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French-Science-Pile
Open Science
Various open science
2,023
Education plurilingue et élèves nouvellement arrivés : pratiques enseignantes contextualisées en Europe. Linguistique. Normandie Université, 2022. Français. ⟨NNT : 2022NORMR068⟩. ⟨tel-04032612⟩
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French
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L2. Sur le terrain, on appelle ces personnes les étrangers et on n’imagine pas qu’ils voudront vivre définitivement en Pologne. Les politiques populistes et les textes officiels prônent aussi cette perspective (Łodziński, 2017)136. En conséquence, même la glottodidactique polonaise tarde à aller au-delà de la réflexion sur le PLE et commence seulement depuis peu à réfléchir aux fonctions du polonais comme langue seconde, notamment pour les ENA de plus en plus nombreux dans les classes polonaises. 4.4.4. Polonais langue seconde Le polonais langue seconde (pl. język polski jako drugi – JPJ2, désormais PL2) est une appellation qui a tout d’abord été utilisée pour désigner l’ordre chronologique de l’acquisition des langues (Arabski, 1985). La glottodidactique polonaise parle du PL2 depuis seulement quelques années. Le statut de l’enseignant du PL2 n’est pas reconnu dans les circulaires ministérielles, tout comme la dénomination « polonais langue seconde » qui est sous l’ombre de celle utilisée aussi dans le langage courant à l’école à savoir « polonais langue étrangère » (pl. polski jako jezyk obcy – JPJO), (Gębal & Majcher-Lęgawiec, 2016). 4.4.4.1. La définition de PL2 Dans les travaux didactiques, la question de la L2 apparait pour la première fois en 2003 dans le titre de l’ouvrage de Ewa Lipińska137 mais, il s’agit plutôt de l’acquisition des langues en contexte bilingue. Alors, la définition du PL2 est proposée pour la première fois par Władysław Miodunka en 2010 et elle correspond à celles que l’on retrouve chez les didacticiens français (Cuq & Gruca, 2002) et anglo-saxons (Crystal, 1989; Johnson & Johnson, 1998) : la terminologie de l’enseignement de la langue polonaise comme seconde sera utilisée en référence avec l’enseignement de la langue polonaise en Pologne aux enfants immigrés et réfugiés politiques, ainsi que les enfants appartenant aux Le sociologue polonais Sławomir Łodziński (2017) analyse l’opinion des Polonais sur les réfugiés durant la période entre mai 2015 et mai 2017 et son impact sur l’aide qui pourrait leur être offerte par les Polonais. Il remarque que l’opinion publique sur les musulmans se dégrade fortement à la suite du discours antimigrant du nouveau gouvernement populiste polonais (élu en 2015). Or il note que les représentations concernant les immigrés venant de pays slaves ne changement pas et que les Polonais se sentent toujours prêts à accueillir les Ukrainiens au cas de conflit politique. 137 Traduction des titres de Ewa Lipińska (2003) : Langue nationale, langue étrangère, langue seconde. L’introduction aux études sur le bilinguisme (pl. Język ojczysty, język obcy, język drugi. Wstęp do badań dwujęzyczności). Plus tard, chez Agnieszka Rabiej et Agata Fuks (2009) : J’aime le polonais! Le Manuel pour le polonais comme langue seconde pour les enfants (pl. Lubię polski! Podręcznik do nauki języka polskiego jako drugiego dla dzieci). 136 172 minorités nationales / ethniques, utilisant dans l’environnement familial une autre langue que le polonais (Miodunka, 2010 : 240) 138. En outre, Władysław Miodunka (2010) évoque l’enseignement du PL2 dans le cas des enfants et adolescents d’origine polonaise, apprenant cette langue dans d’autres pays que la Pologne139. Or il existe plusieurs débats sur les définitions dans les travaux des didacticiens polonais. Par exemple, Jadwiga Cieszyńska (2006) postule que la langue allemande apprise par les élèves polonais vivant en Autriche est « une langue fonctionnellement première, dans laquelle l’enfant acquiert le savoir sur le monde »140. Plus récemment, Marcin Łączek estime que « pour les élèves polonais scolarisés dans les écoles anglaises, la langue anglaise est une langue fonctionnellement première, alors que la langue polonaise est une langue nationale seconde (...) » (2018 : 78) 141. Cependant, dans les travaux de Dorota Czykwin et Elżbieta Misiejuk (2002) l’appellation « langue nationale comme seconde » a utilisée dans le contexte de l’apprentissage de la langue ukrainienne par les Ukrainiens en Pologne. Les débats sur la définition montrent que la L2 peut avoir différents rôles et un poids différent selon les situations et les individus. L’acquisition d’une L2 peut donc se placer sur une sorte de continuum selon ses fonctions dans la vie de chacun. Przemysław E. Gębal et Urszula Majcher-Lęgawiec (2016) proposent de parler de trois cas différents : - Le polonais langue étrangère (pl. jezyk polski jako obcy) : pour les apprenants à l’étranger ou ceux ne planifiant pas un long séjour en Pologne ; le but étant d’acquérir une compétence communicative et une compétence interculturelle ; Notre traduction de la citation oryginale : „nauczanie polszczyzny jako języka drugiego będzie używany [...] w odniesieniu do nauczania języka polskiego w Polsce dzieci imigrantów i uciekinierów politycznych oraz dzieci na leżących do mniejszości narodowościowych, używających w środowisku rodzinnym języka innego niż polskiego” (Miodunka, 2010 : 240). 139 Comme le remarque Anna Szybura (2016), les travaux des chercheuses Ewa Lipińska et Anna Seretny (2013) auprès des descendants de Polonais aux Etats-Unis leur permettent de voir une différence entre le polonais des personnes immigrées l’utilisant au quotidien en Pologne et, le polonais utilisé par les émigrés polonais à Chicago. Dans ce dernier cas, elles proposent de parler d’une langue héritée. La langue seconde est pour elles « une langue non-maternelle des apprenants, ayant le statut légal (officiel) dans le pays dans lequel ils l’apprennent » (Lipińska & Seretny, 2013 : 26). Ainsi, cette langue sert de langue de communication quotidienne mais aussi d’une langue de scolarisation. Selon les chercheuses, pour les enfants d’origine polonaise aux Etats-Unis, la L2 sera la langue anglaise, et la langue héritée est la langue polonaise. 140 Notre traduction de la citation originale : „Język niemiecki [L2] staje się językiem funkcjonalnie pierwszym, kodem, w którym zdobywana jest wiedza o świecie” (Cieszynska, 2006 : 149). 141 Notre traduction de la citation originale : Zgodnie z powyższą definicją dla polskich dzieci, które uczęszczają do angielskich szkół, angielski jest językiem funkcjonalnie pierwszym, podczas gdy polski jest językiem ojczystym jako drugim (dalej: JOJD), a francuski czy hiszpański – językami obcymi” (Łączek, 2018 : 78). - Le polonais langue héritée (pl. jezyk polski odziedziczony)142 ; - Le polonaise langue seconde (pl. jezyk polski jako drugi) : apprenants migrants enfants et adultes, vivant en Pologne, le but étant le travail, l’éducation, la vie quotidienne, menant jusqu’à l’acculturation et l’inclusion de ce public Anna Seretny et Ewa Lipińska remarquent aussi que « la langue d’accueil reprend les fonctions de la langue première et notamment celle de la langue de scolarisation (d’éducation) » (2013 : 3)143 des élèves immigrés. Plus récemment, Anna Szybura (2016) reprend cette idée. En effet, la chercheuse remarque que deux tiers d’élèves ne maitrisent pas le polonais à leur arrivée à l’école. Elle rappelle l’étude de Halina Grzymała-Moszczyńska et al., (2016) qui note des lacunes concernant le vocabulaire disciplinaire et celui concernant le discours scolaire. Ainsi, en s’inspirant des travaux français sur le FLS (Cuq & Gruca, 2002) et FLSco (VerdelhanBourgade, 2002), Anna Szybura (2016 : 100) propose d’introduire dans la glottodidactique polonaise, le terme « polonais, langue d’éducation scolaire » (pl. polski język edukacji szkolnej – PJES) qui correspondrait plutôt au FLSco, auquel elle attribue trois fonctions : 1.Langue d’une discipline scolaire permettant entre autres le bon fonctionnement et la communication à l’école ; 2.Langue comme médium permettant l’acquisition des savoirs disciplinaires par exemple grâce au vocabulaire spécialisé qui devrait être travaillé en concertation de tous les enseignants et spécialistes en glottodidactique ; 3.Langue comme outil de réalisation de soi donc du développement individuel et social qui ne peut se faire sans connaissance de la langue (Szybura, 2016 : 100). Pourtant le dernier point mentionné par la chercheuse n’a pas de lien direct avec la dénomination « polonais langue d’éducation scolaire » puisqu’il ne s’agit pas de fonction de la langue aidant à la réussite scolaire. Les fonctions se référant à la construction de soi évoquées dans le point 3 rejoignent plutôt celles vues en FL2 et non pas en FLSco. Paweł Gębal et Urszula Majcher-Lęgawiec concluent que ces débats dévoilent « le chaos terminologique » (2016 : 195), ce qui ne favorise pas l’institutionnalisation du polonais L2 et la nouvelle profession qui en découle, celle de ’enseignant de PL2. Certains chercheurs en didactique des langues parlent de la langue héritée « język odziedziczony » (JO) synonyme de la langue nationale comme seconde « język ojczysty jako drugi » (JOJ2), ce qui peut s’approcher des situations des enfants d’origine polonaise parlant cette langue et parfois étant scolarisés dans cette langue mais vivant en dehors de la Pologne (Lipińska & Seretny, 2013). Or, selon la signification du mot « nationale » présentée ci-dessus, il serait important de poser la question du point de vue sociolinguistique, à savoir, si les locuteurs en question considèrent la Pologne comme sa nation et si effectivement, ils hiérarchisent la langue polonaise comme la seconde langue nationale dans leur propre répertoire verbal. 4.4.4.2. Les orientations did actiques Malgré le manque de programmes officiels, plusieurs recommandations concernant l’enseignement-apprentissage auprès des ENA sont proposées par les didacticiens dans deux ouvrages, le premier intitulé Différent à l’école polonaise : le guide pour les enseignants travaillant avec les élèves étrangers (Bernacka-Langier, Janik-Płocińska et al., 2010)144, le deuxième : Vers l’école multiculturelle en Pologne est une proposition des programmes pour les cycles 1, 2 et 3145 (Bernacka-Langier, Brzezicka et al., 2010). Les deux publications ont été éditées par la ville de Varsovie qui s’intéresse aux ENA étant donné les flux importants des immigrés depuis les années 2000. Ses auteurs s’y réfèrent au CECRL (2001), aux recherches menées par les didacticiens auprès des apprenants du PL2, mais aussi aux expériences didactiques issues de l’échange Comenius entre les écoles de Cardiff (Pays de Galles) et Varsovie. Ils proposent ainsi les programmes pour l’enseignement des ENA (Bernacka-Langier et al., 2010) qui s’appuient sur les nouveaux curricula et sur les socles de compétences proposées par le ministère d’éducation polonais (2009). Ils soulignent aussi l’importance de l’éducation interculturelle qui pourrait s’enrichir de la présence des élèves pluriculturels dans les classes (Bernacka-Langier et al., 2010) mais qui, jusqu’à lors est peu mentionnée par les recommandations ministérielles. Ainsi, les auteurs postulent de compléter le socle en y inscrivant le programme de PL2 qu’ils proposent et dont les quatre principaux objectifs sont : préparer des élèves étrangers à poursuivre la scolarisation à l’école polonaise ; pré des élèves à fonctionner dans la réalité culturelle polonaise ; poursuivre le développement linguistique des élèves étrangers dans leurs langues d’origine ; atteindre la compétence communicative en polonais langue seconde au niveau proche de A2, défini par le CECRL (Bernacka-Langier et al., 2010 : 32). Aussi, on ajoute que leurs propositions sont conformes aux objectifs des programmes de l’enseignement des langues vivantes concernant la connaissance des outils linguistiques (lexicaux, grammaticaux, orthographiques et phonétiques), la compréhension orale, la production orale, l’interaction dans une conversation, la reformulation. Notons également que les compétences lexicales, grammaticales et socioculturelles définies dans les deux ouvrages se Inny w polskiej szkole : poradnik dla nauczycieli pracujących z uczniami cudzoziemskimi. 2010. BernackaLangier, Anna, Barbara Janik-Płocińska, Agnieszka Kosowicz, Ewa Pawlic-Rafałowska, Marta PiegatKaczmarzyk, Gaweł Walczak, Zuzanna Rejmer, Jolanta Wasilewska-Łaszczuk, et Małgorzata Zasuńska. 145 Ku wielokulturowej szkole w Polsce. Pakiet edukacyjny z programem nauczania języka polskiego dla I, II,III etapu kształcenia. 2010. Anna Bernacka-Langier, Elżbieta Brzezicka, Stenia Doroszuk, Przemysław Gębal, Barbara Janik-Płocińska, Agnieszka Marcinkiewicz, Ewa Pawlic-Rafałowska, Jolanta Wasilewska-Łaszczuk, Małgorzata Zasuńska/ 144 175 réfèrent aux différentes disciplines scolaires. Pour finir, les auteurs préconisent que les enseignants soient qualifiés et formés en didactique du PL2 et, lorsqu’il n’y en a pas dans l’établissement, on suggère que le cours de PL2 soit donné par un enseignant de langue vivante étrangère et non par un enseignant de PLM car la didactique de celle-ci est différente. On suggère également une approche par projets, une didactique plurilingue et interculturelle, ainsi qu’un apprentissage à l’aide des outils NTIC (ang. Computer-Assisted Language Learning : CALL). Et enfin, on recommande une aide didactique pour les ENA avec les besoins ifs particuliers. D’autres travaux en glottodidactique polonaise mettent l’accent sur la place des textes littéraires dans l’enseignement du polonais aux apprenants étrangers (Achtelik, 2004; Cyzman, 2011; Dunin-Dudkowska & Trębska-Kerntopf, 1998; Hejda, 2015; Seretny, 2006; Wojenka, 2008). Certains les considèrent comme une voie permettant l’entrée dans la culture du pays d’accueil, l’approfondissement des compétences linguistiques et le contact avec la langue authentique (Seretny, 2006 ; Wojenka, 2008) et rappellent que ces textes littéraires apparaissent aussi à l’examen de certification en polonais au niveau intermédiaire et avancé (Cyzman, 2011). Bien que d’autres restent sceptiques car trouvent que les textes littéraires sont trop poétiques, remplis de métaphores et ainsi sont difficiles à comprendre par un public étranger (Achtelik, 2004, entre autres). 4.4.4.3. PL2 et les langues des élèves Dans la proposition de programme pour le polonais L2 de Bernacka-Langier et al. (2010), l’objectif primordial dans le contexte d’enseignement-apprentissage aux ENA est la promotion du plurilinguisme et de la pluralité culturelle en lien avec les voies promues dans les recommandations européennes. Les auteurs soulignent l’importance du droit pour tous de s’exprimer dans sa L1 et du développement du bi-plurilinguisme non seulement chez les élèves favorisés concernés par le bilinguisme, mais aussi chez ceux issus de l’immigration, venant parfois des milieux défavorisés. Ainsi, les auteurs soulignent que l’intégration sociale des immigrés et la promotion de tout type de plurilinguisme devraient être la priorité de chaque système scolaire. De plus, on suggère la transmission des savoirs culturels, historiques, géographiques et disciplinaires basée sur les méthodes CLIL/EMILE, ainsi que sur l’éducation interculturelle (Bernacka-Langier et al., 2010). Enfin, les travaux en glottodidactique polonaise s’intéressent aussi au plurilinguisme des apprenants d’une troisième langue 3 ou 4, par exemple ceux qui apprennent une langue vivante 176 après la langue anglaise (qui chronologiquement est souvent la L2) (Gębal, 2008 ; Kucharczyk, 2018). 4.5. La comparaison des spécificités didactiques des trois contextes En expliquant l’évolution des didactiques du français, de l’italien et du polonais, nous avons pu observer certaines problématiques communes et des différences liées aux idéologies concernant les langues. Dans cette partie, nous tenterons de comparer les histoires linguistiques, sociolinguistiques et didactiques de trois langues concernées. Cette comparaison doit aider à comprendre les orientations didactiques qui s’opèrent dans les trois systèmes scolaires. Certaines préoccupations de ces didactiques sont communes. La première est celle de la maitrise de la langue du pays car la question de la langue est un « lieu » de l’identité nationale et de l’unification des pays. De ce fait, l’enseignement de la L2 marqué par les différentes histoires nationales doit être contextualisé. La deuxième préoccupation montre des traces de différentes dynamiques des didactiques de la LM, LE et L2 dans les logiques de formation pour les enseignants ce qui, en conséquence, peut impacter sur leurs pratiques en classe. 4.5.1. Des approches monolingues vers les approches plurilingues Concernant les différences majeures de l’évolution de l’enseignement des langues dans ces trois contextes, nous constatons tout d’abord une longue histoire monolingue de la France. Les didacticiens français sont d’accord sur le fait que la maitrise de la langue française exerce un « pouvoir symbolique » (Bourdieu, 1977) puisqu’elle devient le seul levier pour la réussite scolaire des élèves (Vigner, 2001 ; Goigoux & Bautier, 2004, entres autres). Le monolinguisme à la française est donc un phénomène culturel et intellectuel basée principalement sur la valorisation des compétences écrites. En Italie, après la 2ème Guerre Mondiale, émerge l’effort vers une forme de monolinguisme. Cependant, existe aussi une réalité dialectale forte, le plurilinguisme est donc culturel et pragmatique (GISCEL,1975 ; Chini, 2004 ; Vedovelli, 2014 ; Fusco, 2017). C’est pour cette raison que l’uniformisation de la langue est vécue comme une opposition, alors qu’en France dès le début de l’école, on a éradiqué les différentes variantes du français, ainsi que les langues régionales. En Pologne, la volonté de sauvegarder la langue polonaise pendant plus d’un siècle d’occupation du pays, puis, l’effacement des langues régionales pendant la période communiste 177 a forgé une représentation de la nation monolingue (Lisek, 2011), à tel point que les variations ne sont pas perçues dans la vie sociale, médiatique et d’autant moins dans l’enseignement de la langue polonaise à l’école. Certes, depuis les années 2000, grâce aux politiques de l’Union européenne, on assiste à une valorisation des langues régionales mais l’approche variationniste en didactique de la LM est encore inexistante. De ce fait, il s’agit des trois approches idéologiques différentes qui sur le terrain de l’école se présente de manière qui suit. En France, on donne la priorité à l’écrit, qui sert à stabiliser la norme, sans traiter de nombreuses variations de la langue. En Italie la priorité est attribuée à la grammaire unique qui stabilise la langue ainsi qu’à l’analyse transparente du système linguistique qui ne s’oppose pas aux dialectes oraux. En Pologne on parle de l’approche par la littérature patrimoniale 146 qui permet de construire l’identité nationale, sans s’arrêter sur le système linguistique et les variations orales. