurs. Les résultats paraissent en effet confirmer les travaux de Collard & Oboeuf (2007) – le sport, et ici le karaté en particulier, selon sa logique interne (activité de combat d'opposition d'origine okinawaienne et japonaise), conduit à assumer de pratiquer plus ou moins de formes d'agressivité différentes (praxique, kinésique), plutôt que de nous en éloigner. Dès lors, point n'est question de reconsidérer l'agressivité sous l'angle de son sens communément admis. En sport il ne s'agit d'un quelconque comportement que l'on essaye de fuir ou de contrôler, mais bien d'un comportement utile et exprimé. On observe seulement que les détenus s'investissent moins dans ce comportement praxique ou kinésique requis par la pratique du karaté que les pratiquants du milieu associatif. Si ces résultats semblent indiquer une moindre agressivité en lien avec la pratique en détention, ils font aussi montre d'une civilité elle aussi moindre que dans le cadre associatif (peut-on invoquer la défiance du détenu vis-à-vis de son environnement? Les parcours de chacun les ayant conduits en détention?). Ceux-ci ne vont cependant pas à l'encontre des travaux de Gras (2003, 2005) qui démontrent combien l'activité physique et le sport sont des éléments moteurs du (re)façonnage identitaire en détention, tant individuel que social. Revenant aux définitions philosophiques dont nous avons pu aborder certains points de vue pour le moins contradictoires sans pour autant nous montrer exhaustifs en la matière, nous pouvons là encore affirmer que nous devons en matière de pratique sportive et plus spécifiquement de karaté, faire le choix de nous éloigner des apports qu'elle peut provoquer, pour rester centrer sur le domaine d'intervention qui est le nôtre : celui de l'action motrice. 5.2. Discussion et croisement des résultats entre observations et questionnaires. En parallèle de ces observations, il importe de comparer les faits observés avec ceux des questionnaires, pour en tirer peut être des perspectives de travaux ultérieurs. Sans oublier que le faible nombre de questionnaires induit une improbabilité à asseoir des résultats totalement fiables. Si sur le plan individuel, les détenus déclarent dans leur grande majorité retirer des bénéfices à pratiquer le karaté, on peut, peut-être par raccourci, qualifier cela de tautologie. Ils pratiquent parce ce que c'est bon pour eux et c'est par ce que c'est bon qu'ils pratiquent. Cet élément n'apporte rien de substantiel à la présente discussion. Il faut cependant considérer cet élément comme sujet révélant une possible confusion, comme vu en partie résultats : celle de la notion d'agressivité. Selon les définitions retenues dans la partie cadre théorique, si nous envisageons des bienfaits à la pratique sportive et pourquoi pas, à celle du karaté, ce que nous aborderons dans la partie conclusion, nous reconnaissons néanmoins que l'on ne peut considérer cette activité comme étant non productrice d'agressivité. Le paradigme sur lequel nous nous situons étant celui de la pratique sportive et de la logique de l'activité pratiquée. Sur le plan du vivre ensemble, la grande majorité de témoignages en faveur de cet élément, s'il peut être vu comme tautologique là encore, du fait de leur venue, ne confirme ni n'infirme les résultats observés. Les détenus déclarent que la maîtrise de soi est un corrélat de la pratique du karaté. En cela on peut dire qu'ils ont intégré ce que les éléments de praxéologie motrice témoignent de cette activité, tant en matière d'organisation motrice, que de lecture et d'application de ses réglementations. Cependant, concernant la question de l'agressivité, les éléments livrés par les détenus, et qui précisent que selon la grande majorité d'entre eux, il n'est pas nécessaire d'être agressif pour pratiquer le karaté, révèlent un non-sens. Dans son organisation praxique, le karaté impose des mises en pratique d'agressivité praxique et kinésiques – licites comme vues en partie « matériel et méthode », mais rejette des pratiques d'agressivité instrumentales ou affectives – illicites. A ce sujet, seul le détenu livrant son point de vue sur le fait du besoin d'être agressif pour pratiquer se trouve avoir raison. A condition encore une fois de redéfinir ce concept d agressivité, tant sportivement, socialement et institutionnellement. Qui plus est, les observations démontrent que les formes d'agressivités, même si elles diffèrent quantitativement entre détenus et pratiquants associatifs, ne conduisent pas à des formes d'agressivités sortant du cadre et des codes de pratique sportive du karaté. Cela se remarque 177 dans la partie traitant de la seconde grille d'observation, à partir des travaux de Hall (1971) et Tokitsu (1979). Les observations sont à ce titre doublement intéressantes, tant elles pointent du doigt la nécessité pour le sport de monter ses propres outils d'observations et d'évaluations des phénomènes que l'on souhaite observer – du sport, et tant elles peuvent nous livrer, ici, dans le cadre de ces travaux, des conclusions divergentes de celles communément admises en la matière (Il est possible à ce propos de se référer au cadre théorique et les études présentées en matière d'agressivité et d'arts martiaux). Nous entendons en effet dès lors admettre que cette pratique de karaté, offre un espace de liberté de pratique sportive à haute teneur en agressivité licite, et un cadre de civilité compensatoire de celui-ci et supposé éducatif. Ce que, comme vu en partie cadre théorique, le cadre institutionnel français confirme, par son organisation, son côté légiféré et sa délégation de pouvoir donné au mouvement sportif. En ce qui concerne leur propre agressivité, les détenus paraissent relativement lucides de leurs productions : ils déclarent l'être peu, et surtout affirment que cette dernière va décroissant après avoir débuté le karaté. Ce que les observations démontrent, les détenus étant bien moins agressifs que les karatékas associatifs. Cependant, les résultats des questionnaires pris comme seuls indicateurs de ce comportement ne suffisent pas pour tirer des conclusions, et nécessitent, comme le propose la présente thèse, de s'appuyer sur des observations faites en situation. Si les détenus déclarent pour la grande majorité vouloir poursuivre l'activité en détention, mais n'être que cinquante pourcents à vouloir le faire à leur sortie de prison, cela peut, avec la plus grande réserve, signifier, sans prouver, deux choses distinctes : d'abord que cette activité répond à d'éventuels besoins de pratique sportive spécifique en détention. Ensuite, que 178 d'autres jouent aussi ce rôle, et qu'en conséquence la question d'un panégyrique de telle ou telle activité n'est pas à envisager. Ce qui l'est serait, sous réserve, et comme l'ont démontré Gras (2003, 2005) et Verdot (2008), une diversification de l'offre sportive en vue de satisfaire à des besoins individuels diversifiés. 5.3. Réponses aux hypothèses en lien avec ce travail de recherche. Dans la partie 2.7, nous avions posé trois hypoyhèses, relativement à la question de l'agressivité et au choix assumé dans la partie 2.6. Notre première hypothèse envisageait la pratique du karaté et de divers autres arts martiaux comme inhibitrice de l'agressivité, avec des éléments de preuves tirés d'enquêtes et questionnaires, qui mettaient en avant que la pratique du karaté et d'autres arts martiaux tend à abaisser l'agressivité de qui la pratique. L'agressivité ainsi traîtée n'est pas spécifiquement sportive, et dans le cadre des études de Nosanchuk (1981), Lamarre & Nosanchuk (1999), Imada & Matsumoto (2004) ou encore à travers les compilations d'études et recherches de Vertonghen & Theeboom (2010), l'étude de celle-ci se concentre sur ce qu'elle peut engendrer ou non un désordre social, selon qu'elle est contrôlée ou non. Nos présents travaux et résultats fondés sur des observations nous conduisent donc à réfuter cette représentation de l'agressivité et de son mode d'évaluation, en matière de sport et de karaté en particulier, car faisant référence à un cadre pyscho-social, et non fondé sur la pratique sportive, et des observations spécifiques à son objet. Plus particulièrement, et relativement à notre objet de recherche, nous ne pouvons donc admettre que le karaté abaisse d'une manière générale et indéfinie l'agressivité des détenus pratiquant le karaté. La référence à l'agressivité semble ici trop vague et une conclusion en faveur du karaté en détention ne saurait donc prévaloir, à ce stade du traitement de la première hypothèse. La seconde hypothèse envisageait une position neutre, qui ne produise aucune modification de l'agressiv (ni élévation, ni abaissement) dûe à la pratique du sport et du karaté en particulier. Kanniyan, Georges & Valiyakath (2015) rapportent qu'il n'y a pas de différence entre l'agressivité des sportifs et des non sportifs, dû à la pratique sportive, à partir d'une étude sur l'agressivité vue sous le même angle que dans l'hypothèse une, et traitée encore une 180 fois par par questionnaire. Et si l'intérêt indéniable d'une pratique sportive se trouve selon eux dans la question d'une meilleure confiance en soi, comme outil de lutte contre le stress, et rejoint de ce point de vue les travaux de Le Scanff (2003), et Le Scanff & Legrand (2004) sur ces questions, nous nous trouvons quant à l'agressivité, dans la situation de l'utilisation une nouvelle fois d'un outil qui n'interprète pas les besoins et productions d'agressivité en matière de sport, mais selon les mêmes critères que dans l'hypothèse une. Là aussi, nous réfutons donc cette approche de l'étude de l'agressivité de la pratique du karaté, car trop éloignée de son objet premier, l'activité elle-même et sa logique interne. Nous reconnaissons cependant, à l'appui des témoignages de l'administration pénitentiaire (voir chapitre 1.2) que le karaté pratiqué en détention porte des fruits quant à la gestion des comportements dans le cadre de l'ensemble de la vie en détention, ce que confirmait par ailleurs Le Scanff (2003), et Le Scanff & Legrand (2004) autour de questions sépcifiques à la confiance et soi et à la gestion du stress relatives à la pratique sportive. Cependant, ici encore, et spécifiquement à la question du karaté et de l'agressivité, vues les approches par trop éloignées de leur objet de la seconde hypothèse – ici le sport, nous ne pouvons infirmer ou confirmer une quelconque conclusion quant à l'élévation ou à l'abaissement de l'agressivité du fait de la pratique de karaté, tant en milieu associatif qu'en détention. C'est donc la troisième hypothèse que nous allons retenir, celle qui, en matière de sport et d'agressivité, met en avant l'idée d'une production nécessaire et obligatoire de ce comportement spécifique à l'exercice de l'activité sportive, et comme vu dans le présent travail, spécifique à l'exercice du karaté. Et nous sommes en mesure d'affirmer que même en détention, cette activité apparait comme productrice de ce comportement. Serait-elle dès lors dangereuse pour l'environnement pénitentiaire, alors même que nous avons vu combien les incivilités et infractions produits par les détenus s'abaissent dès qu'ils pratiquent cette activité sportive (voir chapitre 1.2)? 181 De Goldstein (2011) à Ross (2014), on admet ainsi que des comportements agressifs sont admis en matière de pratique sportive, et reconnus institutionnellement. Le principe éducatif du sport semble toujours acquis, même si l'activité sportive est en elle-même reconnue comme agressive. Cependant, on parle bien d'agressivité sportive. Ce que confirment deux observations distinctes : celle produite par les grilles d'observations de la pratique relative aux détenus qui confirment une forme d'agressivité sportive bien présente (bien que moindre par rapport aux pratiquants associatifs), et celle produite par le personnel de l'administration pénitentiaire de la Maison d'Arrêt de Fresnes (voir chapitre 1.2) qui confirme que parallèlement à la pratique du karaté (donc productrice d'agressivité sportive d'après nos résultats) se produit un abaissement observé de 90% des incivilités et infractions de la part même de ceux qui pratiquent ce karaté. Mais d'autres comme Malinaukas, Dumciene & Malinauskiene (2014) qui semblent pencher eux aussi pour le fait que le sport produit de l'agressivité continuent d'utiliser le questionnaire comme outil plutôt que l'observation, ce qui nous amène à nous demander ce qu'ils entendent dans ce cadre par agressivité. Car celle que nous voulons évaluer est uniquement, en matière de sport, celle qui est produite dans le cadre de la logique d'une activité, soit de façon permise, soit de façon non permise. Notre objet, sportif, ne vise pas à une autre évaluation que celle-ci sous peine de nous perdre et de viser une autre cible que la nôtre. La problématique est la même pour d'autres auteurs, tels que Tiric-Campara, Tupkovic, Mazalovic, Karalic, Biscevic, Djelilovic-Vranic & Alajbegovic (2012). Paradoxalement, l'idée avancée par Brewer & Howarth (2012), que l'agressivité ferait partie intégrante des pratiques sportives, ou du moins de certaines, et jouirait d'une forme de reconnaissance sociale, correspond au moins en partie aux conclusions de cette thèse qui 182 avance que sport (ici karaté) et agressivité s'ils sont indissociables, n'implique pas nécessairement que ce comportement soit négatif à tous égards ; et nous pouvons à cet égard avancer et soutenir le fait que ce comportement agressif sportif – praxique et kinésique, pour nécessaire qu'il est à la pratique du karaté, y compris en prison, ne s'accompagne pas de méfaits pour l'environnement dans lequel il se pratique, mais qu'au contraire, il s'accompagne d'un apprentissage effectif de règles de civilités (les saluts) et participe à la gestion et à la régulation des comportements incivils en prison. Nous avons donc - après avoir posé ces différentes hypothèses - fait le choix d'une observation des pratiques de karaté, pour voir si en matière d'agressivité, cette activité en est productrice ou non, et si cette production permet d'envisager le maintien ou de restreindre cette pratique pour des publics détenus. 6. Perspective générale : Si la question de la dangerosité de cette pratique en détention se pose a priori – pourquoi entraîner des détenus quand le personnel ne le fait pas, les résultats observés démontrent, en ajout d'éléments statistiques livrés par l'administration pénitentiaire, que cette activité, si elle permet la pratique d'une agressivité praxique et kinésique, crée aussi de par son cadre, une tendance franchement observée à l'autorégulation ou contrôle, dans le cadre de la détention. A cette question, des auteurs, Bodin & Debarbieux (2001) ayant travaillé la question de l'euphémisation et ritualisation de la violence dans le sport tentent d'apporter la démonstration que la pratique sportive moderne participe à « l'apprentissage du contrôle et de l'autocontrôle des pulsions », tout en étant un « espace toléré de débridement des émotions ». Les causes multiples de cette autorégulation ou contrôle sont en l'état au stade d'hypothèses : pressions de détenus exercées entre eux et crainte du passage à l'acte, pression de la détention elle-même? Se pourrait-il qu'au vu des passifs des détenus, qu'ils connaissent ou imaginent ou fantasment, ces derniers décident de ne pas se livrer pleinement, et en conscience à des pratiques de combats, pour ne pas s'exposer à de possibles situations conflictuelles, voire de supposées ou réelles vendetta, à l'opposé des pratiques de clubs où les karatékas s'engagent avec plus de ferveur. « Je crois que la raison peut exercer et exercera une pression sélective dans la bonne direction » dit Lorenz (1969, page 314). Croyance se fondant sur des travaux poussés, et illustrant que l'acquisition de certains comportements peut conduire à l'euphémisation comportements agressifs, comme chez le loup pour qui il précise reconnaître des inhibitions quasi morales, à refuser de s'entre tuer de meneur à dominé. Le comportement du détenu peut-il s'envisager comme apparenté à cette ritualisation? Il s'autorégulerait pour s'éviter tout dérapage. En cela, le faire observé à la Maison d'Arrêt de Fresnes et le dire de détenus à la Maison Centrale de Saint Martin de Ré, et de la Maison d'Arrêt de Fresnes semblent se co-valider. Finalement, n'est-ce pas dans la vision des sociétés selon Durkheim (1912, page 628) qu'il convient de trouver une potentielle réponse à la question de l'agressivité admise ou non, pratiquée ou non, licite ou non, d'une société : « la société () c'est la force collective qui a été le prototype du concept de force efficace, élément essentiel de la catégorie de causalité ». Une société étant aussi constituée selon lui, de l'idée qu'elle se fait d'elle-même, la contrainte éducative serait prépondérante en matière d'éducation à la frustration et à l'inhibition des pulsions primaires. Les causes multiples de cette autorégulation ou contrôle sont à mettre en parallèle avec les travaux sur la théorie de l'apprentissage moteur. Apprendre le karaté, c'est faire sienne une nouvelle habileté motrice. Si être habile c'est travailler de plus en plus vite, faire plus vite tout en respectant les critères de précision, cela implique, concernant le karaté, intégrer vitesse et appuis dans les frappes, contrôler ces dernières afin de ne pas nuire à l'intégrité physique de son partenaire, et accompagner cela systématiquement d'un code de civilité appelé le salut, selon la FFKDA 53 (2015). Des auteurs ont travaillé à ces caractéristiques spécifiques de l'habileté, comme Famose (1990, 1997) et Fleurance (1997). Ce dernier précise que celle-ci se définit par sa finalisation, son automatisme, son efficience, son efficacité et finalement, son acquisition. Schmidt (1993, page 32) ajoute que « l'apprentissage est un ensemble d opérations associées à la pratique ou à l'expérience, qui conduisent à des changements relativement permanentes des compétences pour la performance des habiletés motrices ». Cette autorégulation ou autocontrôle, ou phénomène cathartique, est complexe selon Arnaud & Broyer (1985) car faisant référence aux lois de l'apprentissage, ils précisent que cette 53 http://www.ffkarate.fr/actualites/tradition-du-karate-dojo/ consulté le 2 novembre 2015. 185 dernière n'interviendrait que si elle est mise en relation avec des facteurs extrinsèques – tels qu'un apprentissage par exemple. La condition d'une inhibition des réponses agressives tiendrait donc dans la capacité d'organiser un apprentissage en lien avec la canalisation de l'agressivité. Et si au sein de la Maison d'Arrêt de Fresnes, comme d'associations, des pratiquants sont invités à pratiquer une activité de combat – du karaté, il est observé que ces derniers, malgré des degrés divers, sont en capacité de réaliser deux types de savoir-faire : agressivité et civilité. Pour Bordes, Collard & Dugas (2007), on parle aussi de conduite motrice, à acquérir par les pratiquants. Acquis dans le cadre de cette étude, même si elle relève des discriminations, comme vues dans la partie résultat. Mais ce travail de mise en perspective serait incomplet si l'on n'abordait pas la question de la catégorisation des pratiques et des publics. Et si une étude ultérieure pouvait livrer, pour des échantillons testés et des groupes témoins, des différentiations possibles quant aux effets après tant d'années de pratiques, après tel grade de karaté acquis, pour tel sexe plutôt que tel autre. En effet, si nous ne reconnaissons pas comme adaptés les outils utilisés par Nosanchuk (1981) pour valider ses travaux sur la mesure de l'agressivité chez les pratiquants d'arts martiaux, force est néanmoins de constater que ce dernier a mis en place des critères de durée de la pratique, pour finir par observer des baisses de l'agressivité chez les pratiquants. Mais laquelle? L'agressivité praxique, sportive, licite, ou bien celle jugée nocive à la production de relations sociales équilibrées et épanouissantes pour les parties telle qu'évaluée, par exemple , par le test de Rosenzweig utilisé par Lamarre & Nosanchuk (1999)? Si l'outil utilisé ne permet pas la mesure de ce que le chercheur semblait souhaiter observer, il n'en reste pas moins que nous devons mettre en oeuvre, en poursuite et perspective de ce 186 travail de thèse un élargissement du cas d'étude et une catégorisation plus fine afin de jauger quels peuvent être les effets d'une pratique de long terme, en utilisant, comme vu plus haut l'organisation des examens de grade de la FFKDA. Quelle agressivité exprimée, licite (praxique et kinésique) et illicite (instrumentale, affective) chez le débutant, chez un niveau ceinture noire 1er dan54 (3 ans de pratique), 2ème dan (5 ans), 3ème dan et plus (8 ans et plus). 7. Conclusion des travaux : Si au titre d'un bien être relationnel, au sein de la Maison d'Arrêt de Fresnes, des détenus sont invités à pratiquer une activité de combat – du karaté, il est observé que les détenus se livrent à une moindre mise en oeuvre d'agressivité (praxique et kinésique) qu'en milieu associatif. Cet élément, bien qu'il se conjugue à un moindre respect des codes de civilité de la pratique (saluts), permet d'envisager, comme l'ont déjà démontré des auteurs en la matière tels que Gras (2003, 2005) et Verdot (2008), que même une pratique de combat peut trouver sa place en détention. L'agressivité observée (ici licite) et représentant l'allant d'un individu vers l'autre ou vers un groupe social selon Collard (2012), se trouve au service de la ré ou de l'éducation du détenu, pris individuellement et collectivement, pour un mieux vivre ensemble. Vachon, Lynam & Johnson (2013) décrivent quant à eux un lien inversement proportionnel entre empathie et agressivité : lorsque la première est faible, la seconde augmente. Ce qui peut constituer un argument de plus à la pratique d'une activité socio-motrice comme le karaté, qui impose, soit dans les formes d'agressivités praxique et kinésique qui lui sont propres, soit dans les formes de civilité et de saluts qui font partis de ses codes, la prise en compte de l'autre pour pratiquer. La pratique du karaté peut donc permettre de viser ainsi un objectif de réinsertion, et même si des limites semblent de rigueur quant à cette question selon Gallant, Sherry & Nicholson (2014), on s'aperçoit que si des activités comprenant de l'incertitude proposent plus de possibilités en matière de socialisation par le sport selon Laporte (2002), le caractère pratique de cette é, vu le milieu carcéral et les autorisations de sorties des détenus nous oblige à nous recentrer vers des pratiques avec partenaire / adversaire, comme le karaté, ce qui permet néanmoins des résultats positifs quantifiés relevés par les observations des pratiques de saluts. Et avec cette socialisation, les traces d'une possible mais non certaine réinsertion. On observe aussi que la pratique du karaté permet au détenu, comme l'ont confirmé les chiffres transmis sur les incivilités pratiquées ou non par les détenus55, une meilleure gestion des émotions, du stress et du comportement dans le cadre de la détention. Ces éléments faisant écho aux travaux de Le Scanff (2003) et de Le Scanff & Legrand (2004) montrent là encore combien des outils tels que la pratique sportive peuvent jouer un rôle, à la fois dans son cadre spécifique propre, mais peut-être aussi dans un cadre connexe : celui de la détention, où comme vu dans la partie 1, le détenu vit, travaille et pratique ses loisirs dans une même identité de lieu. Et il a donc tout intérêt à pouvoir s'y gérer pour y vivre sa peine, et ce entre autres, à l'aide du sport et du karaté en particulier. Si dans « le corps redressé », Vigarello (2004) soutient l'idée d'une vision proche de celle de la coercition en matière de bienfaits du sport, cela ne l'éloigne pas tant de celle de Brohm (1976, page 1), qui depuis ses travaux de thèse - sociologie politique du sport, voit le sport comme un outil de pression au service de l'état, jusqu'à préciser « quand l'ordre social détermine le «traitement» pédagogique de l'activité sportive, un autre rapport à l'activité sportive peut-il encore être envisagé? ». Dans ces thématiques complexes, controversées, et d'actualité sur la place et fonction du sport, les travaux Verdot (2008) sur les bienfaits du sport en prison semblent pouvoir se poser en arbitre, de par le fait qu'ils reconnaissent des résultats positifs quantifiés et observés en matière de santé et bien-être, dans le cadre de la détention, et ce par rapport à la relation au corps, « l 'occupationnisme », la catharsis possible autour de la question des formes d'agressivité illicites, l'arrêt de la simple notion de défoulement, la lutte contre le stress et la dépression, le travail sur l'estime de soi, la satisfaction corporelle et la santé psychologique. Voir annexe 1, point numéro A ce titre, on constate de plus que les dires des pratiquants de karaté en milieu associatif, relevés dans l'enquête de Fuchs, Mettler & Julhe (2009) ne sont pas en contradiction avec les observations faites en situation : les pratiquants s'en tiennent aux codes quant à la nécessité de s'engager pleinement dans des formes d'agressivités licites, sans aller vers des formes illicites, et tout en pratiquant inlassablement et sans omissions, des rituels de civilités. Chez les détenus cependant, si des aspirations à caractère éthique et liées au vivre ensemble sont signifiées dans des entretiens chez Gras (2003), Marie Louise (2014) et les questionnaires liés à cette thèse, on note, comme vu dans le chapitre résultat, un moindre engagement d'agressivité praxique et kinésique tout comme un moindre respect des protocoles de civilité, néanmoins acceptable (car estimé moyen sur la grille d'évaluation). D'autres arguments avancés dans le rapport de Bodin, Robène & Héas (2004), confirment par ailleurs que le sport est un moyen de reconstruire les individus, et qu'en détention, il ne s'inscrit pas que dans une logique occupationnelle mais bien comme un moyen supplémentaire de socialisation à travers une activité ludique. Le sport est bien là, semble-t-il un véritable jeu sportif sans enjeu autre qu'éducatif, et support de la construction de nouvelles conduites motrices socialisantes. S'entraîner à être agressif dans un cadre précis, permettant voire favorisant la relation sociale (le sport, le jeu, ici, le karaté) en s'entraînant à des formes d'agressivité admises dans les pratiques sportives ritualisées. L'effet cathartique est donc lié à l'activité cognitive, qui crée le lien avec les phénomènes ou comportements à inhiber. Il s'agit par-là de réattribuer réinterpréter des situations, créer de nouvelles conduites. Produire une réorganisation cognitive, ici par la pratique sportive. Par la pratique du karaté. Finalement, c'est aussi à travers les recherches issues des écrits d'Elias & Dunning (1994) que l'on trouve un élément de réponse majeur, qui reprendra par ailleurs le principe défendu par Durkheim (1912, page 296) : la pratique sportive engendre de nouveaux habitus, de conscience ou de raison. « () nous sommes obligés de nous soumettre à des règles de conduite et de pensée que nous n'avons ni faites ni voulues, et qui même sont parfois contraires à nos penchants et à nos instincts les plus fondamentaux. () Mais en réalité, l'empire qu'elle exerce (la société) sur les consciences tient beaucoup moins à la suprématie physique dont elle a le privilège qu'à l'autorité morale dont elle est investie. Si nous déférons à ses ordres, ce n'est pas simplement parce qu'elle est armée de manière à triompher de nos résistances ; c'est, avant tout, parce qu'elle est l'objet d'un véritable respect ». Pour conclure, voici des propos exprimés par Directeur de la Maison Centrale de Saint Martin de Ré56 qui précisent à quel point un travail d'analyse sur les bienfaits ou méfaits objectivés d'une telle pratique dans un milieu spécifique mérite d'être réalisé : «() Mr X qui commence en détention, qui est pris avec des portables ou qui insulte les surveillants, machin, qui après, cinq ans après est inscrit dans une activité karaté, qu'il la suit pendant cinq ans, est ce qu'il y a un changement de comportement ou pas, ça j'ai pas d'analyse là-dessus. Je pense juste que ça peut permettre (), d'évacuer du stress, d'évacuer de la violence où en tout cas de l'énergie, ça se ressent après dans le comportement au quotidien détenu notamment dans la relation à l'autre (). » 56 Travaux de Marie Louise (2014). 7.1. Perspective et prolongement de cette conclusion. Le 8 janvier 2015, dans le cadre d'une présentation des présents travaux en laboratoire de recherche du TEC (Techniques et Enjeux du Corps), Monsieur Parlebas vint à poser la question suivante : « ce qui compte maintenant, c'est de savoir si à la sortie de prison, cette activité aura ou non une incidence sur la réinsertion, la récidive? ». A cette question traitant de l'après, du suivi, la réponse était déjà fournie par l'administration pénitentiaire57 : « Les détenus pratiquants le karaté - ou une autre activité sportive - ont-ils une meilleure réinsertion et moins de récidives que ceux qui n'en pratiquent pas : l'établissement ne dispose pas d'assez d'élément pour répondre à cette question ». Cette absence de données constitue en soi néanmoins une donnée à traiter et à utiliser en tant que telle. Les présents travaux, s'ils apportent un éclairage sur certaines questions (la pratique du karaté favorise t'elle ou limite t'elle l'agressivité en détention), nécessitent d'être poursuivis et de se centrer dorénavant sur les travaux de la CAP (Commission d'Application des Peines) et du cadre des sorties des détenus karatékas. Ces informations sont pour l'instant et pour des questions de sûreté, non transmises ou non connues. Reste que, malgré ces réserves apportées au présent travail, on peut observer un transfert d'habiletés réalisé entre les apprentissages des détenus karatékas et leur comportement dans le cadre de la détention (voir chapitre 1.2). Cette observation chiffrée, transmise par l'administration pénitentiaire et qui reconnait une baisse très significative des incivilités commises par les détenus dès lors qu'ils sont entrés 57 Voir annexe 1. Eléments de réponses fournis par l'administration pénitentiaire, 28 mars 2014. dans un processus de suivi des cours de karaté est un indicateur qui tend à placer la pratique de cette activité dans une continuité. Nous avons en effet pu constater que d'après ces informations fournies, les détenus se décidant à s'inscrire pour pratiquer l'activité karaté, et se décidant à poursuivre l'activité une fois celle-ci commencée (pas d'abandons observés, hors absences liées à des évènements de la vie quotidienne de la détention ou aux transferts et sorties) abaissent leurs incivilités et comportements agressifs illicites de 90% au sein même de la détention, en respect des procédures et règlement en vigueur dans le cadre de cette même détention. Continuité dans la détention donc, à la fois de la pratique, et à la fois de la pratique de comportements plus civiles qu'avant la mise en oeuvre de cette activité. Nous avons vu les résultats par ailleurs très positifs des questionnaires en la matière. Continuité à la sortie de la détention? Nous avons vu dans ce cadre des résultats plus mitigés et les avons assortis de commentaires au chapitre 4.4. La continuité, comme l'écrit Gras (2003), tient surtout dans la nécessité d'offrir une « carrière sportive » riche et diversifiée. Si le sport participe de la reconstruction identitaire dans le cadre de la détention, et à la réinsertion dans une perspective de pendant et d'après, le karaté n'est pas la seule activité à pouvoir conduire à ces résultats. Aussi, à cette absence de données, nous rétorquons qu'elle n'en constitue pas moins une donnée capitale pour de futurs travaux : quel détenu est entré en prison, pour quelle peine, pour quel parcours – entre autres sportif, pour quelle réinsertion et éventuelle récidive. Et si ce travail est possible – rappelons que nous n'a vons pu avoir accès à cette information pour le présent travail, quelle activité selon quel profil de détention (peine et condamnation), pour quel détenu pratiquant quel sport pouvant le conduire au moins de récidive possible, après une détention la plus réinsérante possible. 7.2. Remarques historiques et philosophiques. Dans le cadre d'une pratique de karaté, les rites de bonnes conduites semblent assimilés en milieu associatif et les détenus semblent de leur côté en capacité de réguler leur agressivité praxique et kinésique et vivre ainsi une pratique sportive de combat qui réponde aux besoins de la détention. Apaiser, éduquer, occuper, réinsérer. Derrière cet affichage de pareilles qualités reconnues à cette activité se tient tapi, non pas l'enjeu de sa suprématie par rapport aux autres activités sportives, mais l'enjeu politique. Celui de la « polis », du vivre ensemble. Le Musée de l'Olympisme Barcelonais (« Museu Olimpic i de l'Esport », www.museuolimpicbcn.cat), ouvert par un des anciens Présidents du CIO, Juan Antonio Samaranch Torello, met en avant de son exposition permanente les activités sportives antiques de Sumer et de Grèce, dont entre autres, la lutte. Les traces écrites et épigraphiques en la matière nous livre depuis 5 500 ans un héritage valorisant les activités dites sports de combat ou art martial, comme activités éducatives, tant sociales qu'individuelles. Aristote (1993, page 525) reconnait ce qui est selon lui une nécessité dans l'éducation du citoyen, avec ce qu'il nomme gymnastique (éducation du corps et de l'esprit). Cette dernière, selon l'usage qu'il en est fait peut tout aussi bien conduire à la vertu qu'à l'excès. En cela il réfère entre autre au système Lacédémonien et à son modèle « agogé ». Course, lancer du javelot et lutte sont bien au service de la citoyenneté, bien que différemment exploités, selon les cités où ces activités se pratiquent. « () Celles des cités dont on pense qu'elles prennent le ieux soin de leurs enfants, les unes, leur donnent une constitution d'athlètes en portant atteinte à la forme et à la croissance de leurs corps, les laconiens, eux, n'ont pas commis 194 cette faute, mais ils abrutissent leurs enfants de travaux pénibles, en pensant que cela est plus que tout profitable pour les rendre courageux ». Il nous livre par cet écrit un possible : éduquer pour un meilleur bien être relationnel par le biais d'une activité de combat. Jaspers (1949) déclarait à l'aune de ses travaux, l'existence d'un âge ou « moment axial », qu'il place entre le septième et troisième siècle avant notre ère.
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Il pourrait ainsi provenir, par exemple, de retour à l'équilibre, par une voie radiative, des électrons présents dans la zone de charge d'espace des couches de contact dopées. Blocage du phonon LO Le blocage du phonon LO est illustré par l'étude de courbes luminescence - courant en fonction de la température présentées à la figure 7.5(a),(b). A la figure 7.5(a) on donne l'aspect des courbes L−I pour différentes températures. La luminescence décroît bien avec l'augmentation de la température, ce qui est une confirmation de son origine inter-sousbande. Notamment le "coude" associé au plateau de courant, qui est clairement visible à basse température, disparaît progressivement et n'est plus visible à partir de T ≥ 50 K. La courbe L − I devient quasiment linéaire. Rappelons que le plateau lui même reste visible jusqu'une température sensiblement plus élevée, T ≈ 120 K (figure 6.11(a)). Ainsi on 178 ( a ) (b) Fig. 7.5 – (a) Evolution des courbes L−I en fonction de la température pour l'échantillon MOR5670 (39 périodes, mesa 200 × 400 μm2 ). Les données expérimentales ont été lissées avec le logiciel Origin. (b) Tracé de l'inverse de l'électroluminescence 1/L en fonction de l'inverse de la température 1/T pour le courant I = 86 mA, qui correspond au maximum de signal optique à basse température. 7.2. Diagramme puissance-période expérimental 179 peut conclure qu'aux températures élevées l'efficacité quantique Γsp /Γnr de la transition 2 → 1 diminue considérablement à cause du branchement de la voie des phonons LO, et le signal peut provenir d'autres transitions excitées par l'échauffement de la distribution électronique. En revanche, la courbe L−I n'évolue plus pour des températures T ≤ 15 K, ce qui signifie que la distribution électronique est bien établie dans les premiers niveaux de la cascade. D'après l'expression (5.13) la puissance récoltée est inversement proportionnelle au taux de transitions non-radiatives Γnr, qui suit une dépendance en température de la forme (voir (5.5)) : ELO − ∆E o (7.2) kT Alors l'inverse de la luminescence 1/L doit être une exponentielle décroissante en fonction de l'inverse de la température 1/T. A la figure 7.5(b) nous avons tracé les mesures de 1/L à I = 86 mA en fonction de 1/T à partir des courbes L − I de la figure 7.5(a) (la valeur I = 86 mA correspond au maximum de signal à basse température). Une dépendance exponentielle de type A + B exp(−a/T ) est en effet observée, confirmant le blocage du phonon LO à basse température. Le coefficient a = (ELO − ∆E)/k permettrait d'accéder à l'énergie de transition ∆E. Cependant, les fits sur les différentes mesures effectuées donnent systématiquement de valeurs ∆E ≈ 28 meV trop élevées par rapport à celle qui est mesurée spectralement ∆E = 17 meV (paragraphe 7.2.4). Cette différence peut être expliquée par le fait que le signal ne provient pas exclusivement de la transition 2 → 1 à haute température. En conclusion, nous avons réussi à atteindre les conditions expérimentales optimales, décrites dans le paragraphe 5.2.3, pour l'extraction du taux d'émission spontanée à partir des mesures effectuées sur nos échantillons. Γnr = Γee + ΓLO = Γee + G exp 7.2.2 n − Réduction de l'épaisseur de la cascade Nous explorons maintenant l'évolution des caractéristiques de la structure lorsque le nombre de périodes N change. Les mesures sont effectuées sur les échantillons MOR5698 (N = 4), MOR5671 (N = 9), MOR5699 (N = 19) et MOR5670 (N = 39) (tableau 6.2). On peut remarquer la variation logarithmique de nombre de périodes. Ces échantillons ont été obtenus dans une même campagne de croissance, pour éviter au maximum les dérives dans les conditions de croissance. Les caractéristiques J − V (à température T < 15 K) sont données à la figure 7.6(a). La grandeur pertinente pour la comparaison des échantillon est l'étendue en voltage du plateau de courant, qui est, comme on peut le constater avec les chiffres données à la figure 7.6(a), bien proportionnelle au nombre de péri N. Le décalage en tension des courbes J − V est probablement dû aux différences sur les contacts Schottky, qui dépendent de l'état de surface métal-semiconducteur. Ces décalages ne sont pas importants pour l'extraction du taux de l'émission spontanée, car ce qui compte ce sont les variations de la luminescence en fonction du courant, et non pas de la tension. On peut ainsi conclure que l'on a réussi à réduire l'épaisseur de la cavité sans altération majeure de la source inter-sous-bande, et en particulier des champs électriques associées 180 (a) (b) Fig. 7.6 – (a) Courbes J − V pour les échantillons de différent nombre de périodes N. 7.2.3 Diagramme puissance-période D'après les résultats théoriques de chapitre 4 (paragraphe 4.4.4), le diagramme puissancepériode pour des cavités complexes de différentes épaisseurs contient les empreintes d'effets d'électrodynamique en cavité. Voilà pourquoi nous avons entrepris de construire ce diagramme expérimentalement pour les cavités fabriquées à partir de nos échantillons. √Le diagramme à été obtenu par des mesures systématiques du coefficient A de la loi A I − I0, utilisée pour ajuster la courbe L − I expérimentale entre I0 et la zone du plateau. Le coefficient A étant proportionnel au produit ηcol Γsp N, pour avoir uniquement la grandeur ηcol Γsp on a divisé le signal de l'électroluminescence par le nombre de périodes N de la cascade. Le taux d'émission spontanée qu'on obtient ainsi est une intégrale sur toutes les positions possibles des sources inter-sous-bandes, réparties à l'intérieur de la cavité. Rappelons que pour la construction théorique du diagramme, on calcule numériquement la puissance rayonnée ∆P (L, d) en fonction de l'épaisseur de la cascade L et la période du réseau d (on rappelle que la puissance est moyennée sur toutes les positions possibles du dipôle rayonnant à l'intérieur de la cavité). La grandeur ∆P (L, d) ainsi obtenue est normalisée à la valeur ∆P (L = 3.7μm, d = 18μm) qui est la puissance calculée numériquement pour une cavité d'épaisseur L = 3.7 μm avec un réseau métallique de période d = 18 μm, choisie comme référence. On obtient ainsi la fonction sans dimension ∆P (L, d)/∆P (L = 3.7μm, d = 18μm) des paramètres L et d, qui joue en quelque sorte le rôle de facteur de Purcell (paragraphe 1.2.2, formule (1.44)) pour les cavités complexes31. La grandeur ∆P (L, d) est aussi une moyenne sur les fréquences, pondérée par le profil d'émission lorentzien de la source inter-sous-bande, centré sur une certaine fréquence ν0 (longueur d'onde λ = c/ν0 ), ce qui correspond à la situation expérimentale (voir le paragraphe suivant). Dans le calcul, la puissance à été également intégrée sur toutes les directions dans un cône d'angle d'ouverture θ = 60 ̊ autour de la normale du réseau. Cet angle correspond aux directions des rayons issus de l'échantillon et récoltés par le cône de 31 Il s'agit plus précisément d'un facteur de Purcell "contaminé" par les effets de collection par le réseau métallique, contenus dans le coefficient d'extraction ηcol. 182 ( a ) (b) Fig. 7.7 – Diagrammes puissance-période théorique et expérimental. Les points ronds sont les mesures expérimentales. Les courbes continues sont les calculs théoriques. Le code des couleurs des figures précédentes (7.6(a),(b)) est respecté. (a) Comparaison entre la théorie et l'expérience pour tous les échantillons. (b) Le diagramme sans le résultat pour l'échantillon MOR5698 avec N = 4 périodes de la cascade. 7.2. Diagramme puissance-période expérimental 183 Winston (paragraphe 7.1.2). De la même façon, pour obtenir une grandeur expérimentale, sans dimension, correspondant à la grandeur théorique ∆P (L, d)/∆P (L = 3.7μm, d = 18μm), on a divisé les pentes ηcol Γsp par la valeur mesurée pour l'échantillon de N = 39 périodes, avec un réseau de période d = 18 μm32. Les résultats des différentes mesures et la comparaison avec le modèle théorique sont résumés à la figure 7.7(a),(b). La figure 7.7(a) est le diagramme puissance-période complet obtenu sour toute la série des échantillons MOR5698-MOR56701. La figure 7.7(b) est le diagramme sans l'échantillon MOR5698 le moins épais (N = 4 périodes de la cascade), sur lequel, faute de temps, on n'a pas effectué des mesures systématiques. Remarquons également que les calculs théoriques ont été effectués avec les épaisseurs nominales des cavités, alors qu'en réalité les couches épitaxiales étaient légèrement moins épaisses, de 5%. Le meilleur fit du nuage de points expérimentaux à été obtenu avec les courbes théoriques calculées pour une longueur d'onde λ = 70 μm (fréquence ν0 = 4.3 THz). valeur n'est pas loin de la valeur obtenue par mesures spectrales λ = 73 μm. Une fluctuation relativement importante des points expérimentaux est également visible, mais clairement les points suivent bien les prédictions théoriques. Sur la figure 7.7(b) on a également donné, pour N = 9 périodes, une courbe en pointillé correspondant à la longueur d'onde λ = 80 μm. Avant de discuter les différences entre la théorie et l'expérience, nous allons dégager les conclusions des mesures sur les effets d'électrodynamique en cavité dans le domaine THz. Tout d'abord, les résultats montrent que le modèle théorique exposé dans la première partie du manuscrit rend bien compte des phénomènes de diffraction dus au réseau métallique dans les cavités complexes. Notamment le maximum de la puissance collectée en fonction de la période du réseau d est correctement prédit. En plus, le modèle fournit correctement la dépendance de la grandeur ηcol Γsp en fonction de l'épaisseur L de la cavité. L'exposant β ≈ 0.6 de la loi en puissance (4.40) pour le maximum de la puissance récoltée en fonction de la période du réseau est alors correctement prédit. Ainsi un accord satisfaisant est obtenu entre le modèle et l'expérience sur les variations de la puissance collectée en fonctions des trois paramètres principaux : d, L et la longueur d'onde d'emission λ. Nous pouvons donc nous appuyer sur le modèle pour nous affranchir de l'efficacité de collection ηcol et évaluer les valeurs du taux d'émission spontanée Γsp /Γ0 "interne" pour chacune de nos cavités. Les résultats pour la fréquence 4.1 T Hz (λ ≈ 73 μm) sont donnés dans le tableau suivant (pour le calcul, on a utilisé les épaisseurs de cavité mesurées pendant la fabrication) : Il s'agit d'une moyenne sur plusieurs mesures obtenues sur différents mesas 200 × 400 μm2 avec le même réseau de période d = 18 μm. Chapitre 7. Résultats expérimentaux Nombre de périodes N 39 19 9 4 Épaisseur de la zone active (μm) 3.5 1.76 0.88 0.44 Γsp /Γ0 4.2 8.7 20.0 48.5 Conformément à la discussion du paragraphe 4.4.5 du chapitre 4, on a reporté ici comme valeur de Γsp /Γ0 la valeur calculée pour le taux modal d'une cavité planaire équivalente (paragraphe 2.3.3, chapitre 2), dans laquelle le réseau métallique a été remplacé par un miroir métallique plan. Résumons alors nos conclusions, qui sont le bilan de ce travail de thèse : Le diagramme puissance-période de la cavité, qui fournit les variations de la grandeur ηcol Γsp en fonction de la période de réseau d et l'épaisseur de la cavité L a été construit expérimentalement. Le me est compatible avec les prédictions théoriques, obtenues à partir du modèle développé dans la partie I du manuscrit (chapitres 3 et 4), pour une longueur d'onde d'émission λ = 70 μm, également confirmée par l'expérience. Le modèle théorique fournit à la fois la puissance rayonnée par une source à l'extérieur de la cavité, à travers le réseau, et la modification du taux d'émission spontanée de la source (TES). Les deux grandeurs étant intriquées, et le modèle ayant reçu confirmation par les mesures qu'il donne le bon comportement de la puissance émise, on peut s'appuyer sur le modèle pour estimer le TES Γsp de la source. On prédit en particulier que le TES est peu modifié par la présence du réseau métallique, et qu'il est pratiquement celui d'un cavité planaire. En effet, le mode de la cavité complexe, d'épaisseur sub-longueur d'onde et des ouvertures entre les fentes de réseau métallique inférieures à la longueur d'onde, tend vers le mode TM0 d'une cavité planaire à la limite des grandes longueurs d'onde. La partie utile du TES (qui n'est pas associée à l'absorption des électrons libres dans les couches de contact dopées) est donnée par la règle d'or de Fermi, et ses valeurs pour nos cavités sont données dans le tableau plus haut. La valeur la plus élevée, Γsp /Γ0 = 48.5 obtenue pour l'échantillon MOR5668 à quatre périodes, montre plus d'un ordre de grandeur d'amélioration de l'efficacité quantique Γsp /Γnr de la transition inter-sous-bande, due à la réduction de l'épaisseur de la cavité. A présent, faisons un bilan des sources des fluctuations dans les mesures expérimentales, visibles sur la figure 7.7. En ce qui concerne le dispositif expérimental, une très bonne reproductibilité des mesures en fonction de la position de l'échantillon devant le cône de Winston (figure 7.2(b)) a été constaté. Pour ce faire, on a effectué plusieurs mesures sur la même mesa après plusieurs montages et démontages de l'échantillon dans le cryostat. Les fluctuations dues à la structure épitaxiale proviennent d'une part des fluctuations du dopage, qui peuvent modifier le signal récolté par variation de l'absorption des couches dopées de la structure. Une autre source de bruit sont les variations latérales des épaisseurs des couches taxiales. En effet, dans le cas le plus simple d'un puits quantique infini l'énergie des transitions entre deux niveaux est inversement proportionnelle au carré de 7.2. Diagramme puissance-période expérimental 185 la largeur w du puits [54]. Les variations relatives de l'énergie de la transition (et donc de la fréquence d'émission) sont alors données par la formule : δE δw = −2 E w (7.3) Pour la MOCVD, les variations latérales sont de 2% sur la plaque, ce qui donne une variation latérale de la fréquence d'émission d'au moins 4%. Autres que les variations des épaisseurs, les niveaux dans la cascade dépendent de la composition d'Al dans les barriers [161]. 7.2.4 Mesures résolues spectralement Pour conclure ce chapitre, nous présentons les mesures spectrales obtenues sur l'échantillon MOR5700. Ces mesures ont été effectuées par G. Scalari à l'Université de Neuchâtel 33. L'appareil qui permet d'obtenir une résolution spectrale dans le domaine THz est un Spectromètre Infrarouge à Transformée de Fourier (FT-IT), qui est un interoféromètre de Michelson [182]. Dans ce type de spectromètre on détecte l'interférogramme obtenu par l'interférence entre les signaux dans les deux bras de l'interoféromètre de Michelson en fonction de la différence de marche. Le spectre est ensuite obtenu par une transformée de Fourier numérique (FFT). Le signal est détecté dans un bolomètre, avec une moyenne sur plusieurs secondes pour chaque valeur de la différence de marche. Pour éviter l'absorption des rayons THz par les vapeurs d'eau dans l'atmosphère et maximiser le niveau du signal, l'air est évacué tout le long des trajets des faisceaux. Également importante est l'optique de collection, usuellement constituée de miroirs paraboliques, qui amène le signal optique dans le spectromètre à partir de l'échantillon. Les résultats obtenus sur une mesa de taille 200 × 800 μm2 de l'échantillon MOR5700 sont donnés à la figure 7.8(a),(b). Le spectre 7.8(a) à été enregistré pour un densité de courant faible J = 40 A/cm2, alors que le spectre 7.8(b) correspond à la densité de courant J = 186 A/cm2, juste avant l'apparition du plateau pour cette mesa. Le creux à 16 meV visible à la figure 7.8(b) est dû à une raie d'absorption du bolomètre. La mesure de la 33 Institute of Physics, University of Neuchâtel, CH-2000 Neuchâtel, 186 (a) (b) Fig. 7.8 – Spectres d'émission pour l'échantillon MOR5700 (N = 39 périodes) pour différentes densités de courant. (a) J = 40 A/cm2. Un fit lorentzien de la raie d'émission est donné en rouge. (b) J = 186 A/cm2, juste avant le plateau du courant. Le creux vers 16 meV est dû à une raie d'absorption propre au détecteur. 7.2. Diagramme puissance-période expérimental 187 puissance intégrée est en accord avec notre estimations (voir 7.2.1 , pour une mesa de surface moitié ) : 20 pW à J = 40 A/ cm2 et 55 p W à J = 186 A/cm 2. Le spectre apparaît comme une raie lorentzienne centrée sur l'énergie ≈ 17 meV (fréquence 4.1 THz, longueur d'onde λ = 73 μm). La fréquence attendue pour la structure est plutôt 3.4 THz [55], ce qui est une différence de 20%. Comme expliquée précédemment, les variations dans les épaisseurs et la composition d'Al par rapport au nominal peuvent expliquer cette différence. En comparaison avec les échantillons MBE analogues [55], les spectres présentés ici sont plus nets (le fond parasite est beaucoup moins prononcé), et la raie d'émission est plus fine. Ceci est du à la meilleure répétabilité de la croissance MOCVD par rapport à la MBE. La largeur de la raie augmente avec le courant injecté dans la structure, car le nombre des porteurs injectés augmente, et par conséquence le taux de transitions nonradiatives (voir 5.2.2). Ces résultats spectraux confirment la longueur d'onde prévue par les diagrammes puissance - période (λ = 70 μm). L'aspect des spectres est également une justification de la démarche utilisée pour la construction des diagrammes théoriques présentée au chapitre 4, qui était fondée sur l'hypothèse d'un profil lorentzien de la source inter-sous-bande. Par ailleurs, ces résultats sont très encourageants vis-à-vis de la réalisation d'un laser THz par croissance MOCVD, qui a été entamée à la fin de ce travail de thèse. Chapitre 7. Résultats expérimentaux Conclusion générale L'objectif principal de ce travail de thèse consistait à mettre en évidence les effets d'électrodynamique quantique en cavité dans le domaine THz. Compte tenu de l'accord entre les résultats expérimentaux dans nos études d'électroluminescence et les prédictions théoriques, on peut conclure que l'objectif est atteint. Nous résumons maintenant les résultats obtenus en chemin et les perspectives qui s'ensuivent. Tout d'abord, nous avons proposé une analyse détaillé de l'émission ée pour les dispositifs qui fonctionnent dans le domaine THz. Cette analyse a été possible par l'exploitation de la complémentarité entre les approches classique et quantique du calcul de l'émission spontanée, expliquée au chapitre 1. La particularité des dispositifs THz est la présence des couches de contact dopées, dont la contribution aux propriétés optiques d'une structure multicouches ne peut être négligée dans le domaine THz. Notamment, le couplage entre les oscillations plasma des électrons libres dans les couches dopées et le mode optique de la cavité engendre un mode mixte, de type plasmon, dont la fréquence de saturation se situe dans le domaine THz. Pour rendre compte de ces effets, et plus généralement pour obtenir le champ électromagnétique des modes d'une cavité multicouche, une approche numérique a été proposée (paragraphe 2.2, chapitre 2). Cette approche pourrait servir pour l'analyse des cavités lasers, notamment pour le calcul de la dispersion et l'absorption de la cavité. Les effets d'inversion de population dans la zone active pourraient facilement être pris en compte par une constante diélectrique complexe. Une première conséquence de l'existence du mode plasmon est une absorption accrue, surtout pour les cavités de faible épaisseur. Les couches de contact pouvant être déplétées par l'application d'une tension électrique dans un design approprié, on pourrait envisager un dispositif électro-optique THz fonctionnant avec modulation de l'absorption. Une deuxième conséquence est l'apparition d'une contribution non-radiative de l'émission spontanée, qui apparaît comme une désexcitation résonnante vers le plasmon des couches dopées. Dans notre analyse le taux d'émission spontanée dans la cavité planaire apparaît ainsi comme une somme des deux contributions. On distingue une partie "utile" de l'émission spontanée, qui s'effectue dans le mode TM fondamental, et qui croît comme l'inverse de l'épaisseur de la cavité. C'est cette contribution, fournie par la règle d'or de Fermi, qui conditionne la puissance extraite du dispositif. La seconde contribution, "nonexploitable", est associée à l'absorption dans les couches dopées et peut être évaluée par le calcul du champ rétro-réfléchi. Ayant écarté la géométrie purement planaire avec l'extraction par la tranche comme peu efficace au point de vue de l'extraction de l'électroluminescence, nous avons envisagé une géométrie de cavité plus complexe, le miroir métallique supérieur de la cavité étant remplacé par un réseau métallique de fentes rectangulaires. Dans un premier temps, la diffraction sous incidence oblique d'une onde électromagnétique par un réseau métallique, posé sur un système multicouche, a été calculée dans l'approximation d'impédance de surface (chapitre 3). Le modèle, confirmé dans le domaine THz par des mesures sur des dispositifs passifs, pourrait servir également pour l'étude des systèmes photoniques dans le moyen et proche infrarouge. Un développement possible est la généralisation du calcul pour le cas d'un réseau 2D : par exemple un réseau d'ouvertures rectangulaires, en ne retenant que les premiers modes TM ou TE dans les ouvertures. Le problème d'une source dans une cavité avec réseau a ensuite été traité dans le chapitre 4, l'accent étant portée par le calcul de la puissance rayonnée par la source à travers le réseau. Le modèle fournit tant le champ proche, que le champ lointain rayonné par la source. Là également une généralisation immédiate pour une source de polarisation TM serait le calcul pour un réseau 2D d'ouvertures rectangulaires, en ne retenant que le mode TM11 dans les ouvertures, qui est homologue avec la source. La validité de notre modèle n'est également pas restreinte au domaine THz, et pourrait être étendue, par exemple, au problème des molécules fluorescentes. Pour nos sources dans le domaine THz, le modèle montre que la contribution dans l'émission spontanée associée au réseau métallique est négligeable. La dynamique de la source peut être traitée alors comme dans la cas de la cavité métallique planaire. On peut séparer ainsi dans la puissance récoltée par le réseau les effets géométriques de collection, qui dépendent de la période du réseau métallique, et les effets de dynamique, qui sont conditionnés par le taux d'émission spontanée dans le mode TM fondamental de la cavité planaire. Les effets de l'électrodynamique en cavité sont ainsi contenus dans le diagramme puissance-période, sur lequel on reporte la puissance extraite en fonction de la période du réseau pour différentes épaisseurs de la cavité. Nous avons entrepris la vérification expérimentale de nos prédictions théoriques. Le chemin est passé par un développement de la croissance MOCVD des dispositifs à cascade quantique THz, jusqu'à maintenant peu exploitée pour ce genre de structures. Le but ultime de cette voie est d'obtenir une structure laser MOCVD. Un dispositif expérimental adapté pour mesure de l'électroluminescence, suffisamment sensible compte tenu des intensités faibles (≈ 10 pW ) qu'on était amené a détecter, a également été mis en place au sein du laboratoire. Avec ce dispositif le diagramme puissance-période a été construit. Grâce à l'accord des résultats expérimentaux avec la modélisation théorique, on peut déduire un facteur de renforcement Γsp /Γ0 ≈ 50 pour la structure à cascade quantique de plus faible épaisseur (N = 4 périodes de la cascade), qui représente plus d'un ordre de grandeur d'amélioration de l'efficacité quantique de la transition inter-sous-bande. Comme perspective de cette étude, on pourrait envisager une exploration des effets d'électrodynamique dans le cas du régime laser. Bien qu'il soit largement admis que le gain modal n'est pas affecté par les effets EDQC, car indépendant de la densité d'états du mode [68], dans notre cas il pourrait y avoir un effet, car le renforcement de l'émission provient non pas de la densité d'états, mais du renforcement de l'élément de matrice 191 d'interaction dipolaire normalisé 34. Une autre perspective est l'exploration d'autres types de géométries avec un confinement 2D ou 3D du champ électromagnétique. De telles structures, comme disques ou rectangles seraient également faciles à fabriquer aux échelles inférieures à la longueurs d'onde rayonnée et aurait des facteurs de renforcement encore meilleurs. On pourrait envisager des rangées de telles structures pour obtenir une efficacité de rayonnement par unité de surface équivalente. En utilisant des disques comme des briques élémentaires, combinées avec des éléments diffractifs comme de réseaux métalliques, des nombreux dispositifs photoniques intéressantes peuvent être envisagés 34 Comme l'absorption dans les couches de contacts augmente également avec la réduction de l'épaisseur, et donc il n'y aura pas d'effets sur les performances en termes de courant de seuil du laser. Mais un dispositif plus compact pourrait ainsi être obtenu. Conclusion générale Annexe A Calcul détaillé du taux d'émission dans les modes liés Fig. A.1 – Système multi-couches pour le calcul du taux d'émission spontanée dans un mode guidé. Chaque couche est caractérisée par ses épaisseur Li et dopage Ci. Pi et Qi sont les amplitudes de la composante Ez des deux ondes planes contra-propageantes dans la couche. Un dipôle vertical est placé à l'intérieur de la couche k, à une distance Lkd de la face supérieure. Cette couche est supposée non-dopée Ck = 0. Dans cette annexe on donne plus de détails sur le calcul du taux d'émission spontanée dans un mode particulier du champ, décrit dans le chapitre 2. Le système est décrit à la figure A.1. Il s'agit d'un ensemble des couches, délimitées par un miroir métallique M1 et un substrat infini M2. Les épaisseurs des couches sont notées Li et les dopages Ci. Le dipôle est placé dans la couche Lk, supposée non dopée : Ck = 0. Soient Pi et Qi les amplitudes des ondes planes contra-propageantes dans la couche i, l'origine des phases est prise sur la face supérieure de la couche. Le champ Ezi dans la couche s'écrit alors : A. Calcul détaillé du taux d'émission dans les modes liés Ezi (z, rp ) = Pi eikp rp +iγi z + Qi eikp rp −iγi z (A.1) avec kp la composante du vecteur d'onde dans le plan, et γi obtenu à partir de la relation : γi2 + k2p = εi ω2 c2 (A.2) avec ω la fréquence, c la vitesse de la lumière et εi la constante diélectrique de la couche. La première étape dans le calcul numérique du taux d'émission spontanée est le calcul de la relation de dispersion : 1 RM1 M2 (ω, kp ) = 0 (A.3) RM 1 M2 est la réflectivité totale du système obtenue par la procédure itérative décrite dans le chapitre 2. Par invariance de rotation dans le plan des couches , la fré quence n' est fonction que du module k = |kp | du vecteur d'onde. La fréquence obtenue est généralement un nombre complexe. Toutes les grandeurs calculées ici seront exprimées comme fonction du paramètre réel k. Pour normaliser le mode, on va exprimer toutes les amplitudes du champ à partir d'un paramètre unique. On choisira l'amplitude A du champ sortant dans le substrat. Avec les résultats du chapitre 2, on peut exprimer toutes les amplitudes : A TiM2 eiγi Li Pi = Qi RiM2 e2iγi Li Qi = (A.4) (A.5) On peut alors calculer l'énergie par unité de surface dans la couche i : Z ε0 −Li ε0 Πi G i Ii = Πi |Ez |2 dz = |A|2 2 0 2 |TiM2 eiγi Li |2 (A.6) On a introduit ici les notations : Z 0 Gi = G(Li, γi, RiM2 ) = |e−iγi z + RiM 2 eiγi (2Li +z) |2 dz (A.7) −Li Z 0 |e−iγi z + RiM2 eiγi (2Li +z) |2 dz = −Li (A.8) −Im(γi )Li Li e iγi Li 2 {shc(Im(γi )Li )[1 + |RiM2 e iγi Li | ] + 2sinc(Re(γi )Li )Re(RiM2 e )} 195 shc(x) = ex − e−x 2x sinc(x) = eix − e−ix 2ix (A.9) 2 ωpi |γi |2 |εi (ω)|2 k02 1 + + (A.10) dω ω2 k2 k2 La densité d'énergie dans le métal est prise comme nulle. Alors la condition de normalisation du champ sur les M couches s'écrira : Πi = Π(γi, Ci ) = dωε (ω) i + ε∞ M X ~ω S( Ii + IM2 ) = 2 i=1 (A.11) L'intégral IM2 est l'énergie par unité de surface dans la couche M2 : IM2 = 1 ε0 ΠM 2 2 −2Im(γi ) (A.12) Si la couche M2 est métallique, on a IM2 = 0. Nous sommes alors en mesure d'écrire l'expression du taux modal pour le système mullti-couches : Γmode (Lkd ) = Γ0 3 |eiγk Lkd + RkM2 eiγk (2 Lk −Lkd ) |2 /|TkM2 eiγk Lk |2 P × iγi Li |2 2n1 k03 couches i (Gi Πi )/|TiM2 e (A.13) 2 − k̄ 2 ) ω0 ξ k̄ 2 ξ(kmax arctan + arctan ξ 2|ω 00 | 2|ω 00 | Dans cette dernière expression on a ajouté la densité d'états calculée dans le chapitre 2. Dans la somme sur les couches au dénominateur il faut ajouter la densité d'énergie dans la couche M2 si celle-là n'est pas métallique. Si des couches intermédiaires dans l'empilement 1, 2, 3, sont métalliques, il faut poser leur densité d'énergie égale à zéro. On rappelle que ξ désigne la dérivée : dω 0 (A.14) dk 2 Le résultat (A.13) est très général, applicable pour une ensemble arbitraire des couches planes dopées, diélectriques ou métalliques. Annexe A. Calcul détaillé du taux d'émission dans les modes liés Annexe B Calcul du coefficient d'e xtraction d'une cavité planaire Diffraction sur la facette de la cavité (a ) (b) Fig. B.1 – (a) Géométrie dans laquelle on vas examiner l'extraction par le bord de la cavité. Pour simplifier, les interfaces métalliques sont considérées comme métal parfait. (b)Source dans une cavité de longueur L Dans cette annexe on present un calcul de coefficient de transmission à travers la facet d'un cavité planaire. Ceci est un problème de diffraction dont la géométrie est montrée à la figure B.1(a). Le corp de la cavité est constitué d'un diélectrique d'indice n1, d'épaisseur w. A la sortie se trouve un milieux diélectrique semi-infini d'indice n3. Les miroirs de la cavité seront supposés constitué du métal parfait. Ceci simplifie beaucoup le problème, en autre on fera l'hypothèse que l'effet dominant dans la diffraction est contenue dans la géométrie du système. Un repère Oxyz direct est placé comme à la figure. Le système sera supposée infinie dans la direction Ox. Le champ électrique Ez dans la cavité (y < 0) est supposé de la forme : Ez = E0 eikmode y + Er e−ikmode y 197 (B.1) 198 Annexe B. Calcul du coefficient d'extraction d'une cavité planaire Ici kmode est le nombre d'onde (constante de propagation) du mode dans la cavité. Dans l'esprit de notre approximation, on négligera la partie imaginaire de kmode. On supposera en fait qu'il est pas loin du celui du mode fondamental qui se propage entre dans un cavité fermée par miroirs parfaits : kmode ≈ n1 k0 (B.2) En autre on négligera la dependance du champ en z, ce qui est un bon approximation même pour des cavité plus réalistes. Alors à partir des équation de Maxwell on peut facilement montrer que la seule composante non-null du champ magnétique est Hx qui s'écrit : Hx = n 1 k0 (E0 ein1 k0 y − Er e−in1 k0 y ) μ0 ω (B.3) Dans la région y > 0 on écrira le champ électrique Ez comme une décomposition en ondes planes : Z ∞ R(k)eiky+iγ3 z dk (B.4) Ez = −∞ avec la définition habituelle de γ3 : γ3 = q ε3 k02 − k 2 Les équation de Maxwell fournissent le champ magnétique dans cette région : Z ε3 k02 ∞ R(k) iky+iγ3 z Hx = e dk μ0 ω −∞ γ3 (B.5) (B.6) La demarche pour déterminer la fonction R(k) est similaire à celle du chapitre 4. Les conditions aux limites pour le champ électrique Ez sur l'interface z = 0 imposent : Z ∞ n E + E pour − w/2 ≤ y w/2 0 r R(k)eiky dk = 0 sinon −∞. On inverse facilement l'intégral de Fourier pour obtenir : w kw sinc( )(E0 + Er ) (B.7) 2π 2 La condition aux limites pour le champ magnétique s'écrit (projection sur l'ouverture) : R(k) = Z L/2 Z − L/2 Hx (y = 0+ )dy (B.8) sinc2 ( kL ) 2 dk = E0 − Er γ3 (B.9) Hx (y = 0 )dy = −L/2 −L/2 On en déduit la relation : ε3 k0 L (E0 + Er ) 2πn1 Z ∞ −∞ 199 Posons : ε3 k0 w r= 2πn1 Z ∞ −∞ ) sinc2 ( kw 2 dk γ3 (B.10) et notons : n 3 k0 w 2 Avec un changement de variable on peut écrire : Z n3 x ∞ sinc2 (xk) √ r= dk n1 π −∞ 1 − k 2 x= (B.11) (B.12) La fonction R(k) s'écrit maintenant : R(k) = 2 w kw sinc( )E0 1 + r 2π 2 (B.13) Notre but est maintenant de calculer le champ lointain. Dans l'équation (B.4), on appliquera le théorème de la phase stationnaire. La quantité importante ici est la phase : Φ(k) = kz + γ3 y Les expressions asymptotiques des champs Ez et Hx sont alors : s 2π iΦ (k)−i π2 sign( Φ00 (k )) e Ez = R(k) |Φ00 (k)| s π ε3 k02 R(k) 2π 00 Hz = eiΦ(k)−i 2 sign(Φ (k)) 00 μ0 ω γ3 |Φ (k)| ( B . 14) ( B.15) ( B. 16) et k = n3 k0 sin θ est la solution de l'équation : Φ0 k) = 0 (B.17) et θ est l'angle de la direction d'observation (figure B.1(a)) les équations qu'on vient d'établir permettent de calculer (après quelques étapes algébriques) le vecteur de Poynting : S = Re { E × H∗ } = ŷ |R(n3 k0 sin θ)|2 2πε3 k02 cos θ μ0 ω D (B.18) En calculant le flux de vecteur de Poynting à travers une surface élémentaire dΣ = hDdθ cos θ (h est la largeur du dispositif) et en integrant dans toutes les directions de l'espace on peut en déduire l'intensité totale sortant du dispositif Iout : Iout w2πε3 k02 = μ0 ω Z π/2 −π/2 |R(n3 k0 sin θ)|2 cos2 θdθ (B.19) Calcul du coefficient d'extraction d'une cavité planaire On va normaliser cette quantité à l'intensité transportée par l'onde incidente à l'interface Iin : Iin = k0 |E0 |2 hw μ0 ω (B.20) On définit ainsi le coefficient de transmission T : 4 Iout n3 x = T = 2 Iin |1 + r| n1 π Z π/2 sinc2 (x sin θ) cos2 θdθ (B.21) −π/2 Pour verifier la pertinence du résultat examinons cette expression dans le cas limit L → ∞. En utilisant la formule : sinc2 ( kw 2π )→ δ(k) 2 w (B.22) on montre facilement que (B.21) devient l'expression habituel de la transmission à l'interface entre deux diélectriques : T = 4n1 n3 (n1 + n3 )2 (B.23) Le cas limit qui nous intéresse ici est L → 0. Pour simplifier, on négligera la quantité r de l'équation (B.12) qui est proportionnel à w. Ensuite, dans l'équation (B.21) la fonction sinus cardinal est pratiquement égale à 1. On arrive ainsi à l'expression : T ≈ 2n3 πw n1 λ (B.24) avec λ la longueur d'onde dans le vide. Cette expression est valable pour n3 πw/λ 1.0. Enfin, lorsqu'on considère une cavité avec des couches dopées en plus, il faut remplacer partout l'indice n1 par l'indice effective du mode nef f dans la cavité : T ≈ 2n3 πw nef f λ (B.25) Puissance extraite à travers la facette En réalité la puissance extraite depend autre que du coefficient de transmission T, du coefficient d'absorption α de la cavité. Considérons une source à l'intérieure de la cavit é de longueur L, à une distance x de la facette, comme à la figure B.1(b). La source rayonne une puissance P0 dans le mode, dans les deux directions de propagation. A partir du coefficient de transmission T on a le coefficient de reflection R = 1 − T, d'où la puissance récupérée à la sortie après les allées-retours multiples dans la cavité : Pout (x) = T P0 e−αx + (1 − T )e−2αL eαx 1 − (1 − T )2 e−2αL (B.26) 201 En moyennant sur la longueur L de la cavité on obtient : Z 1 L 1 − e−αL T Pout = Pout (x)dx = P0 L 0 αL 1 − (1 − T )e−αL (B.27) Dans la limite de très grand absorption αL 1, d'où : Pout = P0 T αL (B.28) 202 Calcul du coefficient d'extraction d'une cavité planaire Annexe C Puissance rayonnée à l'extérieur de la cavité complexe Dans cette annexe le résultat sur la puissance émise par un dipôle dans une cavité complexe (4.17) est démontré. Cette démonstration est basée sur les expressions de flux rayonné de la référence [45], mais elle est adaptée à la résolution numérique de l'équation (4.13). De manière générale, le champ électrique Em (x, y, z) du m-ième ordre de Rayleigh Em (x, y, z) au point (x, y, z) s'écrit : Z Z Em (x, y, z) = TmA (α, β)eiαm x+iβy+iγAm z dαdβ (C.1) En utilisant le théorème de la phase stationnaire, on obtient le champ rayonné dans le substrat S, à très grandes distances, dans la direction (αm, β, γ3m ) : einA k0 r (C.2) r p avec r = |r| = x2 + y 2 + z 2. Cette expression n'a de sens que si ReγAm 6= 0. Nous allons nous intéresser plutôt au champ rayonnée dans la direction (αm, β, γAm ). En utilisant : Em (r) = −2πiγAm TmA (α, β) γAm (α−m, β) = γA0 (α, β) (C.3) on obtient l'expression voulue : einA k0 r (C.4) r Par le principe de superposition, il faut sommer sur tous les ordres de Rayleigh : Em (r) = −2πiγA0 TmA (α−m, β) E(r) = −2πiγa0 X TmA (α−m, β) m einA k0 r r (C.5) Ainsi, lorsqu 'il s'agit des amplitudes de Rayleigh "ordinaires", tous les ordres contribuent dans le champ lointain de la source. En effet, comme α ∈ [−∞, ∞], il existe toujours une valeur de α tel que Reγ3m 6= 0 (en d'autres termes, αm est dans le cercle radiatif). Annexe C. Puissance rayonnée à l'extérieur de la cavité complexe Fig. C.1 – Cercle radiatif de rayon n3 et les trois premières zones de Brillouin. La somme sur l'indice m rappelle la définition des amplitudes quasi-périodiques (4.7). Cependant, il faut faire attention car la variable α de l'équation (C.5) appartient au cercle radiatif α2 + β 2 6 ε3, alors que l'argument de la fonction T̃mA (α) doit varier dans la première zone de Brillouin α ∈ [−λ/2d, λ/2d]. On peut choisir un nombre entier n, de façon unique, tel que : α = αZB + n λ d (C.6) et αZB appartient à la 1ère zone de Brillouin. Le choix de l'indice n est expliqué graphiquement à la figure C.1. Sur le cercle radiatif C, donné par l'équation α2 + β 2 6 εA, on trace les zones de Brillouin de largeur λ/d. La première zone de Brillouin est centré sur le cercle. Dans l'intersection entre cette zone et le cercle il faut prendre n = 0. Dans l'intersection entre la seconde zone de Brillouin "à droite" (pour α > 0) et le cercle il faut prendre n = +1, respectivement n = −1 pour la zone "à gauche" (pour α < 0), etc. En appliquant la formule (4.7) on peut maintenant réécrire le champ rayonné à l'infini avec l'amplitude quasi-périodique T̃n (αZB ) : E(r) = −2πiγa0 T̃nA (αZB, β) ein3 k0 r r (C.7) Le vecteur d'onde γa0 satisfait : γA0 (α) = γAn (αZB ) (C.8) D'après la construction graphique de la figure C.1, une seule amplitude quasi-périodique T̃0 suffit pour décrire la puissance rayonnée, lorsque le réseau est sub-longueur d'onde λ > 2dnA. 205 La puissance rayonnée dans l'angle solide dΩ s'obtient à partir du flux de Poynting à travers la surface r2 dΩ : r dI ε0 εA 2 = 2π |γA0 T̃nA |2 (C.9) dΩ μ0 e,h En exprimant le carré vectoriel avec les composantes T̃nA, et en normalisant la puissance par l'expression (4.15) on obtient le résultat voulu : e h 1 dI 3 nA 2 εA |T̃nA (αZB, β)|2 + |T̃nA (αZB, β)|2 = γAn (αZB ) 2 P1 dΩ 8π n1 εA − γAn (αZB ) (C.10) 206 Annexe C. Puissance rayonnée à l'extérieur de la cavité complexe Annexe D Champ rayonné par un dipôle horizontal Dans cette annexe on considère le cas d'un dipôle horizontal, i.e. appartenant au plan Oxy. L'angle entre le moment dipolaire et l'axe Ox sera noté φ. Le dipôle est placé dans un système multi-couches, fermé par un réseau métallique, comme à la figure 4.1(a) du chapitre 4. La dernière couche de l'empilement, avant le réseau, sera notée k, la couche contenant le dipôle est la couche 1. Le vecteur de droite pour l'équation (3.59), pour une source située dans le milieu 1 s'écrit, de manière générale :  + e e h h −I0m 0 [αηε1 γ1 TM 1 u + βγ1 TM 1 u ]   1 0  +  h e h e  2 2 J0m0 [βηε1 γ1 TM 1 u + αγ1 TM 1 u ]  α +β 0  (D.1) Cette expression peut être obtenue facilement en exprimant les coefficients (1−ρeM a ) et (1+ρhM a ) dans le vecteur de droite dans la formule (3.59) par les coefficients de transmission te,h M a, puis en généralisant pour une traversée quelconque des multicouches. u,d Les composantes selon z du champ électrique eu,d z et magnétique hz de décomposition en ondes planes du champ du dipôle (paragraphe 1.3.3) s'écrivent : iμ0 ω 2 p [α cos φ + β sin φ]ei(αx0 +βy0 +γ1 L1 ) 8π 2 ε1 k02 iμ0 ω 2 p u ez = − 2 2 [α cos φ + β sin φ]ei(αx0 +βy0 +γ1 (L−L1 )) 8π ε1 k0 iωp huz = 2 [α sin φ − β cos φ]ei(−αx0 +γ1 L1 ) 8π γ1 iωp hdz = 2 [α sin φ − β cos φ]ei(−αx0 +γ1 (L−L1 )) 8π γ1 euz = 207 (D.2) (D.3) (D.4) (D.5) 208 Champ rayonné par un dipôle horizontal Les sources ue et uh s'expriment à partir de ces composantes : e euz + edz R1 M e2iγ1 L 2 u = e e2iγ1 L 1 + ρea1 R1M 2 (D.6) h huz + hdz R1M e2iγ1 L 2 h e2iγ1 L 1 + ρha1 R1M 2 (D.7) e uh = Introduisons les intermédiaires de calcul Ωen et Ωhn : en Ωen = η TM 1 hn Ωh n = TM 1 en eiγ1n L1 − R1M eiγ1n (2 L−L1 ) −iαn x0 2 e en 2iγ1n L 1 + ρen a1 R1M2 e hn eiγ1n (2 L−L1 ) −iαn x0 eiγ1n L1 + R1M 2 e hn 2iγ1n L 1 + ρhn a1 R1M2 e ( D.8) ( D. 9) Alors le vecteur de droite quasi-périodique s'écrit :  + h e 2 h 2 e −Inm 0 [(αn Ωn − β Ωn ) cos φ + αn β(Ωn + Ωn ) sin φ] X   1 0   + 2 h 2 e e h   2 2 ) sin φ] Ω − α J ) cos φ + (β Ω [α β(Ω + Ω α + β 0 n n n n n n nm n n 0  (D .10) Les expressions pour la puissance rayonnée à l'extérieur restent les mêmes que dans le paragraphe 4.3.3. Annexe E Calcul numérique des intégrales Réduction du domaine d'intégration Dans notre modèle, le taux de l'emission spontanée est fourni sous forme d'une intégrale bi-dimensionnelle (4.27) qui 'entend sur tout le plan (α, β). Il s'agit de calculer alors de manière générale l'intégrale : Z ∞Z ∞ Re Φ(α, β)dαdβ (E.1) −∞ −∞ avec Φ(α, β) une fonction complexe. Pour le calcul numérique cherchons à réduire le domaine d'intégration. Il est facile de montrer que la fonction Φ(α, β) est paire par rapport à la variable β. Ceci est evident du point de vue physique, car les directions +y et −y sont totalement équivalentes dans notre problème. La démonstration mathématique, fondée sur les équations de diffraction du chapitre 3 est un peu longue, on en donnera les grandes lignes. (α, β) sont des fonctions de β 2, donc paires D'abord, les différentes réflectivités R en β. On montre ensuite que le changement de variables β → −β correspond, pour les matrices et les vecteurs dans les équations écrites dans le chapitre 3 à une transformation unitaire, donnée par la matrice : 1 0 0 −1 (E.2) La quantité αn Σxan +βΣyan est alors invariant par le changement de variable β → −β, car elle correspond au produit scalaire des vecteurs (Σxkn, −Σxan, Σykn, −Σyan )T et (0, αn, 0, β)T. Le domaine d'intégration sur β est alors restreint sur l'axe R+. Quant à la variable α, il n'existe pas de propriétés de symétrie générales dans le cas du problème de la source localisée au voisinage du réseau, hormis pour les valeurs de la position de la source x0 correspondant aux points de symétrie du réseau. Nous avons utilisé la forme symétrisée (Φ(α, β) + Φ(−α, β))/2 pour ramener le domaine d'intégration sur R+. Il faut vérifier aussi si la fonction Φ(α, β) possède des singularités dans le domaine d'intégration. On peut montrer, pour notre modèle, basé sur l'approximation de métal 209 Annexe E. Calcul numérique des intégrales parfait pour les face s verticales des fentes, que la présence du mode guidé TM0 fondamental dans les fentes du réseau introduit une singularité intégrable du type : F (α, β) Φ(α, β) = p ε2 − β 2 (E.3) avec F (α, β) une fonction régulière. Ceci est facile à montrer dans le cas (qui est d'ailleurs le plus pathologique) d'un réseau de métal parfait dans l'air (εn = ε2 = εa = 1). Dans la suite on traite le cas ε2 = 1, auquel on peut toujours se ramener par une renormalisation appropriée des variables. Dans la première intégrale on fait le changement de variable θ = θ0 + φ et dans la deuxième θ = θ0 − φ, grâce au choix particulier de la courbe (c) on obtient l'intégrale symétrisée autour de la courbe de la singularité : √ Z 2 Z θ0 I3 = Re 1 h 0 i F (ρ, −φ + θ0 ) F (ρ, φ + θ0 ) q q + dφρdρ p p 2 2 1 − cos φ − sin φ ρ − 1 1 − cos φ + sin φ ρ − 1 (E.10) La fonction sous l'intégrale est maintenant régulière sur la singularité, d'après les règles de Cauchy. - On régularise la fonction sous l'intégrale de la même manière dans la domaine 4. Après un changement de variable convenable on obtient l'expression : Z Re ∞ √ 2 Z 0 π/2−θ0 h q i F (ρ, φ + θ0 ) F (ρ, −φ + θ0 ) q + dφρdρ p p 2 2 1 + cos φ − sin φ ρ − 1 1 + cos φ + sin φ ρ − 1 (E.11) Cette intégrale est infinie dans la variable ρ. Pour la rendre finie, on effectue le chan- xe E. Calcul numérique des intégrales Fig. E.2 – Illustration de l'algorithme d'intégration sur le carré [0, 1] × [0, 1]. Le carré est initialement divisé en M × N rectangle. Sur chaque rectangle on applique un algorithme type Simpson itératif. gement du variable ρ → 1/t [62], et on obtient l'expression définitive : π/2−θ0 √ 1/ 2 i dθdt F (1 /t, −φ + θ0 ) F (1/t, φ + θ0 ) q +q I4 = Re √ √ t3/2 0 0 t(1 + cos φ) − sin φ 1 − t2 t + cos φ) + sin φ 1 − t2 (E.12) - Dans la domaine 5 la fonction est régulière. Après quelques réarrangements algébriques on obtient : Z Z h Z θ0 /2+π/4 Z I5 = Re 0 0 √ 1/ 2 F (1/t, θ) √ dθdt t t2 − cos2 θ (E.13) Pour chacune des intégrales ainsi obtenues, on fait un changement de variable affine pour la convertir en une intégrale sur le carré [0, 1] × [0, 1]. Algorithme numérique d'intégration L'intégrale obtenue : Z 1 Z 1 f (x, y)dxdy 0 (E.14) 0 on calcule à l'aide de l'algorithme suivant (figure E.2) qui est une généralisation 2D de l'algorithme de Simpson recursif [62]. 213 Fig. E.3 – Application de l'algorithme de Simpson 2D, avec de différents paramètres M, N et kmax sur le calcul de l'intégrale (4.27) pour la cavité décrite dans le paragraphe 4.4.5. Le dipôle est situé sur le coin du plot métallique : x0 = 0, L1 = 0. On divise le carré en N × M sous-rectangles. Dans chaque rectangle on prend le point au milieu et on calcule l'intégrale comme : 1 (E.15) MN On subdivise après le rectangle en 9 sous -rectangle et on fait une seconde évaluation de l'intégrale comme : M0 = f (xp, yq ) 1 M 1 = M0 + ∆ 9 8 X 1 ∆= f (Xi ) 9M N i=1 (E.16) (E.17) Appliquons cette procédure k fois, on obtient ainsi une évaluation sur M × N × 9k points au maximum. On arrête la procédure lorsque la difference |Mk − Mk+1 | atteint une certaine valeur minimale "prec". Les paramètres d'entrée pour l'algorithme sont les nombres M, N, kmax - nombre maximal d'itérations, et "prec" - la précision sur la valeur de l'intégrale choisie. Nous avons ainsi une grande flexibilité sur le nombre total d'évaluations de la fonction et la précision souhaitée (le temps de calcul total y est directement relié). Le plus grand mérite l'effort - il effectue peu d'itérations dans la région où la fonction est régulière, et concentre plus d'efforts (plus d'itérations) sur les régions où elle varie rapidement. Du temps de calcul est ainsi économisé. Convergence du calcul numérique A titre d'exemple, on montre à la figure E.3 le calcul effectué pour un dipôle placé au voisinage d'un coin du plot métallique du réseau (x0 = 0, L1 = 0). Le taux d'émission, qui est maximal sur cet endroit, est tracé en fonction de la longueur d'onde d'émission. Sur la figure E.3, on augmente progressivement les paramètres de calcul M, N et kmax pour chacune des intégrales I1−5, pour tester la convergence du modèle. Sans surprise, une convergence oscillatoire est observée. F1 Dépôt des contacts ohmiques AuGeNi sur l'échantillon GaAs F2 2 Recuit des contacts Report du substrat Dépôt 50 nm Ti/300 nm Au sur 2.2 l'échantillon GaAs et le substrat hôte InP. 2.2 Dépôt In 950 nm + Au 50 nm Découpe de l'échantillon et du 2.3 substrat en morceaux 5 × 5 mm2 ou 8 × 8 mm2 2.4 Mise en contact dans la presse en graphite Conditions / Équipement Acétone sous ultrasons (force 20-30), 5min. Bain de propanol. L'usage du trichloroéthylène est déconseillée. Désoxydation HCl 10% (1min) + 3min rinçage eau désionisée. Métallisation en Bâti Alcatel SCM 600/450 (L.Leroy, L.Couraud). Four AET de recuit rapide, 350 ̊C, 30sec. Désoxydation HCl 10% (1min) + 3min rinçage eau désionisée. Evaporation en bâti Alcatel SCM 600/450 (L.Leroy, L.Couraud). Bâti BELL, Pression < 10−5 mbar. Scriber Karl-Süss, face arrière, plusieurs passages à force maxi . Une goutte d'éthanol sur le substrat permet d 'alligner sur les planes cristallins de l'échantillon. On appu ie avec un coton tige pour évacuer l'air. On met les échantillons dans la presse et on couvre avec une cale en graphite. On serre avec le tournevis dynamométrique gradué : bons résultats à partir de 60cN.m. 215 216 Annexe F. Procédure de fabrication des diodes QC en cavité métallique Étape 2.5 Recuit 2.6 Rodage mécanique 2.7 Nettoyage de l'échantillon 2.8 Pr éparation de l'acide citrique 2.9 Retrait du substrat 2.10 Retrait de la couche d'arrêt 2.11 Fin du report du substrat 3 3.1 3.2 3.3 3.4 3.5 3.6 4 5 Lithographie optique AZ5214 enduction recuit 1min /125 ̊ insolation 6 sec recuit 45sec/125 ̊C insolation 35 sec sur le masque révélation Gravure légère de la résine (nettoyage de la surface libre) Dépôt métallique (Au/Ge/Ni ou Ti/Au) 6 Lift-off 7 Nettoyage des restes de la résine F Recuit rapide des contacts ohmiques Conditions / Équipement Four AET de recuit lent, sous flux d'N2. Montée 8 ̊C/min jusqu'à 250 ̊C, plateau 250 ̊C pendant 2h30min, refroidissement naturel. Polisseuse électrique PRESI P320. L'échantillon est fixé avec QuickStick sur un support cylindrique en métal. Rodage avec plateau en fonte (30tr/min) + poids supplémentaire. Des cales en Si (450μm) pour éviter le "surrodage". Flux d'Alumine à 3μm. Réduction de l'épaisseur du substrat 350μm → 40μm. Trichlo chaud /Ac éton e / Prop ano l (plusieurs bains) Mélange de 50g de poudre d'acide citrique dans 50ml d'eau (réaction endothermique). Ajout de 20ml d' H2 O2. L'échantillon collé par QuickStick sur une lame de microscope est placé dans la solution. Agitation moyenne, plaque chauffante à 50 ̊C − 60 ̊C pour une vitesse de gravure de 1μm/min. Fin de la réaction : apparition d'une surface aspect miroir, couleur de rouge au vert. HF à 30% dilué (5-10ml d'acide dans 50ml d'eau). Réaction rapide, qq secondes. Décollage de la lame ; nettoyage Trichlo chaud/Acétone/Propanol. 3ème niveau masque THz3. pgm002 Tournette (3000tr/min, 30sec). plaque chauffante. MJB3 . plaque chauff ante . MJB3. MIF726, 20-30 sec. programme OxyAlu, 30sec, du bâti RIE NEXTRAL NE 100. Désoxydation HCl 10% (1min) + 3min rinçage. Bâti Alcatel SCM 600/450. Acétone + ultrasons (éventuellement), Propanol. programme DELAQ, 5min, du bâti RIE NEXTRAL NE 100. 350 ̊C/ 30 sec 217 8 8.1 8.2 8.3 8.4 8.5 8.6 9 Étape Lithographie optique AZ4533 désoxydation (important!) enduction "rapide" recuit 2min30sec/125 ̊C insolation 55 sec révélation recuit 30min/100 ̊C Gravure humide 9.1 Préparation de la solution 9.2 Gravure 9.3 Nettoyage de la résine F 10 11 12 Dépôt des contacts sur la brasure Découpage Scribber en 4 morceaux Montage sur une embase de cuivre dorée Thermocompression fil d'or de 25 μm Conditions / Équipement 4ème niveau masque THz3. HCl 10% (1min) + 3min rinçage Tournette, 6000tr/min plaque chauffante. MJB3. AZ400K/H2 O 1 :3, 2min (ni plus, ni moins!) plaque chauffante. Acide Sulfurique Mélange H2 SO4 /H2 O2 /H2 O, proportions 1 :8 :40 Avancement de la gravure suivie par DekTaK. Vitesse : 1μm /min. Fin facilement repérable : apparition de l'aspect métallique, très brillant, du joint de brasure. La mesure sous pointes de la couche révélée montre une bonne conductivité (Rpointe−pointe ≈ 10Ω si contacts recuits, Rpointe−pointe ≈ 2kΩ si non). Bain d'acétone + propanol + éventuellement RIE DELAQ. Litho AZ5214, niveau 5 du masque THz, métallisation Échantillon collé sur scotch bleu. Force maxi. Bain d'acétone pour enlever le scotch. Laque à l'argent. KS model 4526. Paramètres : 1ère soudure : power 2.5/time 3-4/ force 0 (plot de contact) ; power 3-4/time max/force 13 (joint de brasure) ; 2ème soudure : paramètres standard. xe F. Procédure de fabrication des diodes QC en cavité métallique Fig. F.1 – Dernière version du masque pour la lithographie optique, utilisé dans la fabrication des dispositifs (masque THz3), un quart. Niveau 1 (vert) : dépôt de métal pour les contacts. Niveau 2 (noir) : réseau (dépôt de métal ou gravure). Niveau 3 : 1+2. Niveau 4 (rouge) : mesa pour délimiter la puce. Niveau 5 (violet) : dépôt de métal contact inférieur latéral. Les réseaux ont un rapport cyclique de 0.5 et leur période varie de 10 μm à 22 μm avec pas de 2 μm dans une colonne. Annexe G Équilibre ionique des espèces Si, C et O dans des couches MOCVD Nous avons cherché à estimer l'influence des impuretés Si, C et O sur le dopage résiduel et intentionnel des cascades MOCVD, en se basant sur les résultats SIMS de la figure 6.2. D'après ces résultats, les couches contiennent en moyenne 8.5 × 1016 cm−3 d'oxygène et 3.5 × 1016 cm−3 de carbone, en plus du dopage intentionnel en Si. Dans le GaAs l'espèce Si se comporte comme un donneur d'énergie d'ionization 0.0058 eV en dessous de la bande de conduction et l'oxygène se comporte comme un donneur d'énergie d'ionization 0.40 eV en dessous de la bande de conduction [162]. En fait, les deux atomes possèdent d'autres niveaux donneurs et accepteurs, mais nous avons pris en première approximation les niveaux qui sont les plus proches de la bande de conduction. Le carbone se comporte comme un accepteur d'énergie 0.026 eV au dessus de la bande de valence [162]. La condition d'électroneutralité s'écrira alors : nc + nd (Si) + nd (O) + Na (C) = pv + pa (C) + Nd (Si) + Nd (C) (G.1) avec nc l'occupation de la bande de conduction, pv l'occupation de la bande de valence (nombre de trous), Nd/a (X) le nombre d'impuretés donneurs/accepteurs pour l'espèce X, nd (X) l'occupation du niveau d'impur é pour l'espèce X, et pa (X) l'occupation du niveau d'impureté accepteur. L'équation (G.1) peut être comprise en remarquant que le nombre des impuretés ionisées, par exemple des impuretés donneurs est Nd+ = Nd − nd, en faisant ensuite un bilan de charge. A l'équilibre thermodynamique à la température T, les occupations nd et pa s'écrivent : nd = Nd 1 1 + eβ(Ed −EF ) 2, pa = Na 1 1 + eβ(EF −Ea ) g (G.2) avec β = 1/kT, Ed et Ea les énergies d'ionisation pour les donneurs/accepteurs, EF le niveau de Fermi (potentiel chimique) et g la dégénérescence du niveau accepteur, égale à 4 pour le GaAs [162]. Les occupations nc et pv de la bande de conduction et de la bande de valence sont Annexe G. Équilibre ionique des espèces Si, C et O dans des couches MOCVD Fig . G.1 – Calcul de l'équilibre ionique en présence des impuretés C et O en fonction de la concentration en Si. La température est T = 300 K. données par les intégrales suivantes, qui découlent de la statistique de Fermi-Dirac : Z ∞ dEgc (E) nc = Ec 1 eβ(E−EF ) + 1 Z, Ev dEgv (E) pv = −∞ 1 eβ(EF −E) + 1 (G.3) avec Ec et Ev la position de la bande de conduction et de la bande de valence respectivement, et gc (E) et gv (E) les densités d'états pour la bande de conduction et la bande de valence. Les équations (G.1)-(G.3) déterminent de manière implicite la valeur du niveau de Fermi, à partir de laquelle les nombres nc et pv peuvent être évalués. R appel ons qu'on parle de sem iconducteur dopé de type n si nc > ni, avec ni = 2.8 × 106 cm−3 l'occupation de la bande de conduction en absence d'impuretés (valeur intrinsèque). Ce problème ne peut être résolu que de manière numérique. Notre but est de faire une évaluation qualitative des effets des impuretés C et O. Voilà pourquoi dans notre approche numérique nous avons profité de quelques hypothèses simplificatrices, employées usuellement. Tout d'abord, on suppose que la valeur de EF satisfait les conditions : β(EC − EF ) 1, β(EF − EV ) 1 (G.4) Dans ce cas là, bien vérifié pour de faibles concentrations de porteurs lorsque le niveau de Fermi n'est pas trop près des bandes , on peut négliger l'unité dans les termes 221 exponentiels de (G.3) en obtenant les expressions suivantes plus simples : nc = Nc (T )e−β(EC −EF ), pv = Pv (T )e−β(EF −EV ) (G.5) avec Z ∞ −β(E−EC ) dEgc (E)e Nc (T ) = Ec Z, Ev Pv (T ) = dEgv (E)e−β(EV −E) (G.6) −∞ des fonctions lentement variables de la température. Les intégrales (G.5) peuvent être évaluées analytiquement lorsque les expressions de densités d'état correspondent aux GaAs massif. Cette approximation n'est cependant pas justifiée lorsqu'on considère le dopage dans les puits de l'injecteur localisé sur quelques dizaines de nanomètres, et l'effet de confinement quantique doit alors être pris en compte.
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Enfin, si les savoirs, les techniques et les savoir-faire gestionnaires des cadres administratifs sont fortement valorisés, leur déploiement reste soumis au contrôle des dirigeants universitaires. Ces derniers veillent à ce que les logiques propres des administratifs ne viennent dicter les décisions. Le DRH de Lettres Uni explique par exemple avoir renoncé à une proposition sur la refonte des régimes indemnitaires, qu'il estimait pourtant supérieure en tant que « technicien », pour se conformer aux orientations définies par son président. Si l'on a déjà souligné « l'esprit de mission » qui anime les cadres administratifs les plus entreprenants, leurs discours témoignent aussi d'une certaine prudence vis-à-vis du déploiement de logiques gestionnaires. Cela peut aller jusqu'à l'exercice d'un regard réflexif sur les outils de gestion, comme l'illustre le discours d'un cadre de Lettres Uni, par ailleurs très proactif dans la construction d'indicateurs. « Si on asseoit une partie de l'allocation des moyens sur la base d'indicateurs chiffrés, on va effectivement stimuler le pilotage par la performance []. Il faut qu'on y aille avec prudence. [] Depuis que je suis arrivé, il y a eu une progression nette, peut-être lente mais nette, dans l'utilisation d'indicateurs dans la prise de décision. Il y a un moment où il faudra s'arrêter. Le chiffre n'explique pas tout » (un cadre administratif, services centraux, Lettres Uni). S'il y a donc bien extension des tâches, des compétences et des responsabilités des cadres administratifs, et si ces derniers étendent les capacités organisationnelles des dirigeants universitaires, ces processus sont tempérés par l'incorporation par ces administratifs de ce qui est acceptable ou non par les élus. « L'administratif » et « le politique » : cloisonnement des registres d'intervention et coopération entre acteurs Pour pleinement comprendre la place qu'occupent les cadres des fonctions support vis-à-vis des exécutifs universitaires, il faut revenir sur les usages de la distinction entre « politique » et « administratif », et sur les pratiques qu'elle sous-tend. Il ne s'agit pas ici de départager ce qui relèverait de l'une ou l'autre catégorie, mais de s'interroger sur ce qu'elle ❘ ❘ ❘ ❘ Julien Barrier et Christine Musselin signifie pour les acteurs et, surtout, ce qu'elle leur permet de faire. L'insistance des acteurs sur la distinction des registres d'intervention ne doit pas se comprendre comme une limitation des responsabilités respectives des cadres administratifs et des équipes présidentielles. Au contraire, elle marque un renforcement réciproque de leurs capacités d'action. Tout d'abord, bien que la distinction entre « travail administratif » et « travail politique » soit loin d'être univoque17, elle n'est pas dénuée d'effets. En effet, l'argument du cloisonnement entre « administration » et « politique » fonctionne comme une ressource mobilisable pour emporter l'adhésion d'un interlocuteur, appuyer une option ou légitimer une décision. Ce qui importe le plus ici, ce n'est pas tant le contenu de ce qui serait « administratif » et de ce qui serait « politique », mais le fait que les acteurs jouent – avec profit – sur cette démarcation. On observe des jeux consistant soit à reporter une responsabilité sur une autre « filière » que celle à laquelle on appartient, soit au contraire à revendiquer une pleine séparation pour mieux affirmer son point de vue. À Lettres Uni, le vice-président chargé des finances clame sa faible compétence matière de procédures budgétaires. Il explique souhaiter minimiser les aspects les plus « techniques » de sa fonction, afin de placer le plus possible ses discussions avec les directeurs de composantes sur le terrain de la négociation, plutôt que de l'échange d'information. « Je n'y connaissais rien avant de venir et c'était une demande du président. Le président souhaitait que le VP finances soit un VP finances politique, pas technique. Je me refuse de comprendre un certain niveau de technicité. Pour ça, on a un service financier, il y a une agence comptable, il y a la cellule de pilotage []. De façon symétrique, le DGS de Sciences Uni développe un projet de restructuration des circuits de gestion financière au sein de l'établissement. Il s'efforce alors d'impliquer son président sur ce dossier, au moins autant pour avoir un arbitrage que pour pouvoir légitimer les propositions techniques qu'il défend auprès de ses interlocuteurs universitaires. « On avait un comité de pilotage présidé par le président. J'ai tenu à ce que ce soit comme ça, qu'il y ait un portage politique. Il n'était pas très enthousiaste à l'idée de présider cette affaire []. À l'occasion de SIFAC, on a supprimé les antennes financières des composantes et on a fait des plates-formes financières par site. Là-dessus, le portage politique par le président était très important vis-à-vis des directeurs de composantes » (un cadre administratif, services centraux, Sciences Uni). Le souci constant de clarifier et d'expliciter les zones d'intervention de chacun va de pair avec un accroissement de la division du travail et de la coopération entre acteurs : on coopère et on se coordonne d'autant mieux que l'on a défini son territoire d'intervention et que 17. Les catégorisations opérées par les acteurs varient : la même initiative pourra être présentée comme une simple mesure « administrative » dans un établissement, alors qu'elle sera considérée comme relevant d'une impulsion « politique » dans un autre. En outre, en raison même de son élasticité, la distinction semble parfois simplement mobilisée comme une étiquette permettant de légitimer – ou au contraire de disqualifier – certains comportements. l'on n'empiète pas sur celui de l'autre. Tant les responsables universitaires que les cadres administratifs semblent trouver dans cette division du travail une façon de renforcer leurs capacités d'action, notamment parce qu'elle leur permet d'instruire et de consolider des positions communes et de présenter un front uni dans les négociations difficiles avec les composantes, les laboratoires ou les personnels. Par comparaison avec les résultats d'enquêtes antérieures (Friedberg, Musselin, 1989 ; Mignot-Gérard, 2006), il apparaît que l'articulation entre agents administratifs et responsables universitaires tend à se concentrer au plus haut échelon organisationnel, avec un cloisonnement plus net des filières dans les niveaux inférieurs. Ainsi, si les vice-présidents peuvent entretenir des relations de travail assez régulières avec les directeurs de services correspondant à leur secteur d'intervention (par exemple le vice-président des ressources humaines avec la DRH), ils ne se considèrent pas comme leurs responsables hiérarchiques et reconnaissent la pleine autorité du DGS sur les services centraux. En outre, dans la plupart des cas, les responsables de services administratifs ont des relations plus étroites avec leur DGS qu'avec leur homologue « politique ». On voit ainsi s'esquisser une structure de relations correspondant à un V inversé, au sommet duquel on observe une interaction très étroite entre le président et le DGS, qui établissent ensemble des priorités et s'accordent sur les positions qu'ils vont défendre. De ce point de vue, le renforcement de la filière administrative ne se fait pas au détriment des exécutifs universitaires. Bien au contraire, il concourt plutôt à les doter de nouvelles capacités de contrôle et d'action. En même temps, l'affirmation constante de la distinction des rôles semble aussi bénéficier aux cadres administratifs, dans la mesure où elle contribue à affirmer leur légitimité propre et à leur construire une place bien établie au coeur du gouvernement des universités. Conclusion Dans cet article, nous avons cherché à rendre compte des transformations des universités françaises dans le contexte de la mise en oeuvre de la loi LRU, envisagée comme une réforme mobilisant des principes et des instruments d'inspiration managériale. À la différence de nombreux travaux sur les bureaucraties professionnelles, nous avons pris ici le parti de nous centrer sur le rôle investi par un ensemble de cadres administratifs dans l'opérationnalisation de cette réforme. Dans les établissements étudiés, les nouvelles responsabilités dévolues aux fonctions support ont servi de tremplin à la montée en puissance d'un noyau de cadres intermédiaires. Ils apparaissent ainsi comme des « entrepreneurs du management » dans les bureaucraties professionnelles que sont les universités. En étendant le spectre de leurs activités et en leur confiant le développement de nouveaux outils et procédures, les RCE ouvrent en effet de nouvelles opportunités d'action à ces cadres. Loin de vivre la réforme comme une injonction externe, ils en font un enjeu de développement professionnel – ce qui renforce en retour leurs dispositions à embrasser un esprit de mission volontariste dans la transformation des universités. La rationalisation des fonctions support qu'ils promeuvent s'inscrit clairement dans une logique managériale : l'accent traditionnellement placé sur le respect de la réglementation dans la gestion des ressources cède le pas à un objectif d'optimisation de l'usage ❘ volume 4/numéro 4 ❘ Octobre-décembre 2015 ❘ ❘ Julien Barrier et Christine Musselin des ressources et de mesure de la performance. Les fonctions support constituent ainsi l'un des foyers actifs de la diffusion de logiques managériales au coeur des universités, en contribuant à placer des questions de coûts, d'objectivation des pratiques ou de mesure de la performance dans l'horizon quotidien des aires. Il serait néanmoins réducteur d'interpréter ces changements comme le triomphe univoque d'un pouvoir managérial sur les universitaires. Dans les établissements étudiés, les initiatives portées par ces cadres restent étroitement contrôlées et bornées par les exécutifs universitaires. Nos résultats étendent la portée des observations de Krücken et al. (2013) en Allemagne et de Whitchurch (2010) au Royaume-Uni, sur les agents qui exercent les nouvelles fonctions créées dans les universités (assurance qualité, transfert technologique, gestion de projet). Alors même que les cadres administratifs que nous avons étudiés ont un profil beaucoup plus gestionnaire que ces derniers – souvent titulaires d'un doctorat et a priori plus proches des normes académiques – ils tendent eux aussi à rejeter les versions les plus dures du managérialisme (« hard managerialism ») et à adopter des postures relativement prudentes dans l'introduction d'instruments et de principes managériaux. En suivant Noordegraaf et de Wit (2012), on pourrait dire que, de la même façon que l'on assiste à une hybridation des pratiques des professionnels avec des logiques managériales, les services support sont conduits à intégrer les logiques des universitaires dans leur travail gestionnaire. Ils tiennent pour acquis le primat du « politique » et, même s'ils peuvent parfois le regretter, ils sont amenés à réviser des initiatives qui leur paraissent pertinentes sur le plan technique, afin de se conformer aux attentes des équipes présidentielles. Dans cette perspective, on a souligné que les processus observés ne devaient pas s'interpréter comme un jeu à somme nulle, où ce qui serait « gagné » par les cadres administratifs serait nécessairement « perdu » par les exécutifs universitaires. Au contraire, on assiste à la fois à un renforcement des services centraux et des exécutifs universitaires18. On peut aller au-delà de ce constat, pour préciser la nature des transformations qui touchent les cadres étudiés. La montée en qualification et la technicité croissante des activités de ces agents, qui dépasse l'application de routines bureaucratiques et nécessite la mobilisation de savoir-faire experts, apparaissent comme le soubassement d'une forme de « professionnalisation » des fonctions support, selon un processus comparable à celui analysé par Hodgson (2002) dans le cas des spécialistes de la gestion de projets. En effet, ces agents tendent à se constituer comme un groupe détenteur d'une expertise reconnue et spécifique, qui lui permet de négocier une place stratégique dans le jeu organisationnel – processus qui s'accompagne en externe de l'essor de réseaux professionnels nationaux, comme les associations des secrétaires généraux ou des DRH d'universités. Sans aller jusqu'à annoncer une transformation des universités françaises en organisations « multi-professionnelles » (Schneijderberg, Merkator, 2013), nos données suggèrent une recomposition des relations entre groupes d'acteurs au sein des universités. La différenciation croissante entre les universitaires et les « élites organisationnelles » de la profession académique que sont les 18. ❘ GOUVERNEMENT & a c t i o n p u b l i q u e ❘ LA RÉFORME COMME OPPORTUNITÉ PROFESSIONNELLE? ❘ 149 dirigeants d'universités (Musselin, 2013) s'accompagne de la montée en puissance d'un groupe d'agents administratifs, qui contribue à consolider les capacités de contrôle des seconds sur les premiers. Enfin, au-delà du secteur de l'enseignement supérieur, ces résultats ouvrent des pistes de réflexions sur les caractéristiques du travail d'opérationnalisation des réformes managériales mené par les cadres intermédiaires au sein des services publics. Assimilable à une « activité constituante » (Bezes, Join-Lambert, 2010), le travail des cadres étudiés comporte une forte dimension procédurale : il vise moins à atteindre des objectifs substantifs qu'à conformer une organisation à la poursuite de ces objectifs. Ce faisant, ils contribuent aussi à façonner les organisations dans lesquelles ils travaillent suivant leurs propres intérêts professionnels. En oeuvrant individuellement à l'introduction et à la consolidation de nouvelles fonctions dans les universités – comme le contrôle de gestion ou la gestion des ressources humaines – ils contribuent collectivement à l'institutionnalisation de leur position en tant que groupe. Cet aspect de leur travail peut les rapprocher, à certains égards, des hauts fonctionnaires qui injectent leurs préférences dans la construction des nouvelles architectures organisationnelles de l'administration (Bezes, 2005). Toutefois, leur mode d'implication dans le processus de réforme est sensiblement différent. Très éloigné des logiques de politisation typiques de la haute fonction publique (Eymeri-Douzans, 2003), il se construit plutôt comme l'expression d'un ethos professionnel particulier. Celui-ci se définit principalement par une virtuosité technico-administrative, qui va s'épanouir dans l'urgence et la complexité de chantiers de réorganisation managériaux. Leur investissement dans une entreprise de rationalisation gestionnaire ne doit pas se comprendre comme la simple exécution de principes froids et abstraits, ni uniquement comme le résultat de calculs stratégiques, mais comme le produit de dispositions et d'affects professionnels spécifiques. De ce point de vue, l'objet de recherches complémentaires pourrait alors être de s'interroger, plus largement, sur l'articulation entre les trajectoires de ces cadres intermédiaires, leur socialisation et leur participation à des réformes. On pourrait faire l'hypothèse qu'ils se caractériseraient par une capacité à construire et à faire valoir des compétences réformatrices transversales, pouvant être transposées d'une organisation à l'autre par le jeu des mobilités entre établissements, voire entre différents secteurs de l'administration. Julien Barrier École normale supérieure de Lyon IFÉ, UMR CNRS Triangle [email protected] Christine Musselin Sciences Po Centre de sociologie des organisations (CSO), CNRS [email protected] ALAM, T., GODARD, J. (2007), « Réformes sectorielles et monstration de la modernité. Les usages des savoirs managériaux dans les politiques de l'emploi et de l'alimentation », Politix, 79, p. 77-100. BEZES, P. (2005), « Le modèle de l'État-stratège : genèse d'une forme organisationnelle dans l'administration française », Sociologie du travail, 47 (4), p. 431-450. BEZES, P., DEMAZIÈRE, D. 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4. Impact de la structuration côtière sur l'écosystème Depuis 2004, une collaboration s'est initiée avec L. Kelle (WWF, Guyane), J. Gratiot et B. de Thoisy (Association Kwata, Guyane) afin de comprendre l'incidence des évolutions géomorphologiques côtières sur l'activité des tortues marines. Les plages de Guyane constituent les plus importants sites actuellement connus sur la façade Ouest de l'Atlantique pour la reproduction de la tortue olivâtre, espèce la plus menacée de cet océan. Outre cette tortue marine, les plages de Guyane offrent aussi des sites de pontes privilégiés pour les autres 51 tortues de la Guyane : la luth, la verte et l'imbriquée. La reproduction de la tortue luth, espèce en situation imminente de disparition à l'échelle mondiale, se réalise à plus de 50% sur les côtes de la Guyane avec deux sites majeurs ; à savoir les plages de Cayenne et les plages de l'ouest Guyanais (Awala Yalimapo, Mana, Organabo). Une phase préliminaire a consisté à la mise en oeuvre d'un modèle simple de simulation du nombre de pontes à partir d'un échantillonnage parcellaire (Gratiot et al., 2006). Nous nous sommes ensuite intéressés aux impacts géomorphologiques sur l'écosystème. La très forte dynamique côtière peut restreindre les zones de pontes des tortues lors de phases intenses d'érosion ou d'envasement. Un résultat que nous avons mis en évidence en croisant les informations sédimentaires et les informations de comptages de tortues, lors de la période d'envasement de l'île de Cayenne pendant la période 2002-2003 (J.Gratiot et al., 2004). Compte tenu de l'évolution actuelle de la flèche vaseuse de la rivière de Mana une situation de fort envasement est également à craindre pour les zones privilégiées de pontes de l'ouest Guyanais (figure C.4.1., Kelle et al., 2009). ↑ D'après Kelle et al., 2007 → Cliché du Centre d'écologie et physiologie énergétique, Strasbourg Fig. C.4.1. A gauche, survol de l'ouest guyanais (octobre, 2004) ; la rupture de la flèche vaseuse de la rivière Mana pourrait conduire à l'envasement prochain des plages de pontes d'Awala yalimapo. A droite, trace d'une tortue luth rejoignant l'océan après la ponte. Sur la photo, on distingue des signes évidents d'envasement du bas de plage. 5. Le rôle majeur du cycle de marée à 18.6 ans (Gratiot et al., 2008) De nombreuses régions côtières sont menacées par l'élévation du niveau des mers sous l'effet de l'expansion thermique (Pikley and Cooper, 2004 ; Zhang et al., 2004). Les côtes les plus vulnérables sont celles pour lesquelles des effets locaux (diminution du flux sédimentaire, subsidence naturelle ou anthropique, renforcement des tempêtes ou des cyclones) se superposent à ces effets globaux (Borrero, 2005 ; Syvitski et al., 2005 ; Dixon et al., 2006 ; Ericson et al., 2006). En étudiant les modifications géomorphologiques de la côte vaseuses des 52 Guyanes il y a près de 25 ans, Wells et Coleman (1981) émirent l'hypothèse d'un effet significatif du cycle nodal de marée à 18.6 ans sur l'évolution du trait de côte. Ce phénomène astronomique modifie l'amplitude des marées d'environ 3%, ce qui module la position moyenne des pleines mers de quelques centimètres (±3cm le long des côtes des Guyanes). Le long de côtes extrêmement plates (1km de recul pour 1m de montée), ces quelques centimètres impliquent des changements de plusieurs dizaines (voir centaines) de mètres. L'application de la méthode'matricielle' (voir section C.1.) sur une base de donnée constituée d'une cinquantaine d'images satellites couvrant la période 1986-2006, montre que les avancées et reculs de la mangrove littoral sont bien gouvernés par le cycle nodal de marée (Gratiot et al., 2008). Les impacts respectifs de l'élévation du niveau de l'océan Atlantique et des cycles Nino/Nina sont également observés mais s'avèrent secondaires (Fig. C.5.1). D'ici 2015, le cycle nodal de marée va induire une élévation du niveau des pleines mer d'environ 6cm (contre environ 2cm pour l'effet de réchauffement climatique). Cette montée des eaux devrait induire un recul du littoral de près de 150m, 60% de ce retrait étant associé à l'effet de marée. A l'échelle planétaire, de nombreuses côtes vont connaître des élévations du niveau des mers dépassant la dizaine de centimètres (Fig. C.5.2) du fait du cycle nodal de marée. Durant la période 2015-2025, l'effet de marée participera à une diminution du niveau moyen des pleines mers, contrebalançant pour un temps l'effet généralisé d'augmentation par expansion thermique. Fig C.5.1 a) Fluctuations temporelle du niveau moyen de l'Océan Atlantique (mwl) et du niveau moyen des pleines mers (mhwl), au droit des Guyanes (issu des produits Ssalto/Duacs©. b) Evolutions mesurées (courbes roses et vertes) du littoral de Guyane Française et comparaison au modèle de prédiction (courbe grise), l'année 2006 étant référencée comme année origine. Les points blancs indiquent la tendance issue de mosaïques satellites sur les 1500 km du plateau des Guyane. D'après Gratiot et al., 2008. 53 Figure C.5.2. Elévation du niveau moyen des pleines mers sous l'action du cycle nodal de marée à 18.6 ans d'ici 2015. Les zones grisées correspondent à des zones d'élévation limitées (ou de diminution). La zone encadrée (48W-62W-2N12N) délimite le système sédimentaire du plateau des Guyanes. D'après Gratiot et al., 2008, adapté de Simon, 2007. 6. Comparaison avec l'écosystème côtier du Guyana : clarification des contributions physiques, biologiques et humaines (Gratiot et al., 2008 Supplementary Information ; Gratiot et Anthony, en préparation) La cô te du Guyana fait partie des 1600km de côtes vaseuses du plateau des Guyanes, dominée par la migration d'une vingtaine de bancs de vase (chacun ayant un volume d'environ 800 106 tonnes) depuis l'embouchure de l'Amazone (Brésil) jusqu'à l'Orénoque (Vénezuela). a b Guyana Surinam Guy.Fr c Fig. C.6.1. Bilan sédimentaire du plateau des Guyanes. A) Géographique du plateau. B) Schéma conceptuel des flux sédimentaires. D'après Allison et al., 1995. c) Débit solide de l'Amazone à Obidos de 1996 à 2003. 'après Guyot et al., 2005. Actif depuis plusieurs millénaires (Allison et al., 1995), il s'agit d'un système vase-mangrove unique, le plus long du monde (Froidefond et al., 1988 ; Eisma et al., 1991 ; Allison et al., 2000 ; Gratiot et al., 2008). Ce système structure la côte d'un point de vue sédimentaire mais joue également un rôle très actif pour la production et l'exportation de la biodiversité, potentiellement à l'échelle globale (Aller et al., 2010). L'évolution des flux sédimentaires est schématisée par Allison et al. (1995), figure C.6.1b. Sur l'ensemble du flux Amazonien, un total de 250 106 T/an cheminent au niveau du plateau continental des Guyanes ; 100 106 T/an sous forme de banc de vase et 150 106 T/an sous forme de suspension turbide transitant généralement le long de la côte en eau peu profonde 0-20m. L'évolution temporelle indique un accroissement des flux sédimentaire de l'Amazone, de l'ordre 20% entre 1995 et 2007 (Guyot et al., 2005, Martinez et al., 2009). Les travaux réalisés depuis plusieurs décades ont bien établi le rôle des bancs de vases sur la dynamique sédimentaire tandis que jusqu'à présent, la suspension turbide était considérée comme un élément secondaire de la structuration du littorale. L'intercomparaison de la dynamique côtière au Guyana et en Guyane Française apporte de nouveaux éléments d'analyse. J'ai réalisé cette étude en mai-juin 2010, dans le cadre d'un travail d'expertise commandité par l'European Development Funds pour le bénéfice de la cellule « Infrastructure de lutte contre l'érosion côtière » du gouvernement du Guyana. Fig. C.6.2. Colonisation de la frange côtière par Avicennia Germinans. En haut à gauche, physiologie des graines d'avicennia. D'après Proisy et al., 2009. En haut à droite colonisation par diffusion des graines depuis la mangrove mature jusqu'aux zones de vases molles. En bas, colonisation d'une frange côtière du Guyana par piégeage des graines dans des fentes de dessication. Les deux photos sont prises à quelques mois d'intervalle. D'après Allison et al., 1995. c)Débit solide de l'Amazone à Obidos de 1996 à 2003. D'après Guyot et al., 2005. 55 Dans de précédents travaux (voir section C.3.) nous avions montré que la mangrove participait activement à la structuration de la zone de vase intertidale. L'espèce Avicennia Germinans est quasi monospécifique sur la frange côtière (avec Laguncularia comme espèce secondaire en zone littorale et Rhizophora le long des cours d'eaux). Elle a su développer des stratégies de colonisation très actives, basées sur trois modes (Proisy et al., 2009) : • Colonisation par diffusion depuis le front de mangrove mature (Fig. C.6.2 en haut à droite). • Colonisation le long des chenaux de drainage. • Colonisation sur les barres vaseuses lors des dessiccations (Fig. C.6.2 en bas). Ces trois stratégies de colonisation nécessitent, d'une part, une bonne connexion des zones colonisables aux graines disséminées par la mangrove mature et d'autre part, un substrat vaseux, permettant la fixation des graines et leurs germinations en quelques jours. Comme le montre le schéma législatif du littoral au Guyana (Figure C.6.3), les choix d'aménagement de la frange côtière du Guyana ont conduit à une disjonction entre la mangrove jeune et la mangrove mature. Ainsi, une digue côtière longe le littoral et protège des habitations, des zones d'agricultures et d'aquacultures implantées postérieurement. Les zones agricoles et aquacoles présentent également des chenaux d'irrigation qui limitent plus encore la connexion terre-côte. Fig. C.6.3. Schéma législatif d'aménagement côtier au Guyana. La frange de mangrove est coupée par des digues assurant la protection d'habitations, d'aquaculture et d'agriculture. Ce choix a d'ores et déjà conduit à un déséquilibre du système mangrove-vase dont on peut craindre qu'il s'accentue. Sur la base d'analyses géomorphologiques, Anthony et al. (2008) et Gratiot et al. (2008, Figure C.1.6) ont pu montrer qu'un système mangrove-vase à l'équilibre présente des avancées et reculs du trait de côte de l'ordre du kilomètre, naturellement. Dans un contexte analogue le long de zone d'aquaculture en Thailande, Winterwerp et al. (2007) ont développé un modèle théorique qui préconise également une frange de mangrove de plusieurs centaines de mètres pour un écosystème côtier à l'équilibre. Ces recommandations issues d'observations géomorphologiques trouvent trois explications physiques, à plus petite échelle : 56 • La mangrove, qu'elle soit sur pied ou érodée, présente un enchevêtrement de racines et de troncs qui dissipe l'énergie incidente des houles et des courants et réduit considérablement les capacités érosives de la houle (Figure C.6.4. à gauche). Ainsi, Barbier et al. (2008, Supplémentary Information) ont pu montrer qu'une houle incidente ayant des hauteurs significatives de vagues de un mètre se réduit à 10cm après une propagation d'un kilomètre dans la mangrove. • Cette dissipation de la houle transforme l'énergie incidente en turbulence diffusive et contribue activement à la floculation et la sédimentation des particules (Figure C.6.4. à droite, Furukawa, 1997). Les processus en jeu sont très similaires à ceux simulés dans l'expérience de turbulence de grille (voir section B.2.). • En renforçant la sédimentation, la mangrove facilite également l'accroche des graines de mangroves dans un substrat meuble (Figure C.6.2 en haut à droite). Do mangroves protect the coastline from erosion YES When they are eroded, contribute strongly to energy dissipation, both horizontally (wave diffraction) and vertically (as for alive mangrove) Plage Macouria, a oût 2003 © Ctop he , 2003 Fig. C.6.4. Impact de la frange de mangrove sur la sédimentation. A gauche, d'un point de vue géomorphologique, la mangrove (vivante ou morte) contribue activement à la dissipation de l'énérgie incidente. A droite, la génération d'une turbulence diffusive favorise la flocculation. D'après, Furukawa et al., 1997. Les trois processus précités génèrent un cercle vertueux qui, une fois rompu, peut avoir des conséquences catastrophiques. Sur la photographie présentée sur la figure C.6.5., les graines d ' avicennia n' ont que très peu de chance de s'ancrer dans un substrat sablo-limoneux, suffisamment dur pour marcher dessus. L'arrivée prochaine d'un banc de vase ne pourra pas être naturellement colonisée par la mangrove du fait du manque de graines. L'énergie incidente des houles sera intégralement dissipée par le banc de vase ce qui réduit grandement les possibilités de consolidation (Figure C.3.1). L'intercomparaison du système vase-mangrove existant en Guyane Française et celui observé au Guyana ont révélé le rôle majeur de la frange de mangrove côtière dans la stabilisation du système en place depuis plusieurs millénaires. La frange de mangrove n'est pas uniquement un marqueur du déplacement des bancs de vase mais elle contribue activement à la dissipation de l'énergie des houles, la floculation des particules et l'ancrage des nouvelles graines. Cela peut 57 être concomitant à des phases d'érosion végétale de plus d'un kilomètre si bien qu'un système à l' e doit présenter une frange de mangrove de cet ordre. Fig. C.6.5. Zone sablo-limoneuse d'inter-banc au Guyana. Le substrat est suffisamment dure pour pratiquer le cricket, sport national. Les observations de terrain réalisées dans plusieurs régions de la côte du Guyana ont révélé la fragilité de l'espace côtier d'ores et dejà fortement en déséquilibre. La restauration d'un système naturel sera difficile mais paraît plus viable qu'opter pour l'endiguement généralisé de la côte. Les fleuves locaux n'ont pas un apport sédimentaire très important et celui-ci risque de diminuer suite à l'installation de barrage pour l'hydroéléctricité et la prévention du risque de crue. Ainsi, opter pour un aménagement côtier qui se prive du potentiel piégeage des sédiments amazoniens paraît particulièrement risqué. D. Dégradation des écosystèmes continentaux : érosion des sols, flux de sédiments et nutriments associés (Mexique) 1. Préambule L'érosion des sols continentaux, et plus généralement leur dégradation à l'échelle planétaire sera l'un des enjeux environnementaux majeur du XXIème siècle. Les temps géologiques que nécessite la formation des sols en font une ressource finie, son altération doit être pensée comme une décision de Société irréversible. Dès lors, une question fondamentale s'impose : Les terres cultivables seront-elles suffisantes, en quantité et qualité pour nourrir les 9 milliards d'habitants qui peupleront la planète d'ici 2050? Le boom démographique, la diminution des terres cultivables (notamment par conversion pour la génération d'agro-carburant), l'impact du changement climatique sur la qualité intrinsèque des sols (notamment la matière organique), la pression sur la ressource en eau (qualité et quantité) et les changements des régimes alimentaires figurent parmi les facteurs de pression forte sur les sols et leur productivité alimentaire (Servat et al., 2010). Fig. D.1.1. Atlas mondial de dégradation des sols à l'échelle planétaire.UNEP (1997). Comme l'illustre la figure D.1.1, la dégradation des sols est un phénomène mondial qui n'épargne aucun continent. Une fois engagé, le processus de dégradation des sols est généralement amplifié naturellement dans les zones semi-arides (Quinton et al., 2010). Environ 28% de la dégradation mondiale est attribuée à l'érosion éolienne (5.5 Mkm2) et 56% à l'érosion hydrique (11Mkm2). Cette dernière constitue la principale menace pour les sols en Europe. Elle a d'ores et déjà dégradé 260 000 km2 (PESERA, 2004). Sur le continent Américain (Sud et Nord), le Mexique figure en tête des pays souffrant de dégradation des sols. Celle-ci concerne 24% du pays et 34% de la population (Gnacadja, 2008). 60 2. Evolution pluriannuelle des régimes hydrologiques et sédimentaires sur les hauts plateaux volcaniques du Mexique : bassin versant de Cointzio, Michoacán (Gratiot et al., 2010 ; Lopez-Granados et al., en préparation). L'état du Michoacán est le plus touché avec plus de 20 000 km2 d'ores et déjà sévèrement érodés. Dans cette région comme dans beaucoup d'autres, l'érosion des sols contribue à la perte de terres cultivables et à la dégradation du système aquatique du fait de l'augmentation de la turbidité dans les cours d'eau et du transit des polluants, fixés sur les argiles. La sédimentation dans les barrages induit des surcoûts pour l'entretien des ouvrages et le traitement de l'eau de ville. C'est dans ce contexte que nous avons entrepris une étude des flux sédimentaires à court, moyen et long termes, sur le bassin versant de Cointzio (Figure D.2.1). Fig. D.2.1. Localisation du bassin versant de Cointzio (650km2), situé sur les hauts plateaux volcaniques Mexicains, à l'aval de Morélia, capitale du Michoacán. A gauche, carte générale, à droite, le bassin versant et ces principales stations météorologiques. D' après Grati ot et al. , 2010. Constitué essentiellement de sols volcaniques (haut plateaux de la Sierra Madre), ce bassin est caractérisé par une anthropisation limitée, une couverture essentiellement distribuée entre agriculture, pâturage et forêts. L'évolution pluriannuelle du cycle hydrologique a été abordée en examinant les débits fluides à l'exutoire du bassin versant (station hydrologique de Santiago Undaméo). Les archives historiques de la Comission Nacional del Agua ont été digitalisées et critiquées à partir des mesures hautes fréquences réalisées dans le cadre de nos actions de recherche en 2007, 2008 et 2009 (Gratiot et al., 2010). L'adaptation d'une méthode classique de séparation d'hydrogramme (Chapman, 1999 ; Nathan et McMahon, 1990) a été utilisée pour caractériser la part d'eau ruisselée de l'eau infiltrée puis exfiltrée. Les données de précipitations ont également été traitées et critiquées afin de disposer de bases de données cohérentes. D'un point de vue météorologique, les régimes de précipitation sont restés remarquablement stable sur cinquante ans (Fig. D.2.2.a). Pour autant, les caractéristiques des débits fluides ne sont pas restées identiques et des changements significatifs ont été observés, notamment depuis le milieu des années soixante dix. Comme le montre la figure 2.2.b, la part d'eau ruisselée a augmenté significativement entre 1950 (30% du débit à l'exutoire) et 2005 (40% du débit à l'exutoire). Les évènements exceptionnels de crues ont également augmenté en magnitude (jusqu'à 48 m3s-1) et en instabilité (années très basses suivies d'années très hautes) (Fig. D.2.2.c). 61 L'analyse croisée de toutes ces informations a mis en évidence l'impact des modifications d'usages du bassin versant sur les caractéristiques fondamentales du cycle hydrologique, en particulier la partition entre l'eau de surface et l'eau de sub-surface (Gratiot et al., 2010). La projection des tendances actuelles dans le futur est un point essentiel que nous avons essayé d'aborder au travers de modèles climatiques (Fig. D.2.3). Fig. D.2.2. Evolution pluriannuelle (1950-2005) de différents paramètres hydrométéorologiques sur le bassin versant de Cointzio, Mexique. A) évolution des précipitations totales annuelles, station de Cointzio. B) Evolution du pourcentage annuel d'eau ruisselée à la station hydrologique de Santiago Undaméo. C) Evolution des crues maximales annuelles. Le modèle utilisé est un modèle spline utilisant les modèles de circulation globale du Canadian Centre for Climate Modelling and Analysis (Crookston, 2008 ; Saenz-Romero et al., in press.). Les projections laissent présager des précipitations à la baisse, de température à la hausse et donc d'un index d'aridité à la hausse (Fig. D.2.3). Ainsi, les conditions météorologiques futures devraient renforcer les conditions de ruissellement (versus infiltration) et ainsi accentuer les tendances engagées (Fig. D.2.2). Fig. D.2.3. (a) Estimation des précipitations annuelles pour un climat contemporain (période 1961-1990) et pour une projection centrée sur les années 2030, 2060 et 2090. (b) Estimation des températures moyennes un climat contemporain (période 1961-1990) et pour une projection centrée sur les années 2030, 2060 et 2090.(c) Indice annuel d'aridité un climat contemporain (période 1961-1990) et pour une projection centrée sur les années 2030, 2060 et 2090. D'après Gratiot et al., 2010. 62 Dans le cadre d'une collaboration avec le Centre de Recherche sur la Géographie Environnementale (CIGA, Universidad Nacional Autonoma de Mexico), l'évolution de l'usage des sols, entre 1975 et 2003, a pu être caractérisée sous SIG (Figure D.2.4). Cette évolution révèle des changements très conséquents entre 1986 et 1996, changements que nous avons essayés de relier à l'érosion des sols par le biais 'archives sédimentaires (Lopez-Granados et al., in prep.). Fig. D.2.4. Carte de l'évolution de l'usage des sols entre 1975 et 2003. D'après Lopez-Granado et al., in prep. L'évolution pluriannuelle des conditions d'érosion sur le bassin versant est estimée à partir de l'évolution pluriannuelle du taux de sédimentation dans le réservoir de Cointzio, à l'exutoire du bassin versant. Pour ce faire, une carotte sédimentaire de 130cm a été prélevée dans la partie la plus profonde du barrage de Cointzio (Fig. D.2.5). Fig. D.2.5. Extrait d'une photographie de la carotte sédimentaire COI09_1. Des lamines identifiant les apports sédimentaires successifs sont visibles sur les deux sous carottes. Les points noirs sur la demi carotte inférieure correspondent à des prélèvements pour estimation de la concentration en sédiment. La plein résolution de l'image est de 100 microns. 63 L'accumulation des sédiments, année après année, constitue un marqueur de la dynamique du bassin versant et de ses réponses aux forçages météorologiques (événements sévères de pluies et de crues) et anthropiques (modification des usages des sols). Le décompte des lamines observées aux rayons X a permis de reconstituer le taux de sédimentation entre 1974 et 2006 (Fig. D.2.6). L'analyse révèle deux périodes de sédimentation intense (environ 50 mm/an de 1975 à 1978 puis de 1990 à 1994) attribuées à des périodes d'intenses débits fluides dans la rivière. Fig. D.2.6.a) Evolution temporelle du taux de sédimentation dans la retenue de Cointzio entre 1975 et 2006. Les lignes en traits pleins et pointillés représentent l'estimation déduite d'une analyse aux rayons X d'une carotte sédimentaire prélevée dans le réservoir. B) Evolution du débit fluide moyen journalier entre 1975 et 1980. C) Evolution du débit fluide moyen journalier entre 1990 et 1995. D'après Lopez-Granados et al., in prep. En conclusion, il semblerait que les forts changements d'usage des sols (déforestation, urbanisation, reforestation, aforestation ) qui se sont produits sur le bassin versant aient généré à la fois des zones sources de sédiments et des zones de stockages, la tendance pluridécennale étant stable et essentiellement marquée par de hauts taux de sédimentation lors de forçages hydrométéorologiques extrêmes. 3. Hydrodynamique sédimentaire et biogéochimie du réservoir de Cointzio (Susperregui et al., 2009 ; Susperregui et al., à soumettre ; Némery et al., 2009). Dans cette région comme dans beaucoup d'autres, l'érosion des sols participe également à la dégradation du système aquatique du fait de l'augmentation de la turbidité dans les cours d'eau et du transit des polluants, fixés sur les argiles. Le couplage des processus hydro-sédimentaires et des cycles biogéochimiques gouverne le stockage puis le re-largage de polluants lors des phases de dépôts et d'érosion des vases. Le barrage de Cointzio (Mexique) regroupe l'ensemble des problèmes précités et de fait a été proposé (puis sélectionné) comme site pilote du projet européen DESIRE (Desertification, Mitigation and Land remediations) et du projet ANR blanc STREAMS (Sediment Transport and Erosion Across Mountains). La qualité de son eau est essentielle puisque ce barrage contribue à hauteur de 30% de la ressource en eau potable de la région. En outre, il permet l'irrigation de nombreuses zones agricoles pendant la saison sèche. De 2005 à 2009, nous avons opéré un suivi fin de l'hydrodynamique du réservoir de Cointzio (4km2, 65Mm3) compléter en 2009 d'un suivi biogéochimique. Ces mesures de terrains visent à : 64 • Comprendre la dynamique des cycles biogéochimiques du réservoir de Cointzio et son impact sur l'écosystème. • Modéliser cette dynamique pour générer des scénarios objectifs d'évolution des eaux du réservoir et optimiser sa gestion. Les mesures ponctuelles réalisées en 2005 et 2006 ont permis une première caractérisation du fonctionnement hydro-sédimentaire de l'exutoire du bassin versant de Cointzio (Susperregui et al., 2009). Le réservoir est un système de petite taille (faible volume en rapport au 650km2 de bassin versant drainé) de type 'profond' (selon l'index de profondeur moyenne défini par Wetzel, 1983). Ces caractéristiques, couplées à un régime de pluie tropicale et à de très fortes turbidités induisent une dynamique saisonnière marquée (Figure D.3.1). En saison sèche, le caractère profond et turbide du lac limite les transferts radiatifs et une forte stratification verticale se met en place. Une fois la saison des pluies établie, l'apport massif d'eau froide conduit à un mélange très efficace avec des temps de transit des eaux très courts (probablement inférieurs au mois). L'année 2009 a fait l'objet d'un suivi exhaustif des cycles biogéochimiques. Le réservoir de Cointzio est un excellent exemple de barrage sous influence humaine. La forte charge en sédiments fins induit des surcoûts pour la potabilisation de l'eau tant du fait de la quantité de particules transportées que du fait de sa pollution. Les éléments fixés aux particules d'argiles, notamment le phosphore (Table D.3.) conduit à des phases d'eutrophisation durant lesquelles l'anoxie est atteinte près du fond (Figure D.3.2). Fig. D.3.1: Hydrodynamique sédimentaire du réservoir de Cointzio, Michoacán. A gauche : conditions de température et de turbidité en décembre 2005. A droite, conditions de température et de turbidité en mai 2006. Le suivi du réservoir s'est fait sur une base hebdomadaire pour les flux entrants et sortants et une base mensuelle pour la masse d'eau principale dont l'inertie est plus grande. Les paramètres suivis concernent l'hydrodynamique sédimentaire (profils de température, turbidité) et la 65 biogéochimie (conductivité, oxygène dissous, pH, Chlorphyll a, nutriments (Ptotal, PO43-, NH4+, NO3-)), de carbone organique dissous. Le phytoplancton et le zooplancton ont été suivi dans le cadre d'une collaboration avec l'Université fédérale du Michoana, San Nicolas de Hidalgo. TSS Chla Ptot P-PO4 N-NO3 N-NH4 DOC Inflow tons y-1 Outflow tons y-1 21466 0,7 21 5 63 5,3 1078 2584 0,2 30 3 40 5,2 1138 retention % 88 71 export % -38 43 36 1 Table D.31.: Imports et exports saisonniers de différents indicateurs biogéochimiques du réservoir de Cointzio durant l'année 2009. D 'après Némery et al., 2009. -6 Le bilan annuel en terme de stockage, déstockage est présenté dans la Table D.3.1. Pour la plupart des indicateurs, le réservoir a une fonction de piégeage. Celle-ci est particulièrement marquée pour les matières en suspension (Total suspended sediment) avec près de 90% de stockage dans la retenue et pour la chlorophyll a (réduction nette de 71% entre l'entrée du réservoir et la sortie). Seul le phosphore total est en excès avec une quantité exportée supérieure de 36% aux appors. January May Mayo September December Fig. D.3.2: Evolution saisonnière de trois indicateurs biogéochimiques sur le réservoir de Cointzio durant l'année 2009. En abscisse figure la distance depuis le cours d'eau principal jusqu'au barrage (en km, 0 au barrage). En ordonnée figure la profondeur d'eau en mètre. A gauche, au centre à droite, profls de température, oxygène dissous et chlorophyill a. Le suivi mensuel de la colonne d'eau met en évidence les processus saisonniers (Fig. D.3.2). Le réservoir présente une phase principale de stratification thermique de mai à octobre. Le mélange des eaux est optimal entre octobre et avril, les températures de l'air étant suffisamment fraîches pour déstabiliser la colonne d'eau plusieurs nuits par semaine. Le brassage induit stimule la production de phytoplancton et de cholorophyll a dont les maxima sont observés entre janvier et août. Durant plusieurs mois de l'été, les conditions d'anoxie sont critiques sur la partie inférieure de la colonne d'eau. Avec un temps de résilience de l'ordre de l'année, le réservoir est très marqué par les crues qui se succèdent entre mai et octobre. Chaque crue réduit la pénétration de la lumière et accroît les charges en NH4 et PO4. Il en résulte un 66 développement caractéristique d'algues Euglenophytes et/ou Chsophytes qui reflètent l'eutrophisation temporaire du système (Némery et al., 2009). 4. Hydrologie et dynamique sédimentaire dans le bassin versant révisions mineures ; Evrard et al ., soumis ) (Duvert et al., Sur le bassin versant (650km2), le réseau hydro-météorologique a été complété progressivement pour obtenir une situation de suivi optimal en 2009 (Figure D.4.1.). Les analyses des cycles sédimentaires reposent sur le suivi continu de 10 pluviomètres (collaboration avec l'Université fédérale du Michoana, San Nicolas de Hidalgo), de 8 points mensuels de mesure du débit et de qualité et de cinq stations hydro-sédimentaire (débits fluide et solide toutes les 5 minutes). Figure D.4.1: Bassin versant de Cointzio et stations de mesure hydrologiques en place pour l'année 2009. L'étude de la dynamique sédimentaire au sein du bassin versant repose sur une approche multidisciplinaire couplant l'hydrodynamique sédimentaire de terrain (avec suivi tel que décrit sur la Fig. D.4.1.), le traçage isotopique et géochimique (collaboration avec le Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Envrionnement) et la spectro-colorimétrie (collaboration avec le Centre Alpin sur les Réseaux Trophiques et Ecosystèmes Lacustre). Les analyses en cours ont principalement concernées les sous bassins versants élémentaires de La Cortina, Huertitas et Potrerillos (Table D.4.1). Soumis à des régimes de précipitations sensiblement équivalent, les trois sous bassins présentent des flux sédimentaires spécifiques très disparates, compris entre 30 t.km-2.y-1 et plus de 1000 t.km-2.y-1. Ainsi, les effets cumulés du type et de la couverture de sols se sont révélés être des facteurs de 1er ordre pour le contrôle du flux sédimentaire tandis que l'intensité ou l'énergie des pluies n'est pas un facteur explicatif. sediment delivery (tons) Station La Cortina 300 2600(1) 4600(2) 7400(1) 9500(2) Huertitas Potrerillos Specific Suspended Sediment Yield (t.km-2.y-1) 30 900(1) 1500(2) 600(1) 800(2) Area (km2) 9.3 3.0 12.0 Table D.4.1: Flux sédimentaire annuel spécifique pour les trois sous bassins élémentaires. D'après Duvert et al., in press. Du fait des conditions instrumentales difficiles (grande variabilité spatio-temporelle des paramètres, notamment la pluie), l'analyse des processus ne peut que difficilement se faire suivant une approche mécanistique pour laquelle les processus de forçages (type pluie, ruissellement, érodibilité, ) seraient mesurés et confrontés directement aux réponses du système (débits fluide et solide). En fait l'approche statistique cumulant les observations successives de crues s'avère pertinente pour établir des liens de causalité et est fréquemment mise en oeuvre. Suivant l' approche d'Escoufier (1979) et de Pagès (2004), nous avons pu définir une très bonne corrélation entre les débits fluides maximaux d'une part et les flux spécifiques crues à crues d'autre part. Pour les trois sous-bassins, ces deux paramètres sont assez bien reliés par une loi de puissance. Ce type d'approche présente bon nombre de limites qui nécessite quelques mises en garde, en particulier concernant l'auto-corrélation. Elle permet toutefois de cerner les processus les plus influents sur la dynamique de crue. y =24 x 1.1 a) Potrerillos P1 P2 H C SSL (t.km-2) Huertitas y=245 x 1.5 La Cortina 0 b) 10 6 4 -2 2 y=19 x 1.6 Volume (%) 2 10 10 -1 10 Qmax (m3.s -1.km-2) 0 10 0 10 1 2 0 10 10 Grain size (μm) Fig. D.4.2: a) Relation entre le pic de débit fluide d'une crue et le flux spécifique intégré de la crue pour chacun des événement de crue observés en 2009 sur les bassins élémentaires de Potrerillos, Huertitas et La Cortina. Le triangle gris correspond à la crue du 19 juillet 2009 et possède la distribution granulométrique P1. Le rond gris correspond à crue du 23 juillet et à la distribution granulométrique P2. b) Distribution granulométrique pour quelques évenements de crues à Potrerillos (P1 et P2), Huertitas (H, 12 juillet 2009) et La Cortina (C, 14 juillet 2009). D'après Duvert et al., in press. Dans le cas présent, nous pouvons constater que pour des débits de pics de crue semblables, le bassin versant élémentaire de la Cortina exporte environ dix fois moins de sédiments que le bassin versant de Potrerillos (Fgi. D ;4.2.a). Par ailleurs, le bassin versant de Huertitas nécessite des débits fluides bien plus forts que celui de Potrerillos pour exporter des quantités de sédiments équivalentes. La nature des sédiments exportés n'est pas un facteur explicatif (du 68 moins en terme de granulométrie) et la variabilité des tailles de particules est plus importante d'une crue à l'autre que d'un bassin versant à l'autre. Notre étude nous a également conduit à revoir la typologie de crue classique (Williams, 1989). Selon cette typologie, l'évolution temporelle des couples Q(t)-SSC(t) définit des hystérésis dont le sens (horaire ou anti-horaire) renseigne sur les mécanismes d'arrachement et de transport de sédiments en précisant notamment la contribution relative des agrégats érodés sur les versants vis-à-vis des flocs ou autres sédiments déjà stockés dans le lit du cours d'eau. Cette typologie s'est révélée peu discriminante pour nos petits bassins versants et nous a conduit à proposer une adaptation (Figure D.4.3.) 42% of events unclassified ( flash flood s) Lagging sediment peak (LaP) 3% of events unclassified LaP Always SSC SSC Simultaneous peaks (SP) SP Never LeP Never Never Leading sediment peak (LeP) Q Q Discharge Adapted version Williams (1989) SSC Figure D.4.3: Révision de la typologie de Williams pour discriminer les crues des petits bassins versants. D'après Duvert et al., in press. Avec cette typologie, quasiment tous les événements de crues sont classés. En outre, les événements de Lagging sediment peak (LaP) et Simultaneous peaks (SP) se révèlent être peu nombreux dans l'année mais très actifs en terme de flux sédimentaire exporté (Fig. D.4.4). Cette diversité de comportement entre crues pour des bassins de très petites tailles (3 à 12 km2) (Figure D.4.2.b) met bien en évidence l'existence de phase de dépôts et reprises au sein du réseau hydrologique, même en têtes de bassins versants pour des granulométries très fines. Cette diversité de processus se propage t'elle aux bassins versants de méso-échelles (1001000km2)? ll s'agit d'une question importante que nous essaierons d'aborder dans les prochaines années (voir Partie E). (a) La Cortina 15% LeP SP 2 Und. 3 Und. 4 LeP 2 39% 1 (c) Potrerillos (b) Huertitas SP 7 LaP 14 LaP 5 LeP 3 LaP 14 SP 21 71% 6% 63% 54% 37% 46% 94% Fig. D.4.4. En haut, distribution du nombre de crues suivant la typologie présentée en Figure D.4.3. En bas, flux sédimentaire exporté par typologie de crues (Lap versus SP+LeP). L'approche isotopique fournit une vision complémentaires quant à l'analyse de la dynamique sédimentaire (Evrard et al., soumis). En échantillonnant les sols des bassins versants, les sédiments déposés dans le réseau hydrologique et ceux prélevés par les échantillonneurs automatiques lors de crues, nous avons pu définir les temps moyens de résidence de sédiments sur les versants et dans le réseau hydrologique. L'approche mise en oeuvre considère distinctement les sédiments directement dans le réseau hydrographique (compartiment rivière ou zones de ravines connectées) de ceux situés sur les versants. En 2009, dans le compartiment rivière, les sédiments ont séjourné entre 50 (± 30) et 200 (± 70) jours (suivant le bassin versant considéré) tandis que les temps de transit s'échelonnent entre 5,000 (± 1,500) et 23,300 (± 7,000) ans dans le compartiment versant (Evrard et al., submitted). Pour les sédiments stockés dans la rivière, l'approche isotopique permet en outre de définir les sédiments récents (présent dans la rivière depuis moins de un an) et ceux stockés depuis l'an passé (Figure D.4.5.). Ces résultats sont obtenus en examinant le ratio entre le 210Pb et le 7Be selon la méthodologie proposée par Matisoff et al. (2005). Les méthodes de spectrocolorimétrie, basée sur l'analyse du spectre de couleur (ou infrarouge) des différents échantillons (sols, sédiments, Matières en Suspension) sont en cours et viendront compléter plus encore notre analyse. L'approche correspond à celle présentée par Poulenard et al. (2009) et se fait en collaboration avec cette équipe. Projet de recherche : Au cours des quinze dernières années, j'ai eu l'occasion d'aborder la dynamique des sédiments cohésifs par des approches expérimentales, de terrain et spatiales. Les études ont porté tant sur les processus que sur des sites, depuis l'estuaire de la Gironde jusqu'aux plateaux volcaniques Mexicains (650km2) en passant par la côte de l'Amazone (1600km de littoral). Ces études m'ont permis de développer une approche multidisciplinaire, multi-échelles qui nourrit le projet de recherche que je souhaite développer. Ce projet est axé autour de trois points : 1) D'une part, la pérennisation des compétences acquises sur la dynamique sédimentaire lacustre en utilisant le modèle numérique ELMO 3D comme plateforme support. Ce travail sera réalisé en étroite collaboration avec J.Némery, collègue et spécialiste des cycles biogéochimiques (LTHE, équipe RIVER), M.P. Bonnet, développeur du modèle ELMO (LMTG, Toulouse et Brésil) et F. Guérin, spécialiste du cycle du méthane dans les systèmes lacustre (LMTG, Toulouse et Brésil). 2) Ensuite l'étude de la dynamique sédimentaire rapide dans les bassins versants montagneux. L'effort sera porté sur le développement instrumental en vue de mieux appréhender les processus physiques à partir de mesures de terrain. Ce travail sera réalisé en étroite collaboration avec les collègues du projet ANR STREAMS (notamment C.Legout et G.Nord, LTHE, équipe RIVER) et en collaboration avec le CEMAGREF dans le cadre de la mise en oeuvre du Système d'Observation et de Recherche en Environnement (SOERE) Draix, Bléone. A noter qu'un soutien à l'international sera cherché auprès de I. Droppo (Chercheur au National Water Research Institute) pour les aspects instrumentaux et auprès des partenaires du projet européen DESIRE pour la mise en oeuvre dans divers bassins versants. 3) Finalement, une réflexion sera menée sur la spatialisation de l'information et la pertinence de l'emboîtement d'échelles dans l'étude des bassins versants de montagne. Pour ce travail, nous rechercherons des appuis à la fois auprès de géomorphologues s'intéressant à l'évolution de la topographie des massifs montagneux (Crave, 2006 ), et auprès d'écologues s'intéressant aux hétérogénéités du paysage. Ces trois points vont être développés ci-dessous. Notons que le point 2 sera la priorité et que les points 2 et 3 seront traités dans une gamme temporelle (1minute-1an) et une gamme spatiale (1-1000km2). 1. Modélisation hydro-sédimentaire et bio-géochimique des systèmes lacustres tropicaux Les efforts conduits pour améliorer la compréhension des dépôts de sédiments cohésifs (section B) trouvent une application importante dans le domaine de la qualité d'eau. En effet, le couplage des processus hydro-sédimentaires et des cycles biogéochimiques gouvernent le 72 stockage puis le re-largage de polluants lors des phases de dépôts et d'érosion des vases. Jusqu'à 90% des contaminants présents dans les écosystèmes aquatiques sont stockés sur les sédiments fins. Ceux-ci sont principalement largués en été, lors des phases d'anoxie, avec des impacts négatifs pour l'ensemble de l'écosystème (Figure E.1.1.). L'acquisition fine des paramètres gouvernant les processus hydrodynamiques, sédimentaires et biogéochimiques a été réalisée sur le barrage de Cointzio entre 2007 et 2009. Les mesures réalisées tous les quinze jours à l'aide d'une sonde multi-variables ont été couplées à des mesures continues de la distribution verticale de la température afin de suivre au mieux les phases de stratification et de dé-stratification (Figure D.3.2.). Nous souhaitons mettre à profit cette base de donnée importante pour appliquer et améliorer, si besoin, le modèle numérique ELMO 3D (Bonnet et al., 2001). En particulier nous souhaitons reproduire le fonctionnement biogéochimique (distribution 2D verticale de la chlorophylle a et des éléments nutritifs) en périodes sèches et humides et évaluer la variabilité spatiale (profil vertical) et temporelle (mensuelle) de la qualité biogéochimique des eaux du lac (02, N, P, Si). Fig. E.1.1 Stratification thermique des écosystèmes limniques. Schéma montrant les principales caractéristiques physicochimiques propres à un lac stratifié. Stratification hivernale. B) Stratification estivale. (D'après Deevey in : Krebs, Ecolgy, Harper Collins, ed., 1994. p471). • La comparaison du modèle avec les données de terrain sera l'occasion de critiquer la qualité des algorithmes qui lient le flux de chute φ des sédiments cohésifs aux caractéristiques biogéochimiques du réservoir. Les enjeux associés à cette modélisation concernent non seulement les nutriments mais également les gaz à effet de serre (CH4 et le CO2). A l'échelle globale, les barrages contribueraient respectivement à 12% des émissions anthropiques de CH4, et 90% de ces émissions auraient lieu en zone tropicale (Guérin, communication personnelle). 2. Blocages technologiques et conceptuels quant à l'analyse des flux particulaires dans les bassins versants de petite taille (1-100km2) Force est de constater qu'une différence importante subsiste quant à l'étude de la dynamique sédimentaire dans les masses d'eau pérennes d'une part (océan, littoral, estuaire, rivières) et sur les surfaces continentales d'autre part. Les communautés scientifiques s'intéressant aux flux 73 sédimentaires depuis les versants jusqu'aux océans ont depuis plusieurs décennies appréhender le problème à partir de lois physiques liant les caractéristiques des particules à celles du fluide porteur (hydrodynamique sédimentaire). En dehors de la communauté des géomorphologues, s'intéressant à la dynamique sédimentaire au pas de temps géologiques (Crave and Davy, 2001 ; Simpson and Castelltort, 2006), l'approche physique reste un enjeu majeur sur les bassins versants de méso-échelles (Prosser et Rustomji, 2000 ; Nord and Esteves, 2005, 2007 ; Crave, 2006). Ainsi, la majorité des études de la dynamique sédimentaire rapide en bassin versant repose sur une formulation semi-empirique pouvant se ramener à l'équation proposée par Prosser et Rustomji (2000) : Q s = k1Q β S γ Avec Q(t) le débit fluide, Qs (t) le débit solide, S le gradient d'énergie local (souvent assimilé à la pente locale) et k1, β et γ des constantes spécifiques au site d'étude. Dans les cas les plus défavorables, les termes de l'équation précedente sont déduits uniquement de considérations topographiques (Prosser et Rustomji, 2000). Dans les cas les plus favorables, Q(t), Qs (t) (et parfois S) sont mesurés à haute fréquences. Pour notre projet de recherche, nous souhaitons tendre vers une approche mécanistique des flux particulaires dans les bassins versants de petite taille. Cette approche reposera sur des connaissances physiques que nous avons présentées en section B. Après avoir développé plus spécifiquement certains des processus physiques qui régissent la dynamique sédimentaire, nous présenterons les développements instrumentaux que nous souhaitons mettre en oeuvre pour pallier les difficultés de mesures actuelles. Le diamètre du sédiment et sa vitesse de chute constituent des données capitales pour la description physique de l'interaction entre les sédiments et le fluide (voir section B.2.). Couplées à des mesures de la phase fluide, ces données permettent de calculer les nombres adimensionnels qui caractérisent l'écoulement, notamment le paramètre de Shields, le nombre de Rouse et le nombre de Richardson : • Le paramètre de Shields θcr définit les conditions de remise en suspension d'une particule déposée. 74 Fig. E.2.2. Initiation du mouvement (diagramme de Shields). D'après Van Rijn, 1985. • le nombre de Rouse Ro=ws/κu*, ratio de la vitesse de chute d'une particule à la vitesse turbulente de l'écoulement. Il intervient dans la solution mathématique de l'équation de transport de la concentration sédimentaire en écoulement cisaillé uniforme permanent à surface libre (Figure E.2.1, équation à droite). Le nombre de Rouse montre qu'il existe un lien fort entre les caractéristiques individuelles des sédiments et la distribution de la concentration massique (rigoureusement volumique). Fig. E.2.3 Profil de concentration en sédiments à l'équilibre pour a/h=0.05. D'après Julien (1998). • Le nombre du Richardson de gradient Ri = ρ s − ρ w g ∂C ∂z ρ s ρ w (∂u ∂z ) 2 qui compare l'énergie potentielle associée aux stratifications naturelles de l'écoulement (par charge sédimentaire) à l'énergie turbulente de cisaillement, susceptible de mélanger cette stratification. Le nombre de Richardson fait intervenir la vitesse de chute et le diamètre des sédiments indirectement au travers de la distribution verticale de la concentration massique C(z), comme 75 illustré sur la figure E.2.3. Il permet une description macroscopique de l'interaction fluidesédiments. Il a permis de montrer que les sédiments constituent également des acteurs actifs de la modification de l'écoulement (Winterwerp, 2001 ; Michallet et Mory 2004). Suite à cette introduction, on comprend mieux la nécessité de caractériser non seulement la distribution spatio-temporelle de la concentration en sédiments, mais également leurs vitesses de chute et leur granulométrie in situ. 160 8 Potrerillos Suspended Sediment 6 120 80 4 SSC (g. l-1) Discharge (m3.s-1) Discharge 40 2 0 0 Jan May Jun Jul Aug Sep Oct Nov Dec Fig. E.2.4. Evolution des débits fluide et des concentrations de matières en suspension sur le sous basssin versant de Potrerillos (9km2) pendant l'année 2009. Comme l'illustre la figure E.2.4, les écoulements de petits bassins versants sont généralement éphémère et fortement turbide. Cela limite considérablement les possibilités d'application directe des lois impliquant les nombres adimensionnels précités : 1) D'un point de vue physique, la forte turbidité conduit, au delà de quelques grammes par litre, à des interactions fortes entre les particules et à un phénomène d'entravement de la vitesse (section B, Figures B.2.3 et B.3.2). Ainsi les vitesses de chutes effectives des sédiments et les caractéristiques générales de l'écoulement s'en trouvent fortement modifiées (Gratiot et al., 2005 ; Sottolichio et al., en révision). En particulier, des processus d'hyper sédimentation peuvent se produire pour des particules très fines du fait des effets de stratification de la colonne d'eau (Winterwerp, 2001). Le nombre de Rouse, qui repose sur l'hypothèse d'un régime permanent et d'une distribution monoclasse des sédiments (sans processus de flocculation/defloculation) ne suffira pas à la description des écoulements rapides, tel qu'illustré sur la figure E.2.4. Le nombre de Richardson constituera un bon outil en complément d'analyse. 2) D'un point de vue instrumental, la furtivité des écoulements des petits bassins versants de montagne et leur grande turbidité compliquent notoirement les possibilités d'estimation in situ de la vitesse de chute et du diamètre des sédiments. Les méthodes laser (type LISST, Malvern de laboratoire) et vidéos (Fennessy et al., 1994), qui ont été fréquemment utilisées en zone estuariennes et côtières (Fenessy et al., 1994 ; Mikkelsen et al., 2001 ; Jouon et al., 2008), sont mises à défaut lorsque la concentration en sédiments excède quelques centaines de mg/l. Dans la plu des études, granulométrie et vitesse de chute sont donc déduites à posteriori en laboratoire. Cette approche est périlleuse parce que les agrégats, flocs et autres 76 particules sont facilement modifiés, voire détruits, dès lors qu'on les transporte. Par conséquent, les estimations issues d'analyses de laboratoire sont largement sujettes à caution et se révèlent dans la plupart des cas de peu d'intérêt pour déduire précisément les conditions sédimentaires in situ (Phillips et Walling, 1995, Williams et al., 2007). Pour pallier ces difficultés, nous souhaitons développer dans les années à venir un instrument spécifique, couplant des fonctionnalités de prélèvement automatique lors des crues à des mesures optiques de la vitesse de chute d'ensemble des particules prélevées.