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas de grammaire, de l’écrit ou de la littérature dans les autres contextes, mais cela montre que la priorité, en termes de certaines thématiques traitées, est liée à chaque contexte sociolinguistique. Ceci est donc intégré comme une évidence dans les cultures éducatives que nous travaillons. Aussi, on remarque sans surprise que l’école française survalorise l’écrit qui depuis longtemps est considéré comme une forme discursive plus formelle plus gratifiante. Alors qu’en Italie et en Pologne, l’oral a sa place légitime notamment dans les évaluations de toutes les disciplines et notamment aux épreuves du baccalauréat et à l’université. Certes, ces choix didactiques des trois pays ont pour objectif de valider la réussite éducative des élèves, mais ont aussi un impact sur les pratiques enseignantes en classe et sur la prise en compte des langues-cultures des ENA. Car effectivement, à l’école française, le plurilinguisme est négligé ou perçu avec une certaine méfiance du fait que l’intérêt principal se focalise sur la maitrise de la langue française (Varro, 2012). A l’école italienne, les compétences plurilingues des élèves sont une norme, c’est pourquoi on risque de ne pas remarquer le besoin de didactiser les situations d’enseignement-apprentissage s’appuyant sur les L1 des élèves (Tomassetti, 2014). A l’école polonaise, le plurilinguisme est ignoré car il est récent. Cependant, l’ancienne génération des enseignants n’hésite pas à s’appuyer sur l’intercompréhension entre les langues slaves pour la communication, même si les pratiques de valorisation des L1 sont rares. La jeune génération tente d’utiliser d’autres compétences en langues, par exemple en anglais (Pamuła-Behrens & Hennel-Brzozowska, 2017). 146 Toutefois une place importante dans les programmes des cours de polonais au lycée est donnée à la littérature européenne (les grandes œuvres allemandes, anglaises, françaises et autres). 178 A ce propos, on remarque que le polonais est une langue parlée qu’en Pologne, c’est pourquoi l’apprentissage des langues étrangères est fortement promu à l’école. Savoir communiquer dans une autre langue est une compétence recherchée et un véritable atout dans la vie socio-professionnelle. Cette tendance semble être également visible dans les écoles française et italienne étant donné un certain engouement pour les écoles des « petits » bilingues, les classes européennes, bilingues et les filières des langues vivantes dans les universités mais aussi, pour les méthodes CLIL/ EMILE (Balboni & Coonan, 2014 ; Hélot & Erfurt, 2016). s, cette mode concerne surtout la langue anglaise et éventuellement des langues voisines : l’allemand et l’espagnol. Enfin, plusieurs recherches françaises montrent aussi que les enseignants s’intéressent au plurilinguisme de leurs élèves et cherchent des outils pour le valoriser dans l’enseignement de la L2 (Auger, 2005, 2010 ; Hélot, 2007, Clerc, 2008 ; Miguel Addisu, 2017, entre autres). En ce sens, on pourrait dire que la Pologne se situe à l’extrême d’un continuum (le refus de l’altérité langagière pour garantir l’identité polonaise), et l’Italie à une autre extrême (la valorisation de l’altérité au sein de l’italien comme garant de l’identité italienne). La France cherche une sorte d’équilibre que la question des inégalités sociales met à mal ; l’altérité langagière parait être le signe des inégalités à l’œuvre mais aussi, le signe d’une identité nationale plurielle. Ces tensions, on l’a vu, se déclinent en termes didactiques pour la question de l’enseignement de la L2, qui reste donc très contextualisé dans les trois pays. 4.5.2. Les didactiques contextualisées des L2 En étudiant les histoires des différentes didactiques des L2, nous avons pu observer quelques alliances qui se sont construites au fil du temps. Tout d’abord en France, la didactique du FLE transforme la didactique du FLM, elle l’influence par exemple sur la question de l’importance de l’oral et ceci peut être remarqué dans la conception des orientations en didactique du FLS. Ensuite, en Italie, la problématisation de la didactique de l’ILM est déjà variationniste ce qui influe sur la didactique de l’italien L2 qui considère d’emblée les ENA comme des plurilingues (en France cette question a été posée très tardivement). De plus, en Italie, c’est la didactique d’IL2 qui semble faire émerger la didactique d’ILE. Enfin, en Pologne il existe le clivage entre la didactique du polonais LM et LE qui ne communiquent pas ensemble. Cependant, certains didacticiens qui observent les perspectives de la didactique des langues en Europe, commencent à réfléchir au développement de la didactique du PL2 mais aussi à la prise en compte du CECRL en didactique du PLM. 179 Cependant, dans tous les cas, il existe quelques points communs concernant l’enseignement des LM dans les trois pays. Tout d’abord, on étudie principalement les textes littéraires en s’appuyant sur le principe que les élèves comprennent et s’expriment dans cette langue. Il s’agit de travailler sur la langue formelle et littéraire et le développement des compétences écrites et orales. En outre, on s’appuie sur une norme concernant l’orthographe, la ponctuation et la grammaire. Par conséquent, les élèves défavorisés et ceux non-natifs peuvent rencontrer des difficultés à comprendre les savoirs aires en cours de français, italien, polonais LM147. Concernant la didactique de la L2, dans les trois contextes, on mobilise des notions communes (L2, langue de scolarisation, compétences en langues, plurilinguisme), indépendamment des contextes, même si elles ne sont pas travaillées de la même manière. Elles s’inspirent principalement des études de plusieurs disciplines de lettres, sciences humaines et sociales anglo-saxonnes ou de langue anglaise (cf. Krashen, 1986 ; Skutnabb-Kangas, 1081 ; Hymes, 1972 ; Hawkins, 1984 ; Cummins, 1979, 2000, 2008 ; Vigotsky, 1934 ; Chomsky, 1965 ; Goffman, 1967 ; Gumperz, 1934 ; Bruner, 1977 ; Piaget, 1984 ; Halliday, Bauman, 1997, entre autres), et parfois francophones (cf. Lüdi & Py, 1986 ; Candelier, 2003 ; Cuq & Gruca, 2002 ; Coste, Moore & Zarate, 1997 ; Cuq, 2003 ; Dubois, Marcellesi et al., 2001, entre autres). De plus, les chercheurs en Italie et en Pologne se réfèrent aux travaux francophones, germanophones et autres. Cela dit, les recherches locales apportent un regard contextualisé sur la situation spécifique de chaque pays. Un lecteur français peut ainsi découvrir un certain nombre d’études polonaises et italiennes permettant de mieux comprendre les situations d’enseignement-apprentissage des langues dans ces contextes. Toutefois, ces traditions didactiques s’ancrent à la fois dans l’entrée idéologique de chaque pays et dans un chapeau commun qui est le Conseil de l’Europe. On s’appuie alors sur les apports des chercheurs européens non pas pour le plan de la dissociation de l’oral et de l’écrit, mais sur les questions du développement de toutes les compétences en langues à la base du CECRL mais aussi sur celle de l’enseignement de la L2 (cf. Starkey & Byram, 2003 ; Van Avermaet, 2006 ; Cummins, 2011 ; Beacco et al. 2016, entre autres). Cette question de l’équilibre entre l’écrit et l’oral a d’ailleurs déjà été traitée en didactique des LE dans les trois pays. 147 Rappelons aussi que dans les travaux des chercheurs français, italiens et polonais, on trouve différentes appellations pour parler de la langue de scolarisation. Il semblerait qu’en France et en Italie, la dénomination communément admise est celle de la « didactique de langue maternelle » ; en Pologne, on parle plutôt de la didactique de « langue nationale ». 180 En outre, on commence à s’emparer des thématiques relatives au développement de la compétence plurilingue et interculturelle promue aussi par les travaux du Conseil de l’Europe (cf. Byram et al., 2003 ; Coste, Moore, Zarate, 1997 ; Candelier et al., 2012, entre autres). Par conséquent, les propositions en lien avec les approches plurielles présentées dans le CARAP peuvent permettre à valoriser les élèves de toute origine, de toute langue et culture. Ainsi, l’encrage de notre sujet en didactique des langues-cultures semble être justifié puisque les questions de la langue de scolarisation et de la prise en compte du plurilinguisme des élèves concernent toutes les disciplines tous les contextes scolaires. Conclusion du chapitre 4 Dans ce chapitre, il s’agissait de mettre en avant quelques précisions linguistiques, sociolinguistiques et didactiques de chacune des langues. Celles-ci nous paraissent essentielles pour mieux imaginer les difficultés des ENA – apprenants de ces langues, mais aussi pour mieux comprendre les choix didactiques dans chaque pays. L’approche historique a permis de montrer des concepts clés présents dans les formations des enseignants influant sur leurs pratiques en classe. Néanmoins, nous avons pu observer que la réciproque est également vraie puisque les usages des langues et les pratiques didactiques de l’enseignement de la langue de scolarisation ouvrent des pistes de recherche contextualisées pour chaque pays. Quant au lien entre l’enseignement de la L2 et la construction de la compétence plurilingue, il apparait presque absent dans des contextes marqués historiquement et institutionnellement par la promotion de l’unité de la nation homogène culturellement et linguistiquement. En effet, à différents moments de l’histoire, les trois pays présentés ici menaient une politique monolingue où le maintien de la langue était lié soit à la volonté d’une certaine hégémonie, comme en France (cf. chapitre 4.2), soit à la survie d’une nation comme en Pologne (cf. chapitre 4.4). A contrario, en Italie, l’idée du rassemblement de la population n’a pas été promue étant donné une forte présence des variétés linguistiques du pays (cf. chapitre 4.3). Néanmoins, la maitrise de la langue de scolarisation est exigée dans les trois systèmes éducatifs et souvent soutenue par les populations qui veulent partager les valeurs d’unité nationale. De ce fait, la recherche des constituants communs auprès du Conseil de l’Europe ouvre la possibilité de construire des réponses didactiques ou des formations en lien avec les perspectives contextualisées. Dans le chapitre suivant, nous allons analyser les différentes 181 approches plurielles promues par l’Europe (cf. Candelier et al., 2012), qui permettent le développement de la compétence plurilingue chez les élèves. 182 Chapitre 5 : Prise en compte du plurilinguisme des ENA conceptualisation Dans ce chapitre, nous souhaitons présenter les principes qui guident notre conception du plurilinguisme ainsi que des perspectives éducatives issues de la didactique du plurilinguisme (L. Dabène, 1994 ; Candelier, 2003 ; Troncy, 2014, entre autres) pour le contexte d’enseignement auprès des ENA. L’idée que le plurilinguisme est un atout, est promue par le Conseil de l’Europe, dès la publication du Portfolio européen des Langues (CoE, 1997), puis dans le Cadre européen commun des références pour les langues (CECRL, CoE, 2001) ainsi que le Cadre de référence pour les approches plurielles des langues et des cultures (CARAP, CoE, 2012). La valorisation des compétences plurilingues des ENA est également mentionnée par la Commission européenne (Rapport Eurydice, 2019)148 et dans les rapports des évaluations internationales de PISA (OCDE, 2016ab ; 2018, cf. chapitre 2). Nous partons ainsi du constat soutenu par plusieurs chercheurs européens, à savoir : lorsque les ENA rejoignent le système éducatif du pays d’accueil, ils possèdent des acquis antérieurs en leurs langues-cultures qui nécessitent à être pris en compte dans ce nouveau contexte d’enseignement-apprentissage. Le champ de la didactique du plurilinguisme est relativement nouveau, pourtant, les travaux et les débats ques puisent dans les apports des recherches sur le bilinguisme qui remontent déjà à plusieurs décennies (Hélot & Erfurt, 2016). Ci-après, nous nous appuyons sur les références incontournables francophones et anglophones qui nous permettent de mieux comprendre un certain nombre de phénomènes et concepts liés au plurilinguisme des élèves et qui sont, pour la plupart d’entre eux, connues et citées dans d’autres pays comme l’Italie et la Pologne. Il s’agit tout d’abord de définir le biplurilinguisme à travers sa dimension sociale qui agit sur les représentations, les tensions et les dichotomies entre la L1 et la L2 (partie 5.1). Ensuite, en s’appuyant sur la définition de la compétence plurilingue, nous présentons les spécificités de son développement en termes cognitifs et les enjeux qui en découlent pour les situations d’enseignement-apprentissage auprès des ENA (partie 5.2). Enfin, plusieurs chercheurs en didactique des langues-cultures ont Marisa Cavalli rappelle que « L’Union Européenne, en 2003, invitait déjà à « adopter une approche holistique de l’enseignement des langues établissant des liens appropriés entre l’enseignement de la langue “maternelle”, des langues “étrangères”, de la langue dans laquelle l’instruction est dispensée et des langues des communautés migrantes » (Cavalli, 2008 : 15). développé les approches et ont analysé les pratiques permettant la prise en compte des savoirs, savoir-faire et savoir-être plurilingues et pluriculturels des élèves en classe. Nous présentons ici les concepts développés autour de l’éveil aux langues, de l’intercompréhension, de la didactique intégrée des langues, de l’interculturel ainsi que du translanguaging (García & Wei, 2014 ; cf. partie 5.3) qui serviront d’appui pour l’analyse des pratiques déclarées par les enseignants sur nos trois terrains. Pour conclu , nous interrogerons la place du plurilinguisme dans les politiques linguistiques et éducatives des trois pays et plus particulièrement dans les recommandations ministérielles à l’égard de la scolarisation des ENA. Finalement, tout au long de ce chapitre nous utilisons deux termes « bilinguisme » et « plurilinguisme », sans pour autant oublier qu’ils font partie de divers positionnements des chercheurs en France et ailleurs. Ici, le bilinguisme se réfère aux travaux fondateurs sur l’acquisition des langues en contexte bilingue. Le terme « plurilinguisme » sera pourtant privilégié pour parler des ENA, du fait qu’ils viennent de différents horizons multilingues et sont majoritairement plurilingues149. Par conséquent, même si les études sur le plurilinguisme émergent du bilinguisme, il est important de rappeler le paradoxe qui peut ressortir des modèles « bilingues » présentés, à savoir une sorte « d’équilibre ou de déséquilibre » qui « maintiennent cette forme de dichotomie, mais véhiculent souvent l’idéal inatteignable d’un bilinguisme parfait » (Coste, Moore, Zarate,1997 [2009] : 10). 5.1. La dimension sociale du plurilinguisme 5.1.1. Quelle définition pour une personne « plurilingue »? « Plurilingue » est un mot composé de pluri- et de -lingue, tiré du latin lingua qui signifie « langue ». La définition de « plurilingue » telle qu’on la retrouve dans les dictionnaires d’usage commun des trois langues ne correspond pas à tous les cas des individus plurilingues. Dans l’actuelle édition du dictionnaire Larousse, la première acception de l’adjectif « plurilingue » signifie « qui emploie couramment plusieurs langues ». La définition du Robert en ligne est plus objective, car plurilingue désigne entre autres celui « qui parle plusieurs langues ». Le dictionnaire de la langue italienne (Garzanti 150 ) donne la même définition. Alors que le A ce propos, nous souhaitons rappeler qu’en langue française, il existe deux termes « plurilingue » et « multilingue ». Le premier se réfère à l’individu plurilingue, et le deuxième à l’espace ou la société, dite « multilingue ». En anglais, on utilise plutôt le terme « multilingal », même si on peut trouver « plurilingual » dans la version anglaise du CARAP (2012) : « A framework of reference for pluralistic approaches to languages and cultures ». ctionnaire Treccani nous informe que « plurilingue » correspond plutôt au territoire où on parle plusieurs langues, alors que « multilingue » 151 veut dire « un individu ou un groupe ethnique qui connait ou parle diverses langues. Dans le Dictionnaire de la langue polonaise (Słownik Języka Polskiego) le vocable « wielojęzyczny » (wielo – plusieurs ; języczny – langues) est « celui qui utilise plusieurs langues »,152 mais son substantif « wielojęzyczność » est expliqué comme « la compétence d’utiliser couramment plusieurs langues »153. Il est aussi important de noter que dans la langue courante polonaise, on utilise plutôt le vocable « poliglota », dérivé du grec « poluglôttos » (polus - nombreux ; glôtta – langue). Le même mot « poliglotto » est utilisé en italien154.alors qu’en français le mot « polyglotte » semble être déjà désuet155. Il en résulte que les définitions communes dans les trois langues reflètent une certaine ambiguïté, évoquée aussi par François Grosjean à propos du bilinguisme (2015). En effet, plusieurs définitions d’abord du « bilinguisme » et ensuite du plurilinguisme se sont basées sur les exemples des personnes considérées comme des bilingues parfaits, parlant couramment les deux langues, donc qui ressemblent aux locuteurs natifs (par exemple des traducteurs, interprètes, professeurs de langues), (cf. Bloomfield, années 1930). Mais, comme l’évoque André Martinet, cette perfection est un idéal en quelque sorte utopique : À côté de quelques rares virtuoses linguistiques qui, au prix d’un constant exercice, réussissent à maintenir nettement distincts deux médiums, voire plus, une observation soigneuse ne révélerait-elle pas dans une écrasante majorité de cas au moins quelques traces d’un amalgame structural? D’autre part, ne pouvons-nous pas imaginer toute sorte de cas intermédiaires, se situant entre chacun de ceux qui suivent ; un unilingue qui passe d’un style à un autre ; un locuteur d’un substandard qui est capable, en cas de nécessité, de polir son langage pour le rendre proche du standard ; un patoisant qui graduellement et pour toutes sortes de raisons pratiques améliore son langage et passe du registre de la familiarité désinvolte au comportement le plus policé, en fait au standard ; un autre patoisant qui va traiter sa langue vernaculaire et le standard comme deux registres clairement distincts avec des structures largement divergentes? (Martinet, 1953 in Languages in contact d’Uriel Weinreich traduit par Andrée Tabouret-Keller, 2001 : 31). Ce propos du linguiste français paru dans la préface de la publication d’Uriel Weinreich « Languages in Contact » (Weinreich, 1953) résonne avec la conception du bilinguisme que 