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5.3.2 Influence d'une modulation du courant d'injection Les diagrammes de bifurcation précédents ont mis en évidence que pour des longueurs de cavité externe supérieures ou égales à 9 cm, la dynamique du laser contre-réactionné par un miroir non linéaire est principalement chaotique. Dans ce paragraphe, nous allons évaluer l'influence d'une modulation haute fréquence du courant d'injection sur la dynamique d'un laser contre-réactionné par un miroir non linéaire. Cette étude a été menée dans le cadre d'une contre-réaction par un miroir classique par K IKUCHI et al. [191]. Nous avons donc introduit l'équation suivante pour l'expression de la densité de courant d'injection : J = jb [1 + msin(2πνt)] (5.19) jb correspond à la densité de courant de polarisation normalisée, m à la profondeur de modulation, et ν à la fréquence de modulation. Les résultats sont présentés sur la figure 5.8 sous la forme de diagrammes de bifurcation donnant les maxima de la puissance de sortie du laser en fonction de la profondeur et de la fréquence de modulation, à la fois pour une contre-réaction classique et une contreréaction non linéaire. Ces diagrammes ont été tracés en fixant le courant de polarisation 5.3. Analyse de la dynamique 97 F IG. 5.8 – Diagrammes de bifurcation donnant les maxima de la puissance de sortie en fonction de la profondeur (à gauche) et de la fréquence de modulation (à droite). Ces diagrammes sont tracés pour une contre-réaction classique et une contre-réaction non linéaire. Le courant de polarisation du laser est fixé à jb = 1, 2 Jth et la longueur de la cavité externe vaut L = 6 cm. à 1,2 fois le courant de seuil (jb = 1, 2 Jth ) et nous nous sommes placés dans le cas d'une cavité externe longue de 6 cm. Pour les diagrammes contenus dans la colonne de gauche de la figure 5.8, la fréquence de modulation est fixée à ν = 1, 3 GHz et nous faisons varier la profondeur de modulation de 0 à 1. Tout d'abord, nous avons considéré le cas d'une contre-réaction classique dont le miroir possède une réflectivité qui correspond à celle de l'état bas du miroir non linéaire (i.e. r3 = rbas, voir figure 5.8(a)). A l'état statique, le laser se trouve dans un fonctionnement chaotique (figure 5.5(a)) et l'ajout d'une modulation haute fréquence ne stabilise le laser que pour des profondeurs de modulation supérieures à 0,7 (soit 70 %). Le laser entre alors dans un régime impulsionnel. Puis pour m > 0, 9, la période des oscillations double. D'autre part, si la réflectivité du miroir classique est prise telle que r3 = rhaut, nous remarquons alors que le laser se trouve dans un régime oscillant à l'état statique (voir figure 5.5(a)). L'ajout d'une modulation haute fréquence permet donc d'obtenir un régime impulsionnel pour des profondeurs de modulation suffisantes (m ≥ 0.5). Un double- Chapitre 5. Etude théorique d'un laser à semi-conducteurs contre-réactionné par un miroir de 98 gallium ment de la période des impulsions apparaît également pour m = 0, 9 (voir figure 5.8(b))). Maintenant, considérons une contre-réaction par un miroir non linéaire caractérisé par rbas = 0, 018, rhaut = 0, 028 et Pmnl = 0, 1 mW (voir figure 5.8(c)), en régime statique, la puissance de sortie du laser est alors chaotique . Nous pourrions donc nous attendre à obtenir un diagramme de bifurcation analogue à celui observé pour une contre-réaction classique telle que r3 = rhaut, or il n'en est rien. En effet, l'ajout d'une modulation haute fréquence permet d'atteindre une plus grande variété de régimes comparée au cas d'une contre-réaction classique. Pour des profondeurs de modulation comprises entre 0 et 0,25, le diagramme de bifurcation obtenu avec un miroir non linéaire correspond à celui obtenu avec un miroir classique de réflectivité r3 = rhaut. Ainsi, le laser a tout d'abord un fonctionnement chaotique puis pour des profondeurs de modulation comprises entre 0,14 et 0,21, la puissance de sortie du laser se compose d'oscillations dont le taux de répétition correspond à la fréquence de modulation du courant d'injection (voir figure 5.9(a)). Puis pour 0, 22 ≤ m ≤ 0, 63, le laser contre-réactionné par un miroir non linéaire possède un fonctionnement impulsionnel. Le taux de répétition des impulsions est tout d'abord égal à la fréquence de modulation du courant d'injection (figure 5.9(b)) puis elle est divisée par deux : nous observons un doublement de période via une bifurcation de Hopf pour m'0, 38 (figure 5.9(c)). Pour un miroir classique, nous avons montré que ce comportement impulsionnel est atteint pour des profondeurs de modulation supérieures à 0,7 si nous considérons un point de fonctionnement chaotique en statique (i.e. r3 = rhaut ). Pour un point de fonctionnement stable (i.e. r3 = rbas ), ce régime impulsionnel est atteint pour 0, 21 ≤ m ≤ 0, 25 puis m ≥ 0, 5. Ces observations montrent qu'une faible contre-réaction par un miroir non linéaire permet d'obtenir plus facilement un comportement impulsionnel par rapport à une contre-réaction classique. Nous pouvons donc dire que la stabilisation du chaos via une modulation haute fréquence du courant d'injection est plus efficace avec une faible contre-réaction non linéaire. Par contre, pour des profondeurs de modulation comprises entre 0,63 à 0,8 puis entre 0,9 et 1, le laser contre-réactionné par un miroir non linéaire se trouve dans un régime chaotique. Pour 0, 8 ≤ m ≤ 0, 9, le diagramme de bifurcation obtenu pour une contre-réaction classique présente une structure plus compliquée que celle à laquelle nous sommes habitués. Si nous traçons l'allure temporelle du pour un tel point de fonctionnement, nous remarquons qu'elle se compose d'impulsions très régulières séparées de ν 2 mais l'intensité de ces impulsions est modulée par une enveloppe basse fréquence d'environ 161 MHz (figure 5.9(d)). Lorsque la profondeur de modulation est fixée à m = 0, 4 et que la fréquence de modulation varie de 1 à 3 GHz (diagrammes contenus sur la colonne de droite sur la figure 5.8), la dynamique d'un laser contre-réactionné par un miroir non linéaire est plus stable que celle observée pour une contre-réaction classique telle que r3 = rbas ou r3 = rhaut. En conclusion, l'utilisation d'une très faible contre-réaction non linéaire plutôt qu'une très faible contre-réaction classique peut présenter un avantage si nous voulons générer du chaos. En effet, nous avons pu voir qu'une rétroaction non linéaire permet d'atteindre un régime chaotique pour une plus large gamme de paramètres. De plus, la stabilisation de ce régime chaotique est plus aisée avec une contre-réaction non linéaire. Nous avons montré que l'ajout d'une modulation haute fréquence au courant d'injection permet d'obtenir un régime impulsionnel pour des profondeurs de modulation inférieures à celles nécessaires pour une rétroaction classique. Et ce que nous partions d'un point de fonctionnement chaotique ou stable pour le laser contre-réactionné par un miroir classique. Enfin, à profondeurs de modulation équivalentes, les impulsions obtenues avec un miroir non linéaire sont plus puissantes que celles obtenues avec un miroir classique mais elles ont un taux de répétition divisé par deux. Suivant ces tendances schématiques, la dynamique d'un laser soumis à une faible contre-réaction non linéaire diffère donc peu de celle d'un laser soumis à une contre-réaction classique. Nous allons désormais nous intéresser à des taux de contre-réaction non linéaires plus importants. Chapitre 5. Etude théorique d'un laser à semi-conducteurs contre-réactionné par un miroir de 100 gallium 5.3.3 Structure modale en fonction du courant et blocage de modes Les réflectivités, que nous allons utiliser dans ce paragraphe, sont plus proches des valeurs disponibles à l'heure actuelle pour les miroirs non linéaires [164]. Mais avant de nous intéresser au comportement dynamique du laser soumis à une telle contre-réaction et afin de mieux comprendre les phénomènes observés, nous allons présenter une autre conséquence notable de la non linéarité du miroir externe : la structure modale dépend du courant d'injection. 5.3.3.1 Structure modale en fonction du courant d'injection Cette propriété importante n'avait, à notre connaissance, encore jamais été mise en évidence que ce soit pour les absorbants saturables ou les réflecteurs non linéaires. La figure 5.10 montre l'évolution de la structure modale de la cavité étendue lorsque la densité du courant d'injection varie de Jth, la valeur au seuil pour la cavité seule, à 10Jth. les plus basses fréquences deviennent instables lorsque le courant augmente. ns=Ns/Nth-1 0,3 0,2 ∆ns=Ns/Nth-1 0,1 (a) 0,0 -0,1 -0,2 -50 0,1 J J -45 -40 -35 ∆ω τ -30 0,0 -0,1 -0,2 -0,3 -200 -150 -100 -50 ∆ω τ 50 100 -85 0,2 -90 0,1 -95 0,0 ∆ω τ ∆ns=Ns/Nth-1 0 -0,1 -100 -105 -110 -0,2 -115 -0,3 -120 0 2 4 6 8 10 0 (b) 2 4 6 8 10 (c) F IG. 5.12 – Evolution des solutions stationnaires en fonction du courant d'injection normalisé. Nous avons considéré une contre-réaction modérée telle que rhaut = 0, 8, rbas = 0, 2 et Pmnl = 0, 55 mW. Le courant varie entre Jth et 10 Jth. Chapitre 5. Etude théorique d'un laser à semi-conducteurs contre-réactionné par un miroir de 102 gallium Cette dépendance de la structure modale en fonction du courant de polarisation n'avait, à notre connaissance, encore jamais été mise en évidence. Notons que ce résultat est plus général car la réponse simulée pour un miroir de réponse non linéaire est approximativement celle d'un absorbant saturable. Nous voyons donc que l'emploi de la commutation de gain dans de tels systèmes module profondément la répartition spectrale de la cavité couplée. L'image statique (mise en phase de modes) reste donc limitée même si elle reste une introduction permettant de bien cerner ce qu'est le blocage de modes. Cette variation spectrale en fonction du courant pourrait expliquer la difficulté d'obtenir des trains d'impulsions réguliers. Elle ne présume pas toutefois de l'existence d'une solution dynamique (cycle limite) et peut être une information nécessaire à la bonne réalisation de telles cavités coup lées à l'avenir. 5.3.3.2 Obtention d'un régime de blocage de modes L'analyse que nous allons présenter considère un laser contre-réactionné par un miroir non linéaire caractérisé par rbas = 0, 2, rhaut = 0, 8 et Pmnl = 0, 55 mW. La densité de courant d'injection du laser varie entre Jth et 4, 5Jth (avec Jth la densité de courant nécessaire pour atteindre le seuil, dans le cas d'un laser seul). La longueur de la cavité externe est fixée à L = 6 cm. Pour analyser le comportement dynamique d'un laser à semi-conducteurs soumis à une telle contre-réaction, nous traçons l'allure temporelle du laser ainsi que les portraits de phase, c'est-à-dire l'évolution de la phase du champ en fonction de la densité de porteurs. Afin de déterminer quels sont les modes impliqués dans le fonctionnement du laser, nous superposons les courbes des portraits de phase et et de la répartition des solutions stationnaires. Les graphes qui en résultent sont présentés sur les figures 5.13(a), (b) et (c). Cette représentation peut paraître inadaptée dans la mesure où l'évolution temporelle de l'intensité ou encore celle de la phase sont obtenues par intégration numérique des équations de Lang et Kobayashi. Dans ce modèle, la notion de modes est sous-jacente, c'est pourquoi, nous allons rappeler quelques propriétés de la phase d'un champ circulant dans une cavité laser. Au cours du premier chapitre de cette thèse, nous avons expliqué le principe du blocage de modes an considérant le champ du laser comme une somme de modes longitudinaux : " E(t) = < # N −1 ∑ E0 e ( ωk t + φ ) k =0 où N est le nombre de modes oscillants, φk les phases non cor rélées de chacun des modes longitudinaux, et ωk la fréquence de chacun des modes longitudinaux. Pour simplifier l'explication, nous supposons que tous les modes oscillants ont la même amplitude E0. (5.20) 5.3. Analyse de la dynamique Solutions stationnaires φ(t)-φ(t-τ) dφ/dt*τ -0,2 0,005 J=Jth -0,3 -150 0,2 ∆N=N(t)/Nth-1 Pmnl=0,55 mW ; J=1 Jth 0,010 -0,1 0,1 0,0 -75 φ(ω (t)-sφ-ω (t-0τ)τ ) 0 75 (b) Solutions stationnaires φ(t)-φ(t-τ) dφ/dt*τ -0,1 -0,2 J=2 Jth -0,3 -200 0,2 0,1 ∆n=N/Nth-1 rhaut=0,8 ; rbas=0,2 ; 0,015 -150 -100 -50 φ(ω (t)-s-ω φ(t-0τ)τ ) 0 50 (c) Solutions stationnaires φ(t)-φ(t-τ) 0,0 -0,1 -0,2 J=3,5 Jth -0,3 -200 -150 -100 -50 φ(ω (t)-sφ-ω (t-0τ)τ ) 0 50 0,000 0,0 (d) 0,020 ∆n=N/Nth-1 0,1 (a) 0,2 103 0 5 10 15 20 25 Temps (ns) 30 (e) 8 rhaut=0,8 ; rbas=0,2 ; Pmnl=0,55 mW ; J=2 Jth 5 GHz 6 4 2 0 0,0 0,5 1,0 Temps (ns) 1,5 2,0 (f) 15 rhaut=0,8 ; rbas=0,2 ; Pmnl=0,55 mW ; J=3,5 Jth 138 MHz 10 5 0 0 5 10 15 20 Temps (ns) 25 30 F IG . 5.13 – Différents régimes de fonctionnement d'un laser contre-réactionné par un miroir non linéaire tel que rbas = 0, 2, rhaut = 0, 8 et Pmnl = 0, 55 mW. La longueur de la cavité externe est fixée à L = 6 cm. (a-c) Evolution de la phase en fonction de la densité de porteurs pour différentes densités de courant d'injection, (d-f) temporelle de la puissance de sortie du laser pour différentes densités de courant d'injection. Les modes de la cavité externe sont représentés par des ronds et les anti-modes par des croix. Ainsi, lorsque seuls deux modes oscillent dans la cavité, la phase θ du champ a pour expression : tan(θ ) = sin (ω1 t + φ1 ) + sin (ω2 t + φ2 ) cos (ω1 t + φ1 ) + cos (ω2 t + φ2 ) (5.21) Chapitre 5. Etude théorique d'un laser à semi-conducteurs contre-réactionné par un miroir de 104 gallium Soit9 tan(θ ) = tan 1 (ω1 + ω2 ) t + φ1 φ2 2 (5.22) Et dθ 1 = ( ω1 + ω2 ) dt 2 (5.23) La fréquence instantanée du champ circulant dans la cavité laser correspond à la valeur moyenne des fréquences des deux modes oscillants. De la même façon, si trois modes oscillent dans la cavité, la fréquence du champ résultant est environ égale à un tiers de la somme des fréquences des trois modes longitudinaux. Enfin, la phase instantanée dφ dt décrit un chemin situé juste au-dessus des anti-modes se trouvant sur la partie inférieure 9 Nous utilisons les relations trigonométriques suivantes : a+b a− b cos 2 2 a+b a−b cos. 2 cos 2 2 sin a + sin b = cos a + cos b = 2 sin 10 Nous entendons par harmonique un blocage de modes dont le taux de répétition correspond à un multiple du temps d'un aller-retour dans la cavité externe. 5.3. Analyse de la dynamique 105 de l ' ellipse . Dans ce régime, ce sont donc les modes possédant un gain important qui oscillent. Pour une densité de courant d'injection J comprise entre 1, 5Jth et 3, 5Jth, le régime impulsionnel est caractérisé par des impulsions séparées d'un multiple de la fréquence d'un aller-retour dans la cavité externe. Ainsi, pour J = 1, 5Jth, le taux de répétition des impulsions vaut 2,5 GHz, puis pour 2Jth ≤ J ≤ 2, 5Jth, la fréquence des impulsions passe à 5 GHz alors que pour 3Jth ≤ J ≤ 4Jth ce taux devient égal à 7,5 GHz (voir figure 5.14(b)). Ce régime impulsionnel ne correspond pas à un régime de blocage de modes puisque la différence de phase retardée φ(t) − φ(t − τ ) n'est pas constante : elle passe, à chaque aller-retour, d'une solution stationnaire à une autre (comme le montre la figure 5.13(c)). De plus, l'intensité de ces impulsions est modulée par une enveloppe basse fréquence autour de 130-140 MHz, et ce quelle que soit la valeur de la densité de courant d'injection considérée. Nous pouvons nous demander si ce régime n'a pas un lien avec le régime de bruit basse fréquence11 dans la mesure où les temps caractéristiques de ce dernier sont identiques à la fréquence de cette surmodulation. Il serait donc intéressant de réaliser une étude plus approfondie de ce régime pour vérifier ce point. D'autre part, la figure 5.14 donne les variations de la phase instantanée de ce train d'impulsions. Nous remarquons alors de fortes variations de cette phase sur une large gamme de fréquence (supérieure à 0,00 Solutions stationnaires φ(t)-φ(t-τ) dφ/dt*τ -0,05 ∆n=N/Nth-1 -0,10 -0,15 -0,20 -0,25 J=3,5 Jth -0,30 -180 -150 -120 φ(t)-φ(t-τ) -90 -60 200 GHz), ce qui montre que les impulsions sont chirpées. 5.3.4 Emission régulière de paquets d'impulsions Si nous considérons que le miroir non linéaire possède une réponse temporelle non négligeable, le régime impulsionnel décrit précédemment existe toujours mais ces caractéristiques sont modifiées. En effet, il se compose d'impulsions régulières mais elles sont espacées de 400 ps (2,5 GHz), soit du temps d'un aller-retour dans la cavité externe et non plus d'un multiple de ce dernier. L'intensité des impulsions est fortement modulée par une enveloppe basse fréquence qui constitue ainsi des trains d'impulsions (voir figure 5.15(a)). Ce régime est connu sous le terme anglais de "Regular Pulse Packages"(que nous dénommerons RPP dans la suite de ce document). Un tel régime a déjà été identifié pour un laser contre-réactionné par un miroir classique [192],[193] et dans le cas d'une rétroaction non linéaire, le RPP est caractérisé par deux grandeurs physiques, comme pour une contreréaction classique [192]. Ces grandeurs sont : – le taux de répétition des impulsions qui correspond au temps d'un aller-retour dans la cavité externe, – la fréquence de l'enveloppe du RPP. La figure 5.15(b) montre que la fréquence de l'enveloppe du RPP dépend à la fois de la densité du courant d'injection et du temps de réponse de la non linéarité. Dans le cas d'une contre-réaction classique, Heil et al. ont établi une dépendance linéaire de cette fréquence ( f RPP ) en fonction du courant de polarisation du laser. Pour une contre-réaction non linéaire, ce résultat est valable uniquement sur une courte gamme de densités de courant d'injection : 1, 4Jth ≤ J ≤ 2, 2Jth. Ainsi, pour des densités de courant d'injection inférieures à 1, 4 Jth, le laser se trouve dans un régi me continu alors que pour les valeurs de J supérieures à 2, 2 Jth, le laser est caractérisé par un régime chaotique. La prise en compte d'une réponse temporelle du miroir non linéaire modifie la dynamique d'un laser soumis à une faible contre-réaction non linéaire. Bien qu'elle autorise toujours un régime impulsionnel, elle favorise l'apparition de régimes continu et chaotique pour un plus grande gamme de paramètres. 5.3.5 Blocage de modes harmonique Un des principaux avantages de l'utilisation d'un miroir non linéaire par rapport à un miroir classique réside dans l'obtention d'un régime de blocage de modes passif et harmonique pour de forts taux de contre-réaction. En effet, lorsque nous ajoutons un traitement anti-reflet sur la face de couplage du laser à semi-conducteurs contre-réactionné par un miroir classique, ce dernier est caractérisé par un régime continu. Alors que dans le cas d'une contre-réaction par un miroir non linéaire, l'ajout d'un tel anti-reflet permet l'observation d'un régime impulsionnel que nous qualifions de blocage de modes passif et harmonique. Dans la suite de ce paragraphe, nous allons nous attacher à la description de ce régime lorsque le miroir a une réponse temporelle instantanée puis nous évaluerons l'influence du temps de réponse sur les caractéristiques de ce régime. 5.3.5.1 Réponse instantanée du miroir non linéaire La figure 5.16 présente l'évolution temporelle de la puissance émise par un laser à semi-conducteurs contre-réactionné par un miroir non linéaire, situé à 5 cm de la face de couplage du laser et caractérisé par : – une réflectivité de l'état bas égale à rbas = 0, 2, – une réflectivité de l'état haut égale à rhaut = 0, 8, – et un seuil d'excitation de la non linéarité égale à Pmnl = 0, 55 mW. Chapitre 5. 0 0,0 30 25 20 0,2 0,4 0,6 Temps (ns) 0,8 1,0 rhaut=0,8 ; rbas=0,2 ; Pmnl=0,55 mW ; r2=0,0009 21 GHz 15 10 5 0 0,0 0,2 0,4 0,6 Temps (ns) 0,8 1,0 F IG . 5.16 – Evolutions temporelles d'un laser à semi-conducteurs contre-réactionné par un miroir non linéaire pour différentes valeurs de l'anti-reflet de la face de couplage du laser. Courant de polarisation : J = 2 Jth, longueur de cavité externe L = 5 cm et le miroir non linéaire est caractérisé par rbas = 0, 2, rhaut = 0, 8, Pmnl = 0, 55 mW. Nous remar qu ons alors que, pour des valeurs de r2 inférieures ou égales à 0,2, la puissance émise par le laser est constituée d'impulsions dont le taux de répétition est fortement lié à la valeur de r2. En effet, au fur et à mesure que la valeur de r2 diminue, la fréquence des impulsions prend des valeurs qui correspondent à des multiples de la fréquence d'un aller retour dans la cavité externe. Pour une longueur de cavité externe de 5 cm et pour des valeurs de r2 comprises entre 0,04 et 0,2, nous obtenons un taux de répétition des impulsions de 3 GHz, fréquence d'un aller retour dans la cavité externe. Puis, pour 0, 01 < r2 < 0, 02, la fréquence des impulsions passe à 6 GHz alors que, pour 0, 006 ≤ r2 ≤ 0, 007, cette fréquence vaut 9 GHz. Puis pour 0, 009 ≤ r2 ≤ 0, 003, la fréquence des impulsions évolue de 12 GHz à 21 GHz en passant par 15 GHz et 18 GHz. Enfin, si nous diminuons encore la réflectivité de la face de couplage, le laser atteint alors un fonctionnement stable. D 'autre part, les courbes de la figure 5.16 nous montrent que certaines valeurs de l'anti-reflet correspondent à des régimes transitoires pour le laser. 5.3. Analyse de la dynamique 109 Ainsi, pour r2 = 0, 02, deux trains, dont les impulsions sont séparées de 3 GHz, se superposent. Puis pour r2 = 0, 015, un régime impulsionnel propre prend place avec un taux de répétition de 6 GHz. Cette dernière remarque montre que nous devons être vigilants quant au choix du point de fonctionnement (valeur de l'anti-reflet, longueur de la cavité externe) afin d'obtenir un régime de blocage de modes passif plutôt q'un régime transitoire relativement instable. Fréquence des impulsions (GHz) 25 rbas=0,2 ; rhaut=0,8 ; Pmnl=0,55 mW τmnl = 400 ps (L=6 cm) τmnl = 333 ps (L=5 cm) 20 τmnl = 200 ps (L=3 cm) 15 10 5 0 1E-3 0,01 0,1 Réflectivité de la face de couplage du laser F IG. 5.17 – Evolution de la fréquence des impulsions en fonction de la valeur de l'anti-reflet de la face de couplage du laser. Ce régime, que nous qualifions de blocage de modes passif harmonique, est atteint quelle que soit la longueur de la cavité externe comme l'indique la figure 5.17. De plus, la fréquence des impulsions évolue toujours sous la forme de multiples de la fréquence initiale qui correspond au temps d'un aller-retour dans la cavité externe. Cette évolution se fait par palier comme nous pouvons le constater sur la courbe de la figure 5.17 et ce jusqu'à ce qu'elle atteigne un multiple proche de 20 GHz, pour le laser que nous avons considéré pour nos simulations (voir tableau 5.1). L'ajout d'un traitement anti-reflet sur la face de couplage d'un laser à semi-conducteurs contre-réactionné par un miroir non linéaire donne accès à un régime de blocage de modes harmonique permettant d'obtenir des impulsions caractérisées par des largeurs à mi-hauteur de l'ordre de 10 ps pour un taux de répétition pouvant atteindre environ 20 GHz. Mais ces résultats ont été établis en considérant une réponse instantanée du miroir. Nous allons maintenant évaluer l'influence du temps de réponse du miroir sur ce régime. 5.3.5.2 Influence du temps de réponse du miroir non linéaire Si nous considérons le même miroir que celui utilisé pour tracer les courbes de la figure 5.16 mais avec un temps de réponse τmnl de 10 ps, nous observons alors les courbes présentées sur la figure 5.18. Nous obtenons un comportement dynamique analogue à Chapitre 5. celui observé précédemment. Toutefois, ce miroir n'autorise qu'un fonctionnement impulsionnel ayant un taux de répétition supérieur à 15 GHz. Et comme le montre la figure 5.19, plus le temps de réponse du miroir est important, plus le taux de répétition maximum que nous pouvons obtenir diminue. Ainsi pour τmnl = 80 ps, ce maximum vaut 6 GHz et pour τmnl ≥ 150 ps, le régime impulsionnel disparaît à la faveur d'un régime continu 1,0 5.4. Conclusion et perspectives 111 (voir figure 5.19). Nous obtenons alors un fonctionnement analogue à celui observé pour un miroir classique. 5.4 Au cours de ce chapitre, nous avons présenté une comparaison entre la dynamique d'un laser contre-réactionné par un miroir classique et par un miroir non linéaire. Dans le cas d'une rétroaction non linéaire, nous avons pu montrer que la structure modale du laser contre-réactionné dépend à la fois des caractéristiques du miroir ainsi que de la densité du courant d'injection. Cette propriété n'avait, à notre connaissance, pas encore été démontrée jusque là. Notons que ce résultat est plus général car la réponse simulée pour un miroir non linéaire est approximativement celle d'un absorbant saturable. Cette variation spectrale en fonction du courant pourrait expliquer la difficulté pour obtenir des trains d'impulsions réguliers. Cette analyse a montré que l'intérêt d'une rétroaction non linéaire, introduisant un faible taux de contre-réaction, est limité en terme de génération d'impulsions. En effet, la puissance de sortie du laser ainsi contre-réactionné devient plus facilement instable et un régime chaotique peut être généré sur une large gamme de paramètres. De plus, l'ajout d'une modulation haute fréquence au courant d'injection permet d'obtenir un régime impulsionnel, et ce, pour des profondeurs de modulation inférieures à celles nécessaires pour une rétroaction classique. A profondeur de modulation équivalente, les impulsions obtenues avec un miroir non linéaire sont plus puissantes que celles obtenues avec un miroir classique mais elles ont un taux de répétition divisé par deux. Donc selon les applications visées, une faible rétroaction non linéaire peut présenter des avantages par rapport à une contre-réaction classique. D'autre part, l'augmentation de la réflectivité du miroir non linéaire permet d'obtenir des régimes impulsionnels pour une grande gamme de densités de courant d injection. Ces régimes, observés pour une réponse instantanée du miroir, se caractérisent principalement par des impulsions dont l'intensité est légèrement modulée. Si le miroir possède un temps de réponse non instantané, nous avons montré que nous obtenons un régime d'émission régulière de paquets d'impulsions (ou regular pulses packages en anglais). Enfin, l'ajout d'un traitement anti-reflet sur la face de couplage du laser (de réflectivité r2 ) permet d'éliminer ce phénomène de surmodulation en laissant place à un régime de blocage de modes passif et harmonique. Nous avons établi qu'un tel régime permet la génération d'impulsions courtes, dont la durée est inférieure à 10 ps, avec un taux de répétition pouvant atteindre 20 GHz pour le laser considéré dans notre étude. Toutefois, la valeur de ce taux de répétition dépend à la fois du temps de réponse du miroir et de la réflectivité de la face de couplage. Ainsi, plus le temps de réponse est long, plus le régime de blocage de modes tend à disparaître pour laisser place à un fonctionnement continu du laser. Cette dernière propriété, liée au temps de réponse, est identique au comportement d'un laser à semi-conducteurs couplé à un absorbant saturable. Chapitre 5. Etude théorique d'un laser à semi-conducteurs contre-réactionné par un miroir de 112 gallium Cette première étude numérique laisse entrevoir des propriétés intéressantes pour l'utilisation de miroirs non linéaires à base de gallium comme réflecteurs externes pour les lasers à semi-conducteurs. Il ne nous reste plus qu'à espérer que les futures réalisations de ces miroirs en bout de fibre permettent de descendre la puissance de seuil d'excitation de la non linéarité à quelques milliwatts. Enfin, de par l'expression analytique de la réflectivité non linéaire que nous avons utilisée pour cette étude, les résultats obtenus peuvent s'étendre à des miroirs non linéaires autres que les miroirs de gallium. Nous pouvons ainsi envisager, dans un futur proche, l'étude expérimentale de la dynamique d'un laser contre-réactionné par une fibre fortement non linéaire. La réalisation de composants à base de fibre fortement non linéaire est un projet du laboratoire (Thierry C HARTIER) en collaboration avec la plate-forme PERFOS, installée à Lannion. Troisième partie Etude expérimentale et théorique de la dynamique des lasers à semi-conducteurs contre-réactionnés par des réseaux de Bragg fibrés. 115 A PRÈS l'étude de la dynamique des lasers à semi-conducteurs contre-réactionnés par un miroir non linéaire, nous ons nous intéresser à la contre-réaction par un réseau de Bragg. Pour cela, nous présenterons une analyse expérimentale du régime de blocage de modes obtenu avec ce type de source. Nous débuterons donc cette troisième partie par la description des choix technologiques pour lesquels nous avons optés pour pouvoir réaliser des cavités filtrées et fibrées les plus courtes possibles. Puis dans un second chapitre, nous comparerons les performances des différentes sources obtenues avec des réseaux de diverses natures (réseaux apodisés, uniformes). Nous montrerons alors qu'il est possible de réaliser des sources compactes émettant des impulsions en limite de Fourier sur une importante plage de fréquences. Laser à semi-conducteurs sortie r1 Couplage? sortie Fibre optique Face traitée anti-reflet (r2) F IG. 6.1 – Représentation schématique d'un laser à semi-conducteurs contre-réactionné par un réseau de Bragg. Un des buts de cette thèse était de concevoir et de réaliser des cavités externes fibrées les plus courtes possibles et répondant aux besoins d'une application donnée. C'est pourquoi, nous allons présenter, au cours de ce chapitre, la réalisation et la caractérisation de cette cavité. Dans un premier temps, nous nous intéresserons au problème du couplage laser-fibre tout en justifiant les choix technologiques que nous avons faits. Puis nous décrirons le banc de photo-inscription des réseaux de Bragg. Nous terminerons en exposant la méthode d'assemblage utilisée pour la cavité externe ainsi que sa caractérisation. Chapitre 6. Réalisation de la cavité externe 118 6.1 Couplage laser-fibre : utilisation de micro-lentilles Au cours de la première partie de ce document, nous avons vu que le régime de fonctionnement d'un laser contre-réactionné dépend du taux de lumière réinjecté dans le laser. Nous comprenons alors qu'un des points critiques de notre montage réside dans l'optimisation et la stabilisation du couplage entre le laser et la cavité externe soit dans le couplage entre un laser à semi-conducteurs et une fibre optique. Or les différences géométriques des modes du laser et de la fibre rendent ce couplage difficile tant en terme d'efficacité qu'en terme de tolérances de positionnement. L'enjeu important d'un tel couplage pour l'intégration de modules optoélectroniques fait que de nombreuses solutions ont été développées au cours de ces trente dernières années [194]. Nous retiendrons les trois solutions technologiques suivantes : – La déposition d'une micro-lentille sur l'extrémité de la fibre permet d'adapter le faisceau du coeur de la fibre à celui de la diode laser. La première micro-lentille a été présentée en 1974 par C OHEN et S CHNEIDER [195], ils utilisaient la photolithographie1. Depuis, cette méthode de fabrication a été simplifiée [196] et modifiée [197] pour améliorer les performances de ces dernières mais elles sont toujours caractérisées par une faible durée de vie. Aujourd'hui, nous trouvons dans la littérature de nombreuses variétés de micro-lentilles dont les techniques de fabrication peuvent être classées en six familles : la photolithographie, l'attaque chimique [198], la fusion (et étirage) [199], l'apport de matière [200], le micro-usinage [201] et la juxtaposition de sections de fibres de différentes natures [202]. – L'insertion d'un doublet ou triplet de lentilles entre la diode et la fibre permet une adaptation des faisceaux. Le premier couplage laser-fibre réalisé avec cette technique a été obtenu par S ARUWATARI et S UGIE [203] grâce à l'utilisation d'un système confocal2 de deux lentilles composé d'une grosse lentille boule en rubis et d'une lentille en barreau de GRadient d'INdice (GRIN). Un tel système présente des tolérances de positionnement des deux lentilles très larges et permet d'obtenir une efficacité de couplage de 40 %, soit −4 dB. Depuis, les tolérances de positionnement de la fibre monomode ont pu être améliorées [204] en accolant une troisième lentille en extrémité de la fibre3. De plus, il est possible d'intégrer un isolateur dans l'optique de couplage [205] pour s'affranchir des phénomènes de réflexion parasite sur l'extrémité plane de la fibre qui viennent perturber le fonctionnement du laser. Enfin, des solutions ont pu être proposées [206] pour limiter les aberrations sphériques introduites par la lentille boule. – L'élargissement de la taille du mode de la diode laser par une modification du 1 Cette méthode correspond au dépôt d'une résine à l'extrémité clivée de la fibre optique. La micro-lentille se forme après photosensibilisation UV de cette résine. 2 C'est une disposition où la distance entre les lentilles est égale à la somme des distances focales de chaque lentille prise individuellement. 3 Ce système de couplage est connu sous le nom de SELFOC R. 6.1. Couplage laser-fibre : utilisation de micro-lentilles 119 guide permet d'obtenir une meilleure adaptation du mode du laser avec celui de la fibre. Cette technique est l'une des solutions les plus efficaces dans la mesure où elle améliore à la fois l'efficacité du couplage et les tolérances de positionnement. Elle est apparu dès 1974 avec la déposition d'une lentille sur la surface d'émission d'une diode. Cette méthode de fabrication proposée par C OHEN et S CHNEIDER [195] est très utilisée sur les Diodes Electro-Luminescentes (DEL) et les lasers émettant par la surface. Par contre, pour les lasers émettant classiquement par la tranche, il a fallu attendre 1985 et le travail de M UKAI pour voir apparaître le premier laser à semi-conducteurs présentant un élargissement du faisceau4. Depuis, l'utilisation d'un expanseur5 [207] ou d'un adaptateur6 de mode adiabatique [208],[209] permet d'élargir le mode du laser sans déformation de ce dernier. Les efficacités de couplage obtenues avec cette technique sont de l'ordre de -3 dB et l'augmentation de ce rendement passe par l'utilisation d'une optique de couplage. Les lasers à notre disposition sont des diodes de type Fabry-Pérot avec un adaptateur de modes permettant d'obtenir un diamètre de mode de 4, 4 μm. Toutefois la dernière technique de couplage que nous venons de présenter n'est pas suffisante pour notre application. D'autre part, les systèmes mettant en oeuvre un doublet ou triplet de lentilles sont généralement volumineux. Or, nous voulons utiliser la diode contre-réactionnée par une cavité fibrée en fonctionnement de blocage de modes actif. Le taux de répétition des impulsions est donc fixé par l'intervalle spectral libre de la cavité externe, c'est-à-dire par la taille de cette dernière. Nous en déduisons qu'il est indispensable d'utiliser une technique de couplage la plus compacte possible nécessitant un minimum d'étapes d'alignement. Notre choix s'est donc porté sur l'utilisation de micro-lentilles d'autant plus qu'un des axes de recherche du CCLO7 (Centre Commun Lannionnais d'Optique) concerne la conception et la réalisation de micro-optiques en bout de fibre bénéficiant, pour leur mise en oeuvre des techniques classiques de soudure de fibres optiques. De plus, ces micro-optiques ont faits l'objet de plusieurs brevets, d'un dépôt de marque GRADISSIMO R et de plusieurs transferts de savoir-faire. Les différentes études menées dans la littérature ont montré que l'obtention d'une bonne micro-lentille tient dans les cinq points essentiels suivants : – la lentille doit avoir une courbure bien définie pour optimiser le couplage [210] ; – l'utilisation d'un profil hyperbolique de la lentille pour limiter les aberrations sphériques [211] ; – l'utilisation d'une forme particulière du profil de la lentille et/ou d'une grande distance de travail pour limiter les réflexions es ; 4 Cette technique utilise une modification de la distribution latérale du gain et de l'indice dans le ruban laser en déposant une zone isolante sur l'électrode. 5 Son fonctionnement est basé sur l'élargissement de l'extrémité de la zone active. Le mode reste alors guidé le long de sa propagation et s'étend proportionnellement à l'élargissement de la zone active. 6 La zone guidante en extrémité du laser subit une diminution progressive de sa section. Le mode est ainsi de moins en moins confiné, ce qui se traduit par son élargissement. 7 Equipe de l'UMR FOTON 6082. Chapitre 6. Réalisation de la cavité externe 120 – une grande distance de travail et des tolérances de positionnement relâchées pour simplifier l'assemblage [202] ; – la simplicité et la reproductibilité du processus de fabrication [202]. 6.1.1 Propagation et couplage de faisceaux gaussiens 6.1.1.1 Rapide description des faisceaux gaussiens Dans la mesure où les faisceaux en sortie de lasers de type Fabry-Pérot et des guides circulaires de type fibre optique ont un profil d'intensité dans le plan transverse de propagation assez proche d'une fonction gaussienne, le calcul de l'efficacité de couplage entre une diode laser et une fibre optique s'effectue à l'aide de l'approximation des faisceaux gaussiens8. Dans cette approximation, la distribution de l'amplitude du mode dans le plan perpendiculaire à l'axe du guide se met sous la forme : " ψ ( x, y) = K * exp − x2 y2 + 2 2 ω0x ω0y!# (6.1) 2 et ω 2 représentent les rayons des modes du guide (diode laser ou fibre où ω0x 0y optique) mesurés à 1/e2 du maximum du profil d'intensité (ou à 1/e du profil d'amplitude), K est une constante de normalisation, les coordonnées cartésiennes x et y sont définies sur la figure 6.2. x, y y z Guide optique ω0 θ x ω(z) I/Imax 1 1/e2 z F IG. 6.2 – Paramètres d'un faisceau gaussien. Le isme fois par 6.1. Couplage laser-fibre : utilisation de micro-lentilles 121 Lors de sa propagation dans un milieu d'indice n, le rayon de mode du faisceau gaussien s'élargit selon la relation suivante : v u u ωi (z) = ω0i * t1 + λz 2 nπω0i!2 i = x, y (6.2) De la même façon, la variation du rayon de courbure du front de phase est décrite par : !2  2 nπω0i  i = x, y R i ( z ) = z * 1 + (6.3) λz Le minimum du rayon de mode se trouve donc dans le plan dans lequel le front d'onde est plan. Par conséquent, le rayon de mode en sortie du guide correspond au rayon de mode minimum. Enfin, l'angle de divergence est un paramètre très utile dans l'étude des faisceaux gaussiens, tout particulièrement lors des mesures de champs lointains. Il est défini comme étant l'angle entre la direction de propagation et l'asymptote liée à ωi (z) (voir figure 6.2) : tan (θi ) = 6. 1.1.2 ωi ( z ) z (6.4) L'approximation gaussienne dans les fibres utilisées Pour la réalisation des micro-lentilles, nous utilisons deux types de fibres optiques : la fibre monomode à saut d'indice et la multimode à gradient d'indice. Avant d'aborder le couplage des faisceaux gaussiens, nous allons présenter ces fibres tout en justifiant l'utilisation de l'approximation gaussienne. i) La fibre monomode à saut d'indice est une fibre circulaire composée d'un coeur homogène, d' indice nc, et d'une gaine optique, d'indice n g. La structure guidante est obtenue par un dopage de la silice au germanium au niveau du coeur, augmentant ainsi l'indice de réfraction par rapport à celui de la gaine (nc > n g ). La figure 6.3 donne les paramètres opto-géométriques de la fibre ainsi que l'évolution des indices en fonction de r. Ces fibres sont utilisées à des fréquences normalisées9 V < Vc = 2, 405 où existe uniquement le mode fondamental LP01. Et il a été montré que ce mode peut être approché par une distribution gaussienne à l'extrémité d'une fibre monomode et qu'il reste gaussien lors de sa propagation dans l'air. Non communiqué Diamètre de la gaine 125+/-2 μm 125+/-1 μm Non circularité de la gaine 2% max. 1% max. Concentricité coeur/gaine 1 μm max. 0,5 μm max. r (b) (c) F IG. 6.3 – Fibre monomode à saut d'indice. (a) Coupe circulaire de la fibre. (b) Evolution de l'indice en fonction du rayon r. (c) Propriétés opto-géométriques des fibres monomodes utilisées. la figure 6.4. Ces faibles longueurs n'introduisent aucune dispersion et aucun couplage entre les modes voisins. Le champ en entrée et en sortie de tels tronçons reste donc gaussien [213]. Les lois de la propagation pour les faisceaux gaussiens s'appliquent aux sections de gradient d'indice vues non pas comme un milieu de transmission mais comme un milieu de propagation. Et au cours de cette propagation, les paramètres de la gaussienne vont évoluer (comme le montre la figure 6.5), modifiant ainsi l'aspect opto-géométrique du faisceau qui est caractérisé par : – le rayon de mode ω (z) – le facteur d'amplitude A(z) – et les termes de phase décrits par le rayon de courbure R(z) et la différence de phase avec l'onde plane ∆φ(z). La fibre à gradient d'indice est un milieu dont l'indice décroît du centre de la fibre vers la gaine. Et comme nous pouvons le constater sur la figure 6.5, la propagation d'une onde électromagnétique dans un tel milieu est périodique du fait des réflexions latérales successives qu'elle subit. Les rayons du mode et de courbure ainsi que le facteur d'amplitude présentent donc un phénomène périodique, dont la période10 est souvent appelée Pitch et 10 La période de propagation Pitch est donnée par la périodicité du rayon lumineux en optique géométrique qui est le double de la périodicité spatiale du champ gaussien. 6.1. Couplage laser-fibre : utilisation de micro-lentil les 123 ng nc( r) (a) n(r) n0 ng Type de fibre Alcatel GI 85/125 Diamètre du coeur 85 +/- 5 μm Non circularité du coeur 6% max. Diamètre de la gaine 125+/-3 μm Non circularité de la gaine 2% max. Concentricité coeur/gaine 6 μm max. r ( ) Alcatel GI 125/125 Fibre réalisée sur mesure pour ce type de microlentilles. Elle ne possède donc pas de spécifications normalisées. (c) F IG. 6.4 – Fibre multimode à gradient d'indice. (a) Coupe circulaire de la fibre. (b) Evolution de l'indice en fonction de r. (c) Propriétés opto-géométriques des fibres monomodes utilisées. définie par la relation suivante : Pitch = avec γ = q k2 k0 2π γ (6.5) la demi-pulsation spatiale du champ dans le milieu de propaga- tion, la constante de propagation dans le milieu est décrite par l'expression : k(r ) = k0 − 21 k2 r2 = k n0 − 21 n2 r2, où n0 et n2 définissent des constantes spécifiques au profil d'indice. Ce Pitch dépend donc de la longueur d'onde et des indic es de ré fraction du coeur et de la gaine . Et il est tel que tous les Pitch 4, le rayon de mode passe par un maximum ou un minimum alors que le rayon de courbure du front d'onde est infini. Le facteur d'amplitude est, lui, inversement proportionnel à l'étendue spatiale du faisceau. Ces maxima correspondent donc aux minima du rayon de mode. 6.1.1.3 Couplage des faisceaux gaussiens L'étude théorique du couplage entre deux faisceaux gaussiens se base sur le calcul de l'intégrale de recouvrement des champs dans un plan de référence. En fait, il s'agit d'une comparaison des distributions des champs dans ce plan. Cette étude a été réalisée par Philippe CHANCLOU au cours de son doctorat [213]. Nous avons donc pris le parti, dans Chapitre 6. Réalisation de la cavité externe 124 Pitch r ω(z) R(z) z F IG. 6.5 – Evolution des paramètres du faisceau gaussien le long de l'axe de propagation dans la fibre circulaire à gradient d'indice. ce document, de ne pas détailler les équations utilisées pour cette modélisation. Nous rappelons juste sur la figure 6.6 le schéma représentant le couplage de deux faisceaux gaussiens ayant des paramètres ω et R différents. Toutefois, si le lecteur souhaite obtenir plus de détails, nous le renvoyons au manuscrit de Philippe CHANCLOU. Plan de référence R2 R1 ω1 ω01 ω2 ω02 x z1 z2 y z F IG. 6.6 – Couplage de deux faisceaux gaussiens. Le plan de référence a été choisi à une distance z1 du waist ω01 du premier faisceau et à une distance z2 du waist ω02 du second faisceau. Dans le plan de référence, les faisceaux ont respectiv ement les rayons de cour bur e R1, R2 et les rayons de mode ω1, ω2. Cette figure nous montre que l ' efficacité du couplage entre deux modes gaussien s de rayons ω0x 1 , ω0y1 et ω0x2, ω0y2 dépend des paramètres de ces modes . De plus, ce rendement peut être limité par l'introduction de pertes provenant : – d'une désadaptation des tailles des modes introduisant alors des pertes intrinsèques ; – et/ou d'un défaut de positionnement dû à : – un désalign ement longitudinal (ou défaut de focalisation ), – ou un désalignement latéral, – ou un désalignement angulaire ; Nous qualifions alors ces pertes de pertes par défaut de positionnement. – et/ou d'une désadaptation des indices de réfraction ou des effets de cavité Fabry- 6.1. Couplage laser-fibre : utilisation de micro-lentilles 125 Perot entre les interfaces, introduisant des pertes par réflexion. 6.1.2 Types de profils utilisés Les micro-optiques T HUAL et al. à France GRADISSIMO R ont été les premières étudiées par Monique Elle est constituée de tronçons de fibres multimodes à GRADient d'indICE (GRADIS) et de tronçons de SIlice (SI) soudés à une fibre MOnomode (MO). Le schéma de principe de cette lentille est présenté sur la figure 6.7. GRADient d' indICE SIlice MOnomode 2ω zw Lg Ls F IG. 6.7 – Schéma de principe de la micro-optique GRADISSIMO. Chaque tronçon constituant la micro-optique joue un rôle bien précis que nous allons détailler ci-dessous. 1. La fibre monomode permet de faire se propager le signal optique récupéré de la source vers un récepteur avec un minimum de pertes. La longueur d'onde d'utilisation de cette micro-lentille dépend donc de la fibre monomode utilisée. 2. Nous avons vu au paragraphe §6.1.1 que dans une fibre multimode à gradient d'indice, les faisceaux se propagent périodiquement suivant l'axe optique. Un tronçon de cette fibre se comporte donc comme une lentille dont les propriétés dépendent de la longueur L g de ce tronçon. De plus, l'adaptation de mode entre l'objet et l'image est analogue à celle qui a lieu dans une lentille discrète plan-plan de type SELFOC R. 3. Un tronçon de silice, issu d'une fibre sans coeur dopé, de longueur Lsilice est soudé entre la fibre monomode et le tronçon de fibre à gradient d'indice. Cette section n'est qu'un simple barreau de silice fibré au diamètre de 125 μm et elle joue un quadruple rôle, à savoir : – le placement de la fibre monomode à la distance optimale par rapport à la lentille, – l'adaptation de l'indice entre la fibre monomode et le gradient d'indice, avant cette activité soit transférée au CCLO. Chapitre 6. Réalisation de la cavité externe 126 – l'augmentation de la gamme de tailles de modes et de distances de travail par rapport à une configuration sans silice, – enfin, elle assure le positionnement et la liaison mécanique de l'ensemble. A Silice Monomode B F IG. 6.8 – Intérêt du tronçon de silice par rapport à une configuration sans silice. En trait plein, la propagation dans la micro-lentille ayant un tronçon de silice. En pointillés, propagation dans la micro-lentille sans tronçon de silice. L'intérêt du tronçon de silice par rapport à une configuration sans silice est présenté sur la figure 6.8. Dans la silice , le faisceau diverge ( i.e s'étend spatialement ) avant d 'entrer dans la section de gradient d'indice , augmentant ainsi les possibilités de colli mation et de focalisation. Cette divergence permet une optimisation entre la surface éclairée et la section de gradient d'indice de diamètre 85 μm, de telle sorte que le faisceau en sortie de l'optique peut être plus gros (A sur la figure 6.8) ou plus petit (B sur la figure 6.8) que dans une configuration sans silice. De la même façon, la gamme de distances de travail est accrue grâce à l'insertion de ce tronçon de silice (voir figure 6.9). La figure 6.9 montre l'évolution de la distance de travail zw et du diamètre de mode 2ω au point de focalisation de la micro-optique GRADISSIMO en fonction de la longueur du gradient d'indice, et ce, pour différentes longueurs de silice. Les courbes théoriques sont calculées par un logiciel développé au CCLO. Ce programme donne le rayon de mode et la courbure du faisceau en extrémité de la GRADISSIMO après une propagation dans la silice et le gradient d'indice. Les courbes de la figure 6.9 montrent une bonne adéquation théorie-expérience. Ainsi, tout en conservant une géométrie extérieure équivalente à la fibre monomode, la GRADISSIMO permet d'augmenter le rendement de couplage et la distance de travail. Cette dernière propriété permet de limiter les réflexions parasites tout en relâchant les tolérances de positionnement par rapport à un couplage avec une fibre monomode mise à la même distance. D'autre part, afin d'augmenter l'efficacité de couplage, en collectant plus de puissance lumineuse, et de limiter les réflexions de Fresnel, il est intéressant de modifier le profil 6.1. Couplage laser-fibre : utilisation de micro-lentilles Distance de travail (μm) 1750 1500 2zw 1250 Lsilice = 200 μm 1000 750 Lsilice = 0 μm 500 250 100 200 300 400 500 600 700 Longueur de gradient d'indice (μm) Lsilice = 400 μm 2000 127 Lsilice = 400 μm 60 60 50 50 2ω o Lsilice = 200 μm 40 40 Lsilice = 0 μm 30 20 10 10 800 100 100 200 200 300 300 400 400 500 500 600 600 Longueur de gradient d'indice (μm) 700 700 F IG. 6.9 – Evolution de la distance de travail (a) et du diamètre de mode au point de focalisation (b) de la micro-lentille en fonction de la longueur du tronçon de gradient d'indice. Ces courbes ont été tracées pour trois longueurs de silice : Lsilice = 0 cm, Lsilice = 200 μm et Lsilice = 400 μm.
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D ifférentes méthodes se sont développées pour prendre en compte cette variabilité du NA IR U dans le temps, la plus prometteuse consistant à utiliser un filtre de Kalman (encadré 4). U ne première approche de ce phénomène, consiste simplement à relier l'évolution du NA IR U avec le niveau du chômage. La relation (1) simplifiée s'écrirait alors : ∆W = α ∆P c – β(U–U (U)) + γ (3) Les estimations de l'O CD E mettent en évidence une liaison entre les modifications du NA IR U durant la période 1990-98 et les variations du chômage sur la même période. E ntre 1990 et 1998, la plupart des pays industrialisés dans lesquels le chômage a baissé ont également enregistré une forte baisse de l'estimation de leur NA IR U (graphique 9). L 'É tat pare-chocs 129 9. V ariation du N A IR U et du taux de chôm age dans les principaux pays industrialisés durant la période 1990-1998 Variation du taux de chômage tendanciel, en points % 6 Finlande dNAWRU = 0,7386 dU - 0,9173 R 2 = 0,8515 Suède 4 France 2 Allemagne Japon Italie Portugal 0 Canada Norvège Royaume-Uni Danemark -2 Australie Belgique Espagne Pays-Bas -4 -6 Irlande -8 -6 -4 -2 0 2 4 6 8 10 Variation du taux de chômage Source : Perspectives É conom iques de l'O CD E, juin 1999. L'élasticité du NA IR U par rapport au taux de chômage effectif sur ce panel de pays est de 0,75 ; une baisse de 1 point du taux de chômage effectif entraîne une baisse de 0,75 point du NA IR U. Cette élasticité est de 0,5 si l'on exclut les pays « extrêmes » (l'Irlande, la Finlande et la Suède). Cette évaluation simpliste est sujette à caution. La causalité du chômage vers le NA IR U ne peut pas être affirmée sur la base de ces données. E lle nous permet seulement d'explorer l'hypothèse de l'influence du chômage sur le NA IR U en retenant une élasticité de 0,5. L'impact d'une baisse du chômage sur la croissance des salaires nominaux diminuerait de moitié par rapport à celui calculé à l'aide de la relation (2). Bien entendu, cette dernière relation ayant été estimée à NA IR U constant, le raisonnement est approximatif. U ne estimation d'un tim e varying N A IR U évalué à l'aide d'un système du type (3) serait plus satisfaisante. Cependant, une telle évaluation montre à quel point le concept de NA IR U est fragile et son utilisation périlleuse pour la politique économique si, au bout du compte, il varie comme le chômage effectif. D ans les limites de cet exercice, la relation inflation-chômage en France serait telle qu'une baisse d'un point du taux de chômage susciterait une hausse de 0,6 point du taux de croissance des salaires et de 0,5 de l'inflation. U n objectif d'inflation sous-jacente inférieure à 2 % pourrait s'accommoder d'une baisse d'au moins 2 points du taux de chômage. 130 D 'après l'équation (2), le taux de croissance des salaires réels s'écrit de la manière suivante : ∆W – ∆ P c = – 0,22∆P c – 0,11(U – U) + γ (4) E n supposant la relation (3), une baisse d'un point du taux de chômage induirait une hausse annuelle de (– 0,5*– 0,44) – (0,22*0,6) soit moins de 0,1 % du taux de croissance des salaires réels. Une faible part des salaires dans la valeur ajoutée D epuis le début des années 1980, la part des salaires dans la valeur ajoutée a baissé régulièrement, se stabilisant aux alentours de 58 % en fin de période après avoir atteint 68 % au début des années 1980 (graphique 10). Le haut niveau du chômage a freiné la croissance du salaire réel et explique l'évolution de la part des salaires. D epuis 1995, la part des salaires semble stabilisée à un niveau inférieur à la moyenne des années 1960. Les baisses de charges sociales entreprises depuis 1993 (allègement bas salaires successifs, transferts de cotisations sociales vers la CSG, allègements 35 heures) et la modération salariale brouillent l'analyse. 10. Part des salaires dans la valeur ajoutée En % 0,70 0,65 0,60 0,55 79 81 83 85 87 89 91 93 Sources : INSE E, comptes trimestriels, prévisions O FCE, e.m od.fr. 5. Les 35 heures Le 1e r février 2000, la seconde loi A ubry est entrée en vigueur. D epuis, les statistiques indiquent un net infléchissement de la durée du travail. La durée du travail, telle que mesurée par l'enquête A CE MO (menée auprès des entreprises du secteur marchand de plus de 10 salariés) baisse au premier trimestre 2000 de 2,2 %, soit 50 minutes par semaine (tableau). U ne telle évolution est compatible avec une diffusion assez rapide des 35 heures, qui s'est accélérée avec la mise en application de la loi. Cependant, ces chiffres sont à prendre avec précaution. Les entreprises qui appliquent la loi sur les 35 heures et qui souhaitent bénéficier des aides associées doivent présenter un accord où la durée du travail est de 35 heures par semaine. Cependant, elles sont libres de définir, dans certaines limites, ce qui constitue un temps de travail. Les temps de pause, de formation, d'habillage peuvent être exclus du temps de travail tout en étant rémunérés, par exemple. D e plus, les entreprises peuvent inclure les jours de congés accordés au-delà du minimum légal de 5 semaines. La définition du temps de travail doit toutefois être négociée avec les salariés. É valuation de la durée du travail 1999.1 1999.2 1999.3 1999.4 2000.1 2000.2 Durée du travail ACEMO É volution (en % ) Durée du travail DARES É volution (en % ) 38,7 – 0,1 36,5 – 0,2 38,6 – 0,2 36,5 – 0,1 38,3 – 0,8 36,4 – 0,3 38,0 – 0,7 36,2 – 0,6 37,2 – 2,2 35,9 – 0,9 36,9 – 0,8 35,8 – 0,3 Sources : ACEMO, DARES. Cette possibilité de re-définition du temps de travail à l'occasion du passage à 35 heures autorise les entreprises à réduire effectivement de moins de 4 heures par semaine la durée du travail d'autant que les aides accordées sont indépendantes de l'ampleur de la réduction engagée. Les données issues des enquêtes menées par la D A R E S et des analyses d'accords 35 heures montrent que, dans le cas d'entreprises ne faisant pas appel aux subventions incitatives de la loi A ubry I, la durée du travail n'est effectivement réduite que de 2 heures. Les aides perçues au titre des 35 heures représentent, en moyenne, 3 % de la masse salariale. Pour une réduction de 5 % de la durée (i.e. 2 heures), il suffit à l'entreprise de dégager 2 % de productivité induite (par exemple par l'annualisation du temps de travail) pour effectuer la réduction de la durée sans modération salariale (le salaire mensuel est inchangé) et avec des coûts inchangés. Les données de la comptabilité nationale sur les comptes des entreprises (jusqu'au 1er trimestre 2000) montrent que les coûts salariaux ne dérapent pas. La hausse de la durée est compensée par l'évolution de la productivité du travail et la baisse des cotisations sociales. Ces éléments justifient un point d'accumulation des réductions dans le cadre de la loi A ubry II autour de 2 heures. Cette analyse est développée en détail dans « R éduction réduite » de E. H eyer et X. Timbeau, R evue de l'O FCE, n° 73, juillet 2000. 132 Le passage aux 35 heures dans le cadre de la loi A ubry II correspond donc à la fois à une réduction effective de la durée de 2 heures et à une rupture dans la définition de la durée du travail. Les statistiques mesurées par l'enquête CE MO agrègent les deux et conduisent à sur-estimer la baisse effective. La D A R E S a reconstruit une durée (tableau) en tenant compte de la rupture statistique, de l'évolution du temps partiel et en élargissant au champ de l'ensemble des entreprises (l'enquête A CE MO porte sur les entreprises du secteur marchand de plus de 10 salariés et mesure la durée des salariés à temps plein). Pas de contrainte extérieure sur la croissance D epuis deux ans, l'excédent commercial continue de s'amenuiser. A u premier semestre, le solde des échanges de biens et services atteint 80,7 milliards de francs, soit une baisse de 23,8 % par rapport au deuxième semestre de 1999 (graphique 11). Cette baisse, tout en maintenant l'excédent à un haut niveau, s'explique pour partie par l'envolée du cours du pétrole brut. Par ailleurs, s'il est exact que la dépréciation de la monnaie unique favorise les exportations hors euro (celles-ci se sont accrues de 7,4 % sur les six premiers mois de l'année par rapport aux six premiers mois de 1999), cette dépréciation ainsi que l'évolution des prix du pétrole a également fait bondir la valeur des importations dans des proportions plus importantes (10,4 % ). L 'É tat pare-chocs 133 11. Solde extérieur des échanges de biens et services E n milliards de francs courants, FA B/FA B 80 60 40 20 0 -20 -40 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 Sources : INSE E, comptes trimestriels, prévisions O FCE, e.m od.fr. Forte croissance des prix des importations Les échanges extérieurs de la France en 2000 auront été marqués par l'alourdissement de la facture pétrolière. Le déficit de la branche énergie, qui avait chuté en 1998 à la suite de l'effondrement des cours, s'est alourdi en 1999 de 15 milliards de francs et a atteint 71 milliards de francs au premier semestre 2000, niveau jamais égalé depuis la période précédent le contre-choc pétrolier de 1986. La dépréciation de l'euro (près de 11 % au premier semestre 2000) a favorisé la hausse des prix à l'importation y compris énergie (2,5 % au premier semestre 2000). La facture énergétique n'est toutefois pas seule à s'alourdir. R épondant à l'accélération de la demande intérieure, les importations de biens de consommation et de biens intermédiaires progressent vivement (tableau 10), principalement au premier trimestre 2000 et en provenance d'A llemagne. La dégradation des importations serait donc liée à la fois à la hausse du prix du baril et au décalage conjoncturel entre la France et ses principaux partenaires européens. 10. Contribution à la croissance des im portations françaises En % t1 t2 1999 t3 t4 2000 t1 t2 – 0,6 3,4 4,5 4,3 5,9 3,8 10,3 7,5 82,2 0,0 – 0,1 – 0,6 0,1 1,0 2,3 0,0 1,1 3,4 0,2 1,5 2,6 – 0,2 2,1 4,0 0,2 0,2 3,4 15,4 10,1 22,6 33,6 0,4 – 0,1 0,0 0,3 – 0,8 0,0 0,6 0,2 0,7 0,7 0,1 0,4 0,7 0,3 1,5 0,4 0,6 0,2 0,2 2,1 - 0,7 1,1 0,7 0,8 1,3 0,1 0,4 0,0 1,2 1,6 0,1 Poids Ensemble D ont A gro-alimentaire E nergie Industrie D ont BC 1 A utomobile BE 2 BI 3 D ivers 100 1. Biens de consommation. 2. Biens d' équipement civils. 3. Bien sintermédiaires . Sources : D ou s O Maintien des parts de marché dans un environnement dynamique La faiblesse de l'euro, associée à la modération salariale, a stimulé les exportations françaises. A u cours du premier semestre, les entreprises françaises ont gagné en compétitivité face à la concurrence internationale. Cette amélioration permet à la France de maintenir ses parts de marché en volume dans un contexte de croissance du commerce mondial (graphique 12). 12. É volution de la com pétitivité-prix et des parts de m arché en France 1 er trimestre 1990 = 100 130 104 P arts d e m arch é ( éch. gau ch e) 102 120 100 98 110 96 100 94 C o m p étitiv ité-p rix ( éch. d ro ite ) 90 92 78 80 82 84 86 88 90 92 Source s : INSE E, comptes trimestriels, prévisions O FCE, e.m od.fr. 94 96 98 00 L 'É tat pare-chocs 135 11. Contribution à la croissance des exportations françaises 1999 Poids Ensemble D ont U nion européenne Z one euro O CD E hors U E É tats-Unis A sie hors Japon Japon A frique R este du Monde (y.c. Moyen-O rient) 2000 t1 t2 t3 t 4 t1 t 2 – 1,0 3,0 5,6 1,3 4,0 5,2 62,9 49,7 18,1 7,3 6,3 1,6 5,4 – 0,2 – 1,1 1,1 0,0 – 1,0 0,1 – 0,6 1,9 2,4 0,2 0,3 0,2 – 0,1 0,2 2,9 1,5 1,5 0,5 0,7 0,2 0,2 2,0 1,8 0,4 0,4 – 0,4 0,1 0,1 0,9 1,0 1,3 0,9 0,3 0,1 0,5 2,5 2,9 0,5 0,3 1,0 0,0 0,9 5,7 – 0,4 0,7 0,1 – 1,0 0,8 0,3 100 Sources : D ouanes, calculs O FCE. Par ailleurs, la hausse du prix du pétrole n'a pas que des effets négatifs sur nos échanges : les exportations vers les pays du MoyenO rient ont fortement augmenté au premier semestre (tableau 11). A l'horizon de notre prévision, nous faisons l'hypothèse que la demande mondiale restera dynamique. Sous l'effet conjugué de l'accélération de la croissance en A mérique latine et des pays de l'O PE P, la demande étrangère retrouvera un rythme de croissance voisin de celui atteint dans les années 1994-1995 aux alentours de 10,3 % en 2000 et 9,6 % en 2001. Cet environnement porteur permettra une reprise des exportations (12,4 % en volume pour l'ensemble des biens et services pour l'année 2000), tandis que les importations, stimulées par une forte demande intérieure, augmenteront de 12,7 % (graphique 13). La contribution du commerce extérieur à la croissance française devrait se maintenir à 0,2 point en 2000 et 2001. Pour l'ensemble des biens et services, la balance commerciale française devrait enregistrer un excédent de 150 milliards de francs en 2000 et 140 milliards de francs en 2001, contre 210 milliards de francs en 1999, 220 milliards en 1998 et 240 milliards en 1997. Le compte de transactions courantes de la balance des paiements française s'est soldé par un excédent de 228 milliards de francs en 1999, soit 2,6 % du PIB. L'excédent du compte de transactions courantes, qui mesure également la différence entre l'épargne et l'investissement intérieur, a confirmé le maintien à haut niveau de l'épargne nationale en 1999, malgré la progression rapide de l'investissement productif. Sur le premier semestre 2000, l'excédent cumulé du compte de transactions courantes se situe au même niveau qu'au premier semestre 1999 (115 milliards de francs). Cette stabilité masque, toutefois, des évolutions 136 divergentes, l'excé des biens se contractant de plus de moitié, alors que les services et les revenus connaissent une amélioration équivalente (graphique 14). 13. E nsem ble des échanges extérieurs E n milliards de francs 1995 700 600 E xportations 500 400 Im portations 300 200 100 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 Sources : INSE E, comptes trimestriels, prévisions O FCE, e.m od.fr. 14. B alance des transactions courantes E n % du PIB 4 3 2 1 0 -1 -2 -3 70 72 74 76 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 L 'É tat pare-chocs 137 Cet excédent a donné lieu, en contrepartie, à d'importants placements financiers nets des résidents à l'étranger, notamment au titre des investissements directs, qui engendrent des versements de revenus et devraient ultérieurement stimuler les exportations et (graphique 15). 15. Investissem ents directs E n milliards de francs 200 Investissements directs étrangers en France 100 0 -100 Investissements directs Français à l'étranger -200 -300 1997 1998 1999 2000 E n 1999, les investissements directs à l'étrange r ont progress é de près de 150 % par rapport à 1998, plaçant la France au troisième rang mondial sur ce plan, derrière les É tats-U nis et le R oyaume-U ni, mais devant l'A llemagne 4. Cette nouvelle accélération des flux d'investissements directs à l'étranger en 1999 est le reflet de deux phénomènes : - d'une part, il traduit le changement de perspective des agents économiques et des investisseurs résidents, pour qui la zone euro s'est logiquement substituée au marché national comme champ d'action privilégié des opérations d'investissement. A la faveur de la disparition du risque de change et face aux exigences de la mondialisation, les investisseurs français, à l'instar de ceux de la zone euro, ont diversifié leurs placements dans d'autres pays. C'est ainsi que les investissements directs français à l'étranger ont été majoritairement tournés vers la zone euro (88 % de l'ensemble des investissements) ; - d'autre part, il résulte de l'augmentation du nombre et de la taille des opérations de fusions et acquisitions internationales initiées par des françaises. 4. Rapport sur l'investissement publié par la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED). 138 Symétriquement, recevant près de 10 % (50 milliards de francs) des investissements directs de l'étranger dans la zone euro, la France reste une terre d'accueil pour les investisseurs extérieurs à la zone euro. A u total, le flux brut des investissements directs étrangers en France, intra et extra-zone confondus, a atteint 230 milliards, en hausse de 39 % par rapport à 1998. Politique économique : réduction sans précédent des prélèvements obligatoires E n 2000, la politique économique a été marquée par une très forte réduction des prélèvements obligatoires (110 milliards au total). Pour la première fois depuis 1992, le taux de prélèvements obligatoires aura baissé en 2000. E n 1999, il avait atteint le niveau record de 45,7 % du PIB, malgré des baisses équivalant à 0,3 point de PIB : l'augmentation spontanée des prélèvements (hors mesures) a été supérieure à 1 point de PIB (tableaux 12 à 14). Le gouvernement a annoncé son intention de poursuivre la réduction des prélèvements au cours des trois prochaines années. E n 2001, la baisse des impôts et cotisations sociales devrait atteindre presque 1 point de PIB. Mais du fait de son augmentation spontanée liée à la croissance, le taux de prélèvements obligatoires serait de 44,4 % du PIB en 2001, soit une baisse limitée à 0,7 point de PIB. Les dépenses publiques restant sous contrôle, le déficit public pourra être réduit de 0,4 point en 2001 ; en 2000 et 2001, les dépenses publiques ralentiraient après une croissance de 3,1 % en 1999. E n combinant allègements fiscaux et modération des dépenses, la politique économique produira une impulsion positive de 0,3 point de PIB en 2000 et 0,1 en 2001. 5. La position extérieure nette de la France se mesure par la différence entre la valeur des actifs étrangers détenus par les résidents français et la valeur des actifs français détenus par les non-résidents. L 'É tat pare-chocs 139 12. Indicateurs de finance s publique s 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 E n points de PIB D épenses publiques 55,2 Prélèvements obligatoires 43,7 R ecettes non fiscales 6,0 Solde administrations publiques – 5,6 55,5 44,8 6,6 55,0 44,9 7,0 54,0 44,9 6,4 53,9 45,7 6,4 53,1 45,1 6,4 51,8 44,4 6,4 – 4,1 – 3,0 – 2,7 – 1,8 – 1,5 – 1,1 T aux de croissance en volum e D épenses publiques 2,4 1,6 0,9 1,5 2,6 1,8 1,3 Sources : Comptes nationaux, prévisions O FCE. 13. Prélèvem ents obligatoires reçus par les adm inistrations 1999 en milliards en points de F d e PI B TVA Impôts sur les produits et la production Impôt sur le revenu des ménages Impôt sur les sociétés Cotisations sociales reçues D ont cotisations em ployeurs Cotisations salariés Total 2000 2001 646 7,3 2,5 2,6 764 740 229 1462 1016 351 4001 8,7 8,4 2,6 16,6 11,5 4,0 45,4 1,8 3,1 4,5 2,8 1,9 4,4 2,6 2,1 2,6 5,9 3,0 2,3 4,9 2,8 Source s : Comptes nationaux, prévisions O FCE. 14. Principales dépenses des adm inistrations publiques 1999 en milliards en points de F de PIB R émunérations des salariés Consommations intermédiaires Intérêts versés Prestations sociales Subventions et transferts FBCF Sources : Comptes nationaux, prévisions O FCE. 1210 487 296 2358 445 256 13,7 5,5 3,4 26,8 5,1 2,9 2000 2001 2,9 4,0 0,3 2,6 0,0 6,8 2,7 1,6 0,1 2,3 0,0 2,6 140 Budget de l'État : priorité aux baisses d'impôts Les mesures prises en 2000 et 2001 totalisent une réduction équivalant à 2 points de PIB, soit presque 200 milliards. Les réductions les plus fortes effectuées depuis le début des années 1980 étaient deux fois inférieures (0,5 point de PIB en 1987 et 0,6 en 1988). Le gouvernement prévoit de poursuivre les réductions de prélèvements obligatoires en 2002 et 2003 tout en les atténuant (baisse d'environ 40 milliards en 2002 et 30 en 2003) 6. E n 2001, les mesures nouvelles concernent essentiellement les ménages (tableau 15). D ès le dernier trimestre 2000, ils bénéficient de la réduction de la taxation du fioul domestique (3,5 milliards) et de la suppression de vignette (10 milliards et 2,5 milliards supplémentaires en 2001). La première étape de la réduction de l'IR PP constitue une réduction des prélèvements directs sur les ménages de 23,4 milliards en 2001, auxquels il faut ajouter la ristourne dégressive de CSG CR D S (9 milliards) qui profite aux ménages modestes. Les ménages bénéficient également de la baisse de la TVA réalisée en cours d'année 2000 : sur l'ensemble de l'année 2001, cette mesure induit une réduction des recettes de TVA de 13 milliards par rapport à 2000. E nfin, la réduction de la fiscalité sur les carburants devrait rapporter environ 10 milliards aux ménages en 2001. O utre ces réductions décidées par le gouvernement, on peut ajouter la réduction des cotisations salariales U nedic (3,5 milliards en 2001), contenues dans la troisième version du plan de réforme de l'assurance chômage, agréée par le gouvernement. Les aménagements de la fiscalité pétrolière profitent aussi aux . Celles-ci bénéficient également de la réduction de l'impôt sur les sociétés (3 milliards). L'essentiel de la réduction des prélèvements obligatoires sur les entreprises correspond à des mesures prises antérieurement. La suppression progressive des salaires de l'assiette de la taxe 15. 6. L'ensemble des mesures annoncées par le ministre des Finances pour les trois prochaines années sont commentées dans un autre article de la présente revue. L 'É tat pare-chocs 141 professionnelle se poursuit (8 milliards), ainsi que la réduction des cotisations sociales patronales : les cotisations patronales U nedic sont réduites de 0,19 point (3,5 milliards), et l'augmentation du nombre de salariés pouvant bénéficier des aides A ubry, du fait de la diffusion des 35 heures, implique des baisses supplémentaires de cotisations de Sécurité sociale financées par le fonds de réduction des cotisations patronales. Le gouvernement estime que ces baisses coûteront 16 milliards supplémentaires par rapport à 2001. Selon l'O FCE, le coût sera plus élevé : on estime les réductions de cotisations patronales supplémentaires à 23 milliards du fait de la rapidité de diffusion des 35 heures. Ces baisses de cotisations patronales ne constituent pas une réduction de la charge nette des entreprises car elles ont pour objet de compenser une partie du coût induit par la réduction du temps de travail. Le taux de contribution sociale sur les bénéfices ne sera pas augmenté et la taxe générale sur les activités polluantes (TG A P) sur les consommations intermédiaires d'énergie rapportera 4 milliards. Le niveau du cours du pétrole porte un coup à la montée en puissance de la fiscalité écologique. Les baisses d'impôt et de cotisations sociales sur les ménages augmentent leur pouvoir d'achat, ce qui compense, on l'a vu, la hausse du cours du brut. Ces mesures permettent, autant que les réductions de TIPP, de compenser la perte de pouvoir d'achat induite par l'augmentation du prix des carburants, mais contrairement à l'allègement de la fiscalité sur les produits pétroliers, elles ont l'avantage de ne pas porter atteinte à la dimension incit ative de la fiscalité écologique. U ne partie des réductions décrites plus haut porte sur les recettes de la Sécurité sociale et des administrations locales (une vingtaine de milliards chacune). Les baisses d'impôts locaux sont financées par des dotations budgétaires, tandis que les baisses nettes de recettes de la Sécurité sociale sont financées par l'affectation de taxes (tabac, alcool, taxes sur les véhicules de sociétés et les conventions d'assurance, cotisation sociale sur les bénéfices (CSB), TG A P). Dépenses de l'État : forte limitation, au détriment des dépenses en capital Le budget de l'É tat annoncé par le gouvernement respecte les engagements du programme pluriannuel de finances publiques : les dépenses doivent augmenter de 0,3 % en volume (tableau 16). Comme à l'accoutumée, les dépenses en capital (et dans une moindre mesure les dépenses militaires) font les frais de la rigueur budgétaire. La remontée des taux d'intérêt pèse sur les charges de la dette. La hausse des dépenses primaires prévue par le gouvernement se limite à 0,2 % en volume. L'augmentation des moyens des services (essentiellement les rémunérations) représente à elle seule la moitié des 25 milliards de 142 dépenses supplémentaires prévues. 11 337 emplois civils nets seront créés, auxquels s'ajoutent 5 187 emplois militaires créés dans le cadre de la professionnalisation des armées. Le nombre d'appelés et de volontaires se réduit de 34 573 personnes. Les postes seront essentiellement créés dans l'éducation nationale (6 601) et la justice (1 549). Les interventions publiques constituent 34 % de la hausse des crédits budgétaires. E lles relèvent pour 40 % du ministère de l'emploi et de la solidarité. Le gouvernement poursuit sa politique de créations d'emploisjeunes avec pour objectif le passage par ce dispositif de 350 000 personnes fin 2001. L'année prochaine, 22 milliards sont budgétés, soit une hausse de 3 %. Certains dispositifs, tels que les contrats initiativeemploi et les contrats emploi-solidarité, sont progressivement abandonnés. L'amélioration de la situation du marché du travail permet une stabilisation du budget du Ministère de l'emploi. Les exonérations de charges prennent une place de plus en plus importante du fait de l'augmentation des accords de réduction du temps de travail qui conditionnent les ristournes mises en place en 2000. A partir de 2001, le financement de ces baisses de charges est totalement déconnecté du budget de l'É tat : le fonds de financement des réductions de cotisations patronales est dorénavant entièrement financé par l'affectation de taxes. Cela ne change rien sur le plan économique, mais, sur le plan comptable, cela évite que la montée en puissance induise une forte croissance des dépenses de l'É tat. 16. D épenses du budget de l'État LFI 2000 PLF 2001 Taux de à structure croissance constante en valeur D ette publique et garanties (14 %) 238,2 242,9 2,0 D ont dette publique nette (14 % ) Budgets civils (71 % ) Pouvoirs publics (0 % ) 234,7 1183,8 4,7 239,7 1202,2 4,9 2,1 1,6 4,3 Moyens des services (38 % ) Interventions publiques (28 % ) D épenses en capital (5 % ) 631,6 466,6 81,0 644,1 475,0 78,2 2,0 1,8 – 3,5 Budget militaire (15 %) D épenses ordinaires y c pensions (10 % ) D épenses militaires en capital (5 % ) 242,8 159,9 83,0 244,7 161,3 83,4 0,8 0,9 0,5 1664,9 1689,8 1,5 Total budget général (100 %) Source : ME FI. L cs Parmi les interventions sociales, les dépenses de R MI et d'allocation adulte handicapé augmentent respectivement de 3,3 % (à 29,6 milliards) et de 3,9 % (à 26,5 milliards). Pour la première fois, le nombre d'allo cataires du R MI a diminué en 2000. La prestation devrait être revalorisée en janvier 2001. Les dépenses de l'É tat pour financer la couverture maladie universelle augmentent de presque 8 %. Sécurité sociale : imperturbables dépenses de santé E n 2000, les comptes de la Sécurité sociale font apparaître une forte croissance des dépenses de santé (tableau 17). Les dépenses d'assurance maladie devraient croître de 4,9 %. Les soins de ville sont particulièrement dynamiques. Les dépenses prévues par le projet de loi de financement sont systématiquement dépassées, ce qui suscite des interrogations quant à l'intérêt du vote des parlementaires et à leur pouvoir. R appelons qu'en 1999, le Conseil constitutionnel avait invalidé le système de pénalités collectives qui était prévu. E n réaction à la dérive des dépenses d'assurance maladie pendant les six premiers mois de l'année, la Cnam a pris des mesures en juillet 2000, notamment la diminution des honoraires conventionnels des médecins. E t le gouvernement a prévu des compensations financières de la part des laboratoires pharmaceutiques. Par souci de réalisme, le gouvernement a décidé de fixer un objectif national de dépenses d'assurance maladie (O ndam) sur la base de la réalisation (et non de l'objectif) de l'année précédente. E tant donné les dérapages successifs, maintenir des objectifs en niveau impliquerait des baisses de dépenses. L'objectif de contrainte des dépenses a également été relâché, puisque pour 2001, il est de 3,5 %. 17. É volution des dépenses de l'O ndam et du PIB en valeur Croissance en % D épenses O ndam PIB en valeur D ifférence Moyenne 1990/1996 Moyenne 1997/1999 1998 4,6 3,1 3,9 3,1 3,9 4,0 1,5 – 0,8 – 0,1 1999 2000 3,0 4,1 3,3 4,7 – 0,3 – 0,6 Source : Commission des comptes de la Sécurité sociale. Finalement, le plan Juppé aura permis une réduction du niveau des dépenses de santé, mais n'aura pas infléchi durablement leur rythme de croissance. Il convient de préciser que le dynamisme des dépenses de santé n'est pas une particularité française. Par ailleurs, ces dernières années, les dépenses de santé (champs O ndam) croissent moins vite que 144 le PIB, ce qui induit une réduction de leur part dans la richesse nationale créée. Il reste que cela s'explique essentiellement par le dynamisme de l'économie : entre 1997 et 2000, l'écart entre le taux de croissance des dépenses et le taux de croissance des prix du PIB a été en moyenne de 3,1 point par an. E n 2000, le R égime général connaît un excédent estimé à un peu plus de trois milliards, malgré le déficit persistant de la Cnam. Les dépenses de vieillesse et des prestations familiales croissent modérément. Les prestations vieillesse du secteur privé (R égime général, A rrco et A girc) ont augmenté de 2,8 %, et la croissance des dépenses de la branche famille (CNA F ) a été limitée à 1,9 %. E n 2001, la croissance des prestations sera limitée, en dehors des prestations santé. Les pensions retraites bénéficieront d'un « coup de pouce » de 0,5 point (pour un coût de 1,7 milliards), au-delà de leur indexation sur les prix. Le niveau de vie assuré par les pensions continue cependant à baisser relativement aux revenus d'activité. Les retraités non imposables bénéficieront en outre de l'exonération de CR D S. Cette mesure est l'équivalent (en plus modeste) des réductions de CSG -CR D S dont bénéficieront les salariés peu rémunérés. L'abondement du fond de réserve se poursuivra, pour atteindre 50 milliards fin 2001. Les dépenses nouvelles en faveur de la famille s'élèveront à 3 milliards, auxquels il faut ajouter le transfert à la Cnaf du financement de l'ensemble de l'allocation de rentrée scolaire et des majorations de pensions de vieillesse (+ 10 % ) accordées au retraités ayant élevé trois enfants ou plus. Cette décision a suscité la désapprobation de la Cnaf. A ctuellement, les majorations pour enfants (20 milliards) sont financées par le fonds de solidarité vieillesse (qui finance les prestations non contributives). Leur transfert progressif (3 milliards en 2001) sur le budget de la Cnav permettra d'accroître les excédents du FSV qui alimentent le fonds de réserve.
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Mécanique numérique en grandes transformations pilotée par les données : De la génération de données sur mesure à une stratégie adaptative de calcul multiéchelle
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• La formulation dit nominale de Conti et al. (2020) propose de résoudre ce dernier point : l’espace des phases est défini par les champs (F, P ) du tenseur gradient de la transformation – premier tenseur des contraintes de PiolaKirchhoff. Cependant, seule une formulation pour la mécanique des milieux continus est proposée ; l’implémentation dans un solveur éléments finis reste donc entièrement à faire. Nos travaux visent à explorer et comparer les deux formulations. Les solveurs éléments finis développés pour les deux approches sont présentés dans le Chapitre 3. Le Chapitre 4 est consacré à la génération et à l’analyse de base de données nécessaires aux simulations DDCM en grandes transformations. Enfin, le Chapitre 5 évalue les approches développées dans les deux précédents chapitres à l’aide d’un problème tridimensionnel complexe. En dernier lieu, le Chapitre 6 constitue une ouverture vers la simulation multiéchelle de structure à matériaux hétérogènes. La base de données est constituée des couples déformation-contrainte macroscopiques et est enrichie par des calculs d’homogénéisation de la réponse microstructurale bien choisis, au cours d’un processus itératif. 284 3 Annexe E. Résumé étendu en français Chapitre 3 : Solveurs data-driven pour les grandes transformations élastiques 3.1 Introduction L’approche DDCM consiste à minimiser la distance entre deux types de champs déformation-contrainte : l’un représente la réponse du matériau et prend ses valeurs dans une base de données, l’autre décrit la réponse mécanique de la structure et vérifie les principes de compatibilité et d’équilibre. Comme mentionné plus haut, étendre l’approche aux grandes transformations élastiques suppose de choisir les nouvelles variables d’état susceptibles de représenter les réponses matériau et mécanique. Dans le cadre des matériaux capable de subir de grandes déformations réversibles, dont le comportement est indépendant de l’histoire de déformation, le couple déformation-contrainte suffit. En mécanique non linéaire, le Chapitre 1 nous a montré que plusieurs couples de déformation-contrainte conjugués existent : (i) le couple dit Lagrangien (E, S), (ii) le couple dit nominal (F, P ), (iii) le couple dit Eulérien (d, σ). Dans ce chapitre nous explorons les deux premières formulations, qui ont été respectivement proposées par Nguyen and Keip (2018) et Conti et al. (2020). Nous proposons une implémentation éléments finis pour chacune d’elles et discutons de la robustesse des solveurs au moyen d’exemples tests. 3.2 Mécanique numérique en grandes transformations pilotée par les données La stratégie de résolution adoptée en grandes transformations suit l’heuristique présentée en petites déformations : une minimisation alternée sur les états mécaniques puis matériau. Si la structure reste inchangée, plusieurs ingrédients de la DDCM doivent néanmoins être reformulés : • L’espace des phases correspond désormais soit à l’ensemble des couples de tenseurs symétriques (E, S), soit à l’ensemble des couples de tenseurs (F, P ) ; • La mesure de distance entre états mécaniques et matériau s’en trouve modifiée ; • La cinématique et l’équilibre des efforts sont reformulés d’après les équations de la mécanique non linéaire rappelées au Chapitre 1 ; • La non-linéarité des contraintes de minimisation mentionnées ci-dessus demande de déployer des stratégies de résolution spécifiques à chaque formulation. Cette section est donc organisée comme suit : pour chaque formulation, nous présentons d’abord la formulation continu du problème data-driven avant d’en détailler sa discrétisation par la méthode des élé ments finis. Nous développons ensuite les stratégies de résolution numérique spécifiques à chaque formulation. 3. Chapitre 3 3.2.1 285 Approche Lagrangienne Pour Nguyen and Keip (2018), le couple déformation-contrainte Lagrangien (E, S) est particulièrement avantageux car la symétrie des tenseurs assure de fait l’objectivité et car la linéarisation vers les petites déformations est directe. Nous ajoutons que la symétrie des tenseurs assure de fait l’équilibre des moments comme en petites déformations (σ = σ T ) et limite la dimensionalité de l’espace des phases à 6+6 = 12 au plus. Formulation continue Nous suivons ici l’approche en petites déformations qui repose sur la définition d’espaces fonctionnels mécanique E et matériau D, sousensembles de l’espace des phases des champs déformation-contrainte noté Z. Le problème data-driven en grandes transformations est exprimé de la même manière que le problème petites déformations. Considérant un corps occupant un domaine Ω0 dans sa configuration de référence et un domaine Ω ∈ R3 en équilibre quasi-statique, soumis à des déplacements imposés uD et des forces volumiques f et surfaciques t, les équations de la cinématique s’écrivent en formulation Lagrangienne comme suit : 1 ∇T u∇u + ∇u + ∇T u 2 u = uD E= dans Ω, (E.9a) sur ΓD0. (E.9b) L’équilibre est imposé sous sa forme faible (principe des puissances virtuelles) : Z Z Z δW = S : δ Ė dV − f0 · δv dV − t0 · δv dA = 0, (E.10) Ω0 Ω0 ∂Ω0 où δv est une vitesse virtuelle cinématiquement admissible depuis la position ac T T tuelle du corps, δ Ė = 1/2 δ F + F δ avec δ = ∂(δv)/∂X, et f0 = Jf et t0 = ( da/ dA) t sont les forces volumiques et surfaciques respectivement exprimées dans la configuration de référence (J = det F ). Ainsi, l’ensemble contrainte s’écrit désormais : E = {(E, S) | Eqs. (E.9) et (E.10)}. (E.11) Les états matériau prennent leur valeur dans des bases de données de couples déformation-contrainte Lagrangiens Dloc = {(Ei, Si ) | i ∈ [1.. m]} (E.12) et l’ensemble données matériau est défini sur la configuration de référence Ω0 : D = {(E, S) | (E(x), S(x)) ∈ Dloc pour tout X dans Ω0 }. (E.13) Comme précédemment, la solution est déterminée comme le champ déformationcontrainte qui vérifie les équations de la mécanique et s’approche au plus près de 286 Annexe E. Résumé étendu en français l’ensemble données matériau. Le problème s’écrit donc à nouveau comme une double minimisation : S = arg min min (E,S)∈E (E 0,S 0 )∈D k (E, S) − E 0, S 0 kC, où la norme k • kC sur Z est maintenant définie par Z 1 1 −1 2 C : S : S dV , k (E, S) kC = (C : E) : E + 2 2 Ω0 (E.14) (E.15) avec C un tenseur du quatrième ordre défini positif. La formulation ci-dessus est également valable en trois ou deux dimensions, lorsque, par exemple, les hypothèses de déformations planes, ou de contraintes planes et d’incompressibilité du matériau sont faites : • En déformations planes, le tenseur des déformations E est complètement déterminé par ses composantes dans le plan (E33 = 0). Pour le tenseur des contraintes S, seule la composante S33 est non nulle hors plan. Cette valeur ne peut pas être déterminée a posteriori comme lorsque le modèle de comportement est connu. L’approche data-driven donne alors seulement accès à la solution en deux dimensions. • En contraintes planes, le tenseur des contraintes S est complètement déterminé par ses composantes dans le plan (S33 = 0). La déformation hors-plan E33 peut être obtenue a posteriori lorsque le matériau est supposé incompressible. Dans la suite, les tenseurs E et S sont donc indifféremment biou tridimensionnels. Formulation éléments finis Pour passer de la formulation continue à la formulation éléments finis il convient de définir une approximation discrète du corps et de la cinématique ainsi qu’une manière d’évaluer les contraintes : les déformations et les contraintes n’étant plus reliées par une loi de comportement, l’interpolation des contraintes ne découle plus naturellement de l’interpolation des déplacements dans le maillage. Considérons un maillage éléments finis composés de N nœuds connectés par des éléments isoparamétriques de dimension n ∈ {2, 3}. Les éléments sont les supports compacts des fonctions d’interpolation nodales, notées {Na (X)}N a=1. Le champ de déplacement dans la structure est alors approché par u(X) = N X a=1 ua Na (X), ∀X ∈ Ω0. (E.16) On note α ∈ [1.. N ] les indices des degrés de liberté ; ils sont reliés aux nœuds a ∈ [1.. N ] et à la direction i ∈ [1.. n] par une fonction α(a, i)1. 1 Par exemple α(a, i) = (a − 1)n + i. 3. Chapitre 3 287 Par ailleurs, les éléments sont équipés d’une règle d’intégration, typiquement une quadrature de Gauss, de telle sorte que l’intégrale d’une fonctionnelle F sur le domaine Ω0 est évaluée par une somme pondérée des valeurs de la fonction aux points d’intégration, indexés par la lettre e : Z M X F (X) dV = we F (Xe ), (E.17) Ω0 e=1 avec M le nombre total de point d’intégration dans le maillage et we le poids associé à chaque point d’intégration de coordonnées Xe dans Ω0. Enfin, les conditions de Dirichlet sont encodées dans un tableau de nD dé placements imposés scalaires uD α α∈D, avec D = {α1, · · ·, αnD }, tel que αk ∈ [1.. N n], ∀k ∈ [1.. nD ]. D’après les équations cinématiques continues Eqs. (E.9) et la règle d’interpolation Eq. (E.16), les équations discrètes de la cinématique s’écrivent : 1 E(Xe ) = Ee = ∇0e u + (∇0e u)T + (∇0e u)T ∇0e u, ∀e ∈ [1.. M ], (E.18a) 2 D ua · ei = uα, ∀(a, i) : α(a, i) ∈ D, (E.18b) où ∇0e u = N X a=1 (ua ⊗ Bea ), (E.19) avec Bea = ∇0 Na (Xe ) le vecteur encodant la géométrie et la connectivité au point e et au nœud a. D’après l’Eq. (E.10), en utilisant la même interpolation pour les vitesses virtuelles que celle utilisée pour les déplacements dans l’Eq. (E.16) et la règle d’intégration Eq. (E.17), les équations discrètes de la statique s’écrivent : Ra · ei = 0, ∀(a, i) : α(a, i) 6∈ D (E.20a) ∀a ∈ [1.. N ], (E.20b) avec Ra = M X e=1 we Fe Se Bea − Taext, avec Fe = ∇0e u + I et Se = S(Xe ) les tenseurs gradient de la transformation et contrainte au point d’intégration Xe, et Taext le vecteur des efforts extérieurs généralisés au nœud a, défini par : Z Z ext Ta = Na f0 dV + Na t0 dA. (E.21) Ω0 ∂Ω0 Ainsi, l’interpolation des déformations découle de l’approximation des dé placements tandis que les contraintes sont simplement évaluées aux points d’intégration. L’ensemble contrainte s’écrit comme l’ensemble des champs discrets (à valeurs continues) déformation-contrainte (E, S) = {(Ee, Se )}M e=1 vérifiant les équations ci-dessus : E = {(E, S) | Eqs. (E.18) et (E.20)}. (E.22) 288 Annexe E . Résumé étendu en français (1) (M ) Il est un sous-espace de l’espace de phases qui s’écrit Z = Zloc × · · · × Zloc, avec (e) n×n Zloc = Rn×n sym × Rsym. L’ensemble données matériau est quasiment inchangé ; il s’agit de l’ensemble des (e) champs discrets, à valeurs discrètes dans la base de données locale Dloc attachée à chaque point d’intégration : n o (e) D = (E, S) | ∀e ∈ [1.. M ], (Ee, Se ) ∈ Dloc, (E.23a) avec (e) e Dloc = {(Ei, Si ) | i ∈ [1.. me ]} ⊂ Zloc. (E.23b) La formulation éléments finis du problème data-driven s’écrit donc comme la double minimisation sous contrainte S = arg min min (E,S)∈E (E 0,S 0 )∈D k(E, S) − (E 0, S 0 )k2C, (E.24) avec E et D définis par l’Eq. (E.22) et l’Eq. (E.23) et où la norme k • kC Eq. (E.15) est désormais évaluée de façon discrète par X we k(E , S)kC = (C : Ee ) : Ee + C−1 : Se : Se. (E.25) 2 e Solveur data-driven Lagrangien Le problème de minimisation est quasiment inchangé par rapport à la formulation en petites déformations : il s’agit d’une double minimisation sur des variables à valeurs discrètes (états matériau) et à valeurs continues (états mécaniques). Seul l’espace des phases a changé (tout en restant un espace de couple s de tenseurs symétriques) ce qui induit des contraintes de minimisation non linéaires : la compatibilité Eq. (E.18a) est non linéaire en déplacement et l’équilibre Eq. (E.20) est bilinéaire en déplacement-contrainte. Pour résoudre le problème de double minimisation, la stratégie de minimisation alternée est de nouveau employée : • Considérons dans un premier temps l’étape où l’état mécanique de la structure mat est (E, S) = {(Ee, Se )}M e=1 ∈ E est fixé. L’ensemble solution matériau S alors obtenu d’après l’Eq. (E.24) comme S mat = arg min (E 0,S 0 )∈D k(E, S) − (E 0, S 0 )k2C (E.26) Tous les termes dans la somme Eq. (E.25) étant indépendants les uns des autres, la minimisation Eq. (E.26) peut être faite séparément dans chacune (e) des bases de données Dloc. Ainsi, l’espace solution matériau S mat est obtenue par M recherches de plus proches voisins dans l’espace des phases local Rn×n sym × n × n Rs ym : ) ( S mat (z) = arg min (e) (Ei,Si )∈Dloc de ((Ee, Se ), (Ei, Si )) | ∀e ∈ [1.. M ]. (E.27) 3. Chapitre 3 289 où de dé signe la distance locale entre deux couples déformation-contra inte définie par 1 (C : (Ee − Ei )) : (Ee − Ei ) 2 1 −1 C : (Se − Si ) : (Se − Si ). (E . 28) + 2 L’état matériau du point d’intégration e, sélectionné comme le plus proche de l’état mécanique considéré est noté (Eie∗, Sie∗ ) et est défini par d2e ((Ee, Se ), (Ei, Si )) = de ((Ee, Se ), (Eie∗, Sie∗ )) ≤ de ((Ee, Se ), (Ei, Si )), (e) ∀e ∈ [1.. M ], ∀ (Ei, Si ) ∈ Dloc. (E.29) L’indice entier ie est alors la véritable variable d’optimisation. Il relie le point (e) d’intégration e au i-ème point de la base de données Dloc. Pour effectuer efficacement les recherches dans la base de données, nous utilisons des algorithmes basés sur des structures en arbre, qui réduisent drastiquement le coût de calcul (Bentley, 1975; Pedregosa et al., 2011). • Considérons maintenant l’étape où l’état matériau de la structure (E ∗, S ∗ ) = {(Eie∗, Sie∗ )}M e=1 ∈ D est fixé. La double minimisation est simplifiée en une simple minimisation sous contrainte. L’ensemble solution mécanique S mec est alors déterminé comme suit : S mec ∗ (z ) = arg min (E,S)∈Z M X we de ((Ee, Se ), (Eie∗, Sie∗ )) sous contrainte 1 Ee = ∇0e u + (∇0e u)T + (∇0e u)T ∇0e u, 2 ua · ei = uD α, Ra · ei = M X e=1 (E.30a) e=1 e e ea we FiJ SJK BK − Taext · ei = 0, ∀e ∈ [1.. M ], (E.30b) ∀(a, i) : α(a, i) ∈ D, (E.30c) ∀(a, i) : α(a, i) 6∈ D. (E.30d) Comme dans l’approche en petites déformations, la minimisation sous contrainte Eq. (E.30) est traitée par une méthode de multiplicateurs de Lagrange. A nouveau, les équations de stationnarité conduisent à la formulation de deux problèmes pseudo-élastiques. En revanche, ces systèmes sont désormais couplés et non linéaires. Nous les résolvons, comme dans Nguyen and Keip (2018), au moyen d’un schéma de Newton-Raphson. À chaque itération de la minimisation alternée, et à chaque itération du schéma de Newton il faut donc construire et résoudre un nouveau système linéaire dont la taille est (2ndof × 2ndof ), avec ndof = N n−nD le nombre total de degrés de libert é dans le maillage. 290 3.2.2 Annexe E. Résumé étendu en français Approche nominale L’approche nominale a été proposée par Conti et al. (2020) comme une extension du problème data-driven tel que présenté dans Conti et al. (2018). C’est donc à ce jour la seule formulation qui possède les preuves mathématiques de convergence des solutions vers les résultats classiques (Conti et al., 2020). L’espace des phases est désormais l’ensemble des couples de tenseur gradient de la transformation – premier tenseur de contrainte de Piola-Kirchhoff. Ces tenseurs ne sont pas symétriques, ce qui ne permet plus d’imposer implicitement l’objectivité et l’équilibre des moments comme précédemment. Dans cette section, nous reprenons la formulation continue telle que présentée dans Conti et al. (2020) et proposons le solveur éléments finis associé, ce qui est à notre connaissance une contribution originale du présent travail. Formulation continue On considère à nouveau un corps occupant un domaine Ω0 dans sa configuration de référence et un domaine Ω en équilibre statique, soumis aux efforts f0 et t0, et aux déplacements imposés uD. Pour assurer la convergence des solutions data-driven vers les solutions classiques (avec une loi de comportement), les champs gradient de la transformation-contrainte doivent respecter certaines conditions d’intégrabilité. L’espace des phases est ainsi défini comme Z = Lp (Ω0, Zloc ) × Lq (Ω0, Zloc ) (E.31) avec (p, q) tel que 1/p+1/q = 1 et Lp (Ω0, Zloc ) l’ensemble des fonctions continues de Ω0 dans Zloc = R3×3 (l’espace local des phases) dont la valeur absolue à la puissance p est Lesbegue intégrable. L’espace contrainte est défini comme précédemment comme l’ensemble des champs d’état gradient de la transformation-contrainte vérifiant les équations mécaniques. La cinématique s’écrit F = ∇0 u + I dans Ω0, (E.32a) u = uD sur Γ0N. (E.32b) et l’équilibre des efforts s’écrit sous forme faible dans sa formulation nominale : Z Z Z δW = P : δ dV − f0 · δv dV − t0 dA = 0. (E.33) Ω0 Ω0 ∂Ω0 A cela, il faut ajouter l’équilibre des moments F P T = P T F, qui peut s’écrire comme l’équation vectorielle E : F P T = 0, dans Ω0. (E.34) Ainsi, l’ensemble contrainte s’écrit désormais E = {(F, P ) ∈ Z | Eqs. (E.32), (E.33) et (E.34)}. (E.35) 3. Chapitre 3 291 L’ensemble données matériau D est simplement redéfini par le changement des variables qui sont stockées dans la base de données matériau Dloc : D = {(F, P ) ∈ Z | (F, P ) (X) ∈ Dloc }, (E.36a) Dloc = {(Fi Pi ) ∈ Zloc | i ∈ [1.. m]}. (E.36b) avec Enfin, l’ensemble solution des états mécaniques vérifiant les principes mécaniques tout en s’approchant au plus près de la base de données est défini par la minimisation d’une nouvelle fonction distance : S = arg min min d (F, P ), F 0, P 0 (E.37) (F,P )∈E (F 0,P 0 )∈D avec la distance d définie par d (F, P ), F 0, P 0 = Z Ω0 V F − F 0 + V ∗ P − P 0 dV (E.38) où V est une fonction convexe, de conjuguée convexe V ∗ définie par 1 V (F ) = |P |q. q 1 V (F ) = |F |p, p (E.39) Formulation éléments finis La formulation éléments finis est développée exactement comme pour la formulation Lagrangienne. Nous considérons à nouveau un maillage de N nœuds et M points d’intégration. Les déplacements sont interpolés pareillement à l’Eq. (E.16) et la règle d’intégration Eq. (E.17) est inchangée. Les champs tenseur gradient de la transformation et premier tenseur de contrainte de Piola-Kirchhoff sont donc à nouveau évalués seulement aux points d’intégration. Les ensembles données matériaux D et contrainte E sont évalués de façon discrète sur le maillage comme précédemment. Le problème data-driven se résume à nouveau à une double minimisation sous contraintes : S mec ∗ (z ) = arg min min (E,S)∈Z (F 0,P 0 )∈D M X we de (Fe, Pe ), Fe0, Pe0 e=1 (E.40a) sous contrainte Fe = ∇0e u + I, ua · ei = Ra · ei = uD α, M X e=1 e we PiJ BJea − Taext · ei = 0, E : Fe PeT = 0, ∀e ∈ [1.. M ], (E.40b) ∀(a, i) : α(a, i) ∈ D, (E.40c) ∀(a, i) : α(a, i) 6∈ D. (E.40d) ∀e ∈ [1.. M ], (E.40e) 292 Annexe E. Résumé étendu en français (e) où la distance locale de dans Zloc × Dloc est définie par2 1 1 de ((Fe, Pe ), (Fi, Pi )) = C|Fe − Fi | 2 + C −1 |Pe − Pi |2. 2 2 ( E . 41) A noter que les contraintes de compatibilité et d’équilibre translationnel Eq. (E.30b) et Eq. (E.30d) sont désormais linéaires. En revanche, s’est ajoutée une contrainte bilinéaire supplémentaire : l’équilibre rotationnel Eq. (E.40e). Solveur data-driven nominal La stratégie de minimisation alternée est à nouveau employée pour résoudre séparément les états matériau et les états mécaniques. • Les premiers, notés (Fie∗, Pie∗ ), sont déterminés par une recherche des plus proches voisins dans l’espace local des phases. La distance locale quadratique que nous utilisons permet encore de bénéficier des algorithmes de recherche efficaces basés sur des structures en arbre. • Les états mécaniques résultent d’un problème de minimisation sous contrainte. Cependant, celui-ci ne peut être traité comme précédemment par une méthode de multiplicateurs de Lagrange, dont les équations de stationnarité sont inextricables, car la contrainte supplémentaire est bilinéaire et attachée aux points d’intégration plutôt qu’aux nœuds. Nous développons donc une approche de Lagrangien augmenté qui permet de réduire le nombre d’inconnues du système et d’éviter les problèmes de conditionnement bien connus des approches de pénalité (Bertsekas, 1996). La fonction Lagrangien augmenté (non linéaire) est minimisée au moyen d’un schéma de Newton-Raphson. Celui-ci nécessite que soit construit et résolu un système de taille (N n + nstates ) × (N n + nstates ) à chaque itération du schéma de Newton, chaque itération du Lagrangien augmenté, chaque itération de la minimisation alternée, où nstates = M n2 est le nombre d’inconnues en contrainte. Solveur nominal linéaire Une version simplifiée du solveur nominal présenté ci-dessus consiste à ne pas imposer explicitement la contrainte d’équilibre rotationnel, en supposant qu’elle soit vérifiée par les données matériau. La minimisation se fait alors sur l’ensemble affine E0 défini par l’ensemble des champs gradient de la transformation-contrainte vérifiant la cinématique et l’équilibre translationnel uniquement : E0 = {(F , P ) ∈ Z | Eq s. (E.32) et (E.33)}. (E.42) Les équations de stationnarité du Lagrangien augmenté (qui ne comporte plus que des contraintes linéaires en déplacement et contrainte) sont alors simplifiées et aboutissent à deux systèmes pseudo-élastiques linéaires indépendants. Cela est donc plus Les fonctions V et V ∗ définies dans l’Eq. (E.39) ont été modifiée pour les besoins numériques : le scalaire C permet de rendre comparable les deux quantités et les paramètres p et q sont pris égaux à 2. 2 3. Chapitre 3 293 avantageux numériquement parlant. Il convient néanmoins de s’assurer qu’il est suffisant de vérifier l’équilibre des moments dans l’ensemble données matériau D uniquement. En effet, la contrainte d’équilibre rotationnel étant locale, on peut espérer que la vérifier à chaque point d’intégration à travers l’association état mécanique/état matériau suffit, plutôt que de devoir l’imposer explicitement dans la minimisation de l’état mécanique. 3.2.3 Comparaison théorique des deux approches Avant de passer à la validation numérique des solveurs proposés nous analysons les principales différences des deux formulations. 1. Il n’existe à notre connaissance aucune preuve mathématique d’existence ou de convergence des solutions au problème data-driven Lagrangien, analogues à celles fournies pour la formulation nominale par Conti et al. (2020). Le caractère quadratique de l’équation de compatibilité complexifie le problème. Néanmoins, les théorèmes d’existence et de convergence donnés dans Conti et al. (2020) reposent sur des conditions topologiques particulières pour les ensembles E et D. Les auteurs proposent notamment des exemples de bases de données générées à partir de modèles hyperélastiques qui respectent ces conditions et pour lesquelles des valeurs optimales des paramètres (p, q) 6= (2, 2) do être choisies. Cela ne nous a pas permis d’évaluer numériquement ces modèles, dont nous montrons par ailleurs dans l’Annexe D qu’ils sont non physiques. 2. L’implémentation éléments finis de la formulation nominale est un peu plus complexe et fastidieuse que pour la formulation Lagrangienne : il s’agit en particulier de résoudre un problème de minimisation non contraint à l’intérieur d’une boucle de Lagrangien augmenté, ce qui ajoute une couche à l’algorithme. Par ailleurs, la taille des systèmes non linéaires à résoudre est plus grande dans le cas nominal que dans le cas Lagrangien ((2ndof )2 contre (N n + nstates )2 ). Ces difficultés sont dues à la non symétrie des tenseurs de l’espace des phases, ce qui nécessite d’imposer explicitement la contrainte d’équilibre rotationnel. 3. Le fléau de la dimensionalité risque d’être d’autant plus prégnant en formulation nominale que Lagrangienne : l’espace de recherche est de plus grande dimension car l’ensemble des composantes indépendantes des états gradient de la transformation-contrainte est de 18 pour un calcul tridimensionnel (contre 12 en formulation Lagrangienne). En résumé, l’approche Lagrangienne peut être vue comme une « solution d’ingénieur » au problème data-driven en grandes transformations. L’approche nominale quant à elle présente des garanties mathématiques mais aboutit à un problème numérique plus lourd. Ce dernier peut être allégé si la contrainte d’équilibre rotationnel n’est pas imposée mais seulement prise en compte dans les données. 294 3.3 Annexe E. Résumé étendu en français Résultats numériques Cette partie a pour but de valider l’implémentation éléments finis des deux approches data-driven en grandes transformations et de discuter d’aspects pratiques d’utilisation des solveurs. La validation s’entend ici comme la capacité du solveur à converger vers la solution éléments finis classique du problème, lorsque la base de données est générée à partir d’un échantillonnage d’une loi de comportement. Les bases de données utilisées ici sont en effet générées à partir d’un échantillonnage de la loi de comportement ou bien d’une simulation éléments finis utilisant une loi de comportement. On fait l’hypothèse des contraintes planes et d’un matériau incompressible. On choisit un modèle neo-Hookéen. Dans ce cas, il est possible (cf. Annexe C) d’exprimer le modèle entièrement à partir des tenseurs 2D de déformation et de contrainte : S = μ I − (det C)−1 C −1 (E.43) avec S, C ∈ R2×2 sym et μ = 1.2 MPa le module de cisaillement. On étudie alors trois exemples bidimensionnels de complexité croissante : (i) la traction uniaxiale d’une fine membrane, (ii) la traction d’une fine membrane encastrée à l’autre extrémité et (iii) un chargement plus complexe (traction et cisaillement simultané) d’une fine membrane trouée. 3.3.1 Validation : traction uniaxiale Dans cet exemple, la base de données est simplement générée à partir d’un échantillonnage de la courbe contrainte-extension P (λ) du modèle neo-Hookéen. L’espaces des phases peut alors être observé dans le plan bidimensionnel (λ, P ). On génère deux familles de base de données : (i) une qui contient la solution de référence, (ii) une autre qui ne contient pas la solution de référence et pour laquelle on fait varier la densité de points. Dans ce premier exemple simple, pour lequel les champs mécanique doivent être homogènes sur la structure, on montre déjà plusieurs resultats importants : • Les deux méthodes Lagrangienne et nominale sont capables de retrouver la solution de référence lorsque celle-ci est dans la base de données ; • Lorsque la base de données ne contient pas la solution de référence, la solution data-driven converge vers celle-ci à mesure que la densité de points dans la base de données augmente, dans les deux cas. Cependant, les solutions Lagrangienne et nominale sont légèrement différentes. 3.3.2 Cas non homogène : traction contrainte Dans cet exemple, la base de données est constituée des états déformation-contrainte de référence, obtenue par une simulation éléments finis utilisant le modèle neoHookéen donné par l’Eq. (E.43). On s’attend ainsi à ce que les deux solveurs retrouvent la solution de référence. On étudie par ailleurs les performances du solveur 3. Chapitre 3 295 nominal linéaire, où la contrainte d’équilibre rotationnel n’est pas imposée sur les états mécaniques (elle est naturellement vérifiée dans la base de données). On observe tout d’abord que la minimisation alternée n’est pas capable de retrouver cette solution de référence (pourtant entièrement contenue dans la base de données) : le minimum de la fonction objectif n’atteint pas zéro, mais une valeur tout de même faible dans les deux cas. On montre néanmoins en étudiant les cartes de la norme de Von Mises des contraintes de Cauchy que les résultants sont très satisfaisants. On s’intéresse ensuite à l’initialisation des états matériau à l’entrée du schéma de minimisation alternée : initialisation aléatoire ou initialisation forcée à l’état déformation-contrainte nul ((Eie∗, Sie∗ ) = (0, 0) ou bien (Fie∗, Pie∗ ) = (I, 0)). On montre que la méthode la plus robuste est l’initialisation à l’état déformationcontrainte nul, dans les deux cas. À noter néanmoins que l’approche Lagrangienne converge quasiment toujours, quelle que soit la méthode d’initialisation choisie tandis que la convergence du solveur nominal est très difficile à obtenir pour des initialisations aléatoires. On étudie enfin l’erreur à la conservation du moment angulaire lorsqu’on utilise le solveur nominal linéaire. Celle-ci atteint jusqu’à 9 % de la densité d’énergie élastique de déformation. 3.3.3 Chargement complexe Cet exemple sert à étudier le comportement de la méthode vis-à-vis d’une structure et d’un chargement complexes qui génèrent des champs mécaniques hétérogènes sur la structure (membrane trouée, traction et cisaillement simultanés). La base de données est construite comme précédemment à partir de la solution de référence. Les deux formulations nominale et Lagrangienne sont évaluées séparément : 1. Dans l’exemple précédent, l’homogénéité des champs mécaniques sur la structure pouvait expliquer le fait que ne pas prendre en compte l’équilibre rotationnel ait un impact relativement faible. On évalue ici le solveur nominal linéaire avec un exemple plus complexe. On construit une famille de bases de données en ajoutant les orbites des tenseurs de la base de données de référence, pour étudier l’équivalence invariance par rotation/conservation du moment angulaire. 2. On étudie ensuite la convergence de la solution Lagrangienne avec le nombre de points dans la base de données, en utilisant une méthode d’enrichissement artificiel de la base de données à partir de la solution éléments finis de référence : une autre famille de bases de données est obtenue par la concaténation de plusieurs solutions de référence du même problème avec différents maillages de résolution croissante. A nouveau, le minimum global d’optimisation n’est pas atteint. Par ailleurs, la simulation Lagrangienne prend jusqu’à 13 fois moins de temps de calcul que la simulation nominale. 296 Annexe E. Résumé étendu en français On étudie à nouveau le comportement du solveur nominal linéaire. Le temps de calcul est divisé par deux mais l’erreur à la conservation du moment angulaire est cette fois plus élevée (plusieurs centaines de pourcent au bord du trou) et cela impacte également la réponse globale de la structure. Enfin, l’enrichissement de la base de données par le raffinement du maillage utilisé pour générer la solution de référence ne permet pas d’améliorer significativement les résultats. 3.4 Conclusion Ce chapitre constitue le cœur de la thèse. On y a développé les solveurs éléments finis pour les deux formulations de l’approche data-driven étendue aux grandes transformations, sur la base des travaux de Nguyen and Keip (2018) et Conti et al. (2020). Les deux approches utilisent la stratégie de minimisation alternée initialement proposée par Kirchdoerfer and Ortiz (2016). Dans les deux cas, on utilise des algorithmes efficaces de recherche des plus proches voisins basés sur des structures en arbre pour l’optimisation des états matériau. Dans le cadre Lagrangien, la minimisation sous contrainte des états mécaniques est traitée par une méthode de multiplicateurs de Lagrange. Dans le cadre nominal, elle est traitée par une méthode de rangien augmenté. Les exemples numériques ont permis de montrer que les résultats data-driven sont très satisfaisants en comparaison de la solution de référence, même si le minimum global de l’optimisation n’est pas atteint par le schéma de minimisation alternée. On a également montré qu’il est plus judicieux d’initialiser les états matériau à l’état de déformation-contrainte nul. Par ailleurs, il est démontré que le solveur nominal linéaire n’est pas assez robuste : l’équilibre rotationnel doit être imposé comme une contrainte sur les états mécaniques. Enfin, nous avons tenté d’enrichir la base de données par des moyens qui se sont avérés infructueux. Cela démontre que les notions de richesse ou de couverture de l’espace par les données ne sont pas évidentes. Le Chapitre 4 est donc dédié à une étude approfondie des bases de données nécessaires à la DDCM en grandes transformations. 4. Chapitre 4 4 297 Chapitre 4 4.1 4.1.1 Introduction Motivation La base de données matériau est un ingrédient essentiel de la DDCM. En grandes transformations, selon la formulation, elle est composé de couples tensoriels (E, S) ou bien (F, P ). En pratique, ces tenseurs sont évalués dans la base canonique B = (eX, eY, eZ ). Une base de données pour un problème bidimensionnel s’écrit alors, pour la formulation Lagrangienne et nominale respectivement : i Lag i i i Dloc = EXX, EXY, EYi Y, SXX, SXY, SYi Y |i ∈ [1.. m] (E.44a) i nom i i i i i i i Dloc = FXX, FXY, FY X, FY Y, PXX, PXY, PY X , PY Y |i ∈ [1.. m]. (E.44b) La première est une base de données de m points en 6 dimensions quand la seconde comporte m points en 8 dimensions. Dans ce chapitre nous étudions les questions suivantes : 1. Comment peut-on obtenir les bases de données ci-dessus pour un matériau homogène? 2. Combien faut-il de points dans la base de données et comment doivent-ils être répartis pour obtenir une solution mécanique fiable? Pour y répondre on se restreint à (i) l’étude d’un problème bidimensionnel (hypothèse des contraintes planes et de l’incompressibilité du matériau), (ii) l’utilisation de la formulation Lagrangienne seulement car elle est plus mature, utilise un espace des phases de plus petite dimension et est moins coûteuse numériquement que l’approche nominale. On répond d’abord à la première question dans le reste de cette introduction en présentant des considérations générales sur l’acquisition ou la génération de données. La seconde question est traitée dans le reste du chapitre : d’abord d’un point de vue théorique dans la Section 4.2, puis d’un point de vue numérique dans la Section 4.3. 4.1.2 Point de vue expérimental Le développement récent des techniques de mesure de champs permet d’instrumenter et de suivre de façon précise des essais expérimentaux complexes. Avec la méthode DDI développée par Leygue et al. (2018) et appliquée avec succès sur des membranes élastomères par Dalémat (2019), on peut désormais avoir accès à des couples déformation-contrainte représentatifs de matériaux hyperélastiques, sans utiliser de modèle de comportement. Nous n’avons néanmoins pas utilisé les résultats expérimentaux de Dalémat pour plusieurs raisons : • la formulation adoptée dans sa thèse est une formulation Eulérienne : l’espace des phases est constitué des couples déformation vraie–contrainte de Cauchy 298 Annexe E. Résumé étendu en français (ln V, σ), avec V la partie extension de la décomposition polaire gauche de F = V R. Les couples d’états matériau (ln Vi, σi ) ainsi obtenus ne sont pas immédiatement transposables dans un espace Lagrangien (E, S) sans faire d’hypothèses particulières. • Dalémat a également montré dans sa thèse qu’il pouvait être difficile d’obtenir une grande variété de modes de déformation dans les essais expérimentaux : même en utilisant un chargement complexe sur des membranes à plusieurs trous, une grande partie des états mécaniques correspondent à la traction uniaxiale ou au cisaillement pur. Cela pourrait indiquer qu’il est peu probable que la simulation d’une structure ait besoin que l’intégralité de l’espace des phases soit couvert par les données puisqu’une partie restreinte est en réalité explorée par la solution mécanique. Il convient néanmoins de vérifier cette hypothèse avec des données aussi riches que possible, ce que les essais de Dalémat ne permettent pas pour l’instant. • Enfin, le manque de maturité de l’approche expérimentale DDI nous a freiné dans son utilisation pour valider la DDCM en grandes transformations, elle aussi immature. 4.1.3 Point de vue numérique De façon alternative les bases de données peuvent être générée numériquement : soit de façon synthétique en échantillonnant une loi de comportement par la suite oubliée, soit de façon numérique en réalisant des simulations aux échelles plus fines et en homogénéisant la réponse effective à l’échelle considérée. La seconde méthode s’applique pour les matériaux hétérogènes où l’hypothèse de séparation des échelles prévaut. Dans un premier temps, nous considérons des matériaux homogènes comme les élastomères, les gels ou les tissus biologiques simples. Nous générons donc des bases de données synthétiques, à partir d’une loi de comportement. Cela permet également de se comparer facilement à la solution éléments finis, prise comme solution de référence. Dans tous les cas, la génération numérique de bases de données nécessite d’échantillonner l’espace des déformations, décrit par les composantes indépendantes du tenseur E. Pour les problèmes mécaniques réduits à deux dimensions, cet espace est tridimensionnel : {EXX, EY Y, EXY } ⊂ R3. Jusqu’à maintenant l’espace des déformations a été échantillonnée au moyen de grilles régulières (Kirchdoerfer and Ortiz, 2016; Eggersmann et al., 2020; Nguyen et al., 2020). Si cette méthode simple peut être pertinente en petites déformations, elle n’est pas appropriée pour les grandes transformations. En effet, il est possible qu’une point de la grille corresponde à une déformation non physique, c’est-à-dire à un tenseur gradient de la transformation au Jacobien négatif. Dans ce chapitre, nous allons donc explorer d’autres moyens de générer des bases de données synthétiques adaptées à la DDCM en grandes transformations : 4. Chapitre 4 299 1. Sur la base du travail de Kunc and Fritzen (2019a), nous générons des bases de données denses aussi riches que possible (voir 4.2.1). 2. Nous reproduisons uniquement les essais standards (traction uniaxiale, cisaillement pur, traction équi-biaxiale) classiquement utilisés pour identifier les modèles de comportement hyperélastiques (voir 4.2.2). 3. Nous simulons une base de données qui serait issue de la reformulation Lagrangienne de la méthode DDI (voir 4.2.3). Enfin, en 4.3, nous analysons la prédiction des simulations DDCM obtenues avec chacune des familles de bases de données ci-dessus. En particulier, nous les comparons à la solution éléments finis de référence. Nous déployons également des moyens d’analyse des résultats data-driven pour eux-mêmes, sans référence à la solution classique. 4.2 Base de données synthétiques Comme indiqué précédemment les bases de données synthétiques sont toutes générées au moyen d’un échantillonnage particulier d’une loi de comportement. On se restreint ici aux problèmes bidimensionnels résultant d’hypothèses de contraintes planes et d’incompressibilité du matériau. On utilise alors le modèle neo-Hookéen purement 2D du Chapitre 3 : (E.45) Š(C) = μ I − (det C)−1 C −1 pour tout C ∈ R2×2 sym. 4.2.1 Méthode d’échantillonnage dense La première méthode d’échantillonnage présentée dans cette partie consiste en un échantillonnage dense de l’espace du tenseur des déformation pure symétrique U issu de la décomposition polaire droite du tenseur gradient de la transformation F = RU. Cette méthode a été développée par Kunc and Fritzen (2019a) pour de générer des bases de données pour des modèles réduits d’homogénéisation de la réponse d’une microstructure en grandes transformations. La représentation utilisée est dense : pour n’importe quel tenseur U dans l’espace il est possible de raffiner la méthode d’échantillonnage afin de d’obtenir un tenseur U 0 qui s’en approche aussi près que possible. Afin de générer des bases de données aussi denses et aussi riches que possible nous mettons donc à profit leur méthode : 1. Nous échantillonnons l’espace des tenseurs U de façon dense grâce à la méthode de Kunc and Fritzen (2019a) ; 2. Les déformations de Green-Lagrange sont obtenues par E = 12 U 2 − I ; 3. Les contraintes de Piola-Kirchhoff S = Š(U 2 ) sont obtenues par le modèle neo-Hookéen Š donné par l’Eq. (E.45). 300 Anne xe E. Résumé étendu en français Cette famille de base de données est appelée DB-DENSE. Cette partie est organisée comme suit. Dans un premier temps on présente la méthode originale de Kunc and Fritzen (2019a) développée pour des problèmes en trois dimensions. Dans un deuxième temps, on l’adapte aux problèmes en deux dimensions (contraintes planes et incompressible). Dans un troisième temps, on donne un sens physique aux paramètres de la méthode en utilisant les invariants du tenseur de Hencky H = ln V introduits par Criscione et al. (2000). Stratégie de séparation amplitude-direction La méthode de Kunc and Fritzen (2019a) repose sur deux représentations distinctes de l’espace des tenseurs U ∈ R3×3 sym admissibles, noté U. En premier lieu la méthode repose sur la séparation multiplicative volumétriquedéviatorique DDMS du tenseur U = J 1/3 Û avec J = det F = det U le Jacobien de la transformation et Û la partie déviatorique du tenseur U, c.-à-d. det Û = 1. L’échantillonnage de l’espace U est ainsi séparé en l’échantillonnage de déterminant J d’une part et l’échantillonnage des tenseurs déviatoriques Û d’autre part : J (m) 1/3 Û (j) m=Ndet,j=Ndev. (E.46) m,j=1 En deuxième lieu, l’espace des tenseurs Û est échantillonnée au moyen d’un passage par l’exponentielle matrice des tenseurs de Hencky Langrangien déviatoriques Ŷ = ln Û = ln dev U. On note Y la matrice de représentation des tenseurs Ŷ dans la base canonique B = (eX, eY, eZ ). La matrice Y prend ses valeurs dans l’espaces des matrices 3 × 3 symétriques à trace nulles, qui est un espace de dimension 5, dont on peut facilement écrire une base orthonormale Y = Y (1), Y (2), Y (3), Y (4), Y (5). La matrice Y est alors obtenue comme la décomposition linéaire unique des matrices de la base Y : Y =β 5 X ak Y (k), (E.47) k=1 avec β l’« amplitude déviatorique » et le vecteur unitaire a = [a1, · · ·, a5 ]T ∈ R5 la « direction » de la matrice Y et donc du tenseur U (Kunc and Fritz en, 2019a). L’ensemble U des tenseurs de déformation pure U est donc échantillonné comme suit : 1. Prendre Ndet valeurs de Jacobien J régulièrement espacées entre Jmin et Jmax ; 2. Générer une distribution uniforme de Ndir directions a sur la sphère unité de R5 ; 3. Prendre Namp valeurs d’amplitude déviatorique β régulièrement espacées dans [0, βmax ] 4. Chapitre 4 301 4. Générer ainsi la base de données des représentations matricielles de U dans la base canonique B par ( J (i) 1/3 exp β (j) 5 h X k=1 a(l) i k Y (k)!)i=Ndet,j=Namp,l=Ndir i,j,l=1 ⊂ U. (E.48) Nous proposons dans cette partie une illustration pour les tenseurs U en déformations planes qui ne comportent alors que 3 composantes indépendantes (les composantes UXX, UXY, UY Y dans le plan, car UZZ = 1 et UXZ = UY Z = 0), ce qui permet une visualisation des résultats. Dans ce cas l’espace des tenseurs U à déterminant J (m) fixé représente un cône arrondi à sa base dans l’espace 3D (UXX, UXY, UY Y ). Adaptation aux problèmes bidimensionnels, incompressibles en contraintes planes Nous nous intéressons ici à l’application de la méthode pour les problèmes bidimensionnels, sous l’hypothèse des contraintes planes selon eZ, pour les matériaux incompressibles. Dans l’hypothèse d’incompressibilité, J = 1, et les tenseurs complets et déviatoriques sont confondus : U = Û et Y = Ŷ. De l’hypothèse des contraintes planes selon eZ, l’espace des représentations matricielles Y des tenseurs Y dans la base B est dorénavant tridimensionnel :   c b 0  (E.49) Y = [Y ]B =  b d 0 0 0 −(c + d) avec c, b, d trois composantes indépendantes. La base Y est donc réduite à Y = Y (1), Y (2), Y (3). La méthode d’échantillonnage présentée précédemment reste valable, à ceci près que la somme sur les indices k s’arrête à k = 3 et que J (m) = 1. On note Ū l’ensemble des tenseurs de déformation pure U respectant les conditions de contraintes planes et l’incompressibilité du matériau (det U = 1). La partie critique de cette méthode est la génération de directions uniformes sur la sphère unité de R3, nécessaire pour générer la combinaison linéaire des trois matrices de la base Y. Nous faisons alors appel à une partie de la littérature très dense sur ce sujet et choisissons de générer ces directions au moyen d’une répartition régulière des points sur la sphère, initialement développée par Sloan and Womersley (2004) pour l’interpolation de polynômes sur l’hypersphère unité de Rn en dimension n quelconque. Analyse mécanique de la méthode d’échantillonnage dense Dans cette section, nous faisons le pont entre la méthode employée par Kunc and Fritzen (2019a), que nous avons adaptée aux problèmes bidimensionnels incompressibles en contraintes planes, et la définition d’invariants du tenseur de Hencky H = ln V donnée par Criscione et al. (2000). En effet, le sens physique des paramètres β et a = [a1, a2, a3 ] ∈ R3 n’est pas clair dans la méthode d’échantillonnage proposée 302 Annexe E. Résumé étendu en français par Kunc and Fritzen (2019a). Par ailleurs, la définition des invariants proposée par Criscione et al. (2000) repose elle aussi sur la séparation volumétrique-déviatorique du tenseur V. Nous remarquons donc d’abord que les invariants de H sont les mêmes que les invariants de Y. La théorie déployée par Criscione et al. (2000) s’applique donc de façon équivalentes au tenseur Y. Les trois invariants ont un sens physiques bien particulier : • Le premier invariant K1 décrit la « quantité de dilatation » et est défini par K1 = tr Y = ln J; (E.50) • Le second invariant K2 mesure l’« amplitude de distorsion » et est défini par √ K2 = dev Y : dev Y ; (E.51) • Le troisième invariant K3 décrit le « mode de distorsion » et est défini par √ 3 6 det(dev Y ), (E.52) K3 = (K2 )3 √ où la constante 3 6 est choisie pour que K3 ∈ [−1, 1] (Criscione et al., 2000).
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Discours sur les sciences et les arts
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Que ne donneraient-ils point pour que cette fatale Sparte n'eût jamais existé ? et eux qui prétendent que les grandes actions ne sont bonnes qu'à être célébrées, à quel prix ne voudraient-ils point que les siennes ne l'eussent jamais été! C'est une terrible chose qu'au milieu de cette fameuse Grèce qui ne devait, dit-on, sa vertu qu'à la philosophie, l'État où la vertu a été la plus pure et a duré le plus longtemps ait été précisément celui où il n'y avait point de philosophes. Les mœurs de Sparte ont toujours été proposées en exemple à toute la Grèce ; toute la Grèce était corrompue, et il y avait encore de la vertu à Sparte, toute la Grèce était esclave, Sparte seule était encore libre : cela est désolant. Mais enfin la fière Sparte perdit ses mœurs et sa liberté, comme les avait perdues la savante Athènes ; Sparte a fini. Que puis-je répondre à cela ? Encore deux observations sur Sparte, et je passe à autre chose ; voici la première. Après avoir été plusieurs fois sur le point de vaincre, Athènes fut vaincue, il est vrai ; et il est surprenant qu'elle ne l'eût pas été plus tôt, puisque l'Attique était un pays tout ouvert, et qui ne pouvait se défendre que par la supériorité de succès. Athènes eût dû vaincre par toutes sortes de raisons. Elle était plus grande et beaucoup plus peuplée que Lacédémone ; elle avait de grands revenus et plusieurs peuples étaient ses tributaires ; Sparte n'avait rien de tout cela. Athènes surtout par sa position avait un avantage dont Sparte était privée, qui la mit en état de désoler plusieurs fois le Péloponnèse, et qui devait seul lui assurer l'empire de la Grèce. C'était un port vaste et commode ; c'était une marine formidable dont elle était redevable à la prévoyance de ce rustre de Thémistocle qui ne savait pas jouer de la flûte. On pourrait donc être surpris qu'Athènes, avec tant d'avantages, ait pourtant enfin succombé. Mais quoique la guerre du Péloponnèse, qui a ruiné la Grèce, n'ait fait honneur ni à l'une ni à l'autre république, et qu'elle ait surtout été de la part des Lacédémoniens une infraction des maximes de leur sage législateur, il ne faut pas s'étonner qu'à la longue le vrai courage l'ait emporté sur les ressources, ni même que la réputation de Sparte lui en ait donné plusieurs qui lui facilitèrent la victoire. En vérité, j'ai bien de la honte de savoir ces choses-là, et d'être forcé de les dire. L'autre observation ne sera pas moins remarquable. En voici le texte, que je crois devoir remettre sous les yeux du lecteur. Je suppose que tous les États dont la Grèce était composée eussent suivi les mêmes lois que Sparte, que nous resterait-il de cette contrée si célèbre ? A peine son nom serait parvenu jusqu'à nous. Elle aurait dédaigné de former des historiens, pour transmettre sa gloire à la postérité ; le spectacle de ses farouches vertus eût été perdu pour nous ; il nous serait indifférent, par conséquent, qu'elles eussent existé ou non. Les nombreux systèmes de philosophie qui ont épuisé toutes les combinaisons possibles de nos idées, et qui, s'ils n'ont pas étendu beaucoup les limites de notre esprit, nous ont appris du moins où elles étaient fixées ; ces chefs-d'œuvre d'éloquence et de poésie qui nous ont enseigné toutes les routes du cœur ; les arts utiles ou agréables qui conservent ou embellissent la vie ; enfin, l'inestimable tradition des pensées et des Jean-Jacques Rousseau (1750), Discours sur les sciences et les arts 55 actions de tous les grands hommes, qui ont fait la gloire ou le bonheur de leurs pareils : toutes ces précieuses richesses de l'esprit eussent été perdues pour jamais. Les siècles se seraient accumulés, les générations des hommes se seraient succédé comme celles des animaux, sans aucun fruit pour la postérité, et n'auraient laissé après elles qu'un souvenir confus de leur existence ; le monde aurait vieilli, et les hommes seraient demeurés dans une enfance éternelle. Supposons à notre tour qu'un Lacédémonien pénétré de la force de ces raisons eût voulu les exposer à ses compatriotes ; et tâchons d'imaginer le discours qu'il eût pu faire dans la place publique de Sparte. « Citoyens, ouvrez les yeux et sortez de votre aveuglement. je vois avec douleur que vous ne travaillez qu'à acquérir de la vertu, qu'à exercer votre courage et maintenir votre liberté ; et cependant vous oubliez le devoir plus important d'amuser les oisifs des races futures. Dites-moi ; à quoi peut être bonne la vertu, si ce n'est à faire du bruit dans le monde ? Que vous aura servi d'être gens de bien, quand personne ne parlera de vous ? Qu'importera aux siècles à venir que vous vous soyez dévoués à la mort aux Thermopyles pour le salut des Athéniens, si vous ne laissez comme eux ni systèmes de philosophie, ni vers, ni comédies, ni statues 1 ? Hâtez-vous donc d'abandonner des lois qui ne sont bonnes qu'à vous rendre heureux ; ne songez qu'à faire beaucoup parler de vous quand vous ne serez plus ; et n'oubliez jamais que, si l'on ne célébrait les grands hommes, il serait inutile de l'être. » Voilà, je pense, à peu près ce qu'aurait pu dire cet homme, si les éphores l'eussent laissé achever. Ce n'est pas dans cet endroit seulement qu'on nous avertit que la vertu n'est bonne qu'à faire parler de soi. Ailleurs on nous vante encore les pensées du philosophe, parce qu'elles sont immortelles et consacrées à l'admiration de tous les siècles ; tandis que les autres voient disparaître leurs idées avec le jour, la circonstance, le moment qui les a vus naître. Chez les trois quarts des hommes, le lendemain efface la veille, sans qu'il en reste la moindre trace. Ah! il en reste au moins quelqu'une dans le témoignage d'une bonne conscience, dans les malheureux qu'on a soulagés, dans les bonnes actions qu'on a faites, et dans la mémoire de ce Dieu bienfaisant qu'on aura servi en silence. Mort ou vivant, disait le bon Socrate, l'homme de bien n'est jamais oublié des dieux. On me répondra, peut-être, que ce n'est pas de ces sortes de pensées qu'on a voulu parler ; et moi je dis que toutes les autres ne valent pas la peine qu'on en parle. 1 Périclès avait de grands talents, beaucoup d'éloquence, de magnificence et de goût : il embellit Athènes d'excellents ouvrages de sculpture, d'édifices somptueux et de chefs-d'œuvre dans tous les arts. Aussi Dieu sait comment il a été prôné par la foule des écrivains! Cependant il reste encore à savoir si Périclès a été un bon magistrat : car dans la conduite des États il ne s'agit pas d'élever des statues, mais de bien gouverner des hommes. je ne m'amuserai point à développer les motifs secrets de la guerre du Péloponnèse, qui fut la ruine de la République ; je ne rechercherai point si le conseil d'Alcibiade était bien ou mal fondé, si Périclès fut justement ou injustement accusé de malversation ; je demanderai seulement si les Athéniens devinrent meilleurs ou pires sous son gouvernement ; je prierai qu'on me nomme quelqu'un parmi les citoyens, parmi les esclaves, même parmi ses propres enfants, dont ses soins aient fait un homme de bien. Voilà pourtant, ce me semble, la première fonction du magistrat et du souverain. Car le plus court et le plus sûr moyen de rendre les hommes heureux n'est pas d'orner leurs villes ni même de les enrichir, mais de les rendre bons. Jean-Jacques Rousseau (1750), Discours sur les sciences et les arts 56 Il est aisé de s'imaginer que faisant si peu de cas de Sparte, on ne montre guère plus d'estime pour les anciens Romains. On consent à croire que c'étaient de grands hommes, quoiqu'ils ne fissent que de petites choses. Sur ce pied-là j'avoue qu'il y a longtemps qu'on n'en fait plus que de grandes. On reproche à leur tempérance et à leur courage de n'avoir pas été de vraies vertus, mais des qualités forcées 1 : cependant quelques pages après, on avoue que Fabricius méprisait l'or de Pyrrhus, et l'on ne peut ignorer que l'histoire romaine est pleine d'exemples de la facilité qu'eussent eue à s'enrichir ces magistrats, ces guerriers vénérables qui faisaient tant de cas de leur pauvreté 2. Quant au courage, ne sait-on pas que la lâcheté ne saurait entendre raison ? et qu'un poltron ne laisse pas de fuir, quoique sûr d'être tué en fuyant ? C'est, dit-on, vouloir contraindre un homme fort et robuste à bégayer dans un berceau que de vouloir rappeler les grands États aux petites vertus des petites républiques. Voilà une phrase qui ne doit pas être nouvelle dans les cours. Elle eût été très digne de Tibère ou de Catherine de Médicis, et je ne doute pas que l'un ou l'autre n'en ait souvent employé de semblables. Il serait difficile d'imaginer qu'il fallût mesurer la morale avec un instrument d'arpenteur. Cependant on ne saurait dire que l'étendue des États soit tout à fait indifférente aux mœurs des citoyens. Il y a sûrement quelque proportion entre ces choses ; je ne sais si cette proportion ne serait point inverse 3. Voilà une importante question à méditer ; et je crois qu'on peut bien la regarder encore comme indécise, malgré le ton plus méprisant que philosophique avec lequel elle est ici tranchée en deux mots. C'était, continue-t-on, la folie de Caton : avec l'humeur et les préjugés héréditaires dans sa famille, il déclama toute sa vie, combattit et mourut sans avoir rien fait d'utile pour sa patrie. Je ne sais s'il n'a rien fait pour sa patrie ; mais je sais qu'il a beaucoup fait pour le genre humain, en lui donnant le spectacle et le modèle de la vertu la plus pure qui ait jamais existé : il a appris a ceux qui aiment sincèrement le véritable honneur, à savoir résister aux vices de leur siècle et à détester cette horrible maxime des gens à la mode qu'il faut faire comme les autres ; maxime avec laquelle 1 2 3 Je vois la plupart des esprits de mon temps faire les ingénieux à obscurcir la gloire des belles et généreuses actions anciennes, leur donnant quelque interprétation vile, et leur controuvant des occasions et des causes vaines. Grande subtilité! Qu'on me donne l'action la plus excellente et pure, je m'en vais y fournir vraisemblablement cinquante vicieuses intentions. Dieu sait, à qui les veut étendre, quelle diversité d'images ne souffre notre interne volonté. Ils ne font pas tant malicieusement que lourdement et grossièrement les ingénieux avec leur médisance. La même peine qu'on prend à détracter ces grands noms, et la même licence, je la prendrais volontiers à leur donner un tour d'épaule pour les hausser. Ces rares figures et triées pour l'exemple du monde par le contentement des sages, je ne me feindrais pas de les recharger d'honneur, autant que mon invention pourrait, en interprétation et favorables circonstances. Et il faut croire que les efforts de notre invention sont bien au-dessous de leur mérite. C'est l'office de gens de bien de peindre la vertu la plus belle qu'il se puisse. Et ne messiérait pas quand la passion nous transporterait à la faveur de si saintes formes. Ce n'est pas Rousseau qui dit tout cela, c'est Montaigne. Curius refusant les présents des Samnites disait qu'il aimait mieux commander à ceux qui avaient de l'or que d'en avoir lui-même. Curius avait raison. Ceux qui aiment les richesses sont faits pour servir, et ceux qui les méprisent pour commander. Ce n'est pas la force de l'or qui asservit les pauvres aux riches, mais c'est qu'ils veulent s'enrichir à leur tour ; sans cela, ils seraient nécessairement les maîtres. La hauteur de mes adversaires me donnerait à la fin de l'indiscrétion, si je continuais à disputer contre eux. lis croient m'en imposer avec leur mépris pour les petits États : ne craignent-ils point que je ne leur demande une fois s'il est bon qu'il y en ait de grands ? Jean-Jacques Rousseau (1750), Discours sur les sciences et les arts 57 ils iraient loin sans doute, s'ils avaient le malheur de tomber dans quelque bande de Cartouchiens. Nos descendants apprendront un jour que dans ce siècle de sages et de philosophes, le plus vertueux des hommes a été tourné en ridicule et traité de fou, pour n'avoir pas voulu fouiller sa grande âme des crimes de ses contemporains, pour n'avoir pas voulu être un scélérat avec César et les autres brigands de son temps. On vient de voir comment nos philosophes parlent de Caton. On va voir comment en parlaient les anciens philosophes. Ecce spectaculum dignum ad quod respiciat, intentus open suo, Deus. Ecce par Deo dignum, vir fortis cum mala forma compositus. Non video, inquam, quid habeat in terris 7upiter pulchrius, si convertere animum velit, quam ut spectet Catonem, jam partibus non semel fractis, nihilominus inter ruinas publicas erectum. Voici ce qu'on nous dit ailleurs des premiers Romains. J'admire les Brutus, les Decius, les Lucrèce, les Virginius, les Scevola. C'est quelque chose dans le siècle où nous sommes. Mais j'admirerai encore plus un État puissant et bien gouverné. Un État puissant et bien gouverné! Et moi aussi, vraiment. Où les citoyens ne seront point condamnés à des vertus si cruelles. J'entends ; il est plus commode de vivre dans une constitution de choses où chacun soit dispensé d'être homme de bien, Mais si les citoyens de cet État qu'on admire se trouvaient réduits par quelque malheur ou à renoncer à la vertu, ou à pratiquer ces vertus cruelles, et qu'ils eussent la force de faire leur devoir, serait-ce donc une raison de les admirer moins ? Prenons l'exemple qui révolte le plus notre siècle, et examinons la conduite de Brutus souverain magistrat, faisant mourir ses enfants qui avaient conspiré contre l'État dans un moment critique où il ne fallait presque rien pour le renverser. Il est certain que, s'il leur eût fait grâce, son collègue eût infailliblement sauvé tous les autres complices, et que la république était perdue. Qu'importe, me dira-t-on ? Puisque cela est si indifférent, supposons donc qu'elle eût subsisté, et que Brutus ayant condamné à mort quelque malfaiteur, le coupable lui eût parlé ainsi : « Consul, pourquoi me « fais-tu mourir ? Ai-je fait pis que de trahir ma patrie ? « et ne suis-je pas aussi ton enfant ? » Je voudrais bien qu'on prit la peine de me dire ce que Brutus aurait pu répondre. Brutus, me dira-t-on encore, devait abdiquer le consulat, plutôt que de faire périr ses enfants. Et moi je dis que tout magistrat qui, dans une circonstance aussi périlleuse, abandonne le soin de la patrie et abdique la magistrature, est un traître qui mérite la mort. Il n'y a point de milieu ; il fallait que Brutus fût un infâme, ou que les têtes de Titus et de Tiberinus tombassent par son ordre sous la hache des licteurs. je ne dis pas pour cela que beaucoup des gens eussent choisi comme lui. Quoiqu'on ne se décide pas ouvertement pour les derniers temps de Rome, on laisse pourtant assez entendre qu'on les préfère aux premiers ; et l'on a autant de peine à apercevoir de grands hommes à travers la simplicité de ceux-ci, que j'en ai moimême à apercevoir d'honnêtes gens à travers la pompe des autres. On oppose Titus à Fabricius : mais on a omis cette différence qu'au temps de Pyrrhus tous les Romains étaient des Fabricius, au lieu que sous le règne de Tite il n'y avait que lui seul d'hom- Jean-Jacques Rousseau (1750), Discours sur les sciences et les arts 58 me de bien 1. J'oublierai, si l'on veut, les actions héroïques des premiers Romains et les crimes des derniers : mais ce que je ne saurais oublier, c'est que la vertu était honorée des uns et méprisée des autres ; et que quand il y avait des couronnes pour les vainqueurs des jeux du cirque, il n'y en avait plus pour celui qui sauvait la vie à un citoyen. Qu'on ne croie pas, au reste, que ceci soit particulier à Rome. Il fut un temps où la république d'Athènes était assez riche pour dépenser des sommes immenses à ses spectacles, et pour payer très chèrement les auteurs, les comédiens, et même les spectateurs : ce même temps fut celui où il ne se trouva point d'argent pour défendre l'État contre les entreprises de Philippe. On vient enfin aux peuples modernes ; et je n'ai garde de suivre les raisonnements qu'on juge à propos de faire à ce sujet. je remarquerai seulement que c'est un avantage peu honorable que celui qu'on se procure, non en réfutant les raisons de son adversaire, mais en l'empêchant de les dire. Je ne suivrai pas non plus toutes les réflexions qu'on prend la peine de faire sur le luxe, sur la politesse, sur l'admirable éducation de nos enfants 2, sur les meilleures méthodes pour étendre nos connaissances, sur l'utilité des sciences et l'agrément des beaux-arts, et sur d'autres points dont plusieurs ne me regardent pas, dont quelquesuns se réfutent d'eux-mêmes, et dont les autres ont déjà été réfutés. Je me contenterai de citer encore quelques morceaux pris au hasard, et qui me paraîtront avoir besoin d'éclaircissement. Il faut bien que je me borne à des phrases, dans l'impossibilité de suivre des raisonnements dont je n'ai pu saisir le fil. On prétend que les nations ignorantes qui ont eu des idées de la gloire et de la vertu sont des exceptions singulières qui ne peuvent former aucun préjugé contre les sciences. Fort bien ; mais toutes les nations savantes, avec leurs belles idées de gloire et de vertu, en ont toujours perdu l'amour et la pratique. Cela est sans exception : passons à la preuve. Pour nous en convaincre, jetons les yeux sur l'immense continent de l’Afrique, où nul mortel n'est assez hardi pour pénétrer, ou assez heureux pour l'avoir tenté impunément. Ainsi de ce que nous n'avons pu pénétrer dans le continent de l'Afrique, de ce nous ignorons ce qui s'y passe, on nous fait conclure que les peuples en sont chargés de vices : c'est si nous avions trouvé le moyen d'y porter les nôtres qu'il faudrait tirer cette conclusion. Si j'étais chef de quelqu'un des peuples de la Nigritie, je déclare que je ferais élever sur la frontière du pays une potence où le ferais pendre sans rémission le premier Européen qui oserait y pénétrer, et le premier citoyen qui tenterait d'en sortir 3. L'Amérique ne nous offre pas des spectacles moins 1 2 3 Si Titus n'eût été empereur, nous n'aurions jamais entendu parler de lui ; car il eût continué de vivre comme les autres : et il ne devint homme de bien que quand, cessant de recevoir l'exemple de son siècle, il lui fut permis d'en donner un meilleur. Privatus atque etiam sub patre principe, ne odio quidem, nedum vituperatione publica caruit. At illi ea fama pro bono cessit, conversaque est in maximas laudes. Il ne faut pas demander si les pères et les maîtres seront attentifs à écarter mes dangereux écrits des yeux de leurs enfants et de leurs élèves. En effet, quel affreux désordre, quelle indécence ne serait-ce point, si ces enfants si bien élevés venaient à dédaigner tant de jolies choses, et à préférer tout de bon la vertu au savoir ? Ceci me rappelle la réponse d'un précepteur lacédémonien, à qui l'on demandait par moquerie ce qu'il enseignerait à son élève. Je lui apprendrai, dit-il, à aimer les choses honnêtes. Si je rencontrais un tel homme parmi nous, je lui dirais à l'oreille : Gardez-vous bien de parler ainsi ; car jamais vous n'auriez de disciples ; mais dites que vous leur apprendrez à habiller agréablement et je vous réponds de votre fortune. On me demandera peut-être quel mal peut faire à l'État un citoyen qui en sort pour n'y plus rentrer ? Il fait du mal aux autres par le mauvais exemple qu'il donne, il en fait à lui-même par les vices Jean-Jacques Rousseau (1750), Discours sur les sciences et les arts 59 honteux pour l'espèce humaine. Surtout depuis que les Européens y sont. On comptera cent peuples barbares ou sauvages dans l'ignorance pour un seul vertueux. Soit ; on en comptera du moins un : mais de peuple vertueux et cultivant les sciences, on n'en a jamais vu. La terre abandonnée sans culture n'est point oisive ; elle produit des poisons, elle nourrit des monstres. Voilà ce qu'elle commence à faire dans les lieux où le goût des arts frivoles a fait abandonner celui de l'agriculture. Notre âme, peut-on dire aussi, n'est point oisive quand la vertu l'abandonne. Elle produit des fictions, des romans, des satires, des vers ; elle nourrit des vices. Si des barbares ont fait des conquêtes, c'est qu'ils étaient très injustes. Qu'étionsnous donc, je vous prie, quand nous avons fait cette conquête de l'Amérique qu'on admire si fort ? Mais le moyen que des gens qui ont du canon, des cartes marines et des boussoles, puissent commettre des injustices! Me dira-t-on que l'événement marque la valeur des conquérants ? Il marque seulement leur ruse et leur habileté ; il marque qu'un homme adroit et subtil peut tenir de son industrie les succès qu'un brave homme n'attend que de sa valeur. Parlons sans partialité. Qui jugerons-nous le plus courageux, de l'odieux Cortez subjuguant le Mexique à force de poudre, de perfidie et de trahisons, ou de l'infortuné Guatimozin étendu par d'honnêtes Européens sur des charbons ardents pour avoir ses trésors, tançant un de ses officiers à qui le même traitement arrachait quelques plaintes, et lui disant fièrement : Et moi, suis-je sur des roses ? Dire que les sciences sont nées de l'oisiveté, c'est abuser visiblement des termes ; elles naissent du loisir, mais elles garantissent de l'oisiveté, de sorte qu'un homme qui s'amuserait au bord d'un grand chemin à tirer sur les passants pourrait dire qu'il occupe son loisir à se garantir de l'oisiveté ? Je n'entends point cette distinction de l'oisiveté et du loisir. Mais je sais très certainement que nul honnête homme ne peut jamais se vanter d'avoir du loisir, tant qu'il y aura du bien à faire, une patrie à servir, des malheureux à soulager ; et je défie qu'on me montre dans mes principes aucun sens honnête dont ce mot loisir puisse être susceptible. Le citoyen que ses besoins attachent à la charrue n'est pas plus occupé que le géomètre ou l'anatomiste. Pas plus que l'enfant qui élève un château de cartes, mais plus utilement. Sous prétexte que le pain est nécessaire, faut-il que tout le monde se mette à labourer la terre ? Pourquoi non ? Qu'ils paissent même, s'il le faut. J'aime encore mieux voir les hommes brouter l'herbe dans les champs que s'entre-dévorer dans les villes. Il est vrai que tels que le les demande, ils ressembleraient beaucoup à des bêtes ; et que tels qu'ils sont, ils ressemblent beaucoup à des hommes. L'état d'ignorance est un état de crainte et de besoin. Tout est danger alors pour notre fragilité. La mort gronde sur nos têtes ; elle est cachée dans l'herbe que nous foulons aux pieds. Lorsqu'on craint tout et qu'on a besoin de tout, quelle disposition plus raisonnable que celle de vouloir tout connaître ? Il ne faut que considérer les inquiétudes continuelles des médecins et des anatomistes sur leur vie et sur leur santé, pour savoir si les connaissances servent à nous rassurer sur nos dangers. Comme elles nous en découvrent toujours beaucoup plus que de moyens de nous en garantir, ce n'est pas une merveille si elles ne font qu'augmenter nos alarmes et nous rendre pusillanimes. Les animaux vivent sur tout cela dans une sécurité profonde, et ne s'en trouvent pas plus mal. Une génisse n'a pas besoin d'étudier la botanique pour apprenqu'il va chercher. De toutes manières c'est à la loi de le prévenir, et il vaut encore mieux qu'il soit pendu que méchant. Jean-Jacques Rousseau (1750), Discours sur les sciences et les arts 60 dre à trier son foin, et le loup dévore sa proie sans songer à l'indigestion. Pour répondre à cela, osera-t-on prendre le parti de l'instinct contre la raison ? C'est précisément ce que je demande. Il semble, nous dit-on, qu'on ait trop de laboureurs, et qu'on craigne de manquer de philosophes. Je demanderai à mon tour si l'on craint que les professions lucratives ne manquent de sujets pour les exercer. C'est bien mal connaître l'empire de la cupidité. Tout nous jette dès notre enfance dans les conditions utiles. Et quels préjugés n'a-t-on pas à vaincre, quel courage ne faut-il pas, pour oser n'être qu'un Descartes, un Newton, un Locke ? Leibniz et Newton sont morts comblés de biens et d'honneurs, et ils en méritaient encore davantage. Dirons-nous que c'est par modération qu'ils ne se sont point élevés jusqu'à la charrue ? je connais assez l'empire de la cupidité, pour savoir que tout nous porte aux professions lucratives ; voilà pourquoi je dis que tout nous éloigne des professions utiles. Un Hebert, un Lafrenaye, un Dulac, un Martin gagnent plus d'argent en un jour que tous les laboureurs d'une province ne sauraient faire en un mois. je pourrais proposer un problème assez singulier sur le passage qui m'occupe actuellement. Ce serait, en ôtant les deux premières lignes et le lisant isolé, de deviner s'il est tiré de mes écrits ou de ceux de mes adversaires. Les bons livres sont la seule défense des esprits faibles, c'est-à-dire des trois quarts des hommes, contre la contagion de l'exemple. Premièrement, les savants ne feront jamais autant de bons livres qu'ils donnent de mauvais exemples. Secondement, il y aura toujours plus de mauvais livres que de bons. En troisième lieu, les meilleurs guides que les honnêtes gens puissent avoir sont la raison et la conscience : Paucis est opus litteris ad mentem bonam. Quant à ceux qui ont l'esprit louche ou la conscience endurcie, la lecture ne peut jamais leur être bonne à rien. Enfin, pour quelque homme que ce soit, il n'y a de livres nécessaires que ceux de la religion, les seuls que je n'ai jamais condamnés. On prétend nous faire regretter l'éducation des Perses. Remarquez que c'est Platon qui prétend cela. J'avais cru me faire une sauvegarde de l'autorité de ce philosophe : mais je vois que rien ne me peut garantir de l'animosité de mes adversaires : Tros Rutulusve fuat ; ils aiment mieux se percer l'un l'autre que de me donner le moindre quartier, et se font plus de mal qu'à moi 1. Cette éducation était, dit-on, fondée sur des principes barbares ; parce qu'on donnait un maître pour l'exercice de chaque vertu, quoique la vertu soit indivisible ; parce qu'il s'agit de l'inspirer, et non de l'enseigner ; d'en faire aimer la pratique, et non d'en démontrer la théorie. Que de choses n'aurais-je point à répondre ? mais il ne faut pas faire au lecteur l'injure de lui tout dire. Je me contenterai de ces deux remarques. La première, que celui qui veut élever un enfant, ne commence pas par lui dire qu'il faut pratiquer la vertu ; car il n'en serait pas entendu : mais il lui enseigne premièrement à être vrai, et puis à être tempérant, et puis courageux, etc. et enfin il lui apprend que la collection de toutes ces choses s'appelle vertu. La seconde, que c'est nous qui nous contentons de démon- 1 Il me passe par la tête un nouveau projet de défense, et je ne réponds pas que je n'aie encore la faiblesse de l'exécuter quelque jour. Cette défense ne sera composée que de raisons tirées des philosophes ; d'où il s'ensuivra qu'ils ont tous été des bavards comme je le prétends, si l'on trouve leurs raisons mauvaises ; ou que j'ai cause gagnée, si on les trouve bonnes. Jean-Jacques Rousseau (1750), Discours sur les sciences et les arts 61 trer la théorie ; mais les Perses enseignaient la pratique. Voyez mon Discours, page 49. Tous les reproches qu'on fait à la philosophie attaquent l'esprit humain. J'en conviens. Ou plutôt l'auteur de la nature, qui nous a faits tels que nous sommes. S'il nous a faits philosophes, à quoi bon nous donner tant de peine pour le devenir ? Les philosophes étaient des hommes ; ils se sont trompés ; doit-on s'en étonner ? C'est quand ils ne se tromperont plus qu'il faudra s'en étonner. Plaignons-les, profitons de leurs fautes, et corrigeons-nous. Oui, corrigeons-nous, et ne philosophons plus... Mille routes conduisent à l'erreur, une seule mène à la vérité! Voilà précisément ce que je disais. Faut-il être surpris qu'on se soit mépris si souvent sur celle-ci, et qu'elle ait été découverte si tard ? Ah! nous l'avons donc trouvée à la fin! On nous oppose un jugement de Socrate, qui porta, non sur les savants, mais sur les sophistes, non sur les sciences, mais sur l'abus qu'on en peut faire. Que peut demander de plus celui qui soutient que toutes nos sciences ne sont qu'abus et tous nos savants que de vrais sophistes ? Socrate était chef d'une secte qui enseignait à douter. Je rabattrais bien de ma vénération pour Socrate si je croyais qu'il eût eu la sotte vanité de vouloir être chef de secte. Et il censurait avec justice l'orgueil de ceux qui prétendaient tout savoir. C'est-à-dire l'orgueil de tous les savants. La vraie science est bien éloignée de cette affectation. Il est vrai. Mais c'est de la nôtre que je parle. Socrate est ici témoin contre lui-même. Ceci me paraît difficile à entendre. Le plus savant des Grecs ne rougissait point de son ignorance. Le plus savant des Grecs ne savait rien, de son propre aveu ; tirez la conclusion pour les autres. Les sciences n'ont donc pas leurs sources dans nos vices. Nos sciences ont donc leurs sources dans nos vices. Elles ne sont donc pas toutes nées de l'orgueil humain. J'ai déjà dit mon sentiment là-dessus. Déclamation vaine, qui ne peut faire illusion qu'à des esprits prévenus. je ne sais point répondre à cela. En parlant des bornes du luxe, on prétend qu'il ne faut pas raisonner sur cette matière du passé au présent. Lorsque les hommes marchaient tout nus, celui qui s'avisa le premier de porter des sabots passa pour un voluptueux ; de siècle en siècle, on n'a cessé de crier à la corruption, sans comprendre ce qu'on voulait dire. Il est vrai que jusqu'à ce temps, le luxe, quoique souvent en règne, avait du moins été regardé dans tous les âges comme la source funeste d'une infinité de maux. Il était réservé à M. Melon de publier le premier cette doctrine empoisonnée, dont la nouveauté lui a acquis plus de sectateurs que la solidité de ses raisons. je ne crains point de combattre seul dans mon siècle ces maximes odieuses qui ne tendent qu'à détruire et avilir la vertu, et à faire des riches et des misérables, c'est-à-dire toujours des méchants. On croit m'embarrasser beaucoup en me demandant à que1 point il faut borner le luxe. Mon sentiment est qu'il n'en faut point du tout. Tout est source de mal au-delà du nécessaire physique. La nature ne nous ; et c'est au moins une très donne que trop de besoins, haute imprudence de les multiplier sans nécessité, et de mettre ainsi son âme dans une plus grande dépendance. Ce n'est pas sans raison que Socrate, regardant l'étalage d'une boutique, se félicitait de n'avoir à faire de rien de tout cela. Il y a cent à parier contre un que le premier qui porta des sabots était un homme punissable, à Jean-Jacques Rousseau (1750), Discours sur les sciences et les arts 62 moins qu'il n'eût mal aux pieds. Quant à nous, nous sommes trop obligés d'avoir des souliers, pour n'être pas dispensés d'avoir de la vertu. J'ai déjà dit ailleurs que je ne proposais point de bouleverser la société actuelle, de brûler les bibliothèques et tous les livres, de détruire les collèges et les académies : et je dois ajouter ici que je ne propose point non plus de réduire les hommes à se contenter du simple nécessaire. je sens bien qu'il ne faut pas former le chimérique projet d'en faire d'honnêtes gens : mais je me suis cru obligé de dire sans déguisement la vérité qu'on m'a demandée. J'ai vu le mal et tâché d'en trouver les causes. D'autres plus hardis ou plus insensés pourront chercher le remède. Je me lasse et je pose la plume pour ne la plus reprendre dans cette trop longue dispute. J'apprends qu'un très grand nombre d'auteurs 1 se sont exercés à me réfuter. Je suis très fâché de ne pouvoir répondre à tous ; mais je crois avoir montre, par ceux que j'ai choisis 2 pour cela, que ce n'est pas la crainte qui me retient à l'égard des autres. J'ai tâché d'élever un monument qui ne dût point à l'art sa force et sa solidité : la vérité seule, à qui je l'ai consacré, a droit de le rendre inébranlable. Et si je repousse encore une fois les coups qu'on lui porte, c'est plus pour m'honorer moi-même en la défendant que pour lui prêter un secours dont elle n'a pas besoin. Qu'il me soit permis de protester, en finissant, que le seul amour de l'humanité et de la vertu m'a fait rompre le silence ; et que l'amertume de mes invectives contre les vices dont je suis le témoin ne naît que de la douleur qu'ils m'inspirent, et du désir ardent que j'aurais de voir les hommes plus heureux, et surtout plus dignes de l'être. 1 2 Il n'y a pas jusqu'à de petites feuilles critiques faites pour l'amusement des jeunes gens où l'on ne m'ait fait l'honneur de se souvenir de moi. je ne les ai point lues et ne les lirai point très assurément ; mais rien ne m'empêche d'en faire le cas qu'elles méritent, et je ne doute point que tout cela ne soit fort plaisant. On m'assure que M. Gautier m'a fait l'honneur de me répliquer, quoique je ne lui eusse point répondu et que j'eusse même exposé mes raisons pour n'en rien faire. Apparemment que M. Gautier ne trouve pas ces raisons bonnes puisqu'il prend la peine de les réfuter. Je vois bien qu'il faut céder à M. Gautier ; et je conviens de très bon cœur du tort que j'ai eu de ne lui pas répondre ; ainsi nous voilà d'accord. Mon regret est de ne pouvoir réparer ma faute. Car par malheur il n'est plus temps, et personne ne saurait de quoi je veux parler. Jean-Jacques Rousseau (1750), Discours sur les sciences et les arts 63 Lettre à M. L'abbé Raynal auteur du Mercure de France. Retour à la table des matières Je dois, monsieur, des remerciements à ceux qui vous ont fait passer les observations que vous avez la bonté de me communiquer, et je tâcherai d'en faire mon profit ; je vous avouerai pourtant que je trouve mes censeurs un peu sévères sur ma logique, et je soupçonne qu'ils se seraient montrés moins scrupuleux, si j'avais été de leur avis. Il me semble au moins que s'ils avaient eux-mêmes un peu de cette exactitude rigoureuse qu'ils exigent de moi, je n'aurais aucun besoin des éclaircissements que je leur vais demander. L'auteur semble, disent-ils, préférer la situation où était l'Europe avant le renouvellement des sciences ; état pire que l'ignorance par le faux savoir ou le jargon qui était en règne. L'auteur de cette observation semble me faire dire que le faux savoir, ou le jargon scolastique soit préférable à la science, et c'est moi-même qui ai dit qu'il était pire que l'ignorance ; mais qu'entend-il par ce mot situation ? L'applique-t-il aux lumières ou aux mœurs, ou s'il confond ces choses que j'ai tant pris de peine à distinguer ? Au reste, comme c'est ici le fond de la question, j'avoue qu'il est très maladroit à moi de n'avoir fait que sembler prendre parti là-dessus. Ils ajoutent que l'auteur préfère la rusticité à la politesse. Jean-Jacques Rousseau (1750), Discours sur les sciences et les arts 64 Il est vrai que l'auteur préfère la rusticité à l'orgueilleuse et fausse politesse de notre siècle, et il en a dit la raison. Et qu'il fait main basse sur tous les savants et les artistes. Soit, puisqu'on le veut ainsi, je consens de supprimer toutes les distinctions que j'y avais mises. Il aurait dû, disent-ils encore, marquer le point d'où il part, pour désigner l'époque de la décadence. J'ai fait plus ; j'ai rendu ma proposition générale : j'ai assigné ce premier degré de la décadence des mœurs au premier moment de la culture des lettres dans tous les pays du monde, et j'ai trouvé le progrès de ces deux choses toujours en proportion. Et en remontant à cette première époque, faire comparaison des mœurs de ce temps-là avec les nôtres. C'est ce que j'aurais fait encore plus au long dans un volume in-quarto. Sans cela nous ne voyons point jusqu'où il faudrait remonter, à moins que ce ne soit au temps des Apôtres. je ne vois pas, moi, l'inconvénient qu'il y aurait à cela, si le fait était vrai. Mais je demande justice au censeur : Voudrait-il que j'eusse dit que le temps de la plus profonde ignorance était celui des Apôtres ? Ils disent de plus, par rapport au luxe, qu'en bonne politique on sait qu'il doit être interdit dans les petits États, mais que le cas d'un royaume, tel que la France par exemple, est tout différent. Les raisons en sont connues. N'ai-je pas ici encore quelque sujet de me plaindre ? Ces raisons sont celles auxquelles j'ai tâché de répondre. Bien ou mal, j'ai répondu. Or on ne saurait guère donner à un auteur une plus grande marque de mépris qu'en ne lui répliquant que par les mêmes arguments qu'il a réfutés. Mais faut-il leur indiquer la difficulté qu'ils ont à résoudre ? La voici : Que deviendra la vertu quand il faudra s'enrichir à quelque prix que ce soit 1 ? Voilà ce que je leur ai demandé, et ce que je leur demande encore. Quant aux deux observations suivantes, dont la première commence par ces mots : Enfin voici ce qu'on objecte, et l'autre par ceux-ci : mais ce qui touche de plus près ; le supplie le lecteur de m'épargner la peine de les transcrire. L'Académie m'avait demandé si le rétablissement des sciences et des arts avait contribué à épurer les mœurs. Telle était la question que j'avais à résoudre : cependant voici qu'on me fait un crime de n'en avoir pas résolu une autre. Certainement cette critique est tout au moins fort singulière. Cependant j'ai presque à demander pardon au lecteur de l'avoir prévue, car c'est ce qu'il pourrait croire en lisant les cinq ou six dernières pages de mon discours. Au reste, si mes censeurs s'obstinent à désirer encore des conclusions pratiques, je leur en promets de très clairement énoncées dans ma première réponse. Sur l'inutilité des lois somptuaires pour déraciner le luxe une fois établi, on dit que l'auteur n'ignore pas ce qu'il y a à dire là-dessus. Vraiment non. je n'ignore pas que quand un homme est mort il ne faut point appeler de médecins. On ne saurait mettre dans un trop grand jour des vérités qui heurtent autant de front le goût général, et il importe d'ôter toute prise à la chicane. je ne suis pas tout à fait de cet avis, et je crois qu'il faut laisser des osselets aux enfants. 1 Disc., p. 44. Jean-Jacques Rousseau (1750), Discours sur les sciences et les arts 65 Il est aussi bien des lecteurs qui les goûteront mieux dans un style tout uni, que sous cet habit de cérémonie qu'exigent les discours académiques. Je suis fort du goût de ces lecteurs-là. Voici donc un point dans lequel je puis me conformer au sentiment de mes censeurs, comme je fais dès aujourd'hui. J'ignore quel est l'adversaire dont on me menace dans le Post-Scriptum. Tel qu'il puisse être, je ne saurais me résoudre à répondre à un ouvrage, avant que de l'avoir lu, ni à me tenir pour battu, avant que d'avoir été attaqué. Au surplus, soit que je réponde aux critiques qui me sont annoncées, soit que je me contente de publier l'ouvrage augmenté qu'on me demande, j'avertis mes censeurs qu'ils pourraient bien n'y pas trouver les modifications qu'ils espèrent. je prévois que quand il sera question de me défendre, je suivrai sans scrupule toutes les conséquences de mes principes. Je sais d'avance avec quels grands mots on m'attaquera. Lumières, connaissances, lois, morale, raison, bienséance, égards, douceur, aménité, politesse, éducation, etc. A tout cela je ne répondrai que par deux autres mots, qui sonnent encore plus fort à mon oreille. Vertu, vérité! m'écrierai-je sans cesse ; vérité, vertu! Si quelqu'un n'aperçoit là que des mots, je n'ai plus rien à lui dire. Jean-Jacques Rousseau (1750), Discours sur les sciences et les arts 66 Lettre de Jean-Jacques Rousseau de Genève Sur une nouvelle Réfutation de son Discours, par un académicien de Dijon.
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Il convient aussi d'ajouter que 7,4% des interrogés ne sont pas prononcés sur cet item En répondant à l'item / Q11 concernant l'intégration des structures de la langue, 66% des apprenants croient que c'est à travers les activités de groupe qu'elle se produit. Cette croyance pourrait être mise sur le compte du fait que dans ces types d'activités, les échanges, les discussions et les négociations entre pairs sont plus fréquents et importants et par conséquent facilitent l'appropriation des structures de la langue chez les apprenants. Aussi, n'est-il pas dit que les activités de groupe faciliteraient le transfert des connaissances. En outre, il s'ensuit l'item « dans les activités de travail collectif » : 162 47,2% sont d'opinion que les structures de la langue sont intégrées plus facilement dans ces types d'activités. En revanche, 26,4% ont choisi l'item « dans les activités de travail individuel », en ce qu'ils estiment que celles-ci permettent d'intégrer plus facilement les structures de la langue. Finalement, 5,7% des restants n'ont pas répondu à cette question. Pour ce qui est du dernier item / Q12 de cette première catégorie, il a pour objectif de déterminer les caractéristiques de l'enseignant dans les activités de travaux de groupe en particulier. Une grande majorité des apprenants sont satisfaits du rôle de l'enseignant dans les activités des travaux de groupe. 47, 2% estiment qu'il est actif, participe et les aide dans les travaux de groupe, alors que 43, 4% sont d'un avis contraire. Ils le trouvent même inactif et discret. De même, 9,4% parmi les interrogés n'ont pas répondu. Dans la deuxième partie du questionnaire, dont l'objet d'enquête porte sur les technologies de l information et de la communication pour l'enseignement (Tice) d'une manière générale, nous avons mis l'accent en particulier sur les compétences techniques des apprenants en matière de TIC, la fréquence, le lieu et le débit de connexion à Internet, leurs centres d'intérêt mais aussi sur la connaissance et l'utilisation des outils de communication comme le forum, le Wiki ou le Tchat et leur potentiel sur l'apprentissage. Ce qui nous permettra également de voir dans une certaine mesure les représentations et les images que les apprenants capverdiens ont des outils technologiques et de pouvoir préparer au mieux l'expérience. La deuxième partie comprend huit items / questions, qui vont de la question 13 à 21. 163 120% 100% 100% 100% 84,90% 83% 80% Avec un ordinateur 60% Sans ordinateur Total 40% 20% 17% 15,10% 1,90%0 0% Praia Mindelo Total Graphique 4 : répartition des ordinateurs Nous constatons que le nombre d'apprenants n'ayant pas d'ordinateur est très élevé et ne concerne, d'une manière générale, que les étudiants non travailleurs. Comme nous l'avons déjà dit dans le premier chapitre de cette thèse, l'ordinateur reste encore un produit de luxe et hors de portée pour une grande majorité de la population capverdienne car les prix pratiqués sur le marché sont exorbitants. En ce sens, de très nombreux foyers capverdiens ne disposent toujours pas d'ordinateurs. Cependant, l'introduction de la discipline informatique dans les programmes scolaires dans le cadre du programme Mundu Novu a permis à une grande majorité des élèves de se familiariser avec l'outil informatique. Mais, savent-ils tous pour autant s'en servir? L'item / Q14 a pour finalité de répondre à cette question. Les résultats montrent que presque tous les élèves ont déjà utilisé un ordinateur pour s'en être servi au moins une fois. Mais, la fréquence d'utilisation est variable chez les étudiants : 49, 1% l'utilisent tous les jours, 37,7% s'en servent une fois par semaine et 5,7% une fois par mois. Un seul interrogé, soit 1,9%, n'a jamais utilisé d'ordinateur et trois autres n'ont pas répondu à cet item. La fréquence d'utilisation dépend dans une certaine mesure des possibilités d'accès à un ordinateur. D'après les résultats enregistrés, l'université demeure l'endroit privilégié pour beaucoup d'étudiants, soit 67,9%. Pour ces derniers, elle leur offre des conditions de travail adéquates, leur permet aussi d'accéder facil ement à un ordinateur et de se connecter gratuitement à Internet, contrairement aux cybercafés. 34% des 164 étudiants disent pourtant s'y rendre pour accéder à un ordinateur et leur choix peut être mis en rapport avec le fait que les salles informatiques sont toutefois très insuffisantes à l'université. De même, 45,3% préfèrent le faire à la maison pour les mêmes raisons avancées précédemment ou autres comme le fait de disposer d'un outil informatique avec connexion Internet chez eux. En dehors de ces trois lieux précédemment évoqués, quelques étudiants (3,8%) disent avoir accès à un ordinateur au travail. À ce propos, on imagine qu'ils bénéficient de l'aide d'un tiers (ami, parent proche, etc.) dans la fonction publique, leur permettant d'utiliser les ordinateurs réservés aux tâches administratives, ou ils y travaillent comme agent administratif, cadre, entre autres. Par contre, 7,4% des apprenants ne se sont pas prononcés, ce qui laisse penser qu'ils n'ont pas compris cet item ou qu'ils ont volontairement omis d'y répondre. Il se peut qu'il s'agisse également d'un groupe novice en matière de TIC. En référence à la connexion Internet et suite aux résultats tirés de l'item/Q15, on peut remarquer que beaucoup d'étudiants (37,7%) n'ont pas de connexion Internet. Une des raisons à cela est peut-être due aux tarifs de connexion à Internet encore très élevés au Cap-Vert, supérieurs à ceux pratiqués en France. Selon les informations recueillies auprès de l'opérateur national de télécommunication CV Telecom, la connexion Internet illimité coûte entre 70 à 80 euros par mois. En outre, le nombre d'étudiants n'ayant pas de connexion Internet est également supérieur à ceux bénéficiant d'une connexion Internet, lesquels représentent 20,8%. Mais, le plus surprenant est qu'une grande majorité des étudiants (41,5%) se sont abstenus, population largement supérieure à celle ayant ou non une connexion Internet. Le fait de ne pas répondre à cet item peut vouloir dire plusieurs choses : soit les étudiants n'ont pas bien compris la question et donc n'ont pas répondu, soit ils n'ont pas d'opinion sur le fait qu'ils ont ou non une connexion Internet ou alors ils en ont mais préfèrent ne pas le dire ouvertement. Dans une même perspective, si l'université offre aux étudiants la possibilit d'accéder à un outil informatique, elle présente toutefois des limites surtout en termes de connectivité. D'après les résultats recueillis à partir de l'item / Q16 sur la connexion Internet à l'université, 45,3% des étudiants trouvent qu'elle est lente et 1,9% la caractérisent comme étant défaillante. Ces insuffisances sont la conséquence de la mauvaise gestion et de la densité du réseau Internet provoquées par une sur utilisation de celui-ci, mais aussi par la vétusté de certains outils informatiques et la dépendance de l'université au serveur central national logé à NOSI (Cf. chapitre 1). D'où les 165 dysfonctionnements très fréquents que l'on constate sur le site et le réseau de l'université. Elles peuvent avoir aussi des impacts négatifs sur l'apprentissage des étudiants. Selon les étudiants, ils peuvent prendre plusieurs minutes voire des heures avant de parvenir à accéder à un site, lire un document sur internet ou consulter leur mèl. Certains sont moins critiques et peignent la situation en rose. Ceci dit, 38,5% estiment que la connexion Internet à l'université est normale et 1,9% sont mêmes persuadés qu'elle est rapide. Elle peut être considérée comme tel dans la mesure où la connexion est stable, permanente et illimitée, ce qui n'est peut-être pas le cas dans d'autres endroits ou établissements d'enseignement. Continuant l'analyse des résultats, 9,4% des étudiants disent qu'ils ne savent pas si la connexion Internet à l'université est bonne ou non et 5,7% n'ont pas répondu. Face aux réponses des étudiants, on ne peut que croire qu'ils ont une compétence informatique suffisante qui leur permet de détecter ce type de problèmes. Il faut ajouter qu'en plus des questions de l'accès aux ordinateurs, de la connexion et de connectivité à Internet à l'université, nous avons voulu aussi connaître les principales activités des étudiants sur Internet. Ainsi, on peut observer, d'après les réponses tirées de l'item / Q17, qu'une des activités favorites des étudiants consiste à échanger avec d'autres personnes et à consulter des messages sur Internet. Cette activité touche 44,5% des étudiants. En outre, on peut également relever la recherche d'informations et ce, 35% disent pratiquer cette activité sur Internet. Pour d'autres étudiants (11,7%), il s'agit d'un outil leur permettant de lire les journaux et de s'informer sur l'actualité. En dehors des activités de communication, Internet est également utilisé par les étudiants dans un but d apprentissage et de formation. À ce sujet, 4,4% des étudiants utilisent Internet pour faire des exercices en ligne et 1,5% pour suivre des formations en ligne. L'intérêt des étudiants pour l'outil Internet est qu'il présente de très nombreux avantages. Il leur donne la possibilité d'acquérir de nouvelles connaissances, des savoirs et de s'informer, mais aussi d'être en contact avec leurs amis, leurs proches qui sont à l'étranger ou ailleurs ou encore de communiquer instantanément à l'écrit ou l'oral et d'échanger toutes sortes de documents (audios, vidéos, textuels, images, autre autres). Par ailleurs, une autre activité pour laquelle les étudiants utilisent Internet est la pratique des jeux en ligne. Mais, il convient de préciser que cette pratique n'est pas encore totalement ancrée chez les étudiants, seulement 1,5% disent utiliser Internet pour jouer. Synthèse Il ressort de l'analyse des réponses aux questionnaires soumis avant le commencement de l'expérimentation trois éléments importants qui caractérisent la situation d'apprentissage du FLE dans le contexte capverdien. D'abord, elle est encore fortement marquée par le modèle classique et transmissif où l'enseignant est l'acteur principal. Dans ce contexte, on parlerait d'enseignement et non d'apprentissage car l'enseignement des règles de grammaire et leur fonctionnement, et l'exposition de contenus sont privilégiés. Ainsi, l'interaction dans la classe est envisagée selon un mode binaire, le plus souvent vertical enseignant – apprenants et à l'invitation du premier. Ensuite, il faut remarquer aussi que les apprenants s'expriment et échangent très peu entre eux, puisque les activités proposées n'incitent pas, ni ne favorisent la communication. Finalement, le dernier élément concerne l'usage des outils technologiques pour l'apprentissage. S'il est évident que ces outils offrent de très nombreux avantages, en ce qu'ils facilitent l'apprentissage, favorisent les échanges et la communication, ils restent confinés pour l'instant à un usage non pédagogique 5.2 Analyse des échanges des étudiants dans les forums Nous verrons successivement la dynamique interactionnelle, la structuration et l'organisation des échanges, les stratégies mises en oeuvre par les étudiants, le relationnel dans les échanges et le positionnement de l'enseignement tuteur. 5.2.1 Dynamique interactionnelle au sein des groupes de travail 5.2.1.1 Des indicateurs quantitatifs des échanges dans les groupes L'analyse des traces des activités sur les forums a révélé un nombre important d'échanges entre les étudiants. Plus concrètement, 446 messages ont été postés, ce qui pourrait être interprété comme le signe d'un certain dynamisme interactionnel dans lequel évoluaient les étudiants. Cependant, il faut remarquer que leur nombre varie d'un groupe à un autre. Nb. Fréquence messages Groupe 1 46 10,3% Groupe 2 88 19,7% Groupe 3 37 8,3% Groupe 4 91 20,4% Groupe 5 81 18,2% Groupe 6 103 23,1% 446 100% TOTAL Tableau 13 : Nombre de messages par groupe Suivant le tableau 16, le groupe 6 est le plus productif et dynamique en postant 103 messages, soit 23,1%. De l'autre côté de l'extrémité, se détache le groupe 3 en comptabilisant 37 messages, ce qui représente ainsi 8,3%. Ce groupe est également le moins productif. Entre les deux, nous pouvons citer le groupe 1 avec 46 messages (10,3%), le groupe 2 avec 88 messages (19,7%), le groupe 4 avec 91 messages (20,4%) et le groupe 5, 81 messages (23,1%). En dépit des résultats en dessous de la moyenne (74) obtenus par certains groupes (groupes 1 et 3), les indicateurs traduisent l'engagement et la participation des groupes et des étudiants en particulier aux échanges, mais aussi leur état d'esprit et leur motivation à apprendre et à communiquer. Les échanges se déroulaient presque quasiment en français, l'utilisation de mots en portugais étant limité ou réduit à remplacer le mot oublié en français. 5.2.1.2 Présence et participation des étudiants Certains aspects techniques comme la fréquence, la période et la durée de connexion des étudiants sont déterminants pour évaluer le degré d'implication des étudiants, notamment leur participation et leur présence dans les activités. À cet égard, nous avons observé une forte adhésion des étudiants, les séances affichant presque toujours complètes. JA20 AO22 IN17 LA21 IC26 Étudiant NE3 ES24 MG27 Absence MA2 Présence PI31 VA13 JM5 CS1 VA11 0 5 10 15 Séances 20 25 30 Graphique 6 : assiduité des étudiants Le graphique 3 illustre l'assiduité des étudiants. 22 étudiants (73,3%) étaient régulièrement connectés pour suivre et réaliser les activités en ligne, contre 8 (26,7%) qui n'étaient pas assidus. Parmi ces derniers, seuls 2 étudiants (6,7%) ont eu plus de 5 absences. Le manque d'assiduité de certains étudiants pourrait ne pas avoir beaucoup d'impact sur leur formation compte tenu de la flexibilité du dispositif et de la possibilité de réaliser les activités à n'importe quel moment (voir graphique ci-dessous). Il pourrait néanmoins perturber les échanges entre étudiants dans les groupes de travail. 170 Figure 12 : copies d'écran des périodes de connexion des étudiants Les graphiques de la figure 12 donnent des indications sur les jours et les périodes de connexion des étudiants. En plus des deux jours exclusifs (mardi et jeudi), les étudiants se connectaient également tous les autres jours de la semaine, à n'importe quelle période de la journée ou de la nuit, entre 8 et 23 heures, pour travailler, poster, répondre à des messages. Les périodes où ils étaient plus actifs se situaient entre 9 et 12 heures, et heures. Celles-ci comptaient plus de nombre de messages envoyés par les étudiants, variant entre 11 et 26. 5.2.2 Structuration et organisation des échanges 5.2.2.1 Des échanges linéaires et tronqués Bien que les échanges entre les étudiants dans le forum soient très importants quantitativement, ils sont néanmoins pour un grand nombre linéaires et tronqués, c'està-dire qu'ils sont plats (question - réponse uniquement) et les réponses aux questions ne correspondent toujours à ce que les étudiants attendent. Ceci dit, les interventions se suivent les unes après les autres sans qu'elles ne soient interreliées entre elles, mais sont aussi toutes au même niveau hiérarchiquement, comme nous pouvons le voir dans l'exemple suivant. 171 Figure 13 : exemple d'échanges linéaires et tronqués Ce type d'échanges est très récurrent. Il arrive très souvent que les étudiants, placent leurs messages dans la discussion, par exemple en position d'intervention initiative un message dont le contenu montre qu'il est une réaction à un message précédemment posté. De même, de nombreuses questions ne trouvent pas de réponses comme cela apparaît dans l'exemple ci-dessus où l'initiatrice JMCP5, face au silence de ses pairs, leur demande de répondre à la question qu'elle avait posée antérieurement. Par ailleurs, la linéarité et la troncation des échanges pourraient également être assimilées au fait que les étudiants mettent beaucoup de temps à répondre à une sollicitation. Ce qui entrainerait ainsi une rupture dans les échanges ou l'ouverture de nouveaux fils de discussion alors que l'échange n'est pas encore terminé. L'exemple suivant témoigne l'écart entre l'intervention initiative du 24 juin 2010 et celle réactive à la fin de l'échange, postée le 29 juin 2010. 172 Figure 14 : exemple d'intervention réactive tardive Ainsi, nous pouvons observer dans l'échange l'étudiante CBCS4 s'est manifestée cinq jours après la première intervention pour confirmer s'il s'agissait effectivement de faire le résumé des rythmes musicaux. 5.2.2.2 Caractérisation des messages dans les échanges En guise de rappel, six groupes se partagent le même forum. L'analyse des traces des échanges dans ces groupes révèle plusieurs aspects. Tout d'abord, il faut remarquer que de très nombreux messages postés dans le forum ne sont pas signés. Ce type de message représente environ 94,8% des échanges entre les étudiants. L'auteur du message est toutefois indiqué automatiquement à son destinataire par le système. 173 47 Total 423 446 23 Groupe 6 9 8 Groupe 5 9 5 95 103 76 81 23 Groupe 4 5 Groupe 2 4 34 3 37 1 2 Groupe 1 1 2 Groupe 3 0 Ouverture/Clôture 86 91 Mes sans signature Mes avec signature Messages 86 88 44 46 100 200 300 400 500 Graphique 7 : caractéristique des messages des étudiants Plus précisément, comme nous pouvons le lire dans le graphique 3, sur 446 messages postés, 423 présentent un déficit de signature contre 23. Ce qui fait que de nombreux messages n'ont pas de réponses car leurs auteurs ne sont pas identifiés. Cela pourrait également nuire aux interactions et échanges entre étudiants. De plus, seuls 47 messages proposent des tournures d'ouverture ou de clôture, c'est-à-dire, sans le moindre échange de salutations ni autre rituel d'ouverture, de prise de congés. Les étudiants se lancent directement sur le thème de la conversation. La non prise en compte de ces formalités ne peut-il pas être interprétée comme résultant de l'affinité et des liens d'amitiés qui unissent ces étudiants? 5.2.2.3 Une dissymétrie de la production verbale dans les échanges Les échanges entre étudiants sont caractérisés par des productions verbales dissymétriques. Ainsi, celles dont la taille est comprise entre 51 à 100 mots sont les plus nombreuses, 147 messages ayant été comptabilisés. Presque autant de messages (143) ont également une taille variant entre 101 et 200. Ces productions sont toutefois plus longues et montrent les efforts fournis par les étudiants dans cette compétence. Cependant, elles sont de moins en moins nombreuses lorsque leur taille dépasse 200 mots. 56 messages comptent 201 à 500 mots, 15 messages de 501 et 1000, 6 messages 174 de 1001 à 2000 et 2 messages de 2001 à 5000. Nous les visualiserons dans le graphique suivant. Graphique 8 : distribution de messages par nombre de mots Le graphique 6 montre la distribution des productions verbales en fonction de leur nombre de mots. À partir de là, on peut faire l'hypothèse que les énoncés de la plupart des étudiants sont en général relativement courts, reflétant ainsi leur niveau de compétence langagière à l'écrit. Les énoncés longs ne seraient pas des productions individuelles, mais plutôt des extraits pris sur Internet. En outre, il convient également de préciser que les interventions dans les échanges sont très inégales. D'après le graphique 7, plusieurs groupes se distinguent. Il y a ceux qui interviennent très peu dans les échanges et se comportent de manière attentiste. Il s'agit de ceux (environ 10 étudiants) qui ont postés moins de 5 messages. Ensuite, on trouve un groupe dont le nombre de messages postés varie entre 6 et 10. À l'opposé, nous pouvons également identifier un groupe d'étudiants un peu plus dynamiques. Certains (4) auraient postés entre 11 et 15 et d'autres (3) entre 16 et 20 messages. Et finalement, un dernier groupe (7 étudiants) aurait déposé entre 21 et 30 messages chacun. Ce noyau pourrait être considéré comme le principal animateur des échanges. 175 12 10 10 8 7 6 6 4 4 Nbre d'étudiants 3 2 0 0>5 6 > 10 11 > 15 16 > 20 Messages envoyés 21 > 30 Graphique 9 : nombre de messages envoyés par les étudiants 5.2.3 Stratégies déployées par les apprenants dans les échanges Pour Cohen (198) cité par (Jeannot & Chanier, 2008), la notion de stratégie est utilisée pour caractériser ce que l'apprenant fait pour apprendre et ce qu'il fait pour "utiliser" ce qu'il a déjà appris, ou les deux. Il s'agit donc, en d'autres mots, de processus, d'aptitudes ou d'opérations que celui –ci met en oeuvre soit pour apprendre, soit pour communiquer. L'analyse des séquences des échanges entre étudiants dans les forums a permis d'identifier plusieurs phénomènes particulièrement saillants. 5.2.3.1 Des demandes d'aide et de clarification importantes L'analyse des échanges entre étudiants révèle que ceux-ci font un usage très important de la modalité interrogative. Il existe, en effet, un très grand nombre de questions figurant dans les données (95 sur 446 messages, soit 21,30%). Parmi ces questions, on distingue, d'une part, et majoritairement, les demandes d'aide dont la plupart étaient de type pédagogique et technique comme dans les exemples ci-après. Exemple 117 : « Est-ce que vous peut me aide a comprir comme je peu faire cet travail? » Exemple 2: « Qui sait comment faire pour ouvrir le clip du travail? » 17 les phrases ont été reprises à l'identique, telles qu'elles apparaissent dans les échanges dans les forums 176 Les préoccupations sont différentes dans les énoncés. Dans le premier, l'étudiant, conscient de ses difficultés à comprendre l'activité proposée, sollicite l'appui de ses pairs pour l'aider à les surmonter afin de pouvoir la réaliser. Le deuxième énoncé insiste, quant à lui, sur le fait que l'apprenant est confronté à un problème résultant du mauvais fonctionnement de la vidéo, qui était par ailleurs le document déclencheur de l'activité. Cependant, si dans les deux exemples précédents, le problème pour lequel les étudiants demandent de l'aide à leurs pairs est clairement identifié, il n'est pas toujours indiqué par ces derniers. Ce qui pourrait conduire à des incompréhensions et ainsi amener les étudiants à ne pas réagir ou à demander des précisions, comme on peut le voir dans l'échange de la Figure suivante. Figure 15 : demande d'aide sans indication du problème Dans le premier message, l'étudiant annonce à ses pairs qu'il a un doute et cherche à trouver quelqu'un susceptible de l'aider pour un temps bien déterminé, mais ne dit pas à quel sujet. C'est ce que l'étudiant dans le message précédent ne manque pas de le lui rappeler en répondant. D'autre part, on note également des demandes de clarification. Elles consistent non seulement pour les étudiants à obtenir des précisions, des explications et des 177 éclaircissements, mais également à dissiper leur doute. Elles fonctionnent aussi comme des propositions soumises à l'aval des pairs. Figure 16 : demande de clarification Les deux situations se vérifient dans l'échange entre les trois étudiants au sujet des contenus et en particulier des images à mettre dans la brochure. Dans le deuxième message, l'étudiante demande à son camarade de lui fournir encore plus d'informations, de précisions sur les images pour pouvoir les évaluer. Dans l'intervention réactive initiative suivante, l'étudiante sollicite la ratification de sa proposition. L'objet des demandes de clarification est, outre l'apprentissage, la reconnaissance, la cohésion du groupe. Elles facilitent et contribuent au développement de la communication entre étudiants. 5.2.3.2 Des encouragements et conseils Les échanges entre pairs dans les forums sont fortement marqués par des messages d'encouragement et de conseil. Certains visent à impliquer davantage l'étudiant dans l'exécution de la tâche qui lui incombe, comme dans ce qui suit. 178 Figure 17 : encouragement et conseil à s'impliquer dans la tâche La figure 17 est un exemple d'échanges entre deux membres d'un même groupe de travail. Dans l'intervention réactive, l'étudiant explique à son camarade que la solution est entre ses mains. Il l'encourage à persévérer, à procurer de l'aide auprès des pairs, mais surtout le conseille de ne pas abandonner, de continuer plutôt à pratiquer et à communiquer avec eux. En ce sens, il pourra résoudre ses problèmes. D'autres types d'encouragements et conseils portent sur l'écriture des étudiants et ont pour objectif d'inciter, de pousser les étudiants à fournir plus d'efforts, à faire plus attention quand ils écrivent. L'échange suivant illustre parfaitement nos propos. 179 Figure 18 : encouragement et conseil à bien écrire Dans le message réactif, l'étudiant supplie son camarade de bien écrire car il ne comprend pas ce qu'il dit et son message présente de très nombreuses erreurs. Il cherche à le faire prendre conscience et à le motiver pour qu'il s'applique davantage. Ce type de comportement a donc des répercussions positives sur l'apprentissage des étudiants et la communication entre pairs. Il contribue également au renforcement des liens affectifs, de l'auto - estime des étudiants et au développement de leur autonomie. 5.2.3.3 Partage de ressources et entraides Un autre phénomène saillant observé dans les échanges est l'absence de prise de position différente et de confrontation d'idées dans les interventions des étudiants. La plupart des feedbacks sont de type propositions, partages de ressources et d'informations et aides. En effet, chacun contribue, donne son apport, partage ses trouvailles avec les autres membres du groupe sans remettre en question, réfuter ou contredire l'autre. 180 Figure 19 : partage d'information sur la morna capverdienne La figure ci-dessus est un exemple de discussion entre plusieurs étudiants sur le genre musical capverdien, la « Morna » dans le but de produire un texte collaboratif. Comme on peut le remarquer, chacun essaie de participer, de coopérer le mieux possible en mettant à disposition du groupe les informations dont il dispose. Outre le fait de se partager les ressources et les informations, les étudiants recourent également à l'entraide comme moyen de collaborer et support d'apprentissage. Elle porte sur la dimension affective et surtout cognitive, comme présentée dans les exemples suivants Figure 20 : rappel de la date de remise des travaux 181 Figure 21 : explication de la résolution de l'activité 5.2.4 Modalités d'encadrement des enseignants tuteurs L'analyse des traces de l'activité des enseignants tuteurs a révélé qu'ils étaient très impliqués et actifs, 19 soit 4,3% des messages ont été postés par lui. Ceci dit, ils échangeaient régulièrement avec les étudiants, ils suivaient les activités en ligne et les accompagnaient aussi. Par ailleurs, leurs interventions étaient également soit de type réactif, soit proactif avec une prédominance pour la première modalité (63,2% des interventions de l'enseignant tuteur). Dans ce cas de figure, celles-ci répondaient à une demande plus ou moins explicite de l' tudiant ou du groupe. La figure suivante est un exemple de modalité d'intervention réactive de l'un des enseignants tuteurs. Figure 22 : intervention réactive de l'enseignant tuteur L'intervention de l'enseignant tuteur est une réponse individualisée et subséquente au message posté par une étudiante, dans lequel elle dit ne pas comprendre la consigne donnée, ni savoir comment faire pour s'inscrire dans un groupe de travail. Dans son message, l'enseignant tuteur la félicite d'abord pour les progrès qu'elle a réalisés puis, lui donne des indications et des pistes à suivre et ensuite la rassure également. L'objectif est de la recadrer, de la guider et l'accompagner dans sa démarche. Il convient également d'ajouter que le fait de féliciter l'étudiante est gratifiant pour elle et peut l'amener à se valoriser et à fournir encore plus d'efforts. De la même façon, l'intervention de l'enseignant tuteur peut être dirigée vers des aspects linguistiques et métacognitifs, comme présentée dans la figure ci-après. Figure 23 : intervention de l'enseignant tuteur portant sur des aspects linguistiques Comme on peut le noter, en plus de l'aide technique, l'enseignant tuteur attire l'attention de l'étudiante sur le fait que son texte doit être revu, corrigé et reformulé car il comporte des erreurs orthographiques et grammaticales. Le but ici est de l'amener à s'autocorriger et à être plus autonome. Pour ce qui est des interventions proactives de l'enseignant tuteur, elles sont moins nombreuses. Nous avons relevé 7 messages, représentant ainsi 36,2 % de ses interventions. Il s'agit pour la plupart de messages destinés à tous les étudiants ou à un groupe par son initiative, soit pour leur rappeler ou les informer par exemple des dates et limites des remises des devoirs, d'un éventuel changement à venir, pour les sensibiliser, leur donner et indiquer des ressources et encore pour calmer les tensions observées dans les groupes. Synthèse Les échanges entre pairs dans les forums ont été très importants et ont également révélé une forte participation des étudiants, ainsi que leur engagement. Le plus souvent unidirectionnels et asymétriques, ils présentaient toutefois la particularité d'être interactifs et potentiellement pédagogiques, en ce qu'ils permettaient à chaque étudiant de contribuer, d'exprimer sa pensée et de la reformuler. Autrement dit, les échanges libèrent ainsi la parole ou encore mieux favorisent le développement de l'écriture. En outre, il convient aussi de noter qu'un grand nombre des échanges était des demandes d'aide, de clarification, des encouragements, des incitations et avait pour but de faciliter la collaboration entre les étudiants. Dans ce processus, l'attitude et le comportement de l'enseignant tuteur sont déterminants. Nous avons ainsi identifié deux types principalement, l'un réactif et l'autre proactif. Ces deux modalités d'encadrement étaient différentes dans leur exécution mais complémentaires. 5.3 Les productions des étudiants La formation a produit de très nombreuses données, parmi lesquelles les productions écrites des étudiants. Il s'agit principalement des dépliants informatifs, des lettres de protestation et des messages dans les forums. Leur analyse a été faite sur le "principe d'observation par balayage" (Atifi, Gauducheau & Marcoccia, 2005) en articulant analyse quantitative et analyse qualitative. 5.3.1 Les lettres de protestation Chaque étudiant était en dehors de participer à la rédaction d'une production collective, chargé de d'écrire une lettre de protestation contre les discriminations à l'encontre des enfants handicapés dans les établissements scolaires du Cap-Vert. Elle devait être adressée à l'inspection nationale de l'éducation. Il s'agit 'une activité individuelle laquelle avait comme support une séquence vidéo évoquant cette thématique et quelques outils comme des exemples de modèle de ce type de lettre que les étudiants pouvaient consulter sur le site. Elle devait également être notée. 184 20 lettres de protestation ont été recueillies et analysées linguistiquement. Ainsi, plusieurs aspects ont été relevés dans les productions. Celles-ci comprennent entre 104 et 538 mots, respectent également la situation et le type de production demandé. De plus, les phrases sont le plus souvent relativement complexes et liées les unes les autres par un connecteur représenté en italique dans le texte ci-dessous. 1 E ppe Ee p mp p Monsieur l'inspecteur, Je viens de prendre c onnaissance d'une discrimination fait dans l'établissement scolaire de e xl l'inscrir e mE p E m m e pe p dp p dp mm mm p m E e pm m m p dpd l p ep m me e p l p E l e E ep p xl refuse de accepter l'inscription de Zuleica De Oliveira, á cause d'elle être handicapées. o m pet m l mp p e e e type de comportement dans une l'école et E el e pe El m qu'il y a la loi de 11 février 2005 pour l'égalité des droits et chances des E em m Ed m mp l m m e m La lettre de protestation est une copie modèle et représentative des productions par rapport à leur qualité. L'auteur utilise ici plusieurs connecteurs tels que le pronom relatif "qui", les locutions conjonctive et adverbiale de cause "puisque" et "à cause de" et la préposition "mais" pour marquer l'opposition entre l'idée précédente et celle d'avant. Cependant, nous avons également repéré dans les productions des étudiants quelques insuffisances. Certaines sont dues à des interférences de la langue portugaise comme c'est le cas de l'utilisation de l'expression "pour part de " qui est une traduction littérale du "por parte de", au lieu au lieu de la "part de". D autres relèvent surtout de problèmes de morphosyntaxe. Par exemple, dans le texte ci-dessous, l'emploi de l'adjectif possessif "leur" est erroné et cela s'explique par le fait que l'auteur ne maîtrise pas les règles de fonctionnement et l'utilisation des adjectifs possessifs "son" et "leur" au singulier. 1 E l m e mm mxl xl m m l m e E ep p suite au refus de Mme la Directrice de l'établissement scolaire primaire d'accepter mon enfant m l edp mm p 185 Pour rappel, chaque groupe devait réaliser un dépliant informatif sur le Cap-Vert pour des participants à un séminaire organisé par l'ONG Handicap International. Figure 24 : exemple de dépliant d'un groupe de travail En terme de contenu, les textes sont très simples et présentent peu d'informations concrètes et intéressantes qui permettraient à un individu de se renseigner ou de découvrir le Cap-Vert. De plus, ils accusent des erreurs récurrentes comme des contresens dus à l'influence du portugais et du créole capverdien et surtout des problèmes morphosyntaxiques, comme on peut le voir dans les deux exemples suivants. :a " cL : L " a7" 1 Le " er " Lr Lc"e7ce: " L E cL c 7 e 7 7 7 7 " c1 c a7cL e" 1L: 7"e cp L71L "7c: 7cL a v L " 1 L " Le c" 1eL : 7ca v E 1 v " : " e c 1e e"dL 71L : 7c eL " r L : e Ls c"" L c "7L t 7i a7cL "7c: En effet, dans E17, la phrase "le capverdien est caractérisé surtout par sa musique" est une traduction littérale du portugais. De même, le mot "capverdien", comme la plupart des mots, est polysémique. Son sens peut être révélé par le contexte ou la graphie. Ce mot étant un adjectif, la graphie peut déterminer le référent : orthographié avec un "c" 186 majuscule, il se réfère à la personne et avec un "c" minuscule la langue. Cette distinction n'est pas encore systématisée chez les étudiants capverdiens. D'où le contresens de la phrase. Outre ce fait, il convient également de remarquer dans la phrase "Qiuintal da Musica e palacio Ildo Lobo offre un cadre parfait" l'absence d'accord entre le verbe offrir et le sujet qui est au pluriel. Corrolairement, un autre type d'erreur très fréquent observé chez les étudiants capverdiens est le mauvais emploi de la structure sujet + verbe + infinitif. La phrase "vous pouvez mangez", même si elle ne pose de problème de compréhension, est grammaticale incorrecte, l'infinitif "manger" étant remplacé par le verbe "mangez". Synthèse Ces deux types de productions sont des exemples d'activités individuelles et collaboratives réalisées dans le f. Leur analyse a révélé des insuffisances à l'écrit liées à des problèmes même de langue et de mise en oeuvre. Ils relèvent plus spécifiquement de problèmes de cohésion morphosyntaxique et de cohérence. On peut également déduire que les faibles résultats dans ces tâches sont assimilés au faible engagement et coordination de la part des étudiants. 5.4 Analyse des synthèses réflexives des étudiants 5.4.1 Amélioration de la capacité des apprenants à apprendre à travailler en groupe et à communiquer D'après les étudiants (33,3%), le fait d'apprendre dans un dispositif hybride (distance et présentiel) et les échanges qu'il peut générer présente des potentiels énormes. D'une part, cela leur permet d'apprendre à travailler en groupe, comme le font d'ailleurs remarquer les étudiants à travers les quelques exemples ci-dessous. E1 : "[] J'ai apris à travailler ensemble []" 187 E2 : "[] L'interraction nous à permis apprendre à travailler en groupe en nous aidant les uns aux autres [] " E3 : "[] Nous avons acquis des connaissances en matière de travail de groupe []" Pour les apprenants, l'acquisition de cette capacité a été facilitée par les entraides et les interactions entre pairs. C'est donc à travers celles-ci que certains éléments indispensables dans l'apprentissage collaboratif (savoirs, savoir être, savoir-faire, savoir apprendre à apprendre, participation, engagement, entre autres) se mettent en place et sont consolidés. En d'autres mots, travailler en groupe exige que l'apprenant en soit réellement capable et y soit préparé, mais aussi accompagné pour lui permettre de réaliser avec plus de facilité l'activité collaborative. D'autre part, il joue également un rôle important dans la communication des étudiants pour qui le fait d'échanger entre pairs, même en étant à distance et de travailler en équipe augmente leur capacité à communiquer. Ils prennent plus d'initiative et participent aux conversations du groupe. E4 : "[] c'était une expérience unique parce qu' on pouvait communiquer entre nous, même à distance []" E5 : "[] J'ai pu voir que travailler en équipe facilite la communication []" E6 : "Par moi, je trouve que c ́est une façon meilleur de faire les étudiantes travailler en group et aussi je trouve ça une bonne initiative parce que par fois à des étudiantes qu ́a honte de poser sa doute en classe ou de parler sert chose Dans la classe, il peut faire tous ça dans la plateforme, dont est seulement envoyer des messages a qui ou quoi il besoin dans le forum. 5.4.2 Des effets positifs sur la dimension psychoaffective des apprenants Un des aspects essentiels à prendre en compte dans l'apprentissage d'une L2 et surtout dans les dispositifs de formation en ligne est la dimension psycho-affective des 188 apprentissages car, comme le dit Albero (2009), c'est de son succès que dépend le sentiment de réussite ou d'échec de l'étudiant et de ce sentiment dépend son engagement dans la poursuite des apprentissages. Selon les étudiants capverdiens, apprendre sur la plateforme influe positivement sur leur capacité affective. Certains disent qu'ils « se sentaient plus motivés, faisaient plus d'efforts » (JMP)18 et avaient aussi « envie de partager leur expérience avec leurs camarades ». Outre l'effet innovant de la technologie, le type d'apprentissage proposé et la flexibilité du dispositif pourraient également produire de tels effets chez les étudiants. Il faut aussi préciser que pour bon nombre d'entre eux, c'était la premièrement fois qu'ils apprenaient en utilisant un outil technologique et qu'ils prenaient eux-mêmes en charge leur apprentissage. D'autres sont tout aussi enthousiasmés d'apprendre dans ce contexte qu'ils considèrent comme intéressant et important pour l'apprentissage. C'est aussi ce qu' « ils ont aimé le plus cette année » (MDP), affirment-ils. Pour eux, le dispositif constitue « une aide pour leur étude et leur vie professionnelle future » (CSP). Il nécessite toutefois que « des conditions soient créées pour améliorer son fonctionnement ». De la même façon, sur le plan cognitif et métacognitif, l'intérêt pour les étudiants d'apprendre dans ce type de dispositif est qu'il favorise leur « capacité d'analyse, d'adaptation » et développe leur « esprit de compétition » (JMP). Il leur permet ég de « revoir leurs connaissances et de garder leur autocontrôle pour interagir» (CSP), mais aussi « de réfléchir et de se concentrer uniquement sur l'activité à réaliser » (LGM). Ces capacités métacognitives jouent un rôle déterminant dans la construction de leurs savoirs tout comme leur autonomie. En outre, d'autres aspects positifs ont également été soulignés par les étudiants pour qui, le travail sur la plateforme les « incite à beaucoup lire », « à lire aussi pour mieux comprendre » (TPP). Il leur permet tout aussi « d'apprendre et d'acquérir de nouveaux mots » (EVP). Si la lecture est, tout comme pour ces étudiants, importante dans l'appropriation d'une L2, elle doit prétendre à un objectif qui est, dans ce cas précis, la compréhension. 5.4.4 Attitudes et comportements des enseignants tuteurs Selon les étudiants, plusieurs attitudes et comportements caractérisaient les enseignants tuteurs. Ils les considéraient comme très proches d'eux, quelqu'un qui les aidait, les incitait et les encourageait à travailler. De plus, ils les obligeaient à faire leur travail comme cela est mentionné dans ce qui suit. E11 : "[] Je pense que vous avez une bonne méthode pour faire cet enseignement ; vous nous obligez à travail et insistez en nous faire travail et ça est très bon" (SSP). Le fait d'insister et de contraindre les étudiants à travailler n'est pas considéré négativement. Pour certains, il prend au contraire tout son sens, car l'objectif du tuteur était uniquement de les motiver et les inciter à faire plus d'efforts. Les enseignants tuteurs auraient également une bonne méthode d'enseignement. Cependant, toujours selon les étudiants, l'enseignant tuteur du pôle de Praia était également stressé, impatient et nerveux comme on peut le lire dans les exemples suivants. E12 : "On a trouvé que le prof était toujours stressé, il criait toujours" (JBP) E13 : "A mon avis, le problème avec vous, c'est que vous êtes un peu nerveux. Il faut être plus calme monsieur" (SSP) E14 : "Je sais que je me fâche vite mais vous devez apprendre à être plus patient, vous vous énervez très vite" (LFP) Ainsi, ce type d'attitude et de comportement était jugé "très limite" et posait également de véritables problèmes aux étudiants, surtout dans leur apprentissage. Mais, c'était dans leur intérêt et pour leur bien, comme le soulignent ces étudiants. E15 : "Le plus de fois, l'enseignant était un peu ennuyeux, mais je sais que c'est pour notre bien et je vous remercie d'avoir beaucoup de patience avec moi. Et cette année a été une autre étape dans ma vie" (INP). E16 : "Mais ça n'était pas possible sans l'aide du tuteur. Il nous a beaucoup aidé bien qu'il soit, je ne sais pas le meilleur adjectif pour le décrire, mais je pense qu'il est parfois dur avec nous et beaucoup exigeant, mais d'une manière ou d'une autre, cette exig nous a beaucoup aidé dans l'amélioration de notre travail. Merci beaucoup pour votre patience pendant notre apprentissage et aussi pour nous avoir donné l'opportunité de profiter de cette expérience" (MDP) Synthèse D'après les synthèses réflexives des étudiants, le dispositif dans lequel ils étudiaient aurait des impacts positifs sur leur développement psychoaffectif. En effet, ils auraient fait des progrès grâce au soutien apporté par les pairs lors des échanges et aussi des enseignants tuteurs. Ils ont développé leur capacité à apprendre, à savoir travailler en équipe, à collaborer et à communiquer plus. Les principales limites observées par les étudiants étaient le manque de conditions techniques et technologiques (salles informatiques sur peuplées, connexion lente, entre 191 autres). Certaines attitudes (stress, excès de rigueur, pression sur les étudiants) de l'enseignant tuteur de Praia étaient également critiquées. 5.5 Analyse des résultats du questionnaire d'évaluation finale des étudiants après l'expérimentation 5.5.1 Profil des participants et connexion à Internet Sur les 26 étudiants ayant répondu au questionnaire d'évaluation finale sur l'expérimentation, 80,8 % sont de sexe féminin et 19,2% de sexe masculin. Leurs statut et situation professionnelle étaient également différents : 76,9% avaient le seul statut d'étudiants sans emploi, 19,2% travaillaient dans des secteurs autres que l'enseignement et 3,9% étaient enseignants du secondaire ou du primaire en congés de formation. Ces informations confirment une forte hétérogénéité du groupe en termes d'âge et de moyens financiers, de même qu'elles mettent en évidence les capacités et conditions d'apprentissage de chaque participant à l'expérimentation. Pour ce qui est de la connexion à Internet, un peu moins de la moitié des étudiants (42,3%) se connectaient à l'université et 57, 7% avaient l'habitude de le faire hors de l'université. Le nombre élevé d'étudiants qui se connectaient hors de l'université serait dû à un ensemble de facteurs comme la prolifération de bornes de connexion Wifi placées sur certaines places publiques et accessibles gratuitement, la mise en circulation au Cap-Vert de la technologie 3G à des tarifs accessibles, la possibilité aussi pour certains de se connecter au travail. Il semblerait qu'il existe également d'autres difficultés auxquelles les étudiants étaient confrontés, comme indiquées dans l'histogramme. Graphique 10 : problèmes rencontrés par les étudiants D'après les étudiants il s'agit principalement des problèmes de connexion à Internet, à l'université. 65,4% estiment que la connexion à Internet était lente et limitée, de même qu'elle était parfois inexistante à cause des problèmes de branchement des câbles Ethernet, des points d'accès Internet parfois défaillants. Pour 42,3%, un autre obstacle auquel sont confrontés les étudiants concerne les salles informatiques, lesquelles sont fréquemment saturées à cause de leur sur utilisation ; 23,1% évoquent, pour leur part, les coupures fréquentes d'électricité. En outre, d'autres (7,7%) indiquent également des problèmes d'accessibilité à la plateforme Moodle, car il arrivait parfois qu'elle ne s'affiche pas sur les écrans des ordinateurs dans certaines salles informatiques. On suppose que cela est dû à un problème au niveau de la configuration même de Moodle à l'université du Cap-Vert. Un peu plus de la moitié des apprenants (56,8%) estiment que le temps attribué à l'exécution des tâches était important et 30,8% l'ont jugé suffisant. 11,5% affirment le contraire, c'est-à-dire qu'il était plutôt insuffisant. 3,9%, soit un étudiant, ont préféré de ne pas donner leur point de vue. On peut penser que les réponses des étudiants ont surtout été conditionnées par le respect ou non du temps alloué pour l'exécution de 193 chaque tâche. Les plaignants sont certainement ceux n'ayant pas réussi à réaliser les tâches dans les temps requis, mais qui, en plus, ont bénéficié d'un délai supplémentaire. Concernant les consignes de travail données pour la réalisation des tâches, 38,5% pensent qu'elles étaient claires et 34,6% étaient plus réservés en disant qu'elles étaient plus ou moins claires. C'est une position que ne partagent cependant pas tous les étudiants : 11,5% soutiennent qu'elles ne sont pas du tout claires et 3,9% les considèrent comme étant peu claires. Finalement, 11,5% se sont abstenus de répondre. L'idée que les consignes étaient peu ou pas du tout claires découlerait du fait qu'elles étaient complexes pour certains. Il était souvent demandé aux étudiants de se connecter à un site Web, d'ouvrir des pages Internet, de lire des textes, de d'effectuer les activités puis, de les envoyer par courrier électronique. Il fallait donc pour les étudiants décoder le sens des consignes, ce qui était dans une certaine mesure difficile surtout pour ceux qui sont les moins avertis. Ainsi, pour les étudiants, les tâches jouent un rôle important dans leur apprentissage, en ce qu'elles offrent de nombreux avantages. La moitié des étudiants 50%) assure qu'elles permettent de travailler en collaboration avec les autres apprenants et 16,7% stipulent qu'elles permettent d'acquérir d'autres compétences que les compétences linguistiques. 15,3% trouvent qu'elles améliorent aussi leur façon d'écrire, alors que pour 13%, elles sont plus motivantes que les activités classiques proposées par les enseignants. Contrairement à ce que l'on peut imaginer, les tâches ne font pas l'unanimité auprès des apprenants. 3% n'y trouvent d'ailleurs aucun avantage, elles sont perçues par ceux-ci comme complexes et difficiles. En plus de ce groupe, 2% n'ont pas souhaité s'exprimer. Sans réponses 3,9% Toujours 11,5% Rarement 23,1% Souvent 61,5% Graphique 12 : réponses aux messages par les pairs L'histogramme ci-dessus présente les résultats des perceptions des étudiants sur leur participation et celle des pairs aux échanges. En ce sens, s'il y a effectivement échanges entre les apprenants, on ne peut pas toutefois garantir qu'ils soient véritablement interactifs. Les échanges semblent plus de type unidirectionnel message-réponse. Mais, dans ce cas précis, ce qui importe le plus est moins le caractère interactif des échanges que le développement et l'amélioration des compétences à l'écrit des apprenants capverdiens. 5.5.4 Les relations interpersonnelles dans les groupes de travail La collaboration implique non seulement la participation, l'engagement, mais aussi la coordination et la cohésion du groupe (Henri & Lundgren-Cayrol, 2001). Elle prend également en compte le socio-affectif et le relationnel et ce, dans le but de favoriser et de permettre des échanges continus entre pairs. Ainsi, il était important de voir, par le biais des items/Q 19 et 20, par quels liens socioaffectifs les membres d'un groupe de travail sont arrivés à échanger entre eux et leur influence sur l'apprentissage de ceux-ci. À la vue des résultats, les étudiants étaient globalement satisfaits des relations entre pairs dans les groupes. 19,2% trouvaient même que l'ambiance était très bonne et 15,4% bonne. Mais, d'autres (57,7%) n'y voyaient rien d'exceptionnel, car il régnait plutôt un climat, une ambiance dite normale. De tels sentiments n'étaient pas partagés par tous : 3,8% estiment qu'elles étaient mauvaises au sein des groupes. Ce qui laisse supposer qu'il y avait une certaine incompréhension et des tensions entre les apprenants. 3,8% n'ont pas donné de réponses. Fréquence IC(95%) Non réponse 3,8% ±7,4% Mauvaise 3,8% ±7,4% Bonne 15,4% ±13,9% Très bonne 19,2% ±15,1% Normal 57,7% ±19,0% TOTAL 100,0% Tableau 14 : ambiance dans les groupes Pour les apprenants, cette ambiance était propice à un bon apprentissage. Les résultats recueillis dans l'item /Q 20 révèlent que 65,4% déclarent qu'elle a une influence positive sur leur apprentissage. Elle influerait sur d'autres éléments liés directement à l'apprentissage comme la motivation, la participation, l'anxiété des apprenants, entre autres. 34,6% n'y voy , par contre, aucun avantage. D'où, le fait de considérer que l'ambiance qui régnait dans les groupes de travail n'avait aucune influence sur leur apprentissage. Leur position pourrait également s'expliquer par le fait qu'ils n'observent aucun changement de leur état initial ou que l'ambiance qui régnait dans les groupes ne les affectait guère directement. Cela étant, nous verrons dans le point suivant l'impact des outils technologiques sur l'apprentissage des apprenants pendant la formation.