151 https://www.treccani.it/vocabolario/multilingue/ Pl. „posługujący się wieloma językami”: https://sjp.pl/wieloj%C4%99zyczny 153 https://sjp.pl/wieloj%C4%99zyczno%C5%9B%C4%87 154 https://www.garzantilinguistica.it/ricerca/?q=poliglotta 155 https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9P3246 152 185 propose le chercheur américain c’est-à-dire, l’utilisation de manière alternée de deux ou plusieurs langues. Par la suite, d’autres chercheurs poursuivent la même direction, par exemple, selon le linguiste italien Tullio de Mauro, le plurilinguisme est « la cohabitation soit de types différents de sémiose, soit d’idiomes différents, soit de différentes normes de réalisation d’un même idiome (...) [c’est] une condition permanente de l’espèce humaine, et donc de toute société humaine » (De Mauro, 1977 : 74) 156. Cette définition holistique nous parait particulièrement pertinente, car elle met l’accent sur le fait que les langues, dialectes ou registres puissent faire partie intégrante d’un être humain au point de l’habiter. Dès lors, la coprésence n’évoque pas uniquement l’usage quotidien de plusieurs langues, mais elle renvoie à l’identité même de chaque individu. Et en effet, le plurilinguisme nous entoure de chaque côté, sans parfois que nous nous en rendions compte. Il n’est pas « une exception, il n’y a rien d’exotique, d’énigmatique, il représente simplement une possibilité de normalité » (Lüdi & Py Ainsi, même l’habitant d’un pays où on cultive depuis longtemps une politique monolingue, est amené à observer et à vivre des situations de contact des langues survenant dans différents moments de la vie (tourisme, déplacements professionnels, mariage mixte, apprentissage d’une LV à l’école). Dans cette optique, les enseignants des pays auxquels nous nous intéressons ont du moins pu vivre les situations plurilingues dans leurs vies personnelles et, s’ils sont confrontés au plurilinguisme dans leurs classes, ils seront amenés à le comprendre par le prisme de leurs propres expériences et leurs représentations. Cependant, il est intéressant de savoir comment se construisent les représentations sociales sur le plurilinguisme. Nous tenterons d’examiner cette question dans la partie ci-suit. 5.1.2. Les représentations sociales du plurilinguisme Les représentations sociales du plurilinguisme sont inévitablement liées au contexte historique et culturel de chaque pays (chapitre 4). Georges Lüdi et Bernard Py (1986 : 98) définissent la notion de représentations sociales comme : des microthéories socialement partagées et prêtes à l’emploi, suffisamment vagues pour faciliter un large consensus et une application étendue. Comme les attitudes, les représentations sociales sont étroitement liées à des fragments de discours en circulation dans une communauté donnée. Il est certain que les représentations sociales s’invitent plus ou moins inconsciemment dans toutes les relations humaines et notamment celles des enseignants et les élèves. Les deux 186 chercheurs expliquent que les opinions, les stéréotypes, les représentations demandent une certaine intégration et une organisation argumentative complexe. Elles différèrent ainsi des attitudes qui sont liées plutôt aux comportements positifs et négatifs des personnes vis-à-vis d’un phénomène comme langue (Lüdi & Py, 1986). Cependant, dans le cas des enseignants, les attitudes négatives ne sont pas toujours visibles ou exprimées, car elles sont soumises à une éthique du métier qui demande de traiter tous les élèves sur le même pied d’égalité. A contrario, les représentations sociales sont généralement considérées comme évidentes, elles sont donc argumentées de manière implicite dans les discours. C’est ainsi que l’analyse des contenus et du discours permet de percevoir certaines croyances et connaissances courantes des enseignants face aux L1 des élèves. En outre, si on prend en compte le manque des formations des enseignants concernant le plurilinguisme des ENA (cf. chapitre 8), il est évident qu’un certain nombre de leurs connaissances est basée sur les représentations sociales. Cela peut impacter les postures professionnelles auprès des ENA et, a fortiori, les pratiques enseignantes. 5.1.3. La vision diglossique du bilinguisme Alors, comment le bi-plurilinguisme peut-il être perçu au niveau social? Si l’approche fonctionnelle permet de considérer que le bilinguisme parfait n’existe pas et que les différentes langues sont utilisées en fonction des situations (Hélot, 2007 ; Grosjean, 2015), l’usage du bilinguisme est souvent considéré en termes dichotomiques (Coste, Moore, Zarate, 1997). Ainsi, on distingue des situations opposées dans lesquelles les langues sont pratiquées : professionnelle vs privée ; scolaire vs familiale, formelle vs véhiculaire, entre autres (Fishman, 1967 ; Lüdi & Py, 1986). Cette opposition des situations est aussi désignée par le terme de « diglossie » introduit par Joshua A. Ferguson (1959) qui juxtapose une langue nationale et un dialecte ou une langue régionale. D’une part, il s’agit d’une langue utilisée dans une sphère haute (high), publique, formelle comme le français à l’école, d’autre part, il est question d’une langue basse (low) parlée dans la sphère intime, à la maison : un dialecte ou une langue de l’immigration, non reconnue socialement. Ainsi, Georges Lüdi et Bernard Py (1986 : 13) utilisent ce concept pour parler des situations plurilingues des migrants et ils commentent ce déséquilibre de façon suivante : « les termes mêmes High et Low suggèrent un rapport de pouvoir. Ferguson les a choisis sciemment. Employer la variété H signifie occuper une position de force ; choisir L connote un manque de prestige, une position socialement inférieure ». La diglossie vue comme une situation stable par Joshua A. Ferguson (1959) et considérée plus tard comme un choix conscient (Lüdi & Py, 1986) était aussi vu comme un choix sous-estimant les 187 conflits qui existent dans les situations de contact des langues (Calvet, 2002 ; Tabouret-Keller, 2006). Car les auteurs rappellent que dans des situations de migration, les politiques d’unification linguistique de plusieurs pays européens ont créé le déséquilibre qui privilégie la langue officielle du pays et qui ignorent les langues d’origines des individus. Dans les trois pays de notre recherche, les ENA vivant dans une situation de diglossie. En France, les observations en milieu scolaire confirment que les représentations négatives des enseignants rendent certaines minorités invisibles dans le but d’homogénéité des pratiques langagières en faveur de la domination du français (Auger, 2007; Miguel Addisu & Sandoz, 2015). Cette tension entre la langue minoritaire, dominée et majoritaire, dominante peut être perçue dans d’autres pays dans lesquels on ignore la L1 des ENA, comme le reflètent certaines recherches auprès des enseignants polonais (Pamuła-Behrens & Hennel-Brzozowska, 2017). Enfin, selon les situations et les régions (bilingue ou non) dans lesquelles arrivent les enfants migrants ou selon les réseaux 157 communautaires dans lesquels ils vivent, les situations diglossiques deviennent par extension polyglossiques (Moore, 2006). Par exemple, les ENA arrivant en Frioul-Vénétie Julienne seront confrontés à trois langues, l’italien comme langue d’apprentissage, leurs langues d’origine, et la langue frioulienne présente en ville dans plusieurs lieux de vie sociale (Fusco, 2017). Ainsi, il est intéressant d’étudier si les enseignants originaires de cette région donc plus habitués aux contacts des langues ont une perception moins cloisonnée du bilinguisme et s’ils réagissent différemment auprès des élèves plurilingues. En effet, les rapports de pouvoir entre les langues ne sont pas toujours dichotomiques puisque certaines d’entre elles profitent du statut privilégié du point de vue socioculturel ou économique. 5.1.4. Les statuts des langues et leur impact sur les représentations Il existe des tensions entre les langues parlées à la maison et celles qui sont apprises, voire promues dans le cadre scolaire. Ces tensions peuvent provoquer la dévalorisation d’une langue considérée comme moins « importante » par rapport à son statut sociopolitique économique. C’est par exemple le cas de l’arabe qui subit une représentation sociale souvent péjorative dans les trois pays de notre recherche, a contrario, l’espagnol ou l’allemand font partie des langues les plus apprises dans ces pays et bénéficient d’une image plutôt positive. Cela confirme l’idée 157 Selon Danièle Moore (2006 : 35), les réseaux : « définissent les relations ordinaires et localisées entre les individus, qui s’organisent selon différentes configurations et autour de trais communs, notamment en termes d’éthique et des perspectives partagées ». 188 que le pouvoir de langues est régi par leur usage, leur fonctionnalité liée à la proximité et plus largement leur valorisation sociale (Calvet, 1999b).
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28 δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellules cutanées particulièrement observée lors d'exposition UVB de faible énergie (γβ0nm) ou lors de combinaison UVA et UVB [35,36] (Figure 6A). Dans les cellules irradiées par les UVB, les lésions produites de façon majoritaires sont les CPD. Elles seraient entre 3 et 8 fois plus nombreuses que les lésions de type 6-4PP [35,44]. En revanche, les lésions de type isomères de Dewar sont les lésions les moins fréquentes, elles seraient 3 à 8 fois moins abondantes que les 64PP selon respectivement l'utilisation d'un mélange UVA+UVB ou d'UVB seuls [44]. Les CPD, les 6-4PP et les isomères de Dewar induisent des distorsions de l'hélice d'ADN qui bloquent la progression des polymérases réplicatives et transcriptionnelles. Le blocage de la transcription, notamment, est un signal important pour activer la voie de réparation de l'ADN par excision de nucléotide (Chap.2, sect.2.3.1-2) qui constitue le mécanisme majoritaire de réparation de ce type de lésions. Aussi, les distorsions de l'hélice d'ADN induites par les CPD et les isomères de Dewar, étant moins importantes que les 6-4PP expliquent leur réparation plus lente [44,49]. δ'abondance et la vitesse lente de réparation des CPD font que ces lésions sont les plus carcinogènes. Dans les cellules de mammifère, il a été montré que les CPD pouvaient être responsable de 80% des mutations induites par les UVB [46]. Particulièrement, les CPD impliquant des cytosines sont instables et sont désaminés ce qui génère à la place des uraciles [36]. Ces bases, non instructionelles, sont remplacées par des adénines par des poly ases particulières par un mécanisme de synthèse translésionnelle [47]. Lorsque la cytosine est méthylée, sa désamination aboutie à la formation de thymine. Dans les deux cas, après la réplication de l'ADN cela entraine des transitions de type CT ou CCTT. En ce qui concerne les CPD impliquant des dimères de thymine, ces modifications engendrent une restitution des bases d'origines après la réplication d'où leur faible mutagénicité [45,47]. Il est à noter que les transitions de type CT ou CCTT sont fréquemment retrouvées dans les cancers cutanés, dont les carcinomes particulièrement. Ces transitions font partie des signatures UV les plus caractéristiques (Figure 7 A). Aussi, les zones de l'ADN présentant des tandems de base pyrimidiques (CT, CC) ou des ilôts CpG méthylés sont propices aux mutations et sont qualifiés de "points chauds" [50–52]. 2.2.2.2. Dommages à l'ADN de type 8-oxo-7,8-dihydroguanine (8oxo-Gua) Longtemps restreints aux UVA, il a été montré que les UVB pouvaient également induire des 8-oxo-Gua dans la peau humaine [43]. Le mécanisme de production de ces 8-oxo-Gua ferait vraisemblablement intervenir une réaction de photosensibilisation (Figure 5A et 6B). Dans des cellules isolées, la quantité de lésions de type 8-oxo-Gua pourrait être 100 fois plus importante que les UVA mais resterait largement minoritaire par rapport à la quantité de lésions de type CPD générée [34]. Bien que minoritaire, il a été montré dans le modèle murin que cette composante oxydative des UVB pourrait participer à la carcinogenèse cutanée [53]. 29 δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellules cutanées Figure 8 : Phototypes et développement des cancers cutanés liés à l'exposition UV. A. Représentation du risque de développement de cancers cutanés en fonction du phototype selon la classification de Fitzpatrick. δes personn nes originaires d'Europe du Nord qui ont la peau très claire (Phototype I) développent systématiquement des érythèmes et ne pigmentent pas à la différence des Africains (phototype VI) lors de l'exposition UV solaire. Chez ces personnes de la même manière, le risque de développement de cancers cutanés liés à l'exposition solaire est plus important et met en évidence l'effet photo-protecteur de la pigmentation (reconstruit et adapté à partir de réf. [54]). B. Résultats d'une étude montrant à titre d'exemple l'influence du phototype sur l'incidence (standardisée à l'âge) des cancers cutanés aux Etats-Unis dans les années 1980. On peut noter que les personnes de phototype les plus claires développent entre 5 et 10 fois plus de cancers cutanés (Tiré et adapté de réf.[55]). 30 δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellules cutanées 2.2.3. Les UVC Les UVC ne constituent pas des rayonnements physiologiques dans la mesure où ils sont majoritairement stoppés par la couche d'ozone. δeurs effets sont presque comparables à ceux des UVB pour des temps d'expositions très réduits de part leurs fortes énergies. Cet avantage fait qu'ils restent très utilisés dans le domaine photobiologique. A la différence des UVB, ils induisent moins de CPD et plus de 64PP. Ils ne sont cependant pas capables de générer d'isomères de Dewar [44]. Enfin, il est important de re que les UV affectent la stabilité génomique en modifiant de manière directe, ou indirecte (espèces réactives de l'oxygène produites) la séquence de l'ADN. δes conséquences de cette réactivité sont illustrées par la présence de signatures générales ou spécifiques aux différents types UV sur l'ADN génomique (Figure 7A). Bien que les UVA puissent contribués à cette instabilité génomique, les UVB s'avèrent être les rayons les plus mutagéniques. Après avoir présenté les effets mutagèniques des UV en précisant l'impact de leurs différentes longueurs d'ondes, nous aborderons dans la partie suivante les cancers cutanés qui y sont associés. Cette présentation décriera les différents cancers cutanés mais également les gènes les plus fréquemment mutés qui sont associés à leurs développements. 3. Les cancers cutanés associés à l'exposition UV Les cancers cutanés regroupent majoritairement des carcinomes et des mélanomes qui dérivent respectivement de la transformation maligne des kératinocytes et des mélanocytes. Ces cancers représentent des pathologies en forte expansion. Pour exemple, l'OεS a enregistré que depuis ces dernières décennies, un cancer diagnostiqué sur trois correspondait à un cancer cutané. Dans ce constat, l'OεS reporte également un nombre annuel de cancers comprenant entre 2 et 3 millions de carcinomes et 132 000 mélanomes dans le monde [56,57]. En dehors de facteurs génétiques prédisposant aux cancers cutanés (pour exemples le Xeroderma Pigmentosum, XP, ou l'Albinisme Oculo-cutané, OA), l'exposition solaire place les UV depuis longtemps comme un facteur de risque majeur du développement de ces cancers. Ainsi, l'intensité de l'ensoleillement, le type d'exposition (soutenue ou intermittente), le phototype et l'association de plusieurs épisodes d'érythèmes durant la petite enfance influencent fortement le risque de développer les différents cancers cutanés [22,23,58–61]. Les personnes particulièrement à risque sont les sujets de phototype les plus claires (I et II) fortement enclin à développer un érythème et vivant dans les basses latitudes, comme les Européens du Nord ou les Australiens non-Aborigènes [54] (Figure 8A et B). 31 δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellules cutanées 3.1. Les UV des carcinogènes complets Les UV constituent des carcinogènes complets de par leurs implications à la fois dans l'initiation, la promotion et la progression de cellules cancéreuses au niveau cutané [62–68]. Ainsi, selon la théorie de progression séquentielle et dans un contexte de réparation peu fidèle (réparation translesionnelle), des mutations primaires apparaissant dans des oncogènes ou des gènes suppresseurs de tumeurs à la suite d'une exposition initiale aux UV peuvent conduire à la formation de lésions bénignes pré-néoplasiques. A ces mutations primaires peuvent s'associer, après exposition UV répétée, des mutations secondaires qui vont favoriser la transformation maligne des cellules cutanées. Ainsi, la sélection de clones hyperproliférants, le plus souvent dans des conditions de résistance à l'apoptose, favorisent l'instabilité génomique et la transformation des kératinocytes et des mélanocytes [45,47,69–71]. Nos connaissances sur l'implication des UV dans la carcinogenèse cutanée ont été fortement renforcées par l'analyse des tumeurs des patients atteints de Xeroderma pigmentosum (XP). Ces patients, hypersensibles aux UV, ont une fréquence supérieure de 1000 à 2000 fois plus importante que les patients non XP de développer des carcinomes et des mélanomes [50,52,61,72]. δ'étude des tumeurs de ces patients, particulièrement les carcinomes, montrent de façon générale une fréquence élevée de mutations associées à l'exposition UV [50–52,73,74]. Ces mutations apparaissent, très précocement et de façon récurrente, particulièrement dans les régions riches en pyrimidine et peuvent affecter la fonctionnalité de plusieurs oncogènes et suppresseurs de tumeur. De çon intéressante, ces mêmes mutations, à des fréquences moins élevées, sont également retrouvées dans les cancers cutanés sporadiques des patients non XP et attestent de l'effet carcinogène des UV [50,52,61,72,73,75–80]. Bien que l'association épidémiologique entre le mélanome et l'exposition UV soit clairement établie [22,23], le spectre des mutations retrouvées sur les gènes les plus fréquemment mutés dans ce cancer, et qualifiées de mutations "primaires", n'arborent que très rarement des mutations caractéristiques de l'effet direct des UV (Figure 7B) [58,81,82]. Cette contradiction a amené à proposer d'autres types de mécanismes plus indirectes, particulièrement le stress oxydant généré par l'exposition UV, dans la genèse de ces mutations dites "primaires" [58,82,83]. Néanmoins, plusieurs études suggèrent que le développement et la progression du mélanome dépendent vraisemblablement de l'effet synergique de plusieurs mutations dans des gènes dit "secondaires" qui eux arborent clairement des signatures UV (Figure 7B) [48,70,84]. δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellules cutanées 3.2. Les différents cancers cutanés δes différents cancers liés à l'exposition UV comprennent le plus souvent des cancers qui sont généralement de bon pronostique comme les carcinomes. A l'inverse, s'ils sont beaucoup moins fréquents, les mélanomes sont des cancers associés aux effets délétères des radiations UV qui ne présentent aujourd'hui aucunes alternatives thérapeutiques totalement efficaces. 3.2.1. Les carcinomes Les carcinomes, qui comprennent les carcinomes basocellulaires (BCC) et spinocellulaires (ou épidermoïdes) (SCC), sont les cancers cutanés les plus fréquents (90 à 97% des cancers). Les BCC sont beaucoup plus importants que les SCC (ratio 4 :1) mais ont des capacités métastatiques 10 fois moins importantes [55,56,58,86]. Les BCC et les SCC sont retrouvés de façon majeure sur les régions photo-exposées de façon chronique, particulièrement le cou et la face ou, de façon intermittente comme le dos, les avant-bras ou le bas des jambes (selon le sexe) [22,23,55–57,87]. 3.2.1.1. Le carcinome basocellulaire (BCC) Les BCC correspondent à 80-90% des cancers cutanés [56,58]. Ce sont des tumeurs avec une croissance lente, localisées et rarement métastatiques (Figure 9 A). Ces cancers ont une fréquence importante au dessus de 55 ans, avec un pic au dessus de 70 ans [55,86,88]. Les BCC peuvent dériver des kératinocytes de la couche basale interfolliculaire ou du follicule pileux. Dans les BCC, macroscopiquement, les lésions pré-néoplasiques ne sont pas encore clairement identifiées. Au stade malin, ils se présentent histologiquement sous forme de nodules le plus souvent plants de différentes formes (ulcérant superficiel, morphéiforme, infiltrant et/ou pigmenté). Les nodules ulcérants d'aspect translucide et perlé sont caractéristiques et représentent 45 à 60% des BCC [86,89,90]. 3.2.1.2. Le carcinome squameux ou spinocellulaire (SCC) Les SCC sont retrouvés sur presque les mêmes régions anatomiques que les BCC mais à des fréquences différentes (fréquence plus élevée sur le bas des jambes ou les mains par exemples). Ces cancers, de croissance lente, sont plus fréquemment métastatiques (1-2% des SCC) que les BCC mais sont également moins fréquents (15-20% des cancers cutanés) [55,56,58]. De même que le BCC, l'incidence des SCC est très importante chez les personnes âgées [86,88]. Les SCC se développent à partir des kératinocytes des couches basale et granulaire qui forment des lésions prénéoplasiques bénignes, les kératoses actiniques (KA). Au stade néoplasique, ils se présentent sous forme de nodules érythémateux à bord élevé [58,86] (Figure 9A). 33 δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellul es cutanées Figure 9 : Cancers cutanés liés à l'exposition UV et mutations associés à l'exposition UV dans la progression du mélanome. A. Aspect macroscopique du carcinome basocellulaire (1), du carcinome spinocellulaire (β) et du mélanome cutané (γ). δ'ensemble des tumeurs est situé sur la face (Tirés de réf. [86] pour les photos 1 et 2 et de réf. [59] pour la photo 3). B. Schéma illustrant la progression du mélanome et des gènes présentant des signatures UV impliqués dans ce cancer chez l'Homme et la souris. Il est à noter que le moment précis où interviennent les gènes dérégulés est largement tiré des études sur le modèle murin. RGP=phase de croissance horizontale, VGP=phase de croissance verticale. (Illustration tirée et remaniée à partir de 34 δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellules cutanées 3.2.2. Le mélanome (MM) Le mélanome est le moins fréquent des cancers cutanés (1-3%), il croît rapidement et il est doté d'un potentiel métastatique très important. Il est rare chez l'enfant et contrairement aux carcinomes peut apparaitre avant l'âge de 50 ans. C'est un cancer redoutable qui entraine une survie rarement supérieure à 5 ans au stade métastatique [56,57,91]. Son incidence est particulièrement corrélée au phototype des individus et leur sensibilité aux UV. La classification de Fitzpatrick basée sur cette sensibilité définit 6 phototypes dont le risque de mélanome est inversement proportionnel à l'aptitude à pigmenter et la rareté d'apparition de l'érythème (Figure 8A). Ainsi, l'incidence des mélanomes associés à l'exposition UV est entre 10 et 16 fois plus importante chez les phototypes caucasiens (phototype I et II) par rapport aux non-caucasiens (phototype IV à VI) (Figure 8B) [22,23,54,55,92–94]. En comparaison avec les carcinomes, les mélanomes ne seraient pas dus à des doses d'UV modérées qui sont accumulées à long terme sur les régions du corps fréquemment découvertes. Les études épidémiologiques suggèrent que la genèse des mélanomes est particulièrement associée à des expositions intermittentes intenses des zones du corps habituellement couvertes avec des épisodes de coups de soleil douloureux durant l'enfance. Ainsi, chez les phototypes les plus claires (I et II), il a été estimé qu'un coup de soleil dans la petite enfance doublait le risque de développer un mélanome. Anatomiquement, les mélanomes apparaissent le plus fréquemment sur le tronc chez l'homme et le bas des jambes chez la femme [22,23,54,95]. Le mélanome est issu de la transformation des mélanocytes de la couche basale de l'épiderme. Dans 80% des cas, le mélanome se manifeste par l'apparition d'une tâche pigmentée, semblable à un grain de beauté, le naevus ou mole et dans 20% des cas par la modification de grains de beauté préexistants [ 57]. Les naevi ou moles sont des lésions pré-néoplasiques qui régressent le plus souvent [23,96,97]. Cependant, lorsqu'elles évoluent de façon maligne, trois phases sont fréquemment observées ; une transformation en naevi dysplasique puis, une progression dans un premier temps de façon verticale qui précède une progression horizontale amorçant la dissémination ou métastase des cellules malignes dans l'organisme [23,56,83,85,96–98] (Figure 9B). 35 δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellules cutanées Le mélanome de Dubreuilh ou lentigo malin, qui représente 5 à 10% des mélanomes, est associé aux régions photo-exposées de façon intermittente mais également de façon chronique chez les personnes de plus de 40 à 50 ans. Il apparait sous forme de tâches brunes dont l'aspect est lentigineux. Il évolue moins rapidement que le mélanome superficiel extensif mais reste comme tous les mélanomes inquiétants [56,88]. 3.3. Gènes présentant des marques de l'exposition UV et leurs contributions à la carcinogenèse cutanée Il est important de retenir avant de commencer cette partie que comparé aux carcinomes, le poids des gènes présentant des marques de l'exposition UV dans les étapes de la progression du mélanome, particulièrement chez l'Homme, n'est pas complètement connu. Cette disparité a été attribuée à l'hétérogénéité génétique qui peut apparaitre en fonction du stade carcinogénique des différents mélanomes et leurs localisations sur des régions cutanées exposées avec plus ou moins d'intensité aux UV. D'autre part, les études de séquençage ont montré la difficulté à dissocier les mutations "passagères", des mutations "conductrices", qui s'accumulent souvent toutes deux dans le mélanome [48,84]. Ajouté à cela, l'identification de mutations de BRAF (V600E, V599E) dans 50 à 60% des mélanomes cutanés, ont longtemps remis en cause les UV dans la genèse du mélanome [81,100,101]. BRAF code une serine-thréonine kinase impliquée dans la voie des MAPK, Ras-Raf-MEK-ERK et dont les mutations conduisent à une activation constitutive de la protéine et une prolifération incontrôlée [81]. Paradoxalement, il a été décrit que ces mutations pouvaient être aussi bien retrouvée sur les régions exposées [102] ou non aux UV [103] et surtout quelles n'arboraient presque jamais des signatures UV de type CT ou CCTT [48,81,84,103]. Néanmoins, si le gène BRAF semble important dans l'initiation du mélanome, de nombreuses données suggèrent que les mutations de ce gène sont nécessaires mais non suffisantes au développement du mélanome. Ainsi, l'accumulation 'autres mutations s'avèrent importantes pour la progression du mélanome [100,104,105]. Dans ce sens, l'impact des mutations UV induites dans la genèse du mélanome n'a été que très récemment confirmé. Une étude de Hodish et collaborateurs (2012), confirmée depuis par Mar (2013), a mis en évidence qu'en excluant les mutations BRAF 60% des gènes conducteurs présentent des signatures de type CT indicatrices de l'effet direct des UV dans le mélanome [48,84,98]. De façon plus générale, les gènes présentant des mutations ponctuelles avec des marques de l'exposition UV dans les différents cancers cutanés sont nombreux. Ces marques peuvent correspondre à l'effet direct des UV sur l'ADN ou résulter de réactions d'oxydation indirectement générées par l'exposition UV [45–48,53] (Figure 7 A et B). Par ces effets, on peut identifier de façon récurrente l'altération du gène TP53 dans les trois types de cancers. 3.3.1. Altération du gène TP53 TP53 code pour la protéine p53, un facteur de transcription exprimé de façon ubiquitaire et important pour la réponse cellulaire à de nombreux stress incluant, les agents biologiques, chimiques ou physiques comme les UV [106,107]. La protéine p53, nommée gardienne du génome, régule l'expression de plus d'une centaine de gènes important pour le contrôle du cycle cellulaire, la réparation de l'ADN, l'apoptose et même la pigmentation des cellules cutanés [107–109]. Les mutations du gène TP53 sont extrêmement fréquentes dans les BCC et SCC alors que dans le mélanome elles constituent des événements plus rares (Tableau 1). Ainsi, dans les carcinomes qui représentent 95 à 97% des cancers cutanés [ 56–58], les mutations du gène TP53 sont retrouvées dans 30-60% et presque que 90% des BCC et SCC respectivement [63,72,89,90,110–114]. Dans le mélanome, les mutations du gène TP53 sont retrouvées dans moins de 10% des tumeurs [98]. Au niveau du spectre des mutations ponctuelles du gène TP53 (Tableau 1), les séquençages du gène montrent des transitions CT, CCTT dans les sites riches en pyrimidines dans 30-70% et presque 100% des mutations de TP53 observées dans les BCC et SCC respectivement [63,72,90,110–116]. Il est important de souligner que les chiffres recensant les mutations de TP53 dans les cancers cutanés et particulièrement dans les carcinomes sont énormément augmentés chez les patients XP (Chap.2, sect.2.3) [50,52]. Dans les tumeurs issues de ces patients, il a été reporté que les mutations de TP53 présentant des signatures CT et CCTT caractéristiques pouvaient être entre 2 et 3 fois plus importante que chez les sujets non XP [51,78]. le mélanome, les mutations ponctuelles de TP53 comprennent dans 40 à 65 % des cas des transitions CT, CCTT mais également des transitions GA et TA vraisemblablement indicatrices de l'effet du stress oxydant généré par les UV [48,78,84,104]. Que ce soit dans les carcinomes ou dans les mélanomes, les mutations de TP53, fréquentes dans le domaine de liaison à l'ADN, sont responsables d'une perte de la fonction transcriptionnelle de la protéine p53 [51,113]. La contribution des mutations du gène TP53 dans le processus carcinogénique des différents cancers varie en fonctions de leur type. Dans les BCC et les SCC, il a été décrit que les mutations du gène TP53 constituent des événements qui apparaissent probablement très tôt et qui sont potentiellement associés à l'initiation de la carcinogenèse [51,52,63,78,89,90,112–115]. 30-70% 66% 30-40% sp. XP 30%, 21% (G>T) Réf. [110,111,117] [110,117– 120] [52,74,7 8,87,89, 90,121,1 22] [80] [79] BCC % des BCC SCC % des SCC Mutatio ns UV PTEN 15-20% % des Mut. Réf. MM % des MM Mut. UV RAS 80-90% <10% C > T, CC > TT (HaRAS) CC > TT 81% 100% [63,72,9 0,112– 114,116] [123] 1-3% 10% 30-70% 20% 5-20% C > T, CC > TT, G>A, T>A C>T, G>T C>T, G>T A>T, G>A C>T, G>T, G>A, T>A % des Mut. 40%65% 10%45% 30%70% Réf. [48,78,8 4,104] (p16INK4), 45-55%, p14ARF, 55%<x65% [48,124– 126] [48,62,7 5,77,12 7,128] [48,61, 84] Tableau 1 : Part des mutations associ ées à l'exposition UV dans les différents cancers. (sp. XP=mutations détectées spécifiquement chez les patients XP, Tableau élaboré à partir des références cités dans le tableau et le corpus. Carcinome basocellulaire BCC, Carcinome épidermoïde SCC, Mélanome MM, Mut.=Mutations). 38 δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellules cutanées TP53, qui se développent de façon dose dépendante de l'exposition UV, constituent de bons marqueurs pré-néoplasiques dans les carcinomes et particulièrement dans le SCC [72,116]. Dans ce sens mais dans les BCC cette fois, il a été montré que les mutations de TP53 conduisent à une instabilité génomique qui favorise les mutations sur d'autres gènes suppresseurs de tumeur comme le gène PTH [78,87,89,122]. Dans le mélanome, l'altération du contrôle du cycle cellulaire, particulièrement l'arrêt G1/S est un élément déterminant dans le développement du mélanome. Dans ce processus, la dérégulation de la fonction de la protéine p5γ et l'induction de sa cible transcriptionnelle, p21WAF1/CIP1 (CDNK1A), a un rôle cruciale dans le développement du mélanome [124,129]. Le moment exact où les mutations du gène TP53 apparaissent durant le développement du mélanome est cependant discuté. Ainsi, certaines études assument que les mutations de TP53 constituent des événements précoces [124,130], alors que d'autres les suggèrent comme tardifs [48,64,84,131]. Si les mutations de TP53 sont rares dans le mélanome, il est important d'indiquer que la perte de fonction de la protéine pourrait être sous-estimée dans ce cancer. En effet, indépendamment des mutations du gène TP53 au sens strict, d'autres régulateurs cruciaux de la stabilité de la protéine p53 peuvent présenter des mutations typiques de l'exposition UV dans le mélanome. Ainsi, l'absence ou la perte de fonction de la protéine p14ARF, due à des mutations du gène CDKN2A, entraine une diminution de la stabilité de la protéine p53. Par ce bi , les altérations des protéines p14ARF et/ou p53 augmenteraient la vitesse de progression du mélanome primaire vers le stade métastatique [48,84,124,131,132]. D'autres mécanismes plus indirects et mal connus, impliquent la surexpression de MDM2, indépendamment de sa mutation, qui corrèle également avec la progression métastatique du mélanome [133]. δ'augmentation de l'agressivité du mélanome promue par la surexpression de MDM2 pourrait impliquer une dégradation massive de la protéine p53 impliquée dans le contrôle du cycle et l'apoptose. Dans ce mécanisme, la perte d'expression ou de fonction de p14ARF dues à des mutations du gène CDKN2A joueraient un rôle majeur dans le niveau élevé de MDM2 et la dégradation de p53 [48,84,124,125,131,134]. 3.3.2. Altération du gène CDKN2A Le gène CDKN2A est soumis à épissage alternatif permettant de générer deux transcrits importants, respectivement, p16INK4 et p14ARF (ou 19ARF chez la souris) [76,135]. La protéine p16INK4, comme la protéine p21WAF1/CIP1, fait partie de la famille des inhibiteurs de kinase associés aux complexes cycline-CDK (CKI). p16INK4 est particulièrement importante pour la régulation négative des complexes cyclines DCDK4/CDK6 dont l'activité est nécessaire à l'hyperphosphorylation de la protéine Rb et la progression G1/S (Chap.2, sect.2.2) [136]. δ'autre protéine codée par le gène CDKN2A est p14ARF qui est particulièrement impliquée dans le stress nucléolaire [76,137]. En présence de stress, dont le stress UV, p14ARF est notamment capable, par interaction protéine-protéine, de neutraliser la protéine MDM2. MDM2 est une ubiquitine ligase de type E3 majoritairement impliquée dans la régulation négative de la disponibilité de la protéine p53 (Chap.3, sect.1.3.4.). Ainsi, p14ARF, par le biais de la neutralisation de MDM2, favorise la stabilité du suppresseur de tumeur p53 [135,138]. Les mutations du gène CDKN2A intéressent particulièrement les SCC et le mélanome. En effet, il a été estimé que 24% et 30 à 70% des SCC et des MM 39 δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellules cutanées respectivement présentaient des mutations du gène CDKN2A [83,98,110,117,118,120,139– ]. De façon commune, les mutations du gène CDKN2A affectant le transcrit p16INK4, présentent des transitions typiques de l'effet direct des UV (C , CCTT) mais également des marques du stress oxydant généré par l'exposition UV (GA et GT). Ces transitions sont retrouvées dans 66% et 45 à 55% des mutations ponctuelles détectées dans les SCC et les MM respectivement [48,84,110,117– 120,124,126,134,139 ]. De façon plus restreinte au MM, ces transitions constituent 55 à 65% des mutations ponctuelles du gène CDKN2A qui affectent le transcrit p14ARF [48,84,124– 126,139 ]. 141 Concernant les mutations qui affectent le transcrit p16INK4, que ce soit dans le SCC ou le MM, celles-ci engendrent le plus souvent une protéine p16 tronquée, non fonctionnelle. Cette perte de fonction se traduit par une abolition des effets antiprolifératifs normalement promus par la protéine p16INK4 [48,110,117,118,120,124,126]. De façon intéressante, il a été proposé que la protéine p16INK4 peut être impliquée dans le maintien du caractère sénescent des lésions pré-néoplasiques et que sa perte d'expression peut conduire à la transition du stade KA en SCC [118,119]. 3.3.3. Altération du gène RAS Les gènes RAS codent pour les petites protéines G : Ha-Ras, Ki-Ras et N-ras. Ces protéines sont recrutées et activées par de nombreux récepteurs membranaires dont des récepteurs à activité tyrosine kinase ou des récepteurs à 7 passages membranaires et couplés aux petites protéines G [62,85,127,143]. Ces derniers sont capables d'activer la protéine Ras et d'initier la cascade mitogénique Raf-MEK-ERK [143]. Parmi les gènes Ras, Ha-Ras et N-Ras présentent souvent des mutations associées à l'exposition UV dans les SCC et le εε. Dans les SCC, les mutations de Ha-RAS et N-Ras sont retrouvées dans moins de 10% des cas [62,75,144] alors que dans le MM, les mutations de N-RAS sont retrouvées dans 20% des cas [48,84]. Dans les SCC il a été montré que 81% des mutations ponctuelles du gène HA-Ras particulièrement sont des transitions CCTT [123]. Dans le mélanome, il a été observé que le spectre mutationnel du gène N-Ras 40 δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellules cutanées pouvait comprendre 10% à 45% de marques de l'exposition UV : dont des transitions CT indicatrices d'un effet direct des UV et, des marques de leur effet oxydant avec des transitions de type GA [48,62,75,84,128]. Que ce soit dans le SCC ou dans le mélanome, les mutations des gènes RAS aboutissent à l'activation constitutive de ces petites protéines G et à une prolifération incontrôlée [62,75,123,128,143,145]. Dans le MM particulièrement, il a été décrit que les mutations de RAS peuvent constituées un premier "hit" dans l'initiation du mélanome mais la synerg avec d'autres types de mutations sont importantes à la progression tumorale [75,77,127,128]. Ainsi, dans le modèle murin, les pertes de fonction des protéines p16INK4 et p53 sont nécessaires à la progression tumorale quand les protéines Ras sont constitutivement activées [129,131,146]. 