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166 Propriétés optiques d'agrégats mixtes de métaux de transition en matrice d'alumine Dans cette gamme de tailles, les effets de taille quantiques sont négligeables. Les spectres d'absorption expérimentaux (à gauche) et calculés dans un modèle « core-shell » (à droite) d'agrégats mixtes (PtxAg1-x)n (x=0,3 et 0,18) de grande taille (environ 10 nm) sont tracés sur la Figure IV-16. Bien qu'une bande de résonance plasmon de surface soit visible pour les gros agrégats (Pt0,3Ag0,7)n, il reste encore très délicat d'attribuer une énergie au maximum de la bande de résonance. On voit cependant que les bandes de résonance expérimentales et théoriques sont qualitativement placées aux plus hautes énergies que le plasmon des nanoparticules d'argent pur ( hωS (Ag) ≈ 2,9 eV ) aux deux stoechiométries étudiées. Pour la proportion de platine x=0.18 dans l'agrégat, la bande de résonance plasmon de surface est plus marquée et l'énergie de résonance plasmon de surface est située aux environs de 3,2 eV expérimentalement alors qu'elle n'est que de 3 eV théoriquement. Ceci est probablement lié au fait que le modèle « core-shell » est inadapté c'est-à-dire que les agrégats n'adoptent pas cette forme. Il semble donc que le fait de réaliser un dépôt à chaud améliore la cinétique des atomes avant qu'ils ne soient figés en matrice. Ils s'organisent sous la forme qui leur est la plus favorable d'un point de vue thermodynamique et les atomes d'argent sont probablement plus nombreux en surface. Il est également possible que le système Pt-Ag s'organise au niveau atomique de façon à former dans certaines zones un iage stable PtAg3 ou PtAg, et que ce soit l'excès d'argent par rapport à cette stoechiométrie qui migre en surface. L'indice diélectrique de cet arrangement n'est pas le résultat d'un calcul simple (une moyenne pondérée, par exemple) des indices du platine et de l'argent et il pourrait être tel que les nanoparticules de cet alliage n'aient pas de résonance plasmon de surface. Ce qui peut expliquer que, quand la quantité d'argent en surface de l'agrégat augmente (parce que la taille de l'agrégat augmente ou parce que la proportion d'argent dans l'agrégat est plus importante), la résonance plasmon de surface puisse avoir lieu et apparaisse sur les spectres. Des calculs de type liaison forte sont en cours, en collaboration avec J. L. Rousset de l'IRC (Institut de Recherche sur la Catalyse) sur ce système. Chapitre IV : Des agrégats mixtes Spectres calculés (Pt0,18Ag0,82)n (Pt 0,30Ag0,70)n 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5 Energie ( eV) Energie (eV) Figure IV-16 : Influence de la composition de l'agrégat (PtxAg1-x)n sur le spectre d'absorption (x=0,3 et 0,18). Les spectres d'absorption expérimentaux correspondent à des échan tillon s contenant des agrégats de diamètre sup érieur à 5 nm . Ces expériences se poursuivent actuellement, notamment dans le but d'élargir la gamme de taille des nanoparticules produites et pouvoir ainsi réaliser une étude plus complète en fonction de la taille des agré gats . E . Conclusion Ce chapitre montre que les agrégats (NixAg1-x)n et (CoxAg1-x)n sont organisés sous la forme d'un coeur magnétique (nickel ou cobalt) entouré d'argent. Les spectres d'absorption les caractérisant présentent une bande de résonance plasmon de surface aux plus hautes énergies que des nanoparticules d'argent pur. Ce plasmon est élargi et amorti quand la taille diminue, comme c'était le cas pour l'argent. Dans le cas (NixAg1-x)n, il est d'autant plus marquée et aux plus basses énergies que la proportion d'argent dans l'agrégat est grande. Cette évolution en fonction de la proportion d'argent dans l'agrégat est qualitativement bien reproduite par un calcul classique de Mie « core-shell » : les propriétés optiques de ce système optiques d'agrégats mixtes de métaux de transition en matrice d'alumine semblent reliées à celles de ses constituants. Ces systèmes présentent néanmoins l'inconvénient d'être sensibles à l'oxydation. Les fonctions diélectriques des agrégats (PtxAg1-x)n de diamètre inférieur à 5 nm, préparés dans la source à vaporisation laser, ne sont pas reliées de manière simple à celles de leurs constituants. Ceci tend à prouver qu'ils ne s'organisent pas sous forme « core-shell » ni sous la forme d'un empilement de nanodomaines d'argent et de platine purs, mais plutôt sous la forme d'un système avec sa fonction diélectrique propre, très différente de celles de ses constituants. On peut par exemple imaginer un alliage avec une couche d'argent en surface, ou un système « oscillant » c'est-à-dire une alternance de couche d'argent et de platine. Dans tous les cas, l'environnement des atomes de platine n'est pas majorit irement du platine, ce qui pourrait être observé par des expériences d'EXAFS ou de XPS. A l'inverse, les agrégats (PtxAg1-x)n de diamètre supérieur à 5 nm présentent une bande de résonance plasmon de surface, peu marquée pour x=0,3 et plus nette pour x=0,18. Ceci peut être expliqué par le fait que la quantité d'argent en surface est alors suffisante pour que le phénomène de résonance plasmon de surface puisse avoir lieu. Pour chacun de ces systèmes, il paraît nécessaire pour aller plus loin dans l'interprétation de réaliser des expériences complémentaires permettant de connaître leur organisation à l'échelle atomique. Ainsi, nous envisageons des mesures EXAFS (Extended XRay Absorption Fine Structure) qui permettront d'extraire les caractéristiques des premiers voisins de l'atome excité, donc une idée de la structure géométrique de l'agrégat. Chapitre IV : Des agrégats mixtes Références du Chapitre IV 1 : G. De, G. Mattei, P. Mazzoldi, C. Sada, G. Battaglin and A. Quaranta, Chem. Mater. 12, 2157 (2000). 2 : A. Henglein, J. Phys. Chem. 84, 3461 (1980). 3 : A. Henglein, P. Mulvaney, A. Holzwarth, T. E. Sosebee and A. Fojtik, Ber. Bunsenges Phys. Chem. 96 (6), 754 (1992). 4 : P. Mulvaney, Langmuir 12, 788-800 (1996). 5 : A. Henglein, J. of Phys. Chem. 83 (22), 2858 (1979). 6 : G. V. Buxton and T. Rhodes, J. Chem. Soc. Faraday Trans. 1 78, 3341 (1982). 7 : M. Michaelis, A. Henglein and P. Mulvaney, J. Phys. Chem. 98, 6212 (1994). 8 : A. Henglein and M. Giersig, J. Phys. Chem. 98, 6931 (1994). 9 : J. H. Hodak, A. Henglein and G. V. Hartland, J. Phys. Chem. B 104, 5053 (2000). 10 : A. Henglein, J. Phys. Chem. B 104, 2201 (2000). 11 : L. M. Liz-Marzan and A. P. Philipse, J. Phys. Chem. 99, 15120-15128 (1995). 12 : K. Torigoe, Y. Nakajima and K. Esumi, J. Phys. Chem. 97, 8304 (1993). 13 : F. D'Acapito, G. Battaglin, E. Cattaruzza, F. Gonella, C. Maurizio, P. Mazzoldi, S. Mobilito and F. Zontone, Eur. Phys. J. D 10, 123 (2000). 14 : M. Jamet, Caractérisation structurale et magnétique d'agrégats de cobalt, fer et mixtes cobalt-argent noyés en matrice de niobium. Etude des propriétés magnétiques d 'un agrégat unique par magnétométrie micro-SQUID, Thèse de doctorat, Université Claude Bernard Lyon 1 (2001) N° 15 : C. L. Yaws, Chemical properties handbook : physical, thermodynamic, environmental, transport, safety, and health related properties for organic and inorganic chemicals (Mc Graw Hill, New-York, 1999). 16 : T. B. Massalski, J. L. Murray, L. H. Bernett and H. Baker, Binary Alloy Phase Diagrams (Vol 1) (Amercian Society for Metals, Metals Park, Ohio, 1986). 17 : S. Modak and B. C. Khanra, Solid State Communications 84 (6), 663 (1992). 18 : E. D. Palik, Handbook of optical constants of solids (Academic Press, Boston, 19851991). 19 : C. Kittel, Physique de l'état solide, 7ème édition (Dunod, Paris, 1998). 20 : D. Briggs and M. P. Seah, Practical surface analysis, 2nd edition, Wiley, Chichester, 1992). 21 : J. R. Davis, Metals Handbook (ASM International, Materials Park, Ohio, 1998). 22 : R. J. Powell and W. en matric 23 : Q. Wang, B. Yang, D. Tian, G. Xiong and Z. Zhou, Surface and Coatings Technology 131, 408 (2000). 24 : T. Sato, S. Kuroda, A. Takami, Y. Yonezawa and H. Hada, Appl. Organometallic Chem. 5, 261 (1991). 25 : F. Gonella, G. Mattei, P. Mazzoldi, C. Sada, G. Battaglin and E. Cattaruzza, Appl. Phys. Lett. 75 (1), 55 (1999). 26 : H. Portalès, Etude par diffusion Raman de nanoparticules métalliques en matrice diélectrique amorphe, Thèse de doctorat, Université Claude Bernard Lyon 1 (2001) N° 171 Chapitre IV : Des agrégats mixtes 172 Conclusion Conclusion 174 Propriétés optiques d'agrégats mixtes de métaux de transition en matrice d'alumine Conclusion Les résultats de cette thèse complètent ceux exposés dans la thèse de B. Palpant 1 concernant l'étude des effets de taille sur la résonance plasmon de surface d'agrégats de métaux nobles en matrice et les élargissent aux agrégats mixtes de métaux de transition. Les échantillons utilisés sont composés de nanoparticules de métaux de transition, pures ou bimétalliques, de 1,5 à 7 nm de diamètre qui sont préparées par vaporisation laser et enrobées d'une matrice transparente dans le visible et le proche UV (jusqu'à environ 5 eV) grâce à un système de co-déposition à faible énergie sur un substrat. L'épaisseur et la composition des échantillons ainsi que la structure et la distribution de taille des agrégats qu'ils contiennent sont caractérisés de façon systématique par différentes techniques. Les premiers points importants concernent les agrégats mixtes de métaux nobles (AuxAg1-x)n de différentes compositions (x=0 ; 0,25 ; 0,5 ; 0,75 et 1) et de différentes tailles en matrice d'alumine. Les effets de la taille des agrégats d'or et d'argent purs ont déjà été mis en évidence et expliqués dans la thèse de B. Palpant, pour des agrégats de 2,0 à 3,7 nm de diamètre pour l'or et 3,6 à 7,1 nm de diamètre pour l'argent. Ils sont d'autant plus marqués que la taille est faible. Nous avons cependant pu les compléter en réalisant des dépôts sur substrats refroidis, préparant ainsi des échantillons pour lesquels les agrégats ont des diamètres inférieurs à ceux-ci : 1,9 nm de diamètre pour l'or et 1,4 nm pour l'argent. Il est donc confirmé que la bande de résonance plasmon de surface est élargie, amortie et déplacée vers les hautes énergies quand la taille diminue et que ces phénomènes sont beaucoup plus marqués dans le cas de l'or que dans le cas de l'argent. Ils sont interprétés dans le cadre d'une théorie semi-quantique, basée sur le formalisme de l'approximation de la densité locale dépendant du temps (TDLDA) qui tient compte de la modification de la répartition spatiale électronique due au « spill-out » (débordement des fonctions d'onde des électrons de conduction au-delà de la sphère classique de l'agrégat), du confinement des électrons liés (électrons d) à l'intérieur de l'agrégat par l'introduction phénoménologique d'une peau de polarisabilité réduite ainsi que de la porosité de la matrice par l'introduction d'une peau de vide entre l'agrégat et la matrice. Notons que ces mêmes ingrédients ont également permis de comprendre la très forte accélération des échanges d'énergie entre les électrons (dynamique de thermalisation interne par collisions électrons/électrons) visible par une technique pompesonde résolue en temps pour des nanoparticules d'argent et d'or de taille inférieure à 10 nm en diamètre2-4. La position en énergie ainsi que la largeur de la bande de résonance des agrégats mixtes (AuxAg1-x)n préparés sous forme d'alliage sont intermédiaires entre celles de l'or et de l'argent. Plus la proportion d'or dans la nanoparticule est élevée, plus l'énergie plasmon de surface est petite et plus la bande de résonance est large et amortie. Cette évolution de l'énergie est approximativement linéaire ce qui est lié au fait que l'indice de l'alumine est assez grand La taille des agrégats a également une influence sur la bande de résonance et cet effet de taille est intermédiaire entre celui observé dans le cas de nanoparticules d'or pur et d'argent pur : il est d'autant plus marqué que la proportion d'or dans l'agrégat est importante. Ces phénomènes ont pu être interprétés dans le modèle semi-quantique, la difficulté venant du fait qu'il nécessite de connaître la fonction diélectrique interbandes de l'or-argent, qui dépend fortement de l'organisation structurale à l'échelle nanométrique du mélange entre l'or et l'argent. 176 Propriétés optiques d'agrégats mixtes de métaux de transition en matrice d'alumine Les agrégats (NixAg1-x)n et (CoxAg1-x)n adoptent la forme d'un coeur magnétique entouré d'argent en surface et présentent une bande d'absorption marquée aux alentours de 3 eV, mais légèrement déplacée vers les hautes énergies par rapport à celle constatée pour des agrégats d'argent purs. Or, les agrégats de nickel pur en matrice d'alumine ne présentent pas de résonance plasmon de surface. La résonance plasmon de surface d'agrégats mixtes (NixAg1-x)n ou (CoxAg1-x)n en matrice d'alumine est donc due à l'argent et est influencée par la présence de nickel ou de cobalt. Malheureusement, nous avons montré que le coeur magnétique s'oxyde, ce qui se traduit dans les spectres d'absorption par un déplacement vers les basses énergies, ainsi que par un élargissement et un amortissement de cette bande de résonance plasmon de surface. La présence d'oxydes de nickel ou d'oxydes de cobalt dans les échantillons a d'ailleurs été confirmée par des mesures de diffusion Raman6. Les effets liés à l'oxydation observés sur le plasmon sont plus ou moins marqués suivant la taille de l'agrégat et son ancienneté ce qui rend très délicates les interprétations des spectres et les comparaisons entre les spectres pour différents échantillons. Toutefois, la bande de résonance plasmon de surface est élargie et amortie quand la taille des agrégats diminue, comme pour les nanoparticules d'argent, quelles que soient les stoechiométries étudiées (x=0 et 0,5 pour cobalt-argent et x=0 ; 0,25 ; 0,5 ; 0,75 et 1 pour nickel-argent). Dans le cas des agrégats (NixAg1-x)n, nous s encore mis en évidence l'apparition de la bande de résonance plasmon de surface quand la proportion d'argent dans l'agrégat augmente. La position de cette bande est par ailleurs aux plus basses énergies quand la proportion d'argent est plus importante. Ces effets de concentration sont bien reproduits par un modèle classique de sphères concentriques en milieu homogène, dans l'approximation quasi-statique. Notons encore que le signal Raman observé dans les basses fréquences pour ces échantillons a pu être modélisé par une structure « coeur de nickel, couronne d'argent » avec un faible contact des métaux à l'interface7. Le platine étant connu pour ne pas s'oxyder facilement, nous avons étudié les agrégats (PtxAg1-x)n pour x=0,3 et 0,18. 178 Propriétés optiques d'agrégats mixtes de métaux de transition en matrice d'alumine Références de la conclusion 1 : B. Palpant, Effets de taille dans la réponse optique d'agrégats de métaux nobles en matrice : Etude expérimentale et interprétation théorique, Thèse de doctorat, (1998) N° 214-98. 2 : J. Lermé, M. Pellarin, E. Cottancin, M. Gaudry, M. Broyer, N. D. Fatti, F. Vallée and C. Voisin, Eur. Phys. J; D 17, 213 (2001). 3 : C. Voisin, D. Christofilos, N. D. Fatti, F. Vallée, B. Prével, E. Cottancin, J. Lermé, M. Pellarin and M. Broyer, Phys. Rev. Lett. 85 (10), 2200 (2000). 4 : C. Voisin, Etude femtoseconde de la dynamique électronique et vibrationnelle dans des nanopartciules métalliques, Thèse de doctorat, Université Paris XI Orsay (2001) N° 5 : P. O. Nilsson, Physik Kondens. Materie 11, 1 (1970). 6 : H. Portalès, Etude par diffusion Raman de nanoparticules métalliques en matrice diélectrique amorphe, Thèse de doctorat, Université Claude Bernard Lyon 1 (2001) N° 2432001. 7 : H. Portales, L. Saviot, E. Duval, M. Gaudry, E. Cottancin, M. Pellarin, J. Lermé and M. Broyer, Phys. Rev. B 65, 165422 (2002). 179 Conclusion 180 Annexes Annexe I : Analyse de la composition par rétrodiffusion Rutheford d'ions He+ (RBS) Cette technique permet une détermination quantitative précise de la composition d'un matériau déposé en couche mince. Son principe repose sur la diffusion élastique d'ions incidents par les atomes de la cible lorsqu'ils interagissent avec le potentiel coulombien des noyaux de la cible1. L'énergie de l' ion diffusé est caractéristique de l'atome cible. A. Principes de base de la RBS : Considérons un ion He+, de masse m, d'énergie incidente Ei qui interagit avec un atome « cible » de l'échantillon, de masse M, de numéro atomique Z2,3. Le projectile est alors rétrodiffusé, avec une énergie Ed suivant un angle θ par rapport à sa direction incidente (cf. schéma de principe Figure 1) qui vaut :  E d =E i    (M −m sin θ) 2 2 2 + mcosθ   = K.Ei M+m   2 On mesure l'énergie des particules rétrodiffusées. Ainsi, pour une géométrie donnée de détecteur (dans notre cas, le détecteur fait un angle fixe avec la direction du faisceau incident : θ =160°) et connaissant l'énergie des ions incidents (Ei=2MeV pour nous), nous avons accès à la masse des atomes cibles. La section efficace de diffusion s'écrit : 2  4Ze2  1  σ(θ)= 2E i  4sin 4 θ   2 Annexe I : Analyse de la composition par rétrodiffusion Rutheford d'ions He+ (RBS) Ei=2MeV ; incidence normale sur la surface atomes diffuseurs θ1 θ θ2 x Ed (0) matériau cible détecteur Ed (x) Figure 1 : Schéma de principe de la rétrodiffusion Rutherford d'ions He+. Dans notre dispositif, le détecteur fait un angle θ =160° avec le faisceau incident. Un deuxième principe intervient dans l'exploitation des spectres expérimentaux : la perte d'énergie des ions dans la matière, lorsqu'ils traversent l'échantillon. Les fonctions de perte d'énergie ∆ E ( x, E j ) pour des ions traversant un solide sont définies par l'intégration du pouvoir d' arrêt dE  sur la profondeur de l'échantillon : d x  x, E j ∆E(x,Ej ) = ∫ dE  ⋅dx d x  x, E j D'une manière générale, le pouvoir d'arrêt de l'échantillon dépend de la composition et de la profondeur x de l'échantillon, ainsi que de l'énergie des ions incidents (dans l'approximation de l'énergie de surface). Ils sont tabulés pour les éléments du tableau périodique. On considère deux atomes cibles (cf. Figure 1), l'un à la surface de l'échantillon, l'autre situé à la profondeur x. On note θ1 l'angle entre le faisceau incident et la normale à la surface de l'échantillon et θ2 l'angle entre le faisceau rétrodiffusé et la normale à la surface de l'échantillon. Equation 1 Ces ions sont ensuite rétrodiffusés et traversent à nouveau l'échantillon pour enfin parvenir au détecteur. Leur énergie est notée Ed(x) et vaut : E d ( x ) = K ⋅ E − ∆ E out soit en utilisant l'équation précédente : E d ( x ) = K ⋅ E0 − K. ∆ E in − ∆ E out Et donc, pour un angle de diffusion θ donné, la perte d'énergie dans le matériau, à la profondeur x, vaut : E ( x ) = E d ( 0 ) − E d ( x ) = K. E0 − ( K. E 0 − K.∆ E in − ∆ E out ) Annexe I : Analyse de la composition par rétrodiffusion Rutheford d'ions He+ (RBS) c'est-à-dire : [ ( )]  K. ε ( E 0 ) ε ( K.E 0 )  ∆E(x ) = N ⋅ x ⋅  + = S Eo.x cos θ 2   cosθ1 [ ( )] On nomme S E o Equation 2 « facteur de perte d'énergie » pour des ions d'énergie incidente E0. Il dépend de l'énergie des ions incidents, de la géométrie de l'appareil RBS, de l'épaisseur x de matériau cible traversé et des sections efficaces d'arrêt des éléments de la cible. Pour un élément α de la cible, on défini de même le facteur équivalent de perte d'énergie par : [ ] E α ( x ) = Sα ⋅ x B. Allure générale des spectres RBS L'appareillage RBS détecte les ions rétrodiffusés et les classe par canal d'énergie. Cela signifie que le canal n°i contient le nombre d'ions rétrodiffusés ayant une énergie comprise entre E1,i et E2,i=E1,i-c, où c est la largeur énergétique d'un canal. Compte tenu des formules du (a), on peut donc associer un ensemble de canaux à un élément. La largeur énergétique c correspond à une épaisseur de matériau traversée τi, comme illustré Figure 2. On peut montrer que cette épaisseur s'écrit : ( ε K.E i c' τi = [S(E )] i = ) c c × ( ) [S(E )] ε E1, i ≈ i [S(E )] Équation 3 i où Ei est l'énergie d'un ion incident à la profondeur x dans le matériau, c'est-à-dire ayant perdu de l'énergie dans l'épaisseur x de matériau qu'il a traversé. 186 Propriétés optiques d'agrégats mixtes de métaux de transition en matrice d'alumine τ i E0 Ei K.Ei K.Ei – c' E1, i E2, i = E1, i - c x Figure 2 : Principe de détection par canal énergétique de largeur en énergie c, qui correspond à une épaisseur de matériau τi. Ei, K.Ei et K.Ei-c' sont les énergies des ions incidents et diffusés prises à la profondeur x dans le matériau. Les spectres de RBS auront des allures très différentes suivant le type d'échantilloncible, en particulier en fonction de son épaisseur. Prenons l'exemple d 'une cible homogène composée de deux éléments A et B, de stoechiométrie moyenne : AmBn, comme l'illustre la Figure 3. Si l'épaisseur de l'échantillon est très petite (quelques couches atomiques), inférieure à la résolution du système, alors on observe des pics de détection, centrés sur l'énergie E α = K α. E 0 des ions diffusés par l'élément α de la cilble. Si l'échantillon est mince, d'épaisseur comparable à la résolution du système de détection de l'appareil, alors on visualise des plateaux. Leur largeur est égale à l'énergie que les ions incidents perdraient en traversant une épaisseur équivalente de matériau α telle que : e α = Cαvol. e totale où Cαvol est la concentration volumique en matériau α dans l'échantillon, et etotale l'épaisseur de l'échantillon composite. Enfin, si la cible est épaisse, la largeur des plateaux est telle qu'ils se recouvrent. 187 Annexe I : Analyse de la composition par rétrodiffusion Rutheford d'ions He+ (RBS) échantillon très mince échantillon mince ∆ EB MA< MB MA< MB AB AA AA échan tillon épais MA< MB AB ∆ EA Energie EB=KB.E0 EA=KA.E0 EA=KA.E0 EB=KB.E0 EA=KA.E0 EA=KA 0 Figure 3 : Allure des spectres RBS pour une cible composite AmBn suivant son épaisseur. Dans cette représentation, l'élément B est pris plus lourd que l'élément A ( MA<MB ). AA et AB désignent les surfaces des pics du spectre. Lorsque la cible est composées d'un film mince déposé sur un substrat, comme c'est notre cas, on obtient des profils RBS du type de ceux de la Figure 4. Si le substrat est lourd, on obtient un profil du type de celui de gauche : un fond continu lié au substrat auquel s'ajoutent des plateaux correspondant aux éléments du film mince. Si au contraire la masse du matériau composant le substrat est plus faible que celles du dépôt, alors le spectre de détection des ions diffusés par l'échantillon présente des plateaux pour chaque élément de l'échantillon (substrat et dépôt). C A, B Nombre de particules détectées MA< MB< MC MC< MA< MB Energie EA=KA.E0 EB=KB.E0 EC EC=KC.E0 EA EB Figure 4 : Allure des spectres RBS pour une cible composée d'un dépôt du mélange AmBn sur un substrat C. L'élément B est pris plus lourd que l'élément A ( MA<MB ). Sur la figure de gauche, la masse de l'élément C est plus grande que les autres ( MA<MB<MC ). Sur la figure de droite, la masse de l'élément C est plus petite que les autres ( MC<MA<MB ). Propriétés optiques d'agrégats mixtes de métaux de transition en matrice d'alumine Le dépouillement de ces spectres permet de déterminer la stoechiométrie de l'échantillon ainsi que les épaisseurs équivalentes de chaque élément dans l'échantillon. Par commodité, revenons au cas simple d'un échantillon mince composé de deux éléments AmBn. Le nombre de particules rétrodiffusées sous l'angle solide dΩ par l'élément α de la cible, de densité atomique Nα (atomes/cm3) et d'épaisseur totale e s'écrit : dQ = dσ. d Ω. Nα. e. Q dΩ Q est le nombre de particules incidentes et dσ la section efficace de diffusion des ions dΩ incidents pour le matériau A sous l'angle solide dΩ. Sur un spectre RBS, la hauteur Hi d'un plateau associé à l'élément α de la cible correspond au nombre de particules diffusées dans un canal de détection i et s'écrit: H i,ε = N α. τ i. Q. σα ( E i ). Ω cos θ1 On remplace τi par son expression (équation 3) : Nα. Q. σα ( E i ). Ω H i,ε = c × cos θ1 Équation 4 [S ] α où [ Sα ] est le facteur de perte d'énergie des ions incidents dans tout l'échantillon pour l'élément α. Le rapport des hauteurs entre deux plateaux associés aux éléments A et B de la cible traduit donc la stoechiométrie de la cible : = HB avec [S ] σA HA × σB NA m = NB n NA A [S ] B × Équation 5 NB pour le composé AmBn. 189 Annexe I : Analyse de la composition par rétrodiffusion Rutheford d'ions He+ (RBS) On peut considérer de manière approchée un plateau de détection comme un rectangle, de surface : Aα = Hi,α. ∆Eα = Hi,α. e. [ Sα ] Équation 6 Qu'on peut transformer à l'aide de l'équations I-5 : σ Ω Aα = N α. Q. α ( E i ). ⋅ c. e Équation 7 cos θ1 Références de l'annexe I 1 : J. R. Tesmer and M. Nastasi, Handbook of modern ion beam materials analysis (Material Research Society, Pittsburg, Pennsylvania, 1995). 2 : L. Landau and E. Lifchitz, Physique théorique, Tome I : Mécanique (Editions MIR, Moscou, 1969). 3 : C. Cohen-Tannoudji, B. Diu and F. Laloë, Mécanique quantique, Tome II (Hermann, Paris, 1996). 190 Annexe II : Calcul classique de la réponse optique d'une sphère métallique à plusieurs couches dans l'approximation dipolaire1 On considère une sphère, constituée de plusieurs couches concentriques de rayons Rk, de constantes diélectriques εk, de même centre que le coeur sphérique (R1, ε1). Elle est enrobée de matrice non absorbante de fonction diélectrique εm. L'ensemble est illustré par la Figure 1 ci-dessous. Pratiquement, les couches pourront être des métaux, des milieux diélectriques ou du vide, pour simuler par exemple la porosité locale de la matrice à l'interface entre un agrégat et la matrice ou encore les défauts d'interface. εm εk ε2 ε1 R R1 R2 Figure 1 : Modèle multicouches représentant un agrégat métallique enrobé de matrice. Les εk sont les fonctions diélectriques du solide massif de chaque matériau. On soumet cette sphère « multicouches » à un champ électromagnétique extérieur r r linéairement polarisé du type : E ( t ) = E 0 e− i ω t eZ. Dans chaque couche i ( 1 ≤ i ≤k ou i = m), le potentiel induit est alors du type r r r r r φ i ( r ) e − i ω t et le champ électrique s'écrit : E i ( r, t) = − ∇φ i ( r ) ⋅ e − i ω t. Résoudre les équations de Maxwell revient à résoudre l'équation de Poisson en l'absence de charges libres : Annexe II : Calcul classique de la réponse optique d'une sphère métallique r ∆φ i ( r ) = 0 r Dans l'approximation dipolaire, une solution en est : φ i ( r ) = fi ( r ) ⋅ cos θ ⋅ E 0, où les fonctions fi ( r ) sont les solutions de l'équation de Laplace : fi " + 2 fi'− 22 fi = 0 r r c'est-à- dire : fi ( r ) = a i.r + bi r2 ( R i −1 ≤ r ≤ R i, 1 ≤ i ≤k ou i = m) r E ne diverge pas en r = 0 et alors φ 1 ( r ) ∝ r ; - à l'intérieur de la sphère : - à l'extérieur de la sphère : lim ( r → + ∞ ) φ m = − E 0. r.cosθ. Alors, le système d'équations à résoudre est :  f1 ( r ) = a 1. r   b  fi ( r ) = a i. r + 2i r   bm  fm ( r ) = − r + 2 r ( r ≤ R1 ) ( R i −1 ≤ r ≤ R i ; 1< i ≤ k ) Équation 1 ( r ≥ Rk ) On applique de plus les relations de continuité aux interfaces entre la couche i et la couche i+1 : E it ( R i ) = E it +1 ( R i ) E in ( R i ) = E in+1 ( R i ) suivant les composantes tangentielles et et normales du champ électrique, ce qui revient à : φi ( R i ) = φ i + 1 ( R i ) et εi ∂ φi ∂r ∂ φi +1     = ε i + 1 ∂ r  R i Ri Équation 2 Ainsi, on obtient dans chaque couche les expressions des potentiels induits par le champ électromagnétique extérieur en résolvant le système d'équations suivant : Propriétés optiques d'agrégats mixtes de métaux de transition en matrice d'alumine Équation 3 : Système d'équations permettant d' obtenir les expression s des potentiels b induits fi ( r ) = a i . r + 2i par le champ électromagnétique extérieur . r 193 Annexe II : Calcul classique de la réponse optique d'une sphère métallique A l'extérieur de la sphère, le potentiel est la somme du potentiel appliqué r r ( − E 0 z e − i ω t ) et du potentiel créé par un dipôle induit placé au centre p m ( t ) = ε m b m E ( t ). Références de l'annexe II : 1 : J. Lermé, Eur. Phys. J. D 10, 265 (2000). 2 : C. F. Bohren and D. P. Huffman, Absorption and scattering of light by small particles (Wiley, New York, 1983). 3 : M. Born and E. Wolf, Principles of optics : Electromagnetic Theory of propagation interference and diffraction of light. (Pergamon press, Oxford ; London, 1964.). 194 Annexe III : des échantillons contenant des agrégats mixtes (AuxAg1-x)n Le lecteur trouvera ici un récapitulatif des principales caractéristiques des échantillons de cette étude dans le Tableau 1. Les distributions de taille (cf. Figure 1) ont été établies par la méthode « manuelle » et les concentrations volumiques grâce aux données des microbalances à quartz. Dans la théorie classique de Mie, la section efficace d'absorption d'une nanoparticule est proportionnelle à son volume. Pour désigner la taille de l'agrégat, il est donc plus logique de faire référence à son volume. Par souci de clarté, on introduit un paramètre de diamètre Dopt défini comme suit : on suppose que la distribution des diamètres équivalents suive une loi statistique f(D) normalisée à l'unité. La valeur moyenne du diamètre est notée 1 ∞ 3 <D>= ∫ D.f(D)dD, la valeur moyenne du diamètre optique est notée Dopt = ∫ D3.f(D)dD . 0  0 ∞ Elle représente le troisième moment de la distribution (racine cubique de la valeur moyenne du diamètre au cube). Dopt3 est donc proportionnel au volume moyen des agrégats. Les valeurs de Epl, énergie expérimentale du maximum de la bande de résonance plasmon de surface, sont déterminées en calculant l'extremum de la zone du maximum lissée par un polynôme du troisième ordre. Annexe III : Caractéristiques des échantillons Pression de gaz dans la source (mbar) Cvol <D>/<Dopt> (nm) Epl (eV) 76 He 31 He + 6 Ar 39 He 25 He 6,4% 4,6% 3,0% 4,4% 2,8 / 3,0 2,6 / 2,8 2,4 / 2,6 2,1 / 2,2 2,45 2,46 2,54 2,55 31 He + 6 Ar 40 He 20 He 6,5% 4,3% 2,5% 2,8 / 4,0 2,2 / 2,3 1,9 / 2,1 2,56 2,65 2,68 31 He + 6 Ar 40 He 26 He 3,2% 2,3% 2,2% 3,0 / 3,1 2,3 / 2,5 1,9 / 2,0 2,8 2,82 2,8 75 % d'Au A75 B75 C75 D75 50 % d'Au A50 B50 C50 25 % d'Au A25 B25 C25 Tableau 1: Principales caractéristiques des échantillons d'agrégats mixtes AuxAg1-x en matrice d'alumine poreuse, pour x=25, 50 et 75%. Le gaz utilisé dans la source est précisé : hélium He ou mélange hélium-argon He+Ar. Cvol désigne la concentration volumique du métal constituant les agrégats dans le film mince. A75 1000 600 B75 200 C75 D75 250 200 800 150 400 150 600 100 100 400 200 50 200 0 50 0 0 0 1 2 3 4 5 6 7 0 1 Diamètre (nm) 2 3 4 5 6 0 0 7 1 2 3 4 5 6 7 0 1 Diamètre (nm) Diamètre (nm) 2 3 4 5 6 Diamètre (nm) 600 A50 200 B50 150 C50 600 400 400 100 200 200 50 0 0 0 1 2 3 4 5 6 7 0 0 1 Diamètre (nm) 300 2 3 4 5 6 7 0 1 Diamètre (nm) A25 3 4 5 800 B25 500 2 6 7 Diamètre (nm) C25 700 250 400 600 200 500 300 150 400 200 300 100 200 100 50 100 0 0 0 1 2 3 4 5 Diamètre (nm) 6 7 0 0 1 2 3 4 5 Diamètre (nm) 6 7 0 1 2 3 4 5 6 7 Diamètre (nm ) Figure 1 : Distributions de taille des échantillons décrits dans le tableau 1 ci-avant. Annexe IV : Composition de surface des agrégats par Rétrodiffusion d'ions lents (technique LEIS) La connaissance des propriétés « géométriques » d'un système est importante pour la compréhension de ses propriétés électroniques et optiques. Nous avons donc été parfois amenés déterminer la composition de surface des agrégats contenus dans nos échantillons. Pour ceci, nous avons utilisé la technique de caractérisation de surface LEIS4, expérience réalisée à l'IRC5,en collaboration avec J. L. Rousset. A. Le principe : Modèle de collision simple élastique Le principe de la rétrodiffusion d'ions lents est relativement simple : des ions, d'énergie incidente Ei fixée (prise entre 0,5 et 5 keV) bombardent la surface de l'échantillon et on mesure la distribution en énergie des ions rétrodiffusés selon un angle fixé par la géométrie de l'appareillage. Aux énergies considérées (comprises entre 100 eV et quelques keV), le temps d'interaction ion incident/atome cible est de l'ordre de 10-15s. Ce temps est négligeable devant la période caractéristique de vibration des atomes dans le solide(de 10-12 à 10-13s). Les chocs ion/atome cible peuvent donc être considérés comme des collisions élastiques. On a déjà montré (pour la technique RBS) la relation existante entre l'énergie incidente Ei et l'énergie rétrodiffusée Ed de l'ion de masse m pour une collision avec un atome de la surface de l'échantillon, de masse M (M>>m), supposé immobile :  E d =E i    (M −m sin θ) 2 2 2 + mcosθ   = K.Ei M+m   2 Nu mérique ment , on a θ =142°, MHe=m=4 uma , MAg=107 ,87 uma, MNi=58 ,71 uma , MP t=195,09 uma et Ei=1 keV. On en déduit à quelle énergie cinétique on verra apparaître, dans le spectre, les pics correspondant aux ions He+ rétrodiffusés pour l'argent, le nickel et le platine : E d ( Ag ) ≈ 880 eV E d ( Ni ) ≈ 785 eV E d ( P t ) Description de l'échantillon et de l'appareillage La technique LEIS nécessite la synthèse d'un échantillon d'agrégats sous ultravide, puis son transfert dans une valise ultravide vers le lieu de l'expérience, afin d'éviter toute pollution à l'air. Un très haut vide (~10-10 mbar) est également nécessaire au cours de l'expérience de caractérisation de surface pour garantir sa fiabilité. Le concept de la technique LEIS est le suivant : un faisceau d'ions 4He+ d'environ 1keV bombarde la surface de l'échantillon, sur un spot d'environ 0.1mm2, et on mesure la distribution énergétique des ions rétrodiffusés selon un angle fixé par la géométrie de l'appareillage ultravide (142° dans notre cas). L'hypothèse de collisions (ion incident / atome cible) élastiques permet d'utiliser un modèle simple (détaillé au Chapitre IV : A) pour traiter le problème. Pratiquement, l'appareillage utilisé est le modèle ESCALAB 200 R commercialisé par la société Fisons Instruments. Il se compose de trois chambres indépendantes (voir la Figure 1) : - le sas d'introduction rapide, qui permet l'entrée ou la sortie des échantillons sans la remise à l'air des 2 autres chambres. Annexe IV : Composition de surface des agrégats par Rétrodiffusion d'ions lents - la chambre de préparation, conçue pour effectuer un certain nombre de traitements des échantillons en vue de les conditionner pour l'analyse (dégazage, nettoyage de surface, recuits). Il y règne un vide d'environ 10-10 mbar. - La chambre d'analyse, au sein de laquelle sont réalisées les expériences de caractérisation de surface des échantillons préparés. C'est dans cette chambre que le vide doit être le meilleur possible. Pour l'analyse LEIS, on utilise un canon à ions, de type EXO 5, qui permet de bombarder avec des ions He+ d'énergie incidente d'1 keV, en un faisceau d'environ 50μm de diamètre, qui peut balayer jusqu'à une dizaine de mm2 de surface. La rétrodiffusion d'ions lents est une technique destructive, si on la compare à d'autres techniques de caractérisation de surface comme l'XPS. Et si on accroît volontairement la valeur du courant ionique sur la cible, afin d'accélérer le processus d'abrasion de la surface, on arrive à abraser et analyser parallèlement, c'est-à-dire à déterminer des profils en profondeur. Cependant, compte tenu de la complexité des phénomènes intervenant lors et après le bombardement des agrégats (voir discussion dans le chapitre IV), l'évolution obtenue ne sera que qualitative, et l'expérience valide pour une quantité limitée de couches..
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La résistance à la colonisation, en Afrique, a donné lieu à de nombreux récits, du XIXe siècle à nos jours, qu'ils soient oraux ou écrits, dans les langues des colonisateurs ou en langues africaines. Ces récits à la gloire d'hommes et de femmes qui se sont opposés aux colonisateurs ont peu à peu formé des constellations de textes, fonctionnant en réseaux : les textes circulent et s'entre-citent, élaborant un substrat narratif commun. Plus encore : chants, pièces de théâtre, ballets se sont tour à tour emparés de ce matériau extrêmement plastique et adaptable. Les romanciers et les écrivains ne sont qu'une voix parmi bien d'autres, lesquelles sont souvent anonymes. Cette « matière héroïque » s'est formée sans auteur originel unique : il s'agit d'une création collective, continuée sur une centaine d'années, fondée sur l'interrelation de récits, en perpétuelle réélaboration. L'apparition de ces figures fondatrices, à la suite des différentes crises politiques, économiques, sociales et culturelles engendrées par la colonisation, puis par les décolonisations, est récente , et se poursuit aujourd'hui. Il est possible d'en retracer l'émergence, et, en cela, l'Afrique constitue un excellent laboratoire d'analyse : contrairement aux épopées éloignées dans le temps qu'étudient les médiévistes, les récits africains représentent un champ encore vivant d'élaboration narrative. Nous adopterons une perspective comparatiste pour analyser cette émergence de figures héroïques et interroger ses rapports avec l'épique. Nous nous concentrerons pour cela sur trois figures de résistants dans des traditions extra-européennes de représentation de la colonisation, sans exclure des références ponctuelles à d'autres figures : Sarraounia, dans l'actuel Niger, Nehanda, dans l'actuel Zimbabwe, et Samori Touré, dans l'actuelle Guinée. Sarraounia est une reine 1 de Lougou, lorsqu'en 1899 la colonne menée par Voulet et Chanoine traverse le Niger vers le lac Tchad. Elle organise la résistance de son village, les 14 et 15 avril 1899, mais doit se replier dans la forêt et attendre que les deux officiers français continuent leur route pour réintégrer son village. Nehanda, quant à elle, mène le soulèvement des Shona, en Rhodésie, pendant près de deux ans, avant d'être capturée en septembre 1899 par les Britanniques, jugée, et pendue à Salisbury. Samori Touré, enfin, a lutté de front contre les Français et les Britanniques pendant vingt ans, en déplaçant son empire sur des centaines de kilomètres pour continuer la lutte. Il est finalement capturé par Gouraud en septembre 1898. Les trois résistances s'arrêtent donc précisément en même temps, dans un intervalle de quelques dizaines de mois. À partir de nombreux séjours de recherche menés dans les différents pays d'étude2, nous avons pu rassembler une vaste documentation, produite depuis 1900 sur différents 1 Saraunyia signifie « reine », en haoussa. Niamey (Niger), janvier-février 2011 (archives de l'Office de Radiodiffusion et Télévision du Niger) ; Harare (Zimbabwe), en tant que Research Associate à l'University of Zimbabwe, août-septembre 2013 ; Conakry 2 1 supports et en différentes langues, qui nous permet de retracer sur plus de cent ans la vie de ces êtres de discours, de ces personnages issus de personnes historiques. Parmi les nombreuses figures de résistants qui se seraient prêtés à une telle étude (on pense aussi à Abdelkader, en Algérie, Chaka Zoulou, en Afrique du Sud, pour ne citer que les plus connus), nous avons sélectionné Samori, Sarraounia et Nehanda d'abord parce qu'elles appartiennent à des régions géographiques différentes, ensuite parce que, tout en étant rigoureusement contemporaines, elles permettent de traiter de deux types de colonisation (française et britanni ), enfin et surtout, parce que leur ampleur est graduée, embrassant trois échelles de réécritures, et de fascination collective : strictement locale pour Sarraounia, à l'origine ; nationale pour Nehanda ; d'emblée internationale pour Samori. L'intéressant est qu'en effet ces textes présentent des similarités étonnantes dans leur construction collective de l'héroïsme, porté par la fascination d'une communauté : c'est ce fil du « devenir-épique » que nous souhaiterions interroger ici. Ces figures ne sont pas conformes aux définitions habituelles du genre épique (par leur éclatement narratif, par leur ambivalence), ce sera notre premier point. 2 David Conrad 11. Même si, comme on le verra, manque un véritable récit épique en littérature orale concernant Samori12, la louange du héros semble archétypique de l'épopée, d'autant qu'elle se double de célébrations de personnages secondaires elles aussi très « épiques ». Kesteloot et Dieng publient un extrait d'une version recueillie par Adama Diabaté et Etienne Girard auprès de Yoro Sidibé, où le personnage de Samori fait le siège de la ville fortifiée de Sikasso13. Exceptionnellement long (avril 1887 – août 1888), ce siège est une défaite pour Samori, qui n'arrive pas à venir à bout des hauts murs d'enceinte (tata) de la cité. L'armée samorienne encercle donc la ville, dans l'espoir de vaincre la résistance des soldats du Kénédougou, mais la famine touche les assiégeants plus encore que les assiégés, qui ont toujours réussi à maintenir des lignes d'approvisionnement dans l'intérieur des terres. Samori est contraint de lever le siège après seize mois de privations, parce que son propre empire se révolte, à la suite de fausses rumeurs qui propageaient la nouvelle de sa mort (et peut-être également à cause des réquisitions abusives de récoltes, destinées à approvisionner l'armée en guerre). Cet épisode relate donc un échec cuisant pour Samori. S'il est pourtant perçu par les éditeurs comme évidemment "épique", c'est parce qu'il est l'occasion du récit de ses hauts faits, ainsi que des hauts faits de ses fils et jeunes frères. Ainsi les exploits de Kémé Bouréma14, le frère cadet, lors de ce siège, font-ils l'objet de très nombreux récits, et la version de Yoro Sidibé en fournit un bon exemple Découragé par ce siège qui n'en finit pas, Samori se lamente de ne pouvoir voir le tata de Sikasso (puisque les armées ennemies maintenaient le campement éloigné de la ville). Piqué au vif, le jeune Kémé Bouréma combat alors sans relâche pendant toute une journée, afin d'amener son frère au pied du mur d'enceinte. Il meurt au cours de cette attaque, atteint par le tir d'un soldat borgne à travers une meurtrière. Cette mort héroïque lui vaut de devenir le parangon du valeureux guerrier, prêt à tout pour sauver son honneur et conserver son rang. Dans d'autres versions15, Kémé Bouréma se rend dans le jardin de la reine de Sikasso afin d'y dérober une plante pour guérir Samori. Il y parvient, mais il est blessé par les balles ennemies, et meurt peu après. 3 Samori, et sur le pacte qu'il a conclu avec des génies afin d'obtenir le pouvoir, dans l'icibas19. Il rapporte également ces mêmes louanges de Kème Bouréma. b. Des thèmes et des structures canoniques remotivés pour de nouvelles narrations modernes De grands thèmes traditionnellement attribués à l'épopée20 sont présents dans ces textes. Pour la figure de Samori, en effet, le rôle de la quête de pouvoir est fondamentale, et structure la narration, depuis sa formation comme jeune marchand dyula21, jusqu'à son accession à la tête d'un empire qui s'étendait de la Guinée à la Côte d'Ivoire. On y retrouve également le rôle de la mère comme adjuvant du héros, dont Dieng montre la prégnance dans l'épopée. Elle joue ici le même rôle que dans les épopées de Soundjata, par exemple : son parcours est parsemé d'obstacles, et la gloire de son fils est interprétée comme la récompense de ses sacrifices22. De nombreux chants diffusés après les indépendances par la RTG (Radio et télévision de Guinée) sont consacrés aux souffrances de Sona Camara, la mère de Samori Touré23. Le mécanisme d'ascension inéluctable, puis de chute, due à une traîtrise (expliquée sous diverses formes24), est également l'un des traits définitoires de notre corpus, comme dans plusieurs épopées ouest-africaines25. Sory Fina Camara explique par exemple la chute de Samori par la rupture du pacte qu'il aurait conclu avec des génies au début de sa vie : il attaque systématiquement les chefs qu'il avait promis de ne pas attaquer (Karamoko Daye, notamment, qui a trouvé refuge à Sikasso ; des variantes donnent comme exemple de tabou les villes saint de la région, comme Kong, que Samori soumet de manière violente), et brisant l'interdit, il étend ses conquêtes au-delà des limites fixées pour lui par les puissances magiques. Cette hybris lui vaut d'être châtié, et les Français qui viennent peu à peu Nous avons retrouvé ce même thème dans des récits qui s'échangent dans les marchés, ainsi de celui-ci acheté au marché de Madina, à Conakry : M'Faly Franwalia Kamissoko, (récité) « Samori Tariku » 1'28'10. Enregistré à Kankan, 2008 (malinké), ce très long récit reprend les thèmes canoniques de l'ascension de Samori, et notamment celui du pacte avec les génies. 4 démanteler son empire incarnent cette vengeance. Sa capture est lue comme la rétribution de la rupture du pacte, et ce thème est présent dès le premier texte écrit en langue africaine, Labarin Shamuri, de Mallam Abu, daté de 191426. Baturi Farasi Arshanari – sunan Baturi Farasi Arshanari, sunan Arshanari – ya yi ratsuwa da sariki Farasi wai i gari yya wayi gobi shi kama Samori. Arshanari, sariki yyaki Farasi ya yi alwashi, ya cika alwashi. Gari yya wayi. Arshanari ya shiga ddaki, ya kama Samori. Arshanari miji ni, cikin Turawa shi zzabi. [] Farasi su kama shi, su tafi da Samori Turi Farasi. Sariki Farasi ya yi dariya, ya yi alwashi domi kamun Samori. [] wai a kai shi tsakanin gulubi, a i masa daki. Da shi Samori, da mattasa guda tsakani gulubi. Saraki Farasi ya aji Samori da mattasa ki nan. Hali Samori ya mutu. A cu duniyya kida kariya ni. A ci iko ba na Allah ba. Kariya ni. Labari Samori dain Kufila ya zama almara. Le Blanc de la France Arshanari [Archinard27] – le nom du Blanc de la France Arshanari, son nom est Arshanari – il a juré sur le chef de la France qu'à l'aube, le lendemain il attraperait Samori. Arshanari, le chef de guerre de France a fait une promesse, il l'a tenue. Le lendemain, Arshanari est entré dans la maison de Samori, il a attrapé Samori. Arshanari c'est un homme, parmi les Blancs, c'est lui qui a été choisi. [] Les Français l'ont attrapé, les Blancs de la France sont partis avec Samori. Le chef de la France a ri, il était content de la capture de Samori. [] Qu'on l'am au milieu d'une rivière, qu'on lui construise une maison! Samori et sa femme au milieu de la rivière. Le chef de France a déposé Samori et sa femme à cet endroit. Jusqu'à la mort de Samori. Eh! La vie est faite d'illusions. Eh! Le pouvoir qui n'est pas celui de Dieu n'est pas un vrai pouvoir. L'histoire de Samori fils de Kufila s'est achevée selon le dessein de Dieu. arma Ghana Volta Haus narrative s of Samory and Babatu and others Mallam Abu Varsovie Polish Scientific s 1992. ). ions alphabet latin es Stanislaw Pilaszewicz (que nous remercions pour avoir bien voulu nous les communiquer) nous en avons fait une duction, avec l'aide de Souleymane Ali Yero, traduction qui sera notre thèse. Voir aussi l'étude de Stanislaw Pilaszewicz, « On the Veracity of Oral Tradition as a Historical Source : The Case of Samori Ture », in Unwritten Testimonies of the African Past : Proceedings of the international symposium held in Ojrzanów n. Warsaw November 1989, , 1991, p. 167 ; voir également sur Mallam Abu les quelques informations de la notice : John O Hunwick, Ousmane Kane, Arabic Literature of Africa : 4. The writings of Western Sudanic Africa, Leiden, Brill, 2003, p. 565-566. est alité le capitaine Gouraud qui arrête Samori, voir Julie d'Andurain, La capture de Samory, 1898 : l'achèvement de la conquête de l'Afrique de l'Ouest, Outre-mer, Saint-Cloud, Soteca, 2012. Autre trait classiquement reconnu à l'épopée: ces figures de héros ont souvent été réutilisées par les écrivains, les hommes politiques, les journalistes, qui en ont fait des ancêtres précurseurs des nations qu'il s'agissait alors de construire28. Ici, cela concerne Samori, mais, plus étonnant, on trouve le même phénomène pour Sarraounia et Nehanda, qui ne sont pas reconnues comme des figures traditionnellement épiques, mais qui sont pourtant devenues progressivement des héroïnes de narrations qui partagent de nombreux traits communs avec l'épopée, en empruntant des caractéristiques formelles au genre, et en assumant des fonctions communautaires29. Néanmoins, d'autres éléments remettent en question le statut épique de ces héros. Aucun d'entre eux n'a de "geste" au sens propre, et leur caractéristique principale est d'être singulièrement ambivalents, marqués par le paradoxe, voire même parfois dégradés. 2. Des héros aux marges de l'épopée? a. Éclatement narratif : le corps discursif du héros, épars Il est délicat de remettre en cause l'existence d'une épopée, lorsqu'il s'agit du terrain africain, tant les débats pour la reconnaissance du genre, et pour l'acquisition d'une dignité théorique pour de nombreux textes, ont été longs et difficiles 30. Notre hypothèse n'est d'ailleurs pas de dire qu'on n'a pas affaire à des épopées, mais de déplacer la question pour montrer, dans notre deuxième partie, qu'on a affaire à une "épopée dispersée", et qui se caractérise par son rôle intellectuel plus que par des traits caractéristiques (dont la pertinence a d'ailleurs souvent été remise en question au cours de l'histoire de la critique). La pre mière réserve que nous formulerions contre l'idée d'une épopée constituée de Samori, Sarraounia, ou Nehanda est qu'il n'existe pas (encore) de corpus constitué, ayant une trame fixe, qui suive le parcours du héros de son ascension à sa chute. Même si, on le sait,. toute épopée repose sur les variantes et sur la variation31, il existe toujours un fil narratif commun. Or concernant ces trois héros, des romans, des pièces de théâtre, des ballets, des chansons rapportent des trames différentes, et constituent des mosaïques de micro-récits, 28 Sur les usages de ces traits épiques pendant les indépendances, voir : pour la Guinée, Céline Pauthier, « L'héritage controversé de Sékou Touré, 'héros' de l'indépendance », Vingtième Siècle. Revue d'histoire (2013/2), p. 31‐44. ; Céline Pauthier, « L'Indépendance ambiguë. 6 parfois contradictoires entre eux. Cette extrême dispersion32 du matériau rend l'appellation d'épopée extrêmement problématique. Sarraounia, d'Abdoulaye Mamani, publié en 1980 33 est un roman, de même que Nehanda, d'Yvonne Vera, publié en 199334. Il y a certes des rémanences épiques dans ces textes35, mais ces derniers exploitent pourtant à plein toutes les potentialités que le genre polymorphe du roman leur apporte, insérant des développements mixtes, empruntant tout à la fois à la prose poétique36, à la chanson37, à la satire38, ou encore à la comédie burlesque39. Le thème de la résistance à la colonisation, à travers le parcours de grandes figures héroïques de résistants, a donné lieu également à des pièces de théâtre, ou à des ballets : Sarraounia Ballet Lyrique40, au Niger, d'après le roman d'Abdoulaye Mamani ; sur Samori, Les sofas, de Bernard Zadi Zaourou en Côte d'Ivoire41, Une hyène à jeun et Une si belle leçon de patience de Massa Makan Diabaté au Mali42, et Le fils de l'Almamy de Cheik Aliou Ndao au Sénégal43. Pendant la guerre de libération nationale au Zimbabwe (1964-1980), la figure de Nehanda a joué un grand rôle dans les chansons 44 de propagande des partis de l'opposition (les Chimurenga songs, ou « chants du soulèvement »). De manière exactement parallèle, Sarraounia et Samori sont réinvestis dans la chanson populaire des années 1960-1980 au Niger et en Guinée45. Mais il n'y a pas de grand récit épique, en littérature orale, qui ait pris le relais de tous ces textes éclatés et morcelés. De même, il n'existe que des bribes, des fragments – hymnes, Voir les trav aux, à partir de cette notion d'épopée, d'Inès Cazalas , Contr e - épop ées généalogiques : fictions nationales et familiales dans les romans de Thomas Bernhard, Claude Simon, Juan Benet et António Lobo Antunes, Thèse de doctorat, sous la direction de Pascal Dethurens, Université de Strasbourg, 2011, et Delphine Rumeau, Chants du Nouveau Monde épopée et modernité, Whitman, Neruda, Glissant, Paris, Classiques Garnier, 2009. Toutes deux convo quent la notion d'épopée à partir de corpus modernes, et montrent la résurgence d'une « étoffe » épique dans leurs corpus (Rumeau, p . 79) dont leurs analyses nous semblent novatrices. Notons que Jean Derive, op.cit., parle d'épopée « en mosaïque ». 33 Abdoulaye Mamani, Sarraounia : le drame de la reine magicienne, Paris, L'Harmattan, Collection Encres noires, 1992. 34 Yvonne Vera, Nehanda, Harare, Baobab Books, 1993. 7 sièges héroïques, prises de villes, affrontements entre personnages secondaires – mais aucune oeuvre continue qui relate le parcours de Samori, Sarraounia ou Nehanda – l'immense travail scientifique de l'historien Yves Person mis à part. Ce manque se retrouve dans l'incertitude de Lilyan Kesteloot et Bassirou Dieng, lorsque les deux auteurs présentent le chapitre sur Samori46 : Paradoxalement, nous sommes moins avancés en littérature orale. Il n'y a pas encore eu de publication en français de l'épopée de Samory. Il existe plusieurs documents ronéotés par des chercheurs guinéens47 ; mais sans doute sera-ce un Américain, D. Conrad48, qui éditera le premier récit intégral bilingue de cette équipée héroïque. Cependant, plusieurs écrivains africains francophones se sont déjà inspirés de cette grande figure pour des pièces ou des poèmes (p. 193) Certes, le sujet de la résistance à la colonisation est un sujet populaire en Afrique depuis les indépendances. Certes, un très grand nombre d'oeuvres, littéraires, et artistiques au sens large, prennent Samori, Sarraounia ou Nehanda pour objet. Mais cela ne prouve pas l'existence d'une épopée, et cette gêne se ressent d'ailleurs chez les deux éditeurs de l'anthologie, qui soulignent ce manque, ce vide, qui est la place de l'oralité. b. Du héros instable et de l'incertitude axiologique Peut-on être un héros épique si l'on est haï autant qu'adulé? Sarraounia est ici un bon exemple. Sous la plume d'Abdoulaye Mamani, elle est la porte parole des démunis et des opprimés, avec une forte connotation marxiste des appels à la révolte ; quelques années plus tard, elle est suspectée de porter un discours subversif, et sa figure est alors récupérée par les institutions politiques et « normalisée »49. De même, Samori. élevé au rang de héros national en Guinée, est en revanche éminemment contesté au Mali, en Côte d'Ivoire ou au Ghana (où ses conquêtes ont été beaucoup plus violentes). Il est vu à la fois comme le « Napoléon des savanes » [NOTE: par XX], ou comme un tyran, capable de tuer son propre fils sans remord aucun 50. La différence ici recoupe certes en partie le découpage vainqueurs/vaincus, et l'extension du domaine des razzias menées à partir de 1880. 8 étonnant – dans la même région51. Un héros peut-il être épique, si une mémoire alternative et contradictoire non seulement existe, mais est intimement reliée à la première52? Qu'en auraitil été de la mémoire de Charlemagne et de Roland chez les Maures d'Al-Andalus, si les transferts culturels et littéraires avaient été aussi continus qu'au cours du XXe siècle, entre la Guinée, la Côte d'Ivoire et le Mali? Obstacle important à la caractérisation comme épopée telle qu'on la définit habituellement, il est important de voir que cette « légende noire » s'inscrit dans une tradition aussi vieille que celle de la « légende dorée »53. Elle s'enracine certes dans les représentations européennes du « sauvage », orientalisante, visant à faire des résistants à la colonisation des monstres – des « sorcières », pour les femmes, Nehanda et Sarraounia ; des tyrans « esclavagistes » pour les hommes. Plus l'ennemi est barbare, plus la guerre se justifie54. (Notons au passage que ce courant coexiste avec la glorification de l'ennemi qui permet accroître le prestige des officiers français qui les affrontaient : la presse française a pu être fasciné par l'ennemi magnifique qu'avait été Abdelkader, et Henri Gouraud55 ou Henri Gaden56 sont particulièrement élogieux lorsqu'ils décrivent l'ennemi qu'ils ont contribué à capturer.) Mais de façon plus étonnante, cette légende noire se retrouve également dans les récits d'Africains, en français ou en langues africaines. Quelques jalons au début du siècle donnent le ton : Amadou Kouroubari, dès 1901, livre à Maurice Delafosse un texte en bambara, « Histoire de l'imam Samori », où le narrateur s'exclame « maudit[s] soi[en]t Samori et son fils! Ils ont tué mon père, ma mère, mon petit frère et ma petite soeur! »57. Abu Mallam, en 1914, rédige en ajami Labarin Shamuri, que nous avons déjà évoqué plus haut. Un an plus tard, Oumar Berté consigne dans un cahier d'écolier les souvenirs de son père, Kélétigui 51 Voir, pour un exemple de caractérisation opposée, dans la région de Siguiri : « Diamori », 26'19, chanté par Saramba Kouyaté et Djiba Kouyaté, Sidiki Kouyaté, 2013 (copies numériques achetées au marché de Madina, Conakry), et « Famagan Traoré », 24'00, chanté par Laso Dumbuya, Sidiki Kouyaté et Saramba Kouyaté, 2013 (idem. Traductions de Bangaly Diene Diane). 9 Berté, le « Mémorial de Kélétigui Berté », en français58. Après la seconde guerre mondiale, un chef de canton, Djiguiba Camara59, rédige, lui aussi, une histoire de Samori, où l'axiologie oscille fortement, de la louange à l'anathème. De manière plus contemporaine, des chercheurs relèvent des témoignages encore très hostiles à Samori, dénonçant les ravages causées par les razzias : Marie Rodet, au Mali, dans son film sur la mémoire de l'esclavage60, et Jan Jansen, interrogeant Bala Kanté sur l'histoire du Manding 61. Les textes circulent, et ces deux traditions sont en perpétuelle innutrition réciproque : l'hagiographie, telle qu'elle est dressée par Sékou Touré en Guinée, se nourrit aussi, en creux, des textes hostiles à Samori, et inversement. La propagande de la Guinée postcoloniale est, en effet, héritière de cette légende noire, en en inversant parfois de manière systématique les poncifs – ce qui illustre, plutôt qu'un affranchissement à l'égard du modèle, une dépendance narrative62. Or ces mémoires contradictoires coexistent dans des sociétés connectées, en réseau, où les récits circulent rapidement et se croisent, et désormais dans des espaces communs numériques, ce qui donne au héros une ambivalence profonde, voire même un caractère subversif, comme par exemple pour Sarraounia, lorsqu'elle devient pour Abdoulaye Mamani l'incarnation de la lutte contre toute forme d'oppression. En somme, la « fabrique » de ces nouveaux héros63 est marquée au sceau de l'indécision et de l'ambivalence, ce qui rend la qualification comme épopée problématique, et somme toute peu fertile, au regard de la tradition critique et de ses critères formel et thématiques. En revanche, à l'échelle macrostructurale, le problème de l'épopée se pose dans de tout autres termes. Si l'on s'intéresse au rôle que jouent ces héros dans la crise politique, la qualification comme épopée redevient pertinente à partir de la notion de « travail épique », telle qu'elle est développée par Florence Goyet. Les textes centrés sur Samori, Sarraounia, Nehanda, pensent la crise – politique, culturelle – que représentent la colonisation, suivie des décolonisations. Ils ne se contentent pas de la représenter, mais ils mettent en scène les possibles narratifs induits par la crise. 10 1. Pratiques et fonctions communautaires des héros : pour un changement d'échelle Afin de comprendre la valeur et les mécanismes qui régissent cette fascination collective, un détour par la notion de travail épique s'impose. Il nous semble, en effet, que la notion est applicable à notre corpus de textes, à l'échelle macrostructurale, c'est-à-dire à notre corpus pris comme un tout, sur cent ans, en intégrant les divers types de sources, textes et chants populaires autant que romans plus institutionnalisés. C'est ainsi, dans le croisement des textes et des rumeurs64 que l'on peut retrouver la dimension collective qu'avait l'épopée à l'origine, ainsi que sa fonction de cohésion, au sein d'une communauté65. C'est ainsi, du moins nous en faisons l'hypothèse, que le travail épique peut s'effectuer, à partir du matériau fourni par les figures historiques de résistants à la colonisation. Florence Goyet, dans son ouvrage Penser sans concepts66, démontre comment l'épopée s'élabore en outil pour penser les crises politiques et sociales. Le récit, la structure du texte, constituent une « machine à penser » offerte au public, qui ne disposerait pas des outils conceptuels nécessaires pour penser la crise. Dans notre cas, la proximité temporelle explique cette incapacité à penser la crise, encore trop vive, comme elle peut expliquer l'inachèvement du travail épique et l'absence des traits phénotypiques que nous venons de constater. Pour cela, le texte recourt aux « formes archaïques de la pensée », autrement dit le parallèle qui permet de dresser des homologies, et l'antithèse, qui établit des différences. Élaborer du même et de l'altérité, en somme. insi l'auteur résume-t-elle la structure de la pensée fictionnelle en introduction : [Les deux possibles différents, Achille et Agamemnon] vont permettre de faire agir devant l'auditeur les possibles opposés ou homologues, de suivre la chaîne des conséquences de chaque attitude – qui est dans chaque cas une position politique. En somme, le texte recourt aux formes archaïques de la pensée que sont le parallèle et l'antithèse. Il pense par paires. La projection n'est pas le moyen de pallier une absence de psychologie, mais bien plutôt une façon très adroite d'utiliser le récit pour élaborer des conceptions, pour donner les éléments du choix, pour penser en l'absence de concepts. le champ de la narration. Ce que la pensée théorique réfute par le principe de noncontradiction est possible dans la fiction. Des voix qui ne pouvaient pas se rencontrer dans le raisonnement conceptuel peuvent s'affronter dans le récit. Chaque personnage porte alors des valeurs différentes, sans qu'un seul d'entre eux ne puisse émerger de cet apparent chaos, et cette polyphonie mène à l'indécision. Précisément, le texte épique n'est pas une allégorie d'un choix qu'une société aurait déjà opéré, mais la figuration dans le récit, des choix possibles, au moment où ces derniers ne sont pas encore effectués. Il s'agit non pas de re-présenter de manière mimétique une transformation qui a déjà eu lieu, mais de faire jouer sur la scène du texte les éléments du choix, encore en devenir. Les personnages, par paires homologues, ou par paires antithétiques, constituent les « définitions réelles » (p. 163) des concepts : en reprenant le terme aux Provinciales de Pascal, Florence Goyet souligne que le texte ne met pas en scène les mots, mais les réalités qu'ils recouvrent, en acte. Non pas un nouveau type de souverain émergeant en Grèce, mais Hector, responsable devant son peuple. Non pas l'affrontement du pouvoir royal face aux grands, mais Agamemnon face à Achille. La logique des comportements de chacun peut ainsi aller bien au-delà de la définition initiale que l'on donnerait au concept, et jouer son rôle « exploratoire » 67, dans l'expérimentation que constitue le texte. Comment appliquer ce fonctionnement textuel aux résistants à la colonisation? Il faut, nous semble-t-il changer d'échelle, et adopter une perspective globale. Ainsi, la référence à « Samori », « Sarraounia », ou « Nehanda », comme nom propre, s'affranchit des connotations primitives, et peut venir signifier autrement dans d'autres contextes. Pour appliquer la notion de travail épique à nos objets, il faut donc analyser comment les textes pensent les crises, dans le temps long du XXe siècle. C'est la continuité de la longue durée que la notion de travail épique permet de penser. Et en cela, nos constellations de textes s'éloignent de la notion d'allégorie. En effet, quoique très précisément ancrés dans le contexte de la colonisation, et se nourrissant de la mémoire historique de cet évènement encore très proche, les textes semblent pourtant, dans leurs interprétations, s'affranchir des références précises au XIXe siècle pour signifier dans l'immédiat de la lecture. 12 la trame narrative principale et les épisodes secondaires, entre les opposants et les héros, et parfois entre plusieurs interprétations d'un même motif. Au moment des indépendances, c'est donc l'histoire coloniale qui est venue signifier pour un groupe, en répondant à un besoin d'union nationale. 2. Métaphore et abolition de la non-contradiction : régimes épiques de représentation de la colonisation Cette pensée épique de la crise qu'a suscitée la colonisation se caractérise par deux procédés : l'abolition du principe de non-contradiction, et le fonctionnement par métaphore. Le premier s'oppose à l'univers référentiel, normé, de la logique formelle notamment, où deux thèses contradictoires ne peuvent coexister. La fiction, et singulièrement la fiction épique, nourrie par les fascinations qu'elle provoque, peut tout à fait faire exister en son sein deux réalités incompossibles entre elles. Achille voisine avec Agamemnon. Samori et Babemba, roi de Sikasso, s'affrontent dans les textes, et de leur lutte sont tirées des interprétations différentes. Mais – et c'est l'important – le conflit narratif donne par là la possibilité de présenter deux possibles face à la colonisation. Cette analyse en terme de possibles narratifs permet de relire les textes, et notamment les romans de notre corpus, en proposant des lectures épiques de certains passages qui seraient autrement rétifs à l'interprétation. Ainsi, dans Sarraounia, d'Abdoulaye Mamani, un long développement oppose le serkin Aréwa (« le chef de l'Aréwa ») et son fils, Dan Zaki. Celui-ci brave l'interdit de son père, et ose se rallier à la Sarraounia. Ce personnage est tout à fait mineur dans l'oeuvre (et sa participation au n'en changera absolument pas l'issue, puisque la colonne Voulet-Chanoine se rendra quand même maître du village de Lougou). Mais si le texte insiste tant sur cette désobéissance du fils envers l'ordre du père, c'est qu'il y a, de manière latente, une pensée de la résistance, de l'engagement politique (et militaire), voire une pensée de la désobéissance civile. Ainsi peut-on interpréter cet épisode à plusieurs degrés, selon que l'on choisit de le lire comme un possible narratif de résistance à la colonisation, de la révolte contre une autorité paternelle sclérosée, ou comme un droit à la désobéissance civile en contexte de régime dictatorial, dans le Niger de Seyni Kountché : « Mais que peut son courage contre le canon et les longs fusils des nassara? Elle se fera massacrer, et avec elle, tous les hommes qui se laisseront entraîner dans sa folle tentative. – Eh bien, je serai de ceux-là. Je lèverai une escouade d'hommes libres et nous irons nous battre sous l'étendard de la Sarraounia. – Tu ne feras pas ça, Dan Zaki. Tu n'iras pas combattre dans les rangs des païens – Sûr que je le ferai et pas plus tard que ce soir. Dès ce soir, je me mettrai en route pour le pays des Aznas. J'irai et viendront avec moi ceux qui veulent me suivre ; tous les hommes d'honneur. Nous irons lutter aux côtés de la Sarraounia. Nous irons grossir les rangs des hommes qui se battent pour la dignité. – Par Allah, je te maudirai » (Sarraounia, p. 71) Dan Zaki est une voie de lutte possible, à l'intérieur du camp des dignitaires haoussa de l'Aréwa. Sarkin Aréwa et son fils sont deux possibles narratifs, contradictoires entre eux, polyphoniques, pour reprendre les termes de l'analyse bakhtinienne, en ce que tous deux sont 13 tenables – des vérités possibles – et aucun des deux la vérité absolue68. Il y a abolition du principe de non-contradiction puisque c'est la coexistence en tension des deux qui importe, et non la résolution du conflit. L'on pourrait même dire davantage : il s'agit avant tout de mettre en scène la lutte au plan intellectuel des choix et de leurs conséquences. C'est la dynamique antithétique d'opposition qui importe dans le travail épique, plus que le choix final. La métaphore est le second élément du travail épique à l'oeuvre dans les textes de notre corpus, et nous avons déjà esquissé des éléments de définition de ce type de pensée littéraire : elle se distingue de l'allégorie, et elle autorise la réanalyse. En effet, si une interprétation fonctionne pour un groupe, et que la fascination est continuée dans le temps long, il n'y a alors pas de « contresens » possible. Un contresens – une lecture incidente – dès lors qu'il est validé par une lecture collective, devient une nouvelle norme : une nouvelle réanalyse. Voici un exemple de réanalyse de l'une des métaphores les plus utilisées dans notre corpus : l'affrontement entre Samori et son fils préféré, Karamoko, qui donne lieu à trois pièces de théâtre successives (Le Fils de l'Almamy, de Cheik Aliou Ndao publié en 1973, Les Sofas, de Bernard Zadi Zaourou, publié en 1975, et Une Hyène à jeun, de Massa Makan Diabaté publié en 198869). Ainsi s'achèvent les deux dernières pièces : Ce ne sont plus les envahisseurs qui s'occupent de nous intimider, c'est toi qui t'en charges à leur place. Ils t'ont nourri de leur venin et c'est ici, en terre mandingue que tu viens le répandre pour assassiner ta propre race! [] Peuple du Wasulu et du Toron, je demande pour le prince Karamoko, et en ton nom, la peine de mort. (Les Sofas, p. 59) Samori : « Je ne suis pas compris. Je passe pour sanguinaire. [] Levons le camp, que les soldats n'apprennent pas la mort de Karamoko. [] J'étais obéi par admiration ; le peuple m'aimait. Hélas, à présent la terreur va être le piédestal de mon trône. Un tel père ne pardonne pas. Je suis mon propre miroir ; unique, vis-àvis de moi-même. Désormais, ma solitude est mon empire. » (Le fils de l'Almamy, p. 57-58) Après que Karamoko a désavoué son père publiquement en prônant l'alliance avec les Français, Samori est obligé de le condamner et de le mettre à mort pour trahison. Plusieurs interprétations sont livr ées de ce récit, qui est d'ailleurs une concaténation de plusieurs évènements différents70. Les Sofas fait du meurtre de Karamoko le premier des crimes de Samori, le roi devenant un monstre naissant, analogue au Néron de Britannicus. Des échos avec les purges effectuées par Sékou Touré sont lisibles en sous-texte71. Le fils de l'Almamy, 68 Mikhaïl Bakhtine, Problèmes de la poétique de Dostoïevski, Lausanne, L'âge d'homme, 1970. Op. cit. 70 Les trois pièces se focalisent sur la mise à mort de Karamoko, en juillet 1894. Son retour de mission diplomatique en France, où il reçut u accueil triomphal, date de 1886. Voir Yves Person, Samori, op.cit., tome 2, p. 695 : « Dyaulè-Karamogho en France ». Sur les circonstances de sa mise à mort, et les rumeurs sur sa fin, voir Samori, op.cit., tome 3, p. 1505-1506 : « La fin de Dyaulè-Karamogho ». Sur le procès proprement dit, les seules informations sont celles livrées par la tradition orale : Yves Person ne cite que son informateur n°10, Karamogho Kuyaté, dont les notes de leurs entretiens sont conservées à la BRA : 4c1, « Notes manuscrites d'Yves Person », Interview de Lamfiya et Karamogho Kuyaté (n°10), à propos de Samori. 71 Après le débarquement portugais (1970), Sékou Touré intensifie la répression de l'opposition, voir Céline Pauthier, thèse, op.cit., p. 432 et suivantes. 69 14 lui, montre les remords de Samori, tiraillé entre l'amour de son fils et le devoir d'un roi, contraint de préserver la cohésion de son armée, fût-ce au prix d'un infanticide. Il importe peu de décider quelle est interprétation est juste, ce qui est intéressant est de comprendre ce qui fait le succès de ce thème. L'accent est, dans les trois pièces de théâtre, porté sur l'incompréhension de Karamoko lorsqu'il revient d'un voyage diplomatique en France. Condamné à ne plus se reconnaître dans aucune des deux cultures, annonciateur sans espoir d'être entendu de la supériorité technologique des Français, Karamoko devient un personnage comparable au héros de l'Aventure ambiguë, de Cheikh Hamidou Kane72, où le jeune diplômé, « de retour au pays », est déchiré entre deux cultures. Si le thème séduit dans les années 1970, c'est que les premières vagues massives d'étudiants sont confrontées à cette même expérience de la « double culture ». Karamoko ne représente pas de manière égorique la culture occidentale, contre une quelconque tradition qui serait incarnée, de manière également allégorique, par Samori. Les deux personnages sont au contraire traversés par des influences diverses, et il ne suffit pas de suivre une analyse aux dépens de l'autre pour interpréter le récit. Le texte ne prescrit pas, il propose des voix, en conflit. Dans les années 1970, il y a donc bien une relecture de la révolte de Karamoko contre son père, relecture qui serait un « contresens » d'un point de vue historique, mais qui se justifie selon l'hypothèse du travail épique : le couple Samori-Karamoko pense la société, en termes de conflits, réinterprétés dans le temps long.
2,072
1998LIL10098_1
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
1,998
Modulation structurale des chaînes polyuréthannes pour des besoins spécifiques
None
French
Spoken
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USTL Université des Sciences et Technologies de Lille Laboratoire d'Ingénierie Moléculaire N° d'ordre: THE SE présentée à L'UNIVERSITE DES SCIENCES ET TECHNOLOGIES DE LILLE pour l'obtention du grade de DOCTEUR DE L'UNIVERSITE par Véronique MASUREL Ingénieur H.E.I. MODULATION STRUCTURALE DES CHAINES POLYURETHANNES POUR DES BESOINS SPECIFIQUES CONFIDENTIEL Soutenue le 03 Décembre 1998 devant la Commission d'Examen D. COUTURIER J. P. BUSNEL G . LEVESQUE L. TIGHZERT B.RIGO Profess eur U . S . T.Lille Professeur Université du Maine Le Mans Professeur Université de Bretagne Sud Lorient Professeur U.S.T.Lille Professeur H.E.I. Lille P résident Rapport eur Rapport eur Examinateur Examinateur A ma . famille ................ A Tophe....................... Toute relation humaine, aussi difficile soit-elle, peut être rendue facile, en restant calme et en prenant un peu sur soi. Ce travail a été réalisé au sein du Laboratoire d'Ingénierie Moléculaire, de l'Université des Sciences et Technologies de Lille, dirigé par le Professeur D. Couturier, que je tiens à remercier pour m'avoir accueilli au sein de son équipe et pour la formation scientifique dont il m'a fait bénéficier. J'adresse tout d'abord mes plus vifs remerciements à Messieurs J.-P. Busnel et G. Levesque d'avoir accepté d'être membres de ce jury et d'avoir examiné mon travail aussi consciencieusement. Je les prie de bien vouloir trouver l'expression de mon plus grand respect. J'ai aussi été très honorée de compter parmi les membres du jury Madame L. Tighzert et Monsieur B. Rigo et les remercie de leur participation. En particulier, merci à Monsieur Rigo pour ses précieux conseils et son soutien . Je remercie tous les membres du Laboratoire d'Ingénierie Moléculaire, c'est à dire toutes les équipes de Messieurs Couturier, Vast et Barbry, qui m'ont apporté soutien et réconfort durant ces deux années passées en leur compagnie. En particulier, merci à Monsieur B. Hasiak et aux plus anciens Steph, Eric, Béa, les Isa, les David, Véro, Arnaud, Alain, Séverine, Guillaume, Xavier... pour leur bonne humeur mais surtout de m'avoir supporté pendant deux ans malgré mon caractère impulsif. Je n'oublie pas les petits nouveaux, Philippe, Fabien, Grégoire (merci pour ton enthousiasme et ta sympathie de tous les jours), Olivier....... et tous ceux non mentionnés mais qui se reconnaîtront...... Je remercie aussi tous les membres du Laboratoire de Chimie Organique d'H.E.I. pour leur aide et les bons moments passés en leur compagnie. Je remercie par ailleurs tout personnellement les membres du Laboratoire de Structure et Propriétés de l'Etat Solide (Bâtiment C6), en particulier R. Séguéla, J.-M. Lefebvre, V. Miri..... de leur accueil et en particulier Said Elkoun pour sa disponibilité de tous les jours, son aide, ses conseils techniques mais surtout son admirable côté humain. J'adresse ma vive reconnaissance à tous ceux qui ont participé et contribué à la réalisation de ce travail et à tous mes collègues de travail de l'Université (Maîtres de Conférence, Professeurs, Techniciens, Moniteurs et Thésards........ ) avec qui j'ai travaillé pendant deux ans avec grand plaisir. Enfin, je tiens à remercier Tophe et l'ensemble de ma famille, en particulier mes parents et ma soeur, pour leurs encouragements et leur soutien. 'A VAN:f-PROPOS. La réalisation d' ouvrage d'art nécessite l'emploi de coffrages en acier ou en bois, moules dans lesquels le béton est coulé. L'opération de décoffrage proprement dite consiste à retirer le moule sans léser 1'ouvrage. Dans la pratique, les parois internes de ces coffres sont recouverts d'agents de démoulage (huiles) devant faciliter le décoffrage. Cette solution actuelle n'est pour diverses raisons, pas satisfaisante. De nombreux problèmes se posent en effet, à savoir : adhérence ponctuelle du béton, -toxicité des huiles pour l'homme et l'environnement, détérioration des moules au contact du béton (corrosion). Ce travail de thèse a donc eu pour but de faire la preuve qu'un film-polymère, déposé en fine épaisseur sur ces moules, pourrait servir à la fois d'agent protecteur mais aussi d'agent de décoffrage permanent. -+ Pourquoi choisir à priori un revêtement polyuréthanne? Ce type de revêtements [1] montre des performances bien supérieures à d'autres types de protection (résines époxy... ) et est recherché pour: + sa haute tenue -en flexion -à l'abrasion -à l'eau aux acides et bases aux autres agents chimiques aux minéraux, huiles végétales, white spirit, pétrole, paraffine + la diversité de ses composants de base + ses caractéristiques d'applications excellentes en spray, rouleau et pinceau + son séchage rapide + son excellente adhésion à de nombreux substrats Pourtant, à 1'heure actuelle, les expériences relatées dans les brevets montrent une certaine limite d'utilisation des revêtements existants : en effet, après une dizaine d'utilisations, les propriétés du revêtement s'altèrent, non par effet chimique mais à cause des contraintes mécaniques auxquelles il est soumis. Une amélioration récente a déjà été apportée par la société BAYER SA Elle a incorporé dans le film 5 à 6 % de poudre de Téflon (PIFE) ce qui a permis : -d'augmenter la résistance mécanique et chimique -de faciliter le décoffrage du béton qui n'adhère plus aux parois grâce au PIFE. Nous avons voulu étudier la faisabilité de l'emploi de polyuréthannes comme polymères pour cet usage industriel. Nous devons évaluer les limites de l'utilisation de tels produits vis à vis d'un cahier des charges techniques, avant d'envisager un développement industriel où il conviendra de situer le bénéfice éventuel dans une perspective économiquement favorable . SOMMAIRE. SOMMAIRE INTRODUCTION.............................................................................. 1 PARTIE 1. LA CHIMIE DES ISOCYANATES....................................... 3 I. Généralités...................................................................................... II. Les réactions du groupe isocyanate................................................ III. Les polyisocyanates monomères................................................... IV. Les partenaires hydroxylés utilisés................................................ V. Les différents systèmes polyuréthannes.......................................... VI. Relations structure-propriétés...................................................... 5 6 19 26 31 36 PARTIE II. MATERIAUX ET TECHNIQUES EXPERIMENTALES........ I. Les réactifs..................................................................................... II. Techniques expérimentales............................................................ III. Essais mécaniques........................................................................ PARTIE III. ELABORATION DU FILM POLYURETHANNE................ Introduction....................................................................................... I. Cahier des charges du film réticulé.................................................. II. Méthode de synthèse..................................................................... III. Essais préliminaires...................................................................... IV. Evolution des formulations et synthèse du film............................. V. Mise en oeuvre.............................................................................. 42 44 48 55 57 59 60 61 65 72 87 PARTIE IV. RELATIONS STRUCTURE PROPRIETES...................... 93 I. Rappels bibliograph iques................................................................ 95 98 114 II. Propri étés mécaniques des réseaux................................................ III. Etude de la structure et des propriétés physiques des réseaux....... PARTIE V. TESTS ET RESULTATS INDUSTRIELS~............................ Introduction...................................................................................... I. Les coffrages en acier : généralités................................................. II. Essai au stade industriel ................................................................ Conclusion........................................................................................ 127 129 130 13 1 13 7 CONCLUSION GENERALE............................................................. 138 REFEREN BIBLIOGRAPHIQUES............................................... 141 )lNN~)(E~....................................................................................... ~~~ INTRODUCTION. La caractéristique unique et remarquable de la famille des polyuréthannes réside dans la large gamme de matériaux pouvant être élaborés, allant des élastomères souples à des polymères vitreux rigides, en passant par des mousses de différentes duretés. Cette grande variété de propriétés résulte de la possibilité de varier les divers composants de base d'un polyuréthanne au niveau de leurs natures chimiques, de leurs concentrations et de leurs masses molaires. Suivant également la fonctionnalité de ces composants de. base, il est possible d'élaborer des polyuréthannes soit thermoplastiques ou « segmentés linéaires » ou soit thermodurcissables ou «réticulés». Leurs excellentes propriétés, notamment mécaniques, leur permettent ainsi d'être utilisés dans de nombreuses applications, et en particulier en tant que revêtements. La Première Partie passe en revue la chimie des polyuréthannes. Aucune donnée de la littérature ne se rapporte précisemment à des matériaux polyuréthannes pouvant être utilisés en tant que revêtements anti-adhérents. Nous résumerons donc l'état actuel des connaissances en prenant comme exemple particulier le domaine des peintures et vernis. La Deuxième Partie présente les réactifs amst que les techniques expérimentales utilisés durant cette thèse. La Troisième Partie expose l'étude permettant d'orienter le choix sur une structure chimique s'adaptant à l'usage prévu : synthèses de diverses résines, étude de leurs propriétés générales et mise en oeuvre par pulvérisation. La Quatrième Partie a pour objet d'étudier l'influence des principaux constituants de base d'une formulation sur les propriétés mécaniques des films finaux. Elle dresse un bilan des relations structure-propriétés observées sur toute une gamme de films polyuréthannes synthétisés. Enfin, la Cinquième Partie présente les essais réalisés et les résultats obtenus jusqu'à ce jour en situation réelle d'un revêtement, et montre les avantages et les limites du système testé. Première Partie LA CHIMIE ISOCYANA l;ES. Partie 1 : La chimie des isocyanates - PARTIE 1. LA CHIMIE DES ISOCYANATES. I. GENERALITES............................................................................................................ 5 II. LES REACTIONS DU GROUPEMENT ISOCYANATE.............................. ............... II.1. II.2. II.3. II.4. 6 Réactions indésirables........................................................................ 6 Réactions des fonctions isocyanates................................................... 8 Réactivité des isocyanates.................................................................. 9 Catalyse de la réaction....................................................................... 11 III. LES POLYISOCYANATES MONOMERES.............................................................. 19 III. 1. Les isocyanates usuels....................................................................... 19 III.2. Stabilité à la lumière et action des peroxydes sur les isocyanates........ 21 III.3. Teneurs limites en monomères volatils dans les vernis........................ 24 IV. LES PARTENAIRES HYDROXYLES UTILISES..................................................... 26 IV. 1. IV.2. IV. 3. IV.4. IV.5. Les polyesters hydroxylés.................................................................. Les polyéthers hydroxylés................................................................. Caractéristiques et comparaison........................................................ Les autres partenaires....................................................................... Les extenseurs de chaîne................................................................... 26 27 28 30 30 V. LES DIFFERENTS SYSTEMES DE POLYURETHANNES...................................... 31 V.l. V.2. V.3. V.4. V.5. V .6. Huiles et alkydes-uréthannes.............................................................. Vernis monocomposant à groupements isocyanates libres.................. Vernis à séchage au four.................................................................... Vernis à deux constituants................................................................. Systèmes polyuréthannes en phase aqueuse........................................ Systèmes polyuréthannes en phase solvant à teneur en COV réduite... 31 32 32 33 34 35 VI. RELATIONS STRUCTUREPROPRIETES............................................................. 36 VI.1. Interactions chimiques entre groupements dans les polyuréthannes... VI.2. Séparation microphasique................................................................. VI. 3. Propriétés mécaniques...................................................................... -4- 37 39 41 Partie I : La chimie des isocyanates - 1. GENERALITES. Les principes de la chimie des polyuréthannes sont maintenant bien connus . Ils ont été décrits plusieurs fois depuis les années 1936-193 8, où Otto Bayer et ses collaborateurs ont découvert la réaction de polyaddition des polyisocyanates sur les polyols qui conduit aux polyuréthannes [2, 3, 4, 5, 6]. HOMMIIN'OH + ~ ~ OCN-R-NCO 0 l Il + HO-OH 0 Il -o-o-c-NH-R-NH-c-o-o- Figure 1 : Mécanisme de formation des polyuréthannes. Le groupement uréthanne présente une stabilité chimique exceptionnelle et a la faculté de former des liaisons hydrogènes avec des molécules voisines (Cf 1ère Partie, VI) à l'intérieur même du réseau. Il en résulte la formation de domaines de haute rigidité alternant avec des chaînes flexibles, à l'origine des propriétés particulièrement intéressantes des polyuréthannes. -5- Partie l : La chimie des isocyanatcs - II. LES REACTIONS DU GROUPEMENT ISOCYANATE. La réaction de poly-addition des isocyanates n'est pas limité à la seule préparation des polyuréthannes [7,8]. En effet, les isocyanates réagissent avec tous les groupements qui disposent d'un atome d'hydrogène mobile. Ces autres types de réaction sont à limiter pour maîtriser les propriétés du polymère recherchées. En fait, ces réactions secondaires sont considérées comme des réactions parasites dans la mesure où elles limitent le nombre de fonction uréthanne susceptible de se former. II. 1. Réactions indésirables avec les composés à hydrogènes mobiles . Les groupements isocyanates sont capables de réagir avec des composés à hydrogène mobile tels que les alcools, amines, imines, groupements carboxyles, et dans le cas le plus simple avec l'eau. ~ Réaction avec H20. L'eau a une réactivité comparable à celle d'un alcool secondaire. Très gênante et rapide en présence de catalyseurs, cette réaction provoque l'hydrolyse des fonctions isocyanates conduisant à la libération de co2 et à la formation successive d'amine puis d'urée:.. R-N=C=O + +. R-NH2 Une application de cette réaction est la fabrication de mousses obtenues par émission de dioxyde de carbone gazeux, au moment de la formation du poly mère. Pratiquement, on introduit un peu d'eau qui provoque l'hydrolyse de quelques fonctions isocyanates. -6- Partie I : La chimi e des isocyanates - -+ Formation d'urées substituées (uréines). Contrairement à la réaction avec l'eau qui conduit à des urées symétriques, la réaction des amines sur les groupements isocyanates permet l'obtention d'urées asymétriques. R-N=C=O H-N + / R' ---.~ "R" 0 Il / R' R-N-C-N 'R'' 1 H Ces urées confèrent résistance et dureté aux polyuréthannes. -+ Formation de bi-urée (biurets). Cette réaction parasite entre les urées précédentes et un groupe isocyanate crée des ponts fragiles lors d'un vieillissement humide. R-N=C=O + 0 R' Il / R-N-C-N _ _,..~ 'R" 1 H 0 R 0 R' Il 1 Il / R-N-C-N-C-N 'R'' 1 H La réaction lente est accélérée par des catalyseurs métalliques ou alcalins. -+ Formation d'allophanates. Un excès d 'isocyanates réagit à chaud avec les uréthannes pour donner des allophanates. R-N=C=O + 0 0 Il R-N-C-0-R' _ _,..~ Il R 0 1 Il R-N-C-N-C-0-R' 1 1 H H Ceux-ci peuvent se former lors de la fabrication de prépolymères à terminaisons isocyanates. Ils entraînent une réticulation structurale. -7- Partie I : La chimie des isocyanates - II. 2. Réactions des fonctions isocyanates. -+ Polymérisation. Comme cas particulier d'une addition de groupements isocyanates, on peut considérer leur polymérisation qui conduit à des polymères cycliques ou linéaires, selon les composants de départ, et selon les catalyseurs [3] : 0 Il / c, R-N 0 Il 0 Il c Trialkyl- c Il Sels alcalins 1 [acétate de Kou Ca] phosphines R Il R-N,.. N N-R './ /c, N-R 1 1 c c o'l'N / ~o 1 0 urétdione (dimère) R isocyanurate (trimère) 0 Il n -{-N-c-+n R-N=C=O catalyseur (naphténate de Na, NaCN dansDMF) 1 R Avec les polyisocyanates, on obtient naturellement des produits de haut poids moléculaire. Le groupement urétdione est peu stable, il se dissocie facilement thermiquement au point de fusion ou en présence de catalyseur tel que des phosphines. Par contre, le groupement isocyanurate est un des éléments les plus stables thermiquement de la chimie des polymères. Les températures relativement basses favorisent la dimérisation et les températures élevées la trimérisation, ce qui explique la formation de dimères avec les isocyanates très réactifs. -+ Formation de carbodiimides. A côté des réactions d'addition, on doit aussi considérer la réaction de condensation pour l'obtention de polymère à partir de polyisocyanates avec élimination de dioxyde de carbone. -8- Partie I : La chimie des isocyanates - Des monoet polyisocyanates peuvent être transformés en monoou polycarbodiimides sous l'influence de catalyseurs spéciaux tels que l'oxyde de 1-éthyl 3-méthyl 1-phospholène ou des combinaisons métalliques. R -N=C=N-R 2 R-N=C=O catalyseur + carbodiimide Les réactions avec les isocyanates, ammes, urées ou uréthannes augmentent le taux de ramification des polymères linéaires et la tenue thermique. L'eau réagit avec les isocyanates en formant du dioxyde de carbone : il y a alors expansion du polyuréthanne et production d'urées, donc accroissement de la dureté. Les vitesses de réaction sont très différentes et sont modulées par l'utilisation de catalyseurs (Cf 1ère Partie, II. 4.). ll. 3. Réactivité des isocyanates. -+ Réactivité de la fonction isocyanate. La grande réactivité de la fonction isocyanate -N=C=O, basée sur la double liaison N=C, est analogue à celle des cétènes (R) 2C = C =O. La répartition des charges au sein du groupe isocyanate NCO peut être représentée par les formes mésomères suivantes [3] :,.... R-N=C=O Jr R-N=C=O ~... R-N=C-0...... R-N-C=O Forme prépondérante. R-N=C-0,.... R-N=C=O +... 4 + + Ainsi l'atome de carbone (porteur d'une charge partielle positive) peut être facilement attiré par un partenaire nucléophile et l'azote (délocalisation des électrons) reste disponible pour un élément électrophile. La paire d'électrons libres sur l'azote peut être influencée par le groupement porteur de la fonction isocyanate. -9- Partie I : La chimie des isocyanates - -+ Réactivité du groupement isocyanate. La réactivité des isocyanates dépend beaucoup de la nature et de la structure des groupements liés à la fonction isocyanate. Les isocyanates aromatiques sont plus réactifs que les isocyanates aliphatiques. La présence de groupements électroattracteurs ou d'une deuxième fonction NCO sur le noyau augmente la réactivité, même si celle-ci dépend toutefois de leurs positions relatives voire de la différence de natures des fonctions [9]. Isocyanate Vitesses de réaction relative Phénylisocyanate 1 2,4-Toluène diisocyanate (TDI 2,4) 4.3 2,6-Toluène diisocyanate (TDI 2,6) 0.9 Tableau 1 : Vitesse de réaction du phénylisocyanate, du TDI 2, 4 et TDI 2, 6 [8 }. -+ Conséquences. Indépendamment d'influences stériques, les isocyanates réagissent avec leurs partenaires d'addition d'autant plus rapidement que ces derniers sont plus nucléophiles et que l'isocyanate lui même est plus électrophile. La vitesse de réaction dépend en fait de la structure chimique des deux partenaires. -+ Réactivité du partenaire sur la fonction isocyanate. Pour certains composés, l'ordre suivant des vitesses de réaction a été établi : amines aliphatiques > NH3 > amines aromatiques > urées aliphatiques > alcools primaires aliphatiques > alcools secondaires aliphatiques > eau > urées aromatiques > phénol > alcools tertiaires aliphatiques. Les réactions d'addition les plus rapides sont donc obtenues avec les amines aliphatiques secondaires et primaires : plus leur basicité augmente plus elles réagissent rapidement. Dans le cas des alcools, les rapports approximatifs entre les vitesses de réaction des alcools primaires, secondaires et tertiaires ont été calculés et sont environ 1 : 0,3 : 0,005. Ce rapport de vitesse est plus compliqué à établir pour les autres composés de la liste précédente. 10- Partie l : La chimie des isocyanates - Il faut aussi remarquer que, indépendamment des différences de réactivité entre les composés, les autres facteurs tels que les rapports molaires, les influences catalytiques et anticatalytiques, la nature des solvants (formation de préadducts réactifs), et surtout la température, jouent un rôle décisif pour le développement de la réaction et expliquent que les classements précédents ne soient pas toujours vérifiés. II. 4. Catalyse de la réaction. Les catalyseurs des réactions d'addition des isocyanates sont souvent utilisés pour accélérer le durcissement des peintures et des vernis polyuréthannes. Globalement, les catalyseurs les plus importants sont les amines tertiaires et certains composés métalliques, en particulier les composés à base d'étain. On distingue les catalyseurs non réactifs (amines tertiaires comme les N-alkylmorpholines, le DABCO..., les naphténates de plomb et de cobalt, le dibutyldilaurate d'étain, etc... ) et les catalyseurs réactifs contenant des groupements réagissant avec les isocyanates donc participant à la réaction (méthyléthanolamine, triisopropanolamine, prépolymères uréthannes contenant des groupes hydroxyles OH ou amines NH2 terminaux... ). Les catalyseurs s'utilisent généralement à raison de 0.05 à 1 % de la masse des composés réactifs. Beaucoup de catalyseurs, en absence de composés contenant des atomes à hydrogènes actifs, peuvent provoquer des réactions de polymérisation et de condensation des groupements isocyanates sur eux-mêmes. Ainsi, en pratique, on mélange le catalyseur non pas avec l'isocyanate mais avec la combinaison de composés à hydrogènes mobiles choisie. -11- Partie 1 : La chimie des isocyanates - -+ Les caractéristiques d'un catalyseur adapté. Le catalyseur doit avant tout respecter un certain nombre de critères [ 10] : • Les propriétés du film (stabilité 1 dureté) ne doivent pas être modifiées par le catalyseur (éviter les réactions secondaires), • Le mélange contenant le catalyseur doit être stable et donner des résultats reproductibles, • Le« pot-life » (durée de vie en pot)* des systèmes à deux composants doit être compatible avec le type de traitement 1 utilisation prévu, • Les temps de durcissement et séchage doivent être les plus courts possibles, • Le catalyseur est toujours mélangé à l'alcool. -+ Les amines tertiaires. Le rôle catalytique des amines tertiaires pour la réaction des isocyanates avec les alcools, polyesters et polyéthers hydroxylés, a fait l'objet de recherches approfondies [11, 12]. Il en résulte que 1'activité catalytique des amines tertiaires croit avec leur basicité. Mais dans beaucoup de cas, cette règle n'est pas respectée puisque l'activité dépend aussi de la stabilité des complexes intermédiaires (Cf mécanisme) et avant tout des facteurs stériques. Soulignons que les amines catalysent à la fois la réaction isocyanate alcool et is cyanate eau. -+ Les catalyseurs métalliques. Ils agissent plus fortement que les amines tertiaires. Des recherches ont été effectuées avec des sels métalliques d'acides minéraux et organiques, des halogénures métalliques, combinaisons organométalliques, alcoolates et complexes métalliques de métaux les plus variés [12, 13, 14]. *Temps pendant lequel l'application du produit demeure possible. 12- Partie I : La chimie des isocyanates - Temps de gel de différents systèmes catalysés polyol 1 isocyanate Temps de gel à 70°C (en mn) Catalyseur Toluène diisocyanate rn xylène diisocyanate Hexarnéthylène diisocyanate Sans catalyseur > 240 >240 >240 Triéthylamine 120 >240 >240 NN' -endoéthylènepipérazine 4 80 > 240 Octoate de zinc 4 3 4 Dibutyl dioctoate d'étain 6 3 3 Octoate de plomb 2 1 2 Oléate de potassium 10 8 3 Nitrate de bismuth 1 0.5 0.5 Tétra octyl titanate 5 2 2 Octoate ferrique 16 5 4 Octoate de cobalt (divalent) 12 4 4 Naphténate de zinc 60 6 10 Chlorure d'antimoine 13 3 6 Chlorure stannique 3 0.3 0.5 Chlorure ferrique 6 0.5 0.5 Tableau II : Etude de trois isocyanates différents mis en réaction dans le dioxanne à 70°C avec une quantité équivalente d'un propylènetriol en présence de divers catalyseurs {12}. Cette méthode permet les classements suivants : isocyanate aromatique + polyétherpolyol par ordre catalytique décroissante sels de Bi, Pb, Sn, N,N' -endoéthylènepipérazine, bases fortes, sels de Ti, Fe, Sb, U, Cd, Co, Th, Al, Hg, Zn, Ni, trialkylamine, sels de Ce, Mo.V.Cu.Mn.Zn, trialkylphosphine, par contre pour la réaction diisocyanate phatique + polyétherpolyol, on a le classement suivant : sels de Bi, Fe, Sn, Pb, Ti, Sb, N,N'-endoéthylènepipérazine, trialkylamine. 13- bases fortes, sels de Co.Zn. Partie 1 : La chimie des isocyanates - Il existe des catalyseurs spécifiques qw peuvent modifier l'ordre normal de réactivité des isocyanates. Ainsi, les amines tertiaires accélèrent la réaction des groupes hydroxyles aussi bien avec les isocyanates aromatiques qu'aliphatiques. En revanche les sels de Bi, Sn II, Pb, Co, Sn IV accélèrent plus les réactions des isocyanates aliphatiques que celles des aromatiques. On voit donc que l'activité catalytique peut être sélective. Les catalyseurs métalliques sont surtout très importants pour les peintures polyuréthannes à base d'isocyanates aliphatiques : à cause de leur faible réactivité, ces derniers ont besoin d'accélérateurs très efficaces. Il est d'ailleurs possible de mélanger plusieurs catalyseurs : par exemple, le mélange bien connu diazabicyclo [2.2.2] octane (DABCO) 1 dilaurate de dibutylétain (DBTDL) montre un effet de synergie très intéressant. DBTDL DABCO -+ Problèmes posés. Le problème majeur des catalyseurs métalliques les plus courants et les plus efficaces est lié à leur toxicité. En effet, ceux à base de mercure sont considérés comme des poisons, ceux à base de plomb sont très toxiques et leur activité peut se trouver inhibée par l'eau, tandis que ceux à base d'étain sont toxiques, moins performants et non spécifiques. Les meilleurs catalyseurs apparaissent être ceux à base de bismuth [15, 16]. Ils possèdent les mêmes performances (efficacité, rôle catalytique sans favoriser la réaction isocyanate 1H20) et surtout présente un très bon profil de toxicité. Pourtant, les catalyseurs à base d'étain restent les plus utilisés ( BTDL) et les recherches sur de nouveaux catalyseurs à base de ce métal se poursuivent [17, 18]. Un mélange triphénylbismuth et DBTDL s'est avéré très efficace [19] et il est possible de moduler le pot-life et le temps de durcissement en ajustant le ratio des deux catalyseurs. -14- Partie 1 : La chimie des isocyanates - -+ Le mécanisme. Le mécanisme de la réaction isocyanate-composé hydroxylé pourrait se résumer en l'attaque nucléophile de l'oxygène de l'alcool sur le groupement carbonyle de l'isocyanate suivi d'un transfert de proton : Mécanisme de base ~ R1-N=C=O 0 + R2-0-H _ ____,•.,.. R1-N -C=O 6+ '-../ H" Il _ ____,•.,.. Rt-N-C-O-R2 1 H'R2 Des études mécanistiques approfondies [19, 20] ont montré en réalité que la réaction mettait toujours en jeu des complexes intermédiaires instables activant l'un ou/et l'autre des deux partenaires de la réaction. En fait, selon la présence ou non de catalyseur, il est possible d'activer soit l'isocyanate soit l'alcool soit les deux composés simultanément. • Activation des complexes existants. Lors de la mise en présence d'un isocyanate et d'un alcool, un complexe intermédiaire se forme automatiquement, augmentant la densité électronique du carbone de l'isocyanate : R1-N=C=O + H-0-R2 R1-N=C=O 1 1 1 Le complexe existant peut alors être activé : -soit par un groupement hydroxyle libre (ou par l'uréthanne résultant), soit par un catalyseur à base de bismuth [19], en particulier le triphénylbismuth TPB (peu efficace seul), -15- Partie 1 : La chimie des isocyanatcs - Processus autocatalytique. + R 1-N==C=O : 1 Activation directe des complexes existants par un catal yseur 0 Il _ ____,,..,.. R,NHCOR2 + TPB Dans les deux cas, il y a éloignement de l'hydrogène alcoolique rendant plus facile l'attaque par l'oxygène. • Activation de l' isocyanate. Selon le catalyseur utilisé, le mécanisme d'activation du groupement isocyanate sera différent. Baker, Gaunt, Davies et Holdsworth [20, 21] proposent le mécanisme suivant en présence d'amines : la première étape consiste en la formation d'un complexe entre l'amine et le carbonyle de l'isocyanate. Cela facilite la réaction d'attaque du groupement hydroxyle sur le groupement isocyanate : ~ R-N )=0 + R 3N 1 _ _.,...,. R-N-C-D- H---0-R" 1 1 R"OH :1---1: _ _.,..,. R-N-C-D - +~R'3 +~R13 -16- H OR" 1 1 _ _.,..,.. R-N-C=O Partie I : La chimie des is ocyan ates - Bailey, Spaunburgh avancent un mécanisme différent pour les catalyseurs métalliques [12] en faisant intervenir des complexes de coordination. Cet effet de coordination amène en fait les deux réactifs à proximité l'un de l'autre, ce qui peut expliquer l'efficacité catalytique de ces métaux. + R-N-C=O + MX2 + -- + + MX2 R-N=Ç-ü 1 R-N=C=O.....__.. R-N=C..:....O 1 1 -MXz -MXz R-N-c=O l 1 H OR" R 0H.,. 1 - MXz 1 RI +...,.4f--- : t i-I-o + l R-N-c=O...,.4~~.,.~ R-N=C-0 1 1 11 1 1 H 0 MX2 H 0 MX2 11 1 R RI Le potentiel plus élevé permet une attaque facilitée de 1'alcool. • Activation de l'alcool. Elle peut se faire à l'aide de catalyseurs métalliques divers, par exemple par le triphénylbismuth TPB: Rl 1 ~--1:=0 1 H-0-R2 + 1 Ar........ 1 1 ArBt----H-0-R 2 TPB J l Nous avons donc vu que selon le catalyseur métallique, l'ordre de formation du complexe de coordination est variable. 17- Partie 1 : La chimie des isocyanates - En 1979, Sacher [22] a distingué deux mécanismes différents selon le catalyseur métallique utilisé: pour tous les métaux sauf Sn, formation d'un complexe (isocyanate-métal) (remplacement du ligand mobile du métal par RNCO) augmentant l'électrophilie du carbone de l'isocyanate et favorisant l'attaque nucléophile de l'oxygène de l'alcool non complexé -pour les métaux à base de Sn, formation d'un alkoxide (alcool 1 métal) réagissant sur l'isocyanate pour former un carbamate hautement réactif, attaqué par 1' oxygène de 1' alcool non complexé. En 1997, Luo et coll. [19] ont réalisé une étude approfondie sur le mode d'action du DBTDL qui montre que ce catalyseur peut former un complexe à la fois avec l'alcool mais aussi avec l'isocyanate : HO-Rz + ~coo's / R3 /' ~coo R1NCO + ~coo R3 /''s / ~coo R3 1l R3 1l Par conséquent, la réaction catalysée entre l'isocyanate et le composé hydroxylé se déroule par la formation intermédiaire d'un complexe ternaire: ~1Sn--N-R R20H + "-s / / n"! R24 ___ H 1 TI 1........ -Sn-N-RI __.,... / 1 C=O +o" / 'H R2 0 activation par proximité l 0 Il R1NHCOR2 + DBTDL En conclusion, l'étude mécanistique de la réaction isocyanate-alcool s'avère très complexe. 18- Partie 1 : La chimie des isocyanates - III. LES POLYISOCYANATES MONOMERES. La fabrication des polyisocyan ates en grande quantité s'effectue exclusivement par le procédé de phosgénation, c'est à dire par réaction d'amines primaires sur le phosgène, lui même obtenu par réaction du chlore sur l'oxyde de carbone à haute température en présence de catalyseurs. Il existe d'autres méthodes d'obtention des isocyanates sans emploi du phosgène mais en général, elles n'ont présenté aucun intérêt dans la production industrielle mais sont utilisées dans les laboratoires [23]. m. 1. Les isocyanates usuels. Il existe deux grandes catégories d'isocyanates commerciaux les aromatiques et les aliphatiques (Cf Tableaux III et IV). Nom Chimique Caractéristiques Abréviation Structure Tension de vapeur élevée bNm à20 oc 4,2.10"2 Torr Produit industriel 2 isomères (2,4 et 2,6) TDI (80 /20) (65 /35) Toluène diisocyanate OCN-o-CH -o-NOO Très faible tension de vapeur 2 à25 oc 10~5 Torr MDI Produit industriel 4,4' -diphénylméthane diisocyanate Tableau III : Les principaux isocyanates aromatiques. Le TDI vient en tê te de la production mondiale et est compos é de deux isomères. Les grands produits techniques qui lui c orrespondent sont des mé lang es (qui ont moins tendance à cristalliser que les composés purs). 19- Partie l : La chimie des iso cyan ates - Le MDI est également un grand produit industriel, utilisé sous sa forme purifiée (solide cristallisé blanc) et dans ses formes impures (liquide brun contenant des homologues de fonctionnalité supérieure et isomères: sa fonctionnalité moyenne est de 2.6 à 2.8). Il en existe d'autres tels que le xylène diisocyanate (XDI), le 1,5-naphtalène diisocyanate (NDI) mais ces derniers sont moins utilisés. Caractéristiques Nom Chimique Abréviation Structure OCN~NCü Tension de vapeur élevée à 20 oc 3,4.10-2 Torr HDI Produit industriel Hexaméthylène diisocyanate 1,6 Très stable à la lumière Tension de vapeur faible à 20°C 3.10-4 Torr Isophorone diisocyanate IPDI 2 groupements NCO à réactivité très différente Disponible en quantité limitée NCü Tension de vapeur équivalente à celle du TDI HTDiou MCH Peinture très stable à la lumière NCü Toluène diisocyanate hydrogéné ou héxahydrotoluène diisocyanate CXN-o-CH,---o>KD MDI hydrog ou 4,4'dicyclohexylméthane diisocyanate Très coûteux Utilisé en couche de finition Très stable à la lumière H 12MDI ou PICM Tableau IV : Les principaux isocyanates aliphatiques. Le HDI a été le premier polyisocyanate utilisé pour fabriquer des peintures stables à la lumière. -20- Partie I : La chimie des isocyanates - li est encore le plus utilisé dans ce domaine parce que les autres polyisocyanates aliphatiques sont moins réactifs. Il existe encore bien d'autres diisocyanates, à la fois aromatiques (composés benzyliques), aliphatiques (décrits dans des brevets datant des dix dernières années) mais aussi des composés intermédiaires entre les structures isocyanates aromatique et aliphatique (comme le tétraméthyl-m-xylidène diisocyanate TMXDI ou l'isocyanurate aliphatique à base de HDI) mais nous ne tenons pas ici à faire un catalogue. DESMODUR HL (BAYER) TMXDI CH3 1 CH3QC N C=O CH3 1 C-N=C=O 1 CH3 Soulignons aussi que récemment d'autres produits difonctionnels sont apparus dans la littérature. Ils possèdent un seul groupement isocyanate et une double liaison réactive [24]. III. 2. Stabilité à la lumière et action des peroxydes sur les isocyanates. Les isocyanates aromatiques présentent l'inconvénient majeur, pour certaines applications, de donner des films jaunissant à la lumière. Soulignons cependant que dans la lu mière, seuls les rayons U.V. peuvent provoquer une modification chimique du film vernis ; les rayons visibles et infrarouge ont des énergies trop faibles mais peuvent toutefois favoriser une légère coloration. 21- Partie I : La chimie des isocyanates - Le jaunissement à la lumière solaire est nettement plus important pour les systèmes à base de MDI que ceux dérivés du TDI, à cause de la constitution chimique différente. Principalement, il est attribué à la photooxydation du pont méthylène situé entre les deux noyaux aromatiques suivie d'une décomposition [25]. On admet la formation d'hydroperoxydes avec l' gène suivie de la destruction de l'édifice moléculaire. Les quinones imides qui en résultent peuvent donner lieu à une réaction d'addition avec les hydrogènes actifs des groupements uréthannes et continuer le processus de dégradation [26, 27]. -o- 0 Il -o-C-NH ~ 0 Il CH2 -o-~ _ NH-C-ü- /) 0 -o__;---_ - Il.v.wO-C-NH hv hv.. ~... 0 Il CH~N C 0 - /; 0 0 Il J _ __;---_ Il -o-c-N~-c~N-c-oProduit coloré Soulignons qu'un autre processus contribue au jaunissement : le réarrangement de photo-Fries (valable pour MDI et TDI). Pour les systèmes à base de TDI, la tendance au jaunissement sous l'action des rayons U.V. augmente avec la proportion en isomère 2,4. L'apparition de coloration s'explique par la formation de structures de type quinonique : q~~ N-C-OR hv... • çrNH,.. çrN~ 1 1 NH-C-OR NH-C-OR NH-C-OR 0 0 0 Il Il Il QrNH 2 NH Cependant, la stabilité des polyuréthannes dérivés du TDI dépend du polyol utilisé comme partenaire. Par ordre de stabilité : polyoxypropylènediol > ethylèneglycol > triéthylèneglycol > 22- Partie I : La chimi e des isocyanates - polyéthylèneglycol. Un choix judicieux des composants permet donc de réduire l'inconvénient du jaunissement. Les traces de peroxydes contenues dans les polyéthers peuvent parfois être suffisantes pour provoquer de fortes colorations lors de la fabrication d'adducts ou de prépolymère, surtout avec les isocyanates aromatiques. En fait, l'excellente stabilité à la lumière obtenue par les polyisocyanates aliphatiques est due à leur structure chimique qui ne donne pas lieu par hydrolyse ou photolyse à des combinaisons colorées. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il n'y a pas de dégradation photochimique de la structure du polymère . Une étude récente faite par Wilhelm et coll. [25] résume les mécanismes de photooxydation des polyuréthannes aliphatiques, soulignant que l'oxydation est induite par les méthylènes CH2 en a du groupe NH. Conclusion Dans le cadre de l'usage prévu, la résistance à la lumière ne fait pas partie des critères à respecter (Cf 3ème Partie, 1). Nous utiliserons donc de préférence un diisocyanate aromatique, nettement moins coûteux et plus courant. S'il s'avère nécessaire, il est toujours possible d'utiliser des agents de protection contre la lumière (APL) [28, 29] : soit des absorbeurs 1 stabilisateurs UV (AUV) tels que les benzotriazoles, les benzophénones ou oxalanilides [protection préventive], qui font « écran » et empêchent les radiations de pénétrer dans le revêtement soit des récepteurs de radicaux tels que les HALS (« Hindered Amine Light Stabilizers ») c'est à dire des amines encombrées telles que les pipéridines [rôle de « premier secours», retarde la formation de craquelures], qui stabilise le revêtement lui-même. D'autres APL, tels que les « Quenchers » ou les destructeurs d'hydroperoxydes (thioéthers, phosphites), existent mais sont moins employés dans le domaine de la peinture. Remarque : les polymères fortement réticulés sont beaucoup plus résistants à la dégradation solaire que les linéaires ; ceci est dû à une mobilité moindre des chaînes, affectant la propagation et les étapes d'initiation. 23- Partie 1 : La chimie des isocyanates - III. 3. Teneurs limites en monomères volatils dans les peintures et vernis. A part le MDI, les autres monomères importants TDI, HDI et IPDI ne sont pas utilisables directement et tels quels comme durcisseurs dans les peintures et vernis, sans des précautions de ventilation spéciales, à cause de leur tension de vapeur relativement élevée et des incon vén ients physi ologiques inhérents à leurs vapeurs. Les trois diisocyanates volatils mentionnés ci-dessus (entre autres) sont donc dans la pratique transformés en polyisocyanates beaucoup moins toxiques, à savoir : en polyisocyanurate 0 R......_ N N-R Il o-::::::-c 0 ~~ N~C~o Il R,...,...C, "' N N 0 1 ~c 1 R 1........... c~0 N 1 R R Cette réaction n'est pas rigoureusement stoechiométrique. TI se forme souvent des produits plus condensés composés de plusieurs noyaux isocyanurates et dont la fonctionnalité augmente d'une unité à chaque fois. Ces produits donnent des séchages plus rapides que le trimère simple. en adducts à groupements isocyanates au moins trifonctionnels, utilisés eux-mêmes comme durcisseurs dans les systèmes à deux composants. Le durcisseur standard le plus représentatif (le premier sur le plan chronologique et le seul pendant de nombreuses années) est un adduct très connu sous le nom de Desmodur L: (Société BAYER) 24- Partie I : La chimie des is o cyanates - en prépolymères à groupements isocyanates libres pour les systèmes à un composant durcissant par réaction avec l'humidité en faisant réagir 2 ou 3 molécules de monomères difonctionnels pour obtenir soit des isocyanates d'urées, soit des isocyanates à structure biurets: OCN-R-N / CO-NH-R-NCO'CO-NH-R-NCO Ces adducts et prépolymères sont soumis à une épuration poussée [Brevet BAYER] pour abaisser le plus possible leur teneur en monomère volatil diisocyanate grâce à un processus de distillation spécial [3 0]. Globalement, l'emploi de produits contenant au maximum O. 7 % de monomère diisocyanate (calculé sur l'extrait sec) exclut avec une grande marge de sécurité, le danger de dépasser les concentrations maximales admises MAC (pour les vapeurs de TDI, la concentration limite dans l'atmosphère d'un atelier est de 0.02 ppm) quelles que soient les méthodes d'applications. Des procédés de fabrication modernes permettent à 1'heure actuelle d'obtenir des prépolymères contenant moins de 0.1% de TDI libre et ne contenant que des oligomères du type (TDI diol TDI). Ceux-ci sont vendus sous forme de résines solides en solution [31,32]. Remarque : ces transformations conduisent dans la majorité des cas à des produits de fonctionnalité 2 3 et non plus à des produits linéaires. -25- Partie I : La chimie des isocyanates - IV. LES PARTENAIRES HYDROXYLES UTILISES. Pour la synthèse des polyuréthannes, il est nécessaire de disposer comme partenaires de réaction pour les diet polyisocyanates, de combinaisons polyhydroxylées, substances contenant au moins deux groupements hydroxyles par molécule. La structure chimique et le poids moléculaire de ces polyols ont autant d'influence sur les propriétés des polyuréthannes que ceux des polyisocyanates, puisqu'ils constituent la partie souple du polymère. Les composés polyhydroxylés doivent être bon marché et faciles à obtenir. Deux types de polyols sont couramment utilisés et répondent à ces exigences : les polyesters les polyéthers. De nos jours, on utilise des combinaisons polyhydroxylées dont le poids moléculaire moyen varie en général entre 400 et 6000 suivant les applications envisagées. IV. 1. Les polyesters hydroxylés . Ces composés, obtenus par condensation de polyacides et de polyols , ont pour formule générale: 0 Il 0 Il HO+R-0-C-~-C-O~H n Les matières premières les plus usuelles sont : -pour les diacides: l'acide adipique et l'acide phtalique (ou son anhydride) pour les diois : l'éthylène glycol, le propylène glycol, les butylènes glycols pour les triols : le glycérol ou propane triol, le triméthylolpropane -26- Partie I : La chimie des isocyanatcs - Les polyesters peuvent être liquides ou solides et sont caractérisés par : -leur indice d'acide qui permet d'apprécier le degré de l'estérification leur indice d'hydroxyle, indispensable pour le calcul des quantités d'isocyanate nécessaires pour la transformation en polyuréthannes leur viscosité, repère pour la dimension moléculaire moyenne du polyester leur coloration, qui est pour ainsi dire l'image optique de pureté leur teneur en eau, indication nécessaire pour maîtriser la réaction parasite des isocyanates avec l'eau lors de la réaction avec les isocyanates. IV. 2. Les polyéthers hydroxylés. Ils sont obtenus : + par polymérisation d'époxydes, oxyde d'éthylène ou de propylène en présence d'amorceur -l'eau pour l'obtention de glycol des polyols pour une fonctionnalité > 2 + n ( CH2-CH2 ) HO+CH2-CH2-o+cH2-CH2-0H n-1 1 0 L'oxyde d'éthylène permet d'obtenir des groupements hydroxyle primaire très réactifs mais hydrophiles et plus facilement hydrolysables que ceux dérivés de l'oxyde de propylène. + par addition d'oxyde de propylène essentiellement sur un polyol simple (glycol, glycérol, triméthylolpropane) Me OH 1 R-OH OH 1 + 3n CH2-CH 1. 0 L'oxyde de propylène seul conduit à des fonctions alcools exclusivement secondaires réagissant lentement ; les polyuréthannes qui en dérivent résistent très bien à l'hydrolyse. 27- Partie I : La chimie des isocyanates - IV. 3. Caractéristiques et comparaison [4]. Les polyéthers conviennent particulièrement bien pour la préparation d'adducts NCO, entièrement solubles les hydrocarbures aromatiques tels que le xylène. Cette compatibilité avec les solvants aromatiques est un avantage des polyéthers sur les polyesters. La viscosité des polyéthers est nettement plus faible que celle des polyesters. La différence est très sensible à basse température. Cet avantage est très important pour les mastics souples pour le bâtiment et pour les enduits de coulée sans solvant que l'on peut facilement mettre en oeuvre par temps froid. Mais la différence majeure entre ces deux types de polyols provient de leur stabilité différente à l'hydrolyse. Le pont éther donne aux polyuréthannes une résistance beaucoup plus importante à l'hydrolyse que le groupement ester [33] : Stabilité des polyesters polyols dans les polyuréthannes. Elle dépend essentiellement de la résistance du groupement ester à la saponification. 0 0: 0 0 -o-~+ R±glo-+ R'-}0-g-NH+ R''-}-NH -~-on : + l 0 0 0 0 Il Il Il Il -o-C+R±C-OH + HO-(.R'-}O-C-NH+R"-t-NH-C-0n Initialement, l'hydrolyse affecte le groupe ester du bloc polyester tandis que le groupement carboxylique nouvellement formé sert de catalyseur à la poursuite de l'hydrolyse : c'est un processus autocatalytique. Il est clair que le mécanisme de l'hydrolyse alcaline concerne la décomposition du groupe ester c'est à dire de la liaison acyl oxygène C0---0. Par conséquent, la stabilité réelle dépendra donc de la nature chimique du fragment acyl (polarité, structure... ). -28- Partie 1 : La chimie des isocyanates - Stabilité des polyéthers polyols dans les polyuréthannes. Contrairement aux blocs polyesters, les blocs polyéthers sont insaponifiables. Par contre, en milieu acide, leur stabilité est moindre. Me 0 Il 1 Me Me 1 1 0 Me 0 Il Il 1 -c-o-CH-cH2-0-CH2 -CH-ü-CH2-CH-0-C-NH-Ar-NH-c-o-cH-cH2 -0_.,. Me Me Me 0 0 1 1 + 1 Il Il -c-O-CH-cH2 -ü-cH2 -cH-O-CH2-CH-ü-c-NH-Ar-NH-C-O0 Il h 0 Il Me Me 1 1 -c-o-cH-CH2-ü-CH2 -cH 1l + Me 1 0 Il 0 Il 0 0 CH2-cH-O-c-NH-Ar-NH-c-o- 1 OH J 0 Il Me 1 Me 1 oMM/'c-o-cH-CH2-0-CH2-CH 1 OH Me 1 Il Il CH2-cH-O-c-NH-Ar-NH-c-OoMM/' 1 OH Dans ce cas, il y a formation réversible de l'acide conjugué suivi d'un cleavage hétérolytique et formation d'un groupe hydroxyle et d'un ion carbonium immédiatement transformé en son acide conjugué. Toutefois, les polyuréthannes polyéthers sont moins stables thermiquement et moins résistants aux oxydants et aux U. V. (oxydation en a de la fonction éther avec formation d'hydroperoxydes et scission des chaînes) [26]. Ils sont aussi plus sensibles aux solvants que leurs homologues en série polyesters. Conclusion : Pour nous consacrer à l'étude des paramètres physico-chimiques des résines à trouver, nous allons utiliser les polyuréthannes à base de polyéthers, ce qui limitera les risques de dégradation chimique ou photochimique. 29- Partie I : La chimie des isocyanates - IV. 4. Les autres partenaires. A côté des deux principaux partenaires hydroxylés décrits ci-dessus, de nombreux autres polymères à atomes d'hydrogène actifs sont aussi utilisés dans la fabrication des peintures et vernis polyuréthannes : les polyesters hydroxylés modifiés avec des acides gras, les polyacrylates hydroxylés, les caprolactones polyols, les esters cellulosiques, -les huiles de ricin, les résines époxyhydroxylées, -les résines diverses (silicones, cétoniques, phénoliques... ). IV. 5. Les extenseurs de chaîne [34]. A côté des macrodiols (polyéthers et polyesters) on utilise souvent un ou plusieurs extenseurs de chaîne. Le choix de ce(s) dernier(s) détermine généralement les caractéristiques de la portion de segments durs du polyuréthanne (tout comme le choix du diisocyanate) (Cf 4ème Partie). De nombreux composés sont disponibles : les diois aliphatiques ou branchés, cycloaliphatiques ou aromatiques avec Mn< 400. Les plus utilisés sont l'éthylène glycol et le 1,4 butanediol, les triols à chaîne courte tels que le glycérol, le triméthylolpropane ou le 1,2,6 hexanetriol, les amines, pour les systèmes polyuréthanne/urée, telles que la MOCA (4, 4'méthylènebis-(2-chloroaniline)) ou la DETDA (3,5-diéthyltoluènediamine). -30- Partie 1 : La chimie des isocyanates - V. LES DIFFERENTS SYSTEMES DE POLYURETHAN NES. Les systèmes de polyuréthannes se classent en six catégories (classification ASTM) suivant leur mécanisme de durcissement [8, 35, 36]: Type 1 : les huiles et alkydes uréthannes, polyuréthannes à chaînes grasses insaturées qui durcissent par oxydation à l'air, en présence des mêmes siccatifs que les huiles et alkydes séchant à l'air, Type II : les systèmes monocomposant à groupements isocyanates libres durcissant avec l'humidité de l'air, Type ID : les systèmes monocomposant à groupements isocyanates masqués, à séchage au four [vernis et poudres], Type IV : les systèmes à deux composants qui durcissent à température ordinaire (avec ou sans solvant) c'est à dire les peintures et vernis classiques, -Type V: hybride de II et IV, Type VI : les laques les dispersions aqueuses, les systèmes, possédant des insaturations acryliques et réticulant sous irradiation. V. 1. Huiles et alkydes-uréthannes (Type 1). Ces liants ne doivent pas être confondus avec les vrais polyuréthannes car leurs performances sont ment moins bonnes. Il s'agit d'huiles siccatives ou de résines alkydes travaillées avec un isocyanate pour en améliorer la qualité et séchant par fixation de l'oxygène. Ils sont très peu employés dans l'industrie [37]. -31- Partie 1 : La chimie des isocyanates - V. 2. Vernis mono-composant à groupements isocyanates libres (Type II). Pour de tels vernis, la réticulation par formation de liaisons uréthannes est exclue, les vernis sèchent à l'humidité de l'air. Le durcissement repose sur les deux réactions chimiques suivantes : + R-NH z CO z 0 R-NH2 + Il R-NH-C-NH-R R-N = C = O Une molécule d'eau consomme deux groupements isocyanates. Le film qui en résulte est un polyuréthanne polyurée. Ces systèmes donnent des propriétés de films, à savoir résistance à l'usure et une résistance chimique, comparables à celles des systèmes à deux composants. Seules les difficultés inhérentes à leur fabrication expliquent leur développement tardif (solvants parfaitement anhydres pour stockage). Par ailleurs, il faut savoir que la peinture ne sèche pas si l'humidité est inférieure à 30%. Ils trouvent de nombreux emplois dans le domaine de la protection des sols mais offrent moins de possibilité que les systèmes à deux composants [38]. V. 3. Systèmes à groupements isocyanates masqués à séchage au four (Type Ill). La chimie des isocyanates bloqués (utilisés pour des raisons techniques et économiques) est bien connue et se résume en : 0 R-N=C=O l.. + BLH Il R-NH - C-BL ~ (1) R'OH (2) 1ère étape : déblocage (1) 2ème étape : réaction avec alcool (2) 0 Il BLH : agent bloqu ant R-NH-C-0-R' -32- Partie I : La chimie des isocyanates - Vernis isolant Cette propriété est mise à profit dans les vernis à séchage au four : les isocyanates sont « bloqués » en général par du phénol pour qu'ils ne réagissent pas sur les groupements hydroxyles à la température ordinaire. A chaud (T > 160 °C) les groupements isocyanates sont libérés, le phénol se vaporise et la cuisson se réalise alors principalement par formation d'uréthannes et d'allophanates. Les agents de blocage sont variés : phénol, caprolactames, thiols, ion bi sulfite, momes, amines.. Poudres Les deux réactifs pour cette application sont généralement un isocyanate bloqué solide et une résine polyester solide contenant des groupements hydroxyles libres [24]. Le composé de blocage de prédilection est l'e-caprolactame. Le phénol soulève des problèmes de protection de 1' environnement et ne permet pas un bon étalement des films. Les deux composés sont fondus (160 à 200°C), mélangés et finalement pulvérisés pour produire le produit fini. V. 4. Vernis à deux constituants (Type IV). Le séchage de ces vernis repose essentiellement sur la réaction de groupement isocyanate et hydroxyle, donnant des li aisons ur éthannes particuli ère ment stables . 0 R- N=C = O + R ' - OH --~•~ Il R-NH-C-0- R ' Toutefois, Hebermehl et Berger [39] ont montré que la vitesse de séchage de ces vernis est fonction de la teneur en humidité de l'air ambiant ; en atmosphère totalement déshydratée, le séchage est très lent. En présence d'humidité, il se forme des liaisons urées et on admet que pour 100 fonctions uréthannes, il se forme de 9 à 21 fonctions urées. On pourrait redouter que les variations du taux d'humidité atmosphérique rendent impossible la reproductibilité des films. Il n'en est rien et les polyurées ainsi formées ont peu d'influence sur les propriétés des films obtenus. Les possibilités de formulation sont très nombreuses et la fabrication de tels systèmes ne soulève pas de difficulté particulière. Ces systèmes peuvent être élaborés sans solvant (à base de MDI) ou avec solvant selon les réactifs utilisés. 33- Partie 1 : La chimie des isocyanatcs - V. 5. Systèmes polyuréthannes en phase aqueuse (Type VI). En vue de respecter les nouvelles législations en matière de baisse de V (teneur en composés organiques volatils) [40], les systèmes traditionnels à deux composants à base de solvants tendent à être remplacés dans certains domaines de l'industrie par des polyuréthannes à base aqueuse. Réduire les émissions de COV est une chose, les supprimer totalement en est une autre. Bien que les principes qui se trouvent à la base de la technologie des dispersions polyuréthannes (PUD) soient connus depuis plus de trente ans, leur usage était autrefois réduit pour des raisons de coûts et de performances moindres. Actuellement, les dispersions PUD peuvent s'adresser à la plupart des secteurs où les polyuréthannes sont déjà utilisés comme revêtement. Les dispersions de PU consistent essentiellement en chaînes de polyuréthannes de masse moléculaire élevée, stabilisées dans des particules de forme substantiellement sphérique (typiquement d'un micron de diamètre) dans une phase aqueuse continue. Il est possible de stabiliser les PU (possédant des NCO libres) dans l'eau en utilisant un agent émulsifiant externe ou un agent tensioactif seul : toutefois, les particules ont tendance à avoir une taille trop importante, ce qui peut entraîner des problèmes de sédimentation et la formation de film médiocre lors du séchage. La technique utilisée consiste donc à stabiliser la structure moléculaire (greffage de sites acides ou basiques dans la chaîne de polymère) [41]. Contrairement aux polyuréthannes à base de solvants, la viscosité d'une dispersion de PU n'est pas entièrement dépendante de la masse moléculaire du polymère. Il est donc possible de fabriquer des dispersions à haute teneur en solide (environ jusqu'à 60% en poids) sans augmenter la viscosité jusqu'à des niveaux impraticables.