3.3.4. Altération du gène PTEN Le gène PTEN code pour une phosphatase régulant négativement la voie de survie et anti-apototique PI3K-AKT [147]. Les mutations de PTEN ont été impliquées dans 5 à 20% des mélanomes sporadiques [83,98,148]. Les mutations portées par PTEN présentent très fréquemment des marques de l'exposition UV. Aussi il a été montré que 73% des substitutions de nucléotides sur ce gène concernaient des transitions CT dans les mélanomes primaires [48,84]. En plus des transitions CT, d'autres types de transitions particulièrement GA et TA communes à l'exposition UV (Figure 7A et B), peuvent représenter jusqu'à 91% des mutations observées sur le gène PTEN dans les mélanomes issus de patient XP [61]. Les mutations de PTEN entrainent le plus souvent l'inactivation de la protéine engendrant une activation constitutive de sa cible AKT. δ'activation constitutive d'AKT maintient la survie des cellules tumorales et les rend résistantes à l'apoptose [61,149]. Enfin, il a été suggéré que l'inactivation de PTEN représenterait un "hit" probablement secondaire favorisant l'agressivité du mélanome et sa métastase (Figure 9 B). Ainsi, lorsque BRAF est muté, il a été observé que PTEN était également muté ou délété dans 10% des cas [100,150]. 3.3.5. Altération des gènes de la voie PTH/SHH PTCH code pour une protéine à douze passages transmembranaires capable de fixer le ligand sonic hedgeog (SHH). La régulation de cette voie est impliquée dans le développement embryonnaire et la régulation de la différenciation des kératinocytes de l'épiderme [87,151]. En absence de son ligand SHH, l'activation de PTCH régule négativement et de façon constitutive un autre récepteur à sept passages transmembranaires nommé smoothened (SMO). La répression de SMO bloque l'activation par ce dernier des facteurs de transcription de la famille GδI et de leurs cibles transcriptionnelles comme les gènes codant pour les facteurs de croissance TGF, BMP ou WNT et du récepteur PTCH [52,74]. δ'activation de GδIβ particulièrement entraine au niveau des kératinocytes, une répression de leur différenciation et promeut leur prolifération [151]. Par cette voie, des mutations 41 δ'exposition UV, un facteur de risque majeur de la transformation des cellules cutanées inactivatrices de PTCH, qui causent une levée d'inhibition du récepteur SεO, sont impliquées dans l'induction de la transformation des kératinocytes [87,151]. Le gène PTCH présente très fréquemment des mutations typiques de l'exposition UV [52,74]. Il a ainsi été démontré que 30% à 50% des BCC sporadiques présentent des mutations inactivatrices du gène PTCH et 30 à 41% de ces mutations sont des signatures CT et CCTT liées l'exposition UV [52,74,89,90]. Ces chiffres s'accroissent dans les tumeurs des patients atteints de XP chez lesquels il a été reporté que les mutations de PTCH peuvent être retrouvées dans 50 à 90% des cas de BCC. Chez ces patients, les mutations typiques de l'exposition UV peuvent représenter jusqu'à 80% des mutations ponctuelles du gène PTCH [73,78]. Fonctionnellement, l'inactivation de PTCH, comme celle de p5γ, est considérée comme une étape précoce dans l'initiation du BCC [78,87]. D'autres composants de la voie sonic hedgeohg, de façon moins fréquente, peuvent également présenter des mutations typiques de l'exposition UV qui aboutissent à l'activation constitutive de cette voie. Ainsi, des mutations des gènes codant le ligand SHH (environ 2% des BCC) ou le récepteur SMO (entre 10-20,6% des BCC) sont également impliqués dans la genèse et le développement des BCC [79,80]. En conclusion de cette partie, il est à retenir que les UV sont des carcinogènes complets largement impliqués dans la genèse de la majorité des cancers cutanés. Chapitre 2 Les systèmes de défenses cellulaires contre l'instabilité génomique promue par l'exposition UV δa réaction de la peau face à l'exposition UV implique des mécanismes cellulaires qui permettent de réparer les dommages générés immédiatement mais également des mécanismes de prévention assurant une protection transitoire contre une future exposition. En absence d'anomalies génétiques (déficience dans les systèmes de réparation ou albinisme par exemples), la mise en place et la durée de ces phases dépendent de la fréquence d'exposition et du phototype de l'individu [152,153]. 1. Notions de réponse précoce et réponse tardive à l'exposition UV De façon immédiate, la peau exposée aux radiations UV subit un control négatif de la prolifération de ses composantes cellulaires. Chez l'homme [154], le porc [155] et la souris [156], la prolifération des cellules de l'épiderme et particulièrement les kératinocytes de la couche basale est arrêtée de façon transitoire dans les 12 à 24h suivant l'irradiation. Cet arrêt est concomitant au processus de réparation de l'ADN qui permet de réduire significativement la quantité de dommage dans cette fenêtre de temps [156,157]. Cette réponse à l'exposition UV est qualifiée de réponse précoce. Par opposition, l'apparition de cellules apoptotiques appelées "sunburn cells" dans les 24 h post irradiation [153,158] marque le début de la phase inflammatoire et la transition vers la phase de maintenance. Cette phase est associée à une hyperplasie et une pigmentation de l'épiderme qui apparaissent entre les β4-72 h post irradiation [157,159,160]. Cette deuxième étape de la réponse aux UV est généralement qualifiée de phase tardive. 2. Réponse précoce à l'exposition UV 2.1. Reconnaissance des dommages et transduction du signal de stress Les UV induisent des dommages à l'ADN mais sont également impliqués dans la formation de ROS. Ces signaux vont être reconnus par des kinases de stress qui vont permettre de « transduire » l'information à des facteurs de transcription afin d'adapter la réponse cellulaire à l'environnement. Parmi ces voies, on distingue les voies initiées par les kinases de la famille PIKK (phosphatidyl inositol 3' kinaserelated kinases); ATM/ATR et DNAPK, et les MAPK, particulièrement p38 et JNK qui assurent la transduction des dommages induits par l'exposition UV. 43 δes systèmes de défenses cellulaires contre l'instabilité génomique promue par l'exposition UV Figure 10 : Recrutement d'ATM et d'ATR aux sites lésionnels sur d'ADN. A. Modèle proposé pour la fixation d'ATM sur les cassures doubles brins. ATM se fixe à l'ADN par l'intermédiaire du complexe MRN (Mre11=M, Nbs1=N, Rad50=A et B) ce qui lui permet d'être activée et de recruter la kinase CHK2. B. Modèle proposé pour la fixation d'ATR sur les sites monobrins de l'ADN. ATRIP se lie à l'ADN par l'intermédiaire des protéines RPA et du complexe 9-1-1/RFC qui lui permettent de recruter ATR. ATR activé peut ensuite phosphoryler CHK1. (Illustrations adaptées à partir des réf. [161,162]). 44 δes systèmes de défenses cellulaires contre l'instabilité génomique promue par l'exposition UV 2.1.1. Les voies ATM/ATR Les voies ATM/ATR constituent de véritables senseurs de la présence des dommages à l'ADN. Ces protéines vont reconnaitre les lésions à l'ADN et initier les cascades activatrices menant en particulier aux différents points de contrôle du cycle cellulaire. δ'activité de ces senseurs est très souvent dépendante de médiateurs qui assurent leurs liaisons à l'ADN et qui leurs permettent de recruter les effecteurs de la réponse. Les protéines ATM/ATR correspondent à des Serine/Thréonine kinases qui sont impliquées dans l'initiation de la réponse cellulaire au stress génotoxique dont les UV [163,164]. Bien qu'il ait été montré que ces kinases puissent être fixées et activées après liaison directe à l'ADN [165,166], in vivo leur fixation aux sites lésionnels requiert l'intervention de protéines accessoires. Ces protéines accessoires peuvent être : des protéines impliquées dans la réparation de l'ADN, des protéines de remodelage de la chromatine ou même des facteurs de transcription [161,162]. Les protéines ATM et ATR sont des protéines nucléaires de haut poids moléculaires (350 et 301 kDa respectivement) avec une certaine spécificité réactionnelle au regard du type de dommages à l'ADN. Classiquement, il est décrit que la protéine ATM est principalement activée par les cassures double brins générées de façon majeure par les radiations ionisantes et peu par les UV [167,168]. A l'inverse, ATR est plus largement activée par les cassures simples brins et le blocage des fourches de réplication engendrés par les radiations UV [169]. Cette distinction n'est pas aussi simple et plusieurs étud montrent un chevauchement et une complémentarité entre les voies ATε et ATR pour la reconnaissance des lésions à l'ADN et l'initiation de la réponse cellulaire. Particulièrement, le blocage des fourches de réplication (stress réplicatif) et leur dissociation, causés par des adduits générés par les UV, peuvent mener à la formation de cassures doubles brins. Dans ce cas il a été montré que la voie ATε pouvait être mobilisée par l'intermédiaire de la voie ATR [170]. Aussi, les rayonnements UV par le biais des dommages à l'ADN générés activent majoritairement la voie ATR mais sont susceptibles, par notamment les intermédiaires de réparation, d'aboutir à l'activation d'ATε. δes protéines ATε et ATR sont activées après leur fixation à l'ADN. ATε présent sous sa forme dimérique (inactive) se fixe sur les extrémités lésées de l'ADN [165,171]. Cette fixation dissocie le dimère en monomères et expose son domaine kinase. La fixation d'ATε à l'ADN est médiée par le complexe εRE11/RAD50/NBS1 qui l'oriente sur le site des lésions et participe à son activation [161,165,172] (Figure 10A). ATR se fixe sur l'ADN par l'intermédiaire de son partenaire ATRIP qui est important pour son activation [166]. Ainsi, l'ADN lésé sous forme monobrin présentant la protéine RPA permet le recrutement d'ATRIP et consécutivement d'ATR qui devient active. D'autres protéines jouant le rôle de plateforme comme les complexes multiprotéiques 9-1-1 (Rad9-Hus1-Rad1) et RFC (Rad17-RFC2-5), qui forment une structure en forme de clampe autour de l'ADN, auraient un rôle prépondérant dans l'arrimage et l'activation d'ATR aux sites lésionnels [162,163] (Figure 10B). La transduction du signal à partir des kinases ATM et ATR dépend de leur association à des médiateurs. Ces médiateurs sont des protéines contenant des domaines BRCT (Carboxyl-Terminal domain of the Breast Cancer Gene 1 ). Ce domaine est un motif de fixation pour les phospho-protéines qui permet les 45 δes systèmes de défenses cellulaires contre l'instabilité génomique promue par l'exposition UV interactions protéine-protéine et leur oligomérisation [173]. Il est notamment important pour permettre la fixation entre les protéines ATM et ATR et leurs transducteurs respectifs que sont les protéines kinases CHK2 et CHK1. Les protéines présentant ce domaine sont, 53BP1, TOPBP1, MDC1 et BRCA1 qui forment des foci aux sites lésionnels [174]. D'autres protéines peuvent assurer cette fonction comme ; la Claspin, H2AX et SMC1 qui assurent également la liaison des kinases TR et ATM à leurs substrats [164]. Ces médiateurs ne sont pas inertes et participent fortement aux effets cellulaires médiés par les kinases ATM et ATR. Au niveau génétique, des mutations dans les gènes codant pour les protéines ATM et ATR sont à l'origine des syndromes d'Ataxia Telegenctasia (A-T) et de Seckel. Le syndrome A-T engendre des déficiences immunitaires, une dégénérescence du système nerveux et un risque élevé de développement de cancers. Le syndrome de Seckel se caractérise par un défaut de croissance et des affections mentales [175,176]. Au niveau de la réponse aux dommages à l'ADN, il a été montré que les cellules originaires de patients atteints d'A-T ou du syndrome de Seckel peuvent présenter une altération de la réponse aux UV. 2.1.2. La voie DNAPK Le dernier membre de la famille PIKK pouvant jouer le rôle de senseur des dommages à l'ADN est la protéine DNAPK. δa protéine DNAPK est un trimère formé d'une sous-unité catalytique, DNAPKcs, et de deux sous-unités régulatrices, Ku70 et Ku80. δ'association des sous-unités Ku70 et Ku80 à l'ADN permet le recrutement et l'activation de la sous unité catalytique DNAPKcs [163,164]. La protéine DNAPK a un rôle prépondérant dans la réparation des dommages à l'ADN de type NHEJ (Nonhomologous end joining) mais, elle est au même titre qu'ATε capable de transduire l'information générée par les cassures double brins. Comme pour ATM, DNAPK peut être activée par les UV via la voie ATR par l'intermédiaire du stress réplicatif potentiellement générateur de cassures double brins [170,179]. 2.1.3. La voie des MAPKs, JNK et p38 Les MAPKs correspondent à une famille de Serine/Thréonine kinases qui peuvent être activées par une grande variété de stimuli, qui inclut l'exposition UV. δes voies de transduction des MAPK comprennent les modules, ERK, p38 et JNK tous activables par phosphorylation de leurs résidus Thréonine et Tyrosine présents dans leurs boucles d'activation [180]. Chacun de ces membres peut être activé en réponse à divers stimuli et possède ses propres cibles. La voie ERK est généralement activée par des signaux mitogéniques alors que les voies JNK et p38 sont activées en réponse aux stress cellulaires. Ces voies sont capables d'initier plusieurs types de signaux dont des signaux pro-différenciants, mitogéniques ou pro-apototiques [181]. δ'induction de ces différentes voies en réponse aux UV pourrait dépendre du type d'UV. Dans ce schéma, les UVA entraineraient une forte activation d'ERK alors que 46 δes systèmes de défenses cellulaires contre l'instabilité génomique promue par l'exposition UV JNK ne serait activable que par les UVC. En revanche, la voie p38 serait activable quelle que soit la nature des UV [182]. Les protéines de la famille p38 sont représentées par cinq isoformes protéiques : pγ8α, 1, β,, et [180,183]. En réponse aux UV, ces kinases sont particulièrement importantes pour la régulation du cycle cellulaire, l'apoptose ou même la pigmentation [184–187]. Sous l'effet des UV, la cascade permettant l'activation de pγ8 impliquerait en amont l'activation d'un récepteur à activité tyrosine kinase et des cascades de phosphorylation impliquant les modules MKK3-MKK4-MKK6 (MitogenActiva ted Protein Kinase Kinase 3,4 et 6) [180,181,184]. Le mécanisme de "sensing" des dommages causés par les UV à l'origine de l'activation de cette voie reste encore discuté. Cependant, l'activation spontanée des récepteurs membranaires, et particulièrement de l'EGFR, en réponse aux ROS générées, constituerait un signal initiateur de la cascade. Dans ce cas l'activation spontanée du récepteur par les UV pourrait faire intervenir par le biais des ROS générés ; un clustering des récepteurs à la surface et leur autophosphorylation [188,189] ou l'inhibition des phosphatases responsables de la régulation négative de l'activité de l'EGFR [190]. 2.2. Blocage du cycle cellulaire en réponse aux dommages à l'ADN δ'arrêt transitoire du cycle cellulaire dans la peau s'applique majoritairement aux kératinocytes des couches basale et suprabasale qui sont des cellules proliférantes [8,155,156]. Cependant, les cellules dites résidantes, telles que les mélanocytes [154] bien que moins dynamiques en terme de prolifération peuvent également être affectées. Cette modulation de la prolifération cellulaire est médiée par des points de contrôle spécifiquement activés en réponse aux agents endommageant l'ADN. Ces points de contrôle permettent d'arrêter les transitions G1/S et G2/M du cycle cellulaire (Figure 11 et 12). δ'activation de ces mécanismes va permettre de bloquer ou de retarder le cycle cellulaire afin de permettre la réparation de l'ADN. Dans un souci de clarté l'accent sera placé sur les voies canoniques qui font intervenir les kinases ATM et ATR qui seront décrites dans un premier temps. La deuxième partie regroupera les données sur les voies non canoniques qui font intervenir les kinases DNAPK et p38. 2.2.1. Voies canoniques faisant intervenir les kinases ATM et ATR 2.2.1.1. L'arrêt G1/S et intra-S en réponse aux dommages à l'ADN - L'arrêt G1/S La transition G1/S et la progression dans la phase S sont intimement liées à la régulation des complexes cycline D/Cdk4, cycline E/Cdk2 et cycline A/Cdk2 [191] (Figure 11A). Le passage de la phase G1 à la phase S est particulièrement corrélé à la libération du facteur de transcription E2F séquestré par la protéine Rb [192]. La libération d'EβF est nécessaire à l'expression des gènes comme la cycline E [193] et la cycline A [194] qui permettent la progression dans la phase S. Cette libération d'EβF passe par l'hyperphosphorylation de la protéine Rb grâce au complexe cycline D/Cdk4 [195]. Ainsi, le blocage G1/S consiste à maintenir le facteur E2F séquestré par 47 Les systèmes de défenses cellulaires contre l'instabilité génomique promue par l'exposition UV la protéine Rb. Ce mécanisme, dont la mise en place est lente, est majoritairement contrôlé par la protéine p53 (Figure 11B). Selon la nature des dommages à l'ADN, les protéines ATM et ATR activent respectivement les kinases CHK1 et CHK2 qui sont capables de phosphoryler la protéine p53 [196,197]. La phosphorylation de p53 contribue à stabiliser la protéine contre sa dégradation constitutive médiée par MDM2 [198]. La protéine p53 accumulée peut ensuite induire la transcription d'inhibiteurs de complexe cycline/Cdk comme le gène CDKN1A (p21Waf1/Cip1). L'arrêt G2/M en réponse aux dommages à l'ADN La progression dans la phase ε est régulée par l'activité du complexe cycline B/Cdk1(ou CDC2) [191,208]. Comme pour l'arrêt G1/S, deux types de mécanismes vont être mis en place pour réguler l'activité du complexe cycline B/Cdk1. Selon la nature des dommages à l'ADN, les voies ATε et ATR sont mobilisées pour assurer à la fois un blocage qui va être indépendant de la protéine p53 (voie rapide) et un autre qui va dépendre de la protéine p53 (voie lente) (Figure 11B). 48 δes systèmes de défenses cellulaires contre l'instabilité génomique promue par l'exposition UV Figure 11 : Voies canoniques d'arrêt du cycle cellulaire en réponse aux dommages à l'ADN induits par les UV. A. Représentation du cycle cellulaire et des complexes cycline /CDK importants pour la progression dans ce dernier. B. Arrêt G1/S et G2/M initiés par l'activation des voies ATM et ATR (Adapté de réf. [191]). C. Mécanisme du blocage intra-S (Adapté de réf. [200]). De façon indépendante de la protéine p53, le mécanisme clef du blocage en phase G2 (voie rapide) consiste en la régulation négative de la phosphatase Cdc25C (et probablement Cdcβ5B) qui permet d'activer le complexe cycline B/Cdk1 [191,208]. De la même manière que pour Cdc25A, Cdc25C est régulé de façon protéasome dépendante [209]. Comme précédemment, la phosphorylation de Cdc25C par les voies ATM/ATR provoque son export nucléaire et sa dégradation par le protéasome. La voie lente fait intervenir p53 et la régulation transcriptionnelle de CDKN1A, GADD45 et 14-3-3 sigma (ou SFN) qui permettent de maintenir l'arrêt de la phase S. Les protéines GADD45 et 14-3-3 sigma vont toutes deux agir en régulant la disponibilité du complexe cycline B/Cdk1. GADD45 entraine la dissociation du complexe cycline B/Cdk1 et le rend inactif [210] alors que 14-3-3 sigma séquestre le complexe cycline B/Cdk1 dans le cytoplasme et empêche son import dans le noyau [211]. 