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Par la suite, [Carter et al., 1985], avec un modèle sophistiqué élastique plastique écrouissable et une réduction progressive des propriétés mécaniques à la rupture une fois le pic de contraintes dépassé, ont également révélé le rôle important de l'écrouissage sur la courbe 152 pressiométrique (Fig. 4-9). Le paramètre d'écrouissage est la déformation plastique déviatorique εpd et l'évolution de la cohésion et de l'angle de frottement interne suit les lois suivantes (Eq. 4-11a, 4-11b), linéaires en fonction de la déformation plastique déviatorique, dans le domaine radoucissant (ou à écrouissage négatif) : ( ) c = c pic − c pic − c res × ε dp (Eq. 4-11a) ε dp,crit ( ) tan φ = tan φ pic − tan φ pic − tan φ res × ε dp ε dp,crit (Eq. 4-11b) L'angle de dilatance est constant dans le domaine plastique écrouissable puis s'annule quand on atteint le domaine de plasticité parfaite (état résiduel). Les auteurs discutent également de la validité de l'augmentation du travail plastique avec l'écrouissage négatif et montre l'existence d'une restriction sur la vitesse de radoucissement et donc sur la valeur de la déformation plastique déviatorique critique. Pour celle-ci les auteurs proposent des valeurs comprises entre 0,15 et 0,20 pour un sable propre et dense et une valeur de 0,08 pour les sables faiblement cimentés décrits dans [Clough et al., 1981]. Figure 4-9. Courbe pressiométrique avec le modèle de [Carter et al., 1985]. 4.5.2 – Présentation du modèle de comportement adopté Le modèle de comportement que l'on adopte comporte : - une loi élastique : en l'occurrence, la loi de Hooke linéaire et isotrope caractérisée par le module élastique E et la coefficient de Poisson ν ou par les coefficients de Lamé λ et μ tels que : () ∆σ = λ.Tr ε o I + 2με (Eq. 4-12) 153 - la surface de charge f : ( ) ( ) f k e 1 σ, k = (σ 3 − σ1 ) + sin φ × (σ 3 + σ1 ) − 2c × k e 1 ε p × cos φ = 0 ( ) ( ) f k e 2 σ, k = (σ 3 − σ1 ) + k e 2 ε p × sin φ × (σ 3 + σ1 ) = 0 (Eq. 4-13a) (Eq. 4-13b) On reconnaît le critère de plasticité de Mohr-Coulomb. La différence tient dans les termes ke1 (εp) et ke2 (εp) qui permettent de représenter la réduction des propriétés mécaniques à la rupture : la cohésion c et l'angle de frottement interne φ' après le pic de contraintes (Fig. 410). k vaut 1 au pic de contraintes et prend la valeur β une fois le palier plastique atteint. La variable d'écrouissage sera précisée ultérieurement. Dans la relation (4-13a), la réduction des caractéristiques mécaniques ne porte que sur la cohésion. L'angle de frottement interne est supposé constant après le pic de contraintes même si les expériences de laboratoire ont pu montrer une légère diminution de sa valeur entre le pic et le palier plastique. La relation (4-13b) ne s'applique qu'aux matériaux purement frottant : la cohésion est nulle et seul l'angle de frottement interne est progressivement réduit après le pic de intes. - la fonction potentiel plastique g : () g ζ σ = ( σ 3 − σ 1 ) + ζ × sin ψ × ( σ 3 + σ 1 ) (Eq. 4-14) Le terme ζ permet de faire varier l'évolution des déformations volumiques dans le domaine plastique radoucissant et le domaine plastique parfait. Il vaut 1 dans le domaine plastique radoucissant et χ dans le domaine plastique parfait. Les déformations volumiques plastiques sont calculées d'après la relation : dε p = dλ × ∂g ζ (σ ) (Eq. 4-15) ∂σ On note par la suite : Rt = 2c. 4.5.3 – Développements de la courbe pressiométrique Sous l'action de la pression à la paroi de la cavité, le sol environnant passe successivement de l'état élastique à un état de plasticité avec radoucissement pour un rayon r = d puis d'un état de plasticité avec radoucissement à un état de plasticité parfaite pour un rayon r = b (Fig. 411). Dans ce qui suit, on analyse successivement chacun des trois domaines. p0 Domaine élastique r=d Domaine plastique avec radoucissement r=b r=a p Domaine plastique parfait Figure 4-11. Etat du sol au voisinage du sondage pressiométrique en cours de sollicitation. 4.5.3.1 – Domaine élastique (d < r < ∞) La loi de Hooke et l'hypothèse de déformation plane conduisent à l'expression suivante des contraintes radiales et orthoradiales : σ r = −p 0 + ∆σ r = − p 0 + (λ + 2μ )× ε r + λ × ε θ σ θ = −p 0 + ∆σ θ = − p 0 + (λ + 2μ )× ε θ + λ × ε r 155 ( Eq. 4-16a) ( Eq. 4-16b ) Introduites dans l'équation d'équilibre : (λ + 2μ )× r × dε dε r + λ × r × θ − 2μ × (ε θ − ε r ) = 0 dr dr (Eq. 4-17) et en utilisant les relations de compatibilité, le déplacement radial U en chaque point du milieu est régi par l'équation différentielle suivante : r× d2U dr 2 + dU U − =0 dr r (Eq. 4-18) Les déplacement étant nuls à l'infini, cette équation admet pour solution : U(r ) = k3 r (Eq. 4-19) où k3 est une constante d'intégration déterminée en écrivant la condition de continuité des contraintes en r = d. Au point de rayon d, le critère de plasticité de Mohr-Coulomb est vérifié. Les déformations plastiques sont supposées être nulles, aussi la loi d'écrouissage ke prend la valeur 1. Les expressions de la contrainte radiale et de la contrainte orthoradiale dans le domaine élastique sont reportées dans le critère de plasticité. On obtient alors : k3 d 2 = c. cos φ + p 0 sin φ 2μ p0>0 (Eq. 4-20) La pression pour laquelle on passe du domaine élastique au domaine plastique radoucissant vaut alors : p pl = c. cos φ + p 0 (1 + sin ) (Eq. 4-21) 4.5.3.2 – Domaine plastique radoucissant (b < r < d) Le critère de plasticité est atteint lorsque : σθ = σr. ou σθ = ( ) ( ) cos φ 1 − sin φ = k p σ r + R t.k e1 ε p + 2c.k e1 ε p × 1 + sin φ 1 + sin φ ( ) ×σ (ε )sin φ 1 − k e 2 ε p sin φ 1 + k e2 p (Eq. 4-22a) (Eq. 4-22b) r L 'équation d' équilibre s 'écrit alors : k (r ) σ dσ r + 1 − k p × r = R t e1 r dr r (Eq. 4-23a) dσ r ⎡1 − k e 2 (r ) sin φ ⎤ σ r − 1⎥ × =⎢ dr ⎣1 + k e 2 (r ) sin φ ⎦ r (Eq. 4-23b) ( ou ) 156 Il s'agit d'une équation différentielle du premier ordre avec ou sans membre, de forme générale : dS(r ) + S(r )× v(r ) = W (r ) dr (Eq. 4-24) Formellement, la solution s'écrit : ⎤ ⎡ S(r ) = e − V (r ) × ⎢T '+ W (r )× e V (r ).dr ⎥ ⎢⎣ ⎥⎦ r ∫ (Eq. 4-25) où V et T' désignent respectivement la primitiv e de v et une constante d'intégration. Dans notre cas : σ r (r ) = r ou ⎤ (k p −1) × ⎡⎢ + × −k T' R t ∫ k e1 (r )× r p dr ⎥ ⎢⎣ r ⎥⎦ σ r (r ) = e − V (k e 2 (r )) × T' (Eq. 4-26a) (Eq. 4-26b) Il faut donc maintenant décrire la loi d'évolution de l'écrouissage. On suppose une décroissance linéaire de la loi d'écrouissage ke avec la déformation plastique déviatorique choisie comme variable d'écrouissage [Berest et al., 1978 ; Borsetto et al., 1979 ; Yuritzinn, 1981]. ( ) k e ε dp = 1 + α e × ε dp (Eq. 4-27) A l'instar du paramètre β qui quantifie la chute de cohésion entre le domaine élastique et le domaine plastique parfait, le paramètre αe est caractéristique de la phase de radoucissement et définit la vitesse de décroissance de la cohésion ou la ductilité du matériau. Pour de faibles valeurs de αe, le domaine plastique radoucissant sera donc assez étendu. Au contraire, pour des valeurs de αe fortes, on tend vers une chute brutale de la cohésion : le comportement est alors de type fragile. On calcule maintenant l'évolution de la déformation plastique déviatorique en fonction du rayon r, à partir de la loi d'écoulement (Eq. 4-14) et de la relation (4-15) : dε pr = dλ × (ζ × sin ψ − 1) dε θp (Eq. 4-28a) (Eq. 4-28b) = dλ × (ζ × sin ψ + 1) L'angle de dilatance est supposé constant pendant toute la phase de radoucissement et le paramètre ζ vaut 1 (n désigne alors n1). Alors : dε pr = −n × dε θp (Eq. 4-29) d'où, par intégration : 157 ε pr = −n × ε θp + k'2 (Eq. 4-30) avec k'2 = 0 puisque les déformations plastiques sont nulles lorsque le critère de plasticité est atteint. La règle de partition des déformations conduit à : ε r = −n × ε θ + n × ε θe + ε er (Eq. 4-31) k 2 = n × ε eθ + ε er (Eq. 4-32) On pose : On suppose par la suite que, dans le domaine plastique, les déformations élastiques sont constantes et égales à leur valeur au pic de contraintes, c'est à dire : k 2 = (n − 1)× k3 (Eq. 4-33) d2 En utilisant les équations de compatibilité, on est amené à résoudre l'équation différentielle : U dU = −n × + k 2 r dr (Eq. 4-34) En remarquant que : d ⎛ U ⎞ 1 dU U − ⎜ ⎟= × dr ⎝ r ⎠ r dr r 2 (Eq. 4-35), la relation (4-34) équivaut à : r× d ⎛U⎞ U ⎜ ⎟ + (1 + n )× − k 2 = 0 dr ⎝ r ⎠ r (Eq. 4-36) soit : U ⎡ ⎤ d ⎢(1 + n )× − k 2 ⎥ r dr ⎣ ⎦ = −(1 + n )× r U ⎡ ⎤ ⎢(1 + n )× r − k 2 ⎥ ⎣ ⎦ (Eq. 4-37) d'où, par intégration entre r et d : k ⎛d⎞ U(r ) n − 1 k 3 2 × 23 × ⎜ ⎟ = × 2 + r n +1 d 1+ n d ⎝ r ⎠ 1+ n ( Eq. 4- 38) Alors : 158 ε θ (r ) = k ⎛d⎞ n −1 k 3 2 × 2 + × 23 × ⎜ ⎟ n +1 d 1+ n d ⎝r⎠ ε r (r ) = 2n k 3 ⎛ d ⎞ n −1 k 3 × ×⎜ ⎟ × 2 − n +1 d 1+ n d 2 ⎝ r ⎠ 1+ n (Eq. 4-39a) 1+ n (Eq. 4-39b) On calcule maintenant la déformation plastique déviatorique : ε dp (r ) = ε pr (r ) − ε θp (r ) = −(1 + n )× ε θp (r ) (Eq. 4-40) En combinant la règle de partition des déformations et l'équation (4-39a), on montre que : ε dp (r ) = 2 ⎡ ⎛ d ⎞1+ n ⎤ × ⎢1 − ⎜ ⎟ ⎥ d 2 ⎢⎣ ⎝ r ⎠ ⎥⎦ k3 (Eq. 4-41) Alors : k ⎞ k ⎛d⎞ ⎛ k e (r ) = ⎜⎜1 + 2α e 23 ⎟⎟ − 2α e 23 × ⎜ ⎟ d ⎠ d ⎝r⎠ ⎝ 1+ n (Eq. 4-42) que l'on écrit sous la forme : ⎛d⎞ k e (r ) = k 10 + k 11 × ⎜ ⎟ ⎝r⎠ 1+ n Eq. 4-43) On peut maintenant déterminer l'expression de la contrainte radiale : σ r (r ) = r (k p −1) × ⎡T'+ R t k 10 r (1− k p ) − R t k 11d (1+ n ) r (−(n + k p )) ⎤ ⎢ ⎣⎢ 1− k p n + kp ⎥ ⎥⎦ (Eq. 4.5.3.3 – Domaine plastique parfait (a < r < b) Dans le domaine plastique parfait, on suppose les propriétés mécaniques réduites du facteur β. Aussi, ke = β. Le comportement volumique est régi par le paramètre χ qui définit l'angle de dilatance dans le domaine plastique parfait. La déformation volumique est nulle si χ = 0 ; l'angle de dilatance est identique à l'angle de dilatance dans le domaine plastique radoucissant si χ = 1. L'équation d'équilibre s'écrit alors : dσ r σ + 1 − k p × r = βR t dr r (Eq. 4-47a) dσ r − 2β sin φ dr = × σr 1 + β sin φ r (Eq. 4-47b) ( ) ou Par intégration entre a et r, on obtient : ⎛ βR t σ r (r ) = ⎜ − p − ⎜ 1− k p ⎝ ⎞ ⎛ a ⎞1− k p βR t ⎟×⎜ ⎟ + ⎟ ⎝r⎠ 1− k p ⎠ (Eq. 4-48a) ou 2β sin φ ⎛ a ⎞ 1+β sin φ σ r (r ) = − p × ⎜ ⎟ ⎝r⎠ (Eq. 4-48b) Les déformations sont obtenues en utilisant la loi d'écoulement : dε pr = dλ × (− 1 + χ × sin ψ ) dε θp (Eq. 4-49a) = dλ × (1 + χ × sin ψ ) (Eq. 4-49b) d'où, par intégration : ε pr = −n χ × ε θp + k 1 (Eq. 4-50) 160 soit : [ ε r = −n χ × ε θ + k 1 + ε er + n χ × ε eθ ] (Eq. 4-51) En combinant les équations de compatibilité avec l'équation (4-51), il faut résoudre : U U = −n χ × + k 1 + ε er + n χ × ε eθ dr r (Eq. 4-52) d'où, par intégration entre b et r : U(r ) ⎛b⎞ = ε θ (r ) = ε θ (b )× ⎜ ⎟ r ⎝r⎠ 1+ n χ ( + ) k1 + n χ −1 × 1+ n χ k3 (1+ n χ ) ⎤ d 2 ⎡⎢1 − ⎛ b ⎞ ⎥ ⎜ ⎟ ⎢⎣ ⎝ r ⎠ ⎥⎦ (Eq. 4.5.3.4 – Détermination des rayons plastiques b et d La détermination des rayons plastiques b et d est réalisée en écrivant les conditions aux limites en r = a et les conditions de continuité des efforts en r = b : σ r (a ) = −p (Eq. 4-57) [σ r (b )]pp = [σ r (b )]pr (Eq. 4-58) où l'indice « pp » désigne le domaine plastique parfait et l'indice « pr » le domaine plastique radoucissant. 161 CAS 1 : Le domaine de plasticité parfaite n'est pas encore atteint Il n'existe alors que deux zones : le domaine élastique et le domaine plastique radoucissant. En écrivant la condition (4-57) dans l'équation (4-46), on obtient : (1− k ) 1+ n R t k 10 ⎡ k R k R k ⎤ ⎛ d ⎞ p R t k 11 ⎛ d ⎞ + ⎢− p 0 − 2μ 23 − t 10 + t 11 ⎥ × ⎜ ⎟ − ×⎜ ⎟ = −p 1 − k p n + k p ⎦⎥ ⎝ a ⎠ n + kp ⎝ a ⎠ 1 − k p ⎣⎢ d (Eq. 4-59a) ou 1+ n ⎡ ⎛d⎞ ⎢1 + k 10 sin φ + k 11 sin φ⎜ ⎟ k ⎞ ⎛ ⎝a⎠ ⎜⎜ − p 0 − 2μ 23 ⎟⎟ × ⎢⎢ 1 sin + φ d ⎠ ⎝ ⎢ ⎢⎣ 2 ⎤ (1+ n )(1+ k10 sin φ ) 2 k10 sin φ ⎥ ⎡ d ⎤ 1+ k10 sin φ ⎥ ×⎢ ⎥ = −p ⎥ a⎦ ⎣ ⎥ ⎥⎦ (Eq. 4-59b) Il s'agit d'un polynôme de la variable (d/a) élevées à deux puissances non entières dépendant de l'angle de frottement interne et de l'angle de dilatance. La résolution de ce polynôme peut se faire soit par itérations successives, soit par optimisation en utilisant l'algorithme de Newton-Gauss. La première méthode requiert un temps de calcul plus important et est donc à proscrire pour que le calcul analytique soit intéressant par rapport au calcul numérique. CAS 2 : Le domaine de plasticité parfaite est atteint Dans ce cas, les trois zones coexistent dans le sol. Il faut alors combiner les conditions (4-57) et (4-58). Il faut alors résoudre : (1− k ) 1+ n k R k R k ⎤ ⎛ d ⎞ p R t k 11 ⎛ d ⎞ R t k 10 ⎡ + ⎢− p 0 − 2μ 23 − t 10 + t 11 ⎥ × ⎜ ⎟ − ×⎜ ⎟ 1 − k p ⎣⎢ 1 − k p n + k p ⎦⎥ ⎝ b ⎠ n + kp ⎝ b ⎠ d (k −1) βR ⎡ βR t ⎤ ⎛ b ⎞ p t = ⎢− p − + ⎥×⎜ ⎟ 1 − k a 1 − k ⎥ ⎝ ⎠ p ⎦ p ⎣⎢ (Eq. 4-60a) ou 1+ n ⎡ ⎛d⎞ ⎢1 + k 10 sin φ + k 11 sin φ⎜ ⎟ k ⎞ ⎛ ⎝b⎠ ⎜⎜ − p 0 − 2μ 23 ⎟⎟ ⎢⎢ 1 sin + φ d ⎝ ⎠⎢ ⎢⎣ 2 ⎤ (1+ n )(1+ k10 sin φ ) 2 k10 sin φ 2β sin φ ⎥ ⎡ d ⎤ 1+ k10 sin φ ⎛ a ⎞ 1+β sin φ ⎥ = − p⎜ ⎟ ⎢b⎥ ⎥ ⎣ ⎦ ⎝b⎠ ⎥ ⎥⎦ (Eq. 4-60b) On fait également l'hypothèse que lorsque le domaine plastique parfait est atteint, l'étendue du domaine plastique radoucissant est fixée. Les équations (4-60a) et (4-60b) sont des polynômes de la variable (b/a) élevée à une seule puissance non entière. La détermination du rapport (b/a) est alors directe. 162 L'étendue du domaine plastique radoucissant, notée Rlim, dépend des deux paramètres αe et β (Fig. 4-12) : ⎛d⎞ R lim = ⎜ ⎟ ⎝ b ⎠ lim ⎡ ⎢ 1− β = ⎢1 + k3 ⎢ ⎢ 2α e × 2 d ⎣ 1 ⎤ 1+ n ⎥ ⎥ ⎥ ⎥ ⎦ (Eq. 4-61) obtenue en écrivant que : 1+ n ⎛d⎞ =β k e = k 10 + k 11 × ⎜ ⎟ ⎝ b ⎠ lim (Eq. 4-62) 104 β=0 β = 0,4 β = 0,6 β = 0,8 β = 0,9 β = 0,95 β = 0,99 β = 0,999 β=1 1000 Rlim 100 10 1 0.1 0.001 0.01 0.1 1 10 100 104 1000 105 Paramètre αε Figure 4-12. La pression à laquelle s'effectue le passage du domaine plastique radoucissant au domaine plastique parfait vaut alors : (1− k p ) R t k 11 p pa = p pl × R lim + n + kp [ (1− k p ) (1+ n ) × R lim − R lim ]+ R1 −kk × [R ( t 10 1− k p lim ) ] −1 (Eq. 4-63a) p ou p pa +n ⎡1 + k 10 sin φ + k 11 sin φR 1lim = p pl × ⎢ 1 + sin φ ⎢⎣ 2 2 k10 sin φ ⎤ (1+ n )(1+ k10 sin φ ) 1+ k sin φ × R lim 10 ⎥ ⎥⎦ (Eq. 4-63b) 4.5.3.5 – Formulation semi-analytique de la courbe pressiométrique Le calcul de la courbe pressiométrique avec le modèle élastique linéaire, plastique radoucissant et plastique parfait s'effectue de la manière suivante : 163 p ≤ ppl ⇓ Si ppl < p ≤ ppa ⇓ Calcul élastique Calcul élasto-plastique avec domaine plastique radoucissant ⇓ ⇓ Calcul élasto-plastique avec domaine plastique radoucissant et domaine plastique parfait ⇓ Détermination du rayon d Détermination du rayon b (Eq. 4-59) (Eq. 4-60) ⇓ ⇓ Calcul de la déformée à la paroi Calcul de la déformée à la paroi Ua p − p0 = a 2μ (Eq. 4-64) p > ppa ⇓ 1+ n Ua n − 1 k3 2 k3 ⎛ d ⎞ + = ⎜ ⎟ a n + 1 d2 1 + n d2 ⎝ a ⎠ (Eq. 4-53) 4.5.3.6 – Calcul des contraintes et des déformations dans le sol Il est maintenant possible de déterminer complètement l'état de contraintes et de déformations dans le sol, en fonction de l'éloignement à la paroi du forage. Dans le domaine élastique : - déformation le : ε er (r ) = − - déformation orthoradiale : ε eθ (r ) = - contrainte radiale : σ r (r ) = −p 0 − 2μ × - contrainte orthoradiale : σ θ (r ) = − p 0 + 2μ × k3 (Eq. 4-65) ; r2 k3 (Eq. 4-66) ; r2 k3 r2 k3 r2 (Eq. 4-67) ; (Eq. 4-68) ; On vérifie ainsi que le chargement pressiométrique dans le domaine élastique est un chargement purement déviatorique à déformation volumique nulle. Dans le domaine plastique avec radoucissement : - déformation radiale : Eq. 4.5.4 – Validation du modèle On vérifie dans ce paragraphe, d'abord dans le cas du modèle purement frottant puis dans le cas du modèle frottant et cohérent, qu'en donnant des valeurs judicieusement choisies aux paramètres caractérisant le comportement post-pic, on retrouve des courbes pressiométriques analogues au modèle de référence (Eq. 4-7a), élastique plastique parfait. Les valeurs du coefficient de Poisson ν et de la pression des terres au repos p0 sont fixées : ν = 0,25 p0 = 200 kPa (i) Comportement purement frottant Cas I1 : Modèle élastique plastique parfait à vitesse d'écrouissage négatif lente , φ' = 39 degrés On simule le comportement élastique plastique parfait non associé. On suppose que l'angle de frottement interne ne subit pas de réduction après le pic de contraintes (Fig. 4-14a). La vitesse d'écrouissage doit donc être choisie très lente, d'où la faible valeur donnée au paramètre αe du modèle élastique plastique avec écrouissage (Fig. 4-14b). Le domaine plastique parfait n'est alors atteint que pour des déformations à la paroi très importantes : les deux paramètres β et χ peuvent donc prendre des valeurs quelconques. Modèle de comportement 1.2 1 0.8 0.6 0.4 0.2 0 -0.2 -0.4 Courbe pressiométrique 4 α faible 3.5 e φ' = 39° 3 q, ε v p (MPa) c=0 E = 100 MPa ψ = 15° 2.5 2 1.5 1 ν = 0,25 0.5 0 0 0 0.5 1ε1 1.5 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 Ua / a 2 Figure 4-14a. Figure 4-14b Paramètres du modèle élastique plastique parfait Paramètres du modèle avec écrouissage E = 100 MPa, ν = 0,25, p0 = 200 kPa E = 100 MPa, ν = 0,25, p0 = 200 kPa c = 0, φ' = 39°, ψ = 15° c = 0, φ' = 39°, ψ = 15° αe = 0,01, χ = 1 vrai ∀ β (ici β = 0,79) 165 5 0.0006 0.0004 0 -1 10 θ 5 r -4 10 5 φ=39°, ψ=15°, c=150 kPa 0.0002 0 -0.0002 p = 0,4 MPa Pas de domaine plastique σ E=500 MPa, ν=0.25, p0=200 kPa θ φ=39°, ψ=15°, c=150 kPa -2 10 5 -3 10 5 ε E=500 MPa, ν=0.25, p0=200 kPa σ ε σ (Pa) 1 10 p = 0,4 MPa Pas de domaine plastique ε r -0.0004 -5 10 5 -0.0006 0 0.5 1 1.5 0 2 0.5 1 r (m) 1.5 2 r (m) Fig. 4-13a. Contraintes et déformations pour p = 0,4 MPa. 5 0.0015 αe=1;10;100 0 θ -1 10 5 -2 10 σ θ 0.0005 -3 10 5 p = 0,6 MPa Domaine plastique avec radoucissement -4 10 5 -5 10 σ 0 αe ≤ 100 E=500 MPa, ν=0.25, p =200 kPa r φ=39°, ψ=15°, c=150 kPa, β=0 αe ≤ 100 5 -6 10 5 E=500 MPa, ν=0.25, p0=200 kPa ε αe=1000 5 p = 0,6 MPa αe=1000 0.001 ε σ (Pa) 1 10 -0.0005 0 αe=1000 ε φ=39°, ψ=15°, c=150 kPa r -7 10 5 -0.001 0.05 0.1 0.15 r (m) 0.05 0.2 0.15 0.1 0.2 r (m) Fig. 4 -13b. Contraintes et déformations pour p = 0,6 MPa. 1 Cas I2 : Modèle élastique plastique parfait à vitesse d'écrouissage négatif rapide, φ'pic=39 degrés → φ'res=29,81 degrés On modifie l'angle de frottement interne du modèle élastique plastique parfait : φ' devient égal à 29,81 degrés. Pour simuler cela avec le modèle élastique plastique avec radoucissement, deux solutions sont envisageables : la première revient à effectuer la même opération que dans le cas I1 avec φ' = 29,81 degrés, la seconde consiste à modéliser une décroissance très rapide de l'angle de frottement interne (Fig. 4-15a). Une valeur de αe de 1000 est ainsi choisie. Le paramètre β qui caractérise la diminution de l'angle de frottement interne vaut 0,79. L'angle de dilatance est supposé constant dans le domaine plastique écrouissable et dans le domaine plastique parfait, soit χ = 1 (Fig. 4-15b). Modèle de comportement Courbe pressiométrique 4 Modèle EP radoucissant α = 1000 3.5 Modele EP parfait e 3 φ' = 29,81 ° q, ε v c = 0, p (MPa) 1.2 1 0.8 0.6 0.4 0.2 0 -0.2 -0.4 E = 100 MPa 2 1.5 1 ψ = 15° ν = 0,25 2.5 0.5 0 0 0 1ε1 0.5 1.5 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 Ua / a 2 Figure 4-15a. Figure 4-15b. Paramètres du modèle élastique plastique parfait Paramètres du modèle avec écrouissage E = 100 MPa, ν = 0,25, p0 = 200 kPa E = 100 MPa, ν = 0,25, p0 = 200 kPa c = 0, φ' = 29,81°, ψ = 15° c = 0, φ' = 39°, ψ = 15° αe = 1000, β = 0,79, χ = 1 Cas I3 : Modèle élastique plastique parfait à vitesse d'écrouissage négatif lente et à dilatance nulle Modèle de comportement Courbe pressiométrique 4 1.2 1 0.8 0.6 0.4 0.2 0 -0.2 -0.4 3.5 φ' = 39° 3 p (MPa) v c = 0, q, ε E = 100 MPa 2.5 2 1.5 1 ν = 0,25 0.5 ψ = 0° 0 0 0 0.5 1ε1 1.5 2 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 Ua / a Figure 4-16a. Figure 4-16b. Paramètres du modèle élastique plastique parfait Paramètres du modèle avec écrouissage E = 100 MPa, ν = 0,25, p0 = 200 kPa E = 100 MPa, ν = 0,25, p0 = 200 kPa c = 0, φ' = 39°, ψ = 0° c = 0, φ' = 39°, ψ = 0° αe = 0,01, β = 0,79, vrai ∀ χ 167 On retrouve le cas I1 avec une dilatance nulle. Les valeurs de l'angle de dilatance ψ et du paramètre χ sont donc nulles (Figs. 4-16a et b). (ii) Comportement frottant et cohérent L'angle de frottement interne est maintenant fixé. Il vaut 39 degrés. Quatre situations sont analysées. Cas II1 : Modèle de comportement Courbe pressiométrique 8 1.2 1 0.8 0.6 0.4 0.2 0 -0.2 -0.4 α faible 7 e φ' = 39° 6 q, ε v p (MPa) c = 150 kPa E = 500 MPa 5 4 3 ψ = 15° 2 ν = 0,25 1 0 0 0 0.5 1ε1 1.5 2 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 Ua / a Figure 4-17a. Paramètres du modèle élastique-plastique parfait Figure 4-17b. Paramètres du modèle avec écrouissage E = 500 MPa, ν = 0,25, p0 = 200 kPa E = 500 MPa, ν = 0,25, p0 = 200 kPa c = 150 kPa, φ = 39°, ψ = 15° c = 150 kPa, φ = 39°, ψ = 15° αe = 1, χ = 1, ∀ β On compare ici le modèle élastique plastique parfait non associé avec frottement et cohésion ( c = 150 kPa) et le modèle élastique plastique écrouissable (Figs. 4-17a et b). Pour cela, il suffit de faire diminuer très lentement la cohésion : la valeur du paramètre αe est donc petite et vaut 1. La cohésion résiduelle n'est théoriquement atteinte que pour des déformations à la paroi très importantes, aussi le choix de la valeur de β n'a que peu d'importance sur le calcul . Cas II2 : La cohésion est maintenant ramenée à 75 kPa, soit β = 0,5. Comme dans le cas purement frottant, deux solutions sont envisageables : soit procéder comme dans le cas II1 avec c = 75 kPa pour le modèle élastique plastique parfait, soit modéliser une chute brutale de la cohésion au pic de contraintes avec le modèle élastique plastique écrouissable (Fig. 4-18a). La valeur du paramètre αe est donc choisie grande (αe = 5000). Cette deuxième solution conduit à une très légère différence entre les deux modèles (Fig. 4-18b). Les cas II3 (Figs. 4-19a et b) et II4 (Figs. 4-20a et b) sont les pendants des cas II1 et II2 mais avec un comportement non dilatant. Seules les valeurs des paramètres ψ et χ sont modifiées et prises égales à 0. 168 Modèle de comportement Courbe pressiométrique 8 Modèle EP radoucissant α = 5000 7 v q, ε E = 500 MPa 6 Modele EP parfait e c = 75 kPa, p (MPa) 1.2 1 0.8 0.6 0.4 0.2 0 -0.2 -0.4 φ' = 29,81 ° 4 3 2 ψ = 15° ν = 0,25 5 1 0 0 0 1ε1 0.5 1.5 0.05 0.1 2 0.15 0.2 0.25 0.3 Ua / a Figure 4-18a. Figure 4-18b. Paramètres du modèle élastique plastique parfait Paramètres du modèle avec écrouissage E = 500 MPa, ν = 0,25, p0 = 200 kPa E = 500 MPa , ν = 0,25, p0 = 200 kPa c = 75 kPa, φ = 39°, ψ = 15° c = 150 kPa, φ = 39°, ψ = 0° αe = 5000, β = 0,5, χ = 1 Cas II3 : Modèle de comportement Courbe pressiométrique 8 1.2 1 0.8 0.6 0.4 0.2 0 -0.2 -0.4 α faible 7 e φ' = 39° 6 q, ε v p (MPa) c = 150 kPa E = 500 MP a 5 4 3 2 ν = 0,25 1 ψ = 0° 0 0 0 0.5 1ε1 1.5 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 Ua / a 2 Figure 4 -19 a. Figure 4-19b. Paramètres du modèle élastique plastique parfait Paramètres du modèle avec écrouissage E = 500 MPa, ν = 0,25, p0 = 200 kPa E = 500 MPa, ν = 0,25, p0 = 200 kPa c = 150 kPa, φ = 39°, ψ = 0° c = 150 kPa, φ = 39°, ψ = 0° αe = 1, β = 0,5, χ = 0 En résumé, on observe une bonne concordance entre le modèle élastique plastique parfait généralement considéré dans la littérature et le modèle élastique plastique avec radoucissement, moyennant un choix judicieux des paramètres. Ainsi : - le cas de non dégradation de la cohésion et de déformation volumique nulle est obtenue avec une faible valeur de αe, des valeurs de ψ et χ nulles ; - le cas de non dégradation de la cohésion et de dilatance non bornée est obtenue avec une faible valeur de αe et une valeur de χ de 1 ; 169 Cas II4 : Modèle de comportement Courbe pressiométrique 8 Modèle EP radoucissant α = 5000 7 v q, ε E = 500 MPa 6 Modele EP parfait e c = 75 kPa, p (MPa) 1.2 1 0.8 0.6 0.4 0.2 0 -0.2 -0.4 φ' = 29,81 ° 5 4 3 2 ν = 0,25 1 ψ = 0° 0 0 0 0.5 1ε1 1.5 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 U /a 2 a Figure 4-20a. Figure 4-20b. Paramètres du modèle é lastique plastique parfait Paramètres du modèle avec écrouissage E = 500 MPa, ν = 0,25, p0 = 200 kPa E = 500 MPa, ν = 0,25, p0 = 200 kPa c = 75 kPa, φ = 39°, ψ = 0° c = 150 kPa, φ = 39°, ψ = 0° αe = 5000, β = 0,5, χ = 0 4.5.5 - Etude de sensibilité de la courbe pressiométrique aux paramètres du modèle La détermination simultanée de tous les paramètres d'un modèle par analyse inverse est rarement possible [Kasdi, 1994]. Aussi, avant toute chose, il convient de mettre en évidence les paramètres les plus influents ainsi que le domaine d'influence de chacun des paramètres pour orienter la procédure d'identification de ces paramètres. Pour cela, on applique la méthode utilisée par [Shahrour et al., 1995 ; Shao et al., 1991 ; Kasdi, 1994 ; Zentar, 1999 ; Zentar et al., 2001]. On construit une courbe pressiométrique de référence correspondant à un jeu de paramètres de référence donné dans le tableau (4-8). Puis on fait varier successivement chacun de ces paramètres de ± 50 %, toute chose égale par ailleurs. L'influence respective de chacun des 9 paramètres du modèle avec réduction progressive de la cohésion est indiquée sur la figure (4-21). Les conclusions de l'étude de sensibilité des paramètres du modèle avec réduction progressive de l'angle de frottement interne sont rigoureusement identiques. Tableau 4-8. Jeu de paramètres de référence du modèle élastique plastique avec radoucissement. E c P0 αe β ν φ ψ χ (MPa) (degrés) (degrés) (kPa) (kPa) 500 0,25 39 15 150 200 100 0.5 0.5 L'étude de sensibilité recoupe les observations de [Kasdi, 1994 ; Shahrour et al., 1995] concernant l'effet du modèle élastique plastique parfait à 6 paramètres (E, ν, c, φ, ψ, p0). On retient donc que : - le module élastique E influe sur l'ensemble de la courbe pressiométrique de manière importante ; - l'angle de frottement interne, pour le domaine d'étude des paramètres, a un effet très important sur la courbe pressiométrique, notamment dans le domaine des grandes déformations ; 170 la pression des terres au repos doit être considérée comme un paramètre du modèle. Son influence est du même ordre de grandeur que celle de la cohésion et de l'angle de dilatance. Toutefois, l'étude montre, contradictoirement avec les résultats antérieurs, un effet non négligeable du coefficient de Poisson dans le domaine des grandes déformations, dû au fait que l'essai pressiométrique n'est pas un essai de cisaillement pur. - Les deux paramètres αe et β caractérisant le comportement radoucissant n'influencent que très peu l'allure de la courbe pressiométrique dans le domaine de variation analysé (Fig. 4-21) : 50 ≤ αe ≤ 150 et 0,25 ≤ β ≤ 0,75. On peut voir sur les figures (4-22a) et (4-22b) que la courbe pressiométrique est extrêmement sensible à la valeur de ces deux paramètres lorsque leur domaine de variation est nettement plus étendu : 1 ≤ αe ≤ 5000 et 0 ≤ β ≤ 1. L'influence de β est d'autant plus grande que la valeur de αe est elle aussi importante, autrement dit que l'étendue de la zone plastique avec radoucissement est faible. Enfin, la valeur de l'angle de dilatance dans le domaine plastique parfait, par l'intermédiaire du paramètre χ, joue un rôle non négligeable sur l'allure de la courbe pressiométrique. Celleci est cependant conditionnée par la taille du domaine plastique radoucissant, comme le montre la figure (4-23). Plus le domaine plastique radoucissant est étendu, moins les propriétés caractérisant le domaine plastique parfait se font sentir pour des niveaux de pression habituels. 10 α = 100 αe ≤ 1 αe = 10 αe = 5000 6 4 α = 5000 e e e 6 4 E=500 MPa, ν=0,25, p =200 kPa Elasticité : E = 500 MPa, ν = 0,25, p0 = 200 kPa oβ=0 x β = 0,5 ∆ β = 0,95 0 Plasticité : φ = 39°, ψ = 15°, c = 150 kPa Radoucissement : β = 0,5, χ = 0 2 α = 100 α =1 8 p (MPa) p (MPa) 8 10 αe = 1000 e φ=39°, ψ=15°, c=150 kPa, χ = 0 2 0 0 0 0.2 0.4 U /a 0.6 0.8 1 0 0.2 0.4 a U /a 0.6 0.8 1 a 4-22a. Effet de αe et β pour le modèle avec réduction de la cohésion. 5 5 α = 0,01 β = 0,8 α = 0,1 e e αe = 1 4 β = 0,99 4 β = 0,6 β = 0,02 αe = 100 p (MPa) p (MPa) αe = 10 3 αe = 1000 2 2 Elasticité : E = 100 MPa, ν = 0,25, p = 200 kPa Elasticité : E = 100 MPa, ν = 0,25, p0 = 200 kPa 1 3 0 Plasticité : φ = 39°, ψ = 15°, c = 0 kPa Radoucissement : αe = 1, χ = 0,5 1 Plasticité : φ = 39°, ψ = 15°, c = 0 kPa Radoucissement : β = 0,60, χ = 0,5 0 0 0 0.2 0.4 U /a 0.6 0.8 1 0 a 0.2 0.4 U /a 0.6 0.8 a 4-22b. Effet de αe et β pour le m odèle avec réduction de l'angle de frottement interne. Figure 4-22. Effet des paramètres αe et β sur la courbe ométrique. 171 1 10 ν = 0,125 E = 500 MPa 8 8 6 4 Influence de ν 2 0 p (MPa) 4 2 0.1 0.3 0.2 0.4 0.5 0.6 0.1 0.2 10 0.3 0.4 0.5 8 4 φ = 19,5° 6 4 2 0 0.5 0.6 0.1 0.2 Ua / a 0.3 0.4 0.5 e U /a a 0.4 0.5 0.6 p (MPa) χ = 0,5 6 4 Influence de χ Influence de β 2 0 0.3 χ = 0,25 8 6 2 0 0.4 χ = 0,75 β = 0,25 8 p (MPa) Influence de α 2 0.3 Ua / a 4 0.2 0.2 10 β = 0,75 4 0.1 0.1 a αe = 50 0 Influence de c 0 0.6 10 αe = 100 0.6 4 U /a αe = 150 0.5 c = 150 kPa 6 0 0 10 0.6 c = 75 kPa 2 0 0.4 0.5 c = 225 kPa Influence de ψ Influence de φ 0.4 0.3 8 p (MPa) p (MPa) 6 6 0.2 Ua / a ψ = 7,5° φ = 39° 8 0.1 10 8 0.3 0 ψ = 15° ψ = 22,5° 0.2 Influence de p 0 0.6 10 φ = 58,5° 0.1 0 Ua / a a 0 p = 200 kPa 4 0 0 U /a 2 0 6 2 0 0 p (MPa) p = 100 kPa ν = 0,25 E = 250 MPa 6 Influence de E p (MPa) p0 = 300 kPa ν = 0,375 8 p (MPa) p (MPa) 10 10 E = 750 MPa 0 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0 U /a a Figure 4-21. Etude de sensibilité de la courbe pressiométrique aux paramètres du modèle. 172 0.1 0.2 0.3 U /a a 0.4 0.5 0.6 10 10 χ = 0, ψ χ = 1.0, ψ res = 15° 8 χ = 0, ψres = 0° χ = 0.2, ψres = 3° 6 p (MPa) p (MPa) 8 χ = 0.4, ψ res = 6° χ = 0.6, ψ res = 9° 4 χ = 0.8, ψ E=500 MPa, ν=0,25, p0=200 kPa 2 res χ = 0.2, ψ res = 3° 6 χ = 0.6, ψ res = 9° 4 χ = 1.0, ψres = 15° χ = 0.8, ψ E=500 MPa, ν=0,25, p0=200 kPa 2 0 = 0° χ = 0.4, ψ res = 6° = 12° c=150 kPa, φ=39°, φ=15° αe=1000, β=0 res res = 12° c=150 kPa, φ=39°, φ=15° αe=100, β=0 0 0 0.2 0.4 U /a 0.6 0.8 1 0 0.2 0.4 a U /a 0.6 0.8 1 a 4-23b. αe = 100. 4-23a. αe = 1000. 10 0≤χ≤1 p (MPa) 8 6 4 E=500 MPa, ν=0,25, p0=200 kPa c=150 kPa, φ=39°, φ=15° αe=10, β=0 2 0 0 0.2 0.4 U /a 0.6 0.8 1 a 4-23c. αe = 10. Figure 4-23. Influence du paramètre χ sur la courbe pressiométrique pour différentes valeurs de αe (Modèle avec réduction progressive de la cohésion). 4.5.6 – Conséquences de l'étude de sensibilité On constate sur la figure (4-21) que sept des neuf paramètres du modèle, à savoir, le module élastique E, le coefficient de Poisson ν, la pression des terres au repos p0, l'angle de frottement interne φ, l'angle de dilatance ψ, la cohésion C, la chute de cohésion post pic β et la réduction de dilatance dans le domaine plastique parfait χ, agissent dans le même sens vis à vis de la courbe pressiométrique : une augmentation de leur valeur engendre un raidissement apparent de la courbe pressiométrique. Certains de ces paramètres sont d'ailleurs fortement couplés entre eux [Kasdi, 1994 ; Shahrour et al., 1995]. Ainsi, la corrélation entre l'angle de frottement interne et l'angle de dilatance fait l'objet de plusieurs propositions qui mettent en évidence le rôle important de l'état de compacité du sol. Par conséquent, si, dans le processus d'identification, on affecte à tous les paramètres la même importance, le calcul d'optimisation peut conduire à des estimations erronées des valeurs des paramètres. Aussi il convient, comme indiqué précédemment, de réduire le nombre d'inconnues en apportant des informations complémentaires issues de l'essai pressiométrique lui-même, d'essais de laboratoire, de corrélations empiriques et de contraintes physiques [Shao et al., 1991]. 4.6 – Applications Après avoir étudié le problème direct de manière analytique puis numérique, on va maintenant traiter le problème inverse au travers d'applications. On rappelle que le problème inverse consiste à identifier les paramètres d'un modèle préalablement choisi par la minimisation de l'écart entre les résultats expérimentaux et les prédictions du modèle. On commence par présenter l'algorithme d'optimisation, puis on décrit procédure suivie pour atteindre l'objectif fixé. Enfin, on termine par des exemples concrets. 4.6.1 – Algorithme de minimisation Soit la fonction L qui mesure, pour un jeu de paramètres J donné, la distance entre les prévisions du modèle Rcal et la mesure expérimentale Rexp : ∑ (R 2 N L= exp (p i ) − R cal (p i, J )) (Eq. 4-69) 1 où pi représente la pression dans la sonde pressiométrique. Pour minimiser cette fonction, on dispose d'algorithmes parmi lesquels l'algorithme de Newton-Gauss est le plus utilisé. Il consiste à déterminer le vecteur Jf tel que : L(J f ) = Inf L(J k ) (Eq. 4-70a) k∈R avec −1 ⎡∂ 2L ⎤ ⎡ ∂L ⎤ J k +1 = J k + ⎢ 2 (J k )⎥ ⎢ (J k )⎥ ∂ J ⎦ ⎢⎣ ∂J ⎦⎥ ⎣ (Eq. 4-70b) On peut également citer d'autres algorithmes décrits dans la littérature. La méthode du gradient conjugué ou l'algorithme de Polak-Ribière [Polak et al., 1969] permettent de s'affranchir du calcul du hessien de J mais requièrent le stockage du gradient de J aux itérations (i-1) et (i-2). L'algorithme de Levenberg-Marquardt [Zentar et al., 2001] est une amélioration de l'algorithme de Newton-Gauss pour éviter la convergence vers des pointsselles ou minima locaux. 4.6.2 – Procédure d'identification des paramètres La procédure d'identification dépend directement du modèle de comportement adopté et du nombre de paramètres caractérisant le modèle. L'optimisation simultanée de plusieurs paramètres, du fait du couplage de certains d'entre eux et de l'algorithme retenu, peut conduire à des estimations erronnées [Kasdi, 1994 ; Zentar, 1999]. La procédure décrit les informations complémentaires apportées pour réduire le nombre de variables à optimiser. On commence par présenter la procédure liée au modèle élastique plastique parfait et commune à l'analyse en petites déformations et en grandes déformations. On l'adapte ensuite 174 pour identifier les paramètres caractérisant le comportement post-pic dans la formulation semi-analytique ou les paramètres caractérisant le modèle numérique à écrouissage positif. 4.6.2.1 – Modèle élastique linéaire parfaitement plastique Dans le cas du modèle élastique plastique parfait caractérisé par 6 paramètres (E, ν, φ, ψ, c; p0), on s'inspire de la procédure développée par [Schnaid et al., 1998] pour les sols traités au ciment. On s'appuie sur une propriété remarquable de la plupart des sols présentant une cimentation intergranulaire, à savoir que l'angle de frottement interne du sol vierge est très proche de celui du sol traité au liant. L'angle de frottement interne peut être alors déterminé par analyse inverse d'essais pressiométriques dans le sol vierge avant traitement. On procède alors en deux étapes : - 1ère étape : analyse inverse d'essais pressiométriques dans les sols vierges Identification de 6 paramètres Ei, νi, φi', ψi, ci; p0i avec ci ≈ 0 - 2ème étape : analyse inverse d'essais pressiométriques dans sols traités au liant Identification de 6 paramètres Ef, νf, φf, ψf, cf; p0f avec φf = φi Ces 12 paramètres sont déterminés de la manière suivante. Pressions des terres au repos p0i et p0f La pression des terres au repos d'un sol dépend de son histoire de chargement. Théoriquement, l'essai pressiométrique permet de déterminer sa valeur : elle correspond à la pression au début du palier pseudo-élastique. Pratiquement, la perturbation et l'anisotropie induite générées lors du forage et les incertitudes de mesure font que la valeur obtenue est souvent exagérée et peu significative. Les méthodes proposées par [Lacasse et al., 1982] se révèlent aussi peu concluantes. Aussi, en l'absence d'informations sur l'histoire d'un site ou de mesure précise par une technique appropriée (s'il en existe une), on calcule la pression des terres au repos par la relation : p' 0 = K 0 × ∑ γ' h i (Eq. 4-71) i i avec K0 le coefficient de pression des terres au repos, γi le poids volumique des couches de sol surmontant la profondeur de l'essai pressiométrique et hi l'épaisseur de ces couches. Par ailleurs, les différentes formulations de la courbe pressiométrique présentées précédemment supposent l'état de contrainte intial isotrope, c'est à dire K0 = 1. Cette hypothèse n'est que rarement justifiée in situ où le coefficient de pression des terres au repos varie plutôt entre 0,4 et 1 : la contrainte verticale est alors la contrainte principale majeure. [Monnet et al., 1994 ; Monnet et al., 1995] ont montré l'influence de la prise en compte de la contrainte verticale dans la réponse du sol à une sollicitation de type pressiométrique. La formulation adoptée pour représenter la courbe pressiométrique n'est donc valable que dans la mesure où, à partir d'un certain niveau de pression, la contrainte verticale devient le contrainte intermédiaire. C'est pourquoi, à l'instar de [Cambou et al., 1993], on ne traitera par analyse inverse que la portion des courbes pressiométriques correspondant à une déformation de la paroi supérieure à 1,25 % (soit ∆V/V0 > 2,5 %). On s'affranchit en même temps du problème du remaniement dû à la paroi du forage dont l'influence est négligeable à des niveaux de pression plus élevés [Cassan, 1978]. Ei Le module pressi métrique Mé EM1 sur la courbe premier chargement courbe pressiométrique est fortement dépendant du remaniement induit par le forage préalable. Le module pressiométrique Ménard est nettement différent du module élastique du sol en place [Mehta, 1989 ; Cambou et al., 1993]. Pour remonter à la véritable valeur du module, soit on modélise la phase de déchargement avec un modèle adapté [Cambou et al., 1993 ; Clarke, 1993] prenant en compte en particulier l'anisotropie induite, la mise en plasticité éventuelle du sol pendant le déchargement, soit on détermine le module sur un cycle de décharge / recharge sur lequel l'influence du forage est négligeable. La valeur de αb est voisine de 0,2 [Belloti et al., 1989 ; Clarke, 1993]. Le module élastique E est alors déduit du module de cisaillement par la relation : E = 2G × (1 + ν ) (Eq. 4-74) Il s'agit du module élastique en déformation plane (noté ci-dessous EDP). Il peut être relié au module élastique sous chemin triaxial (noté ET) par la relation : 176 E DP = ET (Eq. 4-75) 1− ν2 Des valeurs de module élastique comprises entre 50 et 80 MPa pour les sables denses et entre 10 et 200 MPa pour des sables très denses et graviers sont proposées dans la littérature. Du fait d'une histoire de chargement plus complexe, les sols in situ ont souvent des valeurs un peu plus importantes. Coefficients de Poisson νi et νf Son influence, pour les pressions habituellement appliquées lors des essais pressiométriques, peut être considérée comme négligeable. Aussi, le coefficient de Poisson ne peut pas être objectivement optimisé puisqu'un grand nombre de valeurs peut convenir. Sa valeur est donc fixé au préalable entre 0 et 0,5. Les essais de laboratoire montrent que, pour le sol vierge de tout traitement ou pour le sol injecté, une valeur de 0,25 est tout à fait acceptable. On retient donc ν = 0,25. Angles de frottement interne φi et φf Dans le cas des sols pulvérulents, et avec le modèle élastique parfaitement plastique, l'angle de frottement interne φi reste la seule variable à optimiser si, comme on le verra par la suite, l'angle de dilatance ψi est corrélé et le module élastique Ei déterminé sur un cycle décharge / recharge. On ajoute une contrainte physique pour le calcul, à savoir que l'angle de frottement interne doit être compris entre 25 et 50 degré . Les essais de laboratoire ont montré que l'imprégnation d'un sol poreux par un coulis n'entraînait pas ou peu de modification de l'angle de frottement interne, contrairement aux injections de densification par claquage du terrain. Aussi l'angle de frottement interne du sol injecté φf est pris égal à l'angle de frottement interne du sol avant injection φi. D'une manière générale, l'angle de frottement interne dépend du chemin de sollicitations. Aussi, pour pouvoir être comparés entre eux, on doit établir une relation entre l'angle de frottement interne en déformation plane φDP et l'angle de frottement interne sous chargement axisymétrique φT.
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1 L'enrôlement du féminisme dans la lutte contre la prostitution Lilian Mathieu Lorsqu'en juin 1975 les féministes françaises se rallièrent à la cause des prostituées, elles le firent au nom d'une solidarité féminine contre la répression menée par cette institution patriarcale qu'est la police1. Ce n'est pas sans une certaine ironi e qu'on a pu voir, une quarantaine d'années plus tard, de larges pans du mouvement des femmes applaudir au vote d' une loi qui confi e à la police l'essentiel d'une politique destin ée à aboli r la prostitut ion. De fait, ces fractions, majoritaires au sein de l'espace de la cause des femmes2, n'ont pas fait qu'applaudir l'adoption de la loi du 13 avril 2016 « renforçant la lutte contre le système prostitutionnel », dont la mesure phare est la pénalisation des clients des prostituées. Elles l'ont préparée, soutenue et légitimée au cours d'un long travail de lobbying dont la dernière étape fut la campagne « Abolition 2012 » à laquelle participèrent des structures féministes telles qu'Osez le féminisme, Choisir la cause des femmes, SOS sexisme, Femmes solidaires, Encore féministes, les Chiennes de garde, le Lobby européen des femmes, le Collectif droits des femmes, la Coordination lesbienne de France ou encore la Marche mondiale des femmes. Là n' est pas la seule ironie. En 1975, la mobilisation des prostituées avait bénéficié de l'impulsion et du soutien décisifs d'une association abolitionniste, le Mouvement du Nid. Son identité catholique avait suscité la défiance de féministes dont le combat pour la légalisation de l'avortement venait à peine de triompher. Quatre décennies ans plus tard, c'est en étroite association avec ce même Mouvement du Nid que les ministes ralliées à l'abolitionnisme ont mené campagne pour la pénalisation des clients. Certes, c'était de manière impromptue que les féministes avaient en 1975 soutenu les prostituées. La prostitution n'avait jusqu'alors guère été débattue au sein du mouvement des femmes et ce n'est qu'a posteriori qu'une réflexion s'était ébauchée en dessinant les linéaments d'une critique de la vente institutionnalisée de « services sexuels » par des femmes et pour des hommes3. Mais les arguments intellectuels n'ont pas été seuls à l'oeuvre dans la conversion d'une part majoritaire du féminisme français au projet d'une abolition de la prostitution. C'est davantage sous 1 Un dessin à la une de Libération du 11 juin 1975 représente un CRS frappant une femme à terre avec une matraque de forme phallique. Sur cet épisode, voir Lilian Mathieu, Mobilisations de prostituées, Paris, Belin, 2001. 2 On emprunte cette notion à Laure Bereni, La bataille de la parité, Paris, Economica, 2015. 3 Voir par exemple Annie Mignard, « Propos élémentaires sur la prostitution », Les Temps modernes, n° 356, 1976. 2 l'angle d'évolutions et de recompositions à la fois militantes et institutionnelles que doivent être envisagées les conditions de leur enrôlement dans ce combat 4. Une coalition improbable Abolitionnisme d'inspiration catholique et féminisme ont longtemps entretenu des relations distantes et marquées par la défiance. Le Mouvement du Nid défendait encore dans les années 1990 des positions conservatrices en matière de moeurs et de sexualité, déplorant par exemple la banalisation du divorce et donnant la parole au prêtre et psychanalyste Tony Anatrella pour dénoncer les unions homosexuelles et s'en prendre à une libération sexuelle aux effets selon lui délétères5. Son affiliation religieuse ne pouvait que susciter les réticences d'un mouvement des femmes dont la remobilisation du milieu des années 1990 s'est précisément opérée pour protéger un droit à l'avortement alors menacé par une opposition soutenue par l'Église catholique. Il a fallu, pour que le féminisme ravivé par la défense des droits reproductifs se rallie à l'abolitionnisme, que ce que la sociologie des mouvements sociaux appelle des « courtières » (brokers)6 entreprennent un travail de rapprochement des deux mouvances, prélude à leur coalition. Quatre personnalités ont joué un tel rôle. La première est la journaliste Florence Montreynaud, ancienne militante du Planning familial et de Choisir mais surtout connue comme fondatrice des Chiennes de garde, une association qui dénonce le sexisme dans la publicité et dans la vie . Elle publie en 1993 un livre iconographique consacré à la prostitution, dans lequel elle interroge le regard du client sur cette activité7. Cet ouvrage, salué par le Mouvement du Nid, est non seulement à l'origine d'une attention plus vive de son auteure pour les clients mais également de son rapprochement avec l'abolitionnisme. Elle tient à la fin des années 1990 une rubrique régulière dans Prostitution et société intitulée « Payer pour ça », dans laquelle elle se livre à une dénonciation sarcastique de cette pratique spécifiquement masculine qu'est l'achat de « services sexuels ». La deuxième courtière est la sociologue Marie-Victoire Louis. Antérieurement surtout spécialisée en sociologie du travail et active dans la lutte contre le harcèlement sexuel, elle commence à s'intéresser à la prostitution au début des années 1990, tout d'abord comme observatrice des débats sur le sujet au sein des institutions européennes. Elle se fait à ce titre 4 Cet article reprend et actualise des éléments présentés dans Lilian Mathieu, La Fin du tapin. Sociologie de la croisade pour l'abolition de la prostitution , Paris, F. Bourin, 2014. 5 Voir les n° 92 (1991) et 102 (1993) de la revue du Mouvement, Prostitution et société. 6 Doug McAdam, Sidney Tarrow, Charles Tilly, Dynamics of Contention, Cambridge, Cambridge University Press, 2001. 7 Florence Montreynaud, Amours à vendre, Paris, Glé nat, 1993. 3 la virulente dénonciatrice de la politique de la Hollande - qui normalise à partir de 2000 l'exercice de la prostitution et dépénalise certaines activités relevant antérieurement du proxénétisme - et se pose en lanceuse d'alerte devant ce qu'elle perçoit comme une entreprise de conversion d'autres pays à la reconnaissance du « travail du sexe ». Son statut académique la légitime rapidement comme experte de la prostitution, régulièrement invitée à s'exprimer lors des colloques et dans la presse des associations abolitionnistes. La troisième courtière est Malka Marcovich, représentante du Mouvement pour l'abolition de la prostitution et de la pornographie (MAPP) qui est l'antenne française de la « Coalition against trafficking in women » (CATW), organisation issue du féminisme radical américain. Marcovich est en 2002 l'auteure d'un rapport pour la Commission nationale contre les violences envers les femmes intitulé Le système de la prostitution : une violence à l'encontre des femmes, amplement relayé au sein des groupes féministes et dans lequel elle décrit « l'acte sexuel marchand comme la clé de voûte de la persistance des inégalités entre hommes et femmes »8. Ces trois personnalités s'identifient explicitement comme féministes et leurs prises de positions connaissent une rapide et large diffusion au sein de l'espace de la cause des femmes. Principale structure issue de la remobilisation féministe du milieu des années 1990, le Collectif national pour les droits des femmes (CNDF) s'approprie l'expression de « système prostitutionnel » forgée par Louis9 tandis que Montreynaud et Marcovich sont invitées en 2002 à son forum « De nouveaux défis pour le féminisme ». Elles y interviennent à la même tribune que la journaliste du Nid Claudine Legardinier qui, elle aussi mais cette fois du côté abolitionniste, travaille au rapprochement entre les deux mouvances. C'est elle qui sera la principale artisane de l'identification féministe du Mouvement du Nid, au point d'affirmer dans sa revue que « le caractère central du féminisme dans le choix de la position abolitionniste saute aux yeux. Son analyse du système de domination sexiste comme structure fondamentale de nos sociétés lui permet de voir la prostitution comme un point d'exaspération de la domination masculine, de la violence et de l'inégalité entre les hommes et les femmes »10. 8 Malka Marcovich, Le système de la prostitution : une violence à l'encontre des femmes, Commission nationale contre les violences envers les femmes, 2002, non paginé. 9 La prostitution est pour elle un « système de domination marchande sur les sexes, sur les corps et donc sur les êtres humains qui, par la force, la contrainte et la violence légitimées par le droit, crée les conditions d'une mise en relation de "clients" auxquels des proxénètes – personnes physiques et morales – garantissent, contre rémunération, la possibilité d'un accès marchand aux sexes d'autres personnes, de sexe féminin dans la grande majorité des cas, femmes adultes, adolescentes, petites filles » ; Marie Victoire Louis, « Prostitution », in Gérard Lopez , Stamatios Tzitzis (dir.), Dictionnaire de sciences criminelles, Paris, Dalloz, p. 759. 10 Prostitution et société, n° 166, 2009. 4 Moment important, le forum du CNDF accueille également Günila Ekkberg, fémocrate11 suédoise alors chargée par le gouvernement de son pays d'assurer la promotion internationale de sa loi, adoptée en 1999, pénalisant l'achat de prestations prostitutionnelles La Suède a en effet été le premier pays à considérer les clients des prostituées comme des délinquants passibles d'une lourde amende et de six mois de prison. Cette disposition pénale a été défendue par des parlementaires féministes et a pris place parmi un ensemble de mesures destinées à lutter contre les violences sexistes. Définir la prostitution comme une violence dont les principaux auteurs, les hommes clients, doivent par conséquent être sanctionnés ne pouvait que rencontrer un vif intérêt au sein d'un mouvement des femmes français qui s'est historiquement constitué dans le combat contre les violences faites aux femmes12. Les relais institutionnels du féminisme C'est à la fin des années 1990, sous l'impulsion première des associations abolitionnistes bientôt rejointes par de larges pans du mouvement des femmes, que se dessine une mobilisation revendiquant l'objectif d'une abolition de la prostitution. Celle-ci bénéficie d'un contexte politique et institutionnel favorable, sous l'effet de ce que Laure Bereni et Anne Revillard ont décrit comme une acclimatation institutionnelle du féminisme13. Après avoir été longuement dénoncée, la marginalisation politique des femmes fait l'objet de réponses institutionnelles : création en 1995 de l'Observatoire de la parité, nomination en 1997 d'une déléguée interministérielle aux Droits des femmes puis, en 1999, adoption de la première loi sur la parité. La même année voit la création de délégations parlementaires aux Droits des femmes, saisies dès qu'un projet ou une proposition de loi concerne l'égalité hommesfemmes. Celle du Sénat, présidée par la socialiste Dinah Dericke, consacre une partie importante de son rapport d'activité de 1999 à la prostitution14. Ce rapport, pour la préparation duquel personnalités et organisations tant féministes qu'abolitionnistes (M.-V. Louis, Mouvement du Nid, MAPP, Coordination française du Lobby européen des femmes, etc.) ont été auditionnées, est le premier d'une longue série de 11 Ce terme, qui désigne celles qui font avancer la cause des femmes de l'intérieur des institutions, a été forgé par Lee Ann Banaszak, The Women' Movement Inside and Outside the State, Cambridge, Cambridge University Press, 2010. 12 Pauline Delage, Violences conjugales. Du combat féministe à la cause publique, Paris, Presses de Sciences-Po, 2017. 13 Laure Bereni, Anne Revillard, « Des quotas à la parité : "féminisme d'État" et représentation politique (19742007) », Genèses, n° 67, 2007. 14 Dinah Dericke, Les Politiques publiques et la prostitution, Rapport d'information sur l'activité de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes pour l'année 2000, Sénat, n° 209, 2000-2001. 5 travaux parlementaires sur le sujet15. En 2001, la mission d'information sur l'esclavage moderne auditionne à son tour le Mouvement du Nid et le MAPP sur la question de la traite des êtres humains16. Un an plus tard, la présidente socialiste de la Commission nationale contre les violences envers les femmes confie à M. Marcovich la rédaction de son rapport sur le « système de la prostitution ». La préparation des articles relatifs à la prostitution de la Loi sur la sécurité intérieure de mars 2003 donne elle aussi lieu à des rapports parlementaires, qui rappellent combien l'existence de la prostitution est liée à celle des inégalités entre hommes et femmes17. Suivront le rapport de la mission d'information sur la prostitution préparé par les députés Danielle Bousquet et Guy Geoffroy18 (qui, le premier, préconise de pénaliser les clients des prostituées), celui des sénateurs Chantal Jouanno et Jean-Pierre Godefroy sur la situation sanitaire et sociale des prostituées19 ainsi que ceux, produits tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, qui accompagnent la discussion de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, adoptée le 13 avril 2016. Celle-ci avait été précédée par le vote par l'Assemblée nationale, en décembre 2011, d'une résolution « réaffirmant la position abolitionniste de la France en matière de prostitution » et par la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes dont l'article 1er stipule que la politique pour l'égalité entre les femmes et les hommes comporte notamment des actions visant à renforcer la lutte contre le « système prostitutionnel ». Tout, bien sûr, ne s'est pas joué dans les arènes institutionnelles. On l'a dit, la campagne « Abolition 2012 » qui a assuré la promotion de la pénalisation des clients a vu l'implication d'un large éventail d'associations à l'identité féministe revendiquée. Organisation de rencontres-débats dans toute la France, tribunes de personnalités dans la presse, prises de positions publiques de porte-parole associatives, rassemblements et manifestations, etc. ont donné une ample visibilité médiatique à la campagne et conféré un poids certain à ses interpellations du champ politique. Dericke, Les Politiques publiques et la prostitution. Rapport d'information sur l'activité de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes pour l'année 2000, Sénat, n° 209, 2000-2001. 16 Christine Lazerges, Alain Vidalies, Rapport de la mission d'information commune sur les diverses formes de l'esclavage moderne, Assemblée nationale, n° 3459, 2001. 17 Janine Rozier, Rapport d'information fait au nom de la Délégation au droit des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur le projet de loi n° 30 (2002-2003) pour la sécurité intérieure, Sénat, n° 34, 29 octobre 2002, et Marie-Jo Zimmermann, Rapport d'information fait au nom de la Délégation au droit des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur le projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence (n° 381) pour la sécurité intérieure, Assemblée nationale, n° 459, 5 décembre 2002. 18 Danielle Bousquet, Guy Geoffroy, Prostitution : l'exigence de responsabilité. En finir avec le mythe du « plus vieux métier du monde », Assemblée nationale, Commission des lois, n° 3334, 2011. 19 Chantal Jouanno et Jean-Pierre Godefroy, Situation sanitaire et sociale des personnes prostituées : inverser le regard, Sénat, Commission des affaires sociales, n° 46, 8 octobre 2013. 6 La représentation d'une revendication portée par un mouvement social et adoptée sous sa pression par des responsables politiques serait pourtant trompeuse. Solidaire d'une conception des mouvements sociaux comme nécessairement extérieurs à un champ politique étanche, elle méconnaît que les institutions comptent fréquemment en leur sein des militants (ou ex-militants) entendant y défendre les valeurs et projets qui leur sont chers. C'est spécialement le cas du féminisme dont l'institutionnalisation au sein de l'État a offert des opportunités de carrière à ses militantes aux qualifications les mieux ajustées - et que le terme de fémocrates vise donc à désigner. C'est spécialement le cas ici, puisque la gestion administrative du traitement social de la prostitution (dont les associations abolitionnistes tirent une large part de leurs financements) été confiée à la fin des années 1990 au Service des Droits des femmes au sein de la Direction générale des affaires sociales20. La cooptation institutionnelle de représentants associatifs favorise pour sa part une homogénéisation des représentations et des positions d'acteurs multipositionnés dans et hors de l'État : C. Legardinier n'est ainsi pas seulement journaliste à Prostitution et société mais a été membre de l'Observatoire de la parité entre 2002 et 2005, tandis que le secrétaire général du Mouvement du Nid, Grégoire Théry, est membre du Haut conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes qui lui a succédé - un Conseil présidé par l'ancienne députée Danièle Bousquet, co-auteure du rapport parlementaire sur la prostitution de 2011. 21 7 (tels Médecins du monde) et du mouvement homosexuel (à l'instar d'Act Up), ont également pointé combien une telle mesure apparaissait régressive en regard des acquis de trente ans de lutte contre le VIH-sida, lesquels ont largement attesté la contre-productivité des options coercitives22. De même, une lecture unilatéralement féministe conduit-elle à une appréhension réductrice de la prostitution en occultant celle exercée par des hommes et des trans, dont les conditions d'exercice ne sont pas moins tramées par des rapports de domination que celles des femmes 23. Enfin, la définition univoque des prostituées comme victimes passives de l'oppression patriarcale pourrait bien être l'expression d'un misérabilisme où se mêlent condescendances de genre, de classe et de « race ». Les controverses, souvent vives, suscitées par le thème de la prostitution au sein du féminisme français paraissent reproduire, avec quelques décennies de distance, les fameuses sex wars qui, sur la question proche de la pornographie, avaient clivé le mouvement des femmes américain à la fin des années 197024. S'y étaient déjà exprimés le refus de certains courants de n'envisager la sexualité féminine qu'en termes d'oppression masculine et la crainte qu'une telle conception ne rejoigne le puritanisme réactionnaire de la droite religieuse25. Le Mouvement du Nid est certes issu du catholicisme social et ce sont avant tout des partis de gauche qui ont défendu la loi d'avril 2016 alors que la droite réclamait le maintien de la pénalisation du racolage. Reste que la nouvelle législation n'appréhende pas tant la prostitution comme la résultante de structures économiques, sociales et genrées inégalitaires que comme le produit de l'action purement individuelle de figures délinquantes (proxénètes et clients), et entérine le passage d'une conception redistributrice de la justice (dont l'emblème est le travailleur social) vers une vision punitive (incarnée par policier) de celle-ci. Le soutien accordé par de larges pans du mouvement des femmes français à cette politique pénale se rapproche ce faisant de ce que Elizabeth Bernstein désigne aux États-Unis comme un « féminisme carcéral », désormais converti à la transfiguration néolibérale des problèmes sociaux en problèmes de sécurité26. 22.
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Collections et séries de problèmes métrologiques dans le corpus héronien et pseudo-héronien 1 Bernard Vitrac1 1 CNRS UMR 8210 (AnHiMA). Labex HASTEC ANR-10-LABX-85. bernard.vitrac[at]gmail.com Résumé2. Dans cet article, nous délimitons un corpus de textes mathématiques grecs anciens selon plusieurs critères (thématique, codicologique, auctorial). La désignation n'est pas le fait des Anciens, mais la nôtre et l'un des objectifs de cet article est de justifier qu'il s'agit bien d'un corpus. Pour l'essentiel, il est composé de problèmes d'un genre particulier, les problèmes métrologiques, qui suivent un schéma formel et stylistique assez strict que nous dégageons et exemplifions. Deux autres niveaux d'analyse textuelle sont introduits : les collections - force est de constater l'écart qu'il y a parfois entre leur mode d'existence codicologique et la manière dont elles ont été éditées aux XIX XX siècles - et les séries. Nous montrons que certaines de ces séries se laissent facilement identifier en tant qu'intersection de collections tandis que, pour d'autres, la cohérence est à chercher du côté d'un critère logique ou algorithmique qui correspond lui-même à un (ou plusieurs) des constituants du schéma de problème métrologique. Les particularités de ce corpus, assez différentes de celles reconnues aux compilations d'autres types de problèmes, tiennent certainement autant aux modalités de sa transmission qu'aux spécificités du domaine qu'il représente. e e Abstract. Collections and series of metrological problems in the heronian and pseudo-heronian corpus. In this article we define a corpus of ancient Greek mathematical texts according to several criteria: thematic, codicological, and authorial. Its designation is not ancient, but ours, and one of the aims of this article is to prove that it is indeed a corpus. It essentially consists of problems of a particular kind, namely metrological problems that fairly strictly follow a formal and stylistic scheme. We identify this scheme and give examples of it. Two other levels of textual analysis are introduced: collections and series. For the first, we discuss the gap that sometimes exists between their mode of codicological existence and how they were edited in the XIXth and XXth centuries. As for series, we show that some of them are easily identified as intersections of collections, while the consistency of others must be sought in a logical criterion or an algorithm. In the latter case, these criteria correspond to one (or several) of the components of the above mentioned scheme of metrological problems. 1. La délimitation du corpus Le corpus métrologique héronien et pseudo-héronien est délimité ici selon trois critères : 1) Comme son nom l'indique, il contient les collections de problèmes métrologiques attribuées à Héron (I -II s. de notre ère), que cette attribution soit raisonnablement indiscutable (Metrica) ou incertaine, voire totalement erronée. 2) Le second critère est l'homogénéité thématique du contenu des problèmes qui portent sur la mesure de figures géométriques, d'objets, de constructions ou sur la division des figures. Cette contribution a été présentée au Séminaire du programme « Séries de problèmes, un genre au carrefour des cultures », le 19 Septembre 2014. Elle a ensuite été relue par Alain Bernard et Marc Moyon. Je remercie les participants du Séminaire ainsi que mes deux relecteurs pour les remarques et suggestions qu'ils m'ont faites et qui m'ont aidé à améliorer et clarifier mon propos. Cet article s'appuie sur un travail sur le corpus héronien et pseudo-héronien entrepris depuis longtemps et qui est l'objet d'une longue Étude complémentaire (« La postérité des Metrica. Le corpus métrologique grec ») insérée dans l'édition (traduite et commentée) des Metrica de Héron d'Alexandrie que Fabio Acerbi et moi-même avons récemment publiée (Acerbi-Vitrac, 2014, pp. 429-588 ; les références bibliographiques complètes des ouvrages cités ici, y compris les éditions des textes héroniens, se trouvent en fin d'article). Le lecteur intéressé pourra y trouver beaucoup d'autres détails concernant Héron, les écrits qui lui sont attribués, les manuscrits, les possibles finalités, les modalités de composition et de transmission dudit corpus. Une version préliminaire de ce travail Héron d'Alexandrie et le corpus métrologique : état des lieux ») est disponible en ligne : http://halshs.archives-ouvertes.fr ou https://www.academia.edu/1229080/Héron_dAlexandrie_et_le_corpus_métrologique_état_des_lieux). 3) Le dernier est codicologique et textuel : plusieurs manuscrits indépendants contiennent à peu près les mêmes collections de problèmes, parfois avec la même attribution, souvent dans le même ordre, et on repère entre ces collections des phénomènes d'interaction textuelle (citations, portions communes). Ce corpus ne représente évidemment pas la totalité des écrits de Héron, surtout connu pour ses ouvrages de mécanique. Son traité de la Dioptre, ouvrage qui serait pourtant pertinent quant aux mesures effectuées sur le "terrain", ne fait pas partie de ce corpus, transmis qu'il est selon une tout autre lignée textuelle. En revanche, celui des Definitiones (un recueil de définitions géométriques, partiellement attribué à notre mécanicien alexandrin par la majorité des spécialistes), accompagne les collections de problèmes. Ce corpus ne constitue pas non plus le tout de la littérature métrologique en grec qui inclut aussi : - des recueils de problèmes métrologiques dans des papyri ou sur des tablettes dits scolaires lesquels s'échelonnent du I au VII siècle ; - le traité de Didyme d'Alexandrie (sans doute un contemporain de Héron) « sur la mesure de toutes espèces de bois » qui accompagne notre corpus, mais n'est jamais attribué à Héron. - des tables et problèmes métrologiques, ponctuellement insérés dans d'autres types de manuscrits, notamment juridiques. On peut leur adjoindre une littérature métrologique byzantine (Michel Psellos, Jean Pédiasimos, Isaac Argyre et quelques autres, moins connus) qui mentionne d'ailleurs souvent Héron comme autorité ou le 'pille' sans dire son nom. e Il faut aussi souligner que cette délimitation et cette désignation ne sont pas le fait des Anciens, qu'elle est nôtre et donc l'un des objectifs de cet article est précisément de justifier qu'il s'agit bien d'un corpus. Reste pourtant bien des questions qui touchent aux modalités, au contexte et à l'époque de sa constitution, aux étapes successives de sa transmission et aux intentions qu'il faut prêter aux initiateurs de ces différentes phases. Outre Héron et peut-être Didyme, il semble que certains savants des écoles néo-platoniciennes de l'Antiquité tardive, plus tard les cercles érudits byzantins, actifs à Constantinople et Thessalonique, aient joué un rôle important. Quant aux motivations, on peut imaginer la nécessité former des "techniciens" (arpenteurs, architectes, ingénieurs) à l'Époque romaine (depuis le milieu du XIX siècle, on tente d'établir des liens entre corpus métrologique grec et corpus agrimensorique latin ; voir Acerbi-Vitrac, 2014, pp. 519-533). Plus tard, l'usage didactique de nos textes dans le cadre d'un enseignement très élémentaire de la géométrie paraît indéniable. Le souci de sauvegarde patrimoniale de textes antiques, important dans l'Empire byzantin pour ce qui concerne les mathématiques, a certainement joué un rôle, en particulier au moment de la copie des plus anciens témoins conservés (IX -X siècles), notamment le codex Vallae des oeuvres d'Archimède (il contenait le de Mensuris attribué à Héron) et le Seragliensis gr. I.1, unique manuscrit à avoir préservé le traité des Metrica et une portion très importante du corpus (au sujet des principaux manuscrits du corpus, voir infra, ANNEXES, 1). e e e 2. Le sens du terme « problème » ; les problèmes métrologiques À l'autre extrémité du spectre en termes d'extension, on trouve le problème, entendu ici comme « unité textuelle ». Ces problèmes sont regroupés en collections (voir infra) dont la réunion constitue le corpus. D'après la vulgate historiographique, la notion de « problème » à l'oeuvre dans le corpus métrologique grec relève du niveau le plus élémentaire, le plus ancien, le plus diffusé des mathématiques, censé refléter et transposer un « acte pratique » des arpenteurs, architectes et autres 'ingénieurs' en vue de leur formation3, en l'occurrence la « mesure » d'une grandeur (longueur, surface, volume) ou la « division » d'une figure (plane ou solide). Soulignons qu'il s'agit du calcul des grandeurs et non, comme cela existe dans d'autres corpus de même genre, de la mesure "réelle" avec instrument. Ajoutons encore que la dualité « mesurer / diviser » est présente dans l'ouvrage le plus ancien du corpus (le seul que l'on puisse indiscutablement attribuer à Héron), les Metrica en trois livres, livres respectivement consacrés à : - la mesure des surfaces (planes et non planes) - livre I ; - la mesure des volumes - livre II ; - la division des figures planes et solides - livre III. On retrouve cette dualité dans les traditions médiévales arabes, latines, hébraïques du mesurage, mais, dans le cas grec ancien et pour ce qui concerne le corpus métrologique, la division des figures se trouve un dans le livre III des Metrica. Que celui-ci constitue une collection de problèmes, ordonnée selon différents critères : nature de la figure à diviser, nombre de portions à produire, conditions définissant le sectionnement, c'est évident, mais elle n'a, semble-t-il, aucunement interféré avec la portion pseudo-héronienne du corpus. Inversement, cette tradition de la division des figures est bien plus ancienne et a partie liée avec la géométrie démonstrative savante, puisque le traité le plus ancien que nous connaissions dans cette thématique est l'ouvrage des Divisions (Περὶ διαιρέσεων) d'Euclide, cité 3 Sur cette fonction de transposition à finalité pédagogique de la tradition des collections de problèmes, voir Van Egmond, 1996, pp. 379-381 et Høyrup, 1990, 1992 et 1997. par Proclus et conservé partiellement dans un épitomé arabe dû à al-Sizjî. Ne disposant d'aucun terme de comparaison grec4, je limiterai donc la suite de mon propos aux problèmes métrologiques proprement dits. Revenons à la notion de « problème » pour constater d'abord que le terme πρόβλημα n'est pratiquement jamais utilisé par Héron dans ses Metrica, en particulier dans chacune des préfaces qui ouvrent ses 3 livres et qui explicitent ses intentions : son but n'est pas d'exposer des « problèmes de mesure », mais les « mesures » (μέτρησεις) ellesmêmes! Le mot est aussi totalement absent des collections pseudo-héroniennes. On trouve 'πρόβλημα' seulement quatre fois dans le texte des Metrica, dont trois fois dans la même formule des sections III. 12, 14, 16 : « que la droite soit jointe ; la droite sera alors celle qui réalise le problème » et une fois dans III. 18 « dès lors, que ce problème n'est pas exprimable [en nombres], c'est évident », autrement dit dans des problèmes de division que Héron traite par analyse et synthèse et qui constituent des questions d'une complexité supérieure à celles des deux premiers Livres. Pour le dire autrement, Héron n'est pas Diophante5 et, du moins dans les deux premiers livres de ses Metrica, il ne prétend pas enseigner à ses lecteurs la façon de résoudre des questions qui ont suffisamment d'obscurité et/ou de sophistication (selon la caractérisation du problème dialectique donnée par Aristote en Topiques I.11) pour mériter ce nom de « problème ». Les raisons qui justifient la procédure de mesure de certaines figures peuvent s'avérer difficiles, mais la question elle-même est transparente à son objet ; il n'y a là aucune énigme, aucune subtil ité dans la formulation. Bien entendu les collections de problèmes requièrent parfois de se reporter à la résolution d'un 'problème' antérieur. Elles utilisent alors soit des expressions très vagues (ce qui a été écrit, ce qui a été dit, ce qui a été proposé ), soit, le terme "modèle", "exemple" (ὑπόδειγμα) ou "paradigme" (παράδειγμα). Précisément exemplifions la chose, ce qui nous permettra d'introduire un premier 'problème' métrologique simple, celui de la mesure des triangles équilatéraux : « De tout triangle équilatéral, trouver l'aire. Fais ainsi ; Multiplie toujours l'un des côtés par lui-même et de ce à quoi s'élève le [résultat] de cette multiplication, prends une tierce partie et un dixième. Et c'est l'aire du triangle équilatéral. Par exemple, à titre de paradigme (οἷον ὡς ἐν παραδείγματι), que chacun des côtés d'un triangle équilatéral soit de 10 cordeaux. Trouver l'aire. Que tu fasses ainsi ; Les 10 d'un seul des côtés par eux-mêmes : sont produits 100 ; Dont le 1/3 : sont produits 33 1/3 ; Et le 10 : sont produits 10 ; Ajoute 33 1/3 et 10 : sont produits 43 1/3 ; Autant de cordeaux que cela [est] l'aire du triangle équilatéral ». e La validité de la règle est soulignée de deux manières, la mention de tout triangle équilatéral et une formulation des opérations numériques à réaliser, sans instanciation numérique. Celle-ci fait l'objet du paradigme qui suit (le triangle de côtés tous égaux à 10 cordeaux). De fait, ce genre de double énonciation est assez rare dans le corpus grec : bien plus souvent, on y trouve une succession de simples 'paradigmes' dans laquelle on fait varier les données et dont la lecture doit permettre de déterminer la procédure sous-jacente! Voici un autre exemple : « Une pyramide appuyée sur un carré, dont chaque côté est sur 24 pieds et l'inclinaison sur 18 pieds ; Trouver (εὑρεῖν) son volume. Fais ainsi (ποίει οὕτως) ; 24 par eux-mêmes : sont produits (γίνονται) 576 ; dont le 1⁄2 : sont produits (γίνονται) 288. 18 par eux-mêmes : sont produits (γίνονται) 324 ; à partir desquels retranche 288 : reste (λοιπὰ) 36 ; dont le côté carré produit 6. Autant de pieds que cela (τοσούτων ποδῶν) sera la perpendiculaire. Dès lors prends le 1/3 de la perpendi culaire : sont produits (γίνονται) 2. Ceux-ci par les 576 : sont produits (γίνονται) 1162. Autant de pieds que cela (τοσούτων ποδῶν) sera le volume de la pyramide ». La traduction proposée ne vise pas l'élégance, mais s'emploie à respecter le caractère formulaire de la quasi totalité des problèmes métrologiques grecs anciens selon un schéma très stable indiqué ci-dessous et que le lecteur pourra 4 Cela dit, le fait que la géodésie traite aussi de la division des figures est rappelé par l'auteur de Definitiones 135.8 (ΗΟΟ IV, 102.13, traditionnellement rapporté à Géminus de Rhodes, I s ) : « De plus la géodésie pratique les divisions (ἡ γεωδαισία ποιεῖται τὰς διαιρέσεις), non seulement en parties égales, mais aussi selon des rapports et proportions ; et même quelquefois selon la qualité des terrains ». Voir la préface de ce dernier (DOO I, p. 2.3) et, ici même, l'article d'Alain Bernard. er 5 a facilement reconnaître aussi dans la portion "paradigme" de la mesure des triangles équilatéraux. Particulièrement remarquables sont les traits suivants : - la question principale est presque toujours énoncée avec une forme verbale à l'infinitif et « trouver (εὑρεῖν) », « mesurer (μετρεῖν) » en sont les deux expressions les plus communes. - La procédure de calcul est précédée par une phase d'« initialisation » (coloriée en bleu) à l'impératif. - La procédure fait se succéder une alternance d'opération et de résultats partiels énoncés avec le verbe produire (γίγνομαι) à l'indicatif, sauf pour la soustraction (« il reste »). - Une formule de résultat clôture ce calcul très souvent à l'aide de l'adjectif démonstratif « τοσούτων ». Le schéma ci-dessous (Tableau 1) constitue un idéal : il arrive que certaines formules manquent dans tel ou tel problème, sans doute l'indice d'une perte accidentelle, mais aucune des collections de problèmes de la portion pseudohéronienne du corpus n'est systématiquement dépourvue de l'une de ces formules (question, initialisation, résultat) scandant le texte. Tableau 1 : Structure d'un problème métrologique dans le corpus pseudo-héronien (i.e. pas in Metrica) Situation ou 'contexte' Énoncé [figure, objet, construction à mesurer] Diagramme numérique ou croquis Question(s) : déterminer un ou plusieurs autres nombres, principalement avec trouver (εὑρεῖν) et mesurer (μετρεῖν) Données numériques Formule d'initialisation, principalement avec : Niveau algorithmique ésultat, principalement avec : "Facultatif" « Fais (que tu fasses / je fais) ainsi » [ποίει (/ ποίησον / ποιῶ +) οὕτως] Procédure de calcul : Enchaînement quasi continu d'opérations (souvent mode impératif) et de résultats partiels (mode indicatif, très souvent avec γίγνομαι) « Autant que cela (τοσούτων, τοσούτου) » Niveau calculatoire : Détails des calculs de la procédure Vérification (réalisation effective des opérations, (ex. : dans les problèmes de partition de figure, vérifier que en particulier avec des nombres fractionnaires) la somme des aires des parties est égale à celle du tout) Variante explicite (de procédure), introduite par "Autrement" (Ἄλλως), i.e. « trouver (mesurer) autrement » Conversion métrologique Il y a très peu de problèmes qui ne possèdent pas de formule de question, laquelle peut cependant être parfois sousentendue, par exemple lorsqu'une indication de variantes de procédure (Ἄλλως) fait comprendre que la question reste la même, mais doit être résolue « autrement ». 3. Les collections du corpus héronien et pseudo-héronien Les Metrica de Héron forment un ouvrage divisé en trois livres, chacun consacré à un sujet bien identifié, spécifié dès la préface ; il ne contient pas seulement des problèmes métrologiques, mais aussi des théorèmes, des lemmes, des considérations métamathématiques, par exemple historiques, ainsi que la mention de divers ouvrages de la géométrie démonstrative'savante'. En principe, chaque figure est l'objet d'une section unique, la portée générale des procédures de résolution étant garantie par les démonstrations qui les accompagnent. Les problèmes métrologiques qu'on y trouve ne suivent donc pas le schéma strictement algorithmique que nous venons de mettre en évidence (Tableau 1) pour la portion pseudo-héronienne du corpus. Hormis ce maître-ouvrage, le corpus ne se réduit pas à un immense conglomérat de problèmes : il s'articule en collections qui, du point de vue de la transmission manuscrite, ont été traitées comme s'il s'agissait de traités. Certaines possèdent d'ailleurs un titre et une attribution. D'autres sont transmises sans titre et de manière anonyme Comment les définir? Notre seul point d'appui est constitué par les titres et les intertitres qui figurent dans les manuscrits, parfois par de simples traits ornementaux qui séparent une portion de la suivante. Plusieurs raisons font que si notre découpage (voir infra ANNEXES, Tableau 2a) n'est pas arbitraire, il n'est cependant pas indiscutable : le même genre d'intertitre, dans une graphie similaire, peut introduire un problème unique ou une collection (jusqu'à l'intertitre suivant) ou tout un ouvrage ; ils fluctuent dans les manuscrits, les plus récents ayant la fâcheuse tendance à être très généreux dans leurs attributions avec Héron. Certains titres n'ont manifestement pas été écrits par le copiste sur son modèle qui, peut-être, transmettait une attribution antique, mais ont été portés par une main tardive, après grattage d'un titre antérieur devenu illisible, en fonction d'une identification très spéculative Malgré ces incertitudes, je crois pouvoir identifier une quinzaine de collections d'ampleur très variable et quelques problèmes 'isolés'. Parmi ces collections figurent un recueil de définitions, un formulaire accompagné de tables métrologiques, le reste contenant majoritairement des problèmes. Le lecteur en trouvera la liste dans le Tableau 2a des ANNEXES. Sept sont (systématiquement) attribuées à Héron (n° 1-6 + 11), deux à Euclide (n° 7, 9), une à Didyme (n° 16), une à Diophane (de Bithynie?) ou à Diophante (n° 8). Cinq sont transmises de manière anonyme (n° 10, 12, 13, 14, 15) dans le manuscrit le plus ancien (S) – son copiste attribue seulement les Metrica et une toute petite portion des εἰσαγωγαὶ τῶν γεωμετρουμένων à Héron! – quand certains codices tardifs lui assignent aussi les n° 12-13-1415. Le tableau 2b indique sous quel intitulé chaque collection se retrouvent dans les éditions critiques (Hultsch, Heiberg dans HOO et MGM) et donne le nombre de problèmes, plans et/ou stéréométriques, qu'elles contiennent. Le nombre total de problèmes – toujours entendu comme unités textuelles – dépasse 500, mais il y a des duplications : par exemple le problème de pyramide que nous avons cité plus haut existe en 5 exemplaires dans le corpus. Celui-ci doit contenir environ 350 problèmes véritablement distincts. L'un des traits les plus saillants qui se dégage de cet inventaire est le contraste que l'on observe entre le statut codicologique de certaines collections composant le corpus et leurs caractéristiques textuelles. Ainsi les recueils intitulés De mensuris, Liber geeponicus, Geodaesia sont chacun transmis dans une famille de manuscrits bien identifiables, et attribués sans équivoque, ni variations, à Héron (et seulement à lui) ; mais le De mensuris et le Liber geeponicus sont des compilations dépourvues de toute cohérence globale, pas même celle d'un florilège : aucun auteur ne peut avoir conçu ces textes sous cette forme. Inversement, d'autres collections possèdent une cohérence locale (sérielle!) assez forte (par exemple les N° 6, 7, 10, 11, 15) ; cela dit, Geometrica, Stereometrica I et II – titres de collections éditées par Heiberg – n'ont aucune existence codicologique : il s'agit d'artefacts éditoriaux , surtout Geometrica et Stereometrica I (voir Tableau 2b des ANNEXES et Acerbi-Vitrac, 2014, pp. 462-464, 470-471). 4. Entre problèmes et collections, les séries Dans son article « Types and Traditions of Mathematical Problems » (1996), Van Egmond énonçait des thèses fortes sur la constitution des séries de problèmes mathématiques : celles-ci sont des compilations d'éléments isolés et déconnectés (les problèmes), empruntés à d'autres collections soit au hasard soit pour constituer des anthologies de 'favoris'. D'autre part, dans cette constitution quelque peu aléatoire des collections, les problèmes peuvent se trouver altérés : changement des paramètres ou des situations de problèmes, variation de la forme, addition d'une complication, mixage avec de nouveaux problèmes inventés pour l'occasion, et éventuellement réordonnés pour servir certaines intentions. Par conséquent, les outils habituels de l'analyse textuelle et de la philologie classiques sont largement sans usage pour l'étude de ces collections dont la transmission serait doublement fluide, la fluidité s'exerçant au niveau de la compilation (sélection, réorganisation) et au niveau même de la constitution des unités textuelles (problèmes). La transmission serait donc moins le fait d'une succession de copistes que d'une multitude d'"auteurs" collaboratifs. À la traditionnelle histoire de la transmission des textes, Van Egmond propose de substituer une typologie des problèmes entendus, non plus comme des unités textuelles historiquement et linguistiquement situées, mais comme des formes mathématiques (dans les exemples qu'il donne, leur modalité d'expression est essentiellement algébrique) dont il conviendrait de suivre la circulation et les métamorphoses à travers l'histoire et les différentes civilisations. Le corpus métrologique grec ancien permet de tempérer (ou de circonscrire) quelque peu cette forte thèse, qui contient sans doute une bonne part de vérité, mais qui n'introduit aucun niveau intermédiaire – la série? – entre problème et collection. L'analyse de Van Egmond peut se prévaloir de la connaissance approfondie d'un vaste corpus de problèmes, mais celui-ci est, à plusieurs titres, très différent du nôtre : 6 7 En revanche, ce schéma s'applique aussi au traité attribué à Didyme et aux papyri dits scolaires à contenu géodésique. La Geodaesia est un simple extrait, sans doute très tardif (XV s.?), d'une autre collection (N° 6 : Εἰσαγωγαὶ τῶν γεωμετρουμένων). e - Il s'agit de 'textes' beaucoup plus récents (Moyen Âge & début de l'Époque moderne) qui n'ont pas eu à suiv re le cheminement très sélectif des textes grecs anciens, notamment la translittération byzantine ; - Ils circulent dans des milieux, par exemple les cités italiennes du Bas Moyen Âge, où la réception sociale des textes mathématiques, bientôt relayée par l'imprimerie, est incommensurable avec ce qui a existé dans l'Antiquité et même à Byzance. - Même si, par souci de complétude et contrairement à ses prédécesseurs, Van Egmond inclut les problèmes métrologiques dans la classification des problèmes de son Appendice I (catégorie iii. 1, voir pp. 391-392 et 410), ses travaux portent avant tout sur des problèmes de caractère arithmétique dans lesquels le repérage d'ordonnancement est sans doute plus difficile à faire que dans le corpus métrologique, tributaire, au moins dans le cas grec, des classifications des lignes et des figures issues de la géométrie savante. Lorsque l'on compare les collections composant le corpus pseudo-héronien et que l'on analyse le contenu de leurs intersections mutuelles quand celles-ci sont non vides, on constate que ces intersections (résultats d'emprunt, de compilation ) ne se réduisent pas à des problèmes isolés – ce cas est rare – mais prennent plutôt la forme de séries, définies par un genre ou une espèce d'objets ou autour d'un type de questions [par exemple inscrire (resp. circonscrire) tel objet à (resp. dans) tel autre ]. C'est ce que notre schéma du Tableau 3 des ANNEXES met en évidence. La notion de "série" ainsi repérée peut s'analyser selon des critères non strictement textuels mais plutôt logiques, algorithmiques ou géométriques. Quant à l'extension, elle se situe à un niveau intermédiaire entre le problème individuel (unité textuelle basique) et la collection (macro-unité textuelle définie codicologiquement et philologiquement) et elle est constitutive des collections, y compris les florilèges, y compris les collections apparemment les plus désordonnées (De mensuris ; Liber geeponicus). D'autres séries - il ne s'agit pas nécessairement d'intersections de collections - sont construites par variations autour des procédures (ἄλλως εὑρεῖ͂ν, ἄλλως μέτρησαι), soit pour engendrer une série de problèmes, soit une série de questions à l'intérieur d'un même problème. Un cas particulier assez fréquent joue sur l'inversion du couple « donnée(s) / cherché(e)s », ce qui revient à enchaîner des algorithmes inverses l'un de l'autre. En fait, tous les éléments que nous avons identifiés comme constitutifs d'un problème métrologique : l'objet, les données, le couple « donnée(s) / cherché(e)s », la question, la procédure sont autant de prétextes à variations pour constituer des séries, ce qui confirme la pertinence de ce schéma structurel et le caractère opératoire de la notion de série. 5.Conclusion : la spécificité des corpus métrologiques Cette caractéristique paraît liée autant à un mode de constitution textuel puis à un phénomène d'intertextualité dans la transmission qu'à la spécificité thématique du corpus et au statut'subordonné' (pour parler comme Aristote) de la géodésie vis-à-vis de la géométrie. Cette subordination ouvre la possibilité que les collections de problèmes représentent tout un aspect du savoir géométrique – précisément l'aspect métrologique –, par ailleurs exposé (et démontré!) dans les écrits très savants d'Eudoxe, Euclide, Archimède, Apollonius, Dionysodore Elle est inscrite dès le début de certaines collections de problèmes qui listent les figures à traiter. Par exemple les différentes espèces de triangles, de trapèzes, les polygones réguliers à N côtés (5 ≤ N ≤ 12), les différentes espèces de pyramides entières ou tronquées Voir note 10. Ledit schéma cherche aussi à montrer une certaine stratification chronologique du corpus à partir de la comparaison de ces intersections de collections. Ainsi la portion plane de la collection N° 10, dont le caractère anthologique est confirmé par la variété de ses formules de question (plus de 10 verbes différents utilisés là où des collections bien plus importantes en taille se contentent de deux ou trois) et où l'on repère une série sur le triangle rectangle, une série de « variations » sur la question « inscrire \ circonscrire », une série de « variations » sur la question « mixer telles grandeurs puis les séparer » Quand il y a, par exemple, deux grandeurs données (g, g ) pour en trouver une troisième (g ), on envisagera des problèmes ou des questions en faisant toutes les permutations possibles : (g, g ) ® (g ) ; (g, g ) ® (g ) 1 2 3 1 3 Références bibliographiques sur Héron et le corpus pseudo-héronien Éditions et traductions Codex Constantinopolitanus Palatii Veteris No. 1. E.M. Bruins (éd.), Janus Supplements volume II, 3 vol., Leiden, E. J. Brill, 1964. Diophanti Alexandrini opera omnia cum Graeciis commentariis (DOO), edidit et latine interpretatus est P. Tannery, vol. 2, Leipzig, B. G. Teubner, 1895. Heronis Alexandrini Geometricorum et Stereometricorum reliquiae. F. Hultsch (éd.), Berlin, Weidmann, 1864. Heronis Alexandrini opera quae supersunt omnia (HOO). Leipzig, B. G. Teubner. Volumen III . Rationes dimetiendi et Commentatio dioptrica, recensuit H. Schoene (1903) Volumen IV. Heronis Definitiones cum variis collectionibus. Heronis quae feruntur Geometrica, edidit J. L. Heiberg (1912) Volumen V. Heronis quae feruntur Stereometrica et De mensuris, edidit J. L. Heiberg (1914) Héron d'Alexandrie, Metrica. Introduction, édition critique, traduction française et commentaires par F. Acerbi et B. Vitrac. Collection Mathematica Graeca Antiqua, 4. Pisa, Fabrizio Serra editore, 2014. Mathematici Graeci Minores (MGM), edidit J. L. Heiberg, Det Kongelige Danske Videnskabernes Selskabs, Historiskfilologiske Meddelelser XIII,3, København, Bianco Lunos Bogtrykkeri, 1927. P. Ver Eecke, Les opuscules mathématiques de Didyme, Diophane et Anthémius suivis du fragment mathématique de Bobbio, Paris-Bruges, Desclée, De Brouwer et Cie, 1940. Études J. Høyrup, Sub-scientific Mathematics ; Undercurrents and Missing Links in the Mathematical Technology of the Hellenistic and Roman World. Roskilde Universitetscenter, Preprints and reprints, 1990 n°3. J. Høyrup, « Algèbre d'Al-gabr » et « algèbre d'arpentage » au neuvième siècle islamique et la question de l'influence babylonienne. In F. Mawet & Ph. Talon, D'Imhotep à Copernic. Louvain, Peeters, 1992, pp. 83-110 J. Høyrup, Hero, Ps.-Hero, and Near Eastern Practical Geometry. An Investigation of Metrica, Geometrica, and other Treatises, in K. Döring, B. Herzhoff, and G. Wöhrle (eds.), Antike Naturwissenschaft und ihre Rezeption. Band 7. Trier, Wissenschaftlicher Verlag Trier 1997, pp. 67–93. T.-H. Martin, Recherches sur la vie et les ouvrages d'Héron d'Alexandrie, Paris, Imprimerie impériale, 1854. W. Van Egmond, Types and Traditions of Mathematical Problems, in M. Folkerts (ed.), Mathematische Probleme im Mittelalter. Der lateinische und arabische Sprachbereich. Harrassowitz Verlag, Wiesbaden 1996, pp. 379-428. Annexes 1. Les manuscrits du corpus métrologique héronien et pseudo-héronien 13 Nous ne disposons d'aucun manuscrit métrologique antique grec (contrairement au cas des Agrimensores latins) : nos codices sont contemporains de – ou postérieurs à – la (première) Renaissance byzantine et à l'opération de translittération des textes (IX -X s.), i.e. en écritures minuscules. Qui pis est, dans leur très grande majorité (autour d'une centaine), ils sont tardifs (XV -XVII s) et leur copie témoigne davantage de l'intérêt des humanistes pour ces textes, plutôt que d'un usage professionnel pratique Pour la période X -XIV siècle, outre les codices transmettant – de manière isolée – les compilations de compilations ou épitomés (De mensuris, Liber geeponicus, Geodaesia) ou des fragments, nous avons essentiellement 2 grands manuscrits métrologiques qui, à eux seuls, contiennent pratiquement la totalité des problèmes du corpus : e e e e e e • Istanbul Seragl. gr. I.1 (S), milieu du X s., in f°, parchemin, 112 ff. Copié par le moine Éphrem. Il contient une portion du corpus pseudo-héronien, le traité de Didyme et les Metrica de Héron (l'unique témoin!), donc seulement des textes antiques (au moins en théorie). e • Par. suppl. gr. 387 (C), début XIV s., in 4°, papier oriental, 219 ff. Il contient des notes astronomiques et médicales, un catalogue d'étoiles, des notes chronologiques, différents manuels de calcul (ψηφιφορία), copiés par plusieurs mains et des écrits du corpus pseudo-héronien. La portion pseudo-héronienne est d'une seule main, celle de Georgios Chumnos. e Deux ou trois autres manuscrits sont importants, car ils nous donnent accès à des états textuels différents, ou plus anciens, de certaines collections : • Par. gr. 1670 (A), XII s., in 4°, parchemin, 131 ff. Il contient des livres de comptabilité fiscale, des décrets royaux, des tables de fractions, des calculs de la date de Pâques et des écrits du corpus pseudo-héronien, à peu près les mêmes que dans C, mais seulement en ce qui concerne les problèmes de géométrie plane. e • Par. gr. 2448 (P), début XIV s., in 4°, papier, 141 ff. Il contient 2 collections métrologiques (non attribuées à Héron!) : l'opuscule dit de Diophane (ff. 70v-76v), avec le titre Διοφάντου ἐπιπεδομετρικά et, aux ff. 76v-78r, sous le titre Εὐκλείδου εὐθυμετρικά, un formulaire édité par Heiberg comme Geom. 22. Pour le reste, il contient les Data et la Catoptrique d'Euclide, ainsi que quelques traités de la 'petite astronomie' dans des recensions propres à ce codex. e On pourrait leur adjoindre : • Vat. gr. 215 (V), XI s., in 4°, papier oriental, 196 ff. C'est le plus ancien témoin du (seul) Liber Geeponicus (ff. 1-24r). Le reste du codex (ff. 24r-191) contient le De re rustica (= Géoponiques!) de Cassianus Bassus le scholastique – ou plutôt la version remaniée qui en a été faite à l'époque de Constantin VII Porphyrogénète –, puis, après un folio vide, un extrait d'un cadastre de Thèbes provenant d'un autre manuscrit (ff. 193-196). e 13 Pour davantage de détails concernant les manuscri ts de notre corpus, voir HOO, volume V, pp. I-CXI (en particulier XXXVII-XLV et LXVI-LXVIII) et Acerbi-Vitrac, 2014, pp. 434-445. 2. Les collections du corpus héronien et pseudo-héronien (manuscrits versus éditions) 3. Représentation du corpus métrologique pseudo-héronien basée sur l'inventaire de séries comme intersection de collections Le Tableau 3 infra présente les collections de problèmes (Tableau 2b) ; il ne s'agit en aucun cas d'un stemma, même si le tableau suggère une certaine sédimentation chronologique représentée'verticalement' : le haut du tableau est plus ancien que le bas. Une flèche entre deux collections signifie qu'elles ont une intersection non vide dont le contenu est indiqué dans la 'note' infrapaginale portant le numéro indiqué sur ladite flèche (de même couleur). Une flèche unidirectionnelle indique que l'on croit pouvoir déterminer dans quel sens s'est fait l'emprunt ; dans le cas contraire, elle est à double sens. 14 La Géométrie dite d'Euclide existe (et n'existe que) dans S. Même si on fait l'hypothèse que l'extraction-compilation est contemporaine de la copie du codex – l'époque de Constantin VII Porphyrogénète –, il paraît très vraisemblable que les collections 'à partir desquelles' elle a été construite [Εἰσαγωγαί, De mensuris, florilège (m)] ont elles-même été constituées dans l'Antiquité tardive au plus tard..
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Rôle de l’IL-17 locale dans l’induction de la NETose et l’obstruction pulmonaire au cours la Broncho-Pneumopathie Chronique Obstructive (BPCO).