2.2.2. Voies non canoniques de contrôle du cycle en réponse aux dommages à l'ADN - L'activation de la kinase DNAPK La protéine DNAPK peut également être activée par les UV via la voie ATR par l'intermédiaire du stress réplicatif qui comme nous l'avons vu peut être une source de cassures double brins [170,179]. Cependant, les conséquences de l'activation de DNAPK sur le cycle cellulaire en réponse aux UV ne sont pas bien connues. Néanmoins, une étude a montré que la perte d'expression de DNAPK altérait l'arrêt en phase S duit par l'exposition UV. DNAPK agirait par l'intermédiaire de la protéine RPA pour promouvoir le blocage intra-S en réponse au UV. Cependant, les cibles effectrices en aval de RPA ne sont pas étayées [212]. - L'activation de la kinase p38 Les kinases p38 ont été largement impliquées dans la régulation du cycle cellulaire en réponse aux UV. δa kinase pγ8α (pγ8 dans la suite du texte), la mieux caractérisée, est impliquée dans la transition G1/S mais surtout G2/M [184,185]. Comme pour les kinases ATM et ATR la régulation des deux transitions mobilise des voies faisant intervenir ou non la protéine p53 (Figure 12). - Arrêt G1-S De façon dépendante de la protéine p5γ, la kinase pγ8 est capable d'activer l'arrêt G1/S. Il a été montré que la kinase p38 activée par les UV pouvait phosphoryler p53 au niveau des résidus Ser15 [213], Ser33 et Ser46 [214]. 51 δes systèmes de défenses cellulaires contre l'instabilité génomique promue par l'exposition UV De façon indépendante de p53, la kinase p38 intervient également dans la répression de l'expression de CCND1 (cycline D1) et l'augmentation de l'expression de l'inhibiteur de cycline p16INK4. La régulation de ces deux gènes permet de renforcer le blocage de la transition G1/S [184]. Une autre cible de la kinase p38 est la phosphatase Cdc25A dont la phosphorylation entraine sa dégradation et participe à l'arrêt en phase S [205,216]. - Arrêt G2/M δ'arrêt Gβ/ε est obtenu par l'intermédiaire de l'inhibition du complexe cycline B/Cdk1. La stabilisation de la protéine p53 par la kinase p38 permet de réguler l'expression des deux cibles transcriptionnelles de p53, 14-3-3 sigma et GADD45. Ces protéines permettent respectivement de séquestrer et de dissocier le complexe cycline B/Cdk1 dans le cytoplasme [210,211,215]. De façon indépendante de p5γ, l'activation de la voie pγ8 permet d'inhiber par phosphorylation les phosphatases Cdcβ5B et Cdcβ5C et l'activité du complexe cycline B/Cdk1 [216]. Ces phosphorylations permettent de créer des sites de fixation pour les protéines 14-3-3 qui séquestrent alors les protéines Cdc25 B et Cdc25 C dans le cytoplasme [209,211]. Dans le cas de la régulation de Cdc25C par la kinase p38, il a été montré que les voies ATM et ATR pouvaient participer de manière directe ou indirecte à la régulation de pγ8 en réponse aux dommages à l'ADN dont les UV. δ'activation des voies ATε et ATR permet notamment par 'intermédiaire de la kinase Tao ou CHK1 d'induire la voie pγ8-MK2. En retour, la kinase MK2 induit la phosphorylation inhibitrice de Cdc25C ce qui entraine un blocage de la progression G2/M [205,217]. En conclusion de cette partie il est à retenir que l'arrêt du cycle cellulaire est un phénomène transitoire qui peut être activé de manière rapide. De plus, la durée de cet arrêt peut être modulée en fonction du niveau de dommage et des voies cellulaires alors mobilisées. Enfin, il est à noter que l'arrêt du cycle cellulaire est particulièrement intriqué avec les mécanismes de réparation de l'ADN afin d'assurer la stabilité du génome. 2.3. La réparation de l'ADN La réparation de l'ADN est un système conservé dans plusieurs espèces permettant la réparation d'une grande variété de lésions de l'ADN produites par des sources endogènes et exogènes. 53 δes systèmes de défenses cellulaires contre l'instabilité génomique promue par l'exposition UV l'inactivation de la polymérase translésionnelle η). Plusieurs mutations de ces gènes ont été identifiées dans des maladies héréditaires autosomiques récessives rares de la réparation de l'ADN telles que ; le Xeroderma Pigmentosum (XP), le Syndrome de Cockayne (CS) et la Trichothiodystrophie (TTD) (Tableau 2). Ces pathologies induisent chez les personnes atteintes une hypersensibilité aux UV et généralement un risque élevé de développement de cancers à un âge précoce. Les patients XP ont ainsi un risque mille à deux mille fois supérieur aux sujets non atteints de XP de développer des cancers cutanés qui incluent les carcinomes et les mélanomes [50– 52,218 ]. 2.3.1. Mécanisme de la réparation par excision de nucléotides (NER) La réparation NER comprend deux sous voies de réparation ; la voie du TCR (Transcription Coupled Repair) qui permet de réparer les zones transcriptionellement actives du génome et, la voie du GGR (Global Genome Repair) associée à la réparation des zones peu actives. Les deux sous-voies utilisent une stratégie commune et sont différenciables uniquement dans l'étape de reconnaissance des dommages à l'ADN. δe NER comprend plusieurs étapes séquentielles (Figure 13); la reconnaissance des dommages, l'ouverture de l'hélice d'ADN (ou création d'une bulle de dénaturation), l'excision du brin d'ADN de part et d'autre de la lésion (jusqu'à 32 nucléotides) et le relarguage de la partie excisée qui créé un "gap", le remplissage du "gap" par l'insertion d'une nouvelle séquence nucléotidiques, et enfin la ligation du brin nouvellement synthétisé [218] - Reconnaissance de la lésion à l'ADN et initiation du NER Dans le GGR, la reconnaissance du brin lésé est assurée par la protéine XPC qui en se fixant sur le brin intact en face de la lésion est l'élément initiateur du GGR [219,220]. Cette dernière forme le complexe XPC, avec deux autres protéines HR23B et Centrine 2. Ces protéines augmentent l'affinité d'XPC pour les lésions et son activité dans le NER [221,222]. Lorsque les lésions sont peu distordantes, un deuxième complexe peut intervenir pour optimiser la fixation du complexe XPC. Dans ce cas, le complexe DDB1/DDB2-XPE, qui possède une forte affinité pour l'ADN lésé permet le recrutement de XPC. Le complexe DDB1/DDB2 est associé à des complexes multienzymatiques lui conférant une activité ubiquitine ligase E3 qui lui permettent de poly-ubiquitiniler XPC et d'augmenter son affinité pour la lésion [223]. Les systèmes de défenses cellulaires contre l'instabilité génomique promue par l'exposition UV XPA-RPA (pour le TCR), qui permettrait d'orienter la fixation du complexe TFIIH [223]. Le complexe TFIIH comprend deux sous-unités XPB et XPD qui possèdent des activités hélicases de sens opposées et des activités ATPases [228,229]. Ces activités ATPase et hélicase permettent au complexe TFIIH d'ouvrir l'hélice d'ADN et de créer une ''bulle'' d'une trentaine de nucléotides encadrant la lésion d'ADN [230]. Les protéines RPA permettent ensuite le recrutement du deuxième complexe formé des protéines XPG et XPF-ERCC1 qui ont une activité endonucléase respectivement en γ' et en 5' sur le brins d'ADN lésé [231,232]. δe fragment d'ADN lésé est ensuite écarté pour laisser place à la fixation des ADN polymérases /, [233] et au complexe RFCPCNA [234] qui permettent la synthèse d'une nouvelle séquence nucléotidique. Enfin le complexe XRCC1-liguase III, dans les cellules qui se répliquent activement ou l'ADN ligase I, dans les cellules quiescentes permettent de liéer le fragment néosynthétisé [235]. 2.3.2. Régulation du NER à la suite de l'exposition UV Dans les cellules de mammifère, la protéine p53 jouerait un rôle crucial dans la régulation du NER en réponse à l'exposition UV. Il a été montré que la déficience en protéine p53 dans les cellules issues de patients atteints du syndrome de LiFrauméni (Chap.3, sect.1.1-2), ou après extinction par infection par le papillomavirus E6 ou le virus SV40 altérait l'efficacité de réparation des lésions de types CPD et 64PP [236–241]. Dans ces étud es, la protéine p53 aurait un rôle prépondérant dans le GGR D'autres études suggèrent que l'implication de p53 dans la régulation UV induite du NER passerait par le contrôle de l'expression de DDB2 et XPC, deux gènes cruciaux dans le GGR [242–245]. Néanmoins, l'implication de p5γ ne serait pas limitée au GGR et influencerait également le TCR. Dans ce cadre il a été montré que l'influence de p5γ était corrélée à la longueur d'onde des UV utilisés pour irradier les cellules. Ainsi la perte de p53 affecte à la fois le TCR et le GGR en réponse aux UVB mais uniquement le GGR en réponse aux UVC [246]. Cette participation de p53 pourrait faire également appel à la régulation de PCNA qui intervient dans la voie commune au TCR et au GGR mais cette piste reste encore discutée. Très récemment, il a été montré que les voies GGR et TCR pouvaient être également modulées par d'autres facteurs de transcription. En réponse à l'exposition UV, in vivo et in vitro, l'activation du facteur de transcription USF1 particulièrement, est importante pour la régulation transcriptionnelle des gènes CSA et HR23A. Ce mécanisme, indépendamment de la protéine p53, est particulièrement important pour la réparation des lésions de type CPD induites par les UVC [226]. δa régulation du NER en réponse à l'exposition UV ferait également intervenir des interactions protéines-protéines et des modifications post-transcriptionnelle de ces composants qui moduleraient alors l'activité du NER. Après irradiation UV, il a été montré que les protéines DDB2 et XPC sont co-localisées sur l'ADN lésé. Dans ce cas, la fixation de DDB2 préliminaire est nécessaire pour le recrutement successif de XPC sur l'ADN lésé [244]. D'autres parts, il a également été montré que la protéine DDBβ faisait partie d'un complexe composé des protéines DDB1,Culine 4A, Roc1 et du signalosome COP9. Ce complexe, doté d'activité ubiquitine ligase Eγ, est activé en réponse aux UV et permet de polyubiquitiniler à la fois DDB2 et XPC. La 56 δes systèmes de défenses cellulaires contre l'instabilité génomique promue par l'exposition UV polyubiquitination d'XPC permet son association à l'ADN lésé et favorise l'activité du NER alors que la polyubiquitination de DDB2 entraine sa dégradation. Ce mécanisme utilisant un signal de polyubiquitination permettrait la reconnaissance UV induite de la lésion à l'ADN et l'activation du GGR [223,225]. Pour conclure, cette partie montre le caract crucial de la réparation NER, ces spécificités mais également la complémentarité des sous-voies GGR et TCR. δ'absence de tels mécanismes de réparation conduit à une hypersensibilité aux UV dont l'apoptose est alors une dernière barrière contre l'instabilité génomique. 2.4. L'apoptose δ'apoptose est un mécanisme de mort programmé qui constitue un des derniers remparts contre l'initiation de la transformation des cellules cutanées exposées aux UV. Particulièrement, l'apparition de kératinocytes à noyaux pyknotiques avec des cytoplasmes rétractés, dénommés "sunburn cells", au niveau des régions suprabasale et médiane de l'épiderme, est reconnue depuis longtemps comme un des événements les plus caractéristiques de la protection contre les effets mutagènes des UV [247–249].
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Les musiciens d’Église au XVIIIe siècle : acteurs, circulations, réseaux (diocèses de Blois, Chartres, Évreux, Orléans, Rouen). Histoire. Université Clermont Auvergne, 2023. Français. &#x27E8;NNT : 2023UCFA0135&#x27E9;. &#x27E8;tel-04623126&#x27E9;
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326 CHARRIER J. (prêtre), Claude Fauchet, évêque constitutionnel du Calvados, Librairie ancienne Honoré Champion éd., Paris, 1909, t.II p.51. 327 PIEL Léopold-Ferdinand-Désiré, Inventaire historique des actes transcrits aux insinuations ecclésiastiques de l’ancien diocèse de Lisieux, Lisieux, Imprimerie typographique et lithographique E. Lerebour, 1891, t.1. Ainsi en 1693 (p.53), en 1704 (p.586) : « 269 – Le 25 juin 1704 le seigr évéque donne à Me Antoine Guéret, pbre, l’un des heuriers de la Cathédrale, la collation de la parr. de N.D. d’Auquainville, vacante par la mort de Me Guillaume Haguelon, pbre, dernier titulaire. » L’abbé Piel assimile les heuriers à des choristes (p.LXI). 328 https://cnrtl.fr/definition/matinier, consulté le 18 novembre 2020. « Matutinier », que l’on trouve parfois dans les sources n’a aucune entrée. 65 « MATINIER [...] S. m., chantre ou chapelain à gages, qui assiste à matines et aux autres offices : Pierre de Rochefort, chantre de Chartres et arcediacre [sic] de Langres a donné... a l’eglise de Chartres cent souls et un mui de blé de rente perpetuel aux us de un matinier perpetuel en l’eglise de Chartres (1312, Cart. du Chapitre de Chartres, ap. Duc., Matutinarius.) Les heuriers et matiniers de l’eglise Nostre Dame de Chartres. (12 sept. 1415, Acquit, Chap. N.-D., C 44, Arch. Eure-et-Loir.) Auquel cloistre (de l’église de Chartres) avoit en la maison des matiniers plusieurs des chantres de la dite eglise, lesquelx chantoient, jouou et se esbatoient a plusieurs instrumens. (1463, Arch. .) » Le terme est également attaché à la cathédrale de Chartres. Jusqu’à présent il n’est jamais apparu en un autre lieu de musique dans les dépouillements du réseau Muséfrem. Sur la même racine étymologique, on trouve malgré tout des « clercs de matines » dans plusieurs cathédrales, en particulier à Notre-Dame de Paris, qui entretient comme musiciens gagistes en 1790, sept « clercs de matines » à côté des six « machicots »329. Bien que Sébastien Rouillard différencie au début du XVIIe siècle les « heuriers » des « matiniers », la distinction n’existe plus à Chartres au XVIIIe siècle. D’ailleurs « matinier » a tendance à disparaitre au profit du seul terme d’« heurier ». Il est encore conservé sous sa forme archaïque de « matutinier » dans certains actes, ainsi dans la sentence rendue par la chambre des requêtes en 1707 contre Pierre Monnerot330, ou alors lorsqu’en septembre 1791 les chanoines de Saint-Piat entendent prouver leur statut de bénéficiers331. Dans le passage évoqué ci-dessus, Sébastien Rouillard est assez vague sur la période durant laquelle ont été instaurés les heuriers-matiniers : « d’ancienneté » ils sont vingt-quatre. Il est plus précis dans un second passage dans lequel il élabore une généalogie des évêques de Chartres : « Robert surnommé le Breton (selon d’Argentré livre premier chap.16 de l’histoire Armorique) fut apres lui pour Evesque soixante & troisiesme [...] il n’auroit en rien degeneré de la vertu de ses predecesseurs, ni diminué le relief de son grade, ainsi celui accreu, & rehaulsé par infinis actes pieux & meritoires. Ce fut lui qui premier introduisit le chant de musique en l’Eglise de Chartres, qui fit paver le devant du chœur d’icelle, avec une marqueterie de fort rare artifice »332 C’est l’époque retenue par la tradition chartraine : un « Tableau des musiciens du district de Chartres » non daté (probablement 1791) porte cette seule mention dans la colonne « observations » : « Nter La musique a pour premier fondateur Robert soixante troisième 329 CAILLOU François, MAILLARD Christophe, « Musiques et musiciens d’Église à la cathédrale Notre-Dame de Paris autour de 1790 », dans MUSÉFREM, op.cit., consulté le 5 janvier 2021, http://philidor.cmbv.fr/musefrem/notredame-de-paris. Le terme se rencontrait aussi à la cathédrale de Rouen au tout début du XIVe siècle : cf. POMMERAYE, Histoire de l’église cathédrale de Rouen..., op.cit., p.541 : « Les Chapelains de Dernétal s’appeloient anciennement les Clercs des Matines, auparavant mêmes que l’Archevesque G. de Flavacourt eust augmenté leurs distributions 330 Mémoires du clergé de France, tome 2nd, Paris, 1768, c.1262 : « aussi-tôt que ceux qui sont pourvus desd bénéfices sont congédiés par le chap & cessent d’exercer dans l’église de Chartres les offices & fonctions de chantres, heuriers & matutiniers, maîtres de musique & des enfans de chœur, clercs de l’œuvre, notaires & autres officiers servitoriaux établis dans lad église... » 331 Ad28/ G 564, p.6 : « [à] la vérité ces bénéfices étaient conférés aux M[usiciens], heuriers, Matutiniers etc ». 332 ROUILLARD, Parthenie..., op.cit., t.II, p.37 r°-v°. Voir aussi t.1, p.155 r° sq.. J.B. Souchet (1589-1654) — qui reprend souvent largement Rouillard — est moins prolixe : « Il y en a qui ont escrit que ce fut ce Robert, qui a introduit la musique en l’église de Chartres, autres le rapportent à son prédécesseur de mesme nom ». (SOUCHET Jean-Baptiste, Histoire du diocèse et de la ville de Chartres, Chartres, Garnier, 1868, t.2, p.478) 66 evesque de Chartres vers l'an 1148 »333. Ne surestimons pas pour autant la culture historique de tous les secrétaires de l’administration départementale. Selon toute probabilité le tableau a été dressé par Innocent-Jacques-Charles Soret qui occupe ce poste334 : il est lui-même ancien secrétaire et notaire du chapitre... et ancien chanoine de Saint-Piat. a. Dépendance et volonté d’indépendance du chapitre de Saint-Piat Une infrastructure socio-économique s’est progressivement mise en place pour pérenniser l’organisation de cette chapelle de musique. Un premier chapitre subalterne, dit « de SaintPiat » a été fondé au XIVe siècle pour entretenir douze musiciens. Sébastien Rouillard, toujours, le note un peu plus loin : « Or outre le loier celeste que peuvent esperer ces Heuriers & Matiniers, d’avoir exercé en ceste Eglise militante, la mesme fonction que les Anges en la triomphante fonction, qui consiste principalement à chanter sans cesse les loüanges divines, ils se peuvent encores promettre une recompense temporelle & certaine, au cas qu’ils facent bien leur devoir. Car les douze Prebendes de la Chappelle sainct Piat, en icelle Eglise de Chartres, leur sont tellement affectées, que toutes collations faictes à autres, seroient nulles, & non vallables, selon les bulles expresses du Pape Martin cinquiesme, de l’an 1427, ausquelles ledict Chapitre auroit adjouté double statut conforme, l’un du jour de la Chandeleur 1428, & l’autre de la feste de Jean Baptiste 1429, lesquels la Cour auroit suivis & confirmez par Arrest du neuviesme Juillet, mil cinq cens cinquante huict »335 En 1349 d’abord, Aymery de Chastellux, ancien évêque de Chartres, avait fait don de douze mille florins d’or afin de former une rente perpétuelle pour établir un collège de douze chanoines en la chapelle de Saint-Piat336, érigée à l’abside de la cathédrale vingt-cinq ans plus tôt337. Le patrimoine de Saint-Piat a peu à peu prospéré grâce à des dons et des fondations338 : de trois cents livre de rente annuelle au milieu du XIVe siècle, il en produit trois mille au milieu du XVIIe, soit deux cent cinquante livres par prébendier339. Fin mars 1791, les ex-chanoines de Saint-Piat estiment le revenu de leur prébende à dix-huit livres par semaine chacun, soit neuf cent trente-six livres par an et par bénéficier340. Le corps est à peu près complet durant l’essentiel du XVIIIe siècle341, mais il faut noter qu’il n’entretient pas que des musiciens stricto sensu. En 1790 par exemple, trois prébendes de Saint-Piat sont réservées l’une au maître de grammaire (Louis Léonard Moriette), les deux autres au secrétaire du chapitre (Innocent Jacques Charles Soret), et au clerc de l’œuvre (Mathurin Pierre Lepage). Les fonctions cantorales de ces trois hommes sont mal définies, et ils ne sont que partiellement intégrés à la sociabilité du corps de musique. 334 Voir SAINSOT, « La cathédrale de Chartres pendant la Terreur », op.cit., p.74. 335 ROUILLARD, Parthenie..., op.cit., t.II, p.117 r°. 336 Ad28/G544 ; ROUILLARD, Parthenie..., op.cit., t.I, p.145 r°. 337 FAIN Charlotte, « Patrimoine foncier et pratiques documentaires des chanoines de la chapelle de Saint-Piat de Chartres aux XIVe et XVe siècles », in DEWEZ Harmony, TRYOEN Lucie (dir.), Administrer par l’écrit au Moyen Âge : (XIIe-XVe siècle), Paris, Éditions de la Sorbonne, 2019, p.55. 338 Judicieux choix que celui de saint Piat pour attirer les dons des paysans beaucerons : il est vénéré comme saint patron du beau temps. 339 AMIET, Essai sur l’organisation du chapitre..., op.cit., p.142. Il cite à l’appui de ses dires « B. m. R. c. ms. 10092 f°402 et s. (28 février 1615) », manuscrit qui a brûlé dans l’incendie de 1944. 340 SAINSOT, « La cathédrale de Chartres pendant la Terreur... », op.cit., p.308. Pour une étude de l’évolution économique des prébendes, voir infra p.520. 341 Chronologie 4 p.282. 67 comme député du chapitre de Saint-Piat auprès de l'assemblée des trois ordres qui doit se réunir à Chartres pour préparer les États Généraux. Mais aucun de ces trois hommes n’est présent au mariage de Pierre Marie Boucher en 1792. Tous les trois d’ailleurs — et ce sont les seuls dans l’état actuel des connaissances — deviennent curés ou vicaires de paroisses après la Révolution. De toutes les formes d’organisation des corps de musique étudi ici, le chapitre de Saint-Piat est probablement celui qui offre la plus grande indépendance aux musiciens. Car ces douze chanoines forment un chapitre qui gère des biens et se réunit au moins une fois par mois, tient des registres capitulaires et affirme haut sa volonté d’autonomie. Sur le plan des réunions d’abord, les chanoines de Saint-Piat sont fermement attachés à leur indépendance. Ainsi en est-il du secret des réunions, réaffirmé en 1733 dans leurs registres capitulaires : « 9 janvier 1733 Sur ce qui a remontrés par Mr Homet qu’au préjudice du secret que l’on jure lorsqu’on est admis néanmoins on s’aperçoit que de bien des choses qui se font et disent au chapitre il en est révélées beaucoup et publiquement parlées. En sortes que ce qui devrait être secret devient public sans que l’on sache de quelle part. La compagnie juge à propos de délibérer a ce regard, et après avoir délibéré la compagnie a décidé que lorsqu’on aura connaissance de quelle part le secret aura été révélé, celui de la compagnie qui aura révélé ledit secret sera amendable de telle amende que la compagnie jugera a propos suivant l’importance du cas.342 » On ne sait, à la lecture des actes qui entourent celui-ci, quel avait été le secret révélé, et à qui. Il faut cependant noter que les réunions sont normalement présidées par un chanoine de la cathédrale. Si secret il doit y avoir, ce n’est donc pas par rapport au chapitre cathédral. Or ce dernier n’entend pas être relégué au simple rang de témoin des délibérations du chapitre de Saint-Piat. Non seulement il veille au vocabulaire qu’il emploie, mais il assure aussi une tutelle pointilleuse qui passe par la police des délibérations : « 25 juin 1732 M Vallon l’un de MM commis aux chapelles dit que ce matin il a assisté présidé aux chapitres généraux des chanoines de St Piat, qu’ils ont continué pour sindic M Langlois et que M Homet a été élu pointeur. Idem dit qu’il arrive souvent que pendant les délibérations dudit chapitre plusieurs de MM causent et n’écoutent point lesdites propositions Chapitre renouvellant les anciens règlements, ordonne que ceux de MM qui interrompront les délibérations seront mulettés à cent sols d’aumone. »343 Sur le plan archivistique, les actes de Saint-Piat se distinguent de ceux du chapitre de la cathédrale dans la seconde moitié du XVe siècle344. Ici encore les chanoines du bas chœur veillent jalousement à ce que cette séparation ne se limite pas à l’usage de registres différents, mais plus largement qu’elle consiste en une séparation des pièces où sont conservées les archives. « 24 décembre 1757 Mr Belhomme syndic a dit que Mr Alibert, chanoine de la Cathédrale et préposé à l’arrangement des archives du chapitre, proposait de donner ses peines et soins pour mettre en ordre les titres de la compagnie aux frais du chapitre de la Cathédrale à condition que les titres seraient transportés en leur trésor et mis dans des armoires séparées et fermant à clefs prohibitives dont l’une resterait en mains de l’archiviste dudit chapitre et l’autre en celles dudit Sr Syndic, qu’au 342 Ad28/G552, 9 janvier 1733 Ad28/G301. Ainsi barré sur le registre. contraire, si la compagnie désirait que ses titres ne sortissent point de place, il donnerait également ses soins gratis pour faire l’arrangement mais qu’il en couterait au moins 150 lt pour payer le scribe et les cartons. Sur quoi la compagnie après mures délibérations a décidé que ses titres ne sortiraient point de leur place ordinaire sauf a y mettre en temps et lieu l’arrangement nécessaire, pourquoi a député Mrs Belhomme et Nansot pour remercier Mr Alibert de sa bonne volonté et le prier de la vouloir conserver. »345 Encore une fois cependant, la séparation doit être relativisée. Ainsi fin mai 1770, au moment de la reddition des comptes, la chambre346 signale que « 26 mai 1770 depuis quelques années le sindic de St Piat ne fournit point au chapitre [de la cathédrale] un double de son compte pour être déposé à la chambre. Demande si la compagnie se contente du double qui est fourni au trésor de St Piat »347 Et le chapitre décide de se contenter de celui qui est déposé aux archives de Saint-Piat, puisque « M des chapelles ont une clef prohibitive »348. L’indépendance est très relative d’ailleurs, puisque ceux de Saint-Piat ne peuvent mettre de l’ordre en leurs archives que sous « le bon plaisir » du chapitre de la cathédrale. Ainsi en 1771 : « 7 août 1771 L’un de Mrs commis aux chapelles dit que les chanoines de St Piat ont chargé M Milcent l’un deux de travailler à [la recension] des fondations ; qu’il a fait son opération jusqu’en 1664 époque ou finit l’inventaire, que depuis ce temps il a des acquits, donations, aliénation, amortissements et autres ments qui exigent de longues et pénibles recherches attendu le désordre qui s’est introduit dans le trésor des archives de St Piat ; que pour rétablir l’ordre et faire un nouvel inventaire, Mrs les chanoines de St Piat ont résolu, sous le bon plaisir de la compagnie, de faire un marché avec Sr Duclos archiviste moyent la somme de 150 lt environ, qui sera prise sur le séquestre. Renvoyé à la prudence de Mrs les commis aux chapelles. »349 Les archives de Saint-Piat sont donc toujours concrètement sous l’étroite surveillance du chapitre de la cathédrale. Sur le plan financier, les douze mille florins avaient été confiés au chapitre de la cathédrale, et les chanoines de Saint-Piat ont dû à toute époque faire confirmer leurs marchés et leurs acquisitions par leur chapitre de tutelle. Les rappels à l’ordre périodiques par le chapitre de la cathédrale prouvent cependant que ceux de Saint-Piat s’exemptaient régulièrement de ce contrôle. Ainsi en 1762, « 26 juin 1762 Idem représente que les chanoines de St Piat traitent souvent d’affaires de très grande conséquence sans que MM commis aux chapelles soient appellés À fait lecture d’un acte capitulaire du 9 janvier 1655 portant que les chanoines de St Piat seront obligés de rendre leurs comptes à la chambre, et y laisser copie, d’y faire leurs étiquettes, et qu’ils ne passeront aucuns contrats que par devant les notaires du chapitre, que M le Sousdoyen avec MM commis aux chapelles leur feront signifier les dittes ordonnances, ainsi que celles qui suivent. Nous Doyen et Chapitre de Chartres pour le bien et utilité des chanoines de la chapelle de St Piat qui sont amovibles, et dépendent immédiatement et totalement de nous, avons ordonné ce qui 345 Ad28/G552, 24 décembre 1757. À Chartres « la chambre » désigne le groupe de chanoines de la cathédrale chargé d’expédier quotidiennement les affaires courantes. 347 Ad28/G330, 26 mai 1770. 348 Ce qui n’est pas sans rappeler la situation des archives du bas chœur rouennais : cf. ci-dessus : p.56 n.271) 349 Ad28/G330, 7 août 1771. Impossible de dire si l’opération fut réalisée ; on peut en douter lorsqu’on lit moins de huit ans plus tard que l’opération de mise en ordre des archives est proposée par un second archiviste pour la somme de quatre cents livres... (Ad28/G332, 10 juillet 1779, f°91r). 69 suit Premièrement avons ordonné que dorénavant lesdits chanoines ne feront aucune affaire concernant ladite chapelle sans nous y appeler, ou nos commis suivant l’ancienne coutume de notre église [...] »350 Le contrôle est souvent tatillon, attaché aux détails, comme en 1779 à propos du « partage des bois taillés » : « 23 août 1779 M De Vazeille un de MM commis à la chambre rapporte quelques difficultés ont arrêtés MM de la chambre dans l’examen du compte de St Piat. 1° que l’acte capitulaire qui accorde aux chanoines de St Piat le partage des chênes dépendants dud chapitre St Piat ne parle point du partage des bois taillés. 2° que led chapitre a fait pour la somme de 177 lt de dépense dans lesd bois tant pour nouvelles plantations que pour 300 toises de fossés autour desd bois, et ce sans être authorisés par la compagnie pourquoi demande qui supportera le payement de lad somme »351 Les investissements des chanoines de Saint-Piat, ne sont pas libres, mais soumis aux décisions du chapitre cathédral. « 25 juin 1785 Idem a dit que le 18 dudit mois a été renvoyé aux chapitres généraux pour délibérer sur l’emploi de la somme de 2134 lt 19s 6d qui reste du séquestre du chapitre de St Piat Ladite somme de 2000 lt sera placé sur le clergé dans l’emprunt présentement ouvert »352 Sur le plan de la collation des bénéfices, l’acte de fondation l’attribuait au seul chapitre de la cathédrale, à l’exclusion de la cour de Rome, ce que confirme une bulle de Martin V du 11 mai 1430. D’après Eugène de Lépinois, la fondation portait que les douze canonicats devaient être concédés à huit prêtres, deux diacres et deux sous-diacres353. En raison de la « disette de prêtres », il n’en est plus question au XVIIIe siècle, même si ce sont toujours des clercs qui en sont pourvus. Pour la génération en fonction en 1790 par exemple, on dénombre pour moitié des prêtres, pour moitié de simples clercs tonsurés354. Les contestations portaient surtout sur le caractère perpétuel ou révocable du titre — on aurait dit ailleurs ad nutum capituli. Pour le XVIIIe siècle, le principal moment de tension à ce sujet se déroule entre 1702 et 1707. Rappelons que ce tout début du XVIIIe siècle est une période de repli pour le chapitre cathédral. En 1692 Paul Godet des Marais devient évêque de Chartres et, fort de l’appui royal — il est le directeur de conscience de Mme de Maintenon —, il entend bien reprendre au chapitre la juridiction spirituelle que la compagnie exerce. Le 10 août 1700 il obtient un arrêt du parlement de Paris réduisant les chanoines au rôle de présentateur des cures du diocèse qu’ils contrôlaient, faisant de l’évêque l’unique collateur. À la suite de quoi les archidiacres, dignitaires du chapitre, sont remis sous tutelle : en 1704 l’évêque défend aux curés de l’archidiaconé de Pinserais de recevoir leur archidiacre en visite, ce que confirme un arrêt du Parlement de 1706355. C’est dans ce contexte que se tient le procès qui oppose le chanoine de 350 Ad28/G329, 26 juin 1762, f°255r. Ad28/G332, 23 août 1779, f°113r. Le chapitre accorde alors le partage des taillis et vieux chênes à Saint-Piat, mais fait payer par le séquestre de Saint-Piat la somme engagée. 352 Ad28/G334, 25 juin 1785, f°322v. Voir encore par exemple Ad28/G336, 20 décembre 1788... 353 LEPINOIS Eugène de, Histoire de Chartres, Chartres, Garnier éd., 1854, t.1. p.211 n.2 ; Ad28/G544. 354 Prêtres : Charles-Abraham et Félicien Chartier, Michel Delalande, Mathurin Lepage, Louis Léonard Moriette et Innocent Jacques Charles Soret ; clercs : Louis Delafoy, Pierre Louis Augustin Desvignes, Edme Dupont, Denis Guyot, Pierre Joseph Houbron, François Rommeru. 355 AMIET, « La juridiction spirituelle... », op.cit., p. 351 70 Saint-Piat Pierre Monnerot, au chapitre de Notre-Dame. Les registres capitulaires sont perdus pour la première décennie du XVIIIe siècle, et le dossier conservé aux archives départementales d’Eure-et-Loir n’est plus communicable356. Mais la chronologie peut être retracée grâce au second tome des Mémoires du clergé de France édité en 1716357. À la fin de l’année 1702 le chapitre de la cathédrale décide de congédier son clerc de l’œuvre, Pierre Monnerot, pour malversations358. Son canonicat de Saint-Piat lui est immédiatement ôté, et donné au curé de Champhol, Jean Langlois (11 décembre 1702359). Pierre Monnerot, « prêtre, licencié ès loix », porté donc peut-être par le contexte, présente le 29 janvier 1703, une requête au bailliage de Chartres et dans les quinze jours qui suivent, deux « demandes en réintégrande ». Son action porte contre le chapitre de Chartres, contre Jean Langlois son successeur, mais aussi contre le chapitre de Saint-Piat lui-même, qu’il accuse d’avoir indument reçu le sieur Langlois, par suite des provisions données par le chapitre cathédral. Ce dernier riposte par une requête présentée le 29 mars, pour « trouble dans le droit & dans la possession en laquelle ils sont depuis les bulles de Martin V & de Paul IV des années 1427 & 1555 de conférer comme vacantes les douze prébendes de la chapelle de saint Piat [...] aussi-tôt que ceux qui sont pourvus desdits bénéfices sont congédiés par le chapitre »360. Le procès s’enlise pour deux ans, mais Pierre Monnerot modifie son approche en tentant d’impliquer ses anciens confrères dans sa défense, en demandant par quel acte ils ont consenti « à la movibilité des douze canonicats de saint Piat & à la faculté d’en destituer quand il plait au chapitre » (3 septembre 1705). La manœuvre est un succès puisque le 11 janvier suivant, Claude Massot, au nom du chapitre de Saint-Piat demande à être reçu partie intervenante, en défendant l’idée que « lesdits canonicats seront déclarés en titres perpétuels & irrévocables ». L’affaire est compliquée par un procès entre Marin Girard, serviteur de l’église de Chartres, et le chapitre, contre Pierre Monnerot et Jeanne Chevalier sa servante, laquelle prétendait attribuer une paternité dont Monnerot serait responsable... (imprimé, vers 1705, G619, cité dans « Rapport de l’archiviste [Maurice Jusselin] au préfet sur les réceptions pour l’année 1931 », Conseil général du département d’Eure-et-Loir, 2e session ordinaire de 1931, Chartres, impr. Lainé et Tantet, p.348). 359 Ad28/G551, 11 décembre 1702. 360 Mémoires du clergé de France, op.cit., tome 2, c.1262. 361 Ibid., c.1266. 362 Ibid., c.1267. 357 71 l’acte de réception d’Edme Dupont qui prend la suite de Laurent Gaillourdet par exemple, celui-ci est-il dit « les a quittés librement en se retirant du service de la dite Eglise » 363. L’affaire connait un dernier rebondissement en septembre 1791. La municipalité de Chartres considérant alors que ceux de Saint-Piat n’étant pas bénéficiers en titre, ils ne peuvent profiter de l’article 10 du décret du 24 juillet 1790 qui fixe les pensions des anciens chanoines des chapitres supprimés. Dix des douze derniers chanoines signent alors une longue pétition adressée au district. « Oui les chanoines de St Piat jouissaient de revenus attachés à leurs bénéfices. Ils possédaient sous le titre de chanoines de St Piat les biens qui formaient leurs revenus. Ces biens étaient distincts et séparés de ceux du chapitre de Chartres. Les chanoines de St Piat régissaient leurs revenus comme tout autre corps ecclésiastique. Ils avaient un syndic, un notaire. Ils tenaient des assemblées capitulaires. Ils entretenaient ce qu’on appelait des homme vivant et mourant. Ils passaient les baux de leurs biens, recevaient et payaient les achats, rendaient et recevaient des aveux. [...] De même que les chanoines de N.D. de Chartres, les chanoines de St Piat avaient un office canonial qui consistait en une messe haute tous les jours. Ils sont assujettis au bréviaire comme les autres chanoines. Ils formaient si bien un corps, ils étaient si bien regardés comme des bénéficiers en titre, que le clergé du diocèse de Chartres les a toujours admis dans ses assemblées. À la faveur de ces titres ils étaient portés sur les registres des décimes sous le titre de Chanoines ou Chapitre de St Piat, et ils payaient leurs décimes en commun. À la faveur de ces titres, encore, tous les ans à la même époque, le chapitre de St Piat était convoqué pour voter par ses députés, avec les autres corps à l’élection des administrateurs du Bureau des pauvres. Enfin lors de l’élection des Députés aux Etats Généraux en 1789, on ne balança point à regarder les chanoines de St Piat comme bénéficiers formant un corps. Les lettres du Roi portant convocation leur furent signifiées comme aux autres corps et autres bénéficiers. » e, à partir de 1792 les chanoines ne Saint-Piat obtiennent des rémunérations ou des gratifications en fonction de leur durée de service. b. Un chapitre de Saint-Nicolas, vraiment? Le chapitre de Saint-Piat n’assurant la stabilité économique que de la moitié des musiciens, une seconde structure, dite « de saint-Nicolas », a été progressivement mise en place. En 1584 le grand-chantre Nicolas Thieursault établi six prébendes supplémentaires en la chapelle Saint-Nicolas de l’enceinte du cloître ; en 1614 le chanoine Claude Louppereau fonde les six derniers au même endroit. La France ecclésiastique dans l’édition de 1778 écrit : « Les canonicats de S. Piat & de S. Nicolas, affectés aux Officiers & Musiciens de l’Eglise Cathédrale, à la nomination du Chapitre ; les Canonicats de Thiersault, affectés aux Musiciens & Enfants de Chœur, à la nomination du Grand-Chantre, & collation du Chapitre. »365 La nomination par le grand-chantre est dans les faits tout honorifique, jamais dans les registres on ne le voit contester une proposition. Les deux fondations, cependant, ne sont pas toujours confondues dans la dénomination « chanoine de Saint-Nicolas », ce qui exige une approche rigoureuse — et prudente — pour affecter les hommes à Thieursault ou à Louppereau. La réglementation des chanoines de Saint-Nicolas — du moins ceux relevant de la fondation Louppereau — aurait été calquée sur celle des chanoines de Saint-Piat366. Si l’intention fût 363 Ad28/G553, 17 mai 1784. F-Ad28/G564, p.5-6, 7 septembre 1791 (Souligné dans le texte). 