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II. L’immunité dans la BPCO La BPCO est une maladie inflammatoire complexe dans laquelle intervient un grand nombre de cellules et médiateurs inflammatoires. Elle résulte d’une réponse inflammatoire innée qui va être non contrôlée et évoluer en réponse inflammatoire adaptative. Les dégâts engendrés par la réponse immunitaire innée entretiennent souvent une réponse inflammatoire. 1. La réponse immunitaire innée Comme décris précédemment, le commencement de la maladie fait suite aux facteurs de risques dont le tabagisme. L’exposition au tabac et ses divers composants toxiques va induire un stress et une réponse des cellules immunitaires innées engendrant une inflammation pulmonaire. Les cellules immunitaires innées qui ont une responsabilité dans cette inflammation sont les cellules épithéliales bronchiques, les macrophages, les PMNs et les cellules lymphoïdes innées. a) Les cellules épithéliales bronchiques Lors de l’exposition à la fumée de cigarette, certaines cellules de l’épithéliale bronchique vont subir des dommages entraînants le relargage de composés, appelés DAMPs (damage associated molecular patterns). Il a été démontré que l’exposition des cellules épithéliales bronchiques à la fumée de cigarette, induit leur autophagie, ce qui serait une grande source de relargage de DAMPs59. Ces molécules ainsi que la fumée de cigarette vont activer les récepteurs Toll like ou TLR, induisant la sécrétion d’IL-1b et de CXCL824. Le stress oxydant participe également à la sécrétion de CXCL860. Ces cytokines et chimiokines proinflammatoires vont alors initier le recrutement des cellules inflammatoires telles que les polynucléaires neutrophiles et les monocytes grâce à l’expression de CCR2 à leurs surfaces. Ces derniers, une fois arrivés au sein du parenchyme pulmonaire, vont différencier en macrophage61. 23 b) Les macrophages alvéolaires Les macrophages sont les cellules immunitaires les plus abondantes au sein du parenchyme pulmonaire sain. Leur fonction est de phagocyter les cellules apoptotiques et les débris cellulaires, processus appelé efférocytose62. Ils ont également un rôle au sein de l’initiation de la réponse immunitaire adaptative, puisqu’ils sont capables de phagocyter les pathogènes, au sein des phagosomes qui fusionnent avec les lysosomes pour former les phagolysosomes, organites essentiels pour la destruction intracellulaire du pathogène. Ils présentent l’antigènes aux lymphocytes T CD4 (LT CD4). Ils peuvent se différencier en deux phénotypes, les macrophages de type 1 (M1) ou de type 2 (M2)63. Les M1 ont une activité microbicide, sécrètent des médiateurs inflammatoires tels que l’IL-1, l’IL-6 et le tumor necrosis factor (TNF-a) ainsi que des espèces réactives de l’oxygène. Le profil M2 est de type anti-inflammatoire et oriente vers la réparation tissulaire. Dans le tissus pulmonaire sain les macrophages résidents sont en majorité non polarisés 64. Ces cellules ont un rôle déterminant dans la BPCO. De nombreuses études révèlent en effet qu’ils sont présents en très grand nombre dans les lavages broncho-alvéolaires des patients fumeurs BPCO ou fumeurs non BPCO65. Leur nombre est corrélé à la destruction alvéolaire et le stade de la maladie chez les patients BPCO34,66. Leur profil phénotypique diffère de celui des macrophages des donneurs sains, notamment une diminution des marqueurs CD14, CD16, CD49, CD163 et CD206 et une augmentation de sécrétion de MMP-9, de MMP-12 et de GM-CSF favorisant ainsi le recrutement des neutrophiles, l’ emphysème et le remodelage pulmonaire67. Le microenvironnement pulmonaire chez les patients BPCO, entraîne une polarisation des macrophages vers le profil M1 et M2. Une autre population de macrophage double positif pour les marqueurs M1 et M2 a été identifiée chez les patients BPCO64. Leur distribution au sein du tissus pulmonaire est différente. Les macrophages non polarisés sont retrouvés de façon homogène au sein du tissu pulmonaire, tandis que les M1 sont prédominants au niveau des parois des petites voies respiratoires et les M2 dans les espaces alvéolaires68. Les macrophages pulmonaires de patients BPCO ont un défaut de phagocytose des bactéries comme l’E. Coli, le S. Pneumoniae et l’H. Influenzae comparé à celui des macrophages issus de donneurs sains, et ce malgré une expression inchangée des récepteurs TLR2, CD14, TLR4 et CD163, nécessaires à la phagocytose de ces pathogènes69. Le mécanisme de défaut de phagocytose reste à être déterminé, bien que Dr Hodge S. et al ont démontré un effet direct de la fumée de la cigarette sur la diminution de l’expression de 24 CD44, CD71, CD31 et CD91 des macrophages, à l’origine de ce défaut de phagocytose70. Cependant, ces résultats n’ont pas été confirmés par l’équipe de du Dr Taylor69. Un défaut d’efférocytose est également constaté conduisant à une diminution de l’élimination des cellules épithéliales bronchiques apoptotiques qui vont alors entrer en nécrose71. Cette nécrose va entretenir l’inflammation chronique en libérant des médiateurs inflammatoires qui vont stimuler les cellules NK et activer les cellules dendritiques qui a leur tour vont activer les cellules lymphoïdes T (LT). Les macrophages, par l’intermédiaire de médiateurs chemoattractants et de cytokines, t également participer au recrutement et à la stimulation d’autres cellules immunitaires. Ainsi, grâce à la sécrétion de CXCL8, de CXCL1, et de LTB4, les macrophages vont participer au recrutement des polynucléaires neutrophiles et en secrétant du MCP-1/CCL-2, les monocytes qui expriment le récepteur à cette chimiokine CCR-2, vont être recrutés72. Ce recrutement accru de cellules immunitaires, participe à l’installation de l’inflammation chronique du parenchyme pulmonaire. Leur abondance au sein du parenchyme pulmonaire, couplée à leur défaillance de phagocytose et leur sécrétion accrue de médiateurs proinflammatoires, font des macrophages, des acteurs importants de la colonisation bactérienne des poumons, de l’initiation de l’inflammation et son entretien chez les patients BPCO. c) Les polynucléaires neutrophiles Les polynucléaires neutrophiles sont très abondants au sein du parenchyme pulmonaire des patients atteints de BPCO et leur présence est corrélée à la sévérité de la limitation du flux respiratoire73. Ils sont recrutés par les facteurs chimioattractants tels que le leucotriène B4, Gro1/CXCL1, ENA78/CXCL5 et IL-8/CXCL8 dont les concentrations sont augmentées dans les voies aériennes des patients BPCO comparées aux donneurs sains73. La fumée de cigarette stimule les cellules épithéliales et les macrophages qui vont produire ces protéines chimioattractantes des neutrophiles74. Les PMNs eux-mêmes secrètent le CXCL8 qui est un facteur chimioattractant très important pour les PMNs et est présent à des fortes concentrations dans les lavages broncho-alvéolaires des patients BPCO comparés aux LBA des sujets sains75. Les neutrophiles participent à l’entretien de l’inflammation en recrutant d’autres neutrophiles. La présence en forte concentration des protéines granulaires des PMNs dans les expectorations des patients BPCO indique que les neutrophiles sont activés et déversent les protéases contenues dans leurs granules76. L’élastase de neutrophile (NE) et la MMP-9 font 25 partie des protéases des polynucléaires neutrophiles trouvés dans les expectorations des patients BPCO. Elles dégradent les fibres élastiques du poumon participant ainsi au phénomène d’emphysème pulmonaire. De plus, les neutrophiles apoptotiques ne sont pas éliminés par les macrophages alvéolaires ce qui entraine leur accumulation au sein des alvéoles pulmonaires participants d’avantage à entretenir l’inflammation77. Il a été démontré que la fumée de cigarette altère directement la capacité des macrophages alvéolaires à efférocyter les neutrophiles apoptotiques. Ces derniers vont rentrer en nécrose conduisant au relargage des composants proinflammatoires78. Le TNF alpha accumulé au sein du parenchyme pulmonaire a été incriminé dans ce processus d’inhibition de l’efférocytose79. Les neutrophiles des patients BPCO ont des capacités migratoires différentes des neutrophiles de sujets sains. Il vont adopter une migration plus rapide, avec une trajectoire trajectoire moins précise et beaucoup plus allongée80. Les travaux du Dr Toshiyuki Y. ont démontré une augmentation de l’expression du récepteur CXCR1 sur les neutrophiles circulants des patients BPCO comparée à celle des PMNs des donneurs sains; ce qui pourrait expliquer leur capacité à circuler plus rapidement81. Tandis que l’équipe du Dr Sapey E. ne constate pas de différence d’expression des récepteurs CXCR1 et CXCR2 des PMNs circulants80 issus de patients BPCO et de donneurs sains. Les PMNs participent à l’encombrement pulmonaire en stimulant la sécrétion de mucus et en remodelant l’épithélium bronchique82. Leur nombre au sein des petites voies aériennes est corrélé à l’obstruction bronchique et au remodelage bronchique ce qui fait du polynucléaire neutrophile, à la fois, un marqueur pronostique de la sévérité de la maladie et un acteur de la progression de la maladie83. Ils participent également à l’encombrement pulmonaire notamment suite à leur activation et la libération des NETs. Ce phénomène d’immunité innée est retrouvé dans de nombreuses pathologies dont la BPCO et sera développé dans une partie ci-après. d) Les cellules lymphoïdes innées Les cellules lymphoïdes innées, découvertes récemment, sont particulièrement abondantes au niveau des muqueuses et jouent un rôle important au niveau de l’immunité et l’homéostasie84. Ces cellules sont les homologues innés des lymphocytes T. Bien que dépourvues de récepteurs aux antigènes, les ILC vont répondre rapidement à leur microenvironnement grâce à leurs récepteurs cytokiniques, ainsi qu'une large gamme de 26 récepteurs pour les composants nutritifs, les produits microbiens, les médiateurs lipidiques et les émetteurs neuronaux85. Figure 6 : Les différents groupes d'ILC. Source : Hergen Spits, fevrier 201386 Elles sont classées en 3 groupes86 (figure 5) : - ILC du groupe 1 (ILC1), stimulés par l’IL-12, l’IL-15 et l’IL-18, vont secréter de l’IFNg. Ces cellules vont jouer un rôle dans la stimulation des macrophages et des cellules dendritiques afin qu’ils éliminent les pathogènes intracellulaires et présentent les antigènes. D’autres cellules telles les cellules « naturel killer » (cellule NK) font également partie de ce groupe de cellules lymphoïdes innées. Elles sont connues pour leur rôle cytotoxique mais également leur capacité à secréter de l’IFNg86. - ILC du groupe 2 (ILC2), stimulés par IL-25 et l’IL-33, vont secréter de l’IL-4, IL-5, et de l’IL-13. Ces médiateurs vont jouer un rôle dans la réparation tissulaire et la sécrétion de mucus86. - ILC du groupe 3 (ILC3), stimulés par l’IL-1b et l’IL-23 vont secréter de l’IL-22, IL-17 et du GM-CSF stimulant la phagocytose, la survie de l’épithélium et la production des peptides antimicrobiens86. Leur différenciation à partir de leur progéniteur commun est encore très peu caractérisée87. En effet, ces cellules ont une plasticité phénotypique qui va s’adapter en fonction de 27 l’environnement cytokinique. Par exemple une ILC du groupe 3 peut, suite à une stimulation environnementale, acquérir le phénotype d’une ILC du groupe 188,89. Des études récentes ont révélé que les cellules NK, les ILC1 et les ILC2 possèdent des facultés de mémoire immunitaire90. Au niveau du tractus pulmonaire de l’homme, les trois groupes d’ILC sont représentés avec une prédominance des ILC du groupe 3 tandis que chez la souris, ce sont celles du groupe 2 qui prédominent91. Cependant, la représentation des populations change en fonction de la pathologie ou de l’infection au niveau pulmonaire92. Au vu de leurs rôles dans l’homéostasie et l’immunité tissulaire le rôle de ces cellules dans la BPCO a été étudié, cependant les avis divergent. Des travaux montrent que les populations d’ILC dans le sang circulant de ces patients changent avec une augmentation de la proportion d’ILC1 sécrétant de l’IFNg et une diminution de celle d’ILC2. Les sujets fumeurs présentent une augmentation de la population d’ILC1 dans leur sang circulant comparé aux sujet sains93 et le rapport ILC1/ILC2 des patients BPCO est positivement corrélé à la gravité de la maladie. Les travaux menés sur les cellules de poumon isolées par exérèse ont montré également une augmentation d’ILC du groupe 3 chez les patients BPCO comparés aux sujets sains91. Une autre étude a mis également en évidence une augmentation significative d’ILC3 NRP1+ au sein des poumons de patient atteint de BPCO94. L’IL-17 est retrouvée à des fortes concentrations au sein des poumons des sujets BPCO, suggérant une augmentation de la population d’ILC3 qui contribuerait à la production de cette cytokine et au recrutement des neutrophiles en secrétant de l’Il-17 au sein du parenchyme pulmonaire. Cependant, le rôle des ILC1 et des ILC3 dans la BPCO doit être précisé, bien qu’un changement de proportion est notable chez les patients fumeur comparé aux sujets sains suggérant leur rôle précoce dans la maladie94. Il est également observé que dans les modèles murins, la fumé de cigarette altère les fonctions des ILC2, favorisant la sécrétion d’IL-33 qui va par la suite contribuer à l’exacerbation suite à infection95. Ces travaux suggèrent un rôle important des ILC dans la BPCO, mais doivent être approfondis afin de déterminer les mécanismes impliqués. 2. La transition vers l’immunité adaptative La transition vers l’immunité adaptative a lieu grâce aux cellules présentatrice d’antigène (CPA) qui vont permettre aux lymphocytes de reconnaître les antigènes et de s’activer. Les CPA vont capturer les antigènes, les apprêter en les associant au complexe majeur d’histocompatibilité de classe II (CMH) et les présenter aux lymphocytes T CD4+. Parmi les 28 CPA présentes au niveau pulmonaire, on trouve les macrophages, les monocytes, les lymphocytes B et les cellules dendritiques. Les cellules dendritiques sont des CPA professionnelles qui ont été fortement étudiées dans le cadre de la BPCO. a) Les cellules dendritiques Les cellules dendritiques sont situées au niveau de l’épithélium bronchique leur conférant une place de choix pour prendre en charge et signaler la présence des substances étrangères inhalées. Elles ont un rôle ’apprêtement de l’antigène afin de le présenter aux lymphocytes T mais elles ont également un rôle dans l’activation de cellules inflammatoires telles que les macrophages et les neutrophiles96. Dans la BPCO, le nombre des cellules dendritiques est augmenté au sein des poumons et est corrélé au stade de la maladie97. Cette augmentation peut être expliquée par la présence d’une forte concentration du MIP-3a/CCL20, dont le récepteur CCR6 est présent à la surface des cellules dendritiques, au niveau pulmonaire des patients. La MIP-3a/CCL20 est secrété en partie par les cellules épithéliales bronchiques suite à l’exposition de ces dernières à la fumée de cigarette98. L’analyse des expectorations de patient BPCO montre une augmentation de recrutement des cellules dendritiques qui sont majoritairement immatures (CD83-) comparée aux témoins non-fumeurs99,100,101. Un autre étude a révélé que la BPCO est associée à un nombre réduit de DCs CD83+ matures et à des niveaux d'expression CCR7+ plus faibles dans les petites voies respiratoires102. Il est également observé une diminution du récepteur CCR5, qui est important pour l’entrée de certains antigènes dans les cellules dendritiques myeloïdes et leur migration, indépendamment du statut tabagique des patients BPCO103. Cependant, le rôle exact des cellules dendritiques dans la BPCO reste à déterminer. 3. La réponse immunitaire adaptative La réponse immunitaire adaptative, également appelée acquise, est composée de deux types d’immunités : humorale et cellulaire. L’immunité humorale s’exerce par l’intermédiaire d’immunoglobulines (ou anticorps), secrétées par les lymphocytes B. Ces anticorps vont directement cibler les pathogènes (protéine microbienne, toxine...) afin de limiter la colonisation des cellules de l’hôte. L’immunité cellulaire s’oppose aux pathogènes intracellulaires et est exercée par les lymphocytes T. Les lymphocytes T par l’intermédiaire de l’IFNg von t activer les phagocytes, qui ont préalablement phagocytés les pathogènes, afin qu’ils les détruisent104. Les lymphocytes T cytotoxiques vont détruire les cellules infectées par les pathogènes. 29 Dans le cas de la BPCO, bien que les mécanismes d’immunités innées soient fortement responsables des modifications physiopathologiques décrit précédemment, l’immunité adaptative a également un rôle dans la pathologie bien que certaines études menées sur des souris scid (modèle immun déficient sans LT ni LB) montrent une inflammation chronique et un emphysème induit par la fumée de cigarette105. Ces résultats suggèrent que l’immunité adaptative intervient dans les stades les plus avancés de la pathologie. Cependant, l’accumulation des LT et des LB observée au sein du parenchyme pulmonaire des patients souligne leur rôle potentiel dans la BPCO a) Lymphocytes T Les lymphocytes T regroupent les lymphocytes T CD4+ et CD8+. Ces deux souspopulations sont retrouvées en grand nombre au sein des poumons de patients BPCO. Des souris dans lesquelles le gène CD8 a été invalidé, sont protégées des caractéristiques de la BPCO induite par la fumée de cigarette, telles que l’accumulation des macrophages, l’activation des MMP-2 et MMP-9 et l’emphysème106. Ces observations ne sont pas constatées sur les souris déficientes en CD4, révélant un rôle important des LT CD8 dans la pathologie. Des études récentes montrent que le tabagisme, le degré d’obstruction des voies respiratoires et l’emphysème pulmonaire sont liés à une augmentation du nombre de lymphocytes T CD8 et du rapport CD8/CD461,107. De plus, leur activation est augmentée par rapport aux sujets sains, avec une augmentation de le l’expression du facteur nucléaire NFkB, de Stat4, de l’IFNg et de la perforine107. Cette accumulation des lymphocyte T CD8 au sein du parenchyme pulmonaire n’est pas totalement élucidée. Elle peut être expliquée par une réduction de leur apoptose, mais également par une augmentation d’expression de CXCR3 par les lymphocytes T retrouvés au niveau des voies aériennes périphériques. Le CXCR3 est un récepteur activé par IP-10/CXCL10 qui est surexprimé au niveau des cellules épithéliales bronchiques des patients BPCO108. Les LT CD8 semblent être impliqués principalement dans le remodelage pulmonaire et l’emphysème grâce à la sécrétion de TNF-a, de la perforine et de la granzyme-B109,110. En ce qui concerne les LT CD4, bien que leur accumulation au sein du parenchyme pulmonaire soit avérée, leur rôle dans la physiopathologie de la BPCO reste à déterminer de façon plus précise. En effet, on leur attribue un rôle potentiel dans l’orientation de la réponse de LT CD8. Les lymphocytes T peuvent se différencier en Th1 (secrétant de l’IFNg), en Th2 30 (secrétant de l’IL-4, IL-5 et IL-13) ou en Th17 (secrétant de l’IL-17 et de l’IL-22). Cette orientation va avoir une influence sur la réponse immunitaire. Il est observé que les LT CD4 présents au sein du parenchyme pulmonaire des patients BPCO sont type Th1 et Th17111,112. Cependant, les résultats de certaines études ont rapporté la présence de LT CD4 de type Th2 au sein du parenchyme pulmonaire des sujet BPCO113. b) Lymphocytes B Les lymphocytes B sont les acteurs principaux de l’immunité adaptative humorale car ce sont eux qui sécrètent les immunoglobulines spécifiques du pathogène. Des études ont révélé qu’il y a une accumulation de lymphocyte B au sein des muqueuses pulmonaires, localisés au sein de follicules lymphocytaires et leur nombre augmente avec la sévérité de la maladie114. Leur rôle dans la physiopathologie de la maladie n’est pas encore déterminé, bien que la prolifération des LB au sein des follicules suppose une expansion clonale spécifique d’un antigène. 4. Auto-immunité et environnement cytokinique La BPCO reste une maladie complexe dont la physiopathologie n’est pas totalement comprise. Le rôle de l’immunité innée est avéré tandis que celui de l’immunité adaptative est soumis à de nombreuses controverses. Cependant, il paraît évident qu’elle participe à l’entretien de l’inflammation et à l’environnement cytokinique. De nombreux arguments sont en faveur de l’auto-immunité dans la BPCO. a) L’auto-immunité dans la BPCO La présence de lymphocyte B en grand nombre au sein de follicule au niveau des muqueuses pulmonaires laisse supposer qu’ils peuvent secréter des auto-anticorps. L’environnement oxydatif au sein des poumons des patients BPCO entraîne la carbonylation de protéine du soi. Ces protéines carbonylées favorisent la production d’anticorps. Des études réalisées sur le sérum de sujet BPCO, ont montré suite à la titration des anticorps dirigés contre les cellules épithéliales primaires ou HEP-2, une augmentation de leur concentration sérique comparé aux sujets fumeurs ou non. Des complexes immuns intra-pulmonaires sont également détectés suite à l’étude des explants pulmonaires de patients BPCO115. Il également observé un dépôt de fragment du compliment C3 activé au niveau des vaisseaux sanguins pulmonaires. Les peptides d’élastine issus de la dégradation du parenchyme pulmonaire ont également été décrits comme des cibles potentielles de l’immunité adaptative. 31 Des LB et des LT réactifs aux peptides de l’élastine ont été identifiés chez les patients BPCO116. De plus, le facteur d’activation des lymphocytes B appelé BAFF, est retrouvé en grande quantité au sein du tissu pulmonaire des patients BPCO comparé aux sujets sains117. Ce facteur est important dans l’activation des lymphocytes B, leur maturation et leur survie et sa surexpression est associée avec des maladies auto-immunes telles que le lupus érythémateux systémique et la sclérose en plaque118. Des études ont révélé que sa sur-expression était au niveau de follicules lymphoïdes et des macrophages des patients BPCO. Elle peut être à l’origine d’une boucle d’amplification contribuant à la progression de la maladie en favorisant la survie des lymphocytes B et l’expansion des follicules lymphocytaires119. Une étude menée utilisant un antagoniste du BAFF sur des modèles murins exposés à la fumée de cigarette, a révélé une diminution de l’inflammation et de la destruction alvéolaire, suggérant que le BAFF contribue à la progression de la maladie117. b) Les médiateurs de l’inflammation de la BPCO De nombreux médiateurs inflammatoires ont été identifiés comme étant impliqués dans la physiopathologie de la BPCO. Leur nombre important et leur interaction les uns avec les autres de manière complexe, rend inefficace le ciblage thérapeutique d’un de ces composants. On retrouve les lipides, les espèces réactives de l’oxygène, les cytokines, les chimiokines ainsi que les facteurs de croissance, tous issus des cellules inflammatoires et structurelles du poumon61. Certains sont retrouvés à des concentrations importantes au niveau de la circulation sanguine. i. Les lipides L’analyse des expectorations de patient BPCO montre l’augmentation de l’expression de la prostaglandine et du leucotriène comparés aux sujets sains120. Le leucotriène B4 (LTB4) est retrouvé en grande quantité, il est connu comme étant un chimio-attractant des neutrophiles par l’intermédiaire du récepteur de haute affinité BLT1. Ce récepteur est aussi retrouvé au niveau des lymphocytes T121. Il est donc possible que le LTB4 participe au recrutement des cellules inflammatoires et à l’entretien de l’inflammation. i i. Les espèces réactives de l’oxygène Le stress oxydatif est une caractéristique critique chez les patients atteints de BPCO. On retrouve chez les patients BPCO, une augmentation de la concentration en nitrotyrosine, qui 32 est un marqueur du stress oxydatif et du stress carbonyle122. Les poumons sont particulièrement vulnérables au stress oxydatif dû à l’exposition constante aux infections bactériennes/virales et à la respiration mitochondriale123. Les mécanismes de défenses antioxydants intracellulaires sont capables, hors contexte pathologique, de maintenir l’homéostasie limitant l’impact du stress oxydatif. La production normale d'oxydants est contrecarrée par plusieurs mécanismes antioxydants par l’intervention de la catalase, de la super oxyde dismutase (SOD) et le glutathion (GSH) (figure n°6). Le stress oxydatif se produit lorsque les dérivés réactifs de l’oxygène, ou ROS pour « Reactive Oxygen Species », sont produits en excès par rapport aux mécanismes de défense antioxydants et entraînent des effets nocifs, y compris des dommages aux lipides, aux protéines et à l'ADN. Les cellules inflammatoires et structurelles, y compris les neutrophiles, les macrophages et les cellules épithéliales, qui sont activées dans les voies respiratoires des patients atteints de BPCO, produisent des ROS124. Les anions superoxydes (O2-) sont générés par la NADPH oxydase et sont ensuite convertis en peroxyde d'hydrogène (H2O2) par les superoxyde dismutases (SOD). H2O2 est ensuite converti en eau par catalase. O2et H2O2 pourraient interagir en présence de fer libre pour former le radical hydroxyle hautement réactif (OH). O2peut également se combiner avec NO pour former du peroxynitrite (ONOO-) (figure n°6). Figure 7 : Réactions chimiques du stress oxydatif 33 Le stress oxydatif conduit à la carbonylation des protéines et leur accumulation est appelée « stress carbonylé ». Cette carbonylation est l’ajout d’un groupement carbonyle qui est un atome de carbone doublement lié à un atome d’oxygène (C = O). Cette modification covalente des acides aminés qui constituent les protéines est provoquée par les espèces réactives de l’oxygène. Comme mentionné auparavant, les protéines carbonylées sont à l’origine de la réponse auto-immune et le stress oxydatif joue un rôle également dans l’autoimmunité dans la BPCO. Les travaux de l’équipe de Rhaman, ont révélé que les taux de 4Hydroxy-2-nonenal, issu de la peroxydation d’un lipide membranaire, sont inversement corrélés à la FEV1 reflétant la sévérité de la maladie chez les patients BPCO125. Les ROS ont des effets étendus sur le parenchyme pulmonaire et l’inflammation. Ils activent la voie NF-kB entraînant l’activation de ce gène pro-inflammatoire amplifiant l’inflammation126. Le stress oxydatif a également un rôle dans la résistance aux traitements antiinflammatoires tels que les glucocorticoïdes. En effet, la nitration de l’histone désacétylase 2 (HDAC2) réduit son expression et son activité dans la régulation des gènes inflammatoires activés par les corticostéroïdes et donc son action anti-inflammatoire127. iii. Les cytokines Les fumeurs sans obstruction pulmonaire, ont une amplification de la réponse inflammatoire au niveau de leur muqueuse, suggérant une implication des cytokines dans les mécanismes pathologiques conduisant à la limitation progressive du flux d’air. Parmi ces cytokines pro-inflammatoires, le facteur de nécrose tumorale a (TNF-a pour « Tumor Necrosis Factor ») est retrouvé à des concentrations élevées dans les expectorations des patients BPCO mais également au niveau des cellules circulantes73. Il est secrété à la fois par les cellules épithéliales bronchiques et les cellules musculaires lisses ainsi que les lymphocytes T, les neutrophiles et les macrophages. Au niveau du modèle murin d’emphysème induit par la fumée de cigarette, le TNF-a s’est révélé être impliquée dans la destruction du parenchyme pulmonaire. Il stimule les macrophages qui par la suite vont secréter la MMP-9 à l’origine de la dégradation du parenchyme pulmonaire. D’autres études ont montré une forte concentration en IL-6 au niveau des expectorations et du plasma des patients BPCO en comparaison avec les sujets sains 128. Des études in vitro ont montré que la fumée de cigarette stimulait la sécrétion de l’IL-6 par les macrophages et que la concentration en IL-6 du sérum était un marqueur prédictif de la mortalité des patients BPCO129,130. Cette observation est liée à l’expression accrue d’IL-6 lors des phases 34 d’ exacerbations de la maladie où la fonction respiratoire est en déclin. Cette cytokine agit notamment sur la prolifération des cellules productrices d’anticorps et la différenciation des Th17131. L’interleukine-8 (CXCL8/IL-8), puissant chimioattractant des PMNs, est également retrouvé en forte concentration au niveau du parenchyme pulmonaire des patients BPCO73. Il a été démontré in vitro, que la stimulation des cellules épithéliales bronchiques par la fumée de cigarette induit la sécrétion d’CXCL8/IL-874. Elle est également secrétée par les macrophages alvéolaires chez les fumeurs et les patients BPCO. Cette cytokine présente en forte concentration participe au recrutement massif des PMNs au sein du parenchyme pulmonaire. Les cytokines secrétées par les cellules Th17 sont également retrouvées au niveau des expectorations des patients BPCO. Les sujets BPCO présentent, au niveau de leur parenchyme pulmonaire, des lymphocytes Th17 ainsi qu’une augmentation des cytokines IL17 et IL-22 par rapport aux sujets sains132. L’IL-17A au niveau sanguin est retrouvée à de fortes concentrations chez les sujets BPCO comparés aux sujets fumeurs et non-fumeurs en bonne santé132. Les proportions sanguines de Th17 et LT CD8+ exprimant l’IL-17A sont augmentées chez les patients BPCO et sont corrélées avec le degré d’obstruction pulmonaire133,134. Différentes études sur des biopsies ont démontré la présence en grand nombre de cellule exprimant de l’IL-17 telles que les cellules B, les mastocytes, les PMNs en plus des lymphocytes T112,135. De plus, la concentration en IL-17A est corrélée aux concentrations des médiateurs chimioattractants des PMNs comme l’CXCL8/IL-8 et l’IL-6. Ces observations suggèrent que l’IL-17A a un rôle important dans la physiopathologie de la maladie notamment dans l’établissement de l’inflammation neutrophilique. Toutesfois, des études s utilisant des anticorps neutralisants dirigés contre le TNF-a, l’CXCL8/IL-8, l’IL-17, l’IL-18, l’IL-1β ou le TSLP se sont révélées inefficaces et parfois même délétères. Ces cytokines peuvent être considérées comme des marqueurs pronostiques intéressants136. iv. Les chimiokines Les chimiokines jouent un rôle important dans le recrutement des cellules immunitaires au sein du parenchyme pulmonaire chez les patients BPCO137. Leurs récepteurs sont couplés aux protéines G et de nombreux antagonistes ont été développés. La première chimiokine caractérisée dans la BPCO est l’IL-8/CXCL873. L’IL-8/CXCL8 est sécrétée par les macrophages, les cellules T, les cellules épithéliales et les PMNs. Elle est chimiotactique pour les PMNs qui expriment le récepteur de haute affinité CXCR2, également activé par la 35 CXCL1. Les concentrations de ces chimiokines sont augmentées dans le lavage bronchoalvolaire et les expectorations des patients BPCO comparées aux sujets sains. La CXCL8/IL-8 est augmentée en phase d’exacerbation138. La CXCL1 et la CXCL8/IL-8 sont impliquées également dans le chimiotactisme des monocytes et des macrophages. Les cellules épithéliales bronchiques stimulées par la fumée de cigarette in vitro expriment la CXCL8/IL-8 qui pourrait avoir un rôle important dans l’initiation de l’inflammation suite au tabagisme74. De plus, l’étude des tissus pulmonaires de patient BPCO utilisant des puces à ADN a révélé une augmentation de l’expression de la fractalkine/CX3CL1 impliquée dans la migration des monocytes. De même pour la CCL2/MCP-1, qui se lie à CCR2, elle est exprimée fortement au niveau des macrophages des patients BPCO139. Puissant chimioattractant des cellules dendritiques, la CCL20 est exprimée à de fortes concentrations dans les expectorations des patient BPCO comparés aux sujets sains97. La CCL20 pourrait avoir un rôle dans l’initiation de la réponse immunitaire adaptative et potentiellement dans l’auto-immunité par le recrutement des cellules de tiques. v. Les facteurs de croissance Comme mentionné précédemment, les poumons des sujets BPCO présentent des changements structuraux importants. Certains facteurs de croissance peuvent être à l’origine de ces changements d’autant plus que plusieurs parmi eux sont retrouvés à des fortes concentrations au sein du parenchyme pulmonaire140. Le TGF-b1 (Tumor growth factor b1) est fortement exprimé par les cellules épithéliales des petites voies respiratoires et les macrophages alvéolaires des patients BPCO et également chez les patients fumeurs141. L’implication du TGF-b1 dans la fibrose pourrait être expliquée par le fait qu’il induit l’expression accrue de facteur de croissance du tissu conjonctif (CTGF)142. Le TGF-alpha, produit en grande quantité par les macrophages alvéolaires et les cellules épithéliales bronchiques des patients BPCO, active l’EGFR jouant un rôle clé dans la sécrétion de mucus, contribuant à l’engorgement des bronches143,144. Cela est également observé au niveau des cellules épithéliales bronchiques stimulées par la fumée de cigarette145. L’EGF (epithelial growth factor), capable d’activer l’EGFR, est également retrouvé en grande quantité au niveau de l’épithélium de patients BPCO comparé à celui des sujets sains146 et contribue aussi à la sécrétion de mucus. Le VEGF « Vascular Endothelial Growth Factor » se retrouve à des fortes concentrations chez les patients avec une BPCO faible à modérée et à faible concentration chez les patients avec une BPCO sévère avec emphysème147. Des travaux effectués sur des rats utilisant des 36 inhibiteurs du récepteur au VEGF ont permis d’identifier le rôle clé de ce facteur de croissance dans l’emphysème148. III. Les polynucléaires neutrophiles 1. Granulopoïèse neutrophile La granulopoïèse, c'est-à-dire la génération de granulocytes à l'état d'équilibre ou lors d'un stress hématopoïétique, est une cascade d'événements étroitement régulée qui implique non seulement des précurseurs engagés de cette lignée spécifique, mais également des cellules souches et progénitrices hématopoïétiques149. La génération des PMNs prend environs 14 jours et constitue 60% de l’activité hématopoïétique de la moelle osseuse. Elle est constituée d’une série d'étapes de maturation allant des cellules souches hématopoïétiques (CSH) multipotentes à la ligne engagée des cellules progénitrices myéloïdes communes (PMC), qui par différenciation vont devenir des progéniteurs monocytes granulocytes (PMG), puis des myéloblastes formant des granulocytes matures (basophiles, éosinophiles, mastocytes et neutrophiles). Cette prolifération et cette différenciation des CSH sont orchestrées par la niche hématopoïétique correspondant au microenvironnement cellulaire et également par certains facteurs de transcription tels que le C/EBPs (CCAAT/enhancer binding proteins) et GATA-1 (GATA Binding Protein 1)150. Le facteur G-CSF (Granulocyte colony-stimulating factor) Figure 8 : Les différents stades cellulaires de la granulopo ï èse. Adapté de Lawrence et Al . 2018 (152) stimule la prolifération, la différenciation et la survie des PMNs. Durant les dernières phases de différentiation, le noyau va se segmenter et les granules vont se former au sein du cytoplasme (Figure 7). Le myéloblaste se différencie en promyélocyte contenant des granules azurophiles dites primaires. Lorsque la mitose cellulaire s’arrête, il apparaît des granules spécifiques dites secondaires au stade myélocyte qui évolue en métamyélocyte o apparaît la gélatinase. Au stade final de différenciation, les PMNs ont développé des granules sécrétoires. Ces derniers 37 ont un noyau segmenté ainsi que trois types de granulations contenant près de 700 protéines151. 2. Diversité des PMNs a) Hétérogénéité dans la moelle osseuse Au sein de la moelle osseuse (MO), les PMNs sont retrouvés en abondance avec une réserve estimée à 600 milliards. La moelle osseuse va être peuplée des neutrophiles à différents stades de différenciation comme cités précédemment. Leur présence dans la MO n’est pas uniquement dans l’unique but d’être un réservoir cellulaire, certains chercheurs leur attribuent un rôle fonctionnel. Ils peuvent par exemple permettre la régénération des vaisseaux sinusoïdaux médullaires grâce à la production de TNF-a152 et favoriser la rétention des cellules progénitrices hématopoïétiques au sein de la MO par sécrétion de prostaglandine E2153 Il y a également des PMNs matures recrutés à nouveau dans la moelle osseuse après leur passage dans la circulation sanguine. Ces PMNs vieillissants, CD62L(faible) CXCR4(fort) sont recyclés dans le but d’éliminer des cellules présentant potentiellement des dysfonctionnements. Cependant, ils ont également un rôle régulateur des niches hématopoïétiques, notamment par la modulation de l’activité des macrophages et par les récepteurs au cholestérol. Cette réduction des niches a pour conséquence la libération dans la circulation sanguine des progéniteurs hématopoïétiques154. A noter que ces mécanismes ont été observés chez la souris. b) Hétérogénéité dans le sang Une fois libérés dans la circulation, les PMNs circulent pendant environ une demi-journée avant de quitter la circulation pour infiltrer les tissus154. Plusieurs travaux ont rapporté que, chez les individus sains, 45 à 65% des PMNs circulants sont CD177+ avec une variabilité de son expression reflétant le contrôle par des mécanismes épigénétiques155. Le CD177, également connu sous le nom d'antigène NB1, est une protéine associée à la membrane cytoplasmique et principalement localisée dans des granules spécifiques. Ce récepteur favorise l'interaction des PMNs avec les cellules endothéliales et leur transmigration hors du système vasculaire, en se liant à la molécule d'adhésion des cellules endothéliales plaquettaire-1 (PECAM-1 ou CD31) ou aux intégrines β2156. Bien que la durée de vie des neutrophiles soit relativement courte dans le sang, toutes les cellules ne sont pas phénotypiquement identiques. Des changements diurnes du phénotype se produisent et ce 38 phénomène est appelé vieillissement des neutrophiles. En effet, il a été observé dans des modèles murins et chez l’homme que les PMNs perdent l'expression de CD62L (L-sélectine), expriment CD11b et CXCR4 six heures après avoir quittés la MO154 et leurs noyaux deviennent hypersegmentés. Ces modifications phénotypiques observent un rythme circadien, suggérant que les PMNs adaptent leurs fonctions aux besoins changeant de la journée. Dans des modèles murins, les PMNs âgés sont présents en abondance durant la journée, le nombre de PMN venant de quitter la MO est élevé durant la nuit lors de la phase active de l’animal, où l’exposition aux pathogènes est plus importante157. Des diurnes de la production d’espèces réactive de l’oxygène et de la capacité à phagocyter des PMNs158 ont été observées chez l’homme. Fait intéressant, ces changements sont corrélées avec des changements transcriptionnels associés aux récepteurs TLRs et à la signalisation CXCR2, l'adhésion, la mort cellulaire et leurs propriétés migratoires159. Il a également été observé une hétérogénéité de densité au niveau des populations de PMNs. Il existe des PMNs de faible densité et de haute densité, isolés à partir de la fraction dans laquelle ils sont retrouvés après isolation par un gradient de Ficoll. Les PMNs de faible densité sont retrouvés dans la fraction contenant les cellules mononuclées et possèdent une réactivité accrue au fMLF (puissant facteur chimiotactique des PMNs), une défense face aux bactéries plus efficace et une capacité accrue de supprimer la prolifération des lymphocytes T160,161. Cette population de PMNs contient des PMNs immatures et matures activés qui remplissent des fonctions immunosuppressives et pro-inflammatoires. In vitro, les PMNs de densité moyenne subissent une baisse de densité après leur activation, cependant les PMNs de faibles densités fraîchement isolés sont retrouvés dans la fraction des PBMCs sans activation préalable. On suppose qu’in vivo cette activation correspond à une dégranulation. Les arguments en faveur de la dégranulation in vivo sont fournis en mesurant l'expression de certains marqueurs de granules à la surface des PMNs, tels que le CD63 (granules azurophiles), le CD66b (granules spécifiques), le CD11b (granules de gélatinase) et vésicules sécrétoires. Cependant d’autres études faisant appel au microscope électronique n’observent pas de différence au niveau du nombre de granule162,163. L’origine exacte de ces PMNs reste donc inconnue à ce jour. c) Hétérogénéité et rôle des PMNs dans les maladies i. Cancer Dans le cas des cancers, le microenvironnement tumoral est doté d’un stroma immunitaire ayant un rôle déterminant dans la progression tumorale et la réponse aux chimiothérapies . 39 Les PMNs sont retrouvés en nombres variables au sein des tumeurs suivant le type de cancer. On observe deux populations de PMNs appelées TAN (Tumor associated neutrophil) dont la différence réside au niveau de leur fonction et leur morphologie. Ils sont issus des PMNs matures ou des cellules myeloïdes suppressives qui une fois infiltrés au sein du tissus se différencient. Il en existe deux types, le premier appelé N1 est caractérisé par des niveaux d'expression accrus de Fas, de cytokines immunostimulatrices et de chimiokines, et, fait intéressant, une expression accrue de surface cellulaire d'ICAM-1. Des interventions telles que le blocage du facteur de croissance transformant-β (TGF-b) sur les PMNs matures conduisent au phénotype N1165. Ce sous-type a une durée de vie courte, possède une cytotoxicité plus forte vis-à-vis des cellules tumorales in vitro et se caractérisent par une morphologie nucléaire hypersegmentée et lobulée. On leur attribue un rôle immunostimulateur et anti-tumoral en induisant la mort des cellules tumorales grâce à leur machinerie anti-microbienne et leur faculté à recruter et activer d’autres cellules immunitaires165,166. Le second type de TAN est le N2, ils sont présents en plus grand nombre et ont une durée de vie longue, avec un phénotype immature avec une activité proangiogénique, pro-métastatique et immunosuppressive élevée. Il a été déterminé dans le cas du cancer gastrique, que la polarisation des N2 était induite par l’IL-6 secrétée par les cellules souches mésenchymateuses activant la voie de signalisation IL-6– STAT3–ERK1/2167. Au niveau des PMNs circulants, le nombre de PMNs de faible densité est augmenté dans le sang périphérique des sujets atteints d’un cancer comparé aux sujets sains168. Il y a également une hétérogénéité au sein des PMNs de faible densité, avec des phénotypes immatures et matures. Ces PMNs ont une expression augmentée en CD66b à leur surface soulignant qui est marqueur d’activation, suggérant que ces PMNs sont activés. Leur nombre est augmenté en fonction du stade de la maladie et ils possèdent un rôle pro-tumoral. Une étude révèle qu’ils ont une chimiotaxie réduite, une phacoytose altérée et une réponse oxydative réduite au PMA ce qui expliquerait leur rôle pro-tumoral. En effet, les PMNs de faible densité ont montré une cytotoxicité tumorale réduite comparé aux PMNs de haute densité. ii. Auto immunité Les conclusions de plusieurs études soutiennent l'implication des PMNs dans la pathogenèse de nombreuses maladies auto-immunes. Ils peuvent influencer les processus auto-immuns soit directement via diverses molécules effectrices, soit indirectement via des interactions avec d'autres cellules immunitaires. En plus d’être incriminés dans l’induction 40 direct d’auto-anticorps et il est également admis que les PMNs ont des anomalies phénotypiques ou fonctionnelles dans diverses maladies auto-immunes. Dans le cadre de modèle murin de sclérose en plaque (SEP), l'encéphalomyélite autoimmune expérimentale (EAE), il a été montré que le nombre de PMN augmentait de manière significative en phase aiguë mais diminuait en phase de rémission dans la lésion169. L'administration d'anticorps limitant le développement des PMNs, les anticorps anti-Ly6G ou anti-Gr-1, limite le développement d'EAE, suggérant que les PMNs peuvent jouer un rôle préjudiciable dans l'EAE. En revanche, l'utilisation du G-CSF pour favoriser le recrutement et l'activation des PMNs peut exacerber l'EAE170. Au niveau du sang périphérique des patients atteints de SEP, les PMNs présentent un phénotype inflammatoire avec une dégranulation, une production de ROS et une formation accrue de NETs171. Ces PMNs présentent également une apoptose réduite, ce qui peut contribuer à l'inflammation chronique et à la rechute répétée de la SEP171. Malgré l'effet nocif potentiel des PMNs dans la SEP, il a été démontré qu’une sous-population de PMNs exprimant fortement Gr-1 présente au niveau du système nerveux central des souris EAE supprime de manière significative la prolifération des lymphocytes T réactifs à la myéline, suggérant un effet protecteur de ces PMNs contre les LT auto-réactifs172. Dans le lupus érythémateux disséminé (LED), il est observé une augmentation du nombre de PMN de faible densité ayant une activité pro-inflammatoire plus importante avec notamment une synthèse accrue des interférons de type I160,163. Lorsque les PMNs sont incubés avec du plasma de patient LED, ils vont subir une diminution de leur densité potentiellement causée par leur activation par certains facteurs solubles tels que les complexes immuns ou le complément. Dans ce contexte, les PMNs de faible densité présentent une cytotoxicité accrue pour les cellules endothéliales ce qui les associe à un risque accru de lésion vasculaire. Les PMNs de faible densité participent également à la pathogenèse en ayant une augmentation de la formation de NETs173,174. Ces PMNs de faible densité produisent chez les patients LED des niveaux plus élevés de cytokines pro-inflammatoires, telles que l'IFN-α et le TNF-α, par rapport aux PMNs de haute densité autologues malgré une capacité phagocytaire des PMNs de faible densité considérablement altérée175. Alors que ces PMNs dans le cancer expriment des niveaux plus élevés de CD11b et CD66b que les PMNs de densité élevée, il n'y a pas de différence dans les niveaux de ces marqueurs d'activation chez les PMNs des patients LED175. 41 iii. Inflammation chronique Les PMNs jouent un rôle important dans les stades précoces de l'inflammation, mais peuvent endommager des organes si l’inflammation est persistante176. Les agressions inflammatoires aiguës, y compris l'infection ou l'ischémie, induisent la production de G-CSF, de GM-CSF ou d'autres facteurs myélopoïétiques qui favorisent la production de granulocytes177. Chez les humains traités avec de faibles doses d'endotoxine, au moins trois populations de granulocytes avec des propriétés phénotypiques et protéomiques distinctes apparaissent dans le sang, dont seules les cellules CD16(fort) CD62L(faible) ont une activité suppressive des lymphocytes T178. Cette population, cependant, n'affiche pas les caractéristiques de l'immaturité, suggérant que les PMNs nouvellement produits et ceux recrutés à partir d'autres sources contribuent à générer une hétérogénéité phénotypique et fonctionnelle au cours de l'inflammation. Les PMNs ont un rôle important dans l’initiation de l’inflammation chronique des voies respiratoires au cours de la BPCO comme cela a été mentionné précédemment. Il en est de même dans l’asthme, où les PMNs sont recrutées au niveau du site de la réaction allergique. Dans le cas de la BPCO, les PMNs en plus de présenter des défaillances fonctionnelles, ils ont des phénotypes pré-activés avec une diminution de l’expression de CD62L à leur surface, ce qui n’est pas le cas dans l’asthme179. Il n’y a pas de données dans la littérature concernant les différences de densité des PMNs dans la BPCO, cependant dans l’asthme le nombre de PMNs de faible densité est élevé au stade modéré et sévère de la maladie mais leur rôle dans la pathogénèse n’est à ce jour pas identifié180. 3. Rôle dans l’inflammation Les PMNs représentent la principale ligne de défense du corps contre les agents pathogènes envahissants tels que les bactéries, et constituent entre 40 et 60% de la population de globules blancs. Dans la circulation des adultes en bonne santé, les PMNs existent à l'état de repos, ce qui garantit que leur contenu intracellulaire toxique n'est pas accidentellement libéré préservant ainsi les tissus de l'hôte. a) Recrutement au site de l’infection et activation Les PMNs sont activés via un processus de deux étapes. Les PMNs au repos peuvent être pré-activés par des produits bactériens, des signaux de danger tels que les DAMP, des cytokines ou des chimiokines telles que le TNF-α, le GM-CSF, l'IL-8 et l'IFN-γ181,182,183 et vont ensuite être mobilisés vers le site de l'infection ou de l'inflammation. La pré-activation 42 entraîne la mobilisation des granules intracellulaires, contenant des récepteurs préformés, vers la membrane plasmique augmentant le nombre de récepteurs à la surface de la membrane plasmique. L’agent qui pré-active entraînera également l'activation de facteurs de transcription qui déclenchent l'expression de novo de molécules (exemple : récepteurs et cytokines), qui améliorent la fonction ou la durée de vie des PMNs184. Ainsi, les propriétés moléculaires et donc les fonctions des PMNs sanguins au repos et des PMNs pré-activés sont très différentes. Pour cette raison, les expériences in vitro utilisant des PMNs sanguins fraîchement isolés ne permettent pas souvent d’explorer le répertoire fonctionnel complet et l’ensemble des capacités des PMNs.
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Chapitre I 2-2 Gestion des déchets issus du procédé PUREX Afin de trouver des solutions maîtrisées pour la gestion de ces déchets issus du procédé PUREX, des recherches ont été organisées par le CNRS dans le cadre du Programme sur l'Aval du Cycle Electronucléaire (PACE) [CEA]. Ce programme est la réponse à l'impulsion donnée par la loi du 30 décembre 1991 (loi Bataille) qui définissait 3 axes de recherche, confiant au CEA (Commissariat à l'Energie Atomique) le pilotage de l'axe 1 et 3 et à l'ANDRA l'axe 2. Les trois axes de recherches sont les suivants : Axe 1 : recherche des solutions permettant la séparation et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue présents dans les déchets ; Axe 2 : étude des possibilités de stockage, réversible ou irréversible, dans les formations géologiques profondes, notamment grâce à la réalisation de laboratoires souterrains ; Axe 3 : étude de procédés de conditionnement et d'entreposage de longue durée en surface de ces déchets. La loi Bataille étant arrivée à échéance en Juin 2006, une nouvelle loi datant du 28 juin 2006 sur les matières et les déchets radioactifs reprend les objectifs énoncés dans les trois axes de la Loi Bataille afin de compléter les résultats obtenus. En attente d'une solution durable, ces déchets sont entreposés à La Hague ou à Marcoule. 3 Le stockage géologique profond Le stockage réversible en formation géologique profonde a été choisi pour les déchets radioactifs ultimes qui, après entreposage, ne pourraient pas, pour des raisons de sûreté nucléaire ou de radioprotection être stockés en surface ou en faible profondeur (Article 6, II, 3° de la loi du 28 juin 2006 [Légifrance]). Trois sortes de déchets font l'objet de recherches pour le stockage géologique profond étudié : les déchets moyennement radioactifs à vie longue (MAVL), les déchets hautement radioactifs à vie longue (HAVL), actuellement vitrifiés, ou qui pourraient être contenus dans des matrices spécifiques après séparation poussée (voir le paragraphe 4), et les combustibles usés dans l'éventualité où ils seraient conditionnés sans traitement. Pour l'instant, un laboratoire souterrain de recherche a été construit sur le site de Bure (Meuse) par l'ANDRA. Ce laboratoire a pour but d'étudier le milieu environnant et de caractériser la roche hôte (l'argilite du Callovo-Oxfordien), ainsi que de confronter les réflexions en matière d'ingénierie et de sureté à la réalité géologique. 3-1 Principe Le stockage en formation géologique profonde permet de placer les déchets radioactifs à vie longue dans un environnement chimiquement, thermiquement et mécaniquement très stable sur des échelles de temps géologiques, garantissant ainsi leur confinement, tout en - 21 - Contexte de l'étude Chapitre I réservant une possibilité de les récupérer si cela s'avérait nécessaire ou opportun (notion de réversibilité). De plus, ce mode de gestion permet de s'affranchir de la charge de surveillance au bout d'un certain temps. Le concept des puits de stockage en profondeur est représenté sur la Figure I-3. Figure I-3 : Description du projet de stockage des déchets en profondeur (figure extraite de [COGEMA]) Ce type de stockage repose sur le concept de multi-barrières, c'est-à-dire, une multiplication des dispositifs (barrières) visant à limiter le transfert de matières radioactives vers la biosphère. Ces barrières sont au nombre de quatre : Barrière I, II et III : une matrice dans laquelle les déchets sont incorporés (barrière I). Le tout disposé dans un conteneur en acier (barrière II) puis un sur conteneur (barrière III). L'ensemble constitue le colis nucléaire. La matrice actuellement envisagée pour les déchets HAVL est le verre nucléaire R7T7. Barrière IV : la barrière géologique (argile, granite). Notons enfin que la conception de ce type de stockage impose de ne pas dépasser une température de 100 °C à l'interface surconteneur / milieu géologique. Les colis seront donc exposés à des températures comprises entre la température géothermale naturelle (qui est d'environ 22 °C) et 100 °C [ANDRA bis, 2005]. Chapitre I 3-2 Perte d'intégrité du colis en fonction du temps Parmi les risques liés à l'enfouissement des déchets se trouve notamment celui de l'altération du colis par l'eau interstitielle contenue dans les porosités de la roche naturelle. Les différentes étapes de l'éventuelle perte d'intégrité du colis à très long terme sont représentées sur la Figure I-4. Figure I-4 : Phases schématisées de l'évolution tardive des colis de déchets en champ proche dans un stockage en formation géologique profonde (d'après [SACLAY, 2001]). L'eau est le principal vecteur potentiel de dissémination des radioéléments dans la géosphère puis la biosphère. Le milieu naturel choisi pour environner le colis de déchets doit donc présenter une très faible perméabilité afin de limiter la diffusion de l'eau naturelle interstitielle (argile ou granite peu fracturé). Cependant, si l'eau interstitielle infiltrée dans la roche franchit la barrière entourant le colis, la matrice dans laquelle sont incorporés les déchets (barrière I) constitue la dernière barrière empêchant la migration des radioéléments. De plus, dans ce cas, l'eau interstitielle pourrait être irradiée par les particules alpha émises lors de la désintégration des radionucléides stockés : elle serait alors radiolysée et comporterait des espèces plus agressives (voir le chapitre II-3 détaillant les mécanismes de radiolyse de l'eau). Afin de limiter l'altération de la matrice et d'éviter ainsi une dissémination des radionucléides, il est indispensable de sélectionner des matrices potentielles présentant les meilleures qualités vis-à-vis de l'altération. Un des principaux critères de sélection porte sur leur résistance à l'altération dans les conditions de stockage profond. Le verre, matériau actuellement envisagé, présente de bonnes propriétés de confinement. Dans le cadre du programme PACE et dans une optique future de séparation poussée puis stockage des déchets ultimes, d'autres matrices, dites spécifiques, sont à l'étude (voir paragraphes suivants). Chapitre I 4 Les solutions du futur Comme nous l'avons déjà vu, le combustible usé contient une très grande variété de radionucléides (voir les principaux radionucléides à vie longues énoncés dans le Tableau I-2). L'axe 1 de la loi de 1991, repris également dans l'article 3 de la loi de juin 2006 [SENAT], propose d'examiner des solutions industrialisables permettant de réduire encore les quantités de déchets de haute activité contenus dans les blocs de déchets vitrifiés et d'aller plus loin dans le recyclage des matières contenues dans le combustible usé. Pour ce faire, les principaux éléments radiotoxiques seraient séparés puis gérés de façon spécifique [CEA]. 4-1 La séparation poussée 4-1-a) Objectif Ce procédé a pour objectif d'extraire sélectivement des combustibles usés, en plus de l'uranium et du plutonium déjà extraits actuellement, d'autres éléments radioactifs et à vie longue contenus dans les déchets : les actinides mineurs, l'iode 129, le technétium 99 et le césium 135. Les déchets obtenus après séparation poussée ne contiendraient alors que de très petites quantités d'éléments les plus radiotoxiques et verraient alors leur gestion à long terme facilitée. Les éléments radioactifs à vie longue ( I, Tc, Np, Cs, Am et Cm) devraient, quant à eux, faire l'objet d'une gestion spécifique, comme la transmutation ou le confinement dans des matrices spécifiques (dans le cadre d'un stockage en site géologique profond). 4-1-b) Principe de la séparation poussée La séparation poussée complèterait le procédé industriel PUREX. Au cours de cette opération, tous les éléments sont dissous dans l'acide nitrique et capturés sélectivement grâce à des « molécules pièges » spécifiques. Il faut donc trouver et mettre au point, pour chaque élément, une molécule extractante hautement sélective, résistante à l'acide nitrique et qui ne génère pas ou peu de déchets [Boullis, 2005] :  La récupération du neptunium, de l'iode et du technétium a été mise au point à partir d'adaptations du procédé PUREX ;  L'extraction de l'américium et du curium s'est révélée plus complexe et n'a pas pu être faite par des adaptations du procédé PUREX. Il a donc fallu développer d'autres procédés recourant à de nouvelles molécules pièges. Cette séparation nécessite elle-même la séparation de l'ensemble {actinides mineurs et lanthanides} des produits de fission, puis des actinides mineurs par rapport aux lanthanides, et enfin, de l'actinide mineur américium par rapport à l'actinide mineur curium ;  Un dernier procédé d'extraction, basé sur une molécule de type calixarène, est nécessaire pour piéger le césium. itre I 4-2 La gestion des déchets ultimes A l'issue de cette étape de séparation poussée, deux options sont envisageables. La transmutation est l'option de référence [Légifrance]. La seconde option consisterait à incorporer les éléments séparés dans une matrice minérale stable à long terme dans le but de les stocker en formation géologique profonde. 4-2-a) La transmutation Après séparation poussée, la transmutation transforme les éléments radioactifs à vie longue en éléments à durée de vie plus courte ou stables. Pour y parvenir, le moyen le plus efficace est de bombarder de neutrons les noyaux de ces éléments à vie longue. Ceux-ci sont disponibles en très grande quantité dans les réacteurs nucléaires. Techniquement, à l'échelle industrielle, l'opération apparaît faisable pour les actinides mineurs mais reste très lente pour les produits de fission [Nabot, 2005]. Les recherches continuent dans le cadre de la loi du 28 juin 2006. 4-2-b) Les matrices spécifiques De nouvelles matrices de conditionnement, permettant d'assurer sur de très longues périodes en condition de stockage (dont le principe a été décrit dans le paragraphe 3 du chapitre I) un confinement des radionucléides issus de la séparation poussée, ont été étudiées dans le cadre de la loi de 1991. Elles sont une alternative à la solution de référence « séparation poussée – transmutation » et permettent aussi le stockage des radionucléides non transmutables. Le développement de ces matrices a fait l'objet d'une recherche importante entre le CEA et le CNRS au sein du GdR NOMADE. Le principe retenu pour le confinement de ces éléments est d'incorporer chacun d'entre eux pris séparément dans une matrice spécifique de type céramique. La matrice verre actuellement utilisée pour le conditionnement des solutions de déchets de procédé présente une flexibilité chimique importante alliée à d'excellentes propriétés de confinement (environ 30 éléments confinés dans le verre). Par contre, les matrices céramiques peuvent être optimisées pour un radionucléide donné, offrant ainsi des propriétés de confinement maximisées. La sélection de ces matrices a porté sur trois critères :  le taux d'incorporation du radionucléide dans la structure doit être compris entre 5 % et 10 % massiques ;  le procédé d'élaboration doit être transposable en milieu radioactif ;  les matrices sont tenues de posséder des propriétés de confinement élevées en termes de durabilité chimique et de comportement sous auto-irradiation (cas du confinement des actinides mineurs). Chap I Dans le cadre particulier du confinement des actinides mineurs, quatre matrices ont été retenues par le GdR NOMADE. Pour trois d'entre elles, il s'agit de matériaux phosphatés : la britholite de formule Ca9Nd(PO4)5(SiO4)F2, la monazite de formule MIIIPO4, associée à la brabantite NII0,5MIV0,5PO4 et le β-phosphate-diphosphate de thorium (ou β-PDT) de formule βTh4(PO4)4P2O7. La quatrième matrice est un matériau à base d'ions titanates : la zirconolite CaZrTi2O7 [Blondiaux, 2005]. 4-3 Positionnement de mon travail de thèse 4-3-a) Objectif Dans l'hypothèse d'un choix futur de la zirconolite comme matériau de confinement pour les actinides mineurs, il est nécessaire d'évaluer la durabilité chimique de cette matrice au contact d'eau radiolysée (comme nous l'avons vu dans le paragraphe 3-2 ). Mon objectif a donc été d'étudier les effets de la radiolyse de l'eau sur l'altération de la zirconolite à l'aide de faisceaux externes de particules chargées (protons et alphas). 4-3-b) Démarche générale Nous avons choisi d'étudier les effets de la radiolyse de l'eau sur la lixiviation de la zirconolite en irradiant l'eau de façon externe. Des faisceaux de particules chargées (alphas ou protons) ont ainsi été utilisés afin de fournir en quelques heures une dose intégrée comparable à une dose en condition de stockage sur environ un siècle. La durabilité chimique des échantillons lixiviés en condition radiolytique a ensuite été comparée à celle des échantillons lixiviés hors radiolyse. Des analyses de la solution ont permis de quantifier le relâchement des éléments constitutifs de la zirconolite ainsi que la quantité de peroxyde d'hydrogène radiolytiquement formé. Des analyses du solide ont apporté des renseignements complémentaires concernant l'état de la surface altérée (épaisseur, nature). Enfin, l'effet de certains paramètres a été étudié : l'influence de l'endommagement de la zirconolite, l'influence de l'ajout de complexants et l'effet de la température. 4-3-c) Plan du travail de thèse Ce manuscrit a été construit de la façon suivante :  Dans une première partie, les données utiles à la compréhension de ce travail seront présentées. Il s'agit des données de base concernant les mots clef de cette étude, à savoir : synthèse et structure de la zirconolite, lixiviation des minéraux et radiolyse de l'eau.  Une deuxième partie va détailler le protocole expérimental mis en place pour étudier l'altération de la zirconolite en condition radiolytique ; - 26 - Contexte de l'étude Chapitre I  Puis, les résultats expérimentaux de référence obtenus dans nos conditions expérimentales (température, surface altérée, volume de solution, dispositifs d'irradiation), mais hors radiolyse, vont être présentés et comparés aux résultats bibliographiques concernant la lixiviation de la zirconolite ;  Ensuite, les résultats obtenus en condition radiolytique vont être exposés. Ils seront comparés aux résultats de référence (hors radiolyse). Dans ce chapitre, on s'intéressera également à l'influence de divers paramètres tels que la température, l'endommagement du solide, l'état de surface du solide et la présence de complexants.  Enfin, la dernière partie de ce travail va concerner l'étude par calculs ab initio des énergies de liaison des différentes entités chimiques au sein du solide zirconolite. Cette étude va permettre une meilleure compréhension des mécanismes de dissolution de la zirconolite. Chapitre I - 28 - Chapitre II Chapitre II : Étude bibliographique Ce chapitre rassemble les données bibliographiques liées aux mots clés de mon sujet de thèse, à savoir : zirconolite, radiolyse de l'eau et lixiviation. Dans un premier paragraphe, la structure et la synthèse du matériau zirconolite sont décrites. Ensuite, dans une deuxième partie, les différentes approches de l'étude de la lixiviation des solides vont être présentées. Enfin, les notions de base sur la radiolyse de l'eau vont être rappelées. Chapitre II 1 La zirconolite : synthèse et structure 1-1 La zirconolite naturelle La zirconolite est un oxyde de la famille des pyrochlores dont la formule nominale s'écrit CaZrxTi3-xO7 (0,833 ≤ x ≤ 1,25) [CEA, 2001]. Bien que très rare, elle existe dans le milieu naturel et on la trouve le plus souvent en tant que minéral accessoire dans les carbonatites et les roches intrusives ultrabasiques [De Hoog, 1997]. A l'état naturel, elle a la capacité d'accepter dans les sites du calcium et du zirconium des terres rares (Nd, Ce, La, Hf, Gd), des actinides (U et Th, jusqu'à 20% en masse d'oxyde) ainsi que divers autres éléments chimiques tels que Fe, Nb, Si dans le site du titane [CEA, 2001]. De ce fait, la zirconolite peut s'ordonner suivant trois superstructures qui sont décrites dans le Tableau II-1. La zirconolite2M est la seule structure obtenue par synthèse. Sa structure est présentée sur la Figure II-1. structure zirconolite-3O zirconolite-3T zirconolite-2M symétrie orthorhombique polymorphe trigonal de la 3O monoclinique date 1828 1913 1956 lieu Fredrickvarn (Norvège) Banbarabotuwa (Sri Lanka) Massif Afrikanda et pénisule de Kola (Russie) Berze Blake et Smith Borodin densité 4,8 4,8 4,2 dureté 6,5 5,5 - 6,0 5,5 - 6,0 couleur / aspect noire avec éclats métalliques brun noir avec reflets résineux brun noir avec des traces grises données sur la découverte personne Tableau II-1: Tableau récapitulatif des données de base sur les 3 structures de zirconolites naturelles (données issues de [Mazzi, 1983] et [Gatehouse 1981]). La dureté est exprimée sur une échelle sans unité, allant jusqu'à 10, qui est la dureté du diamant. Du point de vue structural, certaines zirconolites naturelles sont partiellement – voire totalement – métamictes. C'est le cas des zirconolites originaires du Sri Lanka, vieilles de 550 millions d'années et comportant 20% en masse de ThO2. Elles ont cumulé des doses comprises entre 5.1018 et 2,5.1021 désintégrations α/g, ce qui a induit l'amorphisation du cristal [CEA, 2001]. Titane (vert) Calcium (bleu) Zirconium (jaune) Oxygène (rouge) Figure II-1: Structure cristallographique de la zirconolite-2M de formule nominale CaZrTi2O7 [Mazzi, 1983]. Ce schéma a été obtenu par le logiciel powder cell [Powder Cell]. 1-2 La zirconolite synthétique 1-2-a) Méthodes de synthèse 1-2-a-i) Premier procédé : élaboration par frittage Ce procédé a été initialement mis au point par l'ANSTO (Australian Nuclear Science and Technology Organisation, Australie) ([Vance, 1994], [Mazzi, 1983] et [Gatehouse, 1981]). Il consiste à mélanger des solutions nitriques de calcium et de terres rares avec des alcoxydes (i.e. des composés organométalliques de Ti, Zr et Al) ou plus simplement avec des oxydes (CaO, ZrO2 et TiO2). Ce procédé permet l'obtention, dès la température ambiante, de particules sub-microniques ayant la stoechiométrie de la zirconolite. Après évaporation puis calcination vers 750 °C, les poudres issues de la voie alcoxyde sont broyées puis pastillées sous une pression de 40 Mpa. Le frittage s'opère enfin sous air vers 1400 °C durant 4 à 96 heures (voir Figure II-2). Figure II-2 : Schéma de synthèse de la zirconolite par frittage [CEA, 2001] Dans le cas de la voie oxyde, une calcination vers 950 °C du mélange d'oxydes est mis en oeuvre afin d'obtenir la phase de structure fluorite, précurseur de la zirconolite. Cette étape est suivie d'un broyage conduisant à l'obtention d'une poudre micronique, qui est pastillée puis frittée comme précédemment. Des terres rares tri- et tétravalentes peuvent être incorporées jusqu'à des teneurs en poids d'oxydes de l'ordre de 20 %, seules ou en mélange (Nd+Ce+La+Gd) [CEA, 2001]. 1-2-a-ii) Second procédé : élaboration par fusion en creuset froid Ce procédé est réalisé par induction directe de précurseurs dans le mélange (oxydes, nitrates, ). L'influence, sur la microstructure finale de la zirconolite, du cycle thermique (vitesse de chauffe et de refroidissement), de l'atmosphère (réductrice ou oxydante) et de la présence d'un élément simulant (Nd) a été étudiée plus finement à l'aide d'un procédé de fusion sans contact. Il consiste à sustenter le matériau sur un film de gaz et à le soumettre à un cycle thermique comprenant une étape de chauffage, un palier en température et une étape de refroidissement [Xu, 1999]. Les matériaux de départ sont des mélanges d'oxydes simples sous forme de poudre. Des essais préliminaires ont mis en évidence l'importance des étapes de chauffage et du palier en température sur l'homogénéité des échantillons élaborés : dans le cas d'échantillons de taille centimétrique, une fusion totale a été obtenue pour une vitesse de chauffage supérieure à 1 °C.s-1. De même, la vitesse de refroidissement joue un rôle prépondérant sur la morphologie et la nature des phases en présence. Les vitesses représentatives du procédé en creuset froid à l'échelle de la production sont typiquement inférieures à 0,5 °C.s-1 lorsque le bain fondu est refroidi dans le creuset (pas de coulée). Elles sont plus élevées lorsqu'on procède à une coulée (> 2 °C.s-1) [CEA, 2001]. 1-2 a-iii) Comparaison des céramiques obtenues par frittage et fusion en creuset froid. Par frittage, on obtient une céramique monophasée contenant plus de 99,5% de zir lite (et moins de 0,5 % de ZrTiO4, n'incorporant pas de terre rare), comme nous pouvons le voir sur la Figure II-3. Le taux de charge visé en lanthanides (simulant d'actinides) est atteint, soit 20 % en poids d'oxydes [CEA, 2001]. Figure II-3 : Microstructure de la céramique zirconolite Ca0.8Nd0.2ZrTi1.8Al0.2O7 frittée à 1400 °C par voie alcoxyde (grossissement ×2000) [CEA 2001]. La céramique obtenue par fusion contient environ 70% en volume de zirconolite, 25% de pérovskite (de formule CaTiO3) ainsi que quelques phases mineures telles que TiO2 et ZrO2. Ceci vient du fait que la zirconolite est un composé à fusion non congruente qui se forme par la réaction (péritectique) suivante : zircone + liquide → zirconolite (voir la Figure II-4). La pérovskite peut incorporer jusqu'à 48% du Nd présent dans la céramique, le reste étant confiné dans la zirconolite [CEA, 2001]. Figure II-4 : Pseudo-diagramme de phase du système ZrO2/TiO2+CaTiO3 [Xu, 1999]. - 33 - Chapitre II La microstructure de la céramique frittée se caractérise par des tailles de grains comprises entre 1 et 5 μm selon les précurseurs employés (alcoxydes ou oxydes) et une densification de plus de 96 %. La taille des cristaux de la céramique obtenue par fusion oscille entre 10 et plusieurs centaines de microns. La taille croit avec une diminution de la vitesse de trempe du bain fondu [NOMADE, 2002]. En conclusion, le procédé d'élaboration de la zirconolite retenu pour les études de matériaux est la voie alcoxyde car elle permet l'obtention de la zirconolite pure à plus de 99 %. Cependant, dans le cadre d'une production future à plus grande échelle, il demeure intéressant d'utiliser la voie par fusion (sous réserve de pouvoir synthétiser des zirconolites pures) car des infrastructures sur ce type de procédé sont déjà présentes à La Hague [Leturcq, 1998]. 1-2-b) Structure des zirconolites dopées en actinides ou en terres rares Dans le cas de l'insertion d'actinides, la structure cristalline « zirconolite-2M » est conservée pour un taux d'incorporation de PuO2 de l'ordre de 10 % en masse. Au-delà, la structure « zirconolite-4M » est la plus stable : cette structure conserve la symétrie monoclinique, mais elle est plus désordonnée. Pour de forts taux d'incorporation, c'est la structure cubique pyrochlore qui est stable [CEA, 2001]. Dans le cas de l'insertion de terres rares tri et tétravalentes, la flexibilité morphologique de la zirconolite a été démontrée expérimentalement dans les sites du Ca ou du Zr [CEA, 2001]. Toutefois, la solubilité est plus élevée lorsque la terre rare s'insère dans le site Ca : pour la zirconolite-2M, jusqu'à 20 % (x = 0,2) de substitution atomique dans le site du Ca et 15 % seulement dans le site du Zr [CEA, 2001]. Pour un pourcentage de substitution atomique compris entre x = 0,5 et 0,8 (dans les sites du calcium et du zirconium), la structure 4M est observée [Cheary, 1997]. 1-2-c) Zirconolite utilisée lors de mon étude Dans la suite de mon étude, la céramique utilisée est une zirconolite synthétique de structure 2M, obtenue par frittage et dopée au néodyme. Les échantillons ont été synthétisés par le Laboratoire d'Etude de Matériaux Céramiques pour le Conditionnement du CEA Valrho à Marcoule Sa formule brute est Ca0,8Nd0,2ZrTi1,8Al0,2O7, ce qui correspond à une teneur d'environ 10 % en masse de Nd2O3 (taux maximum prévu dans le cadre du projet NOMADE). Notons que le néodyme est un simulant non radioactif des actinides mineurs trivalents et tétravalents, qui sont les formes stable de ces éléments dans les eaux naturelles [Leturcq, 1998]. Chapitre II 2 Les mécanismes de lixiviation Provenant du latin lixivium (qui signifie « lessive »), la lixiviation désigne le lessivage de produits solides par un solvant approprié, de façon à en extraire les parties solubles [Universalis]. Dans un premier temps, nous allons aborder les principes généraux de la lixiviation et, dans un second temps, le cas particulier des minéraux insolubles, tels que la zirconolite, sera présenté. 2-1 Modélisation de la dissolution des minéraux : différentes approches De nombreux auteurs se sont intéressés à la dissolution des matériaux, notamment dans le cadre d'études géochimiques sur l'érosion des roches. Plusieurs théories ont été proposées afin de modéliser le système chimique constitué par l'interface {solide – solution} : elles s'appuient majoritairement sur la théorie du complexe activé développée par Eyring [Eyring, 1935]. Cette approche cinétique générale a été étendue au cas de la dissolution des minéraux. Selon les auteurs, la théorie du complexe activé a été appliquée : • aux réactions de surface ([Aagaard, 1982], [Helgeson, 1984]) ; • à la chimie de coordination ([Stumm, 1983], [Stumm, 1992]). • ces deux approches se trouvent également combinées dans certains travaux ([Chou, 1985], [Chou, bis, 1985]). Cependant, expérimentalement, il est souvent difficile d'appliquer un modèle dérivant de la théorie du complexe activé car elle fait intervenir des grandeurs microscopiques. De ce fait, d'autres auteurs ont développé une approche dans laquelle les paramètres influençant la dissolution sont considérés comme macroscopiques ([Lasaga, 1981], [Lasaga, 1983], [Lasaga, 1984], [Sverdrup, 1995]). Ces quatre approches sont présentées dans les paragraphes suivants. 2-1-a) Processus réactionnel général Quelle que soit l'approche retenue, les auteurs considèrent que la vitesse de dissolution du matériau est contrôlée par des réactions hétérogènes de surface intervenant à l'interface {solide – solution}. Le processus réactionnel peut être décomposé en trois étapes : 1. adsorption des espèces en solution sur les sites actifs de la surface du solide ; 2. réactions entre les espèces adsorbées ; 3. désorption des espèces produites et passage en solution. II Généralement, d'un point de vue cinétique, c'est cette dernière étape qui est considérée comme l'étape limitante du mécanisme de dissolution. 2-1-b) Application de la théorie du complexe activé aux réactions de surface Cette approche a été développée par P. Aagaard et al. lors de l'étude de l'hydrolyse des silicates ([Aagaard, 1982], [Helgeson, 1984]). Elle permet de décrire la cinétique de dissolution d'un minéral puis d'établir une loi générale de vitesse de la réaction de dissolution. Dans cette approche, le mécanisme de dissolution est considéré comme un ensemble de réactions élémentaires pour lesquelles la théorie de l'état de transition suppose la formation d'un complexe activé sur les différents sites actifs de la surface. Ce complexe activé correspondant à un état transitoire situé au sommet de la barrière de potentiel séparant les réactifs des produits dans chaque étape élémentaire. Ainsi, à partir de l'expression de la vitesse de chaque réaction élémentaire et en supposant que l'une d'entre elles (l'étape l) est l'étape limitante, la vitesse globale de dissolution peut être exprimée par la relation suivante : ⎛ dξ −ν = k.S.⎜⎜ ∏ ai i, k dt ⎝ i avec ⎞⎛ ⎛ − A ⎞⎞ ⎟⎟.⎜⎜1 − exp⎜ ⎟ ⎟⎟ ⎝ σ.R.T ⎠ ⎠ ⎠⎝ (II-1) ξ : avancement global de la réaction ; k : constante de vitesse de la réaction globale (g.m-2.j-1) ; S : surface du solide considéré (m2) ; ai : activité du réactif i intervenant dans la réaction globale ; νi,k,: co efficient stoechi ométrique du réactif i intervenant dans la ré action de formation du complexe activ é lors de l'étape limitante l ; σ : co efficient stoe chiométrique moyen de la réaction globale , défini par la relation : A σ= (II-2) ∑ Aj j où Aj désigne l'affinité chimique de l'étape élémentaire j et A correspond à l'affinité chimique de la réaction globale définie par la relation : ⎛ K (T ) ⎞ ⎟⎟ A(T, ξ ) = − Δ R G (T, ξ ) = R.T. ln⎜⎜ ⎝ Q(T, ξ ) ⎠ (II-3) où K(T) est la constante d'équilibre et Q(T, ξ) le quotient réactionnel associé à la réaction globale de dissolution. - - Chapitre II A partir de l'équation II-3, deux cas extrêmes peuvent être distingués, selon que la réaction se déroule loin ou à proximité de l'équilibre [Aagaard, 1982]. 2-1-c) Application de la théorie du complexe activé à la chimie de coordination Cette approche a été proposée par W. Stumm et al. ([Stumm, 1983], [Stumm, 1992]). Elle s'appuie sur la chimie de coordination à l'interface {solide – liquide} et permet d'étudier l'influence de la coordination de surface sur la dissolution et la précipitation des phases minérales. La disposition d'un solide à se dissoudre est liée à la nature des espèces présentes à la surface. La réaction de dissolution est induite par la coordination de ces espèces avec les ions H+, OH-, et les ligands (notés L) présents dans le milieu et susceptibles de polariser, facilitant ainsi la rupture des liaisons au sein du matériau. La vitesse de dissolution Vd est donc proportionnelle à la concentration des espèces présentes en surface et pouvant être considérées comme des précurseurs des complexes activés. Elle peut être exprimée de la façon suivante : Vd = k × C j où (II-6) k est la constante de vitesse (s-1), Cj la concentration du précurseur j du complexe activé (mol.m-2). Dans le cas de la dissolution du solide dans un milieu acide simple, si la réaction fait intervenir un unique mécanisme impliquant α étapes de protonation pour former le complexe activé, la vitesse de dissolution peut s'écrire : Vd = k H (C HS ) α où (II-7) kH est la constante de vitesse en présence de protons (s-1) ; 37 Chap II C HS est la concentration de protons à la surface du solide (mol.m-2) ; α est généralement un nombre entier correspondant à la charge du cation central. Cependant, si le processus de dissolution fait intervenir plus d'une réaction élémentaire, α n'est pas entier. Par généralisation, si on considère qu'interviennent les étapes de protonation (H+), déprotonation (OH-) et/ou de complexation (L), ce qui sera le cas dans notre étude, alors l'expression de la vitesse de dissolution peut s'écrire : S Vd = k H (C HS ) α + k OH (C OH ) β + k L ( C LS ) γ (II-8) 2-1- d ) Combinaison des deux approches précédentes Les deux approches décrites précédemment ont été utilisées dans celle développée par L. Chou et al. ([Chou, 1985] et [Chou, bis, 1985]). La réaction de dissolution est considérée comme une succession d'étapes élémentaires. Le complexe activé de la réaction limitante résulte de l'activation d'un complexe de surface qui forme une solution solide continue avec la matrice. La réaction entre les espèces de surface et les espèces en solution peut être décrite par l'équilibre suivant : aAsurface + bBsolution ⎯⎯→ cC surface + dDsolution ← ⎛ Nc La constante associée à cet équilibre s'écrit : K = ⎜⎜ Ca ⎝ NA où n ⎞ a Dd ⎟ × b ⎟ a B ⎠ (II-9) aB et aD sont les activités des espèces présentes en solution ; NA et NC sont les fractions molaires des espèces de surface ; n est l'exposant lié à l'excès d'enthalpie ω résultant du mélange des espèces de surface avec le minéral et défini par n = 1 - ω/2RT. Par ailleurs, la vitesse de dissolution peut s'exprimer en fonction de la concentration de complexe activé : Vd = k × C ∗ (II-10) où k est la constante de vitesse (s-1) et C* représente la concentration du complexe activé à la surface du solide (mol.m-2). En considérant que les coefficients a et c sont stoechiométriques, i.e. 2-1-e) Approche expérimentale macroscopique A.C. Lasaga et al. ([Lasaga, 1981], [Lasaga, 1983], [Lasaga, 1984], [Sverdrup, 1995]) ont proposé une forme générale de l'expression de la vitesse de dissolution d'un minéral, Vd, en tenant compte uniquement des paramètres macroscopiques obtenus d'après des résultats expérimentaux : Vd = k 0 × S × e − Ea RT × a HH++ × g ( I ) × ∏ ai i × f (Δ R G) n n (II-12) i avec : k0 : constante de vitesse (s-1) ; S : surface réelle du solide (m2) ; Ea : énergie d'activation apparente de la réaction globale ; ai : activité de l'espèce i en solution ; ni : ordre partiel de la réaction globale par rapport à l'espèce i ; g(I) : dépendance de la vitesse de dissolution avec la force ionique du milieu ; f(∆RG) : dépendance de la vitesse de dissolution avec la valeur de la variation d'enthalpie libre de la réaction de dissolution, c'est à dire avec la déviation par rapport à l'équilibre. On peut remarquer que cette équation ne fait pas intervenir de concentration de complexe activé ce qui la rend expérimentalement plus accessible. 2-1-f) Cas particulier de la dissolution des oxydes complexes Traitons rapidement le cas particulier de la dissolution de minéraux complexes, ce qui est le cas de la zirconolite. Celle-ci requiert la rupture de plusieurs types de liaisons métaloxygène. Certains types de liaisons métal-oxygène se rompent plus vite que d'autres : des - 39 - Chapitre II études ont montré que les vitesses relatives d'hydrolyse des verres et minéraux complexes sont fortement corrélées aux vitesses de dissolution des oxydes simples [Oelkers, 2001]. Si on se place dans des conditions données (pH, température), le processus de dissolution global se compose d'une série d'étapes distinctes. La plus lente de ces étapes est l'étape limitant la réaction. Elle consiste en la rupture du dernier type de liaisons oxygènemétal qui maintenait la structure du minéral. 2-2 Cas d'un matériau peu soluble 2-2-a) Solubilité d'un élément La solubilité d'un composé ionique ou moléculaire (dans l'eau) est la quantité maximale de moles de ce composé que l'on peut dissoudre ou dissocier, à une température donnée, dans un litre d'eau. Dans le cas de matériaux peu solubles, il est nécessaire de connaître la solubilité des différentes espèces intervenant au cours de la dissolution. Dans le cas de la lixiviation de la zirconolite dans l'eau initialement pure, nous allons supposer que ses éléments constitutifs (Ca2+, Al3+, Ti4+, Zr4+ et Nd3+) ne vont réagir que par l'intermédiaire des ions HO- et H+. Nous allons donc nous intéresser à la solubilité des hydroxydes. Pour chaque élément, l'étude des limites de solubilité nécessite la prise en compte simultanée des constantes d'équilibre des réactions d'hydrolyse et de la constante de solubilité de l'hydroxyde non chargé. Ceci est détaillé dans les paragraphes suivants. 2-2-a-i) Produit de solubilité Les constantes d'équilibre impliquant un composé solide sont appelées constantes de solubilité et sont notées Ks. Si MaLb(s) est un solide, et en supposant qu'aucune espèce en solution n'est complexée, alors sa dissolution s'écrit : M a Lb ⎯⎯→ aM + bL avec K S = (a M ) a × (a L ) b ← (II-13) Où a M et a L sont les activités de M et L respectivement. Dans le cas général où L et M sont dilués (concentration inférieure à 0,01 mol.L-1), on peut faire l'approximation suivante : K S = [ M ] a × [ L]b (II-14) 2-2-a-ii) Constante d'équilibre des réactions d'hydrolyse Pour une espèce M, en faisant comme précédemment l'hypothèse d'un milieu dilué, les constantes d'équilibre des réactions d'hydrolyse en solution aqueuse s'écrivent : q− nM + qH 2 O ⎯⎯→ M n OH q ← q− + + qH avec K n,q = [ M n OH q ][ H + ] q (II-15) [ M ] n 2-2-a-iii) Courbes de solubilité obtenues Pour certains éléments, les constantes de solubilité et les constantes d'équilibre des réactions d'hydrolyse sont parfaitement connues : c'est le cas du calcium et de l'aluminium [Michard, 1989]. Pour d'autres éléments, les données sont plus rares, comme par exemple pour le néodyme [Leturcq, 1998], et aucunes incertitudes sur les données ne leur sont associées. Enfin, dans le cas d'éléments très insolubles sur une large plage de pH, les données varient selon la technique utilisée pour déterminer la solubilité. Il convient donc, dans ce dernier cas, d'associer les barres d'erreur aux données prises en compte, comme dans le cas du titane [Knauss, 2001] et du zirconium [Brown, 2005]. Les limites de solubilité des hydroxydes des éléments constitutifs de la zirconolite sont présentés dans la Figure II-5. 0 Ca ( II ) log [concencentration max] Al(III) -2 Ti(IV) Zr(IV) Nd(III) -4 -6 -8 -10 1 3 5 7 pH 9 11 13 Figure II-5: Solubilité des hydroxydes des différents éléments constitutifs de la zirconolite : Ca2+, Al3+, Ti4+, Zr4+ et Nd3+. Des barres d'erreurs sont indiquées pour les éléments les plus insolubles sur une large plage de pH (zone grise pour le zirconium et zone en pointillés pour le titane). Pour la solubilité du calcium, le calcul ne tient pas compte de la pression partielle de CO2 dissoute dans l'eau et pouvant se complexer avec le calcium. 2-2-a-iv) Influence de la taille des grains Les solides finement divisés présentent une solubilité plus grande que les cristaux de tailles plus importantes ([Sönhel, 1977] et [Michard, 1989]). Pour les particules de tailles inférieures à 1 μm ou dont la surface spécifique est supérieure à quelques mètres carrés par gramme, l'énergie de surface peut devenir suffisamment importante pour influencer les propriétés de surface. Ainsi, l'enthalpie libre d'un solide dépend des défauts de son réseau tels que les dislocations ou autres hétérogénéités de surface. Ce phénomène a été observé en milieu acide pour des colloïdes d'hydroxyde de zirconium [Cho, 2005]. 2-2-b) Notion de perte de masse normalisée Afin de comparer les résultats obtenus dans différentes conditions étudiées, les pertes de masse et les vitesses de dissolution déterminées d'après les concentrations des différents éléments dans le lixiviat sont normalisées par rapport à la surface du matériau et à la fraction massique de l'élément au sein du solide. La perte de masse normalisée, PMN(i), exprimée en g.m-2, traduit le passage en solution, à un instant donné, de l'élément i. Elle est définie par : PMN (i ) = Où Ci × V mi = xi × S xi × S (II-16) S : surface spécifique initiale de l'échantillon (m2) ; Ci : concentration en espèce i (g.L-1) ; xi : fraction massique de l'espèce i dans le solide initial; V : volume du lixiviat (L) mi : quantité en espèce i (g) La vitesse de dissolution (ou de lixiviation) normalisée du matériau, aussi appelée taux de lixiviation normalisé et notée RL(i), exprimée en (g.m-2.jour-1), correspond à la dérivée de la perte de masse normalisée par rapport au temps, dans l'hypothèse où, ni la surface spécifique S du solide, ni la fraction massique xi ne sont modifiées lors de la dissolution du matériau (équation II-17). R L (i ) = dm 1 dPMN (i ) = × i dt xi × S dt (II-17) 2-2-c) Stoechiométrie et congruence Une dissolution est qualifiée de stoechiométrique si tous les éléments i présents sont relâchés à la même vitesse normalisée. Elle sera à l'inverse dite sélective vis-à-vis d'un élément si celui-ci quitte le solide plus rapidement que les autres. Par ailleurs, la dissolution est appel congruente lorsque les rapports molaires entre les différents éléments constitutifs du matériau sont identiques à ceux présents dans la solution et incongruente dans le cas contraire. Dans ce dernier cas, un ou plusieurs éléments précipite(nt) au sein de phase(s) néoformée(s) en aval de la réaction initiale de dissolution. 2-2-d) Evolution du taux de lixiviation Une courbe de lixiviation peut donc prendre des allures différentes selon le matériau étudié et les conditions opératoires, comme on peut le constater sur la Figure II-6. Figure II-6: Evolution de la perte de masse normalisée (notée NL sur cette figure) d'un élément dans un matériau peu soluble en fonction de la durée de lixiviation [Dacheux, 2006]. On appelle vitesse initiale d'altération, notée V0 ou R0, le taux initial d'altération en début de dissolution. Lors de cette étape, la dissolution est cinétiquement contrôlée. Cette étape de dissolution initiale est transitoire : la phase néoformée qui précipite à la surface du solide lorsque la saturation du lixiviat est atteinte ralentit le passage en solution des éléments constitutifs du solide (régime thermodynamique). La vitesse (ou taux de lixiviation) diminue alors rapidement vers une vitesse en condition dite de saturation, notée Vt, du fait de - 43 - Chapitre II l'établissement d'une limitation diffusive. Pour les espèces arrivées à saturation, cette vitesse peut devenir quasiment nulle ou même négative selon la stoechiométrie de la phase néoformée. Notons enfin que, pour une espèce i, le ralentissement de la vitesse est retardé dans le cas où cette espèce demeure soluble, ce qui conduit à une phase néoformée appauvrie en i. 2-3 Paramètres influençant la dissolution d'un matériau 2-3-a) Influence du pH de la solution L'influence du pH sur la vitesse de dissolution d'un matériau a été abondamment étudiée ([Aagaard, 1982], [Chou, bis, 1985], [Blum, 1988], [Östhols, 1994] et [Furrer, 1991]). Dans la plupart des cas, la vitesse de dissolution augmente avec l'acidité du milieu, proportionnellement à l'activité des ions hydronium affectés d'un ordre partiel caractéristique du matériau. En se plaçant à température constante, le taux de lixiviation normalisé en milieu acide, noté RH, s'écrit donc : RH = kT'× (a H O + ) n = kT'× (γ H O +.[ H 3 O + ]) n = kT'' × [ H 3O + ]n 3 3 (II-18) où kT' est la constante apparente de vitesse normalisée de la réaction. Elle est indépendante du pH, mais elle dépend de la température ; kT'' correspond à la constante apparente de vitesse de la réaction. Elle est indépendante du pH, mais elle dépend de la température et de la force ionique du milieu ; aH O + représente l'activité de H3O+ ; 3 γ H O est le coefficient d'activité de H3O+ ; 3 + n est l'ordre partiel de la réaction de dissolution par rapport à H3O+. Les valeurs de n et de kT'' sont déterminées expérimentalement à partir de la variation de la vitesse de dissolution avec l'acidité du lixiviat. Pour la plupart des matériaux, la valeur de l'ordre partiel n est généralement comprise entre 0 et 1 [Blum, 1988]. Elle est liée à la concentration en complexe activé formé à la surface du solide lors du processus de dissolution. Dans le cas de matériaux peu solubles, cela peut se comprendre en termes de variation de la solubilité. En effet, comme l'illustre la Figure II-5, à des pH très acides ou très basiques, les limites de solubilité augmentent : ceci peut s'expliquer par la prédominance d'espèces chargées positivement en milieu acide et par la prédominance d'espèces chargées négativement en milieu basique. Ces espèces étant chargées, elles sont plus solubles dans l'eau, solvant polaire. - Chapitre II 2-3-b) Influence de la présence d'un complexant 2-3-b-i) Influence sur la vitesse de dissolution Par analogie avec le paragraphe 2-1-c), la variation du taux de lixiviation en fonction de la teneur en complexant peut s'exprimer de la même façon qu'en fonction du pH.
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Quelle est notre revue? QUELLE EST LA DIFFUSION DE NOTRE REVUE? Les résultats de l'enquête menée en 1978 auprès des lecteurs français ont été dans le n° 1 de 1979. Vous connaissez donc mieux comment se répartissent leurs centres d'intérêt et quelles sont leurs observations et critiques. Pour er cette année de publication 1980, il nous semble ant de vous présenter la répartition géographique des abonnés, à partir de l'état de notre fichier abonnements en fin d'année 1979. Les trois-quarts de nos abonnés résident en France dont 13 % du total à Paris et dans les départements périphériques et °/U dans les départements et ires Outre mer Tableau 1. - Répartition des abonnements par département et grande catégorie professionnelle (échanges et services gratuits compris) Départements Ain Aisne Allier Alpes-de-Haute-Provence Alpes (Hautes) Alpes-Maritimes Ardèche Ardennes Ariège Aube Aude DRONF, Centres ONF, DDA, SRAF, CTGREF, CRPF, Chambres d'agriculture, Prot. végét., Parcs 1 2 2 4 4 2 2 2 5 3 2 et recherche Propriétaires, associations, syndicats et groupements 3 1 2 3 1 2 3 Enseignement 2 17 5 R.F.F. XXXII. 1-1980 5 2 8 4 Total 8 3 3 6 5 5 1 4 9 6 2 10 7 8 11 11 13 3 11 18 34 8 J. GUILLARD Départements Aveyron Bouches-du-Rhône Calvados Cantal Charente Charente-Maritime Cher Corrèze Corse Côte-d'Or Côtes-du-Nord Creuse Dordogne Doubs Drôme Eure Eure-et-Loir Finistère Gard Garonne-(Haute) Gers Gironde Hérault Ille-et-Vilaine Indre Indre-et-Loire Isère Jura Landes Loir-et-Cher Loire Loire (Haute) Loire-Atlantique Loiret Lot Lot-et-Garonne Lozère Maine-et-Loire Manche Marne Marne (Haute) Mayenne DRONF, Centres ON F. DDA. SRAF. CTGREF, CRPF. Chambres d'agriculture, Prot. végét., Parcs 2 13 4 2 1 1 6 2 3 9 1 1 2 20 2 2 2 3 2 7 2 8 6 7 1 1 6 5 3 4 1 2 4 9 1 1 4 1 1 5 4 1 Enseignement et recherche 3 3 2 1 5 6 3 2 1 1 1 27 1 2 1 6 Propriétaires, associations, syndicats et groupements 1 11 5 1 3 5 2 3 9 2 1 1 5 9 11 2 5 7 4 6 1 4 4 6 1 30 7 5 1 1 10 2 10 8 7 4 Total 6 32 9 7 1 5 10 15 8 31 3 4 8 36 11 4 3 1 8 5 2 1 4 2 4 1 6 6 2 2 1 11 6 6 3 4 2 1 6 1 1 6 2 4 7 1 8 1 1 3 3 1 10 3 8 10 20 3 50 22 16 4 3 27 14 19 15 12 9 6 46 3 1 14 10 4 13 14 3 Quelle est la diffusion de notre revue Départements DRONF, Centres ONE, DDA, SRAF, CTGREF, CRPF. Chambres d'agriculture, Prot. 0 o. O o o... O o.... 0 o. 0 o.. PARIS 00.. 0 0 o.. 0 0. 000 0... O. ~ 000 0 000.... 0o 0000 0 Oo 00 0. O 00 0o. o. o : : o 0 0 Oo 0O 0 o O " 0 : : 0 00 00 o o„ Oo o :: o o... ••. O. 0. 0 o. 0:: 0 0 0. 0 O o :. o. 00 000 0 0 0 o 0 o. 0 o o 50 abonnés 10 abonnés 5 abonnés • 1 abonné 8 Quelle est la diffusion de notre revue Oo O 000 O r 8 O ô.v 0. 0 50 abonnés 0 10 abonnés 0. 5 abonnés 1 abonné 0... Oo QO 0 :: 0. O.. Oo O. Oo o. Nos envois, près de 500, vers l'étranger sont dirigés vers 59 états mais les 9 pays de la Communauté économique européenne regroupent à eux-seuls le tiers des destinataires. Cette dispersion mondiale de près de 500 destinataires, dont seulement 20 % vers des pays francophones, témoigne de l'intérêt international porté à la Revue. Même si, pour une publication du caractère de la Revue forestière française, le nombre des abonnés est important, c'est à notre avis encore bien insuffisant et, à plusieurs reprises, nous avons souligné l'intérêt et la nécessité d'accroître sa diffusion. C'est l'intérêt de tous de mieux diffuser une information dont vous, abonné, reconnaissez l'intérêt. Mais il est également capital de mieux faire connaître les progrès actuels et les progrès possibles de la forêt française, de mieux répandre la connaissance, les techniques, les réussites et aussi les difficultés, de faire connaître plus largement les divers points de vue. Tableau 2. - Répartition des envois vers l'étranger EUROPE FRANCE DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER Guyane Guadeloupe Martinique Réunion 1 448 18 7 5 5 1 TERRITOIRES D'OUTRE-MER 10 Nlle Calédonie Tahiti 9 1 Albanie R.F.A R.D.A Angleterre Autriche Belgique Bulgarie Danemark Espagne Finlande Hollande Hongrie Italie Irlande Luxembourg Norvège Pologne Portugal Roumanie Suède Suisse Tchécoslovaquie U.R.S.S Yougoslavie 328 AMÉRIQUE 59 AFRIQUE 40 5 14 2 13 4 78 5 2 45 2 15 13 42 - 7 2 11 6 3 3 19 6 15 16 Argentine Brésil Canada Chili Cuba Mexique Pérou Porto Rico Québec Uruguay U.S.A Venezuela 6 1 8 2 1 1 1 1 9 1 25 3 Algérie Bénin Cameroun Cap Vert Congo Côte-d'Ivoire Guinée Kenya Madagascar Maroc Rép. Rwandaise Sénégal Tunisie 10 2 1 1 4 3 5 1 5 4 1 1 2 ASIE 32 Bangladesh Chine Inde Iran Israël Japon Turquie Vietnam 1 5 3 3 2 10 5 3 OCÉANIE 5 Australie Nlle Guinée Nlle Zélande 2 1 2 C'est aussi une nécessité ; le seul moyen de maintenir le coût de l'abonnement et le prix au numéro, devant la hausse des coûts de toute nature, est d'augmenter le tirage. Pour mieux défendre et pour promouvoir la forêt française et la cause de tout ce qui lui est lié, il est indispensable de recruter et de conquérir un nombre encore plus grand de lecteurs. 10 Quelle est la diffusion de notre revue Je fais donc appel à vous tous pour une plus grande diffusion de la Revue forestière française. Est-ce trop demander que de souhaiter le recrutement d'un nouvel abonné par chaque destinataire? Si vous avez déjà prêté des numéros à un ami, un collègue ou une personne venue vous demander quelques renseignements, pourquoi ne pas l'inciter à souscrire un abonnement? Si, comme cadeau à un parent, une relation professionnelle, un ami, vous l'abonniez pour un an à la Revue, peut-être gagneriez-vous ainsi un nouvel abonné définitif? Nous tenons un certain nombre d'exemplaires récents à la disposition de ceux qui souhaiteraient appuyer leur démarche par des exemples concrets ; quelques numéros peuvent leur être adressés gratuitement à leur demande. Essayons tous ensemble, non seulement d'augmenter l'intérêt et la qualité de la Revue, mais aussi d'agrandir le cercle de ses lecteurs, d'accroître le nombre des abonnés français et étrangers.
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La Cour internationale de justice face à la situation en Ukraine : la quête de l’équilibre : Observations à propos de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires du 19 avril 2017 dans l’Affaire de l’application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie). Annuaire français de droit international, 2017, 63 (1), pp.177-203. &#x27E8;10.3406/afdi.2017.5370&#x27E9;. &#x27E8;hal-03910056&#x27E9;
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57 CIJ, Opinion individuelle de M. le juge OWADA, Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 19 avril 2017, §10, p.2. 58 CIJ, Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 19 avril 2017, §78, p.27. L’Ukraine demande à la Russie de « s’abstenir de tout acte de discrimination raciale, de suspendre la décision interdisant le ensemble assez étendu de faits qu’elle considère comme contraires aux prescriptions de la CIEDR59. Dans son analyse de cette prétention, la Cour recherche « s’il est plausible que les actes [allégués] puissent constituer des actes de discrimination raciale au sens de la convention »60. Sans expliquer plus avant la méthode employée pour procéder à une telle caractérisation, la Cour conclut que « certains [de ces] actes remplissent cette condition de plausibilité. Tel est le cas de l’interdiction du Majlis et des restrictions invoquées par l’Ukraine s’agissant des droits des Ukrainiens de souche en matière d’éducation »61. La brièveté de cette affirmation interroge car elle exclut une partie des atteintes potentielles qui avaient été invoquées par le demandeur, pour ne retenir que la question de la dissolution du Majlis et celle relative à l’usage, dans le cadre éducatif, de la langue pour les « Ukrainiens de souche ». L’approche suivie par le juge est stricte car, après avoir établi que le demandeur semblait disposer des droits en vertu de la CIEDR, la Cour admet que « les actes qu’il allègue [pourraient] constituer des actes de discrimination »62. Il ne s’agit donc pas de rechercher la seule preuve de l’inapplicabilité manifeste du droit à la situation, comme l’approche souple se contentait de l’exiger. Si la Cour ne détaille pas avec précision la méthode de son analyse, il est possible de trouver des indices de la démarche poursuivie à l’étape de l’analyse de la corrélation devant exister entre les mesures requises et la protection des droits au fond qui conclut la seconde partie du raisonnement du juge63. L’étude de la corrélation implique que les mesures pouvant être indiquées participent à l’évitement de l’aggravation du différend et à la protection de la procédure contre des mises en cause extérieures64. Il s’agit ainsi pour la Cour de s’assurer qu’elle ne fera droit qu’à des demandes reliées au différend et de réaffirmer que le pouvoir qu’elle tient en vertu de l’article 41 du Statut ne « consiste pas en un pouvoir de police en vue d’assurer le maintien de la paix internationale, ni une compétence générale pour formuler des recommandations en matière de règlement pacifique des différends »65. L’ordonnance rendue par la Cour insiste sur la nécessité de ce lien et opère, à cette étape, un tri entre les demandes introduites par l’Ukraine. Les sollicitations liées à la commission potentielle d’actes de discrimination raciale contre des personnes, groupes ou institutions dans la péninsule criméenne ou semblant établir la disparition de Tatars de Crimée sont rejetées, sans que la Cour n’apporte de précision sur les motifs l’ayant amenée à un tel refus66. Bien qu’une grande marge de manœuvre lui soit laissée par l’article 41 du Statut, on ne peut que s’étonner de l’absence complète de justification proposée. Les mesures rejetées présentaient-elles un lien trop indirect avec l’objet du différend? Les éléments de preuve apportés par le demandeur étaient-ils insuffisamment Majlis des Tatars de Crimée, de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin aux disparitions de Tatars de Crimée et de lever les restrictions relatives à l’enseignement en langue ukrainienne ». 59 Ibidem. §§32, 34, p.14. Le demandeur reproche à la Fédération de Russie, la mise en place d’une (§32), « discrimination à l’égard des communautés des Tatars de Crimée et des Ukrainiens de souche vivant dans la péninsule ». Celles-ci sont, ensuite, détaillées au §34. Pour les Tatars de Crimée : privation de dirigeants et d’institutions politiques (par la dissolution du Majlis), empêchement de rassemblements culturels, instauration d’un régime de disparitions et de meurtres, d’une campagne de perquisitions et de détentions arbitraires, réduction au silence des médias et privation de droits en matière d’éducation. Pour les Ukrainiens de souche vivant en Crimée : restriction de leurs droits en matière d’éducation et de leur capacité à préserver leur langue et leur culture, restrictions médiatiques. 60 Ibidem, §82, p.30. 61 Ibid., §83, p.30. 62 Ibid., §82, p.30. 63 Ibid., §81, p.30. 64 Robert KOLB, La Cour internationale de Justice, op. cit., p.645. 65 CIJ, opinion individuelle de M. Président JIMENEZ DE ARECHAGA, Plateau continental de la mer Egée (Grèce c. Turquie), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 11 septembre 1976, p.16. 66 CIJ, Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 19 avril 2017, §§85-86, p.30. documentés pour établir le lien? Ce constat d’insuffisance s’inscrit dans la continuité des observations doctrinales, pour qui « il est difficile de proposer une règle générale et précise quant à la proximité des mesures demandées avec l’objet du litige »67, les situations étant variables et l’approche du juge peu prévisible. 2. Les potentialités d’une nouvelle voie, la proposition d’un « test de vulnérabilité » Si la pratique du test de plausibilité est aujourd’hui installée dans la jurisprudence, son usage reste sujet à des critiques nourries. Le juge Cançado Trindade, membre de la formation de jugement dans la présente affaire, a proposé, dans son opinion individuelle, qu’un test de vulnérabilité lui soit substitué. Le juge part du constat qu’« un droit est un droit, qu’il soit ou non “plausible” ». Il rappelle, par suite, que « c’est aux besoins de protection, et non aux stratégies contentieuses, qu’il convient de s’intéresser avant tout »68. Derrière cette affirmation se trouve la volonté de substituer à la plausibilité une approche plus large axée sur la protection (qui est visée par le dispositif conventionnel sur lequel le différend est noué). La place de l’individu dans l’ordre juridique international contemporain est un sujet d’intérêt primordial69. L’étude de la plausibilité, spécifiquement centrée sur le risque supporté par l’État, rend invisible l’individu pourtant victime immédiate des comportements étatiques, nonobstant sa qualité de destinataire principal de la règle dont la violation est invoquée. En effet, si l’interdiction des discriminations découlant de la CIEDR astreint exclusivement l’Etat à certaines obligations internationales – en le contraignant à s’abstenir ou à mettre en place des mesures positives – ces dernières ne conservent d’effet utile qu’en ce qu’elles sont destinées à protéger les individus placés sous la juridiction d’un État partie. Or, de l’avis du juge Cançado Trindade, l’emploi du test de plausibilité, au-delà des nombreuses imprécisions qui l’entourent et que l’ordonnance révèle70, semble limiter trop drastiquement la Cour dans l’exercice de sa fonction. En effet, cette dernière doit éviter, dans le cadre spécifique de l’article 41 du Statut, que le différend ne s’aggrave et que les droits des Parties ne soient atteints. Selon cette position, le test de vulnérabilité permettrait de concentrer l’attention sur les risques qui pèsent sur les individus ou 67 Robert KOLB, La Cour internationale de Justice, op. cit., p.648. CIJ, opinion individuelle de M. le juge CANÇADO TRINDADE, Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 19 avril 2017, §40, p.14. Le juge cite, au soutien de son affirmation, une position qu’il avait déjà adoptée dans un contentieux précédent : CIJ, opinion individuelle du juge CANÇADO TRINDADE, Questions concernant la saisie et la détention de certains documents et données (Timor-Leste c. Australie), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 3 mars 2014, §48, p.186. 69 Cf . notamment les déb ats tenus dans le cadre des Nations Unies, « L’ONU débat du concept de sécurité humaine dans les relations internationales », dépêche du 14 avril 2011, Centre d’actualité de l’ONU, New York ; Cf. notamment les études doctrinales : Christian DOMINICE, L’ordre juridique international entre tradition et innovation, nouvelle édition, Genève, Graduate Institute Publications, 1997, consultable (en ligne le 15 mai 2018) à < http://books.openedition.org/iheid/1341 > ; DUPUY (P.-M.), L’individu et le droit international, Théorie des droits de l’homme et fondements du droit international, Paris, L’Harmattan, 1999 ; JOUANNET (E.), Le droit international libéral-providence, Une histoire du droit international, coll. de droit international, vol. 69, Bruxelles, Bruylant, 2011, pp.217 et s. 70 CIJ, opinion individuell e de M. le juge CANÇADO TRINDADE, Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 19 avril 2017, §38-39, pp.13-14. Comme le constate le juge : le terme de « ‘plausibilité́ ’ [est en question] à propos non seulement de droits (par. 63-64, 69, 75, 79 et 82) mais aussi, plus largement, de l’application d’instruments internationaux (par. 70), soit deux éléments distincts. La Cour l’utilise aussi s’agissant de faits (par. 66, 68, 75 et 82-83), renvoyant ainsi à un troisième élément, celui de ‘plausibilité’ factuelle. C’est même parfois d’intention ou de but (par. 66) qu’il s’agit, ou encore d’arguments ou d’allégations (par. 71) » et loin « la Cour entend appliquer la ‘plausibilité’ non seulement en tant que critère (supra), mais même en tant que ‘condition’ (par. 83) ». 68 sur les groupes d’individus vraisemblablement victimes de la violation des protections conventionnelles dont la Cour aura à connaître au fond. Si séduisante qu’elle puisse paraître, cette proposition appelle plusieurs remarques. L’emploi du terme « vulnérabilité », explicitement mentionné dans l’ordonnance de la Cour71, n’est pas neutre. La vulnérabilité implique un ensemble conceptuel, dont l’intégration par le droit est susceptible de modifier en profondeur les équilibres normatifs existants72. L’emploi de ce terme semble ouvrir la voie à une évolution du rôle de la Cour qui serait ainsi plus résolument tourné vers la protection des individus. Cette option semble être de plus en plus suivie et peut être rapprochée du prononcé d’une ordonnance rendue par la Cour quelques semaines après celle faisant l’objet de cette étude dans l’affaire Jadhav73. À l’occasion de ce contentieux, la doctrine a pu identifier dans la position de la Cour la « recherche (...) d’une certaine “humanisation” du droit international »74. Le juge Cançado Trindade a, une nouvelle fois, réitéré ses remarques, évoquant le fait que « dans le droit international contemporain, les droits des États et des individus doivent être envisagés comme un tout, et ne peuvent être dissociés l’un de l’autre [ce qui implique l’existence d’une] conscience juridique universelle, trouvant son origine dans l’idée d’une justice objective »75. Toutefois, comme le remarque A. Peters, bien que la substitution d’un test à l’autre amènerait la Cour à plus de générosité dans l’indication de mesures conservatoires, une approche combinée pourrait être plus pertinente76. Dans le cadre de l’examen de la plausibilité des atteintes à la protection conventionnelle applicable, la vulnérabilité particulière des victimes pourrait constituer un élément d’analyse supplémentaire susceptible d’abaisser le seuil de déclenchement des mesures pouvant être adoptées. Une approche envisageant la vulnérabilité comme un élément aggravant a déjà été mobilisée par d’autres juridictions internationales. L’exemple de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (qui fut présidée par le juge Cançado Trindade)77 et, dans sa lignée, de la Cour européenne des droits de l’homme, est ici particulièrement éclairant. Bien que ces juridictions n’aient pas le même office que celui de la Cour, le recours au qualificatif « vulnérable » a pu être employé, par les juges de Strasbourg notamment afin de moduler le seuil de gravité exigé pour constater la violation de certaines dispositions conventionnelles78. Un tel mouvement participerait à éclairer la position retenue par la CIJ, la vulnérabilité venant au soutien de l’analyse de plausibilité. 71 CIJ, Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 19 avril 2017, §96, p.33. 72 Cf. en ce sens les travaux menés par Marion BLONDEL, La personne vulnérable en droit international, Thèse, Université de Bordeaux, 2015, dactyl., pp.366-473. Pour l’auteure (spéc., p.366) : « L’accent mis la vulnérabilité peut être révélateur d’une volonté de renouvellement des fondements de la prise en considération des personnes à protéger sur la scène juridique internationale ». 73 CIJ, Jadhav (Inde c. Pakistan) demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 18 mai 2017. 74 Marion BLONDEL, « Chronique de jurisprudence internationale : Cour internationale de Justice, ordonnance en indication de mesures conservatoires du 18 mai 2017, Affaire Jadhav (Inde c. Pakistan) », in RGDIP, t.121, 2017/3, pp.918-919. 75 CIJ, Opinion individuelle de M. le juge CANÇADO TRINDADE, Jadhav (Inde c. Pakistan) demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 18 mai 2017, §§7-8, p.3. Nous traduisons. 76 Anne PETERS, “Vulnerability” versus “Plausibility”: Righting or Wronging the Regime of Provisional Measures? Reflections on ICJ, Ukraine v. Russian Federation, Order of 19 April 2017”, op. cit. 77 A propos de l’influence de la pensée du Juge CANÇADO TRINDADE, cf. Hélène TIGROUDJA, « La Cour interaméricaine des droits de l’homme au service de ‘l’humanisation du droit international public’, propos autour des récents arrêts et avis », in cet Annuaire, 2006, p.618. 78 Pour la Cour interaméricaine des droits de l’homme cf. en ce sens CIDH, arrêt du 11 mars 2005, Caesar c. Trinidad and Tobago, série C, n° 123 ; pour la Cour européenne des droits de l’homme : à propos de la question de la torture cf. CourEDH, arrêt du 22 juin 2004, Aydin et Yunus c. Turquie, req. n° 32572/96, 33366/96 ; CourEDH, arrêt du 16 octobre 2008, Renolde c. France, req. n° 5608/05 ; à propos du traitement inhumain et dégradant cf. CourEDH, arrêt du 4 décembre 1995, Ribitsch c. Autriche, req. n° 18896/91. 3. La caractérisation de l’urgence à la lumière de la vulnérabilité La détermination de l’urgence du risque de préjudice irréparable constitue le dernier aspect de l’étude de la recevabilité de la requête. La Cour y consacre la dernière partie de son raisonnement (strictement bornée par la CIEDR dont la plausibilité des violations a été préalablement caractérisée)79. Cette condition dérive de l’application de l’article 41 du Statut et « présuppose qu’un préjudice irréparable ne doit pas être causé aux droits en litige dans une procédure judiciaire »80. Dans ce cadre, la Cour doit s’assurer qu’il existe « un réel risque qu’une action préjudiciable aux droits de l’une ou de l’autre Partie ne soit commise avant que la Cour n’ait rendu sa décision définitive »81. Ce dommage doit présenter un caractère irréparable qui peut renvoyer à plusieurs situations identifiées par la doctrine : l’incapacité de procéder à une réparation par le paiement d’une indemnité ou par une compensation ou une restitution ou encore le risque de disparition du droit82. Il s’agit ainsi d’étudier les effets préjudiciables probables que pourrait engendrer une atteinte potentielle aux protections dont les violations sont invoquées et étudiées au fond. Le risque d’irréparable justifie, en conséquence, l’urgence à indiquer des mesures conservatoires. Ces éléments conditionnels amènent le juge à approfondir son analyse des allégations du demandeur afin de s’assurer que les éventuels dommages liés à un fait internationalement illicite plausible pourront être réparés au stade du fond. Au soutien de sa demande, l’Ukraine invoque plusieurs atteintes à l’article 5 de la CIEDR. L’invocation de l’atteinte à ce droit dans le cadre d’une procédure en indication de mesures conservatoires n’est pas nouvelle et a déjà reçu une analyse spécifique à l’occasion d’un contentieux antérieur. Dans l’affaire opposant la Géorgie à la Fédération de Russie à propos de la même convention, la Cour a eu l’occasion de considérer que les droits dérivant de la CIEDR « sont de nature telle que le préjudice qui leur serait porté pourrait être irréparable »83 ; qu’il s’agisse du droit à la sûreté, du droit à la protection contre les voies de fait ou les sévices ou du droit de choisir sa résidence. Le simple risque suffirait, dans ce cas, pour que le seuil de l’irréparable soit caractérisé en raison des conséquences engendrées sur les vies humaines. Cette analyse est courante et la doctrine a déjà pu systématiser le fait qu’il n’était pas nécessaire d’approfondir l’étude lorsque la demande était introduite dans un contexte impliquant des activités armées mettant nécessairement en jeu la vie et l’intégrité physique84. Un tel constat peut être opéré à propos de l’ordonnance de 2017, dans lequel la Cour note que « les droits politiques, civils, économiques, sociaux et culturels établis aux alinéas c), d) et e) de l’article 5 de la CIEDR sont de nature telle que le préjudice qui leur serait porté pourrait se révéler 79 CIJ, Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 19 avril 2017, §§87 et s., pp.31-33. 80 CIJ, Lagrand ( c. États-Unis d’Amérique), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 3 mars 1999, §128, p.43. 81 CIJ, Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), demande en indications de mesures conservatoires, ordonnance du 15 octobre 2008, §129, p.43. 82 Cf. en ce sens l’étude menée par Karin OELLERS FRAHM, « Article 41 », in Andreas ZIMMERMANN, Karin OELLERS-FRAHM, Christian TOMUSCHAT, Christian J. TAMS (dir.), The Statute of the International Court of Justice, A Commentary, op. cit., §§39-40, p.1045. 83 CIJ, Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), demande en indications de mesures conservatoires, ordonnance du 15 octobre 2008, §142, p.47. 84 Karin OELLERS FRAHM, « Article 41 », in Andreas ZIMMERMANN, Karin OELLERS-FRAHM, Christian TOMUSCHAT, Christian J. TAMS (dir.), The Statute of the International Court of Justice, A Commentary, §42, pp.1046-1047. irréparable »85. La Cour considère par suite que les Tatars (en raison de la dissolution du Majlis) et les « Ukrainiens de souche » sont placés dans une « situation de vulnérabilité »86 sans expliciter les motifs du choix de ce qualificatif. Si la doctrine a pu définir cette notion comme renvoyant à la « prédisposition à la réalisation d’un risque grave »87, un éclairage de la Cour aurait été utile. La pratique semble établir que cette notion est souvent employée dans sa dimension fonctionnelle afin d’accorder ou améliorer une protection88. Pour justifier ce constat, la Cour s’appuie sur des rapports émis par le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme (HCNUDH) et l’OSCE89. La référence à la vulnérabilité pour caractériser le risque de préjudice irréparable plaide par ailleurs en faveur du changement de référentiel du test de plausibilité, tel que le juge Cançado Trindade a pu le proposer. Cette qualification semble être l’élément exclusif de la détermination de la nature du risque pesant sur les individus destinataires des obligations internationales en débat. Il peut apparaître étonnant que la Cour se contente d’évoquer la vulnérabilité au stade de l’urgence, sans lui donner plus d’effet au stade antérieur de l’examen de plausibilité. Cette différence est d’importance, car elle aurait probablement modifié la décision retenue à propos de la CIRFT, renversant le raisonnement suivi et admettant une plausibilité plus étendue des atteintes invoquées. II. – LE REJET INEVITABLE DES ATTEINTES INVOQUEES A L’APPLICATION DE LA CONVENTION INTERNATIONALE POUR LA REPRESSION DU FINANCEMENT DU TERRORISME Si la Cour accepte de faire droit aux demandes introduites par l’Ukraine à propos de discriminations plausibles, elle rejette l’argumentation développée par le demandeur à propos d’atteintes supposées à la Convention internationale sur la répression du financement du terrorisme. Ce traité, conclu à New York le 9 décembre 1999 et entré en vigueur le 6 décembre 2002 pour l’Ukraine et le 27 novembre 2002 pour la Fédération de Russie, prévoit un cadre de coopération exigeant en faveur de la lutte contre le financement du terrorisme. L’Ukraine ne parvient pas à convaincre la Cour de la pertinence de son invocation à ce stade. Ne développant réellement de position que sur le fondement de l’article 18 de la Convention (qui prévoit une obligation de coopération interétatique et d’adaptation du droit interne en matière de répression), le demandeur reprochait à la Fédération de Russie son financement d’intermédiaires s’étant rendus coupables d’actes qu’il qualifie de terroristes sur son territoire90. Bien que rejetant les mesures sollicitées, la Cour admet l’existence de sa compétence prima facie. Son acceptation soulève de nombreuses réserves qui sont l’écho de la fragilité du 85 CIJ, Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 19 avril 2017, §96, p.33. 86 Ibidem. 87 Marion BLONDEL, La personne vulnérable en droit international, op. cit., p.147. 88 Ibidem, p.60. 89 CIJ, Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 19 avril 2017, §97, p.33. L’utilisation des rapports des organisations internationales pour caractériser les faits, et justifier la vulnérabilité particulière dans laquelle sont placés les groupes dont l’Ukraine réclame la protection, présente un intérêt certain car elle donne à des déclarations, n’ayant qu’une normativité relative, une capacité probante de premier ordre à ce stade. Malgré la réplique formulée par le défendeur à l’encontre de ces deux documents, la Cour se contente de prendre note et déclare qu’ils suffisent à attester « prima facie, l’existence de restrictions ». 90 Ibidem, §66, p.22. Selon la Cour : « A titre d’exemples de tels actes commis sur son territoire, l’Ukraine mentionne en particulier : a) l’attentat à la bombe perpétré contre des manifestants pacifiques à Kharkiv ; b) le bombardement de Marioupol ; c) les attaques contre Volnovakha et Kramatorsk ; et d) la destruction de l’avion de la Malaysia Airlines assurant le vol MH17 ». fondement sur lequel l’Ukraine a décidé d’engager le débat contentieux, faute de pouvoir attraire la Fédération de Russie sur la base d’autres engagements juridictionnels (A). Toutefois, c’est à l’étape de l’étude de la plausibilité des atteintes que la Cour décidera de rejeter la demande introduite en raison de l’insuffisance des preuves apportées pour établir l’implication de la Fédération de Russie dans les atteintes potentielles à la CIFRT (B). A. La caractérisation fragile de la compétence prima facie de la Cour Les conditions fixées par l’engagement juridictionnel ne sont pas originales. Selon l’article 24 : « Tout différend entre des États Parties concernant l’interprétation ou l’application de la présente Convention qui ne peut pas être réglé par voie de négociation dans un délai raisonnable est soumis à l’arbitrage, à la demande de l’un de ces États. Si, dans les six mois qui suivent la date de la demande d’arbitrage, les Parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur l’organisation de l’arbitrage, l’une quelconque d’entre elles peut soumettre le différend à la Cour internationale de Justice ». Cette disposition se contente d’exiger des Parties en différend qu’elles tentent un règlement amiable de leur litige et offre la possibilité de saisir la CIJ en cas d’échec dans la mise en place d’un arbitrage. C’est sur ce dernier point que les discussions vont achopper et que le raisonnement retenu par la Cour soulève l’intérêt. Il semble s’éloigner de la solution qui avait été choisie en 2011 dans le litige qui opposait alors la Géorgie au même défendeur. Après avoir sommairement traité la question de l’existence de négociations à propos d’un différend né sur l’application ou l’interprétation de la CIRFT (1), la Cour adopte une position souple sur les autres exigences procédurales prévues par l’engagement juridictionnel (2). 1. L’existence de négociations à propos d’un différend sur la qualification d’actes terroristes Le domaine matériel du différend qui oppose les Parties soulève d’importantes difficultés, car il est susceptible d’empêcher la Cour de déclarer sa compétence prima facie. Pour le demandeur, ce domaine est clairement déterminé par les négociations qui se sont tenues avant la saisine de la Cour à propos de l’application de la CIRFT. La Fédération de Russie, de son côté, rejette l’argumentation du demandeur en rappelant que s’il « a été fait état, dans le cadre du conflit [...] de violations alléguées du droit international humanitaire »91, l’opposition née entre les Parties ne peut être analysée en un différend relatif à l’application du droit de l’antiterrorisme. L’objectif d’un tel argument est de déplacer matériellement le contentieux afin d’obliger la Cour à rejeter sa compétence prima facie. La position du demandeur cacherait ainsi une opposition bien plus étendue, relative à des questions d’interdiction du recours à la force. S’il apparaît peu discutable que la situation en Ukraine soulève de nombreuses questions de ce point de vue, ce constat n’exclut toutefois pas l’existence d’une opposition plus restreinte centrée sur la seule Convention semblant offrir au demandeur un moyen d’engager l’action internationale. À titre préalable, il faut rappeler que la Cour a établi par le passé que « pour que soit remplie la condition préalable de négociation (...), ladite négociation doit porter sur l’objet de l’instrument qui la renferme »92. Cela nécessite donc de vérifier que le différend qui oppose les Parties s’inscrit dans le cadre de l’application ou de l’interprétation de la CIRFT. L’argumentation avancée par le défendeur semble indiquer que les deux domaines du droit international invoqués ne peuvent saisir des situations identiques et s’appliquer corrélativement. Or, rien n’empêche qu’un même fait puisse connaître différentes qualifications, les dispositifs conventionnels étant 91 Ibidem, §26, pp.12-13. CIJ, Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt du 1er avril 2011, §161, p.67. 92 autonomes l’un de l’autre93. Toutefois, l’arrêt au fond pourra révéler la nature des relations qui peuvent être nouées entre ces deux corpus normatifs94, comme cela avait déjà pu être le cas à propos du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme95. Il conviendra alors de déterminer si les règles de l’antiterrorisme sont susceptibles d’être suspendues ou si elles demeurent applicables, quelles que soient les circonstances des conflits armés. En tout état de cause, la Cour rejette l’argument russe considérant que le différend sur lequel portaient les négociations pouvait être relatif à l’application de la CIRFT, l’applicabilité potentielle du droit international humanitaire étant indifférente. Il faut ensuite rappeler que les mesures requises doivent présenter un lien suffisant avec les droits dont la violation est invoquée au fond pour que la compétence prima facie puisse être établie. Cette compétence, dans le cadre de procédure conservatoire, présente, comme nous l’avons préalablement évoqué, des particularismes liés aux conditions spécifiques de l’intervention du juge. La doctrine a observé que la Cour se contentait d’établir que « les droits disputés présentent un “lien juridique suffisant” avec l’étendue de sa compétence à la lumière des arguments en fait et droit formulés par les parties »96. À l’étape préalable, il s’agit donc pour le juge d’opérer une analyse très relative, sans qu’il soit nécessaire de déterminer la portée des droits revendiqués par l’État demandeur. Néanmoins, l’appréciation que le juge porte à cette étape suppose l’étude du « bien fondé des prétentions (...), en ce sens que celles-ci doivent de toute manière être suffisamment étayées afin de convaincre la Cour que la situation alléguée par l’État demandeur peut être juridiquement encadrée dans la prescription normative sur laquelle elle est appelée à se prononcer »97. Dans son ordonnance, la CIJ précise ainsi que les « actes dont l’Ukraine tire grief sont, prima facie, susceptibles d’entrer dans les prévisions de la convention »98. Cette mention établit la suffisance des éléments apportés par le demandeur pour justifier sa requête. L’appréciation retenue par la Cour reste ici très sommaire. Elle se contente de renvoyer au fond les questions restées en suspens (et notamment l’épineuse question de l’existence, au sein de la Convention, d’une interdiction autonome du financement direct du terrorisme par l’État)99. Une option assez différente avait été suivie par la Cour en 1999 dans l’affaire de la Licéité de l’emploi de la force. La CIJ avait alors été plus loquace, et avait considéré, dans le cadre de l’application de la Convention sur l’interdiction et la répression du crime de génocide, que l’élément d’intentionnalité requis dans le cadre de la qualification du crime devait être analysé aux fins de l’établissement de la compétence prima facie100. Cette différence de traitement peut 93 Cf . en ce sens l’étude menée par Marco SASSOLI, « La ‘guerre contre le terrorisme’, le droit international humanitaire et le statut de prisonnier de guerre », Annuaire canadien de droit international, Cambridge, Vol. 39, 2002, pp.211-252. 94 Cf. en ce sens l’étude menée par Kimberley TRAPP, « Ukraine v Russia (Provisional Measures) : State ‘Terrorism’ and IHL », in EJIL :Talk!, 2 mai 2017, consultable (en ligne le 10 mai 2018) à < https://www.ejiltalk.org/ukraine-v-russia-provisional-measures-state-terrorism-and-ihl/ >. 95 CIJ, avis consultatif du 9 juillet 2004, Affaire des Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, CIJ Rec. 2004, §§106-113, pp.178-181. 96 Andrea SACCUCCI, « Fond du litige et indication de mesures conservatoires, réflexions en marge des ordonnances de la CIJ dans l’affaire des usines de pâte à papier », op. cit., p.821 98 CIJ, Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 19 avril 2017, §30, p.14. 99 Ibidem, §31, p.14. 100 CIJ, Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c. France), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 2 juin 1999, §§27-28, p.373. Selon la Cour : « il apparaît (...) d’après cette définition, ‘que la caractéristique essentielle du génocide est la destruction intentionnelle d’un ‘groupe national, ethnique, racial ou religieux’’(Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, mesures conservatoires, ordonnance du 13 septembre 1993, C.I.J. Recueil 1993, p.345, par. 42); que le recours ou la menace du recours à l’emploi de la force contre un État ne saurait en soi constituer un acte de génocide interroger, car aucune mention de l’intentionnalité n’apparaît à ce stade dans l’ordonnance de 2017. Toutefois, on observe que cet élément n’est pas complètement absent du raisonnement du juge, car il sera étudié au stade de l’analyse de la plausibilité des atteintes à la protection invoquée. L’absence d’éléments suffisants prouvant une intention de la Fédération de Russie de soutenir les actes commis contre des civils permettra le rejet des demandes introduites par l’Ukraine. Examinées parallèlement, ces deux appréciations révèlent une différence d’intensité dans l’analyse pouvant se justifier dans l’intérêt que présente l’étude de la plausibilité. La déclaration d’incompétence prima facie opérant en bloc, elle aurait empêché toute analyse complémentaire relative à la nécessité de sau der les droits en vertu de la CIRFT. 2. L’appréciation discutable de l’existence de négociations à propos de la mise en place d’un compromis d’arbitrage Une deuxième question apparaît à l’étape de la détermination de la compétence ; elle a trait à la nécessaire tentative de construction d’un compromis d’arbitrage préalable à la saisine de la Cour. La Convention institue une préférence pour le recours à l’arbitrage en obligeant les Parties à tenter d’instituer un tribunal arbitral avant toute saisine de la Cour, celle-ci ne pouvant intervenir qu’en dernier lieu. Dans les faits, la discussion s’est engagée entre les Parties sur la mise en place d’un mode arbitral de règlement des différends à compter du début de l’année 2016 à l’initiative du demandeur. Considérant que la volonté manifestée par l’Ukraine dans le cadre de ces négociations d’introduire le litige, non pas devant un tribunal arbitral proprement dit, mais devant une chambre ad hoc de la Cour ne pouvait constituer une tentative de mise en place d’un arbitrage concerté, la Fédération de Russie a plaidé en faveur du rejet de la compétence en raison du défaut d’observation des exigences de l’article 24. La Cour n’accorde qu’une attention réduite à cet argument, considérant que ces exigences ont été respectées prima facie par le demandeur et que la Cour avait compétence prima facie pour connaître de la demande101. Bien que sommaire, cette réponse soulève quelques remarques. Tout d’abord, l’absence de justification (et de réponse à l’argument soulevé par le défendeur) semble établir (tout au moins prima facie) que la recherche d’un compromis visant à saisir une formation ad hoc de la Cour internationale de Justice suffit à caractériser la recherche d’un compromis d’arbitrage à ce stade. Une telle approche peut se justifier, car l’arbitrage, dans le contentieux international, recouvre des réalités diverses, ce mode de règlement des différends connaissant une définition davantage finaliste que formaliste. Le juge ODA s’était, par ailleurs, prononcé en faveur de la nature arbitrale de ce type de formation de jugement, à l’occasion d’une ordonnance rendue par la Cour en 2002102. au sens de l’article II de la convention sur le génocide ; et que, de l’avis de la Cour, il n’apparaît pas au présent stade de la procédure que les bombardements qui constituent l’objet de la requête yougoslave ‘comporte[nt] effectivement l’élément d'intentionnalité, dirigé contre un groupe comme tel, que requiert la disposition suscitée’ (Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p.240, par. 26) ; (...) la Cour n’est dès lors pas en mesure de conclure, à ce stade de la procédure, que les actes que la Yougoslavie impute au défendeur seraient susceptibles d’entrer dans les prévisions de la convention sur le génocide ; et que l’article IX de la convention, invoqué par la Yougoslavie, ne constitue partant pas une base sur laquelle la compétence de la Cour pourrait prima facie être fondée dans le cas d’espèce ». 101 CIJ, Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 19 avril 2017, §53-54, p.19. 102 CIJ, Déclaration individuelle de M. le Juge ODA, Demande en révision de l'arrêt du 11 septembre 1992 en l’affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador c. Honduras ; Nicaragua (intervenant)), constitution de chambre ; fixation de délai ; observation écrites, ordonnance du 27 novembre 2002, §5, pp.622-623. Pour le juge : « Une chambre ad hoc formée en vertu de l’article 26 du Statut est essentiellement un tribunal d’arbitrage. Pour qu’une telle chambre soit constituée, un accord doit intervenir entre les parties, avant que la Cour ne se prononce à cet égard, non seulement sur le nombre de juges qui composeront la chambre, mais également sur leurs noms. En outre, les parties doivent conjointement exprimer cet accord lorsque le président, Néanmoins, pour la doctrine, la distinction entre ces deux modes juridictionnels peut se fonder « sur la vocation à la permanence dont bénéficieraient les seuls organes judiciaires »103. Elle tiendrait ainsi dans « la possibilité de reconnaître une différence entre la création d’un tribunal (arbitral) à partir d’une liste d’arbitres et la désignation d’une formation de jugement à partir d’une liste de juges d’un tribunal (judiciaire) déjà créé »104. Dans le cas d’espèce, si la chambre ad hoc de la CIJ avait été constituée entre les parties, elle aurait été amenée à disparaître une fois le contentieux traité. Les juges l’ayant composée (à l’exception du juge ad hoc) seraient toutefois restés es de la Cour, ce qui interroge sur la nature du mode juridictionnel envisagé. L’approche retenue par la Cour, qui prend soin d’éviter de trancher cette question à ce stade en se contentant d’admettre sa compétence prima facie peut soulever des critiques tant les réserves à propos de la nature du recours à la chambre ad hoc sont sérieuses. Dans son étude sur cette formation particulière de chambre à la Cour, le juge S. Schwebel considérait que le manque de liberté des Parties concernant la composition de la Chambre et ses règles de fonctionnement empêchait de classer ce mode parmi les modes arbitraux105. Si, depuis, les modes juridictionnels ont connu d’importantes hybridations, la distinction demeure, notamment, quant aux conditions de l’exécution de la décision. En effet, les décisions rendues par les Chambres ad hoc de la Cour constituées en vertu de l’article 26 du Statut sont considérées comme des arrêts rendus par la Cour106. La possibilité pour ces arrêts (fussent-ils qualifiables de sentences arbitrales, si on en croit la position de la Cour en l’affaire) de bénéficier des garanties de l’article 94, § 2, de la Charte des Nations Unies107 soulève de sérieuses difficultés. En effet, aucune sentence ne dispose de telles garanties d’exécution – à l’exception de celles prévues en particulier par la Convention de Washington qui bénéficient de garanties d’exécution particulières destinées à éviter les vicissitudes de procédures d’exéquaturs aléatoires108. La question de la nature arbitrale de l’organe juridictionnel qui rend de telles décisions peut donc légitimement réapparaître. On observe également que peut être invoquée la référence à la fonction judiciaire, laquelle comprend une « fonction de police juridique, offr[ant] un “service public” juridictionnel, garanti[ssant] la cohérence et la constance des solutions, organis[ant] une politique juridique par la motivation »109. Les garanties de l’article 94, § du Statut s’inscrivent pleinement dans le cadre de cette police juridique et plaident donc en faveur de la nature judiciaire des chambres ad hoc de la Cour. Toutefois, la Cour a semblé préférer, par sa réponse laconique aux réserves formulées par le défendeur110, éviter de trancher cette question agissant en application de l’article 17 du Règlement de la Cour, s’informe de leurs vues au sujet de la composition de la chambre ». 103 Carlo SANTULLI, Droit du contentieux international, 2e éd., LGDJ, 2015, p.88. 104 Ibidem. 105 Stephen SCHWEBEL, « Ad Hoc Chambers of the International Court of Justice », American Journal of International Law, 1987, vol.81, Washington, American society of international law, p.854. 106 Statut de la Cour internationale de Justice du 26 juin 1945, article 27. 107 Selon cet article : « Si une partie à un litige ne satisfait pas aux obligations qui lui incombent en vertu d’un arrêt rendu par la Cour, l’autre partie peut recourir au Conseil de sécurité et celui-ci, s’il le juge nécessaire, peut faire des recommandations ou décider des mesures à prendre pour faire exécuter l’arrêt ». 108 Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d’autres États (CIRDI) conclue à Washington le 18 mars 1966, article 54, §1. Selon cet article : « Chaque Etat contractant reconnaît toute sentence rendue dans le cadre de la présente Convention comme obligatoire et assure l’exécution sur son territoire des obligations pécuniaires que la sentence impose comme s’il s’agissait d’un jugement définitif d’un tribunal fonctionnant sur le territoire dudit État ». 109 Carlo SANT ULLI, Droit du contentieux international, op. cit., p.89. 110 CIJ, Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie), demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 19 avril 2017, §54, p.19. Pour la Cour : « Les éléments susmentionnés suffisent à ce stade pour établir prima facie qu’il a été satisfait aux conditions procédurales préalables ». afin de caractériser sa compétence prima facie. Bien que construite dans le but d’éviter d’avoir à rejeter la demande, une telle option installe quelques doutes. Il est donc à souhaiter que cette question réapparaisse lors de l’étude des exceptions préliminaires qui devraient être soulevées par le défendeur à propos de la compétence de la Cour pour connaître du fond, afin qu’une position claire soit retenue. B. Le rejet critiquable du test de plausibilité de la commission d’actes de financement du terrorisme Après avoir retenu sa compétence prima facie, la Cour en vient à l’analyse de la plausibilité. Toutefois, à la différence de la CIEDR, ce caractère n’est pas reconnu et aucune mention de la vulnérabilité n’est observable dans le raisonnement de la Cour. L’utilisation de ce terme aurait pu avoir des conséquences étendues, mais l’argumentation présentée par l’Ukraine ne semblait pas ouvrir la voie, pour la Cour, à une telle évolution de sa jurisprudence. Au soutien de sa requête, le demandeur considérait que la Fédération de Russie n’avait pas coopéré à la prévention du financement du terrorisme, portant ainsi atteinte aux règles fixées par la CIRFT. Selon cette position, les actes litigieux évoqués (l’attentat à la bombe perpétré contre des manifestants pacifiques à Kharkiv ; le bombardement de Marioupol ; les attaques contre Volnovakha et Kramatorsk ; la destruction de l’avion de la Malaysia Airlines assurant le vol MH17)111 auraient été « commis dans “l’intention de tuer ou de blesser grièvement des civils” et [étaient] tous plausiblement destinés “'à intimider une population” »112. Il s’agirait en conséquence d’actes terroristes. Pour s’opposer à cette argumentation, la Fédération de Russie rejette l’invocation de la Convention de 1999 et reprend l’argument pré-évoqué selon lequel les faits relèvent plus du droit international humanitaire que d’un instrument de lutte contre le terrorisme. Elle considère par ailleurs que la CIRFT a pour objet de prévenir et réprimer le financement par des personnes privées d’activités terroristes et non par des personnes publiques. Ce dernier argument ne manque pas de soulever l’intérêt, car il fait écho aux critiques formulées lors de l’adoption de la Convention à propos de ses insuffisances matérielles. L’approche retenue par la Cour apparaît ici particulièrement rigoureuse. Elle cherche à trouver une voie d’équilibre entre les arguments des Parties, qui s’opposent résolument à propos de la qualification des faits et de l’articulation des droits prétendument atteints (1). Afin de rejeter les prétentions du demandeur, la Cour caractérise l’insuffisance des preuves apportées, ouvrant ainsi la voie à une position différente au stade du fond (2). 1. L’examen de l’articulation des droits prétendument atteints Dans son examen de la plausibilité des atteintes à la CIRFT, la Cour débute par un rappel des articulations du dispositif conventionnel invoqué. Cette démarche s’inscrit dans le processus nécessaire à l’identification du fumus boni juris, car elle permet de vérifier que le demandeur dispose des droits dont il invoque la violation et qu’il existe un risque manifeste que le défendeur y ait porté atteinte (reprenant alors l’approche restrictive préalablement évoquée). Cette étude présente toutefois d’autres particularités que celles rencontrées pour la CIEDR qui faisait des individus les destinataires des normes. Comme le soulève A. PETERS, la question qui se pose ici est celle de la nature des droits : la CIRFT génère-t-elle des droits, au profit des victimes du terrorisme et de leurs ayants droit, qui seraient opposables à l’encontre d’un État soutenant le terrorisme113 (en l’espèce les passagers du vol commercial MH17 de la Malaysian airlines abattu dans le ciel ukrainien)? 111 Ibidem, §66, p.22. Ibid. 113 Anne PETERS, “Vulnerability” versus “Plausibility” : Righting or Wronging the Regime of Provisional Measures? Reflections on ICJ, Ukraine v. Russian Federation, Order of 19 April 2017”, op. cit. La Cour n’apporte logiquement pas de réponse précise à ce stade du contentieux. Elle se borne à rappeler les exigences de l’article 2 de la Convention qui conditionnent l’application de l’article 18 (à savoir que l’atteinte à l’obligation de coopération de l’article 18 n’est possible que si l’infraction de financement du terrorisme de l’article 2 est caractérisée). La question de l’étendue de l’article 18 reste toutefois ouverte : serait-il possible d’y déceler, par une interprétation dynamique, une disposition prohibant le financement par l’État, et non pas par des personnes privées, de tels actes? Les États étant astreints à coopérer pour prévenir les infractions visées à l’article 2, cette coopération implique-t-elle qu’ils s’abstiennent de soutenir directement le terrorisme en le finançant? Une réponse positive à cette question apparaît délicate car le traité a pour objet principal la répression, quels qu’en soient les auteurs, des actes de financement du terrorisme ; l’État pouvant exercer à leur encontre son pouvoir de contrainte. Malgré tout, dans le cas d’un État finançant le terrorisme, serait-il envisageable de rechercher sa responsabilité internationale par la caractérisation d’un manquement commis à l’obligation de coopération? Comme l’évoque Y. Bannifatemi, « le “terrorisme d’État” n’est pas un concept dont on tire aisément des conséquences juridiques : les instruments internationaux récents, et en premier lieu la Convention de 1999, visent plutôt les actes commis par des “personnes” »114.