366 AMIET, Essai sur l’organisation du chapitre..., op.cit., p.143. Ad28/G628 : « Du samedi dernier février 1615 [...] Les six chanoines fondés en l’ église de St Nicolas sise au cloitre de l’église de Chartres par d’heureuse et recommandable mémoire M. Claude Louppereau vivant chanoine de ladite église, lesquels seront pris des 364 72 peut-être celle-là, il est probable que les chanoines de Saint-Nicolas n’en eurent jamais les prérogatives. Les archives qui nous restent sont infiniment moins riches, aucun registre capitulaire n’a été conservé... si tant est qu’ils aient un jour existé. Seuls les registres du chapitre cathédral ou les pièce s comptables nous apportent — de façon lacunaire — les noms des chanoines qui s’y sont succédés367 . Les douze canonicats de Saint-Piat sont pratiquement toujours pourvus au cours du XVIIIe siècle, mais c’est loin d’être le cas pour ceux de SaintNicolas368. Les chanoines de Saint-Piat se réunissent au moins une fois par mois, mais rien ne prouve l’existence de telles assemblées capitulaires pour ceux de Saint-Nicolas. Deux délibérations du chapitre cathédral données à huit mois d’intervalle sont à ce titre révélatrices : « 16 décembre 1777 M de Géraldin un de MM commis aux chapelles dit qu’il convient nommer quelqu’un pour faire le point de St Nicolas. Chapitre a nommé M Boucher pointeur de St Nicolas. »369 « 8 aout 1778 M Cormier un de MM commis aux chapelles dit qu’il a présidé le chapitre de St Piat que M Legrand a été continué syndic, que M Soret a été nommé pointeur et que MM Houbron et Rom ont été continués commis aux baux. Acte ledit sieur remercié »370 Dans le cas du chapitre de Saint-Piat, le chanoine de la cathédrale préside la réunion qui nomme les officiers du groupe. Il n’est nullement fait allusion à une telle réunion pour SaintNicolas, et le pointeur est directement désigné par le chapitre de Chartres371. En 1791 d’ailleurs, ils ne défendent pas comme le font les chanoines de Saint-Piat, l’idée qu’ils puissent former un corps de bénéficiers indépendant, alors qu’ils estiment les revenus liés à leur prébende à dix livres par semaine chacun372, situation intermédiaire entre ceux de Saint-Piat et les non prébendés. Pour conclure sur un plan symbolique, la chapelle Saint-Piat est toujours debout à l’abside de la cathédrale, alors que la chapelle Saint-Nicolas, avait été cédée dès 1702 à l’évêque Godet des Marais, et abattue l’année suivante pour agrandir la cour de l’évêché373. Le « chapitre » de Saint-Nicolas semble une structure plus proche des « collèges » rouennais — hors de la résidence commune —, que du chapitre de Saint-Piat. heuriers et matutiniers de ladite église seulement pour l’augmentation du divin service de ladite église de N. Dame et afin que ledit divin service soit plus célébrement fait suivant son testament... » 367 En particulier pour le XVIIIe siècle les « Fois et hommages par les chanoines de Saint-Nicolas » (G630), les « pièces de dépenses à l’appui des comptes de la chapelle Saint-Nicolas » (G631 à G637). 368 Infra p.547 sq. 369 Ad28/G331, 16 décembre 1777, f°926r. Boucher est chanoine de Saint-Nicolas. 370 Ad28/G331, 8 août 1778, f°1069r. Legrand, Soret, Houbron et Rommeru sont chan s de Saint-Piat. 371 Délibération similaire en 1780 pour la nomination d’un syndic de st-Nicolas (Ad28/G332, f°170v, 10 janvier 1780). 372 SAINSOT, « La cathédrale de Chartres pendant la Terreur... », op.cit., p.308 . 2.2.4. Du modèle au terrain : à Chartres, pas de distinction institutionnelle entre chapelle de musique et chapelle de plain-chant Théoriquement la structure du corps de musique de Chartres est composée de deux chapitres dépendants qui comptent douze musiciens chacun, celui de Saint-Piat et celui de SaintNicolas. Si le chapitre de Saint-Piat est assez constamment pourvu pour l’ensemble du siècle, celui de Saint-Nicolas est très rarement rempli, il faut donc compléter le plus souvent le corps des musiciens par des chantres non prébendés, qui peuvent par conséquent être des laïcs. Si l’on veut appliquer le modèle de Philippe Canguilhem à Chartres, il faudrait supposer que le chapitre de Saint-Piat correspond à la chapelle de musique puisque le maître de musique est systématiquement gratifié de l’une de ses prébendes, et donc que celui de Saint-Nicolas correspondrait à la chapelle de plain-chant. Or rien n’est moins sûr. Il faudrait, pour le prouver, remonter la prosopographie jusqu’au début du XVIIe siècle lorsque les fondations Thieursault et Louppereau installent les prébendes de Saint-Nicolas. Mais le premier chanoine de SaintNicolas qui apparait dans les registres conservés pour le XVIIIe siècle en 1724 est une hautetaille374, tessiture peu courante pour du plain-chant. En 1790 en tout cas, le modèle à deux chapelles ne fonctionne pas (Tableau 6375) : Jean-Michel Doineau, pour prendre ce seul exemple, chanoine de Saint-Nicolas depuis 1786 est « musicien haute-contre »376, bien éloigné sans doute de la quotidienne psalmodie. Hautes Basses Instrumentistes Maître de musique Saint-Piat Edme Dupont Michel Delalande (ancien maître) Louis Delafoy Denis Guyot Pierre Joseph Houbron François Rommeru Charles Abraham Chartier Félicien Chartier Saint-Nicolas Jean-Michel Doineau Pierre Marie Boucher Pierre André Courtois Louis Blanchet Julien Muguet Non prébendé Louis Pichot Jean Caillot Lucien Gaillard Élie Charles Brazon Thomas Macé Denis Prota (organiste) Henri Joseph Turben Pierre-Alexandre Goblin Pierre Louis Augustin Desvignes Tableau 6 : Le corps de musique de la cathédrale de Chartres en 1790 2.3. Blois : musique apparente, plain-chant caché? 2.3.1. Un diocèse formé à la fin du XVIIe siècle La situation de Blois est particulière, puisque de tous nos évêchés c’est le plus récent, érigé par démembrement de l’évêché de Chartres à la fin du XVIIe siècle. Étant donné la taille de ce dernier — considéré comme un des plus grands de France377, étaient parus dès le XVIe siècle des projets pour le diviser. L’importance de la population dont doit s’occuper l’évêque n’avait 374 Ad28/G298, 8 mai 1724, f°70r ; idem 11 avril 1725, f°187v. Pour mémoire, en 1790 trois prébendes de Saint-Piat sont occupées par des non-musiciens : le maître de grammaire des enfants de chœur, le secrétaire du chapitre et le clerc de l’œuvre. 376 « DOINEAU, Jean Michel (1768-1841) », dans MUSÉFREM, op.cit., consulté le 27 novembre 2022, http://philidor.cmbv.fr/ark:/13681/1hdkx5xyrvgnzebqi6j6/not-479103 377 LEPINOIS & MERLET, Cartulaire de Notre-Dame de Chartres..., op.cit., p.XLVI. 375 74 pourtant jamais vraiment convaincu, mais le poids de dix mille Nouveaux Convertis au lendemain de la Révocation relance les projets de partage378. La conjoncture est favorable au début des années 1690. En 1690 Louis XIV profite d’abord du décès de l’évêque de Chartres Ferdinand de Neufville de Villeroy, pour nommer à ce siège Paul Godet des Marais. C’est, on l’a dit, un proche de Madame de Maintenon, sensible à la lutte contre les « hérétiques »379, et acquis à un futur partage de son évêché. La France sort ensuite progressivement de l’affaire de la Régale. L’élection d’Innocent XII en 1691 permet d’envisager pour Blois un accord avec le Saint-Siège, négocié par le cardinal de Forbin-Janson380. Le nom de David Nicolas de Bertier est proposé par Paul Godet des Marais qui l’a choisi en 1692 comme grand vicaire avec pouvoir d’administrer le Blésois et le Vendômois. Il devient évêque de Blois le 22 mars 1693 par nomination du roi, bien que la bulle d’érection du nouvel évêché ne soit signé à Rome que le 1er juillet 1697381. La cour pontificale exige effectivement, avant de donner son accord, le consentement de tous les partis concernés. Entre 1690 et 1697, David Nicolas de Bertier doit donc lever deux oppositions principales. La première vient du chapitre de Chartres, « ce “grand corps”, “celui que nous avons le plus à ménager” et qui “est si difficile à remuer” »382. Les archidiacres de Blois, de Vendôme et du Dunois, en particulier, verraient leur archidiaconé largement réduit par la division de l’évêché. La seconde opposition vient de la ville de Blois même, lorsqu’il faut transformer une église en cathédrale. Le choix se porte d’abord sur l’église de Saint-Lomer occupée par les bénédictins de Saint-Maur. L’édifice est adossé aux bâtiments et aux jardins de l’abbaye, qui formeraient un futur palais épiscopal idéal. La mense abbatiale fournirait la base des revenus de l’évêque. Mais malgré les compensations promises, le projet n’est pas du goût des religieux qui, dans un mémoire adressé à David Nicolas de Bertier puis au confesseur du roi, le père François de la Chaize, avancent des contre-propositions. La cathédrale pourrait selon eux occuper au choix deux autres édifices blésois, par exemple l’église collégiale Saint-Sauveur, « belle et spacieuse », avec « musique et belles cloches », déjà pourvue d’un chapitre et d’un cloître383, sise dans l’avant-cour du château. Ou encore l’église paroissiale Saint-Solenne, « très belle » et « que l’on peut considérer comme l’ouvrage de Sa Majesté... Elle est dans le plus bel endroit de la ville et domine sur toutes les autres par son élévation »384. Leurs arguments l’emportent, et finalement l’église Saint-Solenne est préférée, mais les bénédictins doivent abandonner au futur évêque une part majeure de leurs revenus385, à commencer par ceux de la mense abbatiale . 378 PONCET Olivier, « La cour de Rome et les créations de diocèses au XVIIe siècle : l’exemple du diocèse de Blois (1693-1697) », in CHAIX G., Le diocèse. Espaces, représentations, pouvoirs (France XVe-XXe siècles), Paris, Éd. Du Cerf, coll « Histoire religieuse de la France », 2002, p.47-66. 379 LE BRUN Jacques, « Paul Godet des Marais, évêque de Chartres (1648-1709) », Mémoires de la Société archéologique d'Eure-et-Loir, 1964-1968, tome 23, p.47-78. 380 GALLERAND Jules, « L’érection de l’évêché de Blois (1697) », Revue d’Histoire de l’Eglise de France, t.XLII, 1956, p.175-228. 381 Consultable dans les Mémoires du clergé, t.II, 1716, c.186-197 ; suivi des lettres patentes de mars 1698 confirmatives de la bulle d’érection, c.197-204. 382 GALLERAND, « L’érection de l’évêché de Blois... », op.cit., p.209. 383 Mémoire présenté́ à M. l'abbé́ de Berthier [sic] par les religieux, prieur et couvent de l'Abbaye de St. Laumer de Blois, sur ce qu'ils ont appris par le bruit public qu'on a dessein d'établir un siège episcopal dans leur abbaye, Bibliothèque municipale de Grenoble, BB 14152, cité par GALLERAND, « L’érection de l’évêché de Blois... », op.cit., p.185. 384 Ibidem. L’église avait effectivement été frappée par la foudre en 1678 et reconstruite grâce à des fonds royaux. 385 GALLERAND , « L’érection de l’ évêché de Blois... », op.cit., p .194. Notons que cette pratique se poursuit pour les érections du XVIIIe siècle : « tout le monde était d’accord pour faire payer la note aux réguliers » (cf. ME YER 75 2.3.2. Un haut chœur dual Le chapitre de Saint-Sauveur, composé de douze chanoines et de cinq dignités386, forme l’armature du chapitre de la cathédrale. Le prieur-curé de Saint-Solenne a rang de sixième dignité du chapitre. L’opération permet de donner une assise temporelle solide au nouveau chapitre. La collégiale de Saint-Sauveur née à la fin du XIe siècle, avait largement bénéficié des largesses des comtes de Blois mais aussi des rois de France387. Les registres capitulaires du chapitre de la cathédrale se reportent ainsi régulièrement aux délibérations du XVIe et XVIIe siècle, marquant la continuité du corps. Le chapitre est cependant de taille médiocre dans la hiérarchie des chapitres cathédraux, équivalent aux petits diocèses du Sud de la France, Béziers, Rieux ou Pamiers. Pour lui donner de l’ampleur, le chapitre de la collégiale SaintJacques de Blois388 lui est adjoint en juillet 1699389. S’ajoutent donc cinq chanoines aux douze premiers, la sixième prébende de Saint-Jacques, réservée au prieur-curé de Saint-Honoré, étant éteinte en 1707 pour conforter le revenu de la mense Saint-Jacques390. Simultanément en 1699 sont ajoutés aux six premiers dignitaires deux archidiacres. Le haut chœur se stabilise donc à dix-sept chanoines, soit un nombre comparable à celui des cathédrales bretonnes (Tréguier, Vannes ou Dol), à celui de Carcassonne, de Mende ou de Dijon391, mais bien en de à de la moyenne des chapitres de la France septentrionale (Carte 4). L’union du chapitre de Saint-Sauveur et celui de Saint-Jacques est pourtant imparfaite. Suivant le décret d’union, ils « feront conjointement le service divin dans la cathédrale et ne composeront à l’avenir qu’un seul et même chapitre sous l’invocation de saint Louis, roi de France ». Les inégalités cependant demeurent fortes, d’abord sur le plan des revenus. À la fin du XVIIIe siècle, la prébende d’un chanoine de Saint-Sauveur rapporte annuellement 1.707 livres, huit muids et quatre septiers de grains, contre 925 livres et quatre muids pour une prébende de Saint-Jacques392. Les tensions sont régulièrement vives393, et rapprochent la Frédéric, « Nouveaux évêques pour nouveaux diocèses. Les prélats des nouveaux évêchés du XVIIIe siècle », in GOMIS, Les évêques des Lumières..., op.cit., p.42). 386 Doyen, chantre, sous doyen, prévôt, trésorier. Les dignitaires ne sont pas forcément pourvus d’une prébende. 387 BEAUNE Colette, « Saint-Sauveur église dynastique », in Jeanne d’Arc à Blois, histoire et mémoire. Actes des “Journées d’histoire” Jeanne d’Arc à Blois – 1429, 2012, Blois, Société des Sciences et Lettres de Loir-et-Cher, 2013, p.33-46. 388 SAUVAGE Jean-Paul, « Grandeur et décadence de l’hospice Saint-Jacques à Blois (1358-1700) », Mémoires de la Société des Sciences et Lettres de Loir-et-Cher, t.61, 2006, p.2-41. 389 Adioc Blois / 1H, « 3° Mémoire abrégé sur la formation et constitution actuelle de l’église de Blois », s.d. 390 En compensation, le prieur-curé devient chanoine honoraire, prenant place après chanoines titulaires dans les hautes stalles, lorsqu’il assiste aux offices. 391 C’est toujours l’indication de la France ecclésiastique en 1788, qui indique « Le doyenné, les premier et deuxieme archidiaconés à la nomination de l’Evêque ; la chantrerie & la trésorerie, à celle du chapitre ; le sousdoyenné & la prévôté, à celle du Roi ; les 12 canonicats de la mense S. Sauveur, à la nomination du Roi & du Chapitre alternativement ; les 5 canonicats de la mense S. Jacques, à la nomination du Roi. » 392 GUERRIER Alain, « Les chan oine s du Chapitre cathédral de Blois au XVIIIe siècle », Mémoires de la société des Sciences & Lettres de Loir-et-Cher, t.69, 2014 , p.69 393 Adioc Blois / 1H, « 3° Mémoire abrégé sur la formation et constitution actuelle de l’église de Blois », s.d. : « MM de St Sauveur préoccupés de leur droit d’ainesse et jaloux de leur prééminence et prérogatives ont cherché dans tous les temps a exercer une espece d’empire et de domination sur tous les bénéficiers de l’église, tantôt sur les simples dignités, ou non chanoines de leur mieux en les dépouillant des droits dont ils avoient été en possession depuis l’érection de la cathedrale [...] tantôt sur les chanoines de la manse de St Jacques [...] d’autrefois enfin contre les chapelains et bénéficiers à leur collation » 76 situation blésoise des rivalités qu’il peut y avoir à Bordeaux394 ou à Clermont395 entre chanoines prébendés et semi-prébendés. 2.3.3. Structure du bas chœur, place de la musique Quant au bas chœur, il est lui aussi essentiellement issu de celui de la collégiale Saint-Sauveur. Les chapelains sont traditionnellement appelés deux fois par an, la première fois au chapitre qui suit la Trinité d’été (premier dimanche après la Pentecôte), la seconde à celui qui suit la Trinité d’hiver (en novembre). Le premier appel que nous ayons conservé, celui du 14 juin 1718396 recense vingt-neuf chapelains397 et un « vicaire perpétuel ». Leur nombre, comme souvent, va cependant en se réduisant : la chapelle de Saint-Sébastien puis celle de SaintEustache disparaissent au cours du XVIIIe siècle (Chronologie 1). Ces chapelles sont « à la pleine et entière collation du chapitre, non compris quatre chapelles royales à nomination du roi »398. Or ce bas chœur forme une communauté unie par des intérêts matériels, dite « confrérie de Saint-Sébastien » : « C’est ici qu’il faut observer qu’outre le revenu attaché a chaque titre de chapelles en particulier, MM les chapelains ont une communauté qui a des biens séparés et appartenans a cette communauté, et les chapelains prêtres s’assemblent tous les lundy après matines pour exercer entre eux une espece de discipline dont ils sont en possession depuis un tems immémorial, régler certains offices, fondations d’obits, acquits de messes qui leurs sont propres, arrêter le point sur les membres de leur communauté, régir et affermer les biens qui en dépendent, en faire la distribution recevoir les comptes du receveur. »399 Ainsi lorsqu’à la mi-août 1779 le chapitre veut installer des armoires dans le tour de chœur à l’usage des chapelains, la décision est prise conjointement par le chapitre de la cathédrale et par la confrérie, et son exécution est suivie par une commission commune : 394 LOUPES, Chapitres et chanoines..., op cit., p.163-165 DA SILVA, « Le chapitre cathédrale de Clermont... », op.cit., p.70-73. 396 Ad41/G212, f°3. 397 Sainte-Catherine, Saint-Denis (2 portions), Saint-Éloi, Saint-Etienne, St-Eustache (3 portions), Saint-Genou, Saint-Guillaume, Saint-Jean (4 portions), Saint-Jean-de-Collier, Saint-Louis, Saint-Nicolas, Notre-Dame-duBenoitier, Notre-Dame-Grosse-Mère-de-Dieu, Notre-Dame-de-Morvilliers, Notre-Dame-sous-le-pulpitre (2 portions), Saint-Sylvain, Saint-Sébastien, Sainte-Barbe, Saint-Antoine, Saint-Thomas-de-Cantorbie [sic], SaintQuentin, Saint-Jacques. 398 Adioc Blois / 1H, « 3° Mémoire abrégé sur la formation et constitution actuelle de l’église de Blois », s.d. Les quatre dernières de la liste de la note précédente sont de nomination royale. 399 ADioBlois /1H, « 3° Mémoire abrégé sur la formation et constitution actuelle de l’église de Blois », s.d.
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