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3.1.3. Modélisation de la géométrie de l'acquisition Afin de simuler des acquisitions TEP réalistes, les algorithmes d'échantillonnage des densités physiques impliquées dans la propagation des photons gammas doivent être incorporés dans une description géométrique précise du patient et du scanner TEP. 3.1.3.1. Modélisation du patient Du point de vue des photons gammas, le patient est un milieu atténuant passif. La modélisation du patient dans des simulations de Monte Carlo des acquisitions TEP consiste donc à décrire les distributions en trois dimensions de la concentration du radiotraceur (carte d'émission en mCi cm3 ) et du coefficient linéaire d'atténuation (carte d'atténuation en 1 cm ). Comme expliqué dans le Chapitre 1, le coefficient linéaire d'atténuation dépend du matériau ainsi que de l'énergie du photon, ainsi la carte d'atténuation ne contient pas des valeurs de μ en 1 cm mais plutôt des index représentant des tissus différents pour lesquels μ est connu dans une gamme d'énergie. Les distributions d'activité et d'atténuation peuvent être définies analytiquement en utilisant des formes géométriques simples de base [Snyder 1969, Bouchet 1996], cependant une telle description ne permet pas facilement de modéliser des distributions complexes comme le corps humain. Des descriptions discrètes du patient sont souvent utilisées, obtenues par segmentation d'acquisitions TDM ou IRM [Zubal 1994]. Ce type de fantôme anthropomorphique permet de décrire des distributions arbitrairement complexes mais ne s'apprête pas facilement à la simulation de patients morphologiquement différents. Récemment, un fantôme anthropomorphique mixte, XCAT, a été proposé fondé sur une description mathématique de la surface des organes du corps humain [Segars 2001]. Dans 82 ce modèle, les caractéristiques du patient sont définies par l'utilisateur ce qui permet de simuler des patients morphologiquement différents. Le modèle sous jacent étant défini analytiquement, il permet de générer des cartes d'atténuations et d'émission discrètes avec une résolution arbitrairement petite. A B C Figure 3.1. A : Fantôme analytique NURBS. B : Fantôme discrétisé Zubal. C : Fantôme mixte XCAT. 3.1.3.2. Modélisation des septa Comme nous l'avons vu dans le Chapitre 1, des septa fins en Plomb ou Tungstène sont parfois placés entre les cristaux des scanners TEP afin de limiter l'angle incident des photons détectés. Une telle collimation axiale permet de réduire le nombre de coïncidences fortuites et diffusées détectées et rend les coupes axiales du scanner relativement indépendantes les unes des autres, d'où l'appellation « 2D » de ce type d'acquisition. Dans certains codes dédiés à la simulation TEP, la collimation axiale est modélisée en imposant un angle d'acceptance limite au delà duquel les photons incidents sont rejetés. Ce type d'approche ne permet pas de modéliser la transparence des septa aux photons gammas, en général faible mais non nulle, qui, pour être modélisée précisément, requiert de propager les photons gammas dans les septa en utilisant des techniques de Monte Carlo. 3.1.3.3. Modélisation du détecteur La modélisation précise de la détection des photons gammas en TEP requiert de propager les photons incidents dans le détecteur et de modéliser les résolutions spatiales, énergétiques et temporelles finies des détecteurs réels. Il est important qu'un tel modèle prenne en compte la géométrie du scanner car l'organisation en blocs et cristaux des scanners modernes est associée à un échantillonnage fortement hétérogène du champ de vue affectant 83 les données acquises. Certains codes de Monte Carlo sont flexibles et permettent de simuler des géométries d'acquisition quelconques avec un grand niveau de détail, alors que d'autres ne permettent que de simuler des configurations simples du détecteur, comme un anneau cylindrique uniforme. En règle générale, les codes de Monte Carlo dédiés à la simulation des acquisitions TEP ne permettent que de propager les ns gammas dans le cristal scintillant ; les photons de scintillation sont eux même rarement simulés car une telle approche donne lieu à des temps de calculs très longs. Il est possible à la place de modéliser les pertes de résolutions spatiales, énergétiques et temporelles due à l'imperfection des processus d'émission et de collection des photons visibles, grâce à des modèles phénoménologiques. 3.1.4. Comparaison des codes existants Il existe deux grandes familles de code Monte Carlo permettant de simuler des acquisitions TEP : les codes généraux de propagation de particules et les codes dédiés. Les codes généraux de propagation de particules dans la matière, comme EGS4, Géant et MCNP, ne sont pas écrits pour une application spécifique et consistent en une bibliothèque de fonctions permettant de simuler un grand nombre de particules différentes dans une gamme d'énergie généralement beaucoup plus grande que celle pertinente en TEP. De tels codes sont généralement bien validés et bien documentés mais contiennent nécessairement de nombreuses fonctions sans intérêt pour la simulation des acquisitions TEP, ce qui les rend peu compacts, relativement lents et difficiles à modifier. Des codes dédiés à la simulation TEP sont le plus souvent utilisés. 3.1.4.1. Présentation des principaux codes dédiés Les codes dédiés sont spécifiquement écrits et optimisés pour la simulation des données TEP. Ils sont donc en général plus rapides et compacts que les codes généraux et contiennent des modèles plus ou moins sophistiqués du patient et du scanner. 3.1.4.1.a. PETSIM PETSIM est un code de Monte Carlo des acquisitions TEP gratuit développé par C. Thomson (Université de McGill) permettant de simuler la propagation de photons gammas dans des distributions simples décrites analytiquement ainsi que dans les septa et le détecteur organisé en blocs et cristaux. PETSIM contient des modules de simulation du temps mort et des coïncidences fortuites [Thomson 1992]. 3.1.4.1 .b . GATE Geant 4 Application to Emission Tomography (GATE) est un code gratuit disponible en ligne (http://www-lphe.epfl.ch/~PET/research/gate/index.html#introduction) dédié à la simulation de scanners TEP et TEMP [Santin 2003]. GATE utilise les routines de Geant 4 et permet donc de simuler la propagation de photons et électrons ainsi que de nombreuses autres particules dans une gamme d'énergie bien supérieure au TeV. GATE utilise une description hiérarchique flexible du scanner permettant de modéliser un grand nombre de géométries d'acquisition, et contient des modules de simulation du temps mort, des coïncidences fortuites et de la perte de résolution et d'énergie dans les blocs. Il permet de simuler des distributions d'activité et d'atténuation discrètes et analytiques. GATE est un outil de simulation très largement utilisé et bien validé, il est cependant relativement lent à cause de la complexité du code sur lequel il est basé et l'absence, à la date de rédaction de ce travail, de méthodes de réduction de variance pour la modélisation de la propagation des photons gammas. 3.1.4.1 .c . Eidolon Eidolon est un code developé par H. Zaidi et C. Morel (Université de Genève) disponible gratuitement en ligne (http://dmnu-pet5.hcuge.ch/eido/index.html ) [Zaidi 1997] et dédié aux simulations TEP. Eidolon permet de modéliser des distributions d'activité et d'atténuation discrètes quelconques mais ne modélise pas la propagation des photons gammas dans le détecteur, i.e. tous les photons sont parfaitement détectés dans ce modèle simple. Les coïncidences fortuites et le temps mort ne sont pas modélisés et le code n'est pas accéléré par des méthodes de réduction de variance. 3.1.4.1.d. SimSET Simulation System for Tomography est un code développé par R. Harrison, S. Vannoy et D. Haynor (Université de Washington) disponible gratuitement en ligne (http://depts.washington.edu/simset/html/simset_main.html) dédié aux simulations TEP et TEMP. Il permet de modéliser des distributions discrètes et analytiques d'atténuation et d'activité et simule la propagation de photons gammas dans les septa et le détecteur. SimSET est un code bien validé et a l'avantage majeur de contenir des méthodes de réduction de variance permettant d'accélérer significativement les simulations. Jusqu'à présent, il ne contient cependant pas de modèle réaliste des scanners TEP organisés en blocs et cristaux (le détecteur est à la place modélisé par une couronne cylindrique), ni du temps mort et des coïncidences fortuites. 3.1.4.1.e. Autres codes De nombreux autres codes de simulation des données TEP existent mais sont moins couramment utilisés que ceux mentionnés ci avant, e.g. PET SORTEO, Penelopet et GePETo. Ces codes n'offrent pas d'avantage décisif par rapport à ceux, plus couramment utilisés, décrits précédemment et sont généralement moins bien validés. Tableau 3.1. Codes de Monte Carlo dediés à la simulation des acquisitions TEP1 PETSIM Eidolon GATE SimSET Oui Oui* Oui Oui Compton Oui Oui* Oui Oui Rayleigh? Oui* Oui Oui Non colinéarité Oui Non Oui Oui Positon prop. Oui Non Oui Oui Analytique Oui Oui Oui Oui Discret Non Oui Oui Oui Blocs Oui Oui Oui Non** Cristaux Oui Oui Oui Non** Septa Oui Oui Oui Oui Temps mort Oui Non Oui Non** Oui Non Oui Non** Non Non Non Oui Interactions : Description de l'objet : Détecteur : Coinc. fortuites Méthodes de réduction de variance * Dans l'objet mais pas le détecteur ** A la date de rédaction de ce travail 3.1.4.2. Choix du code de Monte Carlo pour ce travail La simulation de Monte Carlo est un outil extrêmement utile permettant de générer des acquisitions TEP virtuelles réalistes pour lesquelles toutes les distributions de références sont connues, e.g. la distribution des coïncidences diffusées et la distribution d'activité. De telles simulations sont typiquement utilisées pour : • Évaluer de nouvelles géométries d'acquisition sans avoir à construire des prototypes réels, les performances d'une géométrie d'acquisition pouvant être à la place simulées si l'outil de simulation est réaliste. • Développer et évaluer de nouvelles méthodes de quantification en comparant les distributions estimées aux distributions de référence connues dans ces simulations. Il est 1 Tableau tiré de [Buvat 2002]. crucial pour cette application que la simulation utilisée soit réaliste afin que de telles méthodes de quantification soient ensuite applicables à des données réelles. • Evaluer la sensibilité et spécificité de méthode diagnostiques (études ROC pour « receiver operating caracteristic » en anglais) en générant de multiples études virtuelles pour lesquelles le diagnostique de référence est connu. Les codes mentionés dans cette section ont tous des avantages et des inconvénients, et sont par conséquent plus ou moins adaptés à des applications spécifiques. L'objectif ultime de ce travail étant de développer une nouvelle méthode de correction de la diffusion en TEP, il est important que nous utilisions un simulateur réaliste bien validé afin que toute méthode de quantification développée et testée sur ces données simulées soit ensuite applicable à des données réelles. Le simulateur utilisé doit donc pouvoir modéliser des distributions d'activité et d'atténuation discrétisées, la géométrie en blocs et cristaux du détecteur ainsi que le temps mort et les coïncidences fortuites. Comme nous utiliserons aussi ce simulateur pour générer des acquisitions virtuelles contenant un grand nombre de coups, il est aussi nécessaire que le code choisi soit rapide afin de pouvoir simuler un grand nombre de photons en un temps raisonnable. On note qu'il n'est pas crucial pour ce travail que le simulateur utilisé soit extrêmement flexible, en particulier nous ne souhaitons pas sacrifier la rapidité d'exécution au profit d'une plus grande flexibilité de modélisation du détecteur. Clairement, les deux codes les plus pertinents pour ce travail sont GATE et SimSET (voir Tableau 3.1). En effet, PETSIM ne permet pas de simuler des distributions d'atténuation et d'activités discrètes nécessaires à la modélisation réaliste du patient et Eidolon ne simule pas la propagation des photons gammas dans le détecteur. GATE est un de simulation bien validé qui a l'avantage d'être flexible, cependant au prix d'une lenteur d'exécution. SimSET est un outil bien validé, moins flexible que GATE mais beaucoup plus rapide car plus léger et contenant des techniques de réduction de variances. L'inconvénient principal de SimSET est qu'il ne contient pas une description réaliste du détecteur TEP. 3.2. Contribution à la simulation de Monte Carlo réaliste des données TEP Dans cette section nous décrivons notre simulation réaliste des données TEP. Notre contribution à cette simulation consiste en l'incorporation d'un modèle réaliste du détecteur dans le code de SimSET ainsi que des coïncidences fortuites. Pour ce faire, nous séparons les étapes de simulation dans l'objet (septa inclus) et dans le détecteur. Dans cette approche, l'émission et la propagation des photons d'annihilation dans l'objet et le collimateur sont simulées avec une version légèrement modifiée de SimSET. A l'issue de cette première étape, un fichier liste est écrit contenant tous les photons atteignant le détecteur qui sont ensuite propagés dans un modèle du scanner TEP prenant en compte sa géométrie en blocs et cristaux ainsi que ses résolutions spatiale, énergétique et temporelle. 3.2.1. Propagation des photons gammas dans l'objet et les septa 3.2.1.1. Emission des photons d'annihilation SimSET permet de modéliser l'émission et la propagation des photons d'annihilation à partir de cartes d'activité et d'atténuation discrétisées. Il modélise la distance de vol des positons émis par les isotopes 11C, 13N, 15O, 18F, 68Ga et 82Rb dans des milieux hétérogènes ainsi que la non-colinéarité des photons d'annihilation. 3.2.1.1.a. Modélisation des distributions d'atténuation et d'activité SimSET utilise un système d'indices convertis en valeurs d'atténuation (en 1 cm, ces valeurs dépendent de l'énergie du photon) et en concentration d'activité (en mCi cm3 ). Dans notre approche, le nombre total de coïncidences simulées est spécifié par l'utilisateur et n'est relié au niveau d'activité imagé qu'une fois la simulation terminée comme expliqué dans les sections 3.2.2.4 et 3.2.2.5 (cette modélisation du niveau absolu d'activité n'est d'ailleurs nécessaire que quand le temps mort ou les coïncidences fortuites sont simulées). 3.2.1.1.b. Modélisation de la distance de vol des positons Au lieu de propager chaque positon simulé dans la carte d'atténuation en utilisant des techniques de Monte Carlo, ce qui rendrait les simulations trop lentes, SimSET modélise la distance de vol des positons grâce à un modèle phénoménologique en deux étapes. La première étape consiste à échantillonner aléatoirement la distance de vol dans l'eau des positons émis par l'isotope modélisé. Pour ce faire, l'énergie du positon est d'abord échantillonnée selon la densité physique de Fermi-Gamov-Teller décrivant la distribution en énergie des positons émis par un atome de nombre atomique Z [Daniel 1968]. Une fois l'énergie E du positon sélectionnée, un vecteur déplacement r peut être échantillonné selon la loi Gaussienne 3D phénoménologique suivante1 [Palmer 1992]: P (r ) ∝ 1 ( 2πσ eau ) 3 { exp − r 2 } 2 2 σ eau, (3.3) où d est la densité de l'eau et [Tabata 1972]: σ eau = Rext 2d ; Rext = 4.569 × Aeff 1 b1 E 2 1 ; b1 = ; b2 =. (3.4) 1.209 10 b2 + E 2.873 − 0.02309 × Z eff Z eff La deuxième étape de la modélisation de la distance de vol des positons consiste à propager le positon simulé le long de la direction r jusqu'à ce que [Harrison 1999]: ∑r i i σ eau =r, σi (3.5) où ri est la distance traversée par le positon dans le matériau i et σ i est la déviation standard de la distribution des positons dans ce matériau calculée selon (3.3) et (3.4). 3.2.1.1.c. Modélisation de la non colinéarité des photons d'annihilation Comme nous l'avons vu dans le Chapitre 1, section 1.2.1.3, les photons gammas d'énergie 511 keV émis lors d'une annihilation e + e − ne se propagent pas exactement à 180° à cause du moment cinétique résiduel de l'atome de positronium avant désintégration. Cet effet est modélisé dans SimSET en choisissant un des deux photons d'annihilation au hasard et en déviant sa direction de manière aléatoire selon une loi Gaussienne de déviation standard égale à 0,5° [Harrison 1999]. 1 La distance de vol des positons émis avec une énergie donnée est une Gaussienne 3D. La distance de vol de tous les positons, i.e. la somme pondérée de toutes les Gaussiennes correspondant à toutes les énergies accessibles au positon, n'est cependant pas une Gaussienne mais est une distribution très piquée en zéro. 3.2.1.2. Propagation des photons gammas dans le patient L'effet photoélectrique et les diffusions Compton et Rayleigh peuvent être modélisées avec ou sans réduction de variance dans SimSET. La simulation de l'effet Compton est basée sur les équations (1.4) et (1.6), i.e. ce calcul suppose que les électrons sont libres et ne prend pas en compte leur énergie de liaison qui est faible devant l'énergie du photon incident. SimSET permet de modéliser la diffusion Rayleigh, cependant la section efficace de cet effet est négligeable à 511 keV dans le patient, nous n'utiliserons donc pas cette option dans nos simulations [Kaplan 1998]. Dans SimSET, les photons gammas sont propagés séquentiellement dans la carte d'atténuation jusqu'à ce qu'ils s'échappent de l'objet, que leur énergie tombe en dessous d'une valeur limite fixée par l'utilisateur ou qu'ils soient absorbés ou sortent du champ de vue. Un photon s'échappant de l'objet est projeté sur la surface d'un cylindre dont les dimensions sont définies par l'utilisateur et qui englobe l'objet simulé. Il est ensuite projeté sur la surface du module de simulation suivant (les septa ou le détecteur). Dans la version standard de SimSET, les photons dont le partenaire d'annihilation est absorbé dans l'objet ne sont pas simulés afin de minimiser le temps de calcul, puisque ceux ci ne résultent pas en des coïncidences valides. Nous avons modifié cette partie du code afin de propager tous les photons d'annihilation et pas seulement ceux dont le partenaire n'a pas été absorbés. Ceci nous permettra d'estimer les taux locaux de photons uniques détectés lors de l'acquisition de manière précise, ce qui est nécessaire pour le calcul du temps mort et des coïncidences fortuit . 3.2.1.3. Propagation des photons gammas dans les septa Couche radiale 2 Rayon extérieur Couche radiale 1 Rayon intérieur Segment 1 Segment 7 Axe du tomographe Axe du tomographe Figure 3.2. Spécifications géométriques des septa en segments et couches radiales dans SimSET. SimSET permet de simuler la propagation de photons gammas dans des septa, ce qui permet de simuler des acquisitions 2D et 3D. La spécification géométrique des septa en 90 segments et couches radiales dans SimSET permet de modéliser des géométries de collimation complexes comme indiqué sur la Figure 3.1. Les effets photoélectrique, Compton et Rayleigh sont modélisés dans cette étape. 3.2.2. Détection des photons gamma A l'issue de la simulation des photons gammas dans l'objet et septa, un fichier binaire est sauvé contenant les photons atteignant le détecteur. Dans la seconde étape de la simulation, ce fichier est lu par notre module de simulation du détecteur modélisant sa structure en blocs et cristaux ainsi que ses résolutions spatiale, énergétique et temporelle. 3.2.2.1. Propagation des photons gammas dans le détecteur 3.2.2.1.a. Modélisation de la géométrie du scanner Le fichier binaire écrit en sortie de la première étape de simulation contient la position, la direction de propagation, l'énergie, le poids statistique, le nombre d'interactions et la distance parcourue par chaque photon propagé dans l'objet/septa et atteignant la surface du détecteur. Les photons dans ce fichier sont écrits séquentiellement et organisés par annihilation, comme indiqué sur la Figure 3.3. Annihil ation numéro 1: Photon 1 Annihilation numéro 2: Photon 2 Annihilation numéro 3: Photon 1 Photon 2 Annihilation numéro 4: Photon 2 Etc Figure 3.3. Organisation du fichier liste généré en sortie de la première étape de simulation. Les annihilations sont écrites séquentiellement dans le fichier et la plupart d'entre elles contiennent un seul photon dont le partenaire a été absorbé ou s'est échappé du champ de vue. Comme pour la modélisation du patient, la géométrie du scanner TEP peut être définie analytiquement ou de manière discrète. Une description discrète a nécessairement une résolution limitée, modéliser le scanner entier en utilisant une unique carte d'atténuation résulterait donc potentiellement en des erreurs affectant systématiquement l'exactitude des données simulées. Afin de résoudre ce problème, nous modélisons un seul bloc, dont les spécifications géométriques peuvent être définies exactement en utilisant une carte 91 d'atténuation discrétisée en voxels réguliers rectangulaires, plutôt que le scanner dans son ensemble comme indiqué sur la Figure 3.4. Le scanner dans son ensemble est modélisé à partir de cet unique bloc en transformant les coordonnées des photons incidents dans le référentiel du bloc d'interaction comme expliqué sur la Figure 3.5. Scanner dans son ensemble Bloc simul é Figure 3.4. La simulation d'un se ul bloc parallélépipédique permet de définir la géométr ie de dé tection de manière plus précise que si le scanner dans son ensemble était modélisé dans une unique carte d'atténuation. Photon incident de coordonnées (x,y,z) et direction de propagation (u,v,w) dans le référentiel du scanner Détermination de l'angle polaire θbloc et de la position axiale zbloc du bloc d'interaction Transformation des coordonnées et de la direction de propagation selon: X = x × cosθbloc + y × sin θbloc − R U = u × cos θbloc + v × sin θbloc Y = y × cos θbloc − x × sin θbloc V = v × cos θ bloc − u × sin θ bloc Z = z − zbloc W =w Propagation dans le bloc Si échappement dans un bloc voisin Transformation des coordonnées des interactions dans le référentiel du scanner en remplaçant θbloc par –θbloc et zbloc par –zbloc dans les équations ci dessus Figure 3.5. Schéma de la propagation des photons gammas dans les blocs du scanner dans notre simulateur. Par exemple, si un photon frappe le bloc 14, ses coordonnées et sa direction de propagation sont transformées dans le référentiel du bloc 14, ce qui permet de le propager dans l'unique bloc simulé. Après propagation, les cordonnées des interactions du photon incident sont transformées dans le référentiel du scanner. Cette technique permet de simuler la propagation d'un photon dans plusieurs blocs adjacent en changeant de référentiel à chaque fois que le photon entre dans un nouveau bloc. Elle ne permet cependant pas de modéliser les photons traversant une seconde fois le patient après avoir interagi à 180° dans le détecteur, puisque cela impliquerait de re-traverser la carte d'atténuation. Nous étudierons l'erreur associée à l'absence de modélisation de cet effet dans notre modèle dans la section 3.3.1.4. 3.2.2.1.b. Modélisation des interactions dans les blocs Nous utilisons les routines validées de SimSET pour propager les photons dans le détecteur. Les effets photoélectriques, Compton et Rayleigh sont simulés exactement de la même manière que dans l'objet, cependant sans utiliser de méthode de réduction de variance ce qui n'est pas nécessaire puisque la propagation des photons dans les bloc représente moins de 10% du temps d'exécution (le poids statistique des photons est conservé durant la propagation dans les blocs quand des méthodes de réduction de variance sont utilisées dans l'étape de propagation dans l'objet). Nous notons N le nombre d'interactions Compton et photoélectrique subies par un photon dans un bloc donné (la diffusion Rayleigh est modélisée dans le détecteur mais n'est pas inclue dans N car elles n'est accompagnée par aucun dépôt d'énergie). N = 1 correspond à un photon absorbé dès la première interaction ou ayant subi une seule interaction Compton dans le détecteur avant de s'échapper, potenti pour interagir dans un bloc voisin. En notant E1, E2,, E N les énergies déposées par le photon dans un bloc donné et X1, X 2,, X N les lieux de ces interactions, l'énergie totale déposée par le photon dans le bloc est : Edep = ∑ N i =1 Ei, (3.6) et sa position moyenne pondérée en énergie est : X= ∑ N i =1 Ei Xi Edep. (3.7) Puisque les blocs d'un scanner TEP sont indépendants les uns des autres, l'énergie déposée et la position moyenne des interactions sont calculées dans chaque bloc indépendamment. Comme nous l'avons vu dans le Chapitre 1, section 1.3.2, dans un scanner réel des photons scintillants, d'énergie égale à quelques keV, sont émis par le cristal après chaque interaction du photon gamma dans le bloc. Ces photons visibles se propagent dans le bloc et sont collectés par un tube photomultiplicateur amplifiant ce signal lumineux. La collection 93 imparfaite des photons visibles à la base du bloc et le caractère stochastique de l'émission de photon de scintillation causent des erreurs d'estimation de Edep et X par le système que nous modélisons à présent. 3.2.2.2. Modélisation de la résolution en énergie Mise à part l'interaction partielle des photons gammas dans le détecteur, qui est modélisée dans notre simulation comme expliqué dans la section précédente, la cause principale de perte de résolution énergétique du détecteur est l'incertitude sur le nombre de photons scintillant émis lors de l'interaction du photon gamma dans le bloc. Le nombre n de photons de scintillation détectés lors d'un dépôt d'énergie Edep dans le bloc est en effet une variable aléatoire de Poisson. Comme Edep est proportionnelle à n et que l'incertitude sur n est en n, l'incertitude sur Edep est en Edep. Comme de plus n est grand, l'énergie estimée Eest est une variable aléatoire Gaussienne centrée en Edep et de déviation standard : σ ( Edep ) = σ 511 × Edep 511, (3.8) où σ 511 est la déviation standard de la loi Gaussienne à 511 keV, qui ne dépend que du cristal scintillant, et Edep est exprimée en keV. 3.2.2.3. Modélisation de la résolution intrinsèque des cristaux Si chaque cristal scintillant était couplé avec un seul tube photomultiplicateur, la résolution spatiale du système serait uniquement liée à la taille des cristaux. En pratique, les cristaux d'un même bloc partagent un nombre limité de tubes photomultiplicateurs, ce qui impose un design dans lequel les cristaux ne sont pas complètement séparés optiquement comme expliqué dans le Chapitre 1, section 1.3.2. Ce partage des photons lumineux à la base du bloc entraîne une perte de résolution non-négligeable [Rogers 1992], que nous proposons de modéliser à présent par un modèle phénoménologique simple. 94 p A + pB = 1, (3.9) où p A est proche de 1 si le photon interagit dans un cristal près du TPM A et proche de 0 s'il interagit près du TPM B. L'équation (3.9) indique que le nombre n A de photons optiques atteignant le TPM A suit une loi binomiale, qui est bien approximée par une loi Gaussienne puisque n est grand. La moyenne de cette loi Gaussienne est donc: μ = np A, ( 3.10) σ = np A pB. (3.11) et sa déviation standard : Pour un bloc de BGO n est égal à plusieurs milliers, cependant le nombre de photons optiques réellement détectés par un TPM est beaucoup plus faible, une valeur précédemment publiée reflétant la résolution en énergie de 20% des détecteurs BGO est plutôt n = 150 [Dahlbom 1988]. L'incertitude sur n A se propage dans l'estimation de la positon de l'interaction X̂ de manière linéaire car : n X + nB X B n A ( X A − X B ) + nX B, Xˆ = A A = n A + nB n (3.12) où X A ( X B ) est la position du TPM A (B). X̂ suit donc une loi Gaussienne de moyenne: μX = μ ( X A − X B ) + nX B n = pA ( X A − X B ) + X B, (3.13) p A pB (XA − XB ). n (3.14) et déviation standard : σX =σ (XA − XB ) n = En forçant μ X à être égal au centre du cristal i quand le photon gamma interagit dans ce cristal, il est possible de calculer les valeurs numériques de p A nous permettant d'estimer σ X pour chaque cristal. Pour le scanner GE Discovery STE, dont les blocs contiennent 6 cristaux dans les directions X et Y, on trouve p A = 11 12, 9 12, 7 12, 5 12, 3 12, 1 12 pour les cristaux situés de gauche à droite respectivement. L'application numérique de (3.14) avec X A = 0 et X B = 3.78 cm donne alors σ X = 0,085; 0,134; 0,152; 0,152; 0,134; 0,085 cm pour les cristaux situés de gauche à droite respectivement. Ce modèle simple montre que la perte de résolution due au partage de la lumière à la base du bloc est maximale au centre du bloc, où elle est de l'ordre de ~3,6 mm LMH (largeur à mi-hauteur) ce qui est en bon accord avec des résultats expérimentaux publiés précédemment [Tornai 1994]. B Réponse impulsionnelle théorique (u. a.) TPM A Cristal 1 2 3 4 5 6 Position dans le bloc (cm) Figure 3.6. Réponse impulsionnelle théorique à une dimension des cristaux de BGO dans un bloc du scanner GE DSTE. 3.2.2.4. Modélisation du temps mort Comme nous l'avons vu dans le Chapitre 2, section 2.5, il existe deux sources principales de temps mort dans les scanners TEP dues aux résolutions temporelles limitées du cristal de scintillation et du système électronique chargé de combiner les photons de coïncidence en paires. 3.2.2.4.a. Temps mort dans le bloc La perte de photons au niveau du cristal scintillant est due au fait que l'émission et la collecte des photons de scintillation n'est pas instantanée mais prend un temps τ bloc. Tous les photons interagissant dans un bloc introduisent leur propre période réfractaire τ bloc, qu'ils soient acceptés par le détecteur ou pas, la perte de photons due à cet effet est donc bien modélisée par un modèle paralysable: { } m p = n p × exp −τ bloc n p, (3.15) où n p est la taux de photons incidents et m p le taux de photons réellement détectés (cette équation est démontrée dans le Chapitre 2, section 2.5). En réalité, des déviations par rapport à ce modèle paralysable idéal, dues au temps mort du système électronique chargé d'intégrer les signaux lumineux et au fait que les photons interagissant simultanément ne sont pas toujours rejetés, rend le comportement des blocs scintillants et son électronique associée intermédiaire entre les comportements extrêmes paralysable et non-paralysable. Nous utilisons donc dans notre simulateur le modèle suivant proposé par Moisan et al [Moisan 1997]: 96 − τ mp = np × n e bloc p. 1 + τ bloc n p (3.16) Notre stratégie de modélisation du temps mort dans les blocs à partir de (3.16) est en deux étapes. Nous estimons d'abord les taux de photons incidents n p dans chaque bloc à partir d'une courte simulation - pour le GE Discovery STE, cela revient à estimer 280 valeurs de n p et requiert uniquement de simuler quelques millions de coïncidences. Le calcul de n p en photons par secondes nécessite que l'utilisateur définisse la durée totale de l'acquisition Tacq ce qui, avec le nombre total de coincidences Nc simulées, détermine l'activité totale initiale A0 simulée dans l'objet : A0 = λ Nc 1− e, − λTacq (3.17) où λ est la constante de décroissance radioactive de l'isotope simulé. La fraction de temps mort α dans chaque bloc est ensuite calculée selon : α= np − mp np −τ =1− n e bloc p. 3.2.3. Sorties de la simulation La Figure 3.7 montre les étapes de calcul et les entrées/sorties principales d'une simulation complète. Les données d'entrée de la simulation, sauf les fractions de temps mort dans les blocs, sont celles normalement utilisées dans les simulations avec la version standard de SimSET. En sortie de la simulation, les nombres de photons détectés dans les blocs et cristaux du scanner sont écrits dans deux fichiers texte permettant de calculer le temps mort dans les blocs (voir section 3.2.2.4) et le sinogramme des coïncidences fortuites (voir section 3.2.2.5), respectivement. Les coïncidences primaires et diffusées peuvent être écrites dans un fichier liste ou histogrammées dans des sinogrammes séparés, les caractéristiques de ce sinogramme étant définies par l'utilisateur (dimensions dans les directions axiale, transaxiale et angulaire ; binning basé sur la position exacte des photons ou sur le cristal de détection). En mode sinogramme, le sinogramme 3D entier contenant tous les plans directs et croisés est sauvé dans un fichier binaire, des compressions dans les dimensions axiale, transaxiale et angulaire pouvant être appliquées hors ligne à partir des données complètes. En mode liste, la position, l'énergie, le poids statistique, la distance parcourue depuis l'émission et le nombre de diffusions dans l'objet sont écrits pour chaque photon dans un fichier binaire. Ce format est utile quand l'énergie et/ou le temps de vol de chaque photon sont utilisées dans le traitement des données. Quand des méthodes de réduction de variance sont utilisées lors de la propagation dans l'objet, les photons détectés ont des poids statistiques inférieurs à 1. Comme les photons d'annihilation se propagent indépendamment, le poids statistique d'une coïncidence composée de deux photons de poids p1 et p2 est pcoinc = p1 p2. Quand la détection forcée est utilisée, les photons sont dupliqués ce qui peut résulter en la détection de plus de deux photons par annihilation e + e − donnée. Dans ce cas, toute combinaison de deux photons est considérée une coïncidence valide, e.g. la détection de trois photons de poids p1, p2 et p3 résulte en trois coïncidences de poids p1 p2, p1 p3 et p2 p3. Distribution d'activité Distribution d'atténuation Données tabulées (section efficaces etc) Etape 1: Propagation des photons dans l'objet et les septa en utilisant la version originale de SimSET (réduction de variance optionnelle) Fichier liste des photons atteignant le détecteur Etape 2: Propagation des photons dans le détecteur et modélisation des résolutions spatiale, temporelle et énergétiques (pas de réduction de variance) Coïn cid ences prim aires et diffusées Distribution des photons dans les blocs Fractions de temps mort dans les blocs Distribution des photons dans les cristaux Si Coïncidences fortuites Figure 3.7. Etapes de calcul et entrées/sorties principales de notre simulation de Monte Carlo des acquisitions TEP. 3.3. Validation Le simulateur présenté dans la section précédente est fondé sur SimSET mais incorpore des modèles de la géométrie des scanners TEP ainsi que de la perte de résolution dans les blocs, du temps mort et des coïncidences fortuites. Dans cette section, nous estimons l'exactitude de notre simulation de Monte Carlo en la comparant à un simulateur validé, GATE, ainsi qu'à des données expérimentales acquises sur un scanner TEP GE Discovery STE au Brigham and Women's Hospital, Boston. 3.3.1. Comparaison avec GATE Pour estimer l'exactitude des changements que nous avons effectué dans SimSET, nous comparons d'abord nos simulations avec un autre code de simulation pour lequel la modélisation du détecteur discrétisé en blocs est bien validée : GATE. Nous nous focalisons en particulier sur la validation de la modélisation des spectres en énergie dans cette partie puisque nous utiliserons les distributions énergétiques des photons simulés dans la suite de la thèse (cet aspect de la simulation peut uniquement être validé en utilisant un autre code de Monte Carlo puisqu'il n'est bien sûr pas possible de séparer les photons primaires et diffusés dans des mesures réelles). GATE est un simulateur adapté à cette étape de validation car, comme expliqué dans la section 3.1.4.1, il a été extensivement validé et permet de simuler un grand nombre de géométries d'acquisition. La lenteur de GATE n'est pas ici une limitation majeure car la simulation de spectres en énergie requiert de simuler uniquement un petit nombre de photons. Le scanner simulé dans cette section est le General Electric DSTE. Nous ne proposons pas ici de valider GATE spécifiquement pour la modélisation du GE DSTE avant de le comparer avec notre simulateur, puisque ce code a déjà été validé de nombreuses fois [Staelens 2003, Lazaro 2004, Assié 2005, Schmidtlein 2006, Lamare 2006, Karakatsanis 2006, Gonias 2007] en particulier pour la simulation de scanners TEP avec une structure en blocs similaire de celle du GE DSTE [Schmidtlein 2006, Lamare 2006, Karakatsanis 2006, Gonias 2007]. On note que dans cette étape de la validation, il est en fait uniquement nécessaire qu'exactement le même scanner soit simulé avec GATE et notre simulateur. Nous comparerons par contre notre simulateur avec des données expérimentales acquises sur un scanner GE DSTE dans la 3.3.2. 3.3.1.1. Comparaison des spectres des photons propagés dans l'objet Comme expliqué dans la section 3.2, notre simulateur utilise la version originale de SimSET pour l'étape de propagation dans l'objet, à l'exception d'une modification mineure consistant à modéliser tous les photons plutôt qu'uniquement les photons dont le partenaire n'a pas été absorbé ou s'est échappé. Bien que la propagation des photons gammas avec SimSET ait déjà été validée, nous vérifions rapidement ce résultat en comparant les spectres en énergie des photons s'échappant de l'objet. 100 Les spectres obtenus avec SimSET sont normalisés à ceux obtenus avec GATE en égalisant la hauteur de leurs pics photoélectriques, définis comme E=511 ± 3.5 keV. B: Cylindre de 20 cm de diamètre A: Cylindre de 12 cm de diamètre GATE SimSET Erreur=1,5% Erreur=0,3% Energie (keV) Energie (keV) D: Cylindre de 60 cm de diamètre C: Cylindre de 40 cm de diamètre Erreur=0,4% Erreur=1,2% Energie (keV) Energie (keV) Figure 3.8. Spectres en énergie obtenus avec GATE (lignes) et SimSET (symboles) des photons émis par un point source se propageant dans des cylindres de diamètre de 12 (spectre A), 20 (B), 40 (C) et 60 cm (D). Nous définissons la différence entre les distributions obtenues avec SimSET et GATE comme : Err = 100 N N Ri − Ti i =1 Ri ∑, (3.22) où N est le nombre de points dans chaque spectre, Ri est le point i de la distribution de référence (GATE) et Ti est le point i de la distribution test (SimSET). En utilisant cette définition, l'erreur de SimSET est de 1,5% pour le spectre A (cylindre de 12 cm de diamètre), 0,3% pour le spectre B, 0,4% pour le spectre C et 1,2% pour le spectre D. Le très bon accord entre SimSET et GATE montre que la propagation des photons gammas dans l'objet avec SimSET est correcte. Nous notons de plus que SimSET est plus rapide que GATE: le temps 101 d'execution associé à SimSET (GATE) est en effet de 12 secondes (104 secondes) pour le cylindre A, 16 s (165 s) pour le cylindre B, 19 s (313 s) pour le cylindre C et 20 s (426 s) pour le cylindre D. 3.3.1.2. Comparaison des spectres des photons propagés dans le détecteur 3.3.1.2.a. Spectres des photons uniques Dans cette étape de la validation, nous comparons les spectres en énergie des photons s'étant propagé dans le scanner GE DSTE obtenus avec GATE et notre simulateur. Les caractéristiques techniques de ce scanner sont montrées dans le Tableau 3.2. Tableau 3.2. Caractéristiques techniques du scanner TEP GE DSTE Septa : Nombre de septa 23 Epaisseur des septa 0,8 mm Matériau des septa Tungstène Détecteur : Distance centre du champ - face des cristaux 88,7 cm Cristal scintillant BGO Nombre de couronnes (ring) 4 Nombre de blocs par couronne 70 3,8 × 3,8 × 3 cm3* Nombre de cristaux par bloc 6×6 6,34 × 6,34 × 30 mm3* Nombre de tubes PM par bloc 1 tube PM à 4 canaux Plans croisés en 2D ±5 cristaux Plans croisés en 3D ±23 cristaux Fenêtre en énergie 375-650 keV Fenêtre de coïncidence 11,7 ns *Direction axiale × transaxiale × radiale Nous comparons ici les spectres de photons uniques plutôt que les spectres de photons en coïncidences – i.e., tous les photons sont histogrammés et pas seulement ceux détectés en coïncidence. Puisque la version originale de SimSET ne simule que les photons en coïncidence et non les photons uniques, nous ne montrons pas ici les spectres obtenus avec SimSET. Nous modélisons dans ces simulations un objet simple composé d'un point source placé dans un cylindre rempli d'eau (20 cm de diamètre et 70 cm de long) ainsi que dans l'air. Ce dernier cas nous permettra de valider la modélisation de la réponse impulsionnelle énergétique du scanner qu'il est nécessaire de modéliser correctement afin de simuler 102 correctement des spectres plus complexes (la distribution énergétique de photons s'étant propagés dans un milieu atténuant est la convolution de la réponse impulsionnelle énergétique du scanner avec la distribution énergétique caractéristique de l'objet dû aux phénomènes de diffusion et d'atténuation. Un point source dans l'air est donc l'unique source physique, avec la ligne source qui est cependant plus symétrique, permettant de mesur directement la réponse impulsionelle énergétique du scanner). Le point source est placé à 4,5 cm du centre du cylindre et émet des photons de 511 keV dos à dos. Aucune méthode de réduction de variance n'est utilisée avec notre simulateur. Nous modélisons ici une résolution en énergie infinie afin d'éviter de masquer des différences potentielles entre GATE et notre simulateur. La Figure 3.9 montre quatre spectres en énergie correspondant au point source dans l'air et dans l'eau simulés en modes 2D et 3D avec GATE et notre simulateur. 1 Cette définition des ordres est applicable aux spectres B, C et D car il contiennent tous un objet (le cylindre et/ou les septa que l'on considère ici comme un objet). Le spectre A (acquisition dans l'air en mode 3D) en revanche ne contient aucun objet, les ordres pour ce spectre représentent donc le nombre d'interactions dans le détecteur plutôt que dans l'objet - il n'y a donc pas d'ordre 0 pour le spectre A (photons non détectés). 103 A Erreur=3,6% GATE Nouvelle simulation, ordre 1 Nouvelle simulation, ordre 2 Nouvelle simulation, ordre 3 B Erreur=4,2% Energie (keV) Energie (keV) C D Erreur=1,7% Erreur=4,6% GATE Nouvelle simulation, ordre 0 Nouvelle simulation, ordre 1 Nouvelle simulation, ordre 2 Nouvelle simulation, ordre 3 Energie (keV) Energie (ke V) Figure 3.9. Spectres en énergie des photons uniques obtenus avec GATE et notre simulation. Le GE DSTE est mo dél isé , ce pendant avec une résolution en énergie infinie afin de ne pas masquer des différences potentielles entre les spectres obtenus avec GATE et notre simulateur. A : point source dans l'air imagé en mode 3D. B : point source dans l'air, mode 2D. C : point source dans l'eau en mode 3D. D : point source dans l'eau en mode 2D. La décomposition des spectres en ordre de diffusion 0, 1, 2 et 3 est décrite dans le texte ci dessus . La flèche 1 sur l'ordre 1 du spectre A et les ordres 0 des spectr es B, C et D correspond aux photons primaires de 511 keV ayant interagi à 180° dans le détecteur , déposant seulement 341 keV. La flèche 2 sur l'ordre 1 des spectres C et D correspond aux photons ayant interagi une seule fois à 180° dans le cylindr d'eau et déposant toute leur énergie (egale à 511-341=170 keV) dans le détecteur. 3.3.1.2.b. Spectres des photons de coïncidence Nous comparons à présent les spectres de photons détectés en coïncidence obtenus avec GATE et notre simulation. Puisque SimSET simule les photons en coïncidence, nous montrons aussi dans cette section les spectres obtenus avec SimSET. Pour déterminer l'impact de la modélisation des blocs sur l'estimation des spectres dans un cas réaliste, nous modélisons dans cette section la résolution finie du détecteur (le scanner GE Discovery STE a une résolution en énergie de 20% à 511 keV). L'objet simulé est un point source dans le cylindre d'eau de 20 cm de diamètre et de 70 cm de long. La Figure 3.10 montre les spectres en énergie des photons de coïncidence obtenus avec GATE, SimSET et notre simulation. Les ordres 0 et 1 correspondent aux photons ayant interagi 0 (photons primaires) et 1 fois dans l'objet avant d'être détectés. Les ordres supérieurs à 1 correspondent aux photons ayant interagi plus d'une fois dans l'objet. Les erreurs associées à notre simulation et celles associées à la version originale de SimSET, calculées par rapport à GATE selon (3.22), sont 4,4% (41,3% pour SimSET) pour l'ordre 0, 2,9% (11,0% pour SimSET) pour l'ordre 1 et 4,4% (6,2% pour SimSET) pour les ordres supérieurs ou égaux à 2. Dans cette étape de validation, la seule différence entre SimSET et notre simulation est que notre simulation modélise la structure en blocs du GE Discovery STE alors que SimSET modélise un unique cristal continu. Ces spectres indiquent que la distribution énergétique des photons diffusés (ordres supérieurs ou égaux à 1) dépendent essentiellement de l'objet imagé et peu du détecteur. L'ordre 0 en revanche représente la réponse impulsionnelle énergétique du détecteur et est donc fortement affecté par la Nouvelle simu. (tous les ordres) A Nouvelle simu. (ordre 0) GATE SimSET Total modélisation des blocs. Nouvelle simu. (ordre 1) Nouvelle simu. (ordres > 1) GATE SimSET B Ordres > 1 Ordre 1 Ordre 0 Energie (keV) Energie (keV) Figure 3.10. Spectres en énergie des photons de coïncidence obtenus avec GATE (lignes), SimSET (croix) et notre simulateur (carrés et cercles). Le scanner GE DSTE est modélisé avec une résolution en énergie de 20% à 511 keV. L'ordre 0 représente les photons primaires, l'ordre 1 représente les photo s ayant interagi une fois dans l'objet et les ordres supérieurs à 1 représente les photons ayant interagi plus d'une fois dans l'objet avant d'être détectés. 3.3.1.3. Comparaison des distributions angulaires des photons dans le détecteur Dans cette section nous comparons les distributions angulaires des photons détectés dans les blocs du scanner GE Discovery STE simulé avec GATE et notre simulateur. Dans cette étape de validation nous ne normalisons pas les distributions obtenues avec GATE et notre simulateur, mais nous comparons plutôt les distributions absolues afin de vérifier que les taux absolus de photons uniques simulés avec notre modèle sont corrects. Ceci est un aspect essentiel de la simulation, puisque les taux absolus de photons détectés dans les blocs 105 et cristaux sont nécessaires au calcul du temps mort et des coïncidences fortuites. Comme SimSET ne simule pas les blocs, nous ne montrons pas ici les distributions obtenues avec SimSET. Le scanner modélisé est le GE Discovery DSTE avec une résolution en énergie de 20% à 511 keV et opérant en modes 2D et 3D. L'objet simulé est un point source placé dans l'air puis dans le cylindre de 20 cm de diamètre et 70 cm de long rempli d'eau. Exactement le même nombre de photons sont simulés avec GATE et notre simulateur, et aucune méthode de réduction de variance n'est utilisée avec notre simulateur afin de pouvoir comparer directement les nombres de coups détectés avec les deux programmes. A : 2D, point source dans l'air (lignes: GATE symboles: nouvelle simu.) Erreur=2,3% B : 2D, point source dans l'eau Erreur=3,1% Couronnes 2 et 4 Couronne 3 Couronne 3 Couronnes 2 et 4 Couronne 1 Couronne 1 Numéro du bloc Numéro du bloc Couronne 1 D : 3D, point source dans l'eau Erreur=2,5% C : 3D, point source dans l'air Erreur=1,9% Numéro du bloc Couronne 1 Numéro du bloc Figure 3.11. Nombres de photons déte tés dans les quatre couronnes du GE DSTE en modes 2D et 3D – chaque couronne contient 70 blocs. L'objet imagé est un point source placé successivement dans l'air et dans l'eau. Les lignes représentent les distributions obtenues avec GATE et les cercles celles obtenues avec notre simulateur.
40,804
2011ENMP0094_13
French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,011
Dégradation chimique du PE et influence sur le comportement, l'endommagement et la rupture en fluage : application à la durabilité des canalisations sous pression
None
French
Spoken
2,856
4,596
Avant ce seuil, la déformation est homogène dans toute la zone utile, c'est pourquoi la mesure de la déformation calculée à partir du déplacement de la traverse est équivalente à celle calculée à partir des données du laser. En revanche, au-delà de ce seuil, l'apparition d'une striction engendre un champ de déformation hétérogène, souvent localisé au niveau de l'épaule de striction. Si la striction se localise en dehors des pastilles réfléchissantes, les déformations "traverse" et "laser" diffèrent. Annexes ANNEXE 5 : LONGUEUR ET CONTRAINTE DE REFERENCE La méthode présentée ci-dessous est une approche "ingénieur" dans la mesure où elle effectue une estimation en essayant de balayer les limites inférieure et supérieure. L’approche scientifique pourra, par la suite, justifier la pertinence de la méthodologie en effectuant les expériences appropriées, i.e. longues puisque à faible charge. Contrainte de référence, charge limite La contrainte de référence σref a été introduite dans la Mécanique Non Linéaire de la Rupture (MNLR) pour mesurer le degré de plastification du ligament non fissuré dans un corps muni d’un défaut. Rappelons que pour le critère de plasticité, la notion de contrainte équivalente σeq avait été introduite pour que cette dernière soit comparée à la limite d’élasticité σ0 pour indiquer que la plasticité est atteinte en un point. La même démarche a été utilisée afin de comparer la contrainte de référence à la limite d’élasticité. Comme pour les éprouvettes fissurées, on dispose de la charge (force) à tout instant, on utilise plutôt cette variable. On introduit alors la charge limite FL qui va correspondre à la charge qui permettra la plastification du ligament. Ainsi, la contrainte de référence est définie par : σ ref F = (1) σ0 FL Dans le cas d’une éprouvette DENT, les formules de la charge limite sont données dans la littérature selon l’hypothèse de calcul en déformation plane (DP, éprouvette épaisse) ou en contrainte plane (CP, éprouvette mince) : FLCP = 4 B ( W a) σ 0 3  a   FLDP =  0.72 + 1.82 1  B W σ0  W   (2) (3) avec B, W et a respectivement l’épaisseur, la largeur et la profondeur de la fissure. En remplaçant les charges limites des équations (2) et (3) dans l’équation (1), on peut établir les formules des contraintes de référence en DP et CP. σ CP ref = σ DP ref = 3 F 4 B(W a) (4) F  a   B W  0.72 + 1.82 1  W     (5) 3 . Autrement dit, la contrainte de référence est 4 toujours inférieure à la contrainte nette. Ceci est encore plus marqué pour le cas de la déformation plane. On remarquera, au passage que : σ CP ref = σ net 283 Annexes Longueur de référence Concepts L’allure d’une courbe de traction monotone sur éprouvette lisse et celle de la courbe forceouverture d’entaille (δ) sur éprouvette fissurée sont similaires. La perte de linéarité est matérialisée par la limite d’élasticité sur la courbe de traction et par la charge limite pour la courbe force-ouverture. De même, si on trace la courbe σref en fonction de l’ouverture pour un essai sur éprouvette fissurée, la limite d’élasticité indique bien le point à partir duquel la déviation par rapport à la linéarité commence à apparaître. Sur l’axe des abscisses, d’une part (traction monotone) on a la déformation (sans unité) et d’autre part, l’ouverture d’entaille qui est un déplacement (généralement en mm). Il faut donc une longueur caractéristique pour relier les deux : c’est la longueur de référence lref. On peut donc énoncer ainsi : δ = lref ε. Définition La contrainte de référence σref d'une éprouvette fissurée pour laquelle on exprime l’ouverture δ par rapport à une longueur de référence lref, est la contrainte qui, appliquée sur une éprouvette lisse fictive, produit le même déplacement δ sur une base de mesure égale à lref. Application en fluage sur NT4 Ces mêmes notions peuvent être étendues au cas du fluage secondaire sur une éprouvette fissurée, avec un formalisme de comportement pouvant s’écrire comme suit : εɺ = B2 σ n 2 (6) En suivant le même raisonnement mathématique qu’en plasticité, on pourra donc écrire que : n2 δɺ = lref εɺ ref = lref B2 σ ref (7) On se basera essentiellement sur l’équation (7) par la suite. Notons que la contrainte de référence doit être choisie entre les équations (4) et (5) selon l’épaisseur de l’éprouvette. Mais quelle que soit l’hypothèse prise, c’est le même exposant n2 de la contrainte qui est utilisé aussi bien sur éprouvette lisse (6) que sur éprouvette entaillée (7). Détermination de B2 et n2 sur éprouvettes lisses 284 Annexes 1,E-03 B2, n2 PE n euf -1 Vitesse de déformation (s ) 1,E-04 1,E-05 1,E-06 1,E-07 B2, n2 1,E-08 B2, n2 1,E-09 103 25 100 8 Contra inte nominal e (MPa) Le point à 7,2MPa semble montrer une rupture de pente. La rareté des points expérimentaux incite à évaluer constamment ces limites basse et haute. Vite sse d'ouverture d'e ntaille (mm/s) 1,E-03 Pente moyenne 1,E-04 Pente minimale NT4 1,E-05 1 10 Contrainte nette (MPa) On suppose d’emblée que l’éprouvette NT4 ayant une section carrée se trouve en situation de DP. En traçant la courbe vitesse d’ouverture minimale vs. σref (en DP), on étudie également les pentes moyenne et minimale. On prendra par la suite la valeur moyenne de ces deux pentes. On s’est interdit de considérer la pente maximale dans la mesure où celle-ci serait trop éloignée des valeurs obtenues sur la partie basse de la courbe établie à partir des éprouvettes lisses. L’étape suivante consiste à utiliser l’équation (7) en normalisant la vitesse d’ouverture d’entaille par la longueur de référence : δɺ = B2 σ nref2 l ref Il s’agit alors de caler la valeur de lref de manière à aligner les derniers points sur éprouvettes lisses aux points de NT4. Finalement, pour une certaine valeur de lref (qui n’a aucune signification physique particulière), on arrive à esquisser une rupture de pente, basée sur le peu de points expérimentaux dont on dispose. Ainsi pour les chargements faibles, dans les structures réelles, il faudra considérer la pente moyenne ainsi déterminée. Il est cependant nécessaire de continuer à fournir des points expérimentaux pour confirmer ou éventuellement corriger cette pente. Des contraintes de 5 à 6 MPa sur éprouvettes lisses sont recommandées pour de futurs essais. 1,E-03 -1 Vitesse de déformation (s ) 1,E-04 1,E-05 Ep lisses B2, n2 NT4 1,E-06 1,E-07 1,E-08 1,E-09 B2, n2 1,E-10 1,E-11 1 10 Contra inte nominal e (MPa) 286 100 Annexes ANNEXE 6 : MODELISATION ANALYTIQUE DE LA LOI DE COMPORTEMENT Des expressions analytiques simples existent pour modéliser les stades de fluage primaire et secondaire. Elles s'expriment de la façon suivante : Fluage primaire : la déformation est reliée à la contrainte nominale appliquée et au temps de fluage par une double loi puissance (cf. équation (1)). ε1 = f ( σ, t ) = B1σ n1 t p1 (1) Fluage secondaire : plus connue sous le nom de loi de Norton, elle relie la vitesse minimale de déformation à la contrainte nominale appliquée par une loi puissance (cf. équation (2)). i ε 2 = f ( σ ) = B2 σ n 2 (2) Les paramètres B1, n1, p1, B2 et n2 sont des paramètres matériaux et peuvent être déterminés à partir des courbes de fluage obtenues sur éprouvettes lisses . Les paramètres B2 et n 2 sont obtenus directement à partir de la Figure 3, dé jà présentée au Chapitre III . Pour le PE neuf, nous avons évoqué et mis en évidence l'existence d'une rupture de pente pour des contraintes inférieures à 9 MPa. Il est donc de rigueur de considérer deux jeux de paramètres selon que l'on se situe de part ou d'autre de cette valeur. Un calcul de la contrainte circonférentielle régnant dans un branchement de 40 mm de diamètre et de 4,5 mm d'épaisseur subissant une pression interne de 10 bars, donne une valeur de l'ordre de 4 MPa. Il convient donc de considérer le jeu de paramètres déterminé aux faibles charges. 1,E -03 -1 Vitesse de déformation ( s ) 1,E-04 PE vie illi 1,E-05 B2 , n2 ( charge s élevées) PE neuf B2 , n 2 1, E-06 1,E-07 1, E-08 1, E-09 B2,n2 (faibles charges) 1,E-10 1,E-11 10 3 100 Contra inte nominal e (MPa) 25 Figure 3 : Evolution de la vitesse de déformation en fonction de la contrainte nominale appliquée Une condition doit être appliquée pour déterminer les coefficients relatifs au fluage primaire: B1, n1 et p1. Cette condition est la suivante : la continuité doit être vérifiée à la transition fluage primaire / fluage secondaire. Elle s'exprime par l'égalité des vitesses de déformation au point de transition, appelé par la suite temps de fin de fluage primaire tffp. A t = tffp, on a : i i ε1 = ε 2 B1 σ n1 p1 t ffp p1 -1 = B2 σ n 2 On obtient alors l'expression de tffp : 1  B  p1 -1 t ffp =  2 σ n 2 n1   B1 p1  La Figure 4 montre comment les paramètres déterminés pour le PE neuf, parviennent à bien simuler les essais de fluage sur éprouvettes lisses, pour chaque contrainte considérée. 1,2 11,5 MPa exp 11,5 MPa simul 1 12 MPa exp 12 MPa-simul Déformation (-) 0,8 13 MPa exp 13 MPa simul 0,6 0,4 14 MPa exp 14 MPa simul 15 MPa exp 0,2 15 MPa simul 16 MPa exp 16 MPa simul 0 0 5000 10000 15000 20000 25000 30000 Te mps (s) Figure 4 : Simulation analytique des essais de fluage sur éprouvettes lisses de PE neuf La modélisation analytique des essais de fluage n'est valable que pour des sollicitations uniaxiales. Nous allons voir maintenant comment les paramètres B2 et n2, déterminés à partir des données expérimentales, interviennent dans le calcul du paramètre de chargement C* utilisé pour le calcul de la durée de vie d'un tube selon une approche globale. Annexes ANNEXE 7 : ETABLISSEMENT DE L'EXPRESSION DU PARAMETRE C*EXP Par définition, on a : J = − ∂U  ∂U   =  où U = ∫ Pd δ et dS = ∫ Bda. ∂S δ ∂S  P On peut donc écrire : 1 ∂ 1 ∂P 1 ∂δ J= Pdδ = ∫ dS = ∫ dP. ∫ B ∂a B 0 ∂a B 0 ∂a P P Pour calculer cette intégrale, il faut une relation entre P et δ. Pour cela on fait intervenir une notion de contrainte de référence et de longueur de référence (cf. Annexe 5). On suppose que : • ε = B0σ n et ε = B2σ n 2 δ = lref σ ref avec lref = K (W − a ) avec K = constante. n Donc : δ = K (W − a ) B0σ ref avec σ ref = P ( W) BWm a   1 ∂ 1 ∂  P J= Pd δ = ∫  K (W − a ) B0  ∫  B ∂a B 0 ∂a  BWm a  W   n     P KB0 ∂  P  dP J= (W − a )  ∫    B 0 ∂a  BWm a  W     n     P KB0   P P   J= − + n (W − a ) ∫     B 0  BWm a   BWm a   W  W   P ( )     n    dP   ( ) ( ) ( ) ( )     n −1 ( ) a P −∂m W 1 2 BW ∂a Wm a n    a KB0  1  P  W − a  ∂m W  J= −1 − n  dP     BWm a a B ∫0  ∂a  W  m  W   W    a KB0  1  W − a  ∂m W 1 P n+1  n J= − −  n B  n  W  ∂a  n + 1 BWm a m a W   W P ( )  KB0  1  a J= − − 1 − B  n  W   KB0  1  a J= − − 1 − B  n  W  ( ) ( ) ( ) ( ) ( ( ))   P  n P  n + 1  BWm a W    ∂m a 1 Pδ  W  n  a  n + 1 K (W − a ) B0 ∂a m W  a 1  ∂m W  ∂a  m a W ( ) ( ) ( ) ( ) 289     n   dP W  ( ) Annexes J= ( )   ∂m a Pδ n  1  a 1 W − − 1 −   B (W − a ) n + 1  n  W  m a ∂a W  ( )   Par analogie, on peut écrire : ( )  •  ∂m a n2  1  Pδ a 1 W − − 1 −  C = B (W − a ) n2 + 1  n2  W  m a ∂a W  ∗ ( )   a a Pour une éprouvette DENT en contrainte plane, on a m   = 1 − , d’où : b b • 1 n − 1 N1 δ ∗ Cexp ( DENT ) = 2 2 n2 + 1 B ( b − a ) 290 DEGRADATION CHIMIQUE DU PE ET INFLUENCE SUR LE COMPORTEMENT, L'ENDOMMAGEMENT ET LA RUPTURE EN FLUAGE : APPLICATION A LA DURABILITE DES CANALISATIONS SOUS PRESSION RESUME : Les canalisations en polyéthylène haute densité (PEHD) prennent une part de plus en plus importante dans les réseaux de distribution d'eau potable. Les constantes de vitesse et les coefficients de diffusion sont déterminés à partir des résultats expérimentaux sur échantillons vieillis de façon accélérée. L'impact de l'oxydation sur le comportement mécanique en fluage du PE est étudié à partir de matériaux modèles représentatifs d'un état neuf et d'un état vieilli. Les mécanismes d'endommagement et de rupture sont analysés en fonction du degré de vieillissement. Le modèle mécanique s’intéresse à la propagation d’une fissure, amorcée par l'oxydation sur la surface en contact avec le désinfectant. Deux méthodologies sont proposées pour prédire la durée de vie résiduelle d'un * tube : l'approche globale qui repose sur une courbe maîtresse C = f (tR), et l'approche locale qui s’inspire des mécanismes d’endommagement et modélise ainsi la rupture grâce à un code de calcul par éléments finis. La loi de comportement utilisée dans ce cas s'appuie sur les résultats expérimentaux obtenus aux échelles macroscopique et microscopique. Mots clés : Polyéthylène, mécanisme d'oxydation, chlore, mécanique de l'endommagement, mécanique de la rupture, approche globale/locale CHEMICAL DEGRADATION OF PE AND ITS INFLUENCE ON THE CREEP RESPONSE, DAMAGE AND FAILURE: APPLICATION TO LIFETIME ASSESSMENT ON PIPES SUBJECTED TO INTERNAL PRESSURE ABS TRACT : High density polyethylene pipes (HDPE) appear to be more and more significant in drinking water distribution networks. A good microbiological quality of the distributed water is ensured by adding disinfectants, such as chlorine. The durability of these pipes, initially designed for a 50 years lifetime, is a great challenge for Veolia, which requires a realistic renewal plan. For this purpose, two approaches have been developed: the first one predicts the physico-chemical state of PE after changes due to the contact with chlorine, while the second one estimates the residual lifetime of a pipe, containing cracks initiated by aging. The kinetic scheme of chemical degradation results from the thermooxidation of PE, to which radical initiating reactions due to chlorine were added. Kinetic rates and diffusion coefficients are determined from the experimental results obtained on accelerated aged samples. The influence of oxidation on PE mechanical response under creep loading is then studied from two grades of PE, representatives of two degradation states: the initial material and an aged one. Damage and failure mechanisms are determined according to the degree of aging. The mechanical approach aims at assessing the creep crack growth of a defect initiated after the oxidation process at the inner surface in contact with disinfectants. Two methodologies are suggested to * estimate the residual lifetime of a pipe: the global approach, which relies on a master curve C = f(tR); and the local approach which takes the damage mechanisms into account to model the failure by using finite element analysis. This latter requires constitutive equations, which are based on the experimental results obtained at both macroscopic and microscopic scales. Keywords : Polyethylene, oxidation scheme, chlorine, damage mechanics, fracture mechanics, global/local approach.
28,857
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2,013
Dyschromie en chaussettes compliquant une dépigmentation volontaire
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Rev. méd. Madag. 2013 ; 3(2):284-285 Image clinique Dyschromie en chaussettes compliquant une dépigmentation volontaire Stocking disposed leg dyschromia complicating voluntary skin bleaching E.A. Kouotou (1)*, A-C. Zoung-Kanyi Bissek (1), D. Defo (2), E.C. Ndjitoyap Ndam (1) (1) Hôpital Général de Yaoundé, Faculté de Médecine et des Sciences Biomédicales, Yaoundé, Cameroun (2) Hôpital Central de Yaoundé, Faculté de Médecine et des Sciences Biomédicales, Yaoundé, Cameroun Une femme de 28 ans était vue en consultation dans notre service pour une hyperpigmentation du tiers inférieur des jambes évoluant depuis trois ans malgré des multiples thérapeutiques et des soins cosmétiques. Elle utilisait volontairement des produits dépigmentant depuis l’âge de 17 ans. La nature des produits dépigmentant utilisés n’était pas connue. A l’examen des mains, le tégument avait un aspect fripé, atrophique avec des télangiectasies et une hyperpigmentation du dos des doigts en regard des articulations inter phalangiennes. Celui des membres inférieurs retrouvait une dyschromie hyperpigmentante bilatérale et symétrique réalisant un aspect en chaussette bien limitée par une couronne achromique vitiligoïde (Figures 1 et 2). Les gros orteils présentaient un onyxis. L’examen du visage n’avait pas relevé de dyschromie hyperpigmentante faciale. Le diagnostic d’une dyschromie en chaussettes compliquant une dépigmentation volontaire était retenu. Nous n’avions pas noté une réversibilité à l’arrêt de l’utilisation des produits dépigmentant. La dépigmentation volontaire notamment à viser cosmétique est une pratique très répandue dans la plupart des pays africains. Cette pratique cosmétique est très souvent source de multiples complications médicales et esthétiques graves [1]. La dyschromie hyperpigmentante est une complication fréquente de la dé- pigmentation volontaire qui siège le plus souvent aux zones photo exposées notamment le visage, et le dos des doigts [1-3]. L’originalité de notre observation est qu’elle rapporte un cas inhabituel de dyschromie hyperpigmentante bilatérale et symétrique en chaussette. Elle témoigne le plus souvent de l’usage des produits à base d’hydroquinone seule ou associée aux dermocorticoïdes [1-4]. Figure 1. Hyperpigmentation bilatérale et symétrique en chaussettes des membres inférieurs, avec un aspect fripé et ridé de la peau. * Auteur correspondant: E.A. Kouotou ([email protected], [email protected]) ISSN 2222-792X / African Index Medicus E.A. Kouotou et al. Figure 2. Dyschromie hyperpigmentante acrale au niveau des dos des mains et des doigts. Références 1. Morand JJ, Ly F, Lightburn E, et al. Complications de la dépigmentation cosmétique en Afrique. Med Trop 2007; 67: 627-34. 2. Del GP, Raynaud E, Mahé A. L’utilisation cosmétique de produits dépigmentants en Afrique. Bull Soc Pathol Exot 2003; 96 (5): 389-93. 3. Raynaud E, Cellier C, Perret JL. Dépigmentation cutanée à visée cosmétique: Enquête de prévalence et effets indésirables, dans une population féminine sénégalaise. Ann Dermatol Vénéréol 2001; 128: 720. 4. Gathse A, Obengui, Ibara JR. Motifs de consultation liés à l’usage des dépigmentants chez 104 utilisatrices à Brazzaville, Congo. Bull Soc Pathol Exot 2005: 98(5): 387-9. La Revue Médicale de Madagascar 2013 ; 3(2) 285.
22,863
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2,018
Experimental study of a foam concrete based on local Tunisian materials
Dorra Ellouze
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Experimental study of a foam concrete based on local Tunisian materials Etude expérimentale d'un béton mousse à base des matériaux locaux tunisiens Dorra ELLOUZE1, Karim MILED2 1ISET Sfax, Département de Génie Civil, Sfax, Tunisie 2 Université de Tunis El Manar, Ecole Nationale d’Ingénieurs de Tunis, Laboratoire de Génie Civil, Tunis, Tunisie Dorra ELLOUZE1, Karim MILED2 1ISET Sfax, Département de Génie Civil, Sfax, Tunisie 2 Université de Tunis El Manar, Ecole Nationale d’Ingénieurs de Tunis, Laboratoire de Gén é de Tunis El Manar, Ecole Nationale d’Ingénieurs de Tunis, Laboratoire de Génie Civil, Tunis, Tunisie Abstract. The building sector in Tunisia is very energy-intensive, the largest share of energy consumption comes from factories of building materials namely brick and cement plants. This work is part of the reduction of the energy bill in the building envelope. Indeed, the foam concrete can be walls in single or double wall with better insulating power. This paper presents an experimental study on the technical problems related to the formulation and manufacture of a new cellular concrete in Tunisia, called "foam" concrete, from Tunisian local materials. Indeed, six varieties of sand of different provenance and grain size will be analyzed, the "good" sand is the one that is best suited for the manufacture of foam concrete. Two clean, fine-grained (0/2mm) rolled grain sands were retained. Then four foam concretes were formulated using each time a single type of sand and varying the density namely 0.8 and 1. These four formulations were tested mechanically and thermally. The results found showed that compressive strengths do not exceed 1.5 MPa at 28 days. Thus, the foam concrete can be used only as a filling concrete in non-load bearing elements such as partition walls. The guarded hot plate method was used to determine the thermal conductivities of the four foamed concretes studied. A low thermal conductivity was found of the order of 0.22 W/m°K which prove the insulating power of foam concrete. Résumé. Le secteur de bâtiment en Tunisie est très énergivore, la part la plus importante de la consommation énergétique provient des usines des matériaux de construction à savoir les briqueteries et les cimenteries. Ce travail s’inscrit dans le cadre de la réduction de la facture énergétique dans l’enveloppe des bâtiments. En effet le béton mousse peut constituer des murs en simple ou en double cloison avec un meilleur pouvoir isolant. MATEC Web of Conferences 149, 01027 (2018) CMSS-2017 MATEC Web of Conferences 149, 01027 (2018) CMSS-2017 https://doi.org/10.1051/matecconf/201814901027 © The Authors, published by EDP Sciences. This is an open access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License 4.0 (http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/). Pour ce faire, on doit identifier les bons matériaux Pour ce faire, on doit identifier les bons matériaux nécessaires dans la confection du béton mousse et notamment le bon sable garantissant une mousse stable dans le mélange. En particulier, six variétés de sable de provenance et de granulométrie différentes seront analysées. Ensuite, on passe à la formulation et la fabrication du béton mousse. Enfin, on réalise les essais mécaniques et thermiques sur les différents échantillons du béton mousse. L’acquisition des matériaux et du matériel nécessaires pour la confection du béton mousse ainsi que les essais mécaniques et thermiques de cette étude expérimentale ont été cofinancés par le Centre Technique Tunisien des Matériaux de Construction, de la Céramique et du Verre (CTMCCV) et l'agence allemande de coopération technique (GIZ) Teneur en eau (%) ES (%) Densité volumique Apparente Densité volumique Absolue MF S1 1,76 86,95 1,54 2,66 3,42 S2 4,06 78,48 1,48 2,76 2,89 S3 3,55 73,18 1,46 2,63 2,91 S4 3,30 75,24 1,57 2,82 2,36 S5 1,91 91,23 1,57 2,76 2,87 S6 5,23 91,64 1,57 2,76 2,71 • Sable S6 Sable de Borj-Hfaiedh: sable de carrière (échantillon humide), diamètre 0-2mm Pour ces six sables, nous avons déterminé expérimentalement la teneur en eau naturelle, les masses volumiques apprente et absolue, l'équivalent de sable (ES), la courbe granulométrique par tamisage et le module de finesse (MF). Les résultats sont présentés dans le tableau suivant. • Sable S6 Sable de Borj-Hfaiedh: sable de carrière (échantillon humide), diamètre 0-2mm Pour ces six sables, nous avons déterminé expérimentalement la teneur en eau naturelle, les masses volumiques apprente et absolue, l'équivalent de sable (ES), la courbe granulométrique par tamisage et le module de finesse (MF). Les résultats sont présentés dans le tableau suivant. • Sable S6 Sable de Borj-Hfaiedh: sable de carrière (échantillon humide), diamètre 0-2mm Teneur en eau (%) ES (%) Densité volumique Apparente Densité volumique Absolue MF S1 1,76 86,95 1,54 2,66 3,42 S2 4,06 78,48 1,48 2,76 2,89 S3 3,55 73,18 1,46 2,63 2,91 S4 3,30 75,24 1,57 2,82 2,36 S5 1,91 91,23 1,57 2,76 2,87 S6 5,23 91,64 1,57 2,76 2,71 ( ) Pour ces six sables, nous avons déterminé expérimentalement la teneur en eau naturelle, les masses volumiques apprente et absolue, l'équivalent de sable (ES), la courbe granulométrique par tamisage et le module de finesse (MF). Les résultats sont présentés dans le tableau suivant. Tableau 1. Pour ce faire, on doit identifier les bons matériaux Caractérisation des six sables étudiés nécessaires dans la confection du béton mousse et notamment le bon sable garantissant une mousse stable dans le mélange. En particulier, six variétés de sable de provenance et de granulométrie différentes seront analysées. Ensuite, on passe à la formulation et la fabrication du béton mousse. Enfin, on réalise les essais mécaniques et thermiques sur les différents échantillons du béton mousse. L’acquisition des matériaux et du matériel nécessaires pour la confection du béton mousse ainsi que les essais mécaniques et thermiques de cette étude expérimentale ont été cofinancés par le Centre Technique Tunisien des Matériaux de Construction, de la Céramique et du Verre (CTMCCV) et l'agence allemande de coopération technique (GIZ). Fig.1. Comparaison des fractions granulométriques des sables étudiés avec celles du sable recommandé par NEOPOR CLC 0 20 40 60 80 100 0-0.25 mm 0.25-0.5 mm 0.5-1 mm 1-2 mm Neopor S1 S2 S3 S4 S5 S6 Le comportement du béton mousse a fait l’objet divers recherches scientifiques à savoir les études de Ramamurthy et al. (2006 à 2012) [2 à 7], de Panesar (2013), de Lukatis et al. (2003) et de Bouvard et al. (2007). [8 à 10] Fig.1. Comparaison des fractions granulométriques des sables étudiés avec celles du sable recommandé par NEOPOR CLC L'analyse de résultats présentés dans le tableau 1 et la figure 1 décrivant la granulométrie des sables analysés, a montré que les deux sables S1 et S6 respectent le mieux les exigences ou les caractéristiques du "bon" sable décrites précédemment. En effet, S1 et S2 sont deux sables de rivière et le sable S1 s’approche mieux des exigences de propreté et du pourcentage des fines. Comparé aux sables de carrière S3 à S6, le sable S6 est plus propre. Ainsi, nous retenons les deux sables S1 et S6 pour formuler le béton mousse et pour tester l’effet de la forme de grains roulée ou concassée sur le béton mousse. Experimental study of a foam concrete based on local Tunisian materials Etude expérimentale d'un béton mousse à base des matériaux locaux tunisiens L’objectif de cette étude expérimentale est d’étudier et de résoudre en amont, d'abord, les problèmes techniques liés à la formulation et à la fabrication d'un nouveau béton cellulaire en Tunisie, dit béton "mousse" à partir des matériaux locaux tunisiens. En particulier, six variétés de sable de provenance et de granulométrie différentes seront analysées, le « bon » sable est celui qui convient le mieux pour la fabrication du béton mousse. Deux sables de rivière à grains roulés, propres et fins (0/2mm) ont été retenus. Ensuite, quatre bétons mousse ont été formulés en utilisant à chaque fois un seul type de sable et en variant la densité à savoir 0,8 et 1. Ces quatre formulations ont été testées mécaniquement et thermiquement. Les résistances à la compression trouvées ne dépassent pas 1,5 MPa à 28 jours. Ainsi, le béton mousse peut être utilisé seulement comme un béton de remplissage dans des éléments non porteurs tels que les murs de partition. Enfin, la méthode de la plaque chaude gardée a été utilisée pour déterminer les conductivités thermiques des quatre bétons mousses étudiés. Une faible conductivité thermique a été trouvée de l'ordre de 0,22 W/m°K. Ces résultats prouvent le pouvoir isolant du béton mousse. https://doi.org/10.1051/matecconf/201814901027 MATEC Web of Conferences 149, 01027 (2018) MATEC Web of Conferences 149, 01027 (2018) CMSS-2017 2 Caractérisation des matériaux Le béton mousse se compose de ciment, sable, eau et agent mousant. L’eau est celle du réseau d'eau potable de la SONEDE, le ciment est de type CEMI 42.5 provenant de la cimenterie de Jebel Jloud. L’agent moussant désigné par NEOPOR 600 est fourni par la société allemande NEOPOR CLC. C’est un produit organique et naturel, il provient de l’hydrolyse des cornes et des sabots des bovins. Un litre d'agent moussant NEOPOR produit environ 580 litres de mousse. Le "bon" sable du béton mousse doit être propre, ayant des grains roulés et une distribution granulométrique bien déterminée. Selon les recommandations de la société NEOPOR CLC [13], le pourcentage des fines (de diamètre < 80 µm) de ce sable doit être entre 15 et 20%. Au-delà de ces valeurs, les fines consomment une quantité excessive d’eau de gachâge et la réaction d'hydratation du ciment ne sera pas 1 Introduction complète, ce qui dècroit la résistance mécanique du béton mousse. Ainsi, pour identifier le bon sable, nous avons analysé six variétés de sable de provenance et de granulométrie differentes: Ce travail s’inscrit dans le cadre de la réduction de la facture énergétique engendrée par les matériaux de construction traditionnels et énergivores tels que le ciment et les briques rouges en terre cuite utilisés dans l’enveloppe des bâtiments, suite aux recommandations de l'Agence Nationale de la Maîtrise de l'Energie (ANME) [1]. Cette recherche propose une étude expérimentale sur la formulation et la fabrication d'un nouveau béton cellulaire en Tunisie, dit béton "mousse" à partir des matériaux locaux tunisiens. • Sable S1 : Sable Widhref Chaael de Sfax: sable de rivière, diamètre 0-2mm. • Sable S2 Sable Widhref Chaael de Sfax: sable de rivière, diamètre 0-5mm. • Sable S3 Sable de Khlidia : sable de carrière, diametre 0-2mm. • Sable S4 Sable de Bouargoub : sable de carrière, diamètre 0-2mm. • Sable S5 Sable de Borj-Hfaiedh: sable de carrière (échantillon sec), diamètre 0-2mm. • Sable S5 Sable de Borj-Hfaiedh: sable de carrière (échantillon sec), diamètre 0-2mm. 3 Formulation et confection du béton mousse Pour formuler le béton mousse, on a utilisé les formules recommandées de la société NEOPOR CLC et qui sont 2 2 MATEC Web of Conferences 149, 01027 (2018) CMSS-2017 https://doi.org/10.1051/matecconf/201814901027 resumées dans le tableau suivant: Fig. 2. Formulation du béton mousse NEOPOR [13 resumées dans le tableau suivant: 13] laquelle l'effet d'échelle de volume disparaitera. Ainsi, nous avons réalisé des essais mécaniques de compression simple sur des éprouvettes cubiques en cylindriques en cm3 (11x22) et cylindriques en (16x32). Les résultats trouvés et presentés sur la figure 3 montrent la présence à la fois d'un faible effet de forme et d'un faible effet de volume de l'éprouvette d'essai sur la résistance à la compression du conséquent, le cylindre de dimensions en été retenu pour caractériser la résistance à la compression intrinsèque du béton mousse. Celle densité du béton mousse diminue, autrement dit sa macro porosité (fraction volumique de mousse) augmente, ce qui est prévisible (cf. Figure 4). En outre, les résistances à la compression trouvées sont faibles puisque les résistances les plus élevées, de l'ordre de 1,3 à 7 jours et 1,5 MPa à 28 jours, ont été données pa densité 1 et renfermant le sable S1 de Wehdref qui est un sable de rivière très fin (0 bétons peuvent être utilisés seulement comme des bétons de remplissage dans des éléments non porteurs bien évidemment. laquelle l'effet d'échelle de volume disparaitera. Ainsi, nous avons réalisé des essais mécaniques de compression simple sur des éprouvettes cubiques en cm3 (10x10x10), (11x22) et cylindriques en cm3 (16x32). Les résultats trouvés et presentés sur la figure 3 montrent la présence à la fois d'un faible effet de forme et un faible effet de volume de l'éprouvette d'essai sur la résistance à la compression du béton mousse. Par conséquent, le cylindre de dimensions en cm3 (16x32) a été retenu pour caractériser la résistance à la compression intrinsèque du béton mousse. Celle-ci diminue quand la densité du béton mousse diminue, autrement dit sa macro action volumique de mousse) augmente, ce qui est prévisible (cf. Figure 4). En outre, les résistances à la compression trouvées sont faibles puisque les résistances les plus élevées, de l'ordre de 1,3 à 7 jours et 1,5 MPa à 28 jours, ont été données par le béton B2S1 de densité 1 et renfermant le sable S1 de Wehdref-Chaael qui est un sable de rivière très fin (0-2mm). 4 Résultats et discussions Nous présentons dans cette partie les résultats d’essais de compression et de conductivité thermique dans cette partie les résultats d’essais de compression et de conductivité thermique. 4.2 Conductivité thermique thermique Pour évaluer la conductivité thermique du béton mousse, nous avons préparé des éprouvettes plaques) de dimensions 30x30x4 plaque chaude gardée a été utilisée pour déterminer les conductivités thermiques des quatre bét étudiées. Une faible conductivité thermique a été trouvée pour les différents bétons et un effet faible de type du sable utilisé a été observé sur la conductivité thermique du béton mousse. Le béton B1S1 de densité 0,8 et renfermant le sable S1 de Widhref Chaael Pour évaluer la conductivité thermique du béton mousse, nous avons préparé des éprouvettes prismatiques (des de dimensions 30x30x4 cm3.La méthode de la plaque chaude gardée a été utilisée pour déterminer les conductivités thermiques des quatre bétons mousses faible conductivité thermique a été trouvée pour les différents bétons et un effet faible de type du sable utilisé a été observé sur la conductivité thermique du béton mousse. Le béton B1S1 de densité 0,8 et de Widhref Chaael à Sfax qui est 3 Formulation et confection du béton mousse Résultats d’essais de compression de 7 jours à 28 jours pour des éprouvettes cubiques (10*10*10 cm Résultats d’essais de compression de 7 jours à 28 jours (10*10*10 cm3). la mousse. Pour ce faire, nous avons utilisé un générateur de mousse en utilisant un émulseur, un compresseur d’air et une pompe à eau. Ensuite, nous incorporons dans le malaxeur qui contient le mélange à sec sable) déjà malaxé, puis nous ajoutons l’eau de gachâge nécessaire. Nous continuons ensuite le malaxage pendant 2 minutes et nous obtenons enfin le béton mousse. cure de ce béton se fait à l’air libre et le démoulage est possible après 24 heures. our ce faire, nous avons utilisé un générateur émulseur, un compresseur d’air incorporonsla mousse dans le malaxeur qui contient le mélange à sec (ciment + joutons l’eau de gachâge le malaxage pendant 2 minutes et nous obtenons enfin le béton mousse. La se fait à l’air libre et le démoulage est Fig. 4. Résultats d’essais de compression de 7 jours à 28 jours pour des éprouvettes cubiques (10*10*10 cm Résultats d’essais de compression de 7 jours à 28 jours (10*10*10 cm3). 3 Formulation et confection du béton mousse Ainsi, ces bétons peuvent être utilisés seulement comme des bétons de remplissage dans des éléments non porteurs bien Fig. 2. Formulation du béton mousse NEOPOR [13 13] Dans notre étude, deux types de béton mousse de densités 0,8 et 1 et à base de sable S1 ou S6 ont été formulés (voir tableau 2) et ensuite confectionnés. deux types de béton mousse de densités nt été formulés (voir Fig.3. Effet du volume et de la forme de l'éprouvette d'essai sur la résistance à la compression du béton mousse Fig. 4. Résultats d’essais de compression de 7 jours à 28 jours pour des éprouvettes cubiques (10*10*10 cm 0 0,5 1 1,5 2 2,5 Résistance à la compression en MPa Béton mousse à différents éprouvettes Effet du volume et de la forme de l'éprouvette d'essai sur la résistance à la compression du béton mousse. Résultats d’essais de compression de 7 jours à 28 jours (10*10*10 cm3). Béton mousse à différents éprouvettes Cube 10x10x10 Éprouvette 11x22 Éprouvette 16x32 Fig.3. Effet du volume et de la forme de l'éprouvette d'essai sur la résistance à la compression du béton mousse 0 0,5 1 1,5 2 2,5 Résistance à la compression en MPa Béton mousse à différents éprouvettes Effet du volume et de la forme de l'éprouvette d'essai sur la résistance à la compression du béton mousse. Béton mousse à différents éprouvettes Cube 10x10x10 Éprouvette 11x22 Éprouvette 16x32 Tableau 2. Formules des bétons mousse étudiés Mélange B2S1 B1S1 B1S6 Masse volumique kg/m3 1000 800 800 Ciment (kg/m3) Eau (l/m3) Sable (kg/m3) 350 120 560 320 120 400 320 120 400 Masse volumique mousse g/l 87 88,6 86,9 Masse volumique kg/m3 béton frais 1059 864 826 . Formules des bétons mousse étudiés B1S6 B2S6 800 1000 320 120 400 350 120 560 86,9 95,6 826 1052 Tableau 2. Formules des bétons mousse étudiés . Formules des bétons mousse étudiés Béton mousse à différents éprouvettes Béton mousse à différents éprouvettes Fig.3. Effet du volume et de la forme de l'éprouvette d'essai sur la résistance à la compression du béton mousse Effet du volume et de la forme de l'éprouvette d'essai sur la résistance à la compression du béton mousse. Fig. 4. Résultats d’essais de compression de 7 jours à 28 jours pour des éprouvettes cubiques (10*10*10 cm Résultats d’essais de compression de 7 jours à 28 jours (10*10*10 cm3). Fig. 4. 4.1 Résistance à la compression Afin de caractériser la résistance à la compression du béton mousse, nous avons commencé par investiger d'abord l'effet de la taille (ou du volume) ainsi que l'effet de la forme de l'éprouvette d'essai sur la résistance à la compression du béton mousse et ce pour déterminer la taille caractéristique de l'éprouvette d'essai à partir de Afin de caractériser la résistance à la compression du béton mousse, nous avons commencé par investiger d'abord l'effet de la taille (ou du volume) ainsi que l'effet de la forme de l'éprouvette d'essai sur la résistance à la ce pour déterminer la taille caractéristique de l'éprouvette d'essai à partir de 3 MATEC Web of Conferences 149, 01027 (2018) CMSS-2017 https://doi.org/10.1051/matecconf/201814901027 seulement comme un béton de remplissage dans des éléments non porteurs tels que les murs de partition. Enfin, la méthode de la plaque chaude gardée a été utilisée pour déterminer les conductivités thermiques des quatre bétons mousses étudiées. Une faible conductivité thermique a été trouvée pour les différents bétons et un effet faible de type du sable utilisé a été observé sur la conductivité thermique du béton mousse. Le béton B1S1 de densité 0,8 et renfermant le sable S1 de Widhref Chaael à Sfax qui est un sable de rivière très fin (0-2mm), possède la plus faible conductivité, de l'ordre de 0,22 W/m°K, et donc le meilleur pouvoir isolant. aussi un sable de rivière très fin (0-2mm), possède la plus faible conductivité, de l'ordre de 0,22 W/m°K, et donc le meilleur pouvoir isolant (cf.tableau 3). Par ailleurs, En comparant ces résultats expérimentaux résumés dans le tableau suivant avec les prédictions théoriques de deux modèles d'homogénéisation classiques dans la littérature et présentés dans les références [11] et [12] , à savoir le modèle de Mori-Tanaka et le modèle différentiel, nos résultats expérimentaux peuvent être prédits par l'expression analytique suivante donnée par le modèle de Mori-Tanaka dans le cas des solides poreux, en fonction de la macro porosité p (fraction volumique de mousse) (cf Figure.5) 2 1 1 p p mousse e bétonmouss + − = λ λ (1) 0 0,2 0,4 0,6 45% 65% 85% Conductivté thermique en W/m.°K Porosité en % λexp (W/m.°K) λ1théorique = (1-p) 3/2 2 Références 0 0,2 0,4 0,6 45% 65% 85% Conductivté thermique en W/m.°K Porosité en % 1. ANME, (Page consultée en Décembre 2016), La mise en place de la réglementation thermique et énergétique en Tunisie, [En ligne]. Adresse URL: http://www.anme.nat.tn/index.php?Id=155&L=0 2. .K. Ramamurthy, e.k. kunhanandan nambiar, g. Indu siva ranjani, (2009) « a classification of studies on properties of foam concrete», Cement and Concrete. Composites, Vol.31, pp.388- 396. 3. E.K. Kunhanandan Nambiar, K. Ramamurthy, 2006, « Influence of filler type on the properties of foam concrete, International Journal of Cement Composites and Lightweight Concrete, Vol 28, pp 475-480 Fig. 5. Comparaison de la variation de la conductivité thermique expérimentale en fonction de la porosité avec les prédictions de deux modèles théoriques. 4. E.K. Kunhanandan Nambiar, K. Ramamurthy,« Sorption caracteristics of foam concret »,Cement and Concrete Composites, Vol 28, pp 752-760, Le tableau suivant résume les principaux résultats de cette étude expérimentale 5. G. Indu Siva Ranjani, K. Ramamurthy « Behaviour of foam concrete under sulphate environments », Cement and Concrete Composites , Vol. 34 (4), pp.825-834. 6. E.K. Kunhanandan Nambiar, K. Ramamurthy, « Models relating mixture composition to the density and strength of foam concrete using response surface methodology», Cement and Concrete Composites, Vol 28(5), pp 475-480. Tableau 3. Synthèse des résultats mécaniques et thermiques sur des éprouvettes cubiques Mélange B1S1 B2S1 B1S6 B2S6 Masse volumique en kg/m3 849,22 1222,73 910,64 992,34 Macro porosité en % 65% 47% 63% 59% fc28 (MPa) 0,50 1,45 0,92 0,76 λexp (W/m.°K) 0,22 0,41 0,27 0,37 Tableau 3. Synthèse des résultats mécaniques et thermiques sur des éprouvettes cubiques 7. J. Sathya Narayanan, K. Ramamurthy, (2012), « Identification of set-accelerator for enhancing the productivity of foam concrete block manufacture » Construction and Building Materials, Vol.37, pp.144-152 8. D.K. Panesar, (2013), « Les propriétés du béton cellulaire et l'effet des agents moussants synthétiques et des proteins », Construction and building materials, vol. 44, p. 575–84. 9. A.Laukaitis, R.Zurauskus, J Kerien, The effect of foam polystyrene granules on cement composite properties, Cement and Concrete Composites, vol 27(1), pp 41-47, 2003 10. D. Bouvard , J.M. Chaix , R. Dendievel , A. Fazekas, J.M. Létang, G. Peix, D. Quenard, Characterization and simulation of microstructure and properties of EPS lightweight concrete, International Journal of Cement Composites and Lightweight Concrete, vol 37 , pp 1666–1673 5 Conclusion Dans cette étude expérimentale, nous avons dans un premier temps identifié les « bons » sables qui conviennent le mieux pour la fabrication du béton mousse. Deux sables de rivière à grains roulés, propres et fins (0/2mm) ont été retenus parmi six sables de provenance et de granulométrie différentes. Ensuite, quatre bétons mousse ont été formulés en utilisant à chaque fois un seul type de sable et en variant la densité; deux densités ont été étudiées à savoir 0,8 et 1. 11. Miled K., Limam O., (2016). Effective thermal conductivity of foam concretes: homogenization schemes vs experimental data and FEM simulations, Mechanics Research Communications, vol. 76 (2), pages 96-100. 12. Ch. Pichler, R. Lackner, G. Metzler, Thermo-mechanical optimization of porous building materials based on micromechanical concepts: Application to load-carrying insulation materials, Composites Part B: Engineering, Vol 43(3), pp 1015-1023, (2012). Dans un second temps, ces quatre bétons mousse ont été testés en compression simple. Les résistances à la compression trouvées ne dépassant pas 1,5 MPa à 28 jours. Ainsi, le béton mousse étudié peut être utilisé 13. Documents techniques de NEOPOR, (Page consultée en Janvier 2017) [En ligne]. Adresse URL: http://www.neopor.com 4
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Deux livres sur l’autocéphalie russe 447 DEUX LIVRES SUR L’AUTOCÉPHALIE RUSSE ʅ. ɧ. ɧɩɯʁɯʃʔɯɪɧ, ʂˆ˘˕˓˔˓ˏˆ˘ ɸ˓ˑʲ ˆ ˙˖˘ʲˑ˓ʵˏʺˑˆʺ ʲʵ˘˓ˊʺ˟ʲˏˆˆ ʇ˙˖˖ˊ˓ˇ ʔʺ˕ˊʵˆ (ʂ˓˖ˊʵʲ—ʈʲˑˊ˘-ʆʺ˘ʺ˕ʴ˙˕ʶ: ɧˏ˪ˮˑ˖-ɧ˕ˠʺ˓, 2009) 472 ˖. O. A. Abelenceva, Métropolite Iona [Jonas] et l’établissement de l’autocéphalie de l’Église russe (Moscou—St. Pétersbourg : Al’jans-Arkheo, 2009) 472 p. ISBN 978-5-98874-031-5. ɪ. ʂ. ʁʍʇʜɯ, ʇ˙˖˖ˊ˓ʺ ˔˕ʲʵ˓˖ˏʲʵˆʺ ːʺʾʹ˙ ɼˆʺʵ˓ː ˆ ʂ˓˖ˊʵ˓ˇ. ʅˣʺ˕ˊ ˆ˖˘˓˕ˆˆ ˕˙˖˖ˊ˓ˇ ˔˕ʲʵ˓˖ˏʲʵˑ˓ˇ ˘˕ʲʹˆˢˆˆ ːʺʾʹ˙ XV ˆ XX ʵʺˊʲːˆ (ʂ˓˖ˊʵʲ: ʊ˕ˆ ɼʵʲʹ˕ʲ˘ʲ, 2009) 296 ˖. B. LouriѼ, L’orthodoxie russe entre Kiev et Moscou. L’essai d’histoire de la tradition orthodoxe russe entre les XVe et XXe siècles (Moscou : Tri Kvadrata, 2009) 296 p. ISBN 978-9-94607112-7. Les deux livres ont pour objet central l’état de l’Église russe à l’époque de l’établissement de l’autocéphalie au XVe siècle. La monographie d’Abelenceva consiste en deux parties dont la deuxième est la réédition très commode des actes et des épîtres du métropolite Iona (Jonas) de Moscou, le premier métropolite russe élu en 1448 sans l’approbation de Constantinople. La première partie du livre d’Abelenceva est l’étude assez détaillée et objective. L’auteur ne va pas dans le sillage de l’historiographie ecclésiastique russe prérévolutionnaire (de même que de ses épigones soviétiques) faisant du métropolite Iona le créateur de l’autocéphalie russe. Au contraire, sa conclusion est très sobre : « Il résulte des sources que les droits du patriarche de Constantinople de nommer le métropolite [de Russie] n’ont pas été contestés même après le décès du métropolite Iona [1461], du moins, du vivant du grand prince Basile II [mort en 1462] » (p. 292). Le livre de Lourié n’est pas aussi détaillé en ce qui concerne l’époque de Iona, mais sa perspective est beaucoup plus large. Après avoir fait indépendamment la même conclusion sur Iona et le prince Basile II, Lourié fait une recherche des aĴitudes diverses vis-à-vis de l’autocéphalie de Moscou durant le schisme entre l’Église moscovite et l’Église de Constantinople, y compris la partie occidentale de l’ancienne métropolie de Kiev (1467–1589). Les deux autres thèmes majeurs de Lourié sont les procès liés (directement ou non) avec le Grand Schisme de l’Église russe au XVIIe siècle (il y a un nombre de documents dont on ne tient pas compte dans les études précédentes) et le procès de la Downloaded from Brill.com 05/20/2024 01:49:38PM via free access 448 Scrinium V (2009). Symbola Caelestis mainmise de l’Église de Moscou sur la métropolie de Kiev du patriarcat Constantinopolitain. Les documents des pourparlers entre Moscou et Constantinople en 1686 ne sont préservés que dans la version slavonne assez malaisée, peu compréhensible à ceux qui ne savent pas le grec. C’est pourquoi ces documents, quoique édités en 1872, n’ont guère été lus par les historiens (bien sûr, les historiens, souvent trop « politisés », avaient encore d’autres raisons de ne pas citer ces documents). D’après ces documents, Constantinople n’a jamais concédé sa juridiction sur Kiev au patriarcat de Moscou. Le patriarche de Moscou n’a reçu que le droit du vicaire du patriarche de Constantinople dans la métropolie de Kiev. Le nom du patriarche de Moscou devait être acclamé liturgiquement, dans la métropolie de Kiev, en second lieu après le nom du patriarche de Constantinople. La soumission totale de la métropolie de Kiev au patriarcat de Moscou n’était qu’un acte de violence tout pur. BIBLIOGRAPHIE DU R. P. MICHEL VAN ESBROECK, S.J. Addenda1 2001 La pomme de Théodose II et sa Réplique Arménienne, dans : C. Sode, S. Takács (éds.), Novum Millennium. Studies on Byzantine History and Culture Dedicated to Paul Speck (Ashgate, 2001) 109–111. 2004 Un apocryphe sur les apôtres Pierre, Jean et Paul dans le ms. Mingana 40, pièce 30, dans : Rifaat Ebied, Herman G. B. Teule (éds.), Studies in the Christian Arabic Heritage, oěered in Honour of Father Samir Khalil Samir S. I., at the at the occasion of his sixty-fiĞh birthday (Leuven: Peeters Publishers, 2004) (Eastern Christian Studies, 5), pp. 243–261. 2005 La liĴeratura patristica in Armenia e in Georgia, dans : P. Siniscalco (ed.), Le chiese orientali (Roma: CiĴà Nuova, 2005) (Storia e letteratura), pp. 300–327. (1) Cf. Scr. 2 (2006) xxxi–lxvi; Scr 4 (2008) 351–370. Downloaded from Brill.com 05/20/2024 01:49:38PM via free access.
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Appartenance et singularité des couvents anglais en exil sur le continent : l Appartenance et singularité des couvents anglais en exil sur le continent : l'exception anglaise Laurence Lux-Sterritt 1 Le règne d'Élisabeth I (1558-1603) marque pour les catholiques d'Angleterre une période délicate ; la double allégeance au monarque et au souverain Pontife est devenue si suspecte qu'être à la fois anglais et catholique romain devient une gageure. La couronne exige l'absolue obéissance de ses sujets, et leur ordonne de renier le pape, comme le montre le serment de suprématie : I, A. B., do utterly testify and declare in my conscience that the Queen's Highness is the only supreme governor of this realm, and of all other her Highness's dominions and countries, as well in all spiritual or ecclesiastical things or causes, as temporal, and that no foreign prince, person, prelate, state or potentate hath or ought to have any jurisdiction, power, superiority, pre-eminence or authority ecclesiastical or spiritual within this realm; and therefore I do utterly renounce and forsake all foreign jurisdictions, powers, superiorities and authorities, and do promise that from henceforth I shall bear faith and true allegiance to the Queen's Highness, her heirs and lawful successors, and to my power shall assist and defend all jurisdictions, preeminences, privileges and authorities granted or belonging to the Queen's Highness, her heirs or successors, or united or annexed to the imperial crown of this realm. So help me God, and by the contents of this Book. 1 2 D'autre part, pour être fidèle catholique romain, il faut renier la reine puisque la Bulle Regnans in Excelsis, publiée par V en 1570, l'excommunie et la déclare usurpatrice, illégitime, et hérétique. Elizabeth, the pretended queen of England and the servant of crime, has assisted in this, with whom as in a sanctuary the most pernicious of all have found refuge. [] we do out of the fullness of our apostolic power declare the foresaid Elizabeth to be a heretic and favourer of heretics, and her adherents in the matters aforesaid to have incurred the sentence of excommunication and to be cut off from the unity of the body of Christ. 4 Cependant, pour certains, l'exil est militant, et il se veut durable. Depuis 1568, de nouveaux séminaires et collèges anglais éduquent les fils des familles catholiques. L'histoire des jésuites et des missionnaires formés sur le Continent pour oeuvrer en terre de mission anglaise est désormais bien connue, grâce notamment aux travaux de Peter Guilday et, plus récemment, de Thomas McCoog (Guilday, English Catholic Refugees et McCoog, The Reckoned Expense). La fondation d'ordres réguliers de moines anglais viendra ensuite mais, dans ce domaine, ce sont les femmes qui sont pionnières. Cet article s'intéresse à celles qui ont quitté l'Angleterre pour devenir religieuses en pays étranger. Peut-on distinguer dans ces couvents anglais, tout nouvellement fondés en exil, quelque chose d'exceptionnel? Sont-ils dans la continuité des couvents continentaux, partie intégrante de l'Église catholique romaine, ou présentent-ils des particularités qui pourraient dessiner les contours d'un monachisme spécifiquement anglais, parfois en rupture avec l'institution universelle? Appartenance à l'Église catholique universelle 5 Le couvent anglais des bridgetines de l'abbaye de Syon est le seul à avoir survécu à la dissolution des monastères menée entre 1536 et 1541 par le Vice-Régent d'Henri VIII (1509-1547), Thomas Cromwell. Exilée sur le Continent en 1539, la communauté survit sans se dissoudre tout à fait ; après un bref retour en Angleterre sous Marie I (1553-1558), suivi d'années de pérégrinations dans les Pays-Bas méridionaux et en France, elle finit par s'installer à Lisbonne en 1594 (De Hamel, Syon Abbey et Dractan, Relación). Pendant près de soixante ans, ce cloître est la seule commun auté de religieuses anglaises, et ce jusqu'en 1598, date de la fondation d'un premier monastère de bénédictines anglaises à Bruxelles. Durant ces années de hiatus, les postulantes n'ont d'autre choix que d'intégrer des communautés existantes, souvent près des côtes de la Manche. Ce sont des couvents français du nord de la France, ou, dans la partie des PaysBas gouvernée alors par l'Espagne, des couvents flamands ou espagnols ; ces établissements accueillent en leur sein des Anglaises, parfois seules, ou en petit nombre. Le fait qu'elles soient d'origine étrangère ne semble pas, à première vue, être un obstacle à leur intégration ; ce qui prime, c'est l'appartenance à la grande famille du catholicisme universel. Certaines Anglaises accèdent à la gouvernance de cloîtres continentaux. À Louvain par exemple, Margaret Clement, entrée au couvent flamand des chanoinesses augustiniennes en 1557, y est élue prieure en 1570. L'esprit réformateur de Trente est ici insufflé par une étrangère qui rompt avec une longue tradition d'interaction entre les chanoinesses et leur voisinage. Une prieure locale aurait peut-être une conception plus tangible des réalités de ce sacrifice. Elle comprendrait mieux ce dont elle prive ses consoeurs, pour le vivre elle-même. Mais sans famille à Louvain, et donc sans visites, Clement rompt ces liens de sociabilité avec plus d'aisance. Par ce changement, elle fait entrer le couvent dans le rang des monastères réformés et y inaugure la vie contemplative telle qu'elle est définie par le concile. Durant tout son mandat de prieure, Clement ne fait aucune différence entre les Anglaises et les Flamandes ; elle applique les mêmes règles à toutes ses religieuses, dans l'esprit universel de l'Église, qui transcende les frontières et les nationalités. Ainsi, quand sa compatriote Lady Allen lui demande la permission de rendre visite à sa fille malade, elle s'y oppose fermement. Lady Allen s'en plaint alors à l'évêque, qui lui accorde une licence exceptionnelle. Mais Clement campe sur ses positions : elle a refusé cette même requête, à maintes reprises, aux Flamandes venues soutenir leurs enfants souffrantes, et n'envisage pas de donner un quelconque privilège à ses compatriotes (Archives de l'abbaye de Douai, boîte A/WML/C/1, Ms C15, Chronicle et Hamilton 14). Son esprit de réforme ne distingue pas entre Anglaises et Flamandes : il ne voit que des religieuses, soumises à la même règle. Il n'y a pas d'exception anglaise ici. 8 Néanmoins, des différences existent. Pour certaines exilées, il est parfois difficile de vivre parmi des étrangères. Se pose, bien sûr, le problème de la langue, 3 mais aussi des coutumes et des tempéraments. Anne Worsley, l'une des fondatrices du carmel anglais d'Anvers, avait fait sa profession chez les carmélites espagnoles de Mons en 1610. Sa 3 Appartenance et singularité des couvents anglais en exil sur le continent : l biographie remarque: « life in the Spanish community where the characters so differed from her own, and the manners and customs were so unlike those of her home life, insensibly operated to develop her characteristically English reserve » ( Archives de l'abbaye de Douai, boîte CA/1; Ms Life of the Venerable Mother Ann of the Ascension 8; De Gelder 5-9). Ce sentiment d'altérité l'empêche de s'intégrer tout à fait à sa nouvelle famille d'accueil ; elle avoue même avoir du mal à se confier à ses supérieures. Pour faire face à ces difficultés, cependant, elle peut compter sur Ana Garcìa Manzanas, sa maitresse des novices, avec qui elle entretient une relation privilégiée. 4 Ses écrits témoignent d'une profonde amitié entre les deux femmes, mais malgré le soutien de son ainée, Worsley se sent différente de ses consoeurs espagnoles. Ces difficultés d'adaptation sont un obstacle à son intégration dans une communauté dont elle ne maîtrise ni la langue ni les codes. 9 D'autres facteurs façonnent l'expérience religieuse des exilées en communautés étrangères. Détail révélateur, les Anglaises se plaignent souvent de la nourriture des Flamandes. Chez les chanoinesses de Louvain, les repas sont de piètre qualité, et les portions congrues, et les filles d'Albion souffrent ce régime. Lors du projet de fondation d'une filiale anglaise, les fondatrices écrivent à l'évêque : « the diet of the Dutch nation is not so agreeable to the English, nor convenient for their health » (Archives de l'abbaye de Douai, boîte A/WML/C/1, Ms C15, Chronicle). Elles demandent le droit de transférer leurs consoeurs dans ce nouveau couvent, afin de bénéficier d'un régime plus propice à leur santé. La fondation d'une autre filiale de chanoinesses anglaises à Paris s'accompagne d'un assouplissement des constitutions, sous prétexte que « le régime austère [], sans danger pour de robustes Flamandes, ne pouvait pas convenir à des Anglaises de tempérament plus délicat » (Cédoz 75). 10 De telles anecdotes, si elles peuvent sembler triviales, sont révélatrices de nuances culturelles liées à l'internationalité des couvents, et qui peuvent freiner le recrutement si les postulantes s'inquiètent de difficultés d'adaptation dues à des habitudes très différentes des leurs. Alors que les vocations existent, elles sont parfois découragées par la perspective non pas de l'exil, mais d'un exil alourdi par un quotidien cloîtré au sein d'une communauté étrangère. Il est en effet peu tentant de quitter famille, amis et patrie pour aller vivre parmi des inconnues dont on ne comprend pas la langue et dont on n'apprécie ni la table ni les coutumes. Les couvents anglais : un profil atypique 11 La cause du monachisme anglais serait-elle donc mieux servie s'il était possible d'être entre soi? C'est ce que semblent indiquer les couvents où la prieure est anglaise. Prenons à nouveau l'exemple de Margaret Clement ; dès son élection à la tête du couvent flamand, de nouvelles compatriotes affluent. Les chroniques expliquent: « understanding there was an English Prioress in the Monastery of St Ursula's, they did willingly enter there to be under her government » (Archives de l'abbaye de Douai, boîte A/WML/C/1, Ms C15, Chronicle et Hamilton 32). La direction d'une prieure anglaise rassure les familles et influence leur choix. Envoyer sa fille à Louvain, c'est s'assurer que l'on pourra communiquer en anglais avec la supérieure, et qu'elle saura comprendre les circonstances particulières des familles récusantes. Ces aspects pratiques peuvent infléchir le choix des nouvelles postulantes. Serait-il alors judicieux 4 Appartenance et singularité des couvents anglais en exil sur le continent : l de créer des communautés anglaises, servies par des réseaux de clercs et de laïcs de leur nation? 12 Ce n'est qu'à partir de 1598 que commencent ces fondations anglaises. Les autorités locales, religieuses comme laïques, sont très prudentes : il est hors de question de permettre à ces institutions de peser sur leur commune d'accueil. Pour qu'elles soient viables, il leur faudra des revenus suffisants ; elles ne devront pas être à la charge de la ville. En cela, les nouvelles fondations anglaises sont logées à la même enseigne que les autochtones : tout nouveau couvent doit montrer sa capacité à exister sans dépendre de la ville. Cependant, s'ajoutent pour les Anglaises d'autres conditions, liées à leur situation exceptionnelle d'étrangères. En mars 1633, Louis XIII accorde ses lettres patentes aux augustiniennes souhaitant s'installer à Paris, mais précise que le couvent ne recevra « seulement des filles natives du royaume d'Angleterre, ou qui seraient nées hors d'iceluy de père et mère anglais. » Il s'agit de ne pas amenuiser le vivier des couvents locaux, et de ne pas peser sur les ressources de la ville ; pour la direction spirituelle, il faudra des prêtres séculiers anglais également (Cédoz 15-16). Ces mêmes conditions sont souvent répétées, comme à Rouen où, le 7 novembre 1676, l'archevêque n'autorise l'installation des bénédictines anglaises à Pontoise qu'à condition qu'elles ne recrutent que des Anglaises (Rumsey 49). Parfois, ce sont les mécènes des couvents qui souhaitent les réserver aux Anglaises, comme c'est le cas pour les carmélites d'Anvers, qui prêtent serment à leur fondatrice, Lady Lovell, le 4 novembre 1623 : Wee under written prioresse and Religiouse of the English Monastery of the holy order of discalced carmelites in the citye of antwerpe doe oblige our selves unto the lady Mary Lovell not to admit unto profession amongst us anie of the dutch women that are at the present novices in our house but twill indever with all possible speed convenient that they be separated frome us and that our monastery be all wayes conserved meerly for such of our english nasion. (Archives de l'abbaye de Douai, boîte CA/I/B, vol. 1, 66) Lady Lovell avait accepté de financer le carmel d'Anvers, à condition que son argent serve à la fondation d'une filiale anglaise au monastère flamand existant. Elle avait refusé toute mixité, arguant des besoins spécifiques de ses compatriotes. 13 Malgré un recrutement strictement anglais, les nouvelles communautés ne manquent pas de postulantes. C'est qu'elles offrent une alternative avantageuse à celles qui envisagent d'entrer en religion. La jeune Anne Worsley, qui prendra le voile chez les carmélites de Mons, avait d'abord évoqué la possibilité d'intégrer les bénédictines de Bruxelles, et sa mère avait approuvé ce choix. Sa biographie manuscrite témoigne de considérations pragmatiques : « she had some kindred and Relations amongst them. The Religiouse were all English » (Archives de l'abbaye de Douai, boîte CD1, Ms The Holy Life of the Very Reverende and Venerable Mother Mother Anne of the Ascension 7). Si elle choisit finalement le Carmel, c'est grâce à l'inspiration divine ; sans cette révélation, ses s tendaient vers la présence rassurante de ses compatriotes à Bruxelles. Le succès de la communauté de Bruxelles ne se dément pas et, bientôt, ce sont vingt-un nouveaux couvents anglais qui ouvrent leurs portes sur le Continent. Mais la nouveauté n'est pas un marqueur d'exception, surtout à une époque où fleurissent de nouveaux monastères de tous Ordres. Ces établissements anglais ont-ils quoi que ce soit d'exceptionnel, dans le paysage qui les accueille? 14 L'une des différences les plus flagrantes entre couvents anglais et couvents continentaux des mêmes ordres est leur profil socio-économique. En Italie et en Espagne, certains cloîtres sont depuis des générations des lieux de placement des filles 5 Appartenance et singularité des couvents anglais en exil sur le continent : l de familles nobles. Les études de Jodi Bilinkoff (The Àvila of Saint Teresa) et Elizabeth Lehfeldt (Religious Women), pour l'Espagne, ou de Silvia Evangelisti ("Monastic Poverty" et "Roomes to Share"), d'Helen Hills ("Cities and Virgins" et Invisible City) et de Mary Laven (Virgins of Venice) pour l'Italie, ont révélé que certaines familles aristocratiques, désireuses de préserver une dot conséquente pour leur première née, plaçaient leurs autres filles dans les monastères les plus prestigieux, parfois sans se soucier de leur vocation religieuse. Des familles importantes opèrent des regroupements dans un même couvent ; elles y investissent beaucoup d'argent et influencent la politique de la maison concernée. Les enjeux de pouvoir tiennent alors plus de l'intrigue de cour que de la vie contemplative. 15 Sur ce point particulier, le profil des couvents anglais est différent. 5 Bien sûr, les familles catholiques les plus connues d'Angleterre y sont très présentes. Au cours du dix-septième siècle, les Gascoigne fournissent huit religieuses aux bénédictines de Cambrai, et acquièrent alors une influence importante sur la communauté. Les Caryll envoient dix de leurs filles chez les bénédictines de Gand (Lux-Sterritt, English Benedictine Nuns 60-61). Cependant, ces recrutements ne sont pas concomitants, mais se font au fil de l'eau dans le courant du siècle. Sauf quelques exceptions, les Anglaises respectent les consignes de Trente et évitent de rassembler un trop grand nombre de parentes sous le même toit. Les statuts rédigés pour les bénédictines de Bruxelles et leurs filial déclarent: « Widowes, sisters, or such as are neere of bloode, may not bee received without great Cause, nor they very easely who have had goverment over others in the world, and we subordinate to none » (Statutes 66). Afin d'éviter des stratégies de regroupement qui introduiraient dans le cloître des enjeux de pouvoir empruntés au siècle, les institutions anglaises soumettent chaque postulante à un questionnaire, tâchant de connaître les raisons de son choix. En particulier, on cherche à savoir si elle nourrit l'espoir de rejoindre une soeur ou une cousine (Statutes 67). En outre, quand une communauté reçoit plusieurs membres d'une même famille, tout est fait pour les disperser rapidement. 16 En outre, les couvents anglais ne sont ni aussi nobles ni aussi riches que leurs voisins. La majorité des religieuses appartient à la "gentry" plutôt qu'à la noblesse, et même les familles les plus éminentes sont proches de la ruine depuis l'application des sanctions pénales contre les catholiques en Angleterre.6 L'engagement de la plupart des familles catholiques pour la cause des Stuart finit de les ruiner tout à fait, comme en témoignent les conceptionnistes de Paris quand elles demandent en 1658 la « Permission des Vicaires de Monseigneur le Cardinal de Retz, Archevesque de Paris, pour l'établissement de cette maison ». Elles décrivent des familles « totallement ruinées par les guerres, leurs debiteurs qui leurs devoient des grosses sommes, et en payoient de bonnes rentes devenus entierement insolvables et reduits a la mendicité, leurs fermes saccagez, brulez [] » (Gillow and Trappes-Lomax 1). 17 Pour prendre en compte ces circonstances particulières, les monastères n'exigent donc pas les mêmes dots que leurs homologues continentaux, et ils accueillent des postulantes avec des sommes bien plus modestes. Chez les bénédictines de Bruxelles, premier couvent fondé en exil et réputé à la fois noble et riche par rapport à ses compatriotes, le montant des dots varie considérablement, surtout durant les 6 Appartenance et singularité des couvents anglais en exil sur le continent : l premières décennies. Les plus aisées versent jusqu'à 3000 voire 5000 florins, tandis que d'autres se contentent de 400 florins. En 1660, les carmélites de Lierre acceptent Mary Teresa Warren sans dot, estimant que sa connaissance du flamand est un atout considérable pour le couvent ; en 1669, Catherine Nelson est également reçue sans dot, en reconnaissance du soutien de son père, le colonel Thomas Nelson, qui leur avait procuré un confesseur dans les années passées (Kelly 134). En outre, pour certaines fondations anglaises sans mécènes locaux, les circonstances matérielles sont bien plus dures que celles de leurs consoeurs continentales, notamment en ce qui concerne l'obtention de maisons où s'installer. C'est particulièrement le cas des franciscaines installées à Bruxelles depuis 1621 mais qui, trop pauvres pour y subsister, se retirent en 1638 à Nieuport, petite ville moins onéreuse (Trappes-Lomax 22). De même, quand les clarisses arrivent à Rouen en 1644, leur installation se fait dans la pauvreté, dans une maison insalubre où elles dorment à même le sol (Bowden, English Convents 21). 18 Annales et chroniques mettent l'accent sur cette adversité. C'est là un procédé connu et utilisé par d'autres que les Anglaises ; il permet susciter la compassion chez le lecteur, et fonctionne aussi à des fins d'édification. Pour certains couvents anglais, cependant, il existe, au-delà d'un simple procédé rhétorique, une réalité effectivement difficile. Les clarisses de Rouen notent que leur extrême pauvreté ne suscite pas l'intérêt des familles aisées du voisinage ; le lecteur comprend, entre les lignes, que ces privilégiés préfèrent réserver leur charité à des communautés locales de plus grand renom. Ce sont les pauvres qui secourent les exilées dans le besoin : Divine providence to move the poor ones, to bring us some of them roots, other herbs, pease, a loaf of bread, bit of fish, wood, candles & c. 20 En effet, il faut faire preuve d'une certaine détermination pour devenir religieuse, quand on est anglaise. Il ne s'agit pas d'entrer au couvent du quartier, que l'on connaît 7 Appartenance et singularité des couvents anglais en exil sur le continent : l depuis l'enfance, mais de risquer sa liberté et sa vie pour se joindre à une communauté lointaine. Ces femmes arrivent sur le Continent au prix d'un long voyage. Pour embarquer, elles ont dû échapper à la vigilance des officiels de la sécurité portuaire ; elles ont dû obtenir des laisser-passer, et voyager sous de faux prétextes. Leur séjour en auberge, en attendant d'embarquer, les expose à toutes sortes de dangers. Mary et Helen Copley sont dénoncées par l'aubergiste chez qui elles logent en attendant leur navire. Une perquisition confirme leur identité, et leurs livres et objets de dévotion sont saisis. Assignées à résidence dans leur chambre jusqu'à l'arrivée du juge de paix, elles ne sont libérées qu'après l'intervention de leur mère (Hamilton 111). En 1632, Bridget et Dorothy Mollyns, qui se destinent à rejoindre la future fondation anglaise de chanoinesses à Paris, sont prêtes à embarquer à Douvres quand elles sont arrêtées et emprisonnées dans la forteresse. Reconduites à Londres, elles reviennent au port dès leur libération et traversent la Manche, pour devenir pensionnaires chez les Françaises de Notre Dame de Beaulieu, en attendant la fondation anglaise officielle (Cédoz 10). 21 Ce type d'anecdote abonde dans les manuscrits des religieuses anglaises, et témoigne de leur détermination à prendre le voile. Entrer en religion est un processus bien plus compliqué pour les aires que pour leurs coreligionnaires continentales. Leur rapport au couvent est donc particulier, et marqué par les circonstances qui affectent leur pays d'origine. Si toutes les religieuses, quelle que soit leur nationalité, doivent depuis le Concile de Trente (25ème session, décret 7, chapitre 17, 1563) répondre à un questionnaire censé s'assurer que leur entrée en religion est bien volontaire, pour les Anglaises, ce formulaire est renforcé dans les faits par les actes de celles qui ont pris tous les risques pour rejoindre le cloître.7 Le paradoxe du couvent exilé : le cloître martyr et missionnaire 22 C'est donc en partie à cause du contexte de l'oppression et de l'exil que l'expérience conventuelle anglaise est exceptionnelle. 23 Quand Mary Poole, chanoinesse de Louvain, vient fonder une nouvelle maison à Bruges, elle est à la tête d'une communauté sans ressources. Elle obtient une licence pour faire l'aumône dans la ville, et très rapidement, ses voisins donnent aux religieuses suffisamment de pain pour la semaine. Certains donnent de la viande, ou d'autres victuailles. Dès le début de cette pratique en 1635, le couvent tient un registre des bienfaiteurs, et des prières et des messes spéciales sont dites pour eux. Un échange se met en place : les laïcs permettent aux Soeurs de vivre, même chichement, et en retour, elles leur garantissent leurs services spirituels (Bowden, Chronicles of Nazareth 18). En 1658, les conceptionnistes installées à Paris écrivent : « We all found by experience that Paris was the Nurs of Charitys & famous all the world over for being good to strangers, especially such as was bannished or had voluntarily left their Country & fortuns for God 8 Appartenance et singularité des couvents anglais en exil sur le continent : l & the true Religion » (Gillow et Trappes-Lomax 10). On retrouve cette même rhétorique de l'exil et de la persécution dans beaucoup des documents de mémoire. L'obituaire de la carmélite Francisca Teresa de la Passion explique que, pour fonder le monastère de Hoogstraten en 1678, elle a dû persuader Lady Rheingrave, Maria Gabriella de La Laing, comtesse d'Hoogstraten et fondatrice laïque, qui initialement souhaitait un couvent flamand. La religieuse joue alors la carte de l'Angleterre persécutée pour emporter le marché ; elle explique que les jeunes exilées ont fort besoin d'une nouvelle communauté de carmélites, mais que les fonds destinés à ce projet ont été perdus lors des contrôles renforcés qui ont i le complot papiste de Titus Oates. Elle évoque « les malheurs de notre infortuné pays » pour convaincre la comtesse que seule sa générosité pourra lui permettre de rendre gloire à Dieu en fondant un refuge pour les catholiques opprimées (Archives de l'abbaye de Douai, boîte CA, Ms The foundation of Hoogstraert, 1677 et De Daemen 211). 24 De fait, certaines villes voient l'établissement d'un couvent anglais en leur sein comme un atout ; il est charitable d'accueillir ces communautés en exil, ces représentantes de la vraie foi persécutée, sans patrie, sans ressources. C'est une action chrétienne, qui est du meilleur effet pour la réputation de la cité. Donner l'asile à ces femmes est un moyen de s'assurer les faveurs divines, mais aussi de participer à la reconquête d'une terre en proie à l'hérésie ; aider les religieuses est un acte engagé, qui participe de la mission. C'est ce qu'explique le dominicain général, Juan Baptista de Marinis, au Père John Baptista Verjyce, prieur d'Anvers, nommé supérieur des moniales anglaises de la ville : Buckell on your sword for this charge, being mindfull how sacred & noble a treasure we commit to your experienct prudenc and integrity. They are our daughters, and chosen spouses of Jesus Christ. They are strangers in your country; and banisht from theyr own true soyle, for their loyalty to there Spouse, under the hard begining of a new cloyster, they stand in need of extraodenery holy care and comfort. It shall be your dutye, soe in our place to attend to them, that for theire virtue, peace, and noble contempt of the world, we may all ways acknowlige for angelicall whom for their country we call English. (Prioress of Carisbrooke 216-17, document non daté) 25 Les chroniques et annales produites par les religieuses elles-mêmes montrent qu'elles sont conscientes de la spécificité de cet aspect de leur histoire, comme si leurs communautés avaient plus souffert que les autres, et étaient donc plus sanctifiées. Parmi les noms des moniales anglaises, ceux des militantes les plus impliquées dans la résistance catholique en Angleterre sont mis en avant. On retrouve nombre de parentes de missionnaires, jésuites, bénédictins, ou séculiers ; elles sont parfois les filles de martyrs. Les chroniques de chanoinesses de Louvain soulignent ces filiations et rappellent que Margaret Clement est la fille de la fille adoptive du martyr Thomas More (1478-1535), qu'Ele or et Margaret Garnet sont les soeurs du martyr Henry Garnet (1555-1606), et qu'Anne Clitherow est la fille de la martyre Margaret Clitherow (1556-1586) (Archives de l'abbaye de Douai, boîte A/WML/C/1, Ms C15, Chronicle ). Dans les archives de ce même couvent, on trouve un exemplaire imprimé de The Life and Martyrdome of Margaret Clitherowe. Ce volume - qui semble être le seul recensé aujourd'hui - est dédié à Anne, la fille de la martyre de York, et indique que les Soeurs lisent la vie de leurs récents suppliciés. Parmi les religieuses moins connues, Mary Wintour est la fille de Robert Wintour (1568-1606), exécuté pour son implication dans la conspiration des poudres. 27 Les manuscrits des couvents, leurs chroniques, leurs annales, leurs textes nécrologiques, tous honorent la souffrance des catholiques du passé comme du présent. Les biographies des religieuses insistent volontiers sur les persécutions qu'elles ont subies en Angleterre. Catherine Burton, carmélite à Anvers, se souvient des perquisitions subies par sa famille : My sufferings were much augmented by the hardness of the times, for in the Revolution in which King James was cast out of his kingdom, the storm which threatened all Catholics fell very heavy upon us, and our house was pillaged to the degree they left us not so much as a chair or a bed, excepting one which escaped their knowledge. In the weak condition I was in I had much to suffer. (Hunter 47) 28 Les chroniques des bénédictines de Paris rappellent les dangers du pays natal durant le règne d'Élisabeth I: « Nor was there wanting, the utmost cunning of the Devil & Men to contrive unheard of, cruell, Sanguinary, as well as Pecuniary Laws, to root out, if possible, the small remains of Catholick faith. But as the malice of the Enemy did daily encrease on the one hand, so proportionally on the other, did the Zeal & Courage of many Honourable particular Catholicke Families [] » (Archives de l'abbaye de Colwich, House History, Ms 77, 23). 29 À travers ces textes, les exilées puisent dans le pathos un supplément de sainteté. Elles cherchent également à démontrer que, tandis que les hommes agissent sur la scène politique et religieuse en Angleterre, les femmes, elles, contribuent, par leurs prières, au même effort de conversion de leur pays.8 Si elles entrent en religion, c'est qu'elles considèrent la vie contemplative comme une forme d'action : depuis le cloître, elles oeuvrent, par leur intercession, à la conversion de l'Angleterre. Margaret Mostyn, prieure des carmélites de Lierre, est renommée pour son zèle envers la conversion de son pays : « Our Reverend Mother was extraordinarily zealous for the conversion of sinners []. The misery of England, our poor country, extremely afflicted her: she seldom went to bed without praying for the good priests in prison and expressing compassion for their sufferances » (Archives de l'abbaye de Douai, boîte CD3, Ms 30). La 10 Appartenance et singularité des couvents anglais en exil sur le continent : l prieure a pour habitude d'évoquer les cinq paies du Christ durant ses prières, et de dédier « à la main droite, la conversion des âmes, et à la main gauche, les catholiques opprimés d'Angleterre ». Elle encourage ses Soeurs à prier et à se mortifier, pour racheter ce qu'elle appelle « la misère et l'aveuglement des hérétiques, particulièrement ceux de notre pauvre pays » (Archives de l'abbaye de Douai, boîte CD3, Ms 27, Life of Mother Margaret Mostyn).9 30 Ce souci particulier de la conversion de leur pays natal est commun à tous les couvents anglais ; Mary Gough, devenue clarisse à Gravelines, place d'ailleurs cet esprit missionnaire au coeur de leur vocation, quand elle décrit ainsi la raison d'être des religieuses en exil : « to the end that since we wer not able (in respect of our sex) to doe great matters, yet we might at the least by Penance and Prayer conjoine our selves unto those who labour in Gods vineyard, namely in our afflicted Country of England » (Archives de l'archidiocèse de Westminster, série A, Ms vol. 8, ff. 89-90). Certaines maisons, comme les bénédictines de Paris, font même un voeu particulier: « I, Sister N. 31 Les Anglaises sont donc à la fois cloîtrées et missionnaires. Les bénédictines de Gand aident leurs compatriotes exiles durant les guerres civiles des années 1640, et trouvent en donnant la charité aux soldats, une occasion de prosélytisme : « The disturbance of thos times drew many of quality out of England, both Catholicks and Heretickes, and as they came often to the grate, so answerable to theyr concerns my lady [the lady Abbess] had often occation to treate with them. Now amongst other gifts that God had bestowed uppon her, that of convinsing & converting hereticks was remarkable in her » (Rumsey 31). Quand elles ne prêchent pas au parloir, c'est dans leur correspondance avec leurs proches qu'elles font office de guides spirituels ; elles conseillent des lectures ou des méthodes de méditation, elles discutent de dévotion et de théologie. Certaines sont impliquées dans l'édition et la traduction de textes spirituels, qu'elles distribuent ensuite clandestinement sous forme manuscrite ou imprimée, par l'intermédiaire des missionnaires avec lesquels elles entretiennent des liens très étroits. Tel est le cas de la très prolifique Barbara Constable à Cambrai, qu'Heather a qualifiée de « closet missionary » (Wolfe, « Dame Barbara Constable »). D'autres servent en quelque sorte de poste restante pour la correspondance du futur Charles II, et s'impliquent même dans la politique de la cour lors de son exil, dans l'espoir d'obtenir les faveurs de celui qu'elles reconnaissent d'ores et déjà comme roi pour un retour du catholicisme en Angleterre (Bowden, « The Abbess » et Walker, « Loyal and Dutiful Subjects »). Les religieuses cloîtrées sont tout sauf coupées de l'Angleterre : elles participent à l'histoire de leur . Les établissements se réclament très fortement d'un héritage culturel anglais, où persécution, souffrance et martyre contribuent à la construction d'une identité conventuelle marquée par son anglicité. C'est sans doute par cet aspect que les religieuses anglaises revendiquent le plus publiquement leur spécificité. 32 Les couvents anglais fondés en exil sur le Continent s'inscrivent dans le mouvement transnational de réforme catholique et revendiquent fièrement leur appartenance à l'Église romaine. Cependant, ils sont fortement marqués par les facteurs nationaux qui placent leurs compatriotes et coreligionnaires dans une situation tout à fait particulière, sans équivalent dans leurs pays d'accueil. Les religieuses anglaises ont grandi dans la semi-clandestinité des réseaux récusants, elles ont pratiqué leur foi en 11 Appartenance et singularité des couvents anglais en exil sur le continent : l secret. Elles ont vu la fortune de leur famille s'amoindrir au fil des ans, leurs propriétés saisies, leurs proches parfois emprisonnés ou contraints de quitter leur foyer pour échapper aux perquisitions. Empreintes de cette culture où l'adversité et l'oppression nourrissent une ferveur teintée de défiance, celles qui traversent la Manche pour prendre le voile deviennent des exemples édifiants à la fois pour leurs proches restés en Angleterre et pour leurs voisins sur le Continent. Leur entrée au couvent n'est pas le résultat de stratégies familiales visant à se décharger de filles trop coûteuses : c'est un engagement lourd de conséquences et, pour les autorités anglaises, c'est une déclaration publique d'insoumission. Les religieuses anglaises en exil choisissent de fonder des couvents d'ordres cloîtrés à la fois anciens et communs à tous les pays catholiques par-delà les frontières ; cependant, leur vie contemplative est profondément marquée par les circonstances spécifiques de l'Angleterre, où le catholicisme survit en résistance à la persécution et se construit une identité pétrie des souffrances des martyrs et du courage des missionnaires. BIBLIOGRAPHIE SOURCES PRIMAIRES MANUSCRITES Archives de l'abbaye de Colwich, boîte R1, Ms 77, House History. Archives de l'abbaye de Douai, boîte CA, Ms non numéroté, The Foundation of Hoogstraert, 1677. Archives de l'abbaye de Douai, boîte CA/I/B, The Annals of the English Carmelites, from 1619 to 1794. Archives de l'abbaye de Douai, boîte A/WML/C/1, Ms C15, Little Chronicle, vol. 1, Beginning of St Monica's, Louvain, to 1622. 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Gertrude Aston postule chez les carmélites de Gand, mais ne s'adapte pas car elle ne parle pas le flamand ; elle ira chez les Anglaises de Lierre (Hallett 211-12). 4. Ana Garcìa Manzanas, nommée en religion Anne de Saint Bartholomée, fut formée par Thérèse d'Àvila elle-même ; elle est l'une des six religieuses espagnoles venues fonder le premier monastère de carmélites déchaussées en France, à Paris, en 1604. 5. Le projet Who Were the Nuns? A Prosopographical Study of the English Convents in Exile, 1600-1800, a donné jour à une base de données en ligne qui permet à chacun de consulter tous les détails connus sur une religieuse et sa famille. Voir le site du projet sur http://wwtn.history.qmul.ac.uk/ search/csearch.htm, consulté le 30 août 2019. 6. Le règne d'Élisabeth I inaugure une série de lois pénales visant à éradiquer le catholicisme du sol anglais. En 1581, 23: Elis. I, c.1, An Act to Retain the Queen's Majesty's Subjects in their Due Obedience, interdit aux sujets de la couronne de reconnaitre l'autorité du pape, de se convertir au catholicisme, d'assister à la messe ou de venir en aide aux catholiques sur le sol anglais. L'assiduité au service anglican est obligatoire ; les récusants qui s'abstiennent sont punis d'une amende de £20. En 1593, An Act for restraining Popish Recusants to some certain place of abo de interdit aux catholiques de s'éloigner de plus de cinq miles de leur maison, sous peine de voir saisir ses biens meubles et immeubles. 7. Les questionnaires contiennent des formules telles « Faites-vous la Profession d'une volonté libre et sans contrainte? » ; « Ne la faites-vous par crainte ou autre motif humain? » ; « Personne ne vous a-t-il priée, sollicitée ou attirée? » ; « Y avez-vous bien songé et comprenez-vous ce que vous allez faire? » ; « La règle, coutumes, et obligations de cet Ordre vous sont-elles connues? » ; « Comprenez-vous bien ce que c'est de promettre à Dieu une chasteté, une obéissance, et pauvreté dans un cloitre, pour toute la vie? » (Lux-Sterritt, English Convents in Exile 37-44). 8. RÉSUMÉS Après la Réforme henricienne et la dissolution des monastères, et la pérennisation d'un régime protestant sous Élisabeth I, les catholiques anglaises qui souhaitent prendre le voile n'ont d'autre choix que de quitter leur sol natal pour entrer en religion sur le continent au sein des 15 Appartenance et singularité des couvents anglais en exil sur le continent : l communautés locales, souvent dans le nord de la France ou les Pays-Bas espagnols. Dans ces couvents, les réfugiées incarnent un catholicisme sans frontière qui, bien qu'attaqué par ses adversaires protestants, refuse de se soumettre mais, au contraire, redouble de ferveur. Pourtant, malgré leur appartenance revendiquée à l'Église universelle de Rome, les religieuses anglaises se distinguent de leurs consoeurs continentales. Une brève étude de quelques-uns des vingt-deux couvents anglais fondés au cours du XVIIème siècle permet de lever le voile sur les aspects les plus saillants de la spécificité des couvents anglais en exil. After the Henrician reformation and the dissolution of the monasteries, as Protestantism settled as the established religion under Elizabeth I, English Catholic women who wished to take the veil had no other choice but to leave their native country to embrace religious life on the Continent, amongst local communities, often in the North of France and the Spanish Netherlands. In those convents, the refugees embodied the plight of a Catholicism without borders which, in the face of Protestant persecution, refused to be defeated and, on the contrary, grew in fervour. Yet although they proudly belonged to the universal Church of Rome, English nuns were different from their Continental Sisters. A brief study of some of the twenty-two convents founded specifically for English entrants during the seventeenth century will reveal the most salient aspects which made English convents in ile exceptional. INDEX Mots-clés : couvents anglais, catholicisme anglais, dix-septième siècle, exil, mission Keywords : English convents, English Catholicism, seventeenth century, exile, mission AUTEUR LAURENCE LUX-STERRITT Laurence Lux-Sterritt est Maître de conférences HDR en histoire moderne à Aix-Marseille Université et membre du Laboratoire d'Études et de Recherche sur le Monde Anglophone (LERMA, EA 853). Elle est responsable du programme de recherche « Expériences de la modernité dans l'espace transatlantique, XVII-XVIIIèmes siècles » (voir https://britaix.hypotheses.org/). Elle est l'auteur de plusieurs articles et chapitres d'ouvrages, ainsi que de deux monographies, dont la plus récente, English Benedictine Nuns in Exile in the Seventeenth Century : Living Spirituality est parue chez Manchester University Press en 2017. Elle travaille en ce moment à une édition et traduction des manuscrits qui documentent la grande controverse du couvent bénédictin de Bruxelles dans les années 1630 (avec Jaime Goodrich, The Babylon of Brussels : Spiritual Controversies among English Benedictines, 1609–1642, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, University of Toronto Press, à paraître)..
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Philosophie de la « vocation »  La « vocation médicale »  Philosophie et sociologie de la vocation professionnelle 4. Sur le lien entre religion, Église, médecine et sant é ~ 1. Philosophie de l'« appel » Chrétien (Jean-Louis), L'appel et la réponse, Paris, Les éditions de minuit, « Philosophie », 1992, 153 pages. ––, L'effroi du beau, Paris, Cerf, « La nuit surveillée », 1987, 96 pages. Scheler (Max), Le saint, le génie, le héros, tr. fr. É. Marmy, Fribourg (Suisse), Librairie de l'université, 1944, 193 pages. Thirion (Benoît), L'appel dans la pensée de Jean-Louis Chrétien, contexte et introduction, Paris, L'Harmattan, « Ouverture philosophique », 2002, 238 pages. 2. Philosophie de la « guérison » Bélaise (Max), Philosophie de la guérison dans l'expérience pentecôtiste : défis d'une religion thérapeutique, Guadeloupe, Ibis rouge éditions, 2002, 102 pages. 430 Canguilhem (Georges), Le normal et le pathologique, Paris, Quadrige/PUF, 2010, 224 pages. Crespy (Georges), « Maladie et guérison dans le Nouveau Testament », Lumière et vie, n° 86, janvier/février 1968, p. 45-69, 96 pages. Forthomme (Bernard), L'expérience de la guérison, Paris, Les empêcheurs de penser en rond, 2002, 248 pages. Guillet (Jacques), « Il les envoya avec le pouvoir de guérir », Christus, n° 159, Paris, IHS, juillet 1993, p. 291-298, 381 pages. Léon-Dufour (Xavier), Les miracles de Jésus selon le Nouveau Testament, Paris, Seuil, « Parole de Dieu », 1977, 396 pages. Sendrail (Marcel), Histoire culturelle de la maladie, Toulouse, Privat, 1980, 454 pages. Sfez (Lucien), La santé parfaite. Critique d'une nouvelle utopie, Paris, Seuil, « L'histoire immédiate », 1995, 398 pages. Vanhoomissen (Guy), Maladies et guérison. Que dit la Bible? Bruxelles, Lumen vitae, « Connaître la Bible », n° 48, 2007, 80 pages. 3. Philosophie de la « vocation »  La « vocation médicale » Balzac (Honoré de), Le médecin de campagne, in La comédie humaine, t. 9, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1978, 1762 pages. Boulgakov (Mikhaïl), Récits d'un jeune médecin, tr. fr. P. Lequesne, Paris, L'âge d'homme, « Le livre de poche », 1994, 160 pages. Cesbron (Gilbert), Il est minuit docteur Schweitzer, Paris, Le livre de poche, 1978, 192 pages. Fiat (Éric), « Exercer en gériatrie, de la vocation et du hasard », Soins gérontologie, vol. 13, n° 71, Paris, mai/juin 2008, p. 20-23, 46 pages. ––, Geoffroy (Michel), Questions d'amour. De l'amour dans la relation soignante, Paris, Parole et Silence/Lethielleux, 2009, 226 pages. Geoffroy (Michel), Un bon médecin. Pour une éthique des soins, Paris, La table ronde, « Contretemps », 2007, 216 pages. 431 Glynn (Paul), Requiem pour Nagasaki. Biographie de Takashi Nagai le « Gandhi japonais », tr. fr. J.-M. Wallet, Bruyères-le-Châtel, Nouvelle cité, 2010, 318 pages. Jaddo, Juste après dresseuse d'ours. Les histoires brutes et non romancées d'une jeune généraliste, Paris, Fleuve noir, 2011, 292 pages. Montastruc (Jean), « Un médecin de campagne dans le Comminges », Revue du patrimoine du muretain, n° 15, Muret, Société du patrimoine muretain, 2012, p. 141-156. Wenner (Micheline), Comment et pourquoi devient-on infirmière? Histoires de vie. Trajectoires sociales. Choix professionnels, Paris, Seri Arslan, 1999, 192 pages.  Philosophie et sociologie de la vocation professionnelle Bourdieu (Pierre), Esqu isse d'une théorie de la pratique, Genève, Droz, « Travaux de droit, d'économie, de sociologie et de sciences politiques », n° 92, 1972, 269 pages. Dubar (Claude), Tripier (Pierre), Sociologie des professions, Paris, Armand Colin, 1998, 256 pages. Raymond (Jean-François de), Le dynamisme de la vocation, Paris, Beauchesne, « Bibliothèque des archives de philosophie », 1974, 216 pages. Schlanger (Judith), La vocation, Paris, Hermann, « Collection Hermann Philosophie », 2010, 287 pages. Tourmen (Claire), « Activité, tâche, poste, métier, profession : quelques pistes de clarification et de réflexion », Santé publique, n° 19 (hors série), Paris, Société Française de Santé Publique, 2007, p. 15-20, 168 pages. Weber (Max), L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, Paris, Plon (Pocket), « Agora », 1994, 286 pages. 4. Sur le lien entre religion, Église, médecine et santé Bonino (Serge-Thomas), Le médecin et la providence, in Être chrétien aujourd'hui dans sa pratique médicale, Paris, Parole et Silence, 2005, p. 3953, 172 pages. 432 Caillol (Michel), Dieu n'est pas chirurgien. Un cheminement éthique à la recherche des traces du sacré en chirurgie, thèse de doctorat sous la direction du Pr Éric Fiat, soutenue à l'Université Paris-Est, École doctorale Organisations, marchés, institutions (Créteil), 2012, 383 pages, disponible sur le site internet : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00826536/document Delaunay (Paul), La médecine et l'Église, Paris, Éditions Hippocrate, 1948, 135 pages. Duesberg (Hilaire), « Le médecin, un sage », Bible et vie chrétienne, n° 38, Paris, Casterman, mars/avril, 1961, p. 43-48, 96 pages. Gueullette (Jean-Marie), « Le geste de soin est-il un geste sacré? », Études. Revue de culture contemporaine, n° 3 (4083), Paris, mars 2008, p. 341-350, 430 pages. Hermans (Michel), Sauvage (Pierre), Bible et médecine. Le corps et l'esprit, Bruxelles, Lessius, « Le livre et le rouleau », n° 20, 2004, 153 pages. Humbert (Paul), « Maladie et médecine dans l'Ancien Testament », Revue d'histoire et de philosophie religieuses, supplément au n° 4, Paris, PUF, 1964, p. 1-29, 472 pages. Klopfenstein (Christian), La Bible et la santé, Paris, La pensée universelle, 1978, 347 pages. Larchet (Jean-Claude), Thérapeutique des maladies spirituelles. Une introduction à la tradition ascétique de l'Église orthodoxe, Paris, Cerf, « Théologies », 2008, 848 pages. Leloup (Jean-Yves), Prendre soin de l'être. Philon et les Thérapeutes d'Alexandrie, Paris, Albin Michel, « Spiritualités vivantes », 1993, 134 pages. Marceau (Nicolas), La médecine dans la Bible, Paris, Le François, 1977, 173 pages. Rome d'Ardène (Jean-Paul de), Lettres intéressantes pour les médecins de profession, utiles aux ecclésiastiques qui veulent s'appliquer à la médecine et curieuses pour tout lecteur, Avignon, L. Chambeau, 1759, 402 pages. Tournier (Paul), Bible et médecine, Neuchâtel (Suisse), Delachaux et Niestlé, 1955, 238 pages. Vernet (Daniel), Médecine et médecins devant la Bible, hier et aujourd'hui, Carrières-sous-Poissy, La cause, 1987, 400 pages. 433 INDEX NOMINUM Le lecteur trouvera dans cet index tous les noms propres utilisés dans le texte et dans les notes, qu'il s'agisse de philosophes (par exemple « Emmanuel Kant »), de médecins (par exemple « Hippocrate »), de théologiens (par exemple « saint Thomas d'Aquin »), de Pères de l'Église (par exemple « saint Augustin ») ou de pays (par exemple « Canaan »). Les personnages de la littérature ancienne (par exemple « Abraham ») ou moderne (par exemple « Takashi Nagai ») sont indiqués en caractère italique. ~ Abraham, 22, 31, 44-47, 50, 53, 108, 116, 170, 231, 300, 404 Abram, 45, 46, 231 Adad, 88 Adam, 122, 127, 146, 150, 151, 175, 176, 219, 370 Alberigo (Giuseppe), 308 Alcibiade, 59, 252 Antiochus Épiphane, 93, 128 Apollon, 174, 231, 333, 335 Aragon (Louis), 134 Arendt (Hannah), 370, 371 Aristote, 16, 25, 26, 39, 70, 84, 110, 111, 112, 117-121, 152, 189, 234, 242, 243, 245, 250, 279, 282, 288, 289, 327, 328, 332, 353, 357, 360, 382, 383, 391, 398 Ars, 220 Artus (Olivier), 93 Asa, 103, 104 Asclépios, 83, 132, 174, 333 Assyrie, 86-88 Aubert (Jean-Louis), 311 Augustin (saint), 46, 55, 57, 62, 65, 66, 69, 70, 119, 146, 148, 150, 151, 175-177, 235, 248 Avila (sainte Thérèse d'), 245 Babylone, 52, 54, 83, 96, 128 Balzac (Honoré de), 32, 38, 41, 44, 55, 68, 344 Basile de Césarée (saint), 297, 298 Bastet, 91 Baudelaire (Charles), 266 Beauvoir (Simone de), 240, 348 Bélaise (Max), 224 Benassis, 32-47, 55, 68, 120 Benmakhlouf (Ben), 27 Bergson (Henri), 291, 292, 339, 351 Bernanos (Georges), 325 Bernard (Claude), 16 Bernhard (Thomas), 13 Bethzatha, 146, 148 Blackfeldt (Louis), 267 Bloy (Léon), 212 Bodiou (Lydie), 307 Boèce, 79, 80 Bohême (Élisabeth de), 250 Bonino (Serge-Thomas), 108, 258 Borromée (saint Charles), 252 Boudon-Millot (Véronique), 157, 160, 178 Boulgakov (Mikhaïl), 115 Bourdaloue (Louis), 316 Bourdieu (Pierre), 191, 192 Bourgeois (Charles), 308 Bruaire (Claude), 189, 204, 207, 208, 380 Caillol (Michel), 375-377 Callias, 111 Canaan, 45 434 Canguilhem (Georges), 391, 393, 415, 430 Capharnaüm, 4, 144, 146, 162, 164 Céline (Louis-Ferdinand), 369, 370 C aire d'Arles (saint), 402 Cesbron (Gilbert), 135 Chateaubriand (François-René de), 267 Chestov (Léon), 50 Chrétien (Jean-Louis), 52, 53, 57, 59-66, 78, 198, 200, 325 Cicéron, 69, 365, 366 Claudel (Paul), 65 Clément d'Alexandrie (saint), 175 Comminges, 6, 275 Contenau (Georges), 86-88 Cordier (Alain), 180 Crespy (Georges), 141, 145 Cyrille de Jérusalem (saint), 178 Dauzat (Albert), 18, 22 Delaunay (Paul), 226, 302 Descartes (René), 249-251, 284, 285, 294, 308, 398 Digard (Georges), 304 Dostoïevski (Fédor), 351, 416 Douglas (Mary), 307, 375, 376 Dubar (Claude), 368 Dubois (Jean), 18, 22 Duesberg (Hilaire), 82, 102, 108 Dulaey (Martine), 160, 296 Dupuy (Jean-Pierre), 181-183, 239 Éa, 87, 88 Eco (Umberto), 260 Égypte, 83, 90, 94, 100, 102, 105 Éléazar, 229 Eliade (Mircea), 58, 228-230, 232, 235 Élisée, 100 Ellul (Jacques), 409, 410 Emmanuelli (Xavier), 226 Empédocle, 263 Énée, 215 Esculape, 231, 333, 334, 335, 336 Ève, 150, 151 Ézéchias, 100, 102, 172 Ézéchiel, 49, 52, 128, 314 Fabiola, 298 Faems (An), 334 Farnell (Lewis-Richard), 327 Ferrier (Charles de), 136 Feuillet-Le Mintier (Brigitte), 80, 112, 113, 371, 380 Fiat (Éric), 15, 40, 270, 354, 355, 356, 359, 361, 375, 386 Fichte (Johann Gottlieb), 43, 60 Folscheid (Dominique), 80, 112, 113, 371, 380, 382, 384, 386, 390, 396, 398, 399 Forthomme (Bernard), 171, 180, 266, 268, 337, 384, 392 Foucault (Michel), 25, 151, 291 Gabon, 134 Galaad, 102 Galien, 180, 297, 299, 300, 302, 391 Galilée, 144, 166, 167 Gauer (Philippe), 108, 160 Genestas, 32-35, 41, 344 Geo (Michel), 14, 40, 185, 226, 355, 356, 361, 386 Gernez (Barbara), 112, 234 Richard (Gildas), 189, 202, 205-209 Gilson (Étienne), 365, 366 Glare (Peter G. ~ Acédie, 262-272 Acharnement, 343 Âme, 15, 38, 51, 58, 59, 63, 66, 69, 76, 95-97, 114, 116, 131, 132, 136, 139, 143, 145, 146, 173, 175, 176, 178, 179, 183, 191, 197, 200, 209, 217, 219-221, 227, 228, 237, 238, 241-253, 256-259, 263, 264, 266, 270, 274, 279-281, 284, 285, 291, 294, 297, 298, 300, 308, 309, 312, 318, 328, 332, 349, 353, 356, 357, 377, 398-400, 406-409, 411 Amour, 15, 16, 38, 40, 75, 79, 81, 89, 119, 121, 122, 129, 135, 137, 138, 143, 182, 186, 187, 190, 199, 201, 221, 255, 261, 266, 268, 275, 277, 279, 286-291, 321, 338, 343, 352, 353, 355-362, 372, 374, 381, 386, 411 Analogie, 22, 25, 28, 71, 132, 140, 162, 173, 188, 211, 213, 224, 228, 241, 261, 272, 396, 405 Appel, 19, 23, 27, 31-33, 35-38, 4349, 51-53, 56, 57, 59-68, 77, 78, 80, 81, 91, 94, 107, 108, 114, 117, 126, 132, 136, 139, 140, 157, 158, 160, 161, 170, 179, 231, 262, 272, 275, 312, 313, 317, 318, 324, 325, 330, 338, 339, 341, 349, 354, 358, 361, 378-380, 393, 397, 403-405, 407, 409-411 Bonheur, 35, 44, 47, 91, 92, 115118, 120, 122, 123, 125, 127, 129, 159, 231, 257, 279, 282, 285-287, 290, 291, 293, 323, 390, 406 Conscience, 24, 46, 48, 51, 53, 57, 59-61, 63, 78, 124, 142, 161, 238, 243, 260, 276, 280, 313, 318, 341, 342, 344-346, 348, 350, 358, 377, 378, 410 Consécration, 14, 27, 36, 52, 132, 134-136, 140, 158, 179, 187, 189, 196, 211, 212, 224, 227, 230, 231, 257, 261, 262, , 293, 294, 310, 325, 338, 378, 403-405, 407, 409411 Corps, 15, 35, 57, 58, 82, 87, 91, 93, 95, 97, 107, 119, 128, 132, 139141, 143, 144, 146, 154, 159, 161, 166, 168, 171, 173-176, 178, 179, 183, 185, 197, 200, 211, 212, 215, 216, 218, 220, 222, 224, 227, 228, 230, 232, 235, 237-245, 247-253, 256-259, 263, 264, 274, 278, 283285, 294, 298, 308, 309, 328, 334, 353, 355, 364-366, 375-377, 379381, 387, 389, 391, 392, 395, 398, 399, 400, 403, 405-407, 409 Démocratisation, 20, 311, 366 Dépression, 265, 266, 268 Désintéressement, 32, 34, 40, 198, 199, 202, 207, 362 Désir, 37, 40, 56, 65, 74, 75, 115, 117, 121, 125, 143, 175, 192, 194, 207, 238-240, 246, 252, 265, 268, 271, 280, 283, 286, 288, 290, 291, 298, 300, 316, 317, 324, 330, 339341, 349, 354, 358, 361, 364, 371, 386, 388, 393, 404, 411 Devenir, 14, 49, 61, 66, 117-119, 121, 135, 145, 190, 191, 195, 197, 205, 206, 209, 239, 275, 288, 308, 312, 314, 318, 323, 324, 326-329, 331, 339-341, 344, 347-349, 351, 354, 358, 373, 382, 394, 401, 404 438 Dévouement, 16, 32, 36, 38-40, 78, 136, 140, 157, 179, 187, 193, 196, 197, 201, 202, 227, 261, 262, 276, 319, 338, 358, 359 Discernement, 20, 37, 313, 317, 342 Don, 32, 34, 40, 49, 77, 79, 91, 116, 135, 137, 138, 140, 147, 157, 166, 174, 179, 187, 189, 190-194, 196, 198-210, 213, 219, 223, 224, 227, 230, 232, 239, 255, 261, 312, 338, 347, 362, 369, 401 Don de soi, 32, 40, 140, 157, 179, 187, 189, 194, 198, 199, 203, 204, 208, 209, 211, 213, 230, 255, 338, 401 Don non ontique, 206, 208 Don ontique, 205 Don ontologique, 204, 208, 209 Dualité, 161, 253, 294 Emploi, 18, 107, 172, 255, 316, 323, 354, 363-365, 368, 370, 374 Éveil, 260, 349-351 Finalité, 21, 24, 28, 110, 114, 129, 149, 152, 157, 168, 179, 193, 197, 214, 231, 256, 257, 261, 272, 293, 329, 349, 364, 371, 374, 377-379, 381, 385, 386, 390, 395, 396 Génie, 331, 332 Guérison, 28, 37, 39, 47, 54, 56, 67, 81, 87, 89, 91, 96-98, 100, 102, 104-106, 109, 112, 114, 115, 120, 122, 125, 126, 129-132, 140, 141, 143-149, 151, 157, 159, 160, 163172, 177-180, 183-185, 196, 197, 210, 213-216, 218-224, 226, 228, 231, 237, 239, 241, 254, 256-258, 261, 278, 286-288, 290, 294, 333335, 337, 338, 371, 375, 377-382, 384, 385, 387-389, 392, 393, 395397, 399, 403-409, 411 Guérisseur, 58, 104, 164, 175, 178, 181, 185, 335, 336, 339, 381, 384 Héros, 135, 323, 330-333, 336, 340, 350 Hylémorphisme, 243, 247, 398 Instrument, 109, 157, 171-173, 184, 195, 202, 205, 210, 215, 222, 223, 258, 399, 400 Islam, 47, 300, 306 Maladie, 54, 67, 81-83, 86-93, 95, 98, 100, 101, 103, 108, 111, 113, 114, 122-124, 126, 132, 138-140, 142, 143, 145, 149, 157, 158, 162, 163, 166, 171, 175-178, 181, 210, 212, 214 215, 221, 228, 234, 236239, 243, 257, 263, 267, 270, 271, 288, 290, 291, 293, 294, 298, 301, 303, 307, 333, 338, 364, 367, 379, 381, 384-387, 389-394, 396, 397, 399, 404, 407, 411 Métamorphose, 29, 132, 179, 197, 211, 227, 235, 255, 272, 295, 310, 312, 318, 334, 382, 404, 406 Métaphore, 26, 130, 177, 179, 217, 335 Métier, 13-15, 17, 18, 28, 34, 35, 38, 48, 52, 68, 135, 136, 138, 156, 174, 190, 193, 197, 236, 255, 256, 268, 270, 272, 274, 275, 277-279, 286, 294, 310, 319, 321, 325, 353, 355, 358, 362-370, 374, 382, 403405 Mimêsis, 110, 112 Mission, 21, 24, 27, 28, 36, 37, 4244, 46-48, 51, 53, 54, 58, 68, 81, 98, 99, 108, 114, 129, 132, 140, 159, 160, 161, 165, 169, 170, 179, 181, 185, 186, 211-216, 231, 238, 240, 254-257, 272, 292, 296, 312, 315, 320, 325, 339, 364, 365, 378380, 385, 387-400, 404-407, 409, 411 Monastères, 266, 267, 294, 299, 300, 303 Ordre, 18, 20, 22, 23, 26, 28, 32, 37, 44-48, 55, 61, 68, 78, 97, 99, 118, 121, 126, 151, 154-156, 177, 178, 221, 223, 228, 255, 256, 278, 285, 290, 307, 319, 331, 335, 336, 350, 367, 384, 392, 393, 399 Passion, 27, 35, 49, 148, 195, 263265, 270-272, 274, 277-281, 283, 285, 286, 288, 292-294, 310, 325, 338, 350, 357, 378, 403, 404, 406, 407, 409-411 Prêtre, 87-89, 91, 101, 103, 132, 161, 181, 182, 189, 194, 196, 197, 209, 210, 213, 216, 217, 219, 220, 222, 224, 226-228, 231, 233-238, 439 241, 243, 248, 249, 251-257, 260, 290, 294, 297, 298, 305, 307, 314, 321, 333, 354, 370, 373, 374, 377, 385, 388, 396, 398, 401, 405, 406, 408, 409 Prêtre-médecin, 91, 253, 255, 256, 260, 294 Profession, 22, 23, 25, 27, 115, 187, 227, 254, 272, 274, 278, 283, 293, 307, 310, 311, 315, 318, 319, 321, 329, 331, 338, 351, 357, 362, 364, 366-370, 403-406, 411 Providence, 50, 51, 68-70, 72, 73, 75, 86, 98, 108, 123, 258, 313, 316, 320, 321 Provocation, 255, 309, 373, 384, 408 Sacerdoce, 27, 213, 224, 226, 229, 272, 277, 314-316, 318, 406 Sacré, 21, 22, 31, 42, 52, 108, 113, 116, 121, 175, 181-183, 196, 227, 229, 230, 232, 234-238, 262, 270, 271, 275, 307, 375-377, 405, 406 Sacrement, 213, 217, 219-223, 229, 235, 253, 258, 305 Sacrifice, 14, 89, 92, 138, 186, 187, 198-201, 203, 226, 230, 307, 331 Saint, 46, 51, 57, 62, 65, 66, 69, 70, 72-76, 96, 116, 119, 128, 135, 146, 148, 150, 151, 155, 163, 174178, 181, 214, 216, 218, 220, 223, 235, 237, 241, 245, 247, 248, 258, 260, 263, 264, 267, 280, 281, 298, 303, 309, 313-315, 317, 331, 332, 373 Sainteté, 122, 131, 132, 223, 314, 332, 405 Šālōm, 91, 109, 117, 390 Salut, 44, 47, 54, 96, 127, 129, 131, 132, 148, 159, 160, 164-169, 173, 178, 179, 182, 196-198, 201, 210, 214-216, 220, 227, 231, 237, 238, 240, 241, 244, 245, 251, 254, 256, 257, 267, 271, 290, , 308, 313, 316, 321, 333, 337, 377, 385, 387, 388, 390, 396, 399, 400, 404, 405, 407, 408, 411 Santé, 15, 26, 39, 44, 47, 54, 56, 67, 82, 85, 91, 96, 99, 106, 108-110, 112, 115, 125-127, 129, 131, 132, 147, 159, 160, 166, 169, 176-179, 197, 203, 210, 213, 218-220, 224, 228, 231, 238-241, 254, 256-258, 275, 276, 279, 286, 289, 290, 310, 320, 331, 334, 335, 337, 367, 371, 372, 375, 379, 381-396, 404, 407, 408, 410 Santé parfaite, 131, 238-241, 408 Sauver, 17, 32, 33, 69, 93, 106, 109, 114, 115, 130-132, 142-144, 150, 159, 164, 167, 177, 178, 181, 198, 219, 253, 297, 335, 355, 374, 386, 387, 405, 406 Se dévouer, 39, 194, 196, 197, 200, 353, 361, 369 Se donner, 23, 137, 157, 188, 189, 193-195, 200, 203, 204, 209, 210, 369, 399, 405 Se vouer, 187, 195, 196, 197, 264 Secret, 33, 117, 161, 232, 234, 235, 240 Sécularisation, 21, 23, 28, 197, 235, 238, 266, 272, 294, 295, 306, 309311, 324, 366, 408 Soigner, 15, 16, 25, 97, 102, 105, 109, 130, 131, 138, 158, 163, 173, 178, 179, 181, 184, 185, 187, 196, 213, 214, 261, 279, 300, 337, 339, 379-381, 387, 388, 404, 405, 408, 411 Soin, 28, 41, 102, 114, 130, 163, 173, 175, 179-184, 186, 213, 214, 224, 226, 229, 237, 239, 242, 261, 286, 299, 302, 309, 333, 367, 372, 375, 378-380, 387, 388, 397, 405, 407, 409, 411 Soin des âmes, 213, 214 Tékhnè, 16, 110, 112, 113, 184 Travail, 14, 23, 24, 27, 35, 36, 106, 116, 118, 135, 138, 170, 193, 244, 257, 264, 266, 268-271, 274, 277, 278, 292, 316, 319, 320, 322-325, 345, 347, 352, 353, 355, 362, 363, 365-372, 374, 399, 406 Vocation biblique, 23, 27, 28, 31, 44, 47, 51, 52, 312 Vocation d'Abraham, 22, 44, 45, 47, 53 Vocation médicale, 15, 17, 23, 25, 27, 28, 31, 32, 37, 38, 40, 42, 47, 440 48, 50, 52, 99, 104, 107, 108, 132, 135, 140, 160, 179, 188, 189, 194, 211, 212, 224, 227, 232, 237, 238, 241, 255, 257, 294, 315, 325, 329, 338, 353, 356, 357, 359, 360, 377, 378, 397, 401, 403, 406, 407 Vocation professionnelle, 310, 311, 318, 319, 322, 323 Vocation religieuse, 23, 27, 28, 36, 132, 140, 189, 197, 211-213, 224, 232, 237, 241, 255, 261, 272, 293, 294, 310-312, 314, 315, 318, 322, 324, 373, 374, 404, 405 Vocation-appel, 27, 31, 54, 67, 114, 132, 140, 158, 179, 272, 318, 338, 378, 403, 409, 411 Vocation-attrait, 316 Vocation-consécration, 27, 132, 134, 140, 158, 179, 188, 189, 210, 227, 261, 272, 293, 310, 338, 378, 403, 409, 411 Vocation-mission, 27, 28, 114, 179, 181, 339, 378-380, 385, 404 Vocation-passion, 27, 272, 274, 293, 310, 378, 403, 409, 411 Vocation-prédestinée, 316 Voie, 36, 38, 54, 55, 68, 112, 124, 178, 193, 207, 245, 278, 307, 316, 328 Voix, 18, 19, 37, 45, 46, 53, 55-65, 67, 75, 93, 134, 161, 166, 262, 312, 330, 338, 398, 404, 411 Vouer, 187, 195-197, 209, 264 LA VOCATION MÉDI
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Comment les personnes enseignantes-chercheuses perçoivent-elles l'évolution de leurs connaissances en pédagogie après l'implantation d'une approche-programme ?. XIIème colloque QPES – Questions de Pédagogies dans l’Enseignement Supérieur : Repenser l’enseignement supérieur à la lumière des enjeux sociaux et environnementaux, Jun 2023, Lausanne, Suisse. &#x27E8;hal-04210962&#x27E9;
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Comment les personnes enseignantes-chercheuses perçoivent-elles l’évolution de leurs connaissances en pédagogie après l’implantation d’une approche-programme? Florence D. Hulot, Marine N. N. Moyon, Laure Barthes, Stéphane Bazot, Elsa Bonnaud, Antoine Branca, Nicolas Delpierre, Jane Lecomte, Geneviève Allaire-Duquette HAL a multi-disciplinary open access the and , the or . teaching and institutions in or abroad, or public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Comment les personnes enseignantes-chercheuses perçoivent-elles l’évolution de leurs connaissances en pédagogie après l’implantation d’une approche-programme? F. D. Hulot1, M. Moyon2, L. Barthes1, S. Bazot1, E. Bonnaud1, A. Branca1, N. Delpierre1, J. Lecomte1, G. Allaire-Duquette3 1Université Paris-Saclay, France ; 2ENS Paris-Saclay et Institut Villebon-Charpak ; 3Université de Sherbrooke, Québec, Canada Contexte Rares travail collectif sur les questions de pédagogie et sentiment d'appartenir à une équipe pédagogique ("solitude pédagogique", Bertrand et Bonnafous 2014) • Nouvelle maquette de licence avec mise en place d'une approche programme (AP) en écologie :  opportunité pour créer une démarche collective et appropriation de concepts de pédagogie • Méthodes • Réflexion en équipe pédagogique de 14 • personnes avec formations courtes et ciblées sur quelques concepts en pédagogie : 5 réunions sur une année Questionnaire sur la perception du rôle de la personne enseignante (PEC) et les changements en termes de connaissances pédagogiques des membres de l’équipe pédagogique Résultats • 12 répondants (6 hommes et 6 femmes) Rôle de la PEC perçu dans deux sphères différentes • Sphère cognitive : transmission de connaissances et développement du sens critique et, dans une moindre mesure, la transmission de méthodes de travail et le soutien à l’apprentissage • Sphère affective : exprimée majoritairement par mentorat et accompagnement puis par l’éveil de l’intérêt et de la curiosité et enfin le soutien affectif et l’autonomisation Evolution des connaissances en pédagogie Ce qui a évolué : • Structuration des enseignements avec alignement pédagogique, progression des apprentissages, plus grande cohérence • Innovation avec sa capacité à construire sa propre pédagogie et la diversification des moyens pédagogiques Comment cela a évolué : • Le collectif caractérisé majoritairement par la concertation entre personnes de l’équipe pédagogique • La posture professionnelle individuelle caractérisée essentiellement par la prise de recul sur la pédagogie et la pratique d’enseignement avec une e réflexive Conclusion • Evolution des connaissances en pédagogie avec l’AP soutenue par des formations ciblées • Collégialité importante pour la structuration de l’équipe pédagogique et l’évolution des connaissances Bertrand, C., & Bonnafous, S. (2014). Soutenir la transformation pédagogique dans l’enseignement supérieur. MESR, France - Illustrations Flaticon.com.
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4/ Des modalités de financement perverses, dont il faut minimiser les effets Le chapitre 4 nous a permis de mettre en évidence la diversité des situations rencontrées par les équipes de soins palliatifs (USP et EMSP), le poids des soins relationnels dans l'approche du malade et, pour les USP, la grande variabilité des coûts de prise en charge (par type d'unité, par séjour et par journée). Ces éléments soulignent le caractère singulier de cette activité de soins et la difficulté de la financer selon le modèle en vigueur (hétérogénéité clinique et économique de la population qui en relève, paramétrage impossible de l'activité en termes de durées d'hospitalisation et de soins requis). Par ailleurs, l'analyse des modalités de financement utilisées pour les soins palliatifs (qui sont les mêmes que celles en vigueur pour les autres activités de soins) a souligné le caractère pervers de la T2A et l'existence de comportements opportunistes de la part des producteurs de soins : sélection accrue des patients à l'entrée des USP, pressions budgétaires croissantes pour certaines équipes, caractère devenu «rentable» des soins palliatifs non spécialisés qui incite à adopter un certain nombre de stratégies de codage (Chapitre 3). Ces effets, poussés par une logique financière de maximisation de recettes dénuée de toutes considérations humaines, sont néfastes à plusieurs niveaux : certains patients6 sont exclus de fait du système (ce qui limite l'égalité des chances d'accéder à ce type de soins), les USP sont contraintes de se plier aux règles financières promues par leurs directions et en souffrent, le système devient extrêmement inflationniste et coûteux pour la Collectivité (les hôpitaux ayant bien compris qu'ils ont tout intér à multiplier leurs séjours7 pour augmenter les niveaux de moyens qui leur seront à terme attribués). 7 dont on pense qu'ils risquent de rester hospitalisés longtemps ou que leur prise en charge est trop lourde et donc, à sélectionner en amont leurs patients 429 CONCLUSION Partant du principe que les soins palliatifs constituent une activité de soins atypique dans l'univers hospitalier et que la T2A est source d'effets pervers, nous en avons conclu que les soins palliatifs ne peuvent rentrer dans les cases du système de financement en vigueur. C'est donc au système de s'adapter aux spécificités de l'activité étudiée8! Ainsi, nous avons proposé deux modalités de financements alternatives (Chapitre 6). La première de ces modalités consiste à financer les soins palliatifs à la journée, pondérée par le type de soins (à l'instar de ce qui est fait dans le PMSI SSR) et à s'assurer, par des procédures d'accréditation adaptées, de la qualité des prestations offertes aux patients selon le type d'équipe qui le prend en charge. L'autre modalité, plus radicale mais plus simple, consiste à déconnecter le financement des séjours de soins palliatifs de l'activité mesurée en GH et à attribuer des enveloppes annuelles globales, dont les montants restent à définir (moyens requis pour les USP?, suppléments de moyens nécessaires pour les services classiques?). Là encore, des procédures d'accréditation devront être mises en place pour s'assurer du caractère effectif des démarches palliatives, notamment en service classique sans lits dédiés. Nous avons montré que ces deux solutions (GHJ ou enveloppes) limitent : 1/ le risque de sélection des malades à l'entrée est nul puisque ce sont les moyens requis ou les journées qui sont financées, les soignants peuvent travailler dans des conditions plus sereines (puisqu 'ils ne sont plus soumis à pression de rentabilité) et le système n'est pas inflationniste (puisque le montant de recettes attribuables est plafonné a priori). Logique financière et logique humaniste ne s'affrontent désormais plus, mais oeuvrent au contraire toutes deux dans le sens des améliorations recherchées. Les économies probables induites par l'utilisation de ces systèmes, par rapport au mode de tarification en vigueur, pourraient ensuite être réaffectées dans les hôpitaux et servir à la création de nouvelles équipes de soins palliatifs, dont les demandes de prise en charge sont – nous l'avons vu à plusieurs reprises – très supérieures à leurs capacités d'offre. Le rapport que vient de publier la Cour des Comptes conforte le travail présenté tout au long de cette thèse [Cour des Comptes, 2007]. Après avoir signalé que l'offre de soins palliatifs a connu un «développement notable» depuis 1999, la Cour des Comptes note que les progrès 8 Cela a d'ailleurs récemment était fait pour la réanimation. 430 CONCLUSION s'avèrent «mitigés»9, que «d'importantes inégalités d'accès» à ce type de soins10 existent et que la France doit «redynamiser» sa politique de soins palliatifs, jugée «hésitante». Elle critique l'«absence d'évaluation», le fait que des «référentiels [par type d'équipe ne soient] pas encore finalisés», la «méconnaissance des coûts» associés à cette activité, l'«arrêt des plans et programmes» spécifiques11 et «les risques d'effets pervers de la T2A appliquée aux soins palliatifs», et soumet quatre recommandations au Ministre de la Santé : 1/ individualiser la politique des soins palliatifs (aujourd'hui intégrée au Plan Cancer) ; 2/ étudier les besoins à satisfaire et évaluer la qualité de l'offre de soins existante ; 3/ développer les soins palliatifs dans les établissements médico-sociaux et à domicile ; 4/ «surveiller l'application de la T2A [aux soins palliatifs pour] éviter d'éventuels effets pervers» [Cour des Comptes, 2007]. Pour finir, nous souhaitons insister sur deux éléments : 1/ Bien que ce travail ait été réalisé dans un contexte de fin de vie, il s'inscrit dans un cadre plus large : l'impératif clairement affiché aujourd'hui de conjuguer maîtrise des dépenses et qualité des soins. Lors d'un forum sur le sujet («Maîtrise des dépenses de santé ou qualité : faut-il choisir?»), la Directrice de la DHOS a rappelé, au nom des Ministres de la Santé et de la Sécurité Sociale, la «nécessité d'empathie profonde» dont notre système de santé doit être empreint [Podeur, 2007] ; 2/ Si le développement des soins palliatifs est devenu, par la force des choses, une question politique et financière (qui interpelle à plusieurs niveaux l'économiste), l'accompagnement des personnes en fin de vie renvoie d'abord et surtout à une question philosophique et éthique fondamentale : celle que la société, et à travers elle chacun de ses membres, accorde à la valeur de la vie humaine et au sens de ses derniers instants. Dans l'idéal d'une société «parfaite», les soins palliatifs n'ont pas de raison d'exister : cette approche particulière de la fin de vie ferait, en effet, partie intégrante des pratiques individuelles (soignantes et non soignantes) et du patrimoine collectif. Mais, nous ne vivons pas dans ce monde idéal et ne pouvons que l'approcher. Puissent les orientations politiques récentes12 contribuer à rétablir les normes sociales souhaitées13 et la logique humaniste, devancer la logique financière mais un long chemin reste sans doute à parcourir! 9 «montée en charge des lits identifiés concomitante à une réduction du nombre d'unités de soins palliatifs, hétérogénéité du concept de lits identifiés selon les lieux, fragilité des équipes mobiles de soins palliatifs» 10 en fonction de la région, de la pathologie, de l'âge du malade et de la structure de prise en charge 11 «absorbés», précise-t-il, dans le Plan Cancer 12 Ouverture de lits dédiés de soins palliatifs, promotion d'une «culture palliative» via la diffusion de guides et l'organisation de formations, création d'équipes de soins de support, développement des soins palliatifs à domicile, sensibilisation de tous les professionnels et de l'ensemble du corps social à ce type de démarche. 13 telle est d'ailleurs l'ambition du nouveau Comité ministériel qui vient de se mettre en place [Aubry, 2005] (cf. &2.1.1.3.). 431 CONCLUSION 432 PERSPECTIVES 433 PERSPECTIVES 434 PERSPECTIVES Le travail présenté dans ce document est exploratoire, comme signalé en introduction de la seconde partie de thèse. Nous envisageons de le poursuivre de deux façons : 1/ en élargissant le champ de l'étude à des services classiques ; 2/ en étudiant le point de vue de l'ensemble des acteurs impliqués dans la relation de soins, d'autres pistes de recherche étant envisageables. • Elargir le champ de l'étude à des services classiques et à des services de soins à domicile et mener une étude coûts-avantages complète Nous avons vu que les équipes hospitalières de soins palliatifs sont aujourd'hui fortement concurrencées par des formes alternatives de prise en charge de la fin de vie. Le choix de financer tel type d'organisation plutôt que tel autre implique d'évaluer, pour chacune de ces modalités, le coût et l'efficacité des prises en charge (à population de malades comparable). Si une partie du travail empirique que nous avons réalisé est centré sur les USP, il convient de mettre en regard les résultats obtenus avec ceux des services hospitaliers classiques et des équipes de soins à domicile. Dans le cadre d'une étude coût-avantages ultérieure, les alternatives de prise en charge à comparer sont alors les suivantes : 1/ le patient est hospitalisé en USP 2/ le patient est hospitalisé en service classique, dans un lit dédié de soins palliatifs 3/ le patient est hospitalisé dans un service classique, sans être dans un lit dédié 4/ le patient est pris en charge à domicile Le premier cas est déjà traité (Cf. Chapitre 4 pour l'évaluation des coûts et Chapitre 5 pour l'évaluation de l'efficacité), la méthodologie suivie pouvant être transposée aux trois autres cas. Une méthode doit par ailleurs être trouvée pour quantifier le résultat des prises en charge perçu par les patients : cela permettrait d'une part de pouvoir évaluer l'efficacité des différents types d'équipes sans avoir à passer par l'interview, toujours délicate, de malades et d'autre part, de calculer les ratios coûts-avantages sur lesquels seront prises les décisions de financement. SPECTIVES Nous prévoyons donc d'élaborer deux types de questionnaires, sur la base des résultats présentés dans le Chapitre 5 de ce document : un questionnaire d'évaluation destiné aux malades et un questionnaire de performance des équipes de soins. La mise en oeuvre de cette perspective implique de construire des instruments de mesures subjectives (choix des items à collecter, formulation des items retenus), puis de les valider (qualités psychométriques1 des outils proposés) [Falissard, 2001]. • Etudier le point de vue de l'ensemble des acteurs impliqués dans la relation de soins L'efficacité des prises en charge a été évaluée pour l'instant à partir d'un point de vue unique : celui des malades (&5.2.). Mais l'on pourrait aussi envisager d'interroger l'ensemble des acteurs impliqués dans la relation de soins, pour recueillir leur point de vue, la question de l'efficacité des prises en charge pouvant s'appréhender de deux façons : par une évaluation du résultat des actions de soins ou par une évaluation des procédures de soins mises en oeuvre par les soignants. Sur le premier (l'évaluation des résultats de soins), l'interview de familles de malades peut s'avérer riche d'enseignements : d'une part, nous avons vu que les «palliativistes» leur accordent une attention particulière (cf. &1.2.) et d'autre part, il n'est pas exclu que leur avis soit différent de celui des patients. Plusieurs questions peuvent ainsi être explorées, notamment : que pensent les proches du malade du personnel et de l'environnement de l'unité?, comment perçoivent-ils la façon dont l'équipe s'occupe de leur parent ou ami?, sont-ils satisfaits des prises en charge délivrées et de l'information qu'ils reçoivent? Sur le second point (l'évaluation des procédures de soins), nous avons souligné que les malades sont dans l'ensemble très satisfaits des relations qu'ils entretiennent avec le personnel des USP, un certain nombre de techniques ne leur ayant d'ailleurs pas échappées (cf. &5.2.3.4.). Ce sont ces techniques («savoirs» ou «procédures de soins»), exercées en USP comme en EMSP, que nous souhaitons pouvoir étudier. Deux approches, complémentaires, sont envisageables : 1 unidimensionnalité, structure de l'instrument, précision de mesure, sensibilité au changement 436 PERSPECTIVES - interroger des membres d'équipes de soins palliatifs (médecins, infirmières, aidessoignantes, psychologues, bénévoles), afin de comprendre comment ils prennent en compte les besoins et attentes des patients et de leurs proches (comment les évaluent-ils?, comment y répondent-ils? et comment s'assurent-ils de l'adéquation entre leurs réponses et les besoins effectifs2 des malades et de leurs familles)? Des outils à la fois formels et inform els, écrits et oraux, collectifs et individuels pourront alors être mis en évidence et analysés. - observer des réunions d'équipes, afin de comprendre comment sont prises les décisions collectives et comment est appréhendée par le groupe la question des besoins et des attentes de chaque malade et de chaque famille. Ce travail est déjà bien engagé, une subvention de la Haute Autorité de Santé nous ayant déjà permis de recueillir l'ensemble du matériau nécessaire. Il pourrait servir de base à une diffusion de bonnes pratiques palliatives (pour les services classiques avec ou sans lit dédié) et faire ressortir notamment la façon dont les professionnels des soins palliatifs se protègent du burn-out (&1.1.3.2.), auquel ils sont extrêmement exposés du fait de leur confrontation quotidienne à la souffrance et à la mort. • Autres pistes de recherche envisageables Au-delà des deux perspectives de recherche que nous venons de présenter, d'autres pistes méritent d'être explorées, comme par exemple : - les éléments qu'il faudrait prendre en compte pour circonscrire l'activité palliative et avancer sur la notion de «besoins gradués» - une lecture plus sociologique des entretiens, très riches, conduits avec les patients - ou encore, les liens entre l'hôpital et la ville (les prises en charge à domicile constituant aujourd'hui un véritable enjeu). 437 PERSPECTIVES 438 Références bibliographiques 439 Références bibliographiques 440 Références bibliographiques ARTICLES, OUVRAGES , RAPPORT S , COMMUNICATIONS ORALES Abiven M, Euthanasie : alternatives et controverses / Chardot C, Fresco R et Glorion B, Préf. - Paris : Presses de la Renaissance, 2000, 313 p. 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Réf. 20. 454 Lexique des abréviations LEXIQUE DES ABREVIATIONS 455 Lexique des abréviations 456 Lexique des abréviations ANAES Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé (HAS) ACM ADMD Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité AFC ANFH Association Nationale de Formation des Hospitaliers AP-HP Assistance publique - Hôpitaux de Paris ARH ASH Agent des Services Hospitaliers ASP Association Pour le Développement des Soins palliatifs ATIH BNC Base Nationale de Coûts par activité médicale CCAM CCNE CDAM Catalogue des Actes Médicaux CES CH CHR CHU CIM CLCC CMC Catégorie Majeure Clinique CMD Catégorie Majeure de Diagnostic CME CNAMTS Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs Sociaux CODAP Cahier d'Observation Descriptif de l'Activité Palliative DESC DGS Direction Générale de la Santé (Ministère) DHOS Direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des Soins (Ministère) DIM DIU DMS 457 Lexique des abréviations DU EMSP EHPAD ETP EBM FDF FEHAP Fédération des Etablissements Hospitaliers et d'Assistance Privés à but non lucratif FNASS Fonds National d'Action Sanitaire et Sociale GH Groupe Homogène GHJ Groupe Homogène de Journées GHM GHS GRAPH Groupe de Recherche et d'Applications Hospitalières HAD HAS Haute Autorité de Santé (ex-ANAES) IDE IGS Indice de Gravité et de Sévérité INED INSEE ISA Indice Synthétique d'Activité JALMALV Jusqu'A La Mort Accompagner la Vie (association) LAT Limitation et Arrêt de Traitement MGEN MIGAC Missions d'Intérêt Général et Aide à la Contractualisation MCO Médecine, Chirurgie, Obstétrique (ou Court-Séjour) NGAP LISP Lit Identifié de Soins Palliatifs OMS ORL Oto-Rhino Laryngé ORS PCA Pompe d'Analgésie Auto-Contrôlée PCL Prise en charge Clinique Lourde, dé ée a priori (PMSI SSR) PCTL Prise en charge Clinique Très Lourde, déterminée a priori (PMSI SSR) 458 Lexique des abréviations PECTL Prise en charge Clinique Très Lourde, déterminée a posteriori PH PMSI Programme de Médicalisation des Systèmes d'Information hospitaliers PRN Projet de Recherche en Nursing PSPH (Etablissement) participant au Service Public Hospitalier RHS Résumé Hebdomadaire Standardisé RSS RSA Résumé de Sortie Anonyme RUM SFAP Société Française d'Accompagnement et de Soins Palliatifs SIDA SLA Sclérose Latérale Amniotrophique SRLF SSIAD SLD Soins de Longue Durée (ou Long-Séjour) SROS Schéma Régional d'Organisation des Soins SSR Soins de Suite et Réadaptation (ou Moyen-Séjour) TAA (ou T2A) UCANSS Union des Caisses Nationales de Sécurité Sociale USP Z51.5 Code correspondant aux soins palliatifs dans la CIM 10 459 Lexique des abréviations 460 RESUME UME Les équipes hospitalières de soins palliatifs dans le processus de rationalisation des soins : entre engagement idéologique et contraintes financières.
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Digitaliser le notariat, entre évolution de l’identité professionnelle et maintien du monopole
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4. Discussion L’appropriation d’applications digitales telles que Biddit et de l’eRegistration dans les pratiques notariales n’est pas exclusivement à relier aux dimensions instrumentales (leur caractère utilitaire et fonctionnel), mais surtout à un contexte socio-organisationnel spécifique (Bobillier Chaumon et Dubois, 2009). Dans un contexte de « managérialisation » des administrations, l’injonction à la modernisation par la digitalisation des services publics est devenue de plus en plus prégnante pour les professions juridiques règlementées. Certains notaires, initialement réfractaires aux nouvelles technologies, ont intégré les enjeux institutionnels de la préservation de la profession, du renouvèlement de l’image, et d’une transition managériale parle digital. La digitalisation s’est alors progressivement imposée comme une nécessité pour l’avenir de la profession. De nombreux notaires ont opté pour s’imposer l’utilisation de technologies telles que Biddit (une application pourtant à emploi libre), convaincus que de telles technologies représentent le futur du notariat. En plus de constituer une opportunité de renouvèlement de l’image du notariat au sein de la société, l’appropriation des applications digitales s’explique par la capacité de la profession à agir de manière unifiée. Cette capacité à « faire corps » est entretenue par la fédération professionnelle (Fednot), qui a saisi l’importance d’entrainer tous les notaires dans la digitalisation. Pour que les applications digitales aient un impact réel sur le système juridique, Fednot met tout en oeuvre pour qu’elles soient utilisées par l’ensemble des études notariales. La stratégie de Fednot est de développer en interne des applications destinées à faciliter la vie des administrations, tout en s’assurant que les notaires et leurs équipes soient les seuls à maitriser leur utilisation. Les études notariales deviennent alors indispensables pour la réalisation de processus essentiels au fonctionnement des administrations de l’État. Une telle stratégie dote les notaires d’une place incontournable dans l’organigramme juridique belge, tout en contribuant à faciliter le travail des différentes administrations. En Tous droits réservés © Département des relations industrielles de l’Université Laval, 2022 http://doi.org/10.7202/1094214ar 15 Relations industrielles / Industrial Relations 77(3) 2022 maintenant l’expertise technique à l’intérieur du notariat pour le développement et l’exploitation des applications visant à fluidifier les interactions avec l’État, Fednot assure l’avenir de la profession. Une forme de basculement s’opère ainsi avec le passage d’un monopole de droit (le notaire est le seul à pouvoir faire ce qu’il fait, car c’est dans la loi) vers un monopole de fait (le notaire est le seul à savoir comment faire ce qu’il fait). Outre les enjeux liés au positionnement institutionnel, la digitalisation de la profession interroge la place du notaire sur des « marchés juridiques » en évolution (Canivet, 2017). Tout au long de la partie empirique, nous avons vu que les discours des notaires évoluent et qu’ils tentent de se positionner sur de nouveaux marchés, notamment grâce au développement d’applications digitales innovantes. Les services proposés par les notaires s’étoffent et le fonctionnement de la profession s’opère de moins en moins en vase clos, c’est-à-dire centré uniquement sur les activités monopolistiques (Amiel, 2019). Dans un contexte où l’avenir des activités monopolistiques est incertain (entre la menace politique de suppression des privilèges et celle d’automatisation par des technologies intelligentes), la digitalisation est mobilisée par Fednot comme un moyen de conforter la position d’intermédiaire de confiance des notaires au sein de la société, et ce faisant, de conquérir de nouvelles parts de marché sur leurs activités non monopolistiques. Fednot s’appuie sur la confiance, qui constitue un avantage concurrentiel de la profession (Tissot, 2018), en le combinant à une « approche client » provenant des discours sur la managérialisation du droit, pour développer de nouveaux business models. Le cas de Biddit est illustratif de cette stratégie pour pénétrer le marché de la vente gré à gré (sans se limiter à la vente publique, monopole des notaires). Cette combinaison permet aux notaires de garder un avantage stratégique sur les nouveaux entrants venus les concurrencer sur leurs activités non monopolistiques, tout en fidélisant les citoyens/clients. Sur des marchés qui s’ouvrent de plus en plus à de nouveaux acteurs (legaltech, Fintech, etc.), il s’agit d’une stratégie offensive pour se prémunir de la concurrence. Bien que Fednot entraine le notariat vers une forme plus entrepreneuriale, la dimension patrimoniale du métier demeure incontournable (Delmas, 2019). La proximité avec les citoyens, le conseil gratuit, et le rôle social du notaire sont plus que la contrepartie à son statut règlementé d’officier de l’État : ils représentent l’argument essentiel pour la survie du notariat. Comme l’énonce Anne Moysan-Louazel (2011 : 93), « la justification de l’existence de monopoles se fonde sur la reconnaissance de l’utilité sociale et de la compétence reliée à des besoins identifiés et sur le besoin de sécuriser les relations économiques et juridiques ». Autrement dit, tant que le notaire contribue à l’intérêt général, il est assuré de conserver son monopole. Si la digitalisation entraine une technicisation des pratiques sociales (Proulx, 2005), les notaires sont conscients que la survie de leur profession dépend avant tout de leur utilité sociale et de la qualité des services qu’ils assurent. L’évolution de leur identité professionnelle ne peut donc pas être pensée indépendamment des relations avec d’autres acteurs, à travers ce que Dubar (2010) appelle la « transaction relationnelle ». Dans un contexte de digitalisation des activités, il semble que le rôle du notaire évolue vers celui de facilitateur. Qu’il s’agisse de fluidifier les échanges avec l’administration, de faciliter l’accès des citoyens à l’information, ou encore d’organiser des interactions à distance par le biais de plateformes digitales, les notaires se posent en intermédiaire facilitateur et médiateur des transactions. Si les notaires ont toujours joué ce rôle d’intermédiaire, ce n’est que récemment qu’ils ont commencé à développer des applications digitales à des fins économiques sur base de cette caractéristique. Cette diversification du rôle d’intermédiaire se décline selon Bessy (2020) en trois fonctions : intermédiaire de confiance, intermédiaire du droit, et intermédiaire du marché. La première fonction renvoie à la mission sociale de médiateur et de facilitateur des notaires, qui assurent le bon déroulement des interactions entre l’État et les citoyens. La seconde fonction renvoie au 16 rôle plus technique de fabrication du droit à laquelle participent activement les notaires par leurs activités quotidiennes. La troisième fonction est liée à l’extension des activités notariales vers un modèle plus affairiste, « qui privilégie le profit au détriment de la qualité du service public et de la solidarité de la profession » (Delmas, 2019 : 199). Notre contribution montre que la digitalisation de la profession interroge l’équilibre entre ces trois fonctions. La digitalisation amorcée tend à créer des divisions au sein de la profession, entre des notaires particulièrement entrepreneurs et d’autres, très attachés aux missions juridiques et sociales du notariat. Dans un tel contexte, l’évolution de l’identité professionnelle dans un contexte de digitalisation repose sur un double travail. Il y a d’une part le travail entamé par la fédération professionnelle d’unification de la profession. Dans un contexte où la profession est soumise à de plus en plus de pressions externes, l’unité de la profession en matière de digitalisation est cruciale pour que le notariat se positionne comme un acteur important de l’organigramme juridique. Ce travail mené principalement par la fédération repose sur sa capacité à intéresser les notaires par la digitalisation. Il s’agit d’un travail symbolique, qui vise à proposer des évolutions digitales cohérentes avec les valeurs notariales et les règles du métier partagées par l’ensemble de la profession. D’autre part, il y a un travail en lien avec la reconnaissance externe, qui repose sur l’image que les notaires renvoient aux autres acteurs de l’écosystème. Il s’agit ici d’un travail politique visant à justifier l’intérêt des notaires dans la société et à légitimer l’ouverture à de nouveaux marchés (Lhuillier, 2005, p 77). Ce travail passe par le développement d’applications digitales qui intéressent tous les acteurs de l’écosystème (État, citoyen, etc.), et qui confortent la place du notaire comme intermédiaire indispensable au bon fonctionnement des interactions entre l’État et les citoyens. C’est ce double travail qui positionne les notaires dans un statut mixte entre entrepreneur et agent de l’État, indispensable à la survie de la profession. 5. Conclusion La digitalisation des études notariales résulte de trois vecteurs. Elle tient d’abord à la volonté des notaires eux-mêmes de renouveler l’image archaïque de leur profession ; elle provient ensuite de l’État, et plus particulièrement des administrations, qui souhaitent déléguer une partie du travail administratif d’encodage et digitaliser de nombreux services proposés aux citoyens ; et enfin, elle est animée par la fédération professionnelle, qui a fait de la digitalisation une priorité pour l’avenir du notariat. Il semble que la digitalisation met plus que jamais en doute l’homogénéité de la profession, déjà traversée par une tension entre le double rôle d’entrepreneur et d’officier public du notaire. L’appropriation des applications digitales, en se généralisant parmi les notaires, soulève des questions liées à l’évolution de leur identité professionnelle et plus particulièrement au rôle qu’ils occupent au sein de la société. En tant que moteur de la digitalisation, la fédération professionnelle tente de convaincre tous les notaires de l’intérêt de l’évolution digitale pour la profession. Ce faisant, elle développe des applications 1) visant à rendre les notaires indispensables dans l’organigramme juridique en répondant aux demandes de l’État, et 2) visant à s’annexer de nouvelles parts de marchés dans des activités où les notaires ne détiennent pas de monopole. Ce double mouvement soulève des questions qui sont liées au futur et à la survie de la profession, en exacerbant la tension entre le rôle d’entrepreneur et leur rôle de conseiller public des notaires. Les résultats montrent que le maintien de ce statut passe par un double travail à la fois symbolique et politique d’accompagnement des processus de digitalisation. Dans le cas des notaires, ce travail est principalement mené par leur Tous droits réservés © Département des relations industrielles de l’Université Laval, 2022 http://doi.org/10.7202/1094214ar 17 Relations industrielles / Industrial Relations 77(3) 2022 fédération professionnelle, qui a compris que la digitalisation serait un succès uniquement si elle intéresse l’ensemble des acteurs de l’écosystème dans lequel évoluent les notaires. 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Pourcentage de diplômés de l'enseignement tertiaire dans la population et différence de pourcentage de diplômés de ce niveau d'enseignement entre les 25-34 ans et les 55-64 ans (2011)
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Toutefois, parmi ces pays, la part privée n’a progressé d’au moins 3 points de pourcentage qu’au Canada (passant de 7.6 % à 10.7 %), au Mexique (de 13.9 % à 17.3 %), en République slovaque (de 2.4 % à 12.0 %) et au Royaume-Uni (de 11.3 % à 21.1 %). À l’inverse, entre 2000 et 2010, la part privée du financement n’a diminué de plus de 3 points de pourcentage qu’au Japon (passant de 10.2 % à 7.0 %). En dépit de ces différences, les dépenses publiques au titre des établissements d’enseignement primaire, secondaire et post-secondaire non tertiaire ont augmenté, entre 2000 et 2010, dans tous les pays dont les données sont comparables (voir le tableau B3.2a). 206 Regards sur l’éducation 2013 : Les indicateurs de l’OCDE   © OCDE 2013 Quelle est la répartition entre investissements public et privé dans l’éducation ? – Indicateur B3 chapitre B Graphique B3.2. Répartition des dépenses publiques et privées au titre des établissements d’enseignement (2010) Selon le niveau d’enseignement B3 Toutes dépenses privées confondues, y compris les subventions publiques à affecter aux paiements aux établissements d’enseignement Dépenses d’autres entités privées Dépenses des ménages Dépenses publiques au titre des établissements d’enseignement Norvège Royaume-Uni Chili1 Chili Corée Mexique Mexique Mexique Pays-Bas Australie Pays-Bas Australie Pays-Bas Australie Nouvelle-Zélande Rép. slovaque1 Argentine Slovénie Rép. tchèque Moyenne OCDE France Espagne États-Unis Israël Corée Royaume-Uni Corée Royaume-Uni Nouvelle-Zélande Nouvelle-Zélande 1 Rép. slovaque1 Suisse Canada1 Canada1 1 Argentine Argentine Slovénie Rép. tchèque Rép. tchèque Moyenne OCDE France Espagne Israël États-Unis Japon1 Pologne Autriche Irlande Belgique Italie Féd. de Russie Danemark 1 Islande Estonie Luxembourg Suède Finlande Portugal Norvège Chili 1 Rép. slovaque Slovénie Moyenne OCDE France Espagne Israël États-Unis Japon1 Autriche Irlande Belgique Italie Féd. de Russie Danemark 1 Islande Estonie Suède Finlande Portugal Pologne Enseignement tertiaire % 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Japon1 Autriche Belgique Italie Féd. de Russie Danemark1 Islande Estonie Luxembourg Suède Finlande Enseignement primaire, secondaire et post-secondaire non tertiare % 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Pologne Enseignement préprimaire % 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 1. Certains niveaux d’enseignement se confondent. Pour plus de détails, voir le code « x » dans le tableau B1.1a. Les pays sont classés par ordre décroissant de la part des dépenses publiques au titre des établissements d’enseignement primaire, secondaire et post-secondaire non tertiaire. Source : OCDE. Données relatives à l’Argentine : Institut de statistique de l’UNESCO (Programme des indicateurs de l’éducation dans le monde). Tableaux B3.2a et b. Voir les notes à l’annexe 3 (www.oecd.org/edu/rse.htm). 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932867989 Regards sur l’éducation 2013 : Les indicateurs de l’OCDE   © OCDE 2013 207 chapitre B Ressources financières et humaines investies dans l’éducation Dépenses publiques et privées au titre des établissements d’enseignement tertiaire B3 Le rendement privé élevé que procure l’enseignement tertiaire (voir l’indicateur A7) suggère qu’une participation plus importante des individus et d’autres entités privées aux coûts des études tertiaires peut se justifier, pour autant que des dispositifs soient en place pour garantir l’accès des étudiants à un financement, quelle que soit leur situation financière (voir l’indicateur B5). Dans tous les pays, la part privée des dépenses d’éducation est nettement plus élevée dans l’enseignement tertiaire – elle représente, en moyenne, 32 % des dépenses totales à ce niveau d’enseignement – que dans l’enseignement primaire, secondaire et post-secondaire non tertiaire (voir les tableaux B3.2a et b). La part des dépenses au titre de l’enseignement tertiaire financée par les particuliers, les entreprises et d’autres entités privées – y compris les versements privés subventionnés – est inférieure ou égale à 5 % au Danemark, en Finlande et en Norvège (où les frais de scolarité à verser aux établissements d’enseignement tertiaire sont peu élevés ou négligeables), mais supérieure à 40 % en Australie, au Canada, aux États-Unis, en Israël et au Japon, et passe la barre des 70 % au Chili, en Corée et au Royaume-Uni (voir le graphique B3.2 et le tableau B3.2b). En Corée et au Royaume‑Uni, la plupart des étudiants fréquentent des établissements privés (environ 80 % des étudiants fréquentent un établissement universitaire privé en Corée et 100 % des étudiants fréquentent un établissement privé subventionné par l’État au Royaume-Uni) et le budget des établissements y est essentiellement financé par les frais de scolarité (à hauteur de plus de 70 % en Corée et de plus de 50 % au Royaume-Uni). Dans les pays de l’OCDE, la contribution d’entités privées autres que les ménages au financement des établissements est, en moyenne, plus élevée dans l’enseignement tertiaire qu’aux autres niveaux d’enseignement. La contribution d’entités privées autres que les ménages au financement des établissements d’enseignement tertiaire atteint ou dépasse 9 % en Australie, en Autriche, au Canada, en Corée, aux États-Unis, en Israël, au Japon, aux Pays-Bas, en République slovaque, en République tchèque, au Royaume-Uni et en Suède. En Suède, cette contribution est en grande partie consacrée au financement des activités de recherche et développement. Dans de nombreux pays de l’OCDE, l’accroissement des taux de scolarisation dans l’enseignement tertiaire (voir l’indicateur C1) résulte de la forte demande de formation, tant de la part des individus que de la société. Cet accroissement est allé de pair avec une augmentation du niveau d’investissement de la part des pays, tant public que privé, et avec des variations des parts publique et privée du financement. En moyenne, dans les pays de l’OCDE dont les données tendancielles de toutes les années de référence sont disponibles, la part publique du financement des établissements d’enseignement tertiaire a légèrement régressé : elle est passée de 77 % en 1995 à 76 % en 2000, puis de façon plus rapide : de 71 % en 2005 à 68 % en 2010. Cette tendance s’observe surtout dans les pays non européens, où les frais de scolarité sont en général plus élevés et où les entreprises contribuent davantage au financement des établissements d’enseignement tertiaire, principalement sous la forme de bourses (voir le tableau B3.3, le graphique B3.3 et l’indicateur B5). Dans 20 des 24 pays qui disposent de données comparables pour 2000 et 2010, la part privée du financement des établissements d’enseignement tertiaire a progressé. De même, dans 11 des 20 pays dont les données de 1995 et de 2010 sont comparables, la part privée du financement de l’enseignement tertiaire a augmenté d’au moins 3 points de pourcentage durant cette période. Elle a progressé de plus de 10 points de pourcentage en Australie, en Italie, au Portugal et en République slovaque, et de plus de 50 points de pourcentage au Royaume‑Uni. En Australie, la progression de la part privée s’explique principalement par la restructuration du Higher Education Contribution Scheme (HECS) et du Higher Education Loan Programme (HELP), intervenue en 1997. Au Royaume‑Uni, la forte augmentation de la part privée s’explique par le fait que les frais de scolarité ont été plusieurs fois revus à la hausse ces dix dernières années (voir l’indicateur B5 et l’annexe 3 pour plus de précisions). La part privée du financement des établissements d’enseignement tertiaire n’a sensiblement diminué entre 1995 et 2010 qu’en Irlande et en République tchèque et, dans une moindre mesure, en Espagne et en Norvège (voir le tableau B3.3 et le graphique B3.3). En Irlande, la régression de la part privée tient, en grande partie, à la suppression progressive, ces dix dernières années, des frais de scolarité dans les premières formations tertiaires. 208 Regards sur l’éducation 2013 : Les indicateurs de l’OCDE   © OCDE 2013 chapitre B Quelle est la répartition entre investissements public et privé dans l’éducation ? – Indicateur B3 Graphique B3.3. Part des dépenses privées au titre des établissements d’enseignement (2000, 2005 et 2010) et évolution (en points de pourcentage) de cette part entre 2000 et 2010 B3 Norvège Finlande Islande Danemark2 Suède Belgique Autriche France Slovénie1 Irlande Espagne Rép. tchèque Argentine1 2010 Estonie1 Pays-Bas Pologne Mexique 2005 Rép. slovaque2 Italie Moyenne OCDE Nouvelle-Zélande1 Canada Féd. de Russie1 Israël Australie États-Unis Corée Japon2 Norvège Finlande Islande Danemark2 Suède Belgique Autriche France Slovénie1 Irlande Espagne Rép. tchèque Argentine 1 Estonie1 Pays-Bas Pologne Mexique Rép. slovaque2 Portugal Italie Moyenne OCDE Nouvelle-Zélande1 Canada Féd. de Russie1 Israël Australie Corée Japon2 Évolution (en points de pourcentage) de la part des dépenses privées entre 2000 et 2010 États-Unis Chili1 Royaume-Uni Royaume-Uni 50 45 40 35 30 25 20 15 10 5 0 -5 -10 Chili1 Points de pourcentage Portugal 2000 % 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 1. Les données de 2000 étant manquantes, l’évolution entre 2000 et 2010 n’est pas disponible. 2. Certains niveaux d’enseignement se confondent. Pour plus de détails, voir le code « x » dans le tableau B1.1a. Les pays sont classés par ordre décroissant de la part des dépenses privées au titre des établissements d’enseignement en 2010. Source : OCDE. Données relatives à l’Argentine : Institut de statistique de l’UNESCO (Programme des indicateurs de l’éducation dans le monde). Tableau B3.3. Voir les notes à l’annexe 3 (www.oecd.org/edu/rse.htm). 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932868008 Dans l’ensemble, les dépenses privées au titre des établissements d’enseignement ont augmenté à un rythme plus soutenu que les dépenses publiques entre 2000 et 2010. Toutefois, quelle que soit la variation des dépenses privées, l’investissement public dans l’enseignement tertiaire a également augmenté dans tous les pays dont les données de 2000 et de 2010 sont disponibles (voir le tableau B3.2b). Cinq des neuf pays où les dépenses privées ont le plus augmenté durant la période de référence (l’Autriche, le Mexique, la Pologne, la République slovaque et la République tchèque) comptent également parmi les dix pays où les dépenses publiques ont le plus augmenté (voir le tableau B3.2b). Dépenses publiques par élève/étudiant au titre des établissements d’enseignement, selon le type d’établissement Le niveau de dépenses publiques indique, en partie, la valeur que les gouvernements attachent à l’éducation (voir les indicateurs B2 et B4). Les fonds publics financent les établissements publics, mais une partie significative de ces fonds peut être consacrée aux établissements privés. Regards sur l’éducation 2013 : Les indicateurs de l’OCDE   © OCDE 2013 209 chapitre B Le tableau B3.4 rapporte l’investissement public dans les établissements d’enseignement à la taille des systèmes d’éducation au moyen des dépenses publiques unitaires effectuées au titre des établissements publics et privés (les fonds privés sont exclus du tableau B3.4, même si dans certains pays, ils représentent une part importante du budget des établissements d’enseignement, en particulier dans l’enseignement tertiaire). Cet indicateur vient donc en complément des dépenses publiques en pourcentage du revenu national (voir l’indicateur B2). En moyenne, dans les pays de l’OCDE, tous niveaux d’enseignement confondus, les dépenses publiques unitaires au titre des établissements publics (8 382 USD) représentent presque le double de celles relevées au titre des établissements privés (4 435 USD). Toutefois, les écarts varient selon le niveau d’enseignement. Les dépenses publiques unitaires au titre des établissements publics représentent environ le double de celles relevées au titre des établissements privés dans l’enseignement préprimaire (6 275 USD, contre 3 494 USD), tout comme dans l’enseignement primaire, secondaire et post-secondaire non tertiaire (8 412 USD, contre 5 029 USD). Elles représentent le triple dans l’enseignement tertiaire (11 382 USD, contre 3 826 USD). Dans les pays de l’OCDE, les dépenses publiques unitaires (établissements publics et privés confondus) s’élèvent, en moyenne, à 5 643 USD dans l’enseignement préprimaire. Toutefois, elles varient entre 1 906 USD au Mexique et plus de 20 000 USD au Luxembourg. Les dépenses publiques unitaires sont, en général, plus élevées au titre des établissements publics qu’au titre des établissements privés, mais ces derniers accueillent moins d’élèves dans l’ensemble. Au Mexique et aux Pays-Bas, par exemple, les dépenses publiques unitaires au titre des établissements privés sont négligeables, mais ces établissements n’accueillent qu’un pourcentage relativement faible de l’effectif d’élèves. Par contraste, les établissements privés accueillent la quasi-totalité de l’effectif d’élèves en Nouvelle-Zélande et les dépenses publiques unitaires au titre des établissements privés y sont supérieures à la moyenne (9 892 USD) (voir le tableau B3.4 et le tableau C2.2 dans l’indicateur C2). Graphique B3.4. Dépenses publiques annuelles par étudiant au titre des établissements d’enseignement tertiaire, selon le type d’établissement (2010) Établissements publics Établissements privés Total des établissements publics et privés En équivalents USD convertis sur la base des PPA 25 000 20 000 15 000 10 000 Chili (16 %) Corée (20 %) Royaume-Uni (0 %) Estonie (17 %) Pologne (73 %) Rép. slovaque (m) Mexique (68 %) Rép. tchèque (85 %) Hongrie (84 %) Israël (1 %) Japon (23 %) Italie (91 %) Portugal (77 %) Nouvelle-Zélande (89 %) Slovénie (90 %) Australie (93 %) Islande (82 %) États-Unis (70 %) Moyenne OCDE (68 %) Espagne (86 %) France (82 %) Pays-Bas (91 %)1 Autriche (m) Belgique (43 %) Finlande (77 %) Danemark (99 %) 0 Suède (90 %) 5 000 Norvège (86 %) B3 Ressources financières et humaines investies dans l’éducation Remarque : les chiffres entre parenthèses correspondent au pourcentage d’étudiants inscrits dans un établissement d’enseignement tertiaire public, calculs fondés sur des équivalents temps plein. 1. Les établissements privés subventionnés par l’État sont inclus dans la catégorie « Établissements publics ». Les pays sont classés par ordre décroissant de l’investissement public par élève/étudiant au titre des établissements d’enseignement publics et privés. Source : OCDE. Tableau B3.4. Voir les notes à l’annexe 3 (www.oecd.org/edu/rse.htm). 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932868027 210 Regards sur l’éducation 2013 : Les indicateurs de l’OCDE   © OCDE 2013 Quelle est la répartition entre investissements public et privé dans l’éducation ? – Indicateur B3 chapitre B Dans les pays de l’OCDE, les dépenses publiques unitaires, établissements publics et privés confondus, s’élèvent, en moyenne, à 7 705 USD dans l’enseignement primaire, secondaire et post-secondaire non tertiaire – soit les niveaux d’enseignement où la part des fonds publics est la plus élevée (voir le tableau B3.2a). Elles varient toutefois de 2 019 USD en Turquie à plus de 10 000 USD en Autriche, au Danemark, aux États-Unis, au Luxembourg, en Norvège et en Suède. À ces niveaux d’enseignement, la plupart des élèves fréquentent un établissement public et les dépenses publiques unitaires sont plus élevées au titre des établissements publics qu’au titre des établissements privés, sauf en Finlande, en Islande, en Israël, en Norvège et en Turquie. Dans ces cinq pays de l’OCDE, les établissements privés accueillent entre 7 % et 25 % de l’effectif d’élèves. Au Mexique et aux Pays-Bas, les dépenses publiques unitaires au titre des établissements privés sont peu élevées ou négligeables, car le secteur privé est marginal et la part des fonds publics dans son budget est insignifiante, voire nulle (voir le tableau C1.4 dans l’indicateur C1). Dans les pays de l’OCDE, les dépenses publiques par étudiant s’élèvent, en moyenne, à 8 676 USD dans l’enseignement tertiaire, établissements publics et privés confondus. Toutefois, elles varient d’environ 1 500 USD au Chili à plus de 17 000 USD au Danemark, en Norvège et en Suède, trois pays où les dépenses privées sont peu élevées, voire négligeables. Dans tous les pays dont les données sont disponibles, les dépenses publiques par étudiant sont plus élevées au titre des établissements publics qu’au titre des établissements privés (voir le tableau B3.4 et le graphique B3.4). Dans l’enseignement tertiaire, la répartition des fonds publics entre les établissements publics et privés varie selon les pays. Au Danemark et aux Pays-Bas, les établissements publics accueillent au moins 90 % des étudiants et absorbent la majeure partie des fonds publics. Dans ces pays, les dépenses publiques par étudiant au titre des établissements publics sont supérieures à la moyenne de l’OCDE, et les dépenses publiques par étudiant au titre des établissements privés sont négligeables. Le financement privé s’y ajoute au financement public à des degrés divers : les dépenses privées représentent moins de 5 % des dépenses totales au titre des établissements publics et privés au Danemark, mais plus de 28 % aux Pays-Bas (voir le graphique B3.4 et le tableau B3.2b). En Belgique, en Estonie, en Finlande, en Hongrie, en Islande et en Suède, les fonds publics financent les établissements publics et privés, et les dépenses publiques par étudiant au titre des établissements privés représentent au moins 59 % – et jusqu’à près de 100 % – des dépenses publiques par étudiant au titre des établissements publics de l’enseignement tertiaire (voir le tableau B3.4). Toutefois, la situation varie selon les pays. En Finlande, en Hongrie, en Islande et en Suède, 80 % au moins des étudiants fréquentent un établissement public, alors qu’en Belgique et en Estonie, la plupart des étudiants fréquentent un établissement privé subventionné par l’État. Dans tous ces pays, la part des dépenses privées au titre des établissements d’enseignement tertiaire est inférieure à la moyenne de l’OCDE. Dans les autres pays, les fonds publics financent essentiellement les établissements d’enseignement publics (voir le graphique B3.4 et le tableau B3.4). Définitions Par « autres entités privées », on entend les entreprises privées et les organisations sans but lucratif, notamment les organisations confessionnelles, caritatives, patronales et syndicales. Les dépenses privées comprennent toutes les dépenses privées directes au titre des établissements d’enseignement, qu’elles soient ou non compensées en partie par des aides publiques. La contribution des entreprises privées au financement du volet pratique des formations en alternance est également incluse. Les aides publiques aux ménages incluses dans les dépenses privées sont présentées séparément. Les parts publique et privée des dépenses au titre des établissements d’enseignement sont exprimées en pourcentage des dépenses publiques et privées totales. Les dépenses publiques se rapportent à la totalité des effectifs scolarisés dans les établissements publics et privés, que ces établissements reçoivent ou non un financement public. Regards sur l’éducation 2013 : Les indicateurs de l’OCDE   © OCDE 2013 211 B3 chapitre B B3 Ressources financières et humaines investies dans l’éducation Méthodologie Les données se rapportent à l’année budgétaire 2010 et proviennent de l’exercice UOE de collecte de données statistiques sur l’éducation réalisé par l’OCDE en 2012 (pour plus de précisions, voir l’annexe 3, www.oecd.org/ edu/rse.htm). Les dépenses en matière de biens et services d’éducation ne sont pas toutes effectuées au sein des établissements d’enseignement. Les familles peuvent, par exemple, acheter des fournitures et des manuels scolaires dans le commerce, ou recourir aux services d’un professeur particulier en dehors des établissements d’enseignement. Dans l’enseignement tertiaire, les frais de subsistance et le manque à gagner des étudiants pendant leur formation peuvent représenter une part importante du coût de l’éducation. Toutes ces dépenses effectuées en dehors des établissements d’enseignement sont exclues de cet indicateur, même si elles font l’objet de subventions publiques. Le financement public des coûts de l’éducation en dehors des établissements d’enseignement est étudié dans le cadre des indicateurs B4 et B5. Une partie du budget des établissements d’enseignement est consacrée aux services auxiliaires généralement proposés aux élèves/étudiants (cantine, logement et transport). La partie du coût de ces services financée par les élèves/étudiants est également incluse dans cet indicateur. Les données relatives aux dépenses de 1995 et de 2000 proviennent d’une enquête mise à jour en 2012 dans laquelle les dépenses de 1995 et 2000 ont été ajustées en fonction des méthodes et des définitions appliquées lors du dernier exercice UOE de collecte de données en date. Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem-Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international. Tableaux de l’indicateur B3 Tableau B3.1 Part relative des dépenses publiques et privées au titre des établissements d’enseignement, tous niveaux d’enseignement confondus (2000, 2010) 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932870972 Tableau B3.2a Part relative des dépenses publiques et privées au titre des établissements d’enseignement, selon le niveau d’enseignement (2000, 2010) 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932870991 Tableau B3.2b Part relative des dépenses publiques et privées au titre des établissements d’enseignement tertiaire (2000, 2010) 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932871010 Tableau B3.3 Évolution de la part relative des dépenses publiques au titre des établissements d’enseignement tertiaire et indice de variation entre 1995 et 2010 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932871029 Tableau B3.4 Dépenses publiques annuelles par élève/étudiant au titre des établissements d’enseignement, selon le type d’établissement (2010) 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932871048 212 Regards sur l’éducation 2013 : Les indicateurs de l’OCDE   © OCDE 2013 Quelle est la répartition entre investissements public et privé dans l’éducation ? – Indicateur B3 chapitre B Tableau B3.1. Part relative des dépenses publiques et privées au titre des établissements d’enseignement, tous niveaux d’enseignement confondus (2000, 2010) Répartition des dépenses publiques et privées au titre des établissements d’enseignement après les transferts de fonds publics, par année 2010 2000 Dépenses privées totales1 Part des subventions publiques dans les dépenses privées Dépenses privées Autres G20 OCDE Dépenses publiques Dépenses des ménages Dépenses d'autres entités privées Indice de variation entre 2000 et 2010 des dépenses au titre des établissements d’enseignement (2000 = 100, prix constants) Dépenses publiques Dépenses privées totales1 Dépenses publiques Dépenses privées totales1 (1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) Australie Autriche Belgique Canada2 Chili3 Rép. tchèque Danemark Estonie Finlande France Allemagne Grèce Hongrie Islande Irlande Israël Italie Japon Corée Luxembourg Mexique Pays-Bas Nouvelle-Zélande Norvège Pologne Portugal Rép. slovaque Slovénie Espagne Suède Suisse Turquie Royaume-Uni États-Unis 74.1 91.0 94.8 75.8 57.9 87.7 94.5 93.0 97.6 89.8 m m m 90.4 92.5 77.6 90.1 70.2 61.6 m 80.5 83.3 82.6 m 86.2 92.6 84.2 88.4 85.4 97.5 m m 68.6 69.4 20.2 3.6 3.9 10.3 37.8 7.9 4.4 5.2 x(4) 7.3 m m m 8.4 6.9 15.4 8.1 20.4 27.7 m 19.3 7.3 17.4 m x(4) 5.6 10.9 10.2 13.6 n m m 19.7 24.5 5.7 5.4 1.3 13.9 4.4 4.3 m 1.8 x(4) 2.9 m m m 1.3 0.6 7.0 1.8 9.4 10.8 m 0.2 9.4 x(2) m x(4) 1.8 4.9 1.4 1.0 2.5 m m 11.7 6.1 25.9 9.0 5.2 24.2 42.1 12.3 5.5 7.0 2.4 10.2 m m m 9.6 7.5 22.4 9.9 29.8 38.4 m 19.5 16.7 17.4 m 13.8 7.4 15.8 11.6 14.6 2.5 m m 31.4 30.6 1.1 6.0 1.9 0.5 2.7 n m m n m m m m a n 2.1 1.9 m 1.2 m 1.3 2.6 m m m m 2.0 n 0.4 a m m 22.4 m 74.1 94.0 94.3 79.9 m 89.9 96.0 m 98.0 91.2 86.1 93.8 m 90.0 90.5 79.8 94.3 71.0 59.2 m 85.3 84.1 m 95.0 89.0 98.6 96.4 m 87.4 97.0 91.8 98.6 85.2 72.0 25.9 6.0 5.7 20.1 m 10.1 4.0 m 2.0 8.8 13.9 6.2 m 10.0 9.5 20.2 5.7 29.0 40.8 m 14.7 15.9 m 5.0 11.0 1.4 3.6 m 12.6 3.0 8.2 1.4 14.8 28.0 159 118 126 124 m 158 125 143 136 109 m m 126 136 194 130 100 109 195 m 139 137 138 142 147 112 159 m 140 127 122 m 120 131 159 183 114 158 m 198 174 m 159 128 m m m 131 151 148 184 113 177 m 196 146 m m 190 615 790 m 167 104 m m 317 148 Moyenne OCDE Moyenne UE21 83.6 89.3 ~ ~ ~ ~ 16.4 10.7 2.4 3.1 87.9 92.1 12.1 7.9 136 134 211 241 Argentine Brésil Chine Inde Indonésie Fédération de Russie Arabie saoudite Afrique du Sud 85.2 m m m m 84.2 m m 12.3 m m m m 11.6 m m 2.5 m m m m 4.1 m m 14.8 m m m m 15.8 m m n m m m m a m m m m m m m m m m m m m m m m m m m 239 m m m 222 m m m m m m m m m m m m m m m m m m m Moyenne G20 1. 2. Année de référence : 2009 (et non 2010). 3. Année de référence : 2011 (et non 2010). Source : OCDE. Données relatives à l’Argentine : Institut de statistique de l’UNESCO (Programme des indicateurs de l’éducation dans le monde). Voir les notes à l’annexe 3 (www.oecd.org/edu/rse.htm). Les symboles représentant les données manquantes figurent dans le Guide du lecteur. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932870972 Regards sur l’éducation 2013 : Les indicateurs de l’OCDE   © OCDE 2013 213 B3 chapitre B Ressources financières et humaines investies dans l’éducation Tableau B3.2a. Part relative des dépenses publiques et privées au titre des établissements d’enseignement, selon le niveau d’enseignement (2000, 2010) Répartition (en pourcentage) des dépenses publiques et privées au titre des établissements d’enseignement après les transferts de fonds publics, par année 2000 Dépenses d'autres entités privées (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10) (11) (12) (13) (14) 0.3 18.1 0.1 x(8) 2.1 1.4 n n x(4) n m x(8) m 3.8 m n 0.1 16.9 2.7 0.2 0.1 a x(2) m m m 1.1 0.1 m n m m n a 44.2 27.8 3.6 x(9) 16.9 8.0 13.3 1.5 9.9 6.3 m x(9) m 24.3 m 21.7 8.2 54.8 47.5 1.2 16.4 5.8 15.2 15.4 21.0 m 17.7 20.9 26.8 n m m 8.6 29.1 0.9 27.0 0.8 x(6) n n m m n m m m m a m 0.1 n m 2.6 n 0.2 3.1 m n n m 0.5 n n n m m 8.4 a 84.7 95.5 96.0 89.3 78.6 90.8 97.6 98.7 99.2 92.0 m m m 96.2 95.9 92.4 96.6 93.0 78.5 97.8 82.7 86.9 87.4 m 93.8 100.0 88.0 91.3 91.8 99.9 88.1 m 78.9 92.3 12.8 3.0 3.8 3.9 19.1 7.3 2.4 1.0 x(9) 6.5 m m m 3.5 4.1 4.0 3.2 5.0 18.2 1.9 17.2 4.4 12.6 m 6.2 n 10.2 8.1 8.2 n n m 10.5 7.7 2.5 1.5 0.2 6.8 2.4 1.9 n 0.3 x(9) 1.5 m n m 0.2 m 3.6 0.1 2.0 3.2 0.3 0.1 8.7 x(7) m m m 1.8 0.6 m a 11.9 m 10.6 m 15.3 4.5 4.0 10.7 21.4 9.2 2.4 1.3 0.8 8.0 m m m 3.8 4.1 7.6 3.4 7.0 21.5 2.2 17.3 13.1 12.6 m 6.2 n 12.0 8.7 8.2 n 11.9 m 21.1 7.7 1.4 1.7 1.3 x(6) a n n m n m m m n a n 1.2 n m 0.7 m 1.5 3.5 m m m m 2.2 n a n 0.7 m 22.2 a 83.7 95.8 94.7 92.4 m 91.7 97.8 m 99.3 92.6 87.1 91.7 m 96.4 96.0 94.1 97.8 89.8 80.8 m 86.1 85.7 m 99.0 95.4 99.9 97.6 m 93.0 99.9 88.9 m 88.7 91.7 16.3 4.2 5.3 7.6 m 8.3 2.2 m 0.7 7.4 12.9 8.3 m 3.6 4.0 5.9 2.2 10.2 19.2 m 13.9 14.3 m 1.0 4.6 0.1 2.4 m 7.0 0.1 11.1 m 11.3 8.3 164 108 124 131 m 144 124 142 137 104 m m 123 128 213 135 104 110 177 m 131 139 130 130 135 111 165 m 126 117 120 m 137 131 152 117 93 191 m 161 138 m 162 113 m m m 134 216 179 162 72 204 m 170 126 m m 188 88 924 m 149 63 130 m 289 118 Moyenne OCDE Moyenne UE21 82.1 88.7 ~ ~ ~ ~ 17.9 11.3 2.1 2.2 91.5 93.9 ~ ~ ~ ~ 8.5 6.1 1.7 0.7 92.9 94.4 7.1 5.6 134 136 181 198 Argentine Brésil Chine Inde Indonésie Fédération de Russie Arabie saoudite Afrique du Sud 69.3 m m m m 87.9 m m 30.7 m m m m 10.2 m m n m m m m 1.9 m m 30.7 m m m m 12.1 m m m m m m m a m m 89.8 m m m m 96.9 m m 10.2 m m m m 1.5 m m a m m m m 1.5 m m 10.2 m m m m 3.1 m m m m m m m a m m m m m m m m m m m m m m m m m m m 259 m m m 196 m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m Moyenne G20 Dépenses publiques Dépenses des ménages (2) 43.9 9.7 3.5 x(7) 14.8 6.5 13.3 1.3 x(4) 6.2 m x(7) m 20.5 m 21.7 8.1 37.9 44.8 1.0 16.3 5.8 15.2 15.4 21.0 m 16.6 20.8 26.8 n m m 8.6 29.1 Dépenses publiques Dépenses d'autres entités privées (1) 55.8 72.2 96.4 x(6) 83.1 92.0 86.7 98.5 90.1 93.7 m x(6) m 75.7 m 78.3 91.8 45.2 52.5 98.8 83.6 94.2 84.8 84.6 79.0 m 82.3 79.1 73.2 100.0 m m 91.4 70.9 Dépenses publiques Dépenses des ménages Dépenses privées totales1 2010 Dépenses privées Dépenses privées totales1 Part des subventions publiques dans les dépenses privées 2010 Dépenses privées Indice de variation entre 2000 et 2010 des dépenses au titre des établissements d’enseignement (2000 = 100, prix constants) Australie Autriche Belgique Canada2, 3 Chili4 Rép. Pour déduire les aides des dépenses privées, il suffit de soustraire les aides publiques (colonnes 5, 10) des dépenses privées (colonnes 4, 9). Pour obtenir les dépenses publiques totales, aides publiques comprises, il suffit d’additionner les aides publiques (colonnes 5, 10) et les dépenses publiques directes (colonnes 1, 6). 2. Année de référence : 2009 (et non 2010). 3. Certains niveaux d’enseignement se confondent. Pour plus de détails, voir le code « x » dans le tableau B1.1a. 4. Année de référence : 2011 (et non 2010). Source : OCDE. Données relatives à l’Argentine : Institut de statistique de l’UNESCO (Programme des indicateurs de l’éducation dans le monde). Voir les notes à l’annexe 3 (www.oecd.org/edu/rse htm). Les symboles représentant les données manquantes figurent dans le Guide du lecteur. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932870991 214 Regards sur l’éducation 2013 : Les indicateurs de l’OCDE   © OCDE 2013 Quelle est la répartition entre investissements public et privé dans l’éducation ? – Indicateur B3 chapitre B Tableau B3.2b. Part relative des dépenses publiques et privées au titre des établissements d’enseignement tertiaire (2000, 2010) Répartition (en pourcentage) des dépenses publiques et privées au titre des établissements d’enseignement après les transferts de fonds publics, par année B3 Enseignement tertiaire 2010 2000 Dépenses privées Autres G20 OCDE Dépenses Dépenses d’autres entités Dépenses privées publiques des ménages Indice de variation entre 2000 et 2010 des dépenses au titre des établissements d’enseignement (2000 = 100, prix constants) Dépenses privées totales1 Part des subventions publiques dans les dépenses privées Dépenses publiques Dépenses privées totales1 Dépenses publiques Dépenses privées totales1 (1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) Australie Autriche Belgique Canada2, 3 Chili4 Rép. tchèque Danemark3 Estonie Finlande France Allemagne Grèce Hongrie Islande Irlande Israël Italie Japon3 Corée Luxembourg Mexique Pays-Bas Nouvelle-Zélande Norvège Pologne Portugal Rép. slovaque3 Slovénie Espagne Suède Suisse Turquie Royaume-Uni États-Unis 46.5 87.8 89.8 56.6 22.1 78.8 95.0 75.4 95.9 81.9 m m m 91.2 81.2 54.2 67.6 34.4 27.3 m 69.9 71.8 66.3 96.0 70.6 69.0 70.2 84.7 78.2 90.6 m m 25.2 36.3 39.0 2.6 4.7 19.5 70.1 9.4 x(4) 17.9 x(4) 10.1 m m m 8.2 16.3 29.6 24.4 51.5 47.1 m 29.8 14.7 33.7 3.3 22.5 23.4 11.8 10.6 17.6 n m m 56.1 47.8 14.5 9.5 5.6 23.9 7.8 11.8 x(4) 6.7 x(4) 8.0 m m m 0.6 2.5 16.1 8.0 14.1 25.6 m 0.4 13.5 m m 6.9 7.6 18.0 4.7 4.2 9.4 m m 18.7 15.9 53.5 12.2 10.2 43.4 77.9 21.2 5.0 24.6 4.1 18.1 m m m 8.8 18.8 45.8 32.4 65.6 72.7 m 30.1 28.2 33.7 4.0 29.4 31.0 29.8 15.3 21.8 9.4 m m 74.8 63.7 0.5 7.7 4.4 1.1 7.3 n m n n m m m m a n 5.8 9.0 m 1.0 m 1.3 0.3 m m m m 2.2 n 1.7 a m m 26.5 m 49.9 96.3 91.5 61.0 m 85.4 97.6 m 97.2 84.4 88.2 99.7 m 91.8 79.2 58.5 77.5 38.5 23.3 m 79.4 76.5 m 96.3 66.6 92.5 91.2 m 74.4 91.3 m 95.4 67.7 37.4 50.1 3.7 8.5 39.0 m 14.6 2.4 m 2.8 15.6 11.8 0.3 m 8.2 20.8 41.5 22.5 61.5 76.7 m 20.6 23.5 m 3.7 33.4 7.5 8.8 m 25.6 8.7 m 4.6 32.3 62.6 142 153 124 126 m 195 121 150 133 122 m m 119 144 145 111 103 105 204 m 152 133 151 127 215 114 147 m 151 133 131 m 101 145 163 549 151 151 m 308 261 m 198 145 m m m 156 127 132 171 125 166 m 252 169 m 138 178 632 651 m 122 144 m m 359 152 Moyenne OCDE Moyenne UE21 68.4 77.3 ~ ~ ~ ~ 31.6 22.7 3.4 2.1 77.4 85.7 22.6 14.3 139 139 233 278 Argentine Brésil Chine Inde Indonésie Fédération de Russie Arabie saoudite Afrique du Sud 77.2 m m m m 62.2 m m 11.1 m m m m 28.2 m m 11.7 m m m m 9.6 m m 22.8 m m m m 37.8 m m m m m m m a m m m m m m m m m m m m m m m m m m m 188 m m m 334 m m m m m m m m m m m m m m m m m m m Moyenne G20 1. Pour déduire les aides des dépenses privées, il suffit de soustraire les aides publiques (colonne 5) des dépenses privées (colonne 4). Pour obtenir les dépenses publiques totales, aides publiques comprises, il suffit d’additionner les aides publiques (colonne 5) et les dépenses publiques directes (colonne 1). 2. Année de référence : 2009 (et non 2010). 3. Certains niveaux d’enseignement se confondent. Pour plus de détails, voir le code « x » dans le tableau B1.1a. 4. Année de référence : 2011 (et non 2010). Source : OCDE. Données relatives à l’Argentine : Institut de statistique de l’UNESCO (Programme des indicateurs de l’éducation dans le monde). Voir les notes à l’annexe 3 (www.oecd.org/edu/rse.htm). Les symboles représentant les données manquantes figurent dans le Guide du lecteur. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932871010 Regards sur l’éducation 2013 : Les indicateurs de l’OCDE   © OCDE 2013 215 chapitre B Ressources financières et humaines investies dans l’éducation Tableau B3.3. Évolution de la part relative des dépenses publiques1 au titre des établissements d’enseignement tertiaire et indice de variation entre 1995 et 2010 2000 = 100 B3 Indice de variation entre 1995 et 2010 des dépenses publiques au titre des établissements d’enseignement tertiaire (2000 = 100, prix constants) OCDE Part des dépenses publiques au titre des établissements d’enseignement tertiaire (en %) 1995 2000 2005 2008 2009 2010 1995 2000 2005 2008 2009 (1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10) (11) (12) Australie Autriche Belgique Canada2, 3 Chili4 Rép. tchèque Danemark2 Estonie Finlande France Allemagne Grèce2 Hongrie Islande2 Irlande Israël Italie Japon2 Corée Luxembourg Mexique Pays-Bas Nouvelle-Zélande Norvège Pologne Portugal Rép. slovaque2 Slovénie Espagne Suède Suisse Turquie Royaume-Uni États-Unis 64.6 96.1 m 56.6 m 71.5 99.4 m 97.8 85.3 89.2 m m m 69.7 62.5 82.9 35.1 m m 77.4 79.4 m 93.7 m 96.5 95.4 m 74.4 93.6 m 96.3 80.0 38.6 49.9 96.3 91.5 61.0 m 85.4 97.6 m 97.2 84.4 88.2 99.7 m 91.8 79.2 58.5 77.5 38.5 23.3 m 79.4 76.5 m 96.3 66.6 92.5 91.2 m 74.4 91.3 m 95.4 67.7 37.4 45.4 92.9 90.6 53.4 15.9 81.2 96.7 69.9 96.1 83.6 85.3 96.7 78.5 90.5 84.0 46.5 73.2 33.7 24.3 m 69.0 73.0 59.7 m 74.0 68.1 77.3 76.5 77.9 88.2 m m m 39.7 44.9 84.7 89.8 58.7 14.6 79.1 95.5 78.8 95.4 81.7 85.4 m m 92.2 82.6 51.3 70.7 33.3 22.3 m 70.1 71.5 70.4 96.9 69.6 62.1 73.1 83.8 78.9 89.1 m m 45.7 39.1 45.4 87.7 89.7 62.9 23.4 79.9 95.4 80.2 95.8 83.1 84.4 m m 92.0 83.8 58.2 68.6 35.3 26.1 m 68.7 71.1 67.9 96.1 69.7 70.9 70.0 85.1 79.1 89.8 m m 42.2 37.8 46.5 87.8 89.8 56.6 22.1 78.8 95.0 75.4 95.9 81.9 m m m 91.2 81.2 54.2 67.6 34.4 27.3 m 69.9 71.8 66.3 96.0 70.6 69.0 70.2 84.7 78.2 90.6 m m 25.2 36.3 116 96 m 69 m 84 93 69 90 93 96 63 m m 48 75 85 80 m m 75 99 103 93 89 77 86 m 72 84 90 55 115 85 100 100 100 100 m 100 100 100 100 100 100 100 m 100 100 100 100 100 100 m 100 100 100 100 100 100 100 m 100 100 100 100 100 100 110 129 101 108 m 148 115 109 115 106 102 229 m 142 106 89 101 94 132 m 119 113 119 120 193 102 127 m 119 111 129 m m 135 121 131 118 121 m 190 114 149 122 116 118 m m 165 143 97 110 101 155 m 136 121 158 122 202 99 145 m 143 117 117 m 114 148 134 142 123 130 m 202 121 164 127 121 120 m m 159 156 109 104 106 183 m 146 127 157 128 211 109 139 m 149 125 128 m 117 150 142 153 124 126 m 195 121 150 133 122 m m m 144 145 111 103 105 204 m 152 133 151 127 215 114 147 m 151 133 131 m 101 145 Moyenne OCDE Moyenne OCDE 78.9 77.4 70.4 69.4 70.4 68.4 84 100 122 132 139 140 76.7 75.6 70.9 68.8 69.8 68.0 84 100 114 126 133 135 86.3 85.5 81.5 77.7 78.3 76.4 84 100 116 129 135 138 Argentine Brésil Chine Inde Indonésie Fédération de Russie Arabie saoudite Afrique du Sud m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m m 62.2 m m m 84 m m m m m m m 100 m m m 100 m m m 127 m m m 226 m m m 159 m m m 333 m m m 162 m m m 379 m m m 188 m m m 334 m m Moyenne G20 m m m m m m m m m m m m (pour les pays dont les valeurs sont disponibles pour toutes les années de référence) Autres G20 Moyenne UE21 1. 2. Certains niveaux d’enseignement se confondent. Pour plus de détails, voir le code « x » dans le tableau B1.1a. 3. Année de référence : 2009 (et non 2010). 4. Année de référence : 2011 (et non 2010). Source : OCDE. Voir les notes à l’annexe 3 (www.oecd.org/edu/rse.htm). Les symboles représentant les données manquantes figurent dans le Guide du lecteur. 1 2 http://dx.doi.org/10.1787/888932871029 216 Regards sur l’éducation 2013 : Les indicateurs de l’OCDE   © OCDE 2013 2010 chapitre B Quelle est la répartition entre investissements public et privé dans l’éducation ? – Indicateur B3 Tableau B3.4.
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a) l'interaction avec un «ordre local» qui semble être «un mélange» d'OCD et de micro précipités ordonnés, se traduit à la fois par un mouvement de dislocations appariées et des ancrages ponctuels sur ces dislocations qui créent un durcissement structural. Le supplément de contrainte créé par l'empilement de deux dislocations séparées par une distance X ≈ 50 nm est égal à μb2/2πX ∼ 40 MPa. C'est donc surtout la contrainte de cisaillement appliquée (≈ 550 MPa qui assure le glissement des dislocations dans cette situation, cette contrainte appliquée est assimilée à la CRSS déterminé par Duval et al. La contribution de l'effet d'empilement (contrainte interne) intervient pour 10 % environs de la contrainte appliquée. b) l'ancrage de coeur des vis. Nous avons évalué l'amplitude de cet ancrage par la variation relative de l'énergie ΔEv/Ev par unité de longueur du brin vis associée à cet ancrage. Cette quantité a été obtenue par la mesure de l'angle d'échappement [Castany et al. 2007]. Nous avons obtenu ΔEv/Ev ≈ 0,2 avec 1 Ev = 1,6 nJ/m soit ΔEv ≈ 0,32 nJ/m. Cette énergie correspond au travail de la contrainte pour arracher le brin vis de la zone d'ancrage. Si on admet que la contrainte reste constante pendant l'arrachement on a ΔEv ≈ τbΔl. Comme on observe « in situ » que la vis se débloque pour une contrainte voisine de celle qui permet de franchir les nano-obstacles (∼ 200 MPa), nous pouvons en déduire la valeur du volume bΔl = 1,6 nm2 que nous considérons comme l'aire d'activation du processus ce qui correspond bien à l'ordre de grandeur de l'étalement du coeur des dislocations dans le titane obtenu par les calculs à l'échelle atomique [Vitek et al. 1991]. • Dans la phase β certains obstacles sont de même nature (coeur des vis, forêt et solution solide) ; nous n'avons pas vu d'évidence d'ordre local. Par contre le confinement de la déformation entre les lamelles αs nécessite une contrainte de cisaillement que nous pouvons évaluer. La situation qui nécessite le plus de contrainte est réalisée lorsqu'il s'agit de courber une dislocation vis dans les couloirs les plus étroits (50 nm). La contrainte nécessaire est τ = T Rb avec R = d/2 (d = largeur du couloir, T = tension de ligne du brin vis ≈ 1,6 nJ/m). On obtient τ ≈ 200 MPa • Contribution de ces différentes sources à la résistance des alliages de titane. Nous portons sur le Tableau 3 l'ordre de grandeur des contributions que nous avons évaluées ci-dessus. Nous noterons respectivement τvis, τDS, τconf, τordre, τforêt, τss les différentes contributions à la contrainte correspondant respectivement à l'ancrage des brins vis, au durcissement structural, à l'ordre local, à la forêt et à la solution solide. αp β αs τvis τDS τconf (MPa) (MPa) (MPa) 200?? 200 X 200 250 Tableau 3. Contributions des différentes sources à la résistance de l'alliage. 1 Ev = μb2/4π Log R/r0 = 1,6. 10‐9 J/m avec μ = 40 GPa, b = r0 = 0,275 nm, R = 200 nm 135 Chapitre VI : Discussion Il est évident que certaines contributions s'ajoutent. Par exemple : ‐ ‐ Lorsque dans la phase α les vis ancrées par leur coeur doivent en plus franchir des micro précipités la contrainte nécessaire est τvis + τDS Lorsque dans la phase β les vis ancrées doivent en plus se courber pour se propager entre les lamelles αs la contrainte correspondante est τvis + τconf Il ne faut pas oublier que ce sont des contraintes de cisaillement. Pour atteindre la contrainte macroscopique on utilise τ = σ. (s = facteur de Schmid) et on obtient ainsi bien l'ordre de grandeur de la contrainte fournie par les essaies de traction macroscopique. VI.3. Comparaison avec les résultats des partenaires PROMITI. Le projet PROMITI regroupe différents collaborateurs. Au cours des paragraphes suivants nous comparerons et mettrons en parallèles nos résultats à ceux obtenus par les équipes partenaires à Nancy, Poitiers et Paris. VI.3.1. Comparaison avec les travaux d'Amico Settefrati, Institut Jean Lamour (LSG2M). Au cours de sa thèse sur le Ti 5553 A. Settefrati a étudié les cinétiques de transformation de phase, la prédiction des cinétiques, la transformation du revenu à partir d'une structure 100% β-métastable ou α+β-métastable. Une étude des propriétés mécaniques sur des microstructures modèles a également été réalisée ainsi que des calculs micromécaniques. Ces travaux ont permis d'établir en particulier la cinétique de transformation nécessaire à l'obtention des microstructures des alliages Ti 5553 et Ti 17 et l'établissement d'un modèle prédictif. Lors de sa thèse Settefrati a également montré par des observations MEB et au travers de calculs micromécaniques la morphologie et l'arrangement que prennent les lamelles αs. 3.1.a. Cinétique de transformation, Contraintes interne s. Grace à l'établissement des courbes donnant les paramètres de maille des différentes phases en fonction de la température réalisées à l'ESRF par l 'équipe de l'IJL, nous avons pu ( - ). 3.1.b. Morphologie et arrangement spatial des précipités. Au cours de notre étude sur la caractérisation microstructurale des alliages, nous avons pensé dans un premier temps que les phases αs avaient une morphologie de « cigare aplati ». En effet dans la littérature, le terme cigare ou aiguille revient relativement souvent lorsqu'il s'agit de qualifier la morphologie des lamelles αs du Ti 17 [Gourbesvilles 2000, Delfosse 2005]. Par la suite, des observations au MEB (Figure 98) sur un échantillon ayant une bonne orientation cristallographique, des calculs micromé niques et de champ de phase ont permis de démontrer que les précipités possèdent une morphologie lenticulaire et s'arrangent selon les plans (111) de la matrice (Figure 99). Figure 98. Micrographie MEB présentant les quatre variants des lamelles αs se plaçant au voisinage des plans (111) de la matrice β cubique centrée (gris clair) [Settefrati 2012]. Chapitre VI : Discussion Figure 99. Distribution spatiale déterminée numériquement par A. Settefrati. [Settefrati 2012]. VI.3.2. Comparaison avec les travaux de Timothée Duval et P. Villechaise, Institut P' (ENSMA). Au cours de ses travaux T. Duval a notamment étudié par déformation MEB in situ les mécanismes de déformation et d'endommagement des alliages Ti 17 et Ti 5553. Il a ainsi pu montrer où la déformation semble commencer, sa localisation dans la microstructure, son hétérogénéité, et l'importance de l'orientation des grains β vis à vis de la sollicitation. 3.2.a. Origine de la déformation. Au cours de ses différents essais tant post mortem qu'in situ, T. Duval a montré que les tout premiers stades de la déformation semblent se dérouler au sein de la phase αp avec notamment l'observation de bandes de cisaillement qui semblent naître dans les nodules αp (Figure 100). Des traces de plasticité sans aucun lien direct avec la phase αp semblent aussi apparaître dans la solution constituée des phases αs et β (Figure 101). Les auteurs ont pu grâce à la technique de déformation in situ dans un MEB, trouver les valeurs des contraintes critiques résolues CRSS (Critical Resolved Shear Stress) nécessaires à l'activation du glissement dans le plan basal, le prismatique et le pyramidal. Ces valeurs sont présentées dans le Tableau 4 et sont relativement semblables. Lors de nos différentes observations nous avons observé principalement des dislocations glissant dans des plans de base et prismatiques. L'absence d'observation de dislocations glissant dans le plan pyramidal peut être due à la microstructure local qui n'est pas favorablement orientée pour favoriser l'activation de ce plan. 138 Chapitre VI : Discussion Systèmes CRSS Ecart Type Basal 538,45 MPa 31,02 MPa Prismatique 549,53 MPa 38,36 MPa Pyramidal 546,38 MPa 26,52 MPa Tableau 4. CRSS nécessaire à l'activation de glissement dans les plans de base, prismatiques et pyramidaux [Duval 2012 ]. Ces résultats sont en accord avec ceux observés en MET où l'émission de dislocations depuis les interfaces αp/β et la présence de sources de dislocations au sein de cette même phase ont été observées. Par ailleurs, comme nous l'avons dit dans le chapitre IV nous ne pouvons pas affirmer que la déformation commence uniquement dans la phase αp. Nous avons en effet montré que la phase β se déforme plastiquement, mais nous n'avons jamais pu assister à la nucléation de dislocations au sein de cette phase. Figure 100. Micrographie montrant des bandes de glissement dans la phase αp de l'alliage Ti 5553 lors des premiers instants de la déformation plastique [Duval 2012]. Chapitre VI : Discussion Figure 101. Micrographie MEB présentant des bandes de glissement dans la phase comprenant la matrice β + αs [Duval 2012]. 3.2.b. Localisation et hétérogénéité de la déformation. Les auteurs ont également montré une localisation de la déformation, avec principalement des traces de glissement dans les nodules αp. Ils ont également montré une hétérogénéité de la déformation en fonction de l'orientation des grains par rapports à l'axe de sollicitation. Ils ont aussi identifié une activation principale de certains systèmes de glissement (Figure 100). On peut supposer que les systèmes de glissement les plus activés sont ceux qui sont en relation d'orientation de Burgers avec la phase β, ce qui rend la déformation plus facile. L'interface joue ainsi l'effet d'un « filtre » en imposant une sorte de sélection des systèmes de glissement et donc une hétérogénéité de la déformation. Nous avons également remarqué cette hétérogénéité, en effet dans un échantillon déformé post mortem jusqu'à la rupture, nous avons observé des grains à l'intérieurs desquels les lamelles αs sont complètement déformées alors que dans le grain voisin ce n'est pas le cas (Figure 43 – chapitre IV). Enfin nous devons souligner que le lien avec la quatrième équipe partenaire s'est fait majoritairement via les résultats obtenus à l'échelle mésoscopique qui fournissent les données expérimentales nécessaires à la modélisation. La détermination des systèmes de glissement que nous avons faite et qui est en accord avec les résultats obtenus dans l'équipe partenaire de Poitiers, participe à cette interaction multiéchelle modélisation / expérience. Chapitre VI : Discussion 3.2.c. Conclusion. Au cours de ce travail nous avons pu, à de nombreuses reprises, comparer nos différents résultats. Ces deux études sont parfaitement complémentaires et vont dans le même et montrent que : − La déformation semble commencer dans la phase αp, − La phase β se déforme plastiquement, − Il y a une hétérogénéité et une localisation de la déformation. Chapitre VI : Discussion Au cours de cette thèse nous avons étudié la dernière génération d'alliages de titane, celle des β-métastables et notamment les alliages Ti 17 (Ti-5Al-2Sn-2Zr-4Mo-4Cr) et Ti 5553 (Ti-5Al5Mo-5V-3Cr). Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet PROMITI dont l'objectif est l'étude multi-échelles des PROpriétés et des MIcrostructures des alliages de TItane βmétastables. Notre contribution à ce projet concerne l'étude aux échelles microscopiques et nanoscopiques des microstructures et des micro-mécanismes de déformation dans ces alliages qui sont des alliages industriels. Nous avons dans un premier temps caractérisé les deux microstructures en utilisant des techniques de microscopie électronique conventionnelle telle que la diffraction électronique mais aussi des techniques plus avancées comme la HREM ou l'ACOM (Automated Crystal Latice Orientation). Nous avons montré que : - - - - L'alliage Ti 17 précipite de façon hétérogène au sein d'un même grain, avec des colonies de plaquettes de phase αp d'un coté et des colonies de phase αs de l'autre. L'alliage de Ti 5553 précipite de façon homogène avec une répartition aléatoire de nodules αp et αs. Dans ces deux alliages les relations d'orientation liant les phases α à la phase β sont respectées et les phases αp de ces deux alliages sont le siège d'une nano précipitation de phase Ti3Al. Les phases αs ont une morphologie lamellaire ou lenticulaire. Pour la première fois nous avons mis en évidence et caractérisé une sous-structure hiérarchique à l'intérieur de ces lamelles αs, le Ti 5553 possédant une famille de sous structure le Ti 17, lui, en possède deux. Compte tenu des observations réalisées en HREM nous pensons que ces sous domaines servent à accommoder la contrainte (maclage). L'existence de zones très fortement écrouies au voisinage des interfaces α/β dans la phase αp. Nous avons, dans un deuxième temps, identifié le chemin de la déformation et les obstacles qui contrôlent le glissement des dislocations le long de ce chemin et qui conditionnent donc la résistance mécanique de ces alliages. Nous avons montré que la déformation se fait de façon hétérogène et commence dans la phase αp. Les dislocations sont émises depuis les régions écrouies au niveau des interfaces αp/β et se multiplient selon un mécanisme que nous avons pour la première fois mis en évidence dans ces alliages : La déformation traverse les interfaces et se propage dans la matrice β entre les couloirs créés par les lamelles αs. Les obstacles rencontrés dans chacune des phases ont été identifiés et quelquefois quantifiés. Dans αp différents types d'obstacles ont été mis en évidence. • Des obstacles extrinsèques : - Les nano-précipités de Ti3Al qui créent un durcissement structural - Un ordre local qui oblige les dislocations à se déplacer à plusieurs Des interactions dislocations / dislocations (arbres de la forêt). • Des obstacles intrinsèques constitués par la structure de coeur des dislocations vis. Enfin, nous avons montré que les interfaces sont facilement traversées. Pour la première fois dans ce type d'alliage le mouvement de dislocations au sein de la phase β a pu être observé : - Les dislocations sont confinées entre les lamelles αs. Elles rencontrent des obstacles extrinsèques (ancrages ponctuels) et intrinsèques (vis). Des manifestations de la plasticité ont pu également être mises en évidence à l'intérieur des fines lamelles de phase αs sans toutefois avoir pu être caractérisées précisément. Nous avons, au cours de ce travail, révélé le rôle capital des interfaces et notamment celui des des interfaces αp/β qui sont fortement écrouies. Il en résulte que : - Cet écrouissage est dû à des variations des coefficients de dilatation (des phases α et β) au cours des traitements thermiques La phase β n'est pas écrouie. Ceci a été vérifié en MET et aussi par des calculs des états de contrainte de cette phase. Conclusions et Perspectives - - La phase α est écrouie essentiellement par des dislocations de vecteur de Burgers de type c+a ce qui explique la faible mobilité de ces dislocations et la localisation de la déformation au voisinage de l'interface α/β. La relaxation de contrainte que l'on observe à l'échelle mésoscopique (microéchantillons) mais aussi macroscopique (pièces massives) est due à l'émission de dislocations de type a de ces régions écrouies, les dislocations c restant immobiles au niveau de l'interface créant ainsi une contrainte résiduelle Enfin nos résultats sont en accord avec ceux des équipes partenaires, par exemple : - L'aspect lenticulaire des phases αs ainsi que leur agencement dans la matrice est en accord avec les résultats obtenus par des observations MEB et des calculs à l'IJL La variation des coefficients de dilatation obtenue à l'IJL nous a permis de déterminer l'origine de la contrainte interne La localisation, l'hétérogénéité, le début des phénomènes de plasticité et les systèmes de glissement en accord avec les travaux réalisées à l'Institut P'. En perspectives, même si les travaux menés au cours de cette thèse ont permis de nombreuses avancées du point de vue de la compréhension des microstructures et des micro-mécanismes de déformation, il reste encore des sujet qui pourraient être approfondis comme par exemple : • Le rôle de la matrice β. En effet certaines observations réalisées dernièrement au MEB ont montré la présence de bandes de cisaillement dans la solution solide constituée de phases αs et de β, ces bandes de glissement ne semblent pas provenir de nodules αp. Peut être une étude en déformation MET in situ sur un alliage sans αs et un autre sans αp pourrait clarifier la situation. • Affiner le calcul lié à la contrainte résiduelle par l'utilisation de constantes élastiques plus proches de nos alliages industriels. • Essayer d'aller plus loin dans la compréhension du mode de création des lamelles αs. • Etudier plus attentivement les interfaces qui existent au sein des sous-structures hiérarchiques dans ces lamelles (nous pensons notamment à l'aspect discontinue de ces interfaces visibles sur les cliché de HREM et qui servent très certainement à accommoder la contrainte) peut être par une étude en GPA (Geometrical Phase Analysis), technique qui permet d'étudier les variation de contraintes au sein d'une zone précise à l'échelle atomique. Annexe Annexe : Evaluation de la contrainte associée à la contraction de la phase β . Nous allons, à partir des mesures des déformations des mailles de chacune des phases déterminer les tenseurs des contraintes correspondants afin d'interpréter les résultats expérimentaux. Nous avons vu que pour la phase β l'état de contrainte est une pression qui ne crée donc pas de cisaillement. Dans ces conditions nous ne cherchons pas à atteindre le niveau de contrainte puisque cet état ne crée pas de dislocations ce qui est vérifié expérimentalement : la phase β n'est pas écrouie au voisinage de son interface avec la phase α. Pour la phase α notons respectivement δ1, δ2 et δ3 les déformations mesurées δ1 = δ2 = (Δa/a)α ≈ 0,25 %, δ3 = (Δc/c)α ≈ 0,4 % Ce sont les termes du tenseur des déformations de la phase α dans le repère R. En appliquant la relation de Hooke et en introduisant les constantes élastiques on obtient les termes de la diagonale du tenseur des contraintes : σ11 = (C11 + C12 + C13) δ σ22 = (C11 + C12 + C13) δ σ 33 = (2 C 13 + C 33) δ Le troisième terme est différent des deux autres. Ce n'est donc pas une pression et dans ces conditions le cisaillement est possible. Pour calculer la valeur de ces contraintes principales nous avons utilisé les coefficients élastiques calculés par V. Trinité [Trinité 2007] pour les phases du titane à partir de calculs ab initio (Tableau 5). Constantes élastiques de la phase α en GPa C11 C12 C13 C33 C44 210 75 94 205 38 Tableau 5. Constantes élastiques du Titane pur déterminées par Trinité [Trinité ]. Annexe Nous avons calculé ces contraintes de cisaillement dans un plan de normale n pour un cisaillement dans la direction /b à partir de la relation habituelle : (19) Nous avons évalué ces contraintes : • Pour les trois systèmes de glissement du plan de base ces contraintes sont nulles. Les systèmes de glissement du plan de base ne sont pas sollicités par cet état de contrainte. • Pour les dislocations a dans les plans prismatiques : ces dislocations ne sont pas non plus sollicitées. • Pour les dislocations c+a glissant dans les plans prismatiques et dans les plans pyramidaux 1 et 2. Certains de ces systèmes sont très sollicités. La Figure 94 présente les résultats pour certains plans. On constate que pour une contraction de 0,4% de la maille β la contrainte peut atteindre pour certaines dislocations c+a des niveaux de l'ordre ou supérieur à 600 MPa. Pour réaliser ce calcul il a fallu déterminer les composantes des vecteurs unitaires des normales aux plans examinés ainsi celles des vecteurs de Burgers concernés. Ces composantes sont portées dans la feuille de calcul présentée sur le Tableau 6. Le rapport c/a nécessaire au calcul a été pris égal à 1,6. Sur la Figure 101 nous avons représenté les systèmes de glissement de la phase α hc et les contraintes de cisaillement résolues que nous avons calculées. Nous avons enfin vérifié que les contraintes et les déformations mesurées et/ou calculées maintiennent l'interface à la fois collée et en équilibre : 1. Continuité de la déformation a l'interface : εαxx = ε βxx et ε αyy = ε βyy 2. Equilibre des forces σαiz = σβz Pour la condition 1, on a ε βxx = ε βyy ≈ 0,3 et ε αxx = ε αyy ≈ 0,25 Pour la composante de la contrainte normale à l'interface qui est la seule non nulle σ αzz ≈ 1570 MPa et σ βzz ≈ 1400 MPa évaluée avec les constantes élastiques de la phase β calculées par V. Trinité. Compte tenu de la précision des mesures nous considérons que les conditions sont réalisées. 148 Annexe Déformations mesurées δ1 δ δ Constantes élastiques phase α GPa) C11 C12 C13 C33 C44 C11+C12+C13 2C13+C33 Tenseur des contraintes (en GPa) σ 11 σ 22 σ 33 0,0025 0,0025 -0,004 210 75 94 205 38 379 393 0,9475 0,9475 -1,572 τ en MPa Systèmes de glissement bi prismatique PI1 0,265 0,866 0,762 0,46 -0,5 -0,442 -0,85 0 0,472 0 629 bj prismatique PI1 PI2 -0,265 0,866 0,762 0,478 0,459 0,5 0,442 0,826 0,849 0 0,472 -0,12 0 -629 399 bk prismatique PI1 0,26 0 0 0,459 1 0,87 -0,849 0 0,475 435 1012 Tableau 6. Présentations des contraintes nécess aires à l'activation de certains plans de glissement . 149 Annexe Figure 102. Représentation des systèmes de glissement de la phase α hexagonale compacte et des contraintes de cisaillement résolues calculées pour les dislocations c